Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Je me permets d'insister sur les sommes considérables en jeu, alors que votre gouvernement demande des efforts budgétaires très importants aux collectivités. Je crains que le système mis en place n'empêche un grand nombre de collectivités de faire les investissements qu'elles ont prévus pour améliorer la qualité de leur réseau.
mise en œuvre de la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les déchets du bâtiment
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler, auteur de la question n° 458, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) pour les déchets du bâtiment.
Cinq ans après l'adoption de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, cette filière cruciale pour l'économie circulaire et la préservation des ressources doit devenir une réalité tangible et non simplement un cadre juridique. Les éco-organismes agréés de la filière n'auront collecté que quelque 6 % des déchets du second œuvre, quand il leur était assigné un objectif de 53 %.
Le maillage prévu pour collecter sélectivement les matériaux et les inertes n'est pas non plus au rendez-vous dans plusieurs régions et certains points de distribution de matériaux de plus de 4 000 mètres carrés ne respectent pas leur obligation de proposer un point de reprise gratuit de ces déchets.
Enfin, cette filière, qui devait faire émerger un réseau de déchèteries privées, repose toujours massivement sur les déchèteries publiques, alors que la plupart des déchets concernés sont le fait d'entreprises et qu'ils ne relèvent pas strictement de la compétence des collectivités locales.
Une évaluation de l'efficacité de ces dispositifs a-t-elle été réalisée par les services du ministère de la transition écologique au regard des objectifs ambitieux fixés pour 2024 et des principes fondateurs, tels que la collecte de proximité et la reprise gratuite des déchets triés, destinés à réduire les dépôts sauvages ?
Comment le Gouvernement compte-t-il renforcer les moyens et la coordination des éco-organismes, afin qu'ils atteignent les objectifs de collecte fixés pour la filière REP en augmentant les capacités de traitement et en assurant un suivi rigoureux des performances ?
Quelles dispositions entend-il prendre pour compléter le réseau de points de collecte et accélérer la création de déchèteries privées, en partenariat avec les éco-organismes, pour alléger la pression sur les déchèteries publiques ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Madame la sénatrice Sabine Drexler, la filière à responsabilité élargie des producteurs pour les déchets du bâtiment a été créée conformément à la loi Agec de février 2020 pour répondre à trois objectifs.
Premièrement, elle doit développer le recyclage des déchets du secteur, les bâtiments et travaux publics étant la première filière économique productrice de déchets en France.
Deuxièmement, elle a pour objet de lutter contre les dépôts sauvages. Par la création d'un réseau de points de collecte, les artisans du bâtiment peuvent déposer gratuitement les déchets triés, au plus près de leurs chantiers.
Troisièmement, nous permettons ainsi de développer l'écoconception des produits et matériaux de construction afin d'en faciliter le réemploi ou le recyclage.
Après à peine deux ans de mise en œuvre opérationnelle, cette filière a permis l'ouverture sur l'ensemble du territoire national de plus de 6 000 points de reprise des déchets apportés par les professionnels. Les distributeurs représentent 70 % des sites. De plus, la filière a apporté un soutien financier aux collectivités : près de 80 % des déchetteries publiques sont sous contrat début 2025.
En ce qui concerne le respect des objectifs fixés pour 2024, les services du ministère analyseront dans les prochaines semaines les données en cours de transmission par les éco-organismes. Les objectifs de déploiement de la filière REP du bâtiment étaient particulièrement ambitieux à sa création, induisant une frustration pour différentes parties prenantes.
Aussi, face aux préoccupations exprimées, Agnès Pannier-Runacher a annoncé un moratoire sur les mesures qui devaient entrer en vigueur en 2025 et lancé une consultation de l'ensemble des acteurs de la filière. Des entretiens sont programmés pour tout le mois de mai afin de discuter des propositions. Le Gouvernement annoncera les décisions au cours du mois de juin prochain. Il importe, en effet, de tenir compte de l'ensemble des remarques qui auront été remontées par les fédérations professionnelles et les acteurs de terrain avant de prendre pour cette filière les mesures qui s'imposent et qui devront être durables.
expérimentation pilote visant à remplacer les notices médicales papier par une notice de médicament numérique (epi)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, auteur de la question n° 342, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Christophe Chaillou. Monsieur le ministre, j'attire votre attention et celle du Gouvernement sur l'expérimentation visant à remplacer la notice médicale papier des boîtes de médicaments par une notice de médicament numérique, passant par un QR code.
En effet, le 15 décembre 2023, Mme Agnès Firmin Le Bodo, alors ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, a annoncé le lancement au premier trimestre 2024 – cette échéance est désormais repoussée au 1er octobre 2025 – d'une expérimentation pilotée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), visant à remplacer les notices papier des médicaments par des notices numériques consultables en ligne, conformément à la modification de l'article 63 de la directive instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.
Cette expérimentation, prévue pour une durée de deux ans, soulève de nombreuses questions. L'ANSM a publié, en décembre dernier, les modalités de lancement d'une phase pilote. Toutefois, aucune indication n'a été apportée quant aux effets de cette expérimentation sur l'économie locale, ses conséquences potentielles sur l'emploi et la manière dont sera prise en compte la fracture numérique.
En premier lieu, la suppression des notices papier comporte des risques pour la sécurité des patients, en particulier pour les personnes isolées numériquement ou en situation de précarité, qui n'ont pas accès aux outils numériques nécessaires.
En second lieu, je tiens à vous alerter sur les répercussions sur l'emploi. Dans le département où je suis élu, le Loiret, à peu près une centaine d'emplois, selon les évaluations, seraient touchés. J'ai récemment visité une entreprise spécialisée dans ce domaine, LGR Packaging, implantée à Saint-Cyr-en-Val, dont les responsables et les salariés sont particulièrement inquiets.
À l'échelle nationale, plus de 1 200 emplois directs et indirects pourraient être affectés. Alors que nous nous efforçons collectivement de préserver nos industries et de réindustrialiser nos territoires, cette initiative paraît en décalage avec ces ambitions.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser comment les conséquences sur l'économie locale et l'emploi seront prises en compte durant cette expérimentation, notamment dans le secteur papetier ? Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour limiter ces répercussions si la suppression des notices papier devait être généralisée ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Chaillou, vous m'interpellez sur deux questions importantes : d'une part, la sécurité sanitaire des patients et leur accès à l'information, d'autre part, la filière industrielle papetière.
En premier lieu, il faut mesurer le risque pour les patients des notices numériques par QR code. Aussi, l'expérimentation d'une durée de deux ans qui débutera en octobre 2025 a été préparée en étroite collaboration avec les professionnels de santé, les représentants des patients et les industriels. Elle s'appliquera sur l'ensemble du territoire national, mais uniquement pour certains laboratoires pharmaceutiques volontaires et pour certains médicaments, en ville comme à l'hôpital. La liste des spécialités concernées est d'ailleurs disponible sur le site de l'ANSM.
Ainsi, en ville, les patients et professionnels de santé pourront accéder à tout moment à une notice numérique actualisée en scannant un QR code. Pour répondre à votre question sur la fracture numérique, la notice papier restera tout de même présente dans les boîtes, pour éviter l'absence d'information. Tout sera mesuré pour garantir qu'il n'y ait aucun effet négatif sur les patients.
En second lieu, je partage votre préoccupation concernant les répercussions économiques et les conséquences sur l'emploi. L'ANSM est en train de se rapprocher à ce sujet des organisations représentatives des imprimeurs et des papetiers pour entamer un dialogue. La réglementation européenne, dont la révision est actuellement en discussion à Bruxelles, laisse de la souplesse pour le déploiement des notices électroniques au sein de l'Union européenne.
Il est donc essentiel d'anticiper cette transition avant qu'elle ne s'impose et de l'accompagner. Par ailleurs, étant donné l'enjeu industriel, je vous invite à contacter, Marc Ferracci, ministre chargé de ce dossier.
En conclusion, cette expérimentation établira un doublon entre notices papier et numérique. Les discussions relatives à la filière industrielle sont en cours.
Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir respecter votre temps de parole.
dépistage préventif organisé du cancer de la prostate
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, auteure de la question n° 454, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, chaque année, en France, 60 000 cas de cancer de la prostate sont diagnostiqués. Selon les chiffres du système national des données de santé, 11 900 hommes en sont morts en 2022. Ainsi, le cancer de la prostate représente 15 % de l'ensemble des cas de cancer ; il est d'ailleurs le troisième le plus meurtrier chez les hommes. Ces chiffres sont alarmants.
Pourtant, le tabou reste entier : ce type de cancer ne fait pas suffisamment l'objet de discussions. Le manque de prévention, une fois encore, réduit les chances de rémission. En effet, nombre de ces cancers ne sont dépistés que très tard, lorsque la maladie se trouve déjà à un stade avancé. En conséquence, les hommes se trouvent contraints de suivre des traitements lourds, invasifs et très coûteux. En 2022, le cancer de la prostate aurait coûté 2,4 milliards d'euros.
Or des méthodes de dépistage existent. Elles ciblent les populations à risques : les hommes de plus de 50 ans. Des examens biologiques permettant le dosage du taux de PSA (Prostate Specific Antigen) pourraient être réalisés de manière plus systématique pour un coût modeste et un gain important pour la santé de la population.
L'association de patients porteurs d'un cancer localisé de la prostate, l'association nationale des malades du cancer de la prostate et l'association fin du cancer et début de l'homme sont engagées sur le sujet et plaident pour une meilleure communication auprès de la population. À raison ! Comme pour le cancer du sein, des actions d'information et de sensibilisation pourraient être mises en place à l'échelle tant nationale que locale, en s'appuyant sur ces associations de patients.
Monsieur le ministre, est-il envisageable et envisagé de mener des campagnes nationales de dépistage du cancer de la prostate ? Ces dépistages de masse permettraient d'étudier le profil des malades et les liens potentiels entre l'émergence de cette maladie et les typologies d'activité professionnelle. Ils permettraient aussi d'agir sur les facteurs de risques environnementaux exposant au développement de cette pathologie. Des études sont-elles diligentées par votre ministère pour étudier plus avant les conditions de survenue de cette maladie et de son évolution ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice, je vous remercie de poser cette question sur le cancer de la prostate, dont vous avez rappelé l'incidence importante sur la population masculine française, notamment en termes de taux de mortalité. Naturellement, le ministère de la santé se mobilise pour intensifier les campagnes de dépistage.
Néanmoins, je veux rappeler en quoi consiste la méthode scientifique. La médecine se fonde sur des preuves ; c'est tout l'objet de la lutte contre l'obscurantisme que je mène depuis quelques semaines. Il faut le dire clairement, le dépistage du cancer de la prostate fait l'objet de nombreux débats au sein de la communauté médicale et scientifique internationale. Les expertises et recommandations des agences d'évaluation et des autorités sanitaires publiées en France plaident en faveur d'un dépistage non pas systématique, mais, comme actuellement, individuel.
Nous pouvons l'encourager pour tout homme de plus de 50 ans exposé à des facteurs de risques, mais nous risquerions, si le dépistage était systématique, une surdétection. Celle-ci aurait, finalement, un effet négatif en matière de santé, selon les données récentes et recommandations dont je dispose. Cela n'empêche pas, fort de ce constat, de sensibiliser les patients de plus de 50 ans et la communauté médicale, à savoir les médecins généralistes et les urologues, pour favoriser le dépistage soit par toucher rectal soit par dosage du taux de PSA.
À l'heure où je vous parle, les éléments scientifiques en faveur de la systématisation de la campagne ne sont pas suffisamment nombreux, du fait du risque de surdétection.
situation de l'apprentissage en france
Mme la présidente. La parole est à M. David Margueritte, auteur de la question n° 456, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. David Margueritte. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis de fixer des objectifs que nous sommes nombreux à partager : l'apprentissage est valorisé en tant que voie d'excellence, d'insertion rapide et d'épanouissement personnel.
Néanmoins, au-delà du succès quantitatif incontestable de cette réforme, il convient de pointer du doigt plusieurs de ses effets : une éviction des contrats de personnalisation, un effet d'aubaine – la Cour des comptes l'a signalé – au détriment de recrutements par voie de CDI et, surtout, une illusion d'optique. En effet, si l'apprentissage a très fortement progressé à l'échelle de l'enseignement supérieur, cette progression est beaucoup moins perceptible dans les autres niveaux de formation. Au-delà de ces effets, les taux de rupture de contrat d'apprentissage sont importants dans certaines filières professionnelles.
Plus encore, la soutenabilité du modèle de financement interroge. En effet, le déficit de France Compétences est extrêmement important, voire hors de contrôle : plus d'1 milliard d'euros. Le Gouvernement dispose de deux leviers afin de le résorber : d'une part, revoir à la baisse – cela a déjà été le cas – l'aide aux employeurs d'apprenti ; d'autre part, revenir sur le niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage. En effet, de nombreuses disparités existent entre les branches professionnelles.
Le Gouvernement entend-il continuer à actionner ces leviers ? Préservera-t-il en parallèle les petites et moyennes entreprises, très pourvoyeuses de contrats d'apprentissage, mais également les secteurs stratégiques que sont l'industrie et le bâtiment – ils sont en lien direct avec les objectifs de France 2030 –, tout en permettant aux régions de continuer à investir massivement dans les centres de formation d'apprentis (CFA), notamment consulaires et interconsulaires ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur David Margueritte, je partage nombre de vos propos.
Nous devons encore améliorer le système de financement des centres de formation d'apprentis. Comme il est constaté dans différents rapports, ce système est peu lisible pour les acteurs, il ne répond pas suffisamment aux besoins en compétences du marché et il est relativement inflationniste – il est construit essentiellement sur les coûts des CFA, ce qui n'incite pas à la modération des charges –, tout en présentant des risques en matière de soutenabilité budgétaire, son financement étant contraint.
Je vous rejoins aussi concernant le déficit de France Compétences : il faut évidemment s'assurer de l'efficience de chaque euro dépensé. Le Gouvernement a ainsi annoncé, en responsabilité, la mise en œuvre de la mesure comprise dans la loi de finances 2025 en instaurant, à partir du 1er juillet de cette année, une participation obligatoire des entreprises d'un montant de 750 euros par contrat d'apprentissage préparant à des niveaux 6 et 7 de qualification. De plus, les aides aux employeurs d'apprenti ont été modulées cette année, en préservant relativement les petites et moyennes entreprises, à la suite des débats que nous avons eus à l'occasion de l'examen de la loi de finances.
Un travail important est réalisé par Astrid Panosyan-Bouvet pour ajuster les financements aux besoins des territoires et aux lieux de production de contrats d'apprentissage, en lien avec les lycées professionnels et les CFA. Comme vous le savez, la ministre chargée du travail a mené des concertations, qui s'achèveront bientôt. Je lui laisse la primeur des annonces qui s'ensuivront, d'ici à quelques jours.
impact de la situation frontalière sur l'offre de soins infirmiers en haute-savoie
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 457, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, le ratio d'infirmiers libéraux en Haute-Savoie est très préoccupant : il est de 79,6 pour 100 000 habitants, plaçant le département en 89e position sur 101 départements français. Cette densité est encore plus faible durant les saisons touristiques d'hiver et d'été, durant lesquelles la population peut presque doubler. À titre de comparaison, la densité moyenne s'élève en France à 143,7 infirmiers pour 100 000 habitants, soit près du double.
Pire encore, sur le pourtour frontalier, les chiffres sont accablants : 27 à 56 infirmiers pour 100 000 habitants à Annemasse, à Gaillard, à Ville-la-Grand ou à Cruseilles. Ces villes deviennent de véritables déserts médicaux, où les patients se voient refuser des soins faute de professionnels disponibles.
Cette situation s'explique, certes, par l'attractivité du marché suisse, mais aussi par la dégradation des conditions d'exercice côté français : pénurie de locaux, explosion des charges, difficulté à trouver des remplaçants et, fait important, baisse depuis 2022 des indemnités kilométriques. Celle-ci a amputé jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires des infirmiers libéraux exerçant en zone de montagne.
Faute d'action concrète et immédiate, les patients les plus vulnérables, notamment les personnes âgées et dépendantes, seront très prochainement privés de soins à domicile. Comment le Gouvernement compte-t-il revaloriser la profession et mettre fin à ce déclin ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Noël, je connais bien la situation que vous avez décrite parfaitement. Ayant été pendant six ans vice-président de la région, chargé des formations sanitaires et sociales, je n'ai eu de cesse de discuter avec mes homologues des cantons de Vaud et de Genève pour régler ce problème. La région Auvergne-Rhône-Alpes forme les infirmiers et professionnels paramédicaux, puis ceux-ci partent exercer en Suisse du fait de conditions financières bien meilleures.
Le sujet est important : la Haute-Savoie compte 81 infirmiers libéraux pour 100 000 habitants, ce qui pose de grands problèmes. À Saint-Julien-en-Genevois, le chiffre tombe à 49 pour 100 000 habitants et même à 12 à Bons-en-Chablais.
Grâce à l'avenant 10 à la convention nationale des infirmiers libéraux, l'État a revalorisé de 10 % l'indemnité forfaitaire de déplacement en janvier 2024. Une adaptation territoriale est nécessaire. D'ailleurs, vous avez vous-même proposé, comme pour l'outre-mer, un coefficient géographique.
Toutes ces pistes sont à travailler, mais il faut aussi qu'une discussion très claire se tienne sur la globalité des relations entre la Haute-Savoie et la Suisse, notamment Genève – emploi, pouvoir d'achat, transport, formations paramédicales. Ce département ne saurait être seulement le lieu de formation des infirmiers qui exerceront en Suisse !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, même si elle ne me satisfait pas pleinement. Vous avez évoqué la distorsion de concurrence que nous subissons, mais elle n'est pas la seule raison du manque d'infirmiers libéraux.
Cette profession est véritablement abandonnée depuis plusieurs années par les pouvoirs publics : le tarif des soins n'a pas été revalorisé depuis 2007, soit dix-huit ans ! De plus, les infirmiers sont soumis à un système de tarification complètement ahurissant : le premier des soins réalisés chez un patient est payé à 100 %, le deuxième à 50 % et le troisième est gratuit.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Sylviane Noël. Quelle autre profession accepterait de travailler ainsi ? Il y a vraiment urgence à réformer.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Le 5 mai prochain, le Sénat examinera la proposition de loi sur la profession d'infirmier. Comme je l'ai fait au banc à l'Assemblée nationale, je prends ici l'engagement d'ouvrir des négociations conventionnelles pour revaloriser ce métier. J'en ai déjà fait part aux principaux syndicats infirmiers, car je partage vos conclusions.
sous-utilisation du fonds d'accessibilité
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 459, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap.
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre, les jeux Olympiques et Paralympiques ont mis en lumière, avec éclat, l'excellence de nos athlètes, mais aussi l'exigence de rendre notre société plus inclusive.
Les jeux Paralympiques furent une réussite, mais ils nous obligent désormais à accélérer notre engagement en faveur de l'accessibilité. Or la France reste – hélas ! – très en retard dans ce domaine, comme chacun le sait. L'Organisation des Nations unies, en 2021, puis le Conseil de l'Europe, en 2023, ont pointé du doigt nos carences : près de la moitié des établissements recevant du public (ERP) sont toujours inaccessibles, vingt ans après la loi du 11 février 2005 par laquelle était pourtant prévue une accessibilité généralisée.
Pour y remédier, l'État a lancé le fonds territorial d'accessibilité (FTA). Doté de 300 millions d'euros sur cinq ans, il est destiné à financer à hauteur de 50 % les travaux, les équipements, les diagnostics et l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour les TPE et PME de cinquième catégorie, comme les commerces de proximité, cabinets médicaux, hôtels ou restaurants.
Pourtant, ce dispositif reste largement méconnu. Je crois savoir que seuls 2 % des crédits ont été utilisés en 2024. Monsieur le ministre, je vous laisserai le soin de nous préciser ce chiffre. Sur le terrain, force est de constater que ni les commerçants ni les municipalités ne disposent d'informations suffisantes sur ce fonds.
Dès lors, ne serait-il pas opportun d'assurer une diffusion systématique des informations en la matière à tous les établissements concernés, en lien avec les fédérations professionnelles, les chambres consulaires ou les associations locales, comme l'Association des paralysés de France dont j'ai rencontré les représentants ? Je rappelle que le sujet de l'accessibilité concerne non pas uniquement les personnes à mobilité réduite, mais aussi les personnes malvoyantes, non-voyantes, malentendantes et, plus largement, toutes les formes de handicap.
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous mettre en œuvre pour renforcer la communication autour de ce fonds, lever les freins juridiques et accompagner plus efficacement les commerçants et les collectivités dans leurs démarches de mise en accessibilité ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Blanc, alors que le fonds territorial d'accessibilité est doté de 300 millions d'euros pour la période 2023-2027, il est regrettable qu'il n'ait pas complètement correspondu aux attentes, puisque des crédits à hauteur de 1,6 million d'euros seulement ont été engagés à ce jour.
Il existe un important déficit de communication. Ce constat a donc conduit en 2024 à la diffusion d'une circulaire de relance du dispositif. Consécutivement à la tenue du comité interministériel du handicap (CIH) le 6 mars 2025, il a été prévu d'amorcer une refonte du FTA et de renforcer les modalités de communication envers les associations d'élus.
Ainsi, une information sera transmise par l'intermédiaire des préfets pour la mise en place d'un plan d'action. Celui-ci visera à renforcer l'accessibilité des ERP et des établissements du monde associatif en faisant bénéficier de ces financements.
situation des crèches privées et urgence à mettre fin aux dérives constatées
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, auteure de la question n° 086, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Colombe Brossel. Monsieur le ministre, ma question porte sur la régulation et le contrôle des crèches tenues par de grands groupes financiarisés, qui parfois se montrent – c'est le moins que l'on puisse dire ! – peu scrupuleux du bien-être tant des enfants qu'ils accueillent que de leurs salariés.
Alors que les manquements et les scandales se sont accumulés ces derniers mois, scandales que Victor Castanet a mis en lumière dans son ouvrage Les Ogres, et que les familles vivent dans un climat d'insécurité lorsqu'elles déposent leurs bébés et tout jeunes enfants à la crèche, nous attendons encore une réaction ferme de la part de l'État et du Gouvernement.
Pourtant, le Sénat – cela aurait pu vous inspirer – s'est saisi de ce sujet, à la suite des diverses révélations, et a publié un rapport d'information accompagné de quinze propositions. Je remercie, à cet égard, mes collègues Émilienne Poumirol et Marion Canalès qui ont travaillé sur ce sujet.
Ma question est simple, monsieur le ministre : comptez-vous reprendre ces propositions à votre compte, par exemple celle qui consiste à donner à la Cour des comptes le pouvoir de contrôler les groupes privés de crèche, comme cela se fait pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux ? Cela permettrait, me semble-t-il, à la fois d'harmoniser les contrôles et de garantir au contribuable que les deniers publics sont utilisés à bon escient, c'est-à-dire avant tout dans l'intérêt des enfants.
Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable que les autorités nationales fixent un coût minimal par berceau ? Nous éviterions ainsi que, lors des procédures d'appel d'offres, le coût soit, en l'absence de toute réglementation, norme ou indication nationale, la variable ultime, celle qui impose une décision au détriment d'autres considérations telles que le taux d'encadrement ou la professionnalisation des personnels. En tout cas, monsieur le ministre, il est temps de s'attaquer à ce problème !