La commune de Vergèze et l’ensemble des collectivités sont pleinement mobilisées aux côtés des salariés. Mais, aujourd’hui, un engagement fort de l’État semble indispensable pour permettre le maintien de cet outil de production.

Madame la ministre, c’est tout un territoire qui a besoin de se sentir soutenu. Nous ne pourrons pas laisser sacrifier la verrerie de Vergèze et ses salariés sur l’autel du profit et des stratégies financières. Avec 7 % de résultat, comment accepter la fermeture de ce site ?

La protection de notre souveraineté industrielle commence par la préservation des emplois industriels existants ! On ne peut pas parler de manière crédible de « réindustrialisation française » face à des salariés qui voient fermer l’usine où ils ont travaillé toute leur vie, parfois de père en fils.

Madame la ministre, comment votre gouvernement compte-t-il s’engager pour défendre le maintien de ces sites de production et de ces emplois industriels, aujourd’hui menacés, à Vergèze comme ailleurs sur le territoire national ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Denis Bouad, le cas de la verrerie de Vergèze a déjà été abordé dans le cadre d’une précédente question.

Il convient de relever la baisse structurelle de la consommation de vin, ce qui réduit d’autant les besoins en verre, et de bière, pour laquelle ce matériau est de surcroît en concurrence avec l’aluminium.

Nous regrettons évidemment qu’une telle réorganisation ait été décidée, qui plus est dans un contexte économique et financier déjà difficile, pour les raisons que je viens de rappeler.

Le Gouvernement et les services de l’État sont entièrement mobilisés ; ils le resteront autant que nécessaire. Un suivi territorial a été lancé par le préfet du Gard ; l’ensemble des acteurs économiques, sociaux et politiques du territoire y sont associés, comme c’est le cas dans ce type de situation. Je salue l’engagement de la préfecture, de la sous-préfecture, du commissaire aux restructurations et prévention des difficultés des entreprises (CRP), de la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) du Gard et d’un certain nombre d’acteurs économiques locaux, comme les agences de développement économique, notamment celle du conseil régional, ou les chambres consulaires.

Nous devons tout mettre en œuvre pour trouver un repreneur, afin que les salariés puissent retrouver un emploi. Le Gouvernement est pleinement engagé en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour la réplique.

M. Denis Bouad. Madame la ministre, j’entends vos arguments, mais vous ne répondez pas à ma question.

Perrier, qui est aujourd’hui le principal client de la verrerie du Languedoc, l’avait vendue voilà une dizaine d’années pour un euro symbolique.

Sachant que l’usine vend aujourd’hui 70 % de sa production à Perrier et les 30 % restants au secteur brassicole, je ne vois pas bien en quoi sa fermeture serait justifiée par les problèmes de la viticulture…

Peut-être faudrait-il réexaminer avec soin les aides qui sont versées.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Anne-Marie Nédélec. Madame la ministre, l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) joue un rôle essentiel d’amortisseur social en avançant le versement des créances salariales dues aux employés lorsque leur entreprise est en procédure collective. Ce mécanisme, financé par les employeurs, représente un filet de sécurité indispensable pour que les défaillances d’entreprises ne se traduisent pas par une précarisation brutale des salariés concernés.

La situation économique dans laquelle nous nous trouvons actuellement pèse fortement sur le régime, avec des montants record d’avances versées ces deux dernières années, ce qui a conduit la gouvernance à augmenter par deux fois le taux de cotisation en 2024.

À ces difficultés conjoncturelles s’ajoutent les conséquences de jurisprudences récentes de la Cour de cassation, qui ont eu pour effet d’étendre progressivement le périmètre de la garantie sur des sommes de nature indemnitaire, s’éloignant ainsi de la mission première de l’AGS : couvrir les créances relatives à la protection de la rémunération. Cela remet en cause la capacité du régime à recouvrer efficacement les fonds avancés aux salariés. Or cette capacité à recouvrer, qui est liée pour l’essentiel au statut de créancier prioritaire, est indispensable pour assurer l’équilibre financier du régime.

Madame la ministre, dans ce contexte instable, quelles garanties le Gouvernement peut-il apporter quant à la sécurisation du régime de garantie des salaires ? Ce sujet primordial pour les salariés et les entreprises de notre pays a-t-il bien été identifié par vos services et ceux des autres ministères compétents ? (M. Bruno Sido applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Anne-Marie Nédélec, vous avez raison, le dispositif AGS est très utile : il participe à garantir le paiement des sommes dues aux salariés, notamment lorsque l’employeur est en procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et qu’il n’a pas les fonds disponibles pour régler les salaires.

Ce régime permet aux salariés d’obtenir le paiement, dans des délais encadrés, de sommes qui leur sont dues. Il n’a jamais fait faillite et a toujours réussi à assurer sa mission, malgré les crises.

Les situations ont été très variables, avec des creux et des vagues. En 2024, le montant des avances a atteint 2,13 milliards d’euros, son plus haut niveau depuis 2014.

Face à la dégradation de la conjoncture et à la hausse des défaillances, l’AGS a – vous l’avez souligné – relevé ses taux.

En outre, le 25 juin 2024, elle a conclu un accord avec les administrateurs et mandataires judiciaires. Les effets sur les ressources du régime sont notables. Au premier trimestre 2025, ce sont ainsi 157,6 millions d’euros qui ont été récupérés, soit une hausse de 53,2 % par rapport au premier trimestre 2024. De même, en 2024, 607 millions ont été récupérés par les administrateurs et mandataires judiciaires, soit une hausse de 72 % par rapport à 2023.

En plus des rentrées liées au taux de cotisation et des sommes récupérées par les administrateurs et mandataires judiciaires, l’AGS peut recourir à des lignes de prêt auprès des banques. Ce n’est jamais arrivé, mais c’est une piste, même si ce n’est pas celle que nous privilégions.

Le Gouvernement est très attaché à ce régime. Nous sommes vigilants et nous continuerons à suivre de près les évolutions dans les prochains mois, en lien notamment avec le ministère du travail.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour la réplique.

Mme Anne-Marie Nédélec. Certes, madame la ministre, mais, compte tenu de la situation actuelle, il me paraît tout de même essentiel que l’AGS puisse se concentrer sur sa mission première. On ne peut pas tout demander aux entreprises, qui ne sont d’ailleurs pas toutes inscrites au CAC 40 !

Avant de distribuer la richesse, donnons aux entreprises les moyens de la créer !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je souscris à vos remarques. Le Gouvernement est d’ailleurs très attentif au fait que l’AGS puisse assurer sa mission première : garantir le salaire en cas de défaillance de l’entreprise.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Je remercie M. le président de la délégation sénatoriale aux entreprises de l’organisation de ce débat.

Madame la ministre, comme l’ont souligné de nombreux collègues, les défaillances sont en hausse notable. En témoigne l’évolution du nombre de redressements ou de liquidations judiciaires prononcés par les tribunaux de commerce entre 2023 et 2024 – j’ai pu l’observer dans mon département, à Lorient comme à Vannes.

Au-delà des défaillances, c’est bien l’emploi qui est menacé. Les entreprises concernées sont principalement des PME et des ETI, de 9 et 4 999 salariés, avec une hausse de plus de 60 % en 2024 par rapport à la période de 2017-2019. Pour les TPE, l’augmentation n’est que de 16 %.

Dans l’industrie, la trésorerie et les carnets de commandes sont en baisse, quand les stocks sont en hausse. Dans le bâtiment, la crise est structurelle. Le climat est anxiogène. L’attentisme se généralise. Tout cela est, pour partie, lié au cycle électoral. Mais c’est surtout l’une des conséquences directes des coupes budgétaires que votre gouvernement, madame la ministre, a imposées aux collectivités locales.

Le Sénat a lancé une commission d’enquête sur la commande publique, sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires. Au bas mot, ce sont 170 milliards d’euros qui sont concernés à ce titre chaque année. En réalité, c’est sans doute beaucoup plus. Un rapport de la Cour des comptes européenne estime à près de 14 % la part de la commande publique dans le PIB sur notre continent, soit quelque 300 milliards d’euros, voire 400 milliards d’euros. C’est massif.

Pour soutenir la Fonderie de Bretagne ou pour aider les entreprises qui veulent évoluer en ETI, les collectivités, qu’il s’agisse de Lorient Agglomération ou de la région Bretagne, sont au rendez-vous. Mais, pour cela, elles ont besoin de visibilité et de moyens.

Quelles réponses leur apportez-vous, madame la ministre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Simon Uzenat, parmi les différents points que vous avez abordés, vous avez rappelé le montant important de la commande publique, soit 170 milliards d’euros, voire plus selon les estimations de la Cour des comptes européenne.

Pour soutenir nos entreprises, en particulier nos TPE et nos PME, il est important de simplifier l’accès à la commande publique. Je me réjouis donc qu’un certain nombre de mesures en ce sens figurent dans le projet de loi de simplification de la vie économique.

Vous m’avez également interrogée sur le besoin de visibilité des collectivités pour pouvoir s’engager dans des opérations d’infrastructures.

Je note qu’aujourd’hui les collectivités locales lancent beaucoup de chantiers. J’en veux pour preuve le nombre important de demandes de subventions, que ce soit dans le cadre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ; tous les préfets nous le confirment. Cela dénote un engagement très fort de la part des collectivités.

En l’occurrence, si une collectivité mérite une attention particulière, c’est bien, me semble-t-il, le département, qui est confronté à de véritables difficultés, liées à la hausse des besoins en matière sociale et à la baisse de ses ressources – je pense notamment aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Un certain nombre de rapports convergent en ce sens.

Le Gouvernement est pleinement engagé. La ministre Catherine Vautrin a d’ailleurs reçu des représentants de départements voilà quelques jours.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.

M. Simon Uzenat. Sur la simplification, nous pouvons être d’accord. Mais les collectivités ont besoin de moyens financiers pour pouvoir investir et soutenir l’économie locale.

Vous avez évoqué la DETR et la DSIL. En la matière, les demandes des collectivités – c’est le cas dans mon département – seront loin d’être toutes satisfaites. Et beaucoup d’élus disent qu’en l’absence de soutien ils renonceront à certains projets.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je rappelle que, globalement, les montants de la DTER et de la DSIL n’ont pas varié ; ceux de 2025 sont équivalents à ceux de 2024. À vous entendre, on pourrait avoir le sentiment qu’ils ont baissé, ce qui n’est pas le cas.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, même si l’inflation a diminué, elle n’a pas disparu !

Certes, si l’on ne prend pas en compte l’inflation, les montants paraissent stables, mais ce n’est pas le cas partout. Dans mon département, ils sont en baisse de 2 millions d’euros, avec de lourdes conséquences pour les collectivités, en particulier dans les territoires ruraux.

Pour la seule année 2025, l’effort que vous réclamez s’élève à 7 milliards d’euros. Et cela risque même d’être davantage dans les mois à venir, à en juger par les discussions qui s’amorcent et par les coupes supplémentaires que votre gouvernement semble vouloir opérer.

Les élus locaux nous le disent très clairement : ils annulent des projets, tous niveaux de collectivités confondus, toutes sensibilités politiques confondues.

Cela va avoir des effets en chaîne, potentiellement récessifs pour l’économie, avec des répercussions sur tous les territoires, toutes les entreprises.

Madame la ministre, nous espérons que votre gouvernement retrouvera le chemin de la sagesse sur ce sujet particulièrement important pour les collectivités et les entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Lauriane Josende. Madame la ministre, comme cela a été souligné, les défaillances d’entreprises sont malheureusement devenues trop fréquentes dans notre pays ; nous remercions donc le président de la délégation sénatoriale aux entreprises de l’organisation de ce débat d’une importance cruciale.

Le cas de mon département frontalier, les Pyrénées-Orientales, illustre parfaitement un tel phénomène. En effet, on y relève une hausse de 13 % des cessations d’activité par rapport à l’année dernière, soit près de 4 points au-dessus du taux national. Les entreprises du BTP sont particulièrement affectées par le contexte économique. Ainsi, en 2024, près de 25 % des injonctions de payer ont été ordonnées chez nous dans le secteur de la construction.

Parallèlement, on observe une hausse de 9,6 % des créations d’entreprise. Ce taux est supérieur de près d’un point au taux national. Les entreprises du secteur du bâtiment, comme d’autres, illustrent donc le caractère volontariste et particulièrement résilient du territoire que je représente. En soi, cela pourrait nous rassurer.

Mais, au-delà des chiffres, dont on peut faire des moyennes à l’infini, n’oublions jamais que les défaillances d’entreprises sont autant de drames humains et de pertes de savoir-faire difficile à remplacer.

Dans mon département sinistré, je vois trop de chefs d’entreprise – je pense à l’entreprise créée par mon père en 1973 – se battre chaque jour pour survivre. D’autres finissent par baisser les bras. En effet, ils font énormément de sacrifices, mais ils constatent aussi avec amertume que les normes, les charges et la considération envers ces créateurs de richesses et d’emplois ne sont pas les mêmes des deux côtés de la frontière.

Madame la ministre, quels leviers le Gouvernement compte-t-il utiliser pour aider les secteurs les plus fragilisés comme le BTP ? Dans l’esprit du test PME, entend-il prendre en compte la situation chez nos voisins, notamment pour les entreprises des zones frontalières, lorsqu’il envisage de nouvelles mesures ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Lauriane Josende, comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer, j’ai bien conscience que plusieurs secteurs de l’artisanat, notamment le BTP, sont confrontés à une forte augmentation des défaillances, en raison à la fois des hausses des prix des matières premières, de la baisse du nombre de projets en matière de logement, de l’inflation et, parfois, de difficultés de recrutement ou d’approvisionnement.

Je me réjouis qu’il y ait aussi des créations d’entreprises dans certaines zones.

Vous avez également évoqué la situation particulière des zones frontalières, dont les entreprises se trouvent confrontées à des difficultés, car leurs concurrentes ne sont pas soumises aux mêmes normes et à la même fiscalité ou bénéficient de meilleurs dispositifs en termes de compétitivité. Les distorsions ainsi créées ne sont pas toujours faciles à vivre.

Nous devons donc faire en sorte d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Pour ce faire, nous devons réduire encore davantage les prélèvements obligatoires. Nous nous sommes déjà engagés sur cette voie ; je vous renvoie aux décisions qui ont été prises en ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Mais il faut continuer et aller plus loin.

Une réflexion sur le financement de la protection sociale s’impose sans doute également. Celui-ci doit-il continuer à reposer exclusivement sur les revenus du travail ? Personnellement, je ne le pense pas. Si le financement des branches chômage, assurance vieillesse et accidents du travail et maladies professionnelles doit effectivement être assis sur le travail, des réponses différentes peuvent s’envisager dans le cas des branches maladie et famille.

Sur le test PME, il faudra effectivement prendre en compte les entreprises des zones frontalières.

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.

Mme Lauriane Josende. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse très complète. La piste que vous évoquez sur le financement de la protection sociale me paraît très intéressante. Il faut que nous la creusions ensemble. Nous nous y emploierons au sein de la délégation sénatoriale aux entreprises. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Pour le test PME – nous avons évoqué le sujet à plusieurs reprises avec le président de la délégation sénatoriale aux entreprises –, notre intention est d’avoir un panel d’entreprises volontaires de toutes les tailles, de tous les secteurs d’activité et de tous les territoires, zones frontalières incluses.

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende.

Mme Lauriane Josende. Encore une fois, dans les Pyrénées-Orientales, nous avons un tempérament volontariste. Je suis certaine que des entreprises de mon département seront volontaires pour participer à ces réflexions et à la recherche de mesures correctrices, au bénéfice de tous.

M. le président. La parole est à M. Damien Michallet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Damien Michallet. Je remercie le président de la délégation sénatoriale aux entreprises de l’organisation de ce débat. C’est l’occasion de rappeler que les entreprises ont leur place au sein de la Haute Assemblée.

La question des défaillances, qui nous réunit ce soir, est très importante. En tant qu’élu de l’Isère – j’associe ma collègue Frédérique Puissat à cette prise de parole –, je ne peux pas ne pas évoquer Vencorex, Photowatt, Valeo, des entreprises qui ont disparu de mon département.

Nous le voyons ce soir, nous sommes d’accord sur l’objectif : lutter contre la disparition des entreprises.

Madame la ministre, les représentants de l’État ont tendance à minimiser les alertes lancées sur le sujet en rétorquant que la création d’entreprises est toujours dynamique, ce dont nous sommes ravis, et que le solde serait positif.

Mais il est dangereux de se rassurer ainsi : la disparition d’entreprises entraîne la disparition de savoir-faire précieux, de compétences uniques. Elle remet aussi en cause certaines chaînes de valeur et peut augmenter notre dépendance aux fournisseurs étrangers. Dans le contexte de guerre commerciale que nous connaissons, cette perspective nous oblige à nous mobiliser pour conserver nos entreprises.

Or, à côté des défaillances, nous observons un phénomène de disparition des entreprises qui, faute de préparation insuffisante en amont, n’ont pas pu être transmises. Dans son dernier rapport sur la transmission d’entreprise, la délégation sénatoriale a montré le caractère essentiel du pacte Dutreil, pourtant ignoré de 82 % des chefs d’entreprise consultés, alors qu’il permet des transmissions aux familles ou aux salariés.

Madame la ministre, je sais que vous y êtes sensible. La transmission, c’est de l’emploi ; c’est de la valeur ajoutée pour nos territoires ; ce sont des savoir-faire conservés ; c’est de la fierté collective.

Le Gouvernement va-t-il enfin lancer une campagne d’information auprès des dirigeants de TPE et de PME, afin de mieux les sensibiliser sur le sujet et de leur présenter le pacte Dutreil, qui est une vraie assurance vie à la transmission ?

Les entreprises les plus modestes en taille sont aussi concernées que les autres, mais elles manquent d’accompagnement et de sensibilisation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Damien Michallet, il faut effectivement faire très attention lorsque l’on évoque un « solde positif ».

Il est vrai que nous avons beaucoup de créations, mais elles sont souvent le fait de très petites entreprises. Je le rappelle, en 2024, 1,1 million d’entreprises se sont créées, dont 700 000 microentreprises.

En outre, des entreprises cessent parfois leur activité sans qu’il y ait eu, pour autant, défaillance. En 2024, il y a eu 66 000 défaillances et 165 000 entreprises ont cessé leur activité indépendamment des défaillances.

Je partage donc votre sentiment : nous devons nous préoccuper de la transmission et de la reprise des entreprises.

Je tiens à le souligner, le pacte Dutreil est un excellent dispositif, qu’il faut évidemment maintenir. Il facilite la transmission, le plus souvent au sein de la famille, sans avoir à acquitter un certain nombre de droits, permettant ainsi à l’entreprise de continuer à se développer, à investir et à innover. Une proposition de loi visant à le réformer en abaissant l’exonération de droits de mutation à titre gratuit en contrepartie d’un accroissement de la durée de l’engagement a d’ailleurs été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 4 février dernier.

Je suis particulièrement mobilisée sur la question des transmissions et de reprises d’entreprises. En effet, selon les estimations, quelque 700 000 entreprises devraient cesser leur activité au cours des dix prochaines années. Or, aujourd’hui, une entreprise sur deux n’est pas reprise !

Ainsi que j’ai eu l’occasion de m’en ouvrir auprès du président de la délégation sénatoriale aux entreprises, je vais lancer des assises de la transmission-reprise, afin de réunir l’ensemble des parties prenantes – chambres consulaires, organisations professionnelles, acteurs économiques, parlementaires, etc. – autour de la table et de faire émerger des propositions.

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Madame la ministre, je souhaiterais aborder le suivi de l’impact des défaillances d’entreprises, qui peut être complexe, car il varie selon trois critères.

Le premier est le critère sectoriel. Selon les chiffres de l’AGS, six secteurs concentrent plus de 80 % des salariés bénéficiaires de la garantie des salaires. L’industrie, la construction et les services aux entreprises sont les plus touchés. Mais il y a aussi des progressions inquiétantes, comme dans l’agriculture, où le nombre de défaillances, certes moins important en volume que dans d’autres secteurs, a connu la plus forte hausse de l’année 2024 : plus de 37 % !

Le deuxième est le critère géographique. En l’occurrence, l’Île-de-France concentre, sans surprise, 28 % du total des montants versés par l’AGS.

Le troisième est évidemment le critère stratégique. Certaines entreprises peuvent être clés pour l’indépendance de la production française ou pour la conservation d’un savoir-faire.

Madame la ministre, compte tenu de la multiplicité des critères et des données, comment votre ministère et, plus généralement, le Gouvernement pilotent-ils le suivi des défaillances d’entreprises ? Quels sont les indicateurs clés pour lancer une alerte ? Comment les services de l’État s’organisent-ils pour repérer les défaillances les plus inquiétantes pour notre économie ? Inquiétantes, elles le sont toutes du point de vue de l’emploi, mais pas forcément de celui, par exemple, de la souveraineté économique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Else Joseph, vous avez raison : il y a un certain nombre d’indicateurs clés qui permettent de disposer d’informations sur les défaillances d’entreprises à la fois en général et de manière plus ciblée, par exemple par secteur d’activité, par région ou en fonction de l’effectif.

D’ailleurs, les parlementaires sont souvent assez friands de telles informations, car elles permettent l’élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques visant à éviter un certain nombre de défaillances, ce qui demeure notre objectif premier.

En l’occurrence, la prévention est très importante, d’où l’intérêt d’un projet informatique comme Signaux Faibles, qui est géré par une start-up d’État sous la tutelle de la direction interministérielle du numérique (Dinum). À l’origine conçu pour répondre à l’urgence de la crise du covid-19, il a finalement été pérennisé. Les comités départementaux peuvent ainsi détecter, grâce à des alertes, les éventuelles futures défaillances, ce qui permet de faire de la prévention et de l’accompagnement, notamment vers les procédures amiables. Dans 70 % des cas, cet accompagnement vers une procédure amiable permet d’éviter l’ouverture d’une procédure collective.

Tous ces éléments permettent de consolider les politiques publiques qui sont menées en soutien de nos entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.

Mme Else Joseph. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Dans mon département, les Ardennes, on a constaté une hausse du nombre de bénéficiaires de l’AGS. En effet, nous avons des entreprises en difficulté, notamment dans la fonderie et la métallurgie.

Ce qui remonte du terrain, c’est la multiplicité et la trop grande dispersion des acteurs, de comités, etc. Comme vous l’avez souligné tout à l’heure, il y a une nécessité de mieux intervenir en amont.

Certes, le tribunal de commerce peut conseiller, mais, bien souvent – c’est le cas dans mon département –, le mot « tribunal » fait peur.

Je pense qu’il faudrait un guichet unique pour plus de simplicité et une meilleure information de l’ensemble des parties prenantes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice.

Il y a effectivement une difficulté de lisibilité, ce qui ne permet pas aux entreprises de frapper à la bonne porte. Le problème a d’ailleurs été souligné dans des rapports de la Cour des comptes et de la médiation du crédit aux entreprises.

Je l’ai moi-même évoqué la semaine dernière dans la Loire. Je pense qu’une réflexion sur la mise en œuvre d’un point d’accès unique s’impose. Le conseiller départemental aux entreprises en difficulté (CDED) pourrait très bien être cette porte d’entrée : il pourrait orienter les entreprises de 50 à 400 salariés vers les CRP et les entreprises de plus de 400 salariés vers le Ciri.