Je me félicite qu’Haropa Port et SNCF Réseau se soient engagés dans la recherche de solutions concrètes pour le déploiement du ferroviaire sur l’axe Seine. La recherche d’un accord marque une étape importante dans le déploiement du fret ferroviaire, car elle soutient la création d’un corridor logistique et industriel décarboné à l’échelle de l’axe, en lien avec la stratégie nationale bas-carbone et l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.

Enfin, si l’enjeu du report vers le fret ferroviaire est avant tout celui de la massification du transport de marchandises et de sa décarbonation, la question du coût des modes de transport combiné ne peut être négligée.

Je me permets d’insister sur un point trop peu évoqué et pourtant essentiel pour la compétitivité du transport ferroviaire, à savoir les aides au transport combiné, aussi appelées « aides à la pince ». Cette aide s’élève à 23 euros par transbordement et vise à couvrir une partie du coût réel de l’opération. Elle permet de réduire l’écart de compétitivité entre le rail et la route.

L’enveloppe budgétaire allouée dans le cadre du plan Fret était de 47 millions d’euros par an pour la période 2021-2024. La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire a prévu de maintenir le niveau de cette aide jusqu’en 2027, et le précédent gouvernement a pris l’engagement en novembre dernier de préserver ce soutien complémentaire jusqu’en 2030.

C’est bien, mais il faut aller encore plus loin. Concrètement, il s’agirait de concentrer ces aides sur les axes stratégiques.

Face aux impératifs climatiques et énergétiques liés au transport de marchandises, le fret doit être la solution. Nous le savons tous ici : le rail est le mode de transport massifié par excellence pour tous les grands pays.

L’objectif est donc clair : faire du fret ferroviaire, non pas un complément, mais un pilier de notre politique industrielle, environnementale et territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe GEST. – M. Franck Dhersin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice Canayer, je vous remercie de votre question, qui me donne l’occasion de parler des grands ports maritimes.

Vous le savez : la mobilisation de ces modes de transport massifiés que sont le ferroviaire et le fluvial pour la desserte des hinterlands est un enjeu majeur pour les ports, en particulier pour les grands ports maritimes. Non seulement elle permet la massification des flux de marchandises, mais elle constitue un levier de croissance et d’attractivité pour les ports français et favorise l’optimisation des flux du transport maritime lui-même.

En 2023, 22,5 % des pré- et post-acheminements portuaires relevaient des modes massifiés – plus précisément, le ferroviaire représentait 11,5 % de ces flux, et le fluvial 11 %. Ce niveau est stable depuis la sortie de la crise sanitaire, mais nous devons, collectivement, être plus ambitieux.

À cette fin, nous avons déployé deux stratégies nationales complémentaires : la stratégie nationale portuaire (SNP) en 2021 et la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire en 2022.

Ces documents-cadres se traduisent par divers engagements financiers. Au total, 164 millions d’euros doivent être mobilisés entre 2023 et 2027 pour améliorer la desserte de la multimodalité ferroviaire et fluviale de nos ports maritimes.

J’en viens plus spécifiquement au port du Havre, qui vous est si cher, à juste titre. La logistique et la multimodalité sont au cœur de son développement.

Premièrement, sur le volet fluvial, je pense à la réalisation de la chatière, qui sera opérationnelle en 2026. Cet aménagement vise à connecter directement au fleuve le port en eau profonde de Port 2000, qui, comme vous le savez, accueille les principaux terminaux et containers du Havre. Cet aménagement renforcera considérablement l’efficacité de notre chaîne logistique.

Deuxièmement, sur le volet ferroviaire, Haropa Port poursuit la régénération et la modernisation de son réseau ferré. Les dessertes terrestres de Port 2000 bénéficient notamment d’une opération de 25 millions d’euros. Le projet structurant de port Seine-Métropole Ouest (PSMO), plateforme multimodale, viendra compléter le dispositif d’ici à 2040, grâce à un investissement de plus de 120 millions d’euros.

Madame la sénatrice, vous pouvez être assurée de la détermination du Gouvernement à faire du Havre un hub multimodal d’excellence.

J’aurais voulu en dire davantage au sujet de la LNPM. J’ai conscience du caractère primordial de ce projet pour votre région, et je précise à ce titre que M. Serge Castel est le nouveau délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine. Nommé tout récemment, il doit poursuivre au plus vite la concertation avec les élus. Nous allons l’installer officiellement et je présiderai le premier comité de pilotage.

Mme Agnès Canayer. Merci, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un sujet majeur pour notre économie, pour l’environnement et pour l’avenir de notre système de transport : celui du fret ferroviaire.

Nous le savons tous ici, le fret ferroviaire a connu de nombreuses difficultés en France. Entre 1990 et 2000, le trafic est resté relativement stable, autour de 52 milliards de tonnes-kilomètre. Puis, à partir des années 2000, il a commencé à baisser régulièrement.

La crise économique de 2008 a fortement aggravé la situation. En 2010, le trafic est ainsi tombé à 30 milliards de tonnes-kilomètre et, depuis lors, il n’a pas vraiment rebondi.

La part du fret ferroviaire dans l’ensemble du transport de marchandises a elle aussi chuté. Elle est passée de 20 % en 1990 à environ 10,5 % en 2006 et, depuis cette date, elle n’a pas progressé.

Cette situation s’explique par plusieurs facteurs connus.

Tout d’abord, la géographie industrielle de la France n’est pas favorable à un réseau ferroviaire performant : les sites de production sont dispersés, ce qui rend difficile la concentration des flux nécessaires à la rentabilité du rail.

Ensuite, la part de l’industrie dans notre économie a fortement baissé au cours des vingt dernières années.

Enfin, de nombreux clients demandent aujourd’hui des livraisons très rapides et flexibles, ce qui favorise le transport routier.

Pourtant, le fret ferroviaire présente de nombreux avantages. C’est un mode de transport beaucoup moins polluant que la route. Il consomme moins d’énergie et émet moins de gaz à effet de serre. Un train de marchandises remplace plusieurs dizaines de camions, ce qui signifie moins de bouchons, moins d’accidents et moins de pollution.

Dans le contexte actuel, marqué par l’impératif de transition écologique, il est essentiel de développer les modes de transport propres, et le fret ferroviaire en fait partie. Il permet aussi de renforcer la résilience de nos chaînes logistiques. Il pourrait jouer un rôle important pour désengorger les routes et mieux organiser nos flux de marchandises à l’échelle du pays.

Toutefois, la relance du fret ferroviaire exige d’importants investissements. Il faut moderniser les infrastructures, remettre en service certaines lignes abandonnées ou encore construire de nouveaux terminaux. Il faut aussi adapter le réseau aux besoins actuels : augmenter la capacité, faciliter les connexions entre rail et route, et rendre le système plus fiable.

Face à ces enjeux, le Gouvernement a lancé, en 2021, une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire.

En outre, en mars dernier, a été publié le rapport Ulysse, élaboré conjointement par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) du ministère des transports, SNCF Réseau et l’alliance 4F.

Les auteurs de ce rapport préconisent notamment 4 milliards d’euros d’investissement sur la période 2023-2032, 2 milliards d’euros étant déjà engagés d’ici à 2027. Ils proposent des actions concrètes, comme la remise en état de 2 700 kilomètres de lignes dites capillaires, utilisées principalement pour le fret. Près de 200 millions d’euros sont également prévus pour moderniser la gestion du trafic et améliorer le partage de données.

Le programme Ulysse va dans le bon sens. Mais, pour sa réussite, plusieurs conditions doivent être réunies.

Monsieur le ministre, comment allez-vous garantir que ces investissements seront bien réalisés dans les délais prévus et comment comptez-vous organiser le suivi du plan Ulysse ? Comment le Gouvernement entend-il assurer la pérennité des lignes de fret existantes, notamment celles qui sont menacées par des restructurations, ainsi que le maintien des petites lignes, avec le démantèlement de Fret SNCF ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre intervention : vous venez de résumer une grande partie de notre débat.

Le Gouvernement a pleinement conscience des impacts à la fois écologiques et économiques d’un éventuel désengagement du fret ferroviaire. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’un soutien massif et structuré au secteur – vous l’avez souligné –, notamment via la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire.

Cette stratégie se traduit par deux engagements financiers, qui me semblent de nature à vous rassurer : premièrement, le renforcement considérable du soutien à l’exploitation ; deuxièmement, l’effort massif en faveur des infrastructures, notamment la rénovation des voies capillaires, si importantes pour le fret ferroviaire.

Cet effort doit maintenant être amplifié – vous l’avez dit vous-même. C’est tout l’enjeu de la conférence de financement Ambition France Transports, qui va s’ouvrir le 5 mai prochain,…

M. Jean-Pierre Corbisez. Tout à fait !

M. Philippe Tabarot, ministre. … en présence de M. le Premier ministre.

Je plaide depuis des années pour que les recettes des transports financent le développement de l’ensemble des transports.

Vous avez cité le rapport Ulysse Fret, publié en mars dernier. Ce document constitue véritablement notre feuille de route pour la période 2023-2032. Il résulte d’une large concertation entre l’État, SNCF Réseau et – c’est là le plus important – les acteurs de la profession. Il pourra servir de base à la prochaine conférence de financement.

Enfin, vous avez évoqué les livraisons rapides. Vous avez raison de souligner qu’elles contribuent à renforcer le mode routier. Face à ce constat, nous devons envisager de nouvelles évolutions. Ce sujet fait d’ailleurs l’objet de travaux depuis un certain nombre d’années : je pense en particulier à l’excellent rapport de Nicole Bonnefoy et de Rémy Pointereau, dont les recommandations doivent maintenant être mises en œuvre. Nous devons faire preuve, à cet égard, d’un grand volontarisme !

M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin.

M. Franck Dhersin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à remercier les membres du groupe communiste d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour.

On le constate une fois de plus ce soir, sur la relance du fret ferroviaire, il y a beaucoup à dire.

Nous avions tous ici pour ambition que la part modale du fret ferroviaire avoisine les 25 % à l’horizon 2030. Mais il est d’ores et déjà acquis que cet objectif ne sera pas atteint. Pis encore, il semblerait qu’au titre de l’année 2024 la part modale du fret ferroviaire ait un peu régressé.

Les années passent et le constat demeure : pourquoi a-t-on tant de mal à faire progresser le transport ferré de marchandises dans notre pays ? Sa part modale est deux fois plus élevée outre-Rhin et trois fois plus élevée chez nos voisins helvètes.

Quand on interroge les chargeurs, ils nous font comprendre que le critère fondamental, pour eux, est le respect des délais d’acheminement. Il faut le dire, le fret est trop souvent devenu la variable d’ajustement du réseau. Il dispose de sillons insuffisamment qualitatifs, souvent perturbés par des travaux nocturnes. Les temps de trajet ne sont pas assez compétitifs face au mode routier : le constat est clair.

L’état général du réseau est un autre élément majeur d’explication. Les lignes dites secondaires, largement empruntées par les trains de marchandises, souffrent d’un manque criant d’investissement. Il n’est pas possible d’y rouler à une vitesse commerciale satisfaisante.

Monsieur le ministre, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, l’ensemble des groupes politiques du Sénat ont déploré le manque d’investissement de l’État dans le réseau. Sans revenir sur ces discussions – nous ne saurions nous répéter inlassablement ! –, je vous soumets une proposition à même de rendre notre réseau plus robuste et, in fine, de faciliter les circulations de fret comme de voyageurs.

Le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne – l’EU ETS, déjà cité – connaît une importante augmentation de ses recettes depuis deux ans.

De plus, depuis 2024, une directive européenne oblige les États membres à flécher 100 % de ces fonds vers des dépenses vertes. Une partie de ces crédits est d’ores et déjà attribuée à l’Agence nationale de l’habitat (Anah), pour financer les travaux de rénovation. Ne pourrions-nous pas en flécher une autre partie vers la régénération du réseau ferroviaire ? Jusqu’à présent, une part de ces fonds reste affectée au budget général de l’État, et nul ne peut savoir si cet argent est bien utilisé pour des projets favorables à l’environnement. (M. Alexandre Basquin acquiesce.)

Aussi, je propose de flécher une partie de ces crédits de manière inconditionnelle et pérenne à l’entretien du réseau et une autre partie à SNCF Réseau, à titre de dédommagement, pour compenser la baisse des péages ferroviaires sur les dessertes jugées non rentables aujourd’hui, mesure à même de renforcer le nombre de circulations.

Grâce aux droits de péage dégagés, les opérateurs alternatifs pourraient apporter 600 à 900 millions d’euros de recettes annuelles supplémentaires au réseau d’ici à 2030-2035. En dix ans, ce dernier disposerait ainsi de 1,5 milliard à 2 milliards d’euros de recettes annuelles supplémentaires, à condition qu’il bénéficie d’une part des crédits d’ETS au moins égale à celle qui est aujourd’hui destinée à l’Anah, c’est-à-dire 700 millions d’euros par an.

Nous ne ferons pas de miracle avec le peu de moyens financiers dont nous pouvons disposer actuellement. Il faut faire preuve d’audace si nous voulons redresser notre réseau et ainsi redonner de la compétitivité à ce mode face à la route.

Monsieur le ministre, allez-vous défendre cette position auprès du Premier ministre, pour convaincre enfin le Gouvernement de flécher une partie de l’ETS vers le secteur ferroviaire ?

Rendez-vous le 5 mai à Marseille !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur Dhersin, je vous remercie de votre intervention.

Vous formez le vœu que la part modale du fret atteigne 25 % en 2030 : ce serait extraordinaire ! Certes, un certain nombre de pays européens atteignent d’ores et déjà ce taux, mais nous conservons l’objectif de doublement de cette part, pour la porter de 9 % à 18 % – elle est aujourd’hui de presque 11 %.

Ce choix s’explique par plusieurs raisons, que vous avez évoquées, auxquelles s’ajoutent la crise de notre industrie, qui perdure depuis un certain nombre d’années, et la non-taxation de la route – cher Olivier Jacquin, je ne reviens pas sur cette décision prise par la ministre d’alors, que j’ai citée tout à l’heure…

Vous évoquez d’autres formes de financement. À cet égard, plusieurs pistes peuvent être explorées : nous en parlerons lors de la conférence de financement qui se tiendra…

M. Franck Dhersin. Le 5 mai ! (Sourires.)

M. Philippe Tabarot, ministre. Tout à fait : ce sera à Marseille, en présence de M. le Premier ministre – je ne l’avais peut-être pas encore dit. (Nouveaux sourires.)

Les participants seront appelés à innover, à faire preuve de créativité, pour identifier des sources pérennes de financement. Quelques pistes ont déjà été évoquées, notamment au sujet de la route.

Comme le propose l’alliance 4 F, nous devons également réfléchir à un financement privé sur certains aspects.

Enfin – vous l’avez très justement dit –, je suis favorable à l’affectation de nouvelles recettes au secteur des transports, notamment au titre des ETS. Évidemment, le ministère des transports n’est pas seul sur le coup ! Mais il serait tout à fait logique qu’une part de ces crédits reviennent au secteur ferroviaire.

Je n’ai pas attendu l’organisation de la conférence de financement pour défendre cette idée auprès des services de Matignon et, bien sûr, de Bercy. Peut-être ce rendez-vous nous permettra-t-il d’avancer en la matière. En tout cas, c’est mon souhait, et je sais qu’un certain nombre de membres de cette assemblée, notamment vous, ont le même objectif.

M. Franck Dhersin. Merci beaucoup !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Delia.

M. Jean-Marc Delia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la relance du fret ferroviaire est un enjeu majeur. Il focalise en ce sens de très nombreuses attentes, qu’il s’agisse de la transition écologique, de la compétitivité économique ou de l’équilibre de nos territoires.

Étant moi-même petit-fils de cheminot, ce sujet me touche particulièrement. J’ai grandi en écoutant les récits de ces femmes et de ces hommes qui ont fait vivre notre réseau ferroviaire, souvent dans l’ombre, mais avec une passion et un dévouement sans faille.

Aujourd’hui, le Gouvernement affiche une ambition forte : doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici à 2030, en la portant de 9 % à 18 %, conformément à la loi Climat et Résilience.

Réaffirmée par la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, cette volonté se décline en plusieurs axes structurants. Elle s’appuie en outre sur le programme Ulysse Fret, dont la feuille de route a été précisée en mars 2025 par le ministère des transports, SNCF Réseau et l’alliance 4F.

Soyons clairs : pour relancer le fret ferroviaire, il faut des actes forts, pas seulement des discours.

Le premier pilier de cette politique, c’est un investissement massif, avec le plan Ulysse Fret. Nous devons disposer des crédits nécessaires pour moderniser notre réseau, rénover nos gares de triage, créer de nouveaux terminaux de ferroutage et redonner vie à nos lignes capillaires.

Ces investissements sont vitaux, car ils permettront de préparer l’avenir. Grâce à eux, on évitera la dégradation du service – à défaut, plus de la moitié du trafic de fret serait menacée dans la décennie à venir.

Dès 2026, 62,5 millions d’euros, puis 75 millions d’euros, seront injectés chaque année pour entretenir et rénover nos voies de service. On parle non pas de rustines, mais d’une vraie cure de jouvence pour notre réseau !

Cette évolution nécessaire doit s’appuyer sur le réseau existant, que des générations de cheminots ont patiemment tissé.

Le deuxième pilier de cette politique est un soutien financier renforcé de l’État. Ce sont non plus 170 millions d’euros, mais 200 millions d’euros qui seront versés chaque année, et ce jusqu’en 2030. Ce soutien, c’est le gilet de sauvetage d’un secteur dont la rentabilité reste fragile, notamment avec la transformation de Fret SNCF et la création de nouvelles entités comme Hexafret et Technis pour répondre aux exigences européennes. La stabilité financière offrira la visibilité nécessaire aux opérateurs pour investir et innover.

Le troisième pilier est le développement du transport combiné et de l’intermodalité : la stratégie nationale vise à tripler le volume du transport combiné en dix ans, en modernisant les infrastructures multimodales et en améliorant l’articulation entre le rail, le fluvial et le portuaire. En 2025, le schéma directeur des transports de semi-remorques va donner un vrai coup d’accélérateur à cette dynamique.

Le quatrième pilier est l’amélioration de la qualité de service. Fiabilité, ponctualité et compétitivité : tels sont les maîtres mots. À cet égard, on mise sur la digitalisation, l’innovation et la simplification des procédures pour les chargeurs.

Le plan Ulysse Fret entend offrir un service moderne et efficace, à la hauteur des attentes du marché. Mais les défis sont considérables.

Avec sa flexibilité et ses coûts souvent imbattables, la route continue d’exercer une forte concurrence. En parallèle, le modèle économique du fret ferroviaire demeure fragile, plombé par des péages élevés et un manque de visibilité à long terme.

Comme le disent souvent les cheminots, un train qui passe, ce sont des dizaines de camions en moins sur les routes. Aujourd’hui plus que jamais, cette maxime doit guider nos politiques.

Les contraintes européennes, notamment l’obligation pour Fret SNCF de céder ses activités rentables, fragilisent la filière et risquent de renvoyer des flux vers la route.

Enfin, la modernisation du réseau exige une planification rigoureuse. Cet effort est indispensable pour répondre aux besoins de la logistique urbaine et des dessertes fines du territoire.

Dans ce contexte, le programme Ambition France Transports, pilier de la relance du fret ferroviaire, doit apporter des réponses concrètes : investissements massifs, soutien financier pérenne aux opérateurs ou encore promotion de l’innovation et de l’intermodalité. Ce sont là des leviers indispensables pour répondre aux attentes des chargeurs et accompagner la transition écologique du secteur.

Mes chers collègues, relancer le fret ferroviaire, c’est mettre sur les rails un train plus performant. Ce travail suppose de l’huile de coude, des investissements solides et de la technicité. C’est aussi un devoir envers ceux qui ont fait du rail l’épine dorsale de notre économie. Grâce à Ambition France Transports, ce train-là pourrait arriver à destination.

Avec l’État, les collectivités territoriales, les opérateurs et les chargeurs, embarquons tous ensemble dans ce train de la transition écologique, avant que les transports routiers ne prennent définitivement la tête du convoi. C’est à ce prix que nous réussirons la transition écologique, renforcerons la compétitivité de nos entreprises et offrirons à nos territoires un avenir logistique durable et performant. (Mme Agnès Canayer applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur Delia, permettez-moi de vous dire avant tout combien j’ai été heureux – et même fier – de vous entendre à cette tribune.

Le Gouvernement est convaincu de la nécessité de soutenir le développement du fret ferroviaire, que vous avez très bien défendu dans votre intervention. Les chiffres sont éloquents : le fret ferroviaire émet neuf fois moins de CO2 que le fret routier et consomme six fois moins d’énergie à la tonne-kilomètre de marchandise transportée.

Vous avez raison de le souligner, la relance du fret ferroviaire exige à la fois de la persévérance et des investissements dignes de ce nom : c’est exactement la ligne que nous suivons avec la stratégie nationale.

En outre, le Gouvernement ne s’est pas arrêté là. Ainsi – vous l’avez également rappelé –, une stratégie claire et des actions communes à l’ensemble des acteurs du secteur ont été définies dans le cadre de la démarche Ulysse Fret, laquelle nous permet également d’établir une priorisation des investissements pour les infrastructures ferroviaires nécessaires au développement du fret. C’est peut-être le plus important.

Cela étant, nous devrons bel et bien faire preuve de patience pour obtenir des résultats concrets, garantissant une augmentation significative du report de la part modale en faveur du fret ferroviaire.

Vous êtes bien placé pour le savoir, le temps ferroviaire est un temps long et sensible à divers aléas. À ce titre, notre premier défi est de garantir le bouclage du financement de la démarche entreprise. C’est pour cette raison que j’ai souhaité que le fret ferroviaire soit un thème à part entière de la conférence de financement que nous lancerons lundi prochain, le 5 mai, à Marseille, en présence de M. le Premier ministre.

Je souhaite que la mobilisation des acteurs se poursuive dans ce cadre, sur la base solide que constitue le rapport Ulysse. L’engagement de tous doit soutenir, in fine, l’ambition que nous avons pour ce très beau secteur.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. le ministre.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je profiterai pleinement du temps qui m’est imparti, car je n’ai pas pu répondre aussi longuement que je l’aurais souhaité à toutes les excellentes interventions auxquelles ce débat a donné lieu.

Nos échanges de ce soir ont mis en évidence les défis concrets auxquels le fret ferroviaire est aujourd’hui confronté.

En regardant dans le rétroviseur, je pense que nous pouvons être fiers de la première étape réalisée ces dernières années pour soutenir le fret ferroviaire. Tous les acteurs ont travaillé ensemble pour avancer et donner une nouvelle chance à ce secteur essentiel pour la décarbonation de nos transports.

Je tiens à souligner ici le travail structurant et visionnaire de l’alliance 4F, qui a permis de fédérer l’ensemble des acteurs de la filière au moment le plus difficile – l’État, SNCF Réseau, qui accomplit un travail remarquable en matière de fret, les entreprises ferroviaires, l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) et le Cerema – autour d’objectifs communs, afin de définir une stratégie concertée de développement du fret ferroviaire. Cette dynamique se poursuit et fait l’objet d’un suivi rapproché pour en garantir la mise en œuvre.