M. Jean-François Husson. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur, pour vous rassurer, d’abord, je serai très claire : ce gouvernement ne souhaite pas instituer de nouveaux impôts dans le prochain budget.
M. Patrick Kanner. Ce n’est pas ce que dit M. Rebsamen !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous sommes déjà le pays recordman du monde des impôts, et ce gouvernement est, je crois, très fier d’avoir pu rendre 700 euros en moyenne aux Français grâce à la suppression de la taxe d’habitation.
M. Olivier Paccaud. Et la dette ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je tiens également à vous dire que, à moyen terme, comme le ministre Rebsamen vient de l’indiquer, nous voulons donner davantage de visibilité et clarifier le lien entre les contribuables et leurs services publics, ainsi que celui entre le citoyen et son maire, dans l’ensemble du pays. C’est d’ailleurs dans ce sens que je travaille au niveau national : je veux que les Français comprennent mieux, voient mieux où vont leurs impôts.
Que prévoyons-nous pour les collectivités dans la perspective du projet de loi de finances pour 2026 ? Mardi prochain, le Premier ministre, Éric Lombard, François Rebsamen et moi-même allons lancer la conférence de financement des territoires qui a pour objectif de redonner de la prévisibilité aux collectivités.
Certes, les collectivités ne sont pas les filiales de l’État, mais il existe aujourd’hui un grand malentendu qui s’est installé à la faveur de la dichotomie ou de la désynchronisation entre les agendas des maires, qui sont élus pour six ans, et des ministres des comptes publics successifs, dont l’objectif est de bâtir un budget sur l’année.
En réalité, les maires veulent savoir où ils vont quand l’État est, lui, le garant d’un retour à 3 % de déficit d’ici 2029. Nous y parviendrons par le dialogue, par la remise en cause des normes trop nombreuses qui créent des dépenses inutiles, par une réflexion sur nos ressources humaines, la fonction publique territoriale, et le pilotage par les maires eux-mêmes et les collectivités de leurs dépenses.
Il nous faut coconstruire une trajectoire pluriannuelle de nos comptes et un cadre de prévisibilité. Cette réponse, qui passe par le dialogue, me semble mature : il s’agit de réfléchir collectivement à la meilleure manière de revenir, tout en étant solidaires des finances de la Nation, à une situation qui ne laissera pas de dettes supplémentaires à nos enfants.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 7 mai, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants. Je vous souhaite un très bon 1er mai. N’oubliez ni les baguettes ni le muguet !
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
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Communication d’avis sur des projets de nomination
M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010 837 et de la loi n° 2010 838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable, par vingt voix pour et quatre voix contre, à la nomination de M. François Jacq aux fonctions de président du conseil d’administration du Centre national d’études spatiales (Cnes).
En revanche, elle a émis un avis défavorable, par quatorze voix pour et vingt-huit voix contre, à la nomination de M. Bernard Fontana aux fonctions de président-directeur général d’Électricité de France (EDF).
5
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Rapport d’avancement annuel sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029
Débat organisé à la demande de la commission des finances
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des finances, sur le rapport d’avancement annuel sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029.
Dans le débat, la parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a maintenant trois mois, le Parlement a adopté le projet de loi de finances pour 2025, issu, nous le savons, d’un compromis trouvé en commission mixte paritaire (CMP).
Ce compromis nous oblige à un suivi renforcé de l’exécution du budget, afin de respecter les équilibres financiers retenus par vos collègues députés et vous-mêmes, au premier rang desquels notre objectif de déficit de 5,4 %.
Un tel suivi d’exécution est d’autant plus nécessaire que les aléas et les risques sont décuplés cette année, sous l’effet de la double crise, géopolitique et commerciale, que nous traversons.
Dans le cadre du rapport annuel d’avancement, nous venons ainsi vous rendre compte du respect de notre trajectoire de redressement des comptes publics, à commencer par celui de notre cible de déficit pour 2025. C’est aussi l’occasion, pour nous, de vous présenter les principes de construction du budget pour 2026.
Ce rapport annuel d’avancement comprend deux volets : celui des constats et celui des corrections. Tout d’abord, nous y détaillons à la fois les aléas et les risques. Ensuite, nous présentons les mesures de correction que nous devons prendre pour tenir notre trajectoire.
C’est le sens de la méthode du « quoi qu’il arrive », que nous avons pu présenter devant votre commission des finances il y a quelques semaines, puis, il y a quinze jours, lors du premier comité d’alerte.
En vertu de la loi de finances initiale pour 2025, qui constitue un budget de compromis, nous avons déjà engagé un effort courageux dans le sens du redressement de nos finances publiques. La Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le soulignent : l’objectif d’un déficit à 5,4 % est à la fois impératif, ambitieux et atteignable. Pour nous y tenir, nous avons sans tarder mis en œuvre une gestion renforcée, qui a donné lieu à trois circulaires du Premier ministre.
À ce titre, les reports de crédits ont d’ores et déjà été strictement réduits. Je rappelle que les reports généraux, hors relance du budget général, ont été diminués de moitié, pour atteindre 4,4 milliards d’euros au titre des années 2024 et 2025.
La réserve de précaution est désormais sanctuarisée à l’échelle interministérielle, à hauteur de 8,7 milliards d’euros.
Nous avons aussi engagé – c’est une véritable nouveauté – une gestion prudentielle de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). À cette fin, Catherine Vautrin a constitué, avec toutes les équipes chargées des dépenses de santé, une réserve effective de 1,1 milliard d’euros.
De surcroît, M. le Premier ministre a pris deux circulaires, portant l’une sur l’efficience hospitalière, l’autre sur le suivi resserré de la masse salariale de l’État.
Toutefois, face aux nouveaux aléas géopolitiques, économiques et financiers, dont Éric Lombard vous parlera, nous avons été conduits, à l’instar de divers économistes, à réviser à la baisse notre prévision de croissance pour 2025. Nous avons porté notre estimation de 0,9 % à 0,7 %.
Je l’avais annoncé lors de mon audition devant votre commission des finances : face à des risques avérés, nous avons pris les décisions qui s’imposaient. Nous nous sommes notamment redonné des marges de prudence à hauteur de 5 milliards d’euros au titre du budget de l’État. Cette somme représente 0,6 % des crédits ouverts en loi de finances pour 2025 : l’effort est à la fois substantiel et tout à fait atteignable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces 5 milliards d’euros portent pour moitié sur une annulation de crédits mis en réserve. Le décret dont il s’agit a été publié en fin de semaine dernière ; nous n’avons pas manqué de le transmettre à M. le président et à M. le rapporteur général de votre commission des finances. Plus précisément, 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,7 milliards d’euros en crédits de paiement ont ainsi été annulés et ne seront donc pas consommés.
Vous le savez, ces crédits proviennent pour l’essentiel de la réserve de précaution initiale. Le taux de cette dernière avait été fixé à 5,5 %, comme en 2024, mais, dès le début de gestion, on avait demandé instamment aux ministères de ne pas compter sur ces crédits. Il s’agissait dès lors – si je puis m’exprimer ainsi – d’une annulation anticipée.
L’autre moitié de l’effort est assurée par un surgel ciblé de crédits, afin de reconstituer nos marges. Ce travail a été, lui aussi, mené à bien en début de semaine. Au total, 2,8 milliards d’euros de crédits ont ainsi été mis de côté, afin de reconstituer la mise en réserve initiale. Si la conjoncture venait à se dégrader ou si de nouveaux risques devaient émerger, nous pourrions bien sûr revenir sur cette mesure.
Comme nous nous y sommes engagés, le suivi de l’exécution fera l’objet d’un second point d’étape à la fin du mois de juin prochain, lors d’un nouveau comité d’alerte.
Comme lors du premier comité, nous vous communiquerons, en toute transparence, l’intégralité des informations dont nous disposons, qu’il s’agisse des recettes collectées, des dépenses et de leurs trajectoires, ou des diverses mesures à prendre pour tenir les équilibres financiers du prochain budget.
À présent, je tiens à détailler devant vous quelques-unes des orientations du budget pour 2026, déjà présentées par M. le Premier ministre le 15 avril dernier.
Afin de construire, pour 2026, un compromis comparable à celui que nous avons bâti l’hiver dernier, nous devons maîtriser nos dépenses publiques dès cette année – j’y insiste, car il s’agit là d’un prérequis fondamental –, puis édicter un certain nombre de principes que chacun de nos concitoyens, et leurs représentants au premier chef, pourront faire leurs.
Premièrement, nous devons absolument faire en sorte que les dépenses, en particulier celles de fonctionnement, ne progressent pas plus vite que la croissance économique. On peut estimer qu’un tel principe relève de l’évidence. Mais, dans de nombreux domaines, on constate que, depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, les hausses de dépenses se sont révélées supérieures à la croissance. Le déficit s’en est trouvé automatiquement accru. Cet effort de vigilance concerne aussi bien l’État que la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Deuxièmement, un certain nombre de subventions publiques sont aujourd’hui perçues comme des droits acquis par de nombreux acteurs – ménages, entreprises, associations ou encore collectivités territoriales. En ce sens, les subventions de l’État ont perdu leur effet déclencheur ; dans certains cas, elles s’apparentent à une forme de rente. En conséquence, l’efficacité de la dépense publique se trouve réduite.
À nos yeux, l’État doit planifier et agir efficacement, et non se contenter d’être un simple guichet. Il faut bel et bien mener une vaste refondation de l’action publique. Ce chantier, annoncé par M. le Premier ministre, suppose de réinterroger l’action de l’État et de ses opérateurs. Cette dernière doit obéir à des nécessités, et certainement pas à des habitudes.
Troisièmement, nous ne pourrons pas assurer le redressement économique du pays si les intérêts particuliers entravent l’intérêt général, l’intérêt de la Nation. À cet égard, nous sommes également confrontés à une exigence éminemment démocratique.
Nos choix budgétaires doivent refléter plus clairement nos objectifs politiques ; nous devons accepter de mener aujourd’hui les réformes qui nous aideront demain. Pour certains, cet effort peut aboutir à des pertes à court terme. Nous devons les assumer collectivement, à condition qu’elles soient décidées au bénéfice de la croissance et qu’elles aillent donc in fine de pair avec des gains pour des millions d’autres citoyens.
Quatrièmement, il est essentiel que nous puissions mettre fin à certaines dépenses qui ne sont plus justifiées. Je pense en particulier aux coûts dus à la redondance et à l’enchevêtrement des compétences et des responsabilités. Je songe aussi à diverses dépenses qui ont trop fortement augmenté depuis la crise sanitaire,…
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Ça, c’est sûr…
Mme Amélie de Montchalin, ministre. … comme celles qui sont liées aux arrêts maladie.
Cinquièmement, et enfin, le coût et la valeur des services publics, trop souvent méconnus de nos concitoyens, doivent faire l’objet, de notre part, d’un grand effort de transparence. Les Français pourront dès lors retrouver le sens de l’impôt qu’ils acquittent et de la dépense publique dans son ensemble.
Ces principes doivent nous permettre de construire un budget digne de ce nom. À cet égard, nous entendons tenir notre trajectoire pour revenir sous les 3 % de déficit en 2029, en commençant par une première marche de 4,6 % en 2026.
En parallèle, nous avons une méthode : la transparence totale, en particulier à l’égard des parlementaires. Vos collègues députés et vous-mêmes recevrez toutes les informations nécessaires pour suivre l’exécution de ce budget de compromis qu’est la loi de finances initiale pour 2025 et, plus largement, jouer votre rôle d’évaluation, qu’il s’agisse du Gouvernement ou, plus largement, des finances publiques.
À ce titre, le printemps de l’évaluation sera certainement un moment important pour nous tous, afin que notre trajectoire de reprise en main soit réellement commune. (M. le rapporteur général de la commission des finances, Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter, au nom du Gouvernement et au côté de Mme la ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, l’état d’avancement de notre plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT).
Ce plan permet d’établir une perspective sur plusieurs années, afin de proposer une trajectoire non seulement progressive et équilibrée, mais aussi soutenue et suivie.
Sur le plan économique, vous le savez, nos prévisions de croissance ont été revues du fait d’un contexte géopolitique que je qualifierai de tourmenté – c’est une litote…
Sur le plan domestique, notre scénario de croissance est relativement proche de celui du projet de loi de finances de janvier 2025. En effet, comme le montrent les dernières enquêtes de conjoncture et la relativement bonne tenue de la consommation des ménages, l’adoption du budget pour 2025 a permis de réduire l’incertitude.
Néanmoins, la dégradation de l’environnement international conduit à revoir à la baisse notre prévision de croissance pour 2025, à 0,7 %, en recul de 0,2 point par rapport à notre scénario révisé du mois de janvier dernier. C’est là une conséquence de la politique tarifaire américaine et, plus généralement, de l’aléa qu’elle provoque.
D’après les tout derniers chiffres, la croissance américaine a été légèrement négative au premier trimestre de 2025. Il s’agit là d’une mauvaise surprise pour les États-Unis.
En France, la croissance s’établit à 0,1 % au premier trimestre, conformément à ce qui était attendu. La bonne nouvelle, c’est que l’acquis de croissance pour 2025 est de 0,4 %, ce qui renforce notre objectif de 0,7 % – nous allons continuer de nous battre pour l’atteindre.
L’incertitude économique affecte évidemment nos entreprises. Elle dégrade non seulement leurs exportations, mais aussi leur niveau d’investissement. Au total, l’environnement international pèserait sur la croissance à hauteur de 0,3 point, contre 0,1 point anticipé en janvier dernier.
Cette incertitude ne peut qu’accroître l’aversion au risque. On observe ainsi, depuis quelque temps, des mouvements significatifs sur les bons du Trésor. L’écart de taux avec notre voisin allemand évolue lui aussi de manière sensible, même si, à cet égard, la situation s’est un peu améliorée ces derniers jours.
Pour ce qui est de nos finances publiques, notre trajectoire de dépenses primaires nettes (DPN) a été amendée par rapport à celle qui a été proposée par la France via le PSMT d’octobre 2024.
Il s’agissait de prendre en compte le changement de la cible de déficit du Gouvernement pour 2025, qui, comme vous le savez, a été portée de 5 % à 5,4 %, et la recommandation émise par le Conseil de l’Union européenne en janvier dernier, laquelle est compatible avec la nouvelle cible de déficit.
Vous le savez sans doute, le nouveau cadre budgétaire européen a introduit un nouvel indicateur, que je viens d’ailleurs d’évoquer : le niveau de croissance de la dépense primaire nette, c’est-à-dire hors coût de portage de la dette. Ce nouvel outil est plus précis que l’indicateur traditionnel du déficit public, lequel est particulièrement sensible aux aléas de la conjoncture.
Ainsi, pour la période 2024-2029, le taux de croissance cumulée de nos dépenses primaires nettes reste identique à celui qui figurait dans le PSMT initial. D’ailleurs, de manière cumulée pour les années 2024 et 2025, la dépense primaire nette croîtrait de 4,2 %, sous le plafond fixé par le Conseil, à savoir 4,6 %. La trajectoire retenue par le nouveau cadre de gouvernance européen est donc bien suivie.
Forts de ce constat, nous réitérons notre engagement : faire passer notre déficit sous la barre des 3 % en 2029, que M. le Premier ministre a très justement appelée, lors de la conférence de finances publiques, « le seuil d’indépendance » de la Nation. Pour satisfaire cet engagement, nous maintenons l’objectif de 4,6 % de déficit en 2026 pris dès l’automne dernier.
Nous agissons en conséquence pour éviter le risque de dépassement des dépenses. Mme la ministre chargée des comptes publics vient de le rappeler, en vous détaillant les 5 milliards d’euros d’économies décidés. Je vous confirme que nous nous sommes d’ores et déjà donné rendez-vous au mois de juin prochain pour un second comité d’alerte. Nous pourrons ainsi vous proposer un autre point d’étape de l’exécution du budget de 2025.
Le 15 avril dernier, lors de sa conférence de presse sur les finances publiques, M. le Premier ministre a confirmé la nouvelle méthode que nous entendons suivre : un dialogue poussé entre le Gouvernement et la représentation nationale – en particulier les commissions des finances des deux assemblées –, les représentants des élus et les partenaires sociaux.
Grâce à cette méthode, nous souhaitons rallier le plus grand nombre d’acteurs à l’exigence de redressement des comptes publics, en identifiant ensemble les moyens d’en poursuivre la bonne réalisation.
Pour notre gouvernement, le retour à un niveau de déficit public soutenable est une priorité non seulement budgétaire, mais aussi politique. Elle est indispensable à notre crédibilité à l’international et constitue la garantie de notre souveraineté : grâce à elle, nous pourrons continuer à libérer l’investissement, donc à encourager les entreprises et l’emploi.
Il va sans dire que Mme la ministre des comptes publics et moi-même allons écouter attentivement les différents orateurs de ce débat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce premier rapport d’avancement annuel a été présenté il y a deux semaines en conseil des ministres et doit être transmis aujourd’hui même à la Commission européenne. Il porte sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) pour les années 2025 à 2029.
Comme ce plan, le rapport dont nous débattons cette après-midi constitue une nouveauté. Il a en effet été créé par le dernier cadre de gouvernance économique de l’Union européenne, entré en vigueur il y a presque un an jour pour jour, le 29 avril 2024.
Lui-même adopté en conseil des ministres le 23 octobre 2024, ce PSMT a fait l’objet, au Sénat, d’un débat en séance publique le 30 octobre suivant. Il a ensuite été validé par le Conseil de l’Union européenne le 21 janvier 2025. Sa trajectoire de dépenses avait toutefois été rectifiée un peu plus tôt dans le mois, pour prendre en compte l’évolution de la cible du déficit pour 2025 opérée entre les gouvernements Barnier et Bayrou. Je précise d’ailleurs que le Sénat n’a pas eu connaissance, à l’époque, du détail de cette révision…
J’en viens à mon analyse du rapport d’avancement à proprement parler, en commençant par la situation économique de notre pays.
Entre la fin de 2019 et la fin de 2024, le PIB de la France a progressé de 1,5 point de moins que celui de la zone euro. On pourrait tenter de se rassurer en constatant qu’il a augmenté de près de 4 points de plus que celui de l’Allemagne. Mais, personnellement, je qualifierai de médiocres les performances économiques de la France depuis six ans.
D’ailleurs, au titre des prévisions de croissance, le Gouvernement revient assez fortement, dans ce rapport d’avancement, sur le scénario du PSMT 2025-2029 présenté à la fin du mois d’octobre dernier.
On espérait à l’origine une croissance de 1,1 %. Or, s’alignant sur les autres prévisions officielles, le Gouvernement réduit sa prévision à 0,7 %. Cette révision à la baisse résulte de la hausse des incertitudes, que le Gouvernement impute essentiellement à l’environnement international.
Je le répète, la prévision de croissance a déjà reculé de 0,4 point par rapport à octobre 2024. Et il n’est pas exclu qu’elle continue à diminuer, en raison notamment d’un certain nombre d’aléas négatifs.
Cette orientation à la baisse se manifeste par le fait que les prévisions les plus récentes sont, dans certains cas, plus pessimistes que celle du Gouvernement. Pour la France, la prévision de croissance du FMI en date du 22 avril dernier est ainsi de 0,6 %, de même que la prévision du consensus des économistes. Quant à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), il a publié, lui aussi au cours de ce mois d’avril, une prévision de 0,5 %.
En résumé, les facteurs de croissance identifiés par le Gouvernement pourraient être légèrement moins porteurs qu’il ne l’envisage. En parallèle, les facteurs de recul seraient peut-être un peu plus marqués – je m’exprime naturellement au conditionnel.
D’après le rapport d’avancement, la croissance serait principalement portée par la consommation des ménages, laquelle augmenterait de 1,2 %.
Hors administrations, alors qu’une progression même très limitée était envisagée en janvier dernier par le Gouvernement, l’investissement poursuivrait sa baisse, malgré l’assouplissement de la politique monétaire engagée par la Banque centrale européenne (BCE) au printemps de 2024.
À en croire le Gouvernement, l’investissement des ménages reculerait de 0,3 point et celui des entreprises de 0,8 point. La demande intérieure privée hors stocks contribuerait ainsi, selon lui, à hauteur de 0,5 point à la croissance du PIB en 2025. Elle afficherait donc un retrait, minime, de 0,1 point par rapport à la prévision gouvernementale de janvier dernier.
En revanche, si l’on suit les prévisions du consensus des économistes ou de l’OFCE, cette demande pourrait contribuer légèrement moins à la croissance. Une telle analyse semble assez cohérente, compte tenu des prévisions du FMI.
Un tel écart peut s’expliquer par la prise en compte, limitée, par le Gouvernement des effets de l’incertitude qui continue de régner à l’échelle nationale. Ainsi, selon l’OFCE, l’incertitude nationale grèverait la croissance de 0,3 point en 2025, contre 0,1 point en 2024.
Conjugués à une incertitude internationale grandissante, la situation politique instable que connaît toujours notre pays et le manque de visibilité quant aux mesures de politique économique et fiscale risquent de renforcer les comportements attentistes des entreprises.
S’y ajoute la dégradation du marché de l’emploi due au ralentissement de l’activité, qui se manifeste par une augmentation du taux de chômage. Celui-ci approche aujourd’hui les 8 %, selon la Banque de France et l’OFCE. Ce facteur peut lui aussi freiner la consommation.
Quant à la consommation publique, elle soutiendrait davantage la croissance qu’il était initialement prévu, du fait d’une consolidation budgétaire moins marquée entre le début de la discussion du budget de 2025 par le gouvernement de Michel Barnier et la cible finalement retenue.
Enfin, selon le Gouvernement, la contribution du commerce extérieur à la croissance serait nulle, alors que, en janvier dernier, il l’estimait à 0,1 point. D’après l’OFCE, le commerce extérieur pourrait même constituer un facteur négatif, à hauteur de 0,1 point de croissance. À cet égard, les perspectives semblent également se resserrer.
Ce recul est une composante de l’assombrissement global du tableau de l’économie mondiale, résultant principalement de la politique commerciale américaine. Et, qu’on le veuille ou non, les effets de cette politique seront globalement négatifs pour l’économie française.
Selon le Gouvernement, l’augmentation des droits de douane engagée par les États-Unis en février 2025, renforcée le 2 avril, mais finalement contenue le 9 avril suivant pour de nombreux pays, dont le nôtre, grèverait la croissance française de 0,3 point en 2025.
Je précise que cette estimation ne se fonde que sur les mesures annoncées jusqu’au 2 avril inclus. Elle est donc, selon toute vraisemblance, légèrement surévaluée.
Au total, les prévisions de croissance contenues dans le rapport d’avancement pour les années à venir sont révisées légèrement à la baisse. À mon sens, ce nouveau scénario est un peu plus réaliste qu’un maintien pur et simple des prévisions initiales du PSMT. Cette moindre croissance rendra assurément plus difficile l’atteinte de la cible de déficit pour 2025.
À présent, je me dois de revenir sur le dérapage majeur constaté en 2023. Je le rappelle, le déficit a alors atteint 5,4 % de PIB. Puis, la dégradation s’est poursuivie, le déficit atteignant 5,8 % en 2024, au lieu des 4,4 % prévus dans la loi de finances pour 2024 et dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) votée à la fin de l’année 2023.
La cible de déficit public était alors de 3,7 % en 2025. Disons-le, un tel objectif est désormais complètement hors d’atteinte ; pourtant, la LPFP n’a été adoptée qu’il y a dix-huit mois…
Je ne le répéterai jamais assez : ces deux années de dégradation qu’ont été 2023 et 2024 ont été absolument terribles pour l’économie française. Ce bilan est inacceptable, car la seule situation économique du pays ou une quelconque crise ne sauraient en aucun cas la justifier. Les comparaisons européennes nous le prouvent.
Il est temps que les responsables politiques de l’époque cessent de clamer l’excellence de leur pilotage des finances ! Monsieur le ministre, les Français ne comprennent pas cette dérobade, qui – je le dis sans ménagement – confine à l’irresponsabilité.
Je rappelle que, pour l’année en cours, le Gouvernement prévoit un déficit public de 5,4 % du PIB, qui représente tout de même 50 milliards d’euros de plus que la cible fixée par la loi de programmation des finances publiques.
Malgré tout, l’ambition d’un retour du déficit à son niveau de 2023 reste atteignable. L’annulation de 2,7 milliards d’euros en crédits de paiement par le décret du 25 avril dernier, ainsi que la mise en réserve complémentaire d’un « montant comparable », qui est évoquée, nous conduisent à le penser.
Enfin, la trajectoire de dépense primaire nette, qui seule nous engage réellement à l’échelle européenne et qui constitue notre trajectoire de correction dans le cadre de la procédure pour déficit excessif, est pour l’instant tenue.
En 2025, l’évolution de cette DPN, dont on prévoit la progression à hauteur de 0,9 %, serait de 0,1 point supérieure à ce que recommande le Conseil, ce qui constitue un écart inférieur au maximum de 0,3 point retenu par les nouvelles règles en vigueur.
Toutefois – cette bonne orientation ne saurait nous le faire oublier –, vigilance et volontarisme doivent demeurer les maîtres mots de l’action publique et, en particulier, de la gestion des finances publiques pour les années à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)