Mme Marie Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, et surtout, pour certains d’entre vous, mes chers confrères, lorsque j’ai entrepris mes études de médecine, puis effectué des remplacements avant de m’installer, lorsque j’ai choisi d’exercer cette profession un peu spéciale, je n’aurais jamais pensé qu’un jour je m’exprimerais sur la sécurité des professionnels de santé au travail.

Partout sur le territoire, on constate une hausse inédite des violences envers les soignants, mais aussi, comme deux de mes collègues l’ont dit avant moi, envers nos amis pompiers, avec lesquels nous travaillons souvent. Voilà qui est profondément et résolument inquiétant pour l’équilibre de notre société.

Insultes, menaces, agressions physiques, vols, actes de vandalisme : selon le recensement annuel de l’ordre des médecins, le nombre des signalements de violences physiques ou verbales a augmenté de 27 % entre 2022 et 2023. En 2023, 1 581 incidents ont ainsi été signalés auprès du conseil national de l’ordre des médecins.

Certes, ce nombre peut sembler relatif si on le rapporte aux 120 000 médecins libéraux et 60 000 praticiens hospitaliers que compte notre pays, mais c’est la première fois, en vingt ans, depuis que l’ordre réalise cette enquête, que la hausse est si forte.

De plus, les chiffres sont minimisés. Une grande majorité des praticiens ne déclarent pas les violences subies : un tiers seulement des signalements donnent lieu à un dépôt de plainte.

D’où vient cette violence, que l’on retrouve aussi dans les familles, les institutions, les écoles, les cours de récréation, les manifestations et après les matchs, même en cas de victoire ? Peut-être est-elle due à un manque de respect, de civilité, à un problème de rapport à la règle, mais elle relève surtout d’un manque d’éducation.

Les médecins généralistes sont les plus visés, puisqu’ils sont victimes de 64 % des agressions, alors qu’ils ne constituent que 43 % des effectifs.

Cette tension s’expliquerait, notamment, par la difficulté croissante d’accès aux professionnels de santé. Mais ce n’est pas ainsi que l’on attirera les jeunes confrères !

Le taux de réponse pénale est toutefois élevé, grâce à l’application de la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025, dans laquelle il est demandé aux parquets de faire preuve de vigilance à l’égard des violences envers les professionnels de santé.

Néanmoins, comme l’a souligné notre collègue rapporteure, les condamnations en première instance sont loin des quantums fixés par la loi. La durée moyenne des peines de prison ferme prononcées n’atteint pas sept mois.

Cette proposition de loi a d’abord été adoptée par l’Assemblée nationale. La commission des lois du Sénat l’a ensuite modifiée, lorsqu’elle l’a examinée le mercredi 30 avril dernier, afin de sécuriser le dispositif sur le plan juridique. Elle a ainsi adopté six amendements. Ensuite, en séance publique, le 6 mai, nous avons de nouveau modifié le texte, en adoptant dix-huit amendements.

Nous avons notamment eu un débat autour du délit d’outrage. La commission des lois préférait compléter le délit d’injure pour répondre aux professionnels tout en préservant la qualité du droit, car le délit d’outrage était jusqu’alors réservé aux personnes chargées d’une mission de service public. Finalement, en séance, nous avons préféré revenir au délit d’outrage.

Nous avons aussi débattu de la disposition permettant aux professionnels de santé de ne pas communiquer leur adresse personnelle lors d’un dépôt de plainte : elle a été supprimée.

Le Sénat a adopté d’autres mesures. Nous avons ainsi pris en compte les violences commises entre membres du personnel, entre professionnels de santé ou entre des membres du personnel et des professionnels de santé.

Les prestataires de santé à domicile ont été inclus dans la liste des personnels protégés à l’article 1er.

Nous avons aggravé le délit d’agression sexuelle commise dans le cadre de la relation entre le soignant et le soigné. De tels faits ne sont pas rares, mes chers collègues, et ne sont ni tolérables ni acceptables. Un examen gynécologique, cela fait mal ; un professionnel de santé doit savoir respecter son patient !

Nous avons également étendu la protection prévue à l’article 1er à tous les vols commis au préjudice d’un professionnel dans l’exercice de ses fonctions, tels que les vols de blocs d’ordonnance ou de tampons professionnels, afin de ne pas limiter le champ d’application du texte aux vols commis dans les établissements de santé.

Nous avons octroyé au conseil national de l’ordre des pharmaciens la capacité de se constituer partie civile en cas d’outrage commis à l’encontre d’un pharmacien.

Nous avons intégré les prestataires de santé à domicile à la liste des professions pour lesquelles l’employeur peut porter plainte.

Nous avons donné compétence aux unions régionales des professionnels de santé (URPS) pour accompagner et soutenir, aux côtés des ordres concernés, les professionnels de santé libéraux agressés qui en font la demande.

Nous avons aussi étendu la protection fonctionnelle à tous les cas où un agent public peut solliciter l’assistance d’un avocat en application du code de procédure pénale, y compris avant l’éventuelle mise en mouvement de l’action publique.

Ce texte témoigne ainsi du soutien des pouvoirs publics aux victimes et du refus de toute banalisation de la violence. Le groupe Les Républicains le votera.

En tant que médecins, nous prêtons un serment, celui d’Hippocrate, qui s’ordonne autour d’une obsession : primum non nocere – je ne nuirai pas.

Les professionnels de santé, qui sont au service de l’autre, méritent une reconnaissance et une attention particulières.

Non, la médecine n’est pas un métier comme un autre. Il nous faut dix ans pour apprendre la vie et la mort – dix années consacrées à la douleur, à la souffrance, à la compréhension de l’intime.

Non, ces études ne constituent pas une charge, pas plus que le sont les études d’anglais, d’histoire ou de mathématiques. Dès la troisième année, les étudiants en médecine se voient confier des tâches, notamment administratives, dans les services.

Si nous voulons une médecine performante, de proximité et de qualité, il est essentiel que nous fassions de la devise de ce serment – primum non nocere – la nôtre. Ne nuisons pas à ceux qui prennent soin des autres. Protégeons-les et accompagnons-les. Je compte sur vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen, au Sénat, de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.

Avant que nous ne nous prononcions de manière solennelle sur son sort, je souhaite rappeler le caractère attendu et nécessaire de ce texte.

En effet, de nos jours, la violence dans les lieux de soins n’est plus un fait marginal. En 2024, plus de 20 000 signalements ont été recensés par l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS). Les actes de violence visant des médecins ont augmenté de 27 % en un an.

Toutefois, au-delà des chiffres et des statistiques, ce sont surtout des personnels qui souffrent, des gestes qui sont interrompus, des soins qui sont perturbés, parfois annulés, par peur, exaspération ou épuisement. In fine, c’est la qualité de notre système de soins qui en pâtit.

Alors que la Nation tout entière rendait hommage à ses soignants pendant la crise du covid, en les applaudissant chaque soir depuis les balcons, ces mêmes professionnels sont aujourd’hui exposés à des agressions verbales, physiques ou numériques, qui sont trop souvent banalisées. Ce phénomène doit nous interpeller et exige une réponse ferme du législateur.

Parmi les victimes de ces violences, les femmes, majoritaires dans les professions de santé, se trouvent très souvent en première ligne.

Celles et ceux qui nous soignent, qui nous accompagnent, parfois dans l’urgence, souvent dans la douleur, doivent être protégés, respectés, soutenus.

Cette proposition de loi apporte une réponse essentielle, de nature pénale, et affirme un principe clair : la tolérance zéro face aux violences dans les lieux de soin. Le Sénat a su, en commission comme en séance, enrichir et renforcer utilement ce texte.

En commission, l’extension de la protection à l’ensemble des personnels travaillant au sein de structures de soin, qu’ils soient employés directement par ces dernières ou non, constitue une avancée majeure. En intégrant les personnels administratifs et techniques, qui travaillent parfois en sous-traitance, mais qui sont pourtant en contact quotidien avec les patients, le Sénat procède à une véritable sanctuarisation des lieux de soin.

En séance publique, nous avons adopté plusieurs mesures, qui représentent des apports significatifs, afin d’élargir la portée du texte et de mieux saisir la réalité du terrain.

Je pense par exemple à l’intégration des prestataires de santé à domicile à la liste des professionnels protégés. Cette disposition permet de reconnaître enfin leur vulnérabilité spécifique, liée à leur isolement et à leurs conditions d’intervention.

À l’article 2, la commission avait proposé, dans un souci de cohérence juridique, de substituer à l’infraction d’outrage celle d’injure. Ce choix aurait toutefois eu pour effet de réduire le champ des faits condamnables et d’imposer aux professionnels un régime plus restrictif. C’est pourquoi le Sénat a choisi, en séance publique, de revenir à la rédaction initiale de l’Assemblée nationale, en maintenant l’outrage, plus protecteur dans les faits.

À l’article 3, l’inclusion des prestataires de santé à domicile dans la liste des professionnels à la place desquels l’employeur peut porter plainte est cohérente avec la reconnaissance, à l’article 1er, de ces derniers. L’octroi de cette compétence aux URPS, en complément des ordres professionnels, renforce l’accompagnement des soignants libéraux, au plus près du terrain.

Ces évolutions témoignent d’un travail parlementaire utile, précis, équilibré. Le texte, dans sa rédaction finale, est plus solide, plus clair et mieux adapté aux réalités du terrain.

Les membres du groupe RDPI voteront en faveur de la proposition de loi, par conviction et dans un esprit de solidarité avec l’ensemble des soignants : en protégeant celles et ceux qui nous soignent, nous leur accordons simplement le respect et la reconnaissance qu’ils méritent. Défendre leur engagement au service des autres, lui rendre hommage, c’est aussi cela faire justice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP. – Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion générale, nous avons dressé un état des lieux particulièrement alarmant. Les violences contre les soignants se multiplient. Je ne rappellerai pas les chiffres, qui sont d’ailleurs probablement sous-estimés puisque la grande majorité des médecins ne déclarent pas les incidents.

Il n’en reste pas moins que, partout sur le territoire, dans nos hôpitaux comme dans les cabinets de médecine de ville, celles et ceux qui soignent sont menacés, insultés, parfois même agressés ; les généralistes, notamment les femmes, sont en première ligne.

Derrière chaque fait, il y a une vie bouleversée, une vocation fragilisée, un engagement mis à l’épreuve. L’assassinat de Carène Mézino, au mois de mai 2023, en est un tragique symbole.

Ce phénomène n’épargne aucun territoire. Il s’inscrit dans une inquiétante banalisation de la violence.

Ce fut le cas, le mois dernier, en Moselle, où un patient en désaccord avec la prise en charge qui lui était proposée a menacé de mort son généraliste et dégradé son cabinet médical.

C’est également le cas dans d’autres pays puisque, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d’un tiers des soignants dans le monde seraient confrontés à des violences physiques au cours de leur carrière. Nos voisins européens font face au même phénomène que nous.

Dans un tel contexte, l’initiative parlementaire du député Philippe Pradal apporte une réponse utile. Je tiens à saluer de nouveau Anne-Sophie Patru, notre rapporteure, pour le travail qu’elle a mené sur ce texte, et à me féliciter des échanges très riches que nous avons eus la semaine dernière avec vous, monsieur le ministre.

J’en viens maintenant au fond. Nous étions déjà favorables au texte issu de la commission ; nous le serons encore davantage à la rédaction qui résulte de l’examen en séance publique.

Certains dispositifs ont été enrichis. Je pense notamment à l’article 1er qui inclut désormais les personnels employés par des prestataires de santé à domicile. De même, les peines prévues en cas d’agression sexuelle commise par ou sur un professionnel de santé seront aggravées, tandis que des circonstances aggravantes seront retenues pour tout vol de produits de santé.

Plus encore, je me réjouis de la réécriture de l’article 2. Nous avons eu à trancher le débat suivant : fallait-il retenir le délit d’injure ou celui d’outrage ? Avec Michel Masset, nous étions convaincus que l’outrage était plus favorable aux personnels de santé. Le délit d’injure, tiré de la loi sur la liberté de la presse, s’accompagne d’un régime juridique moins protecteur, puisqu’il implique un dépôt de plainte obligatoire, un délai de prescription court, tandis que la qualification matérielle par le juge est plus complexe. Le Sénat a fait le choix de suivre notre position en adoptant notre amendement : tant mieux !

Enfin, je me réjouis de l’adoption de l’amendement qui a été déposé en séance par notre collègue Hussein Bourgi à l’article 3 ; nous avions défendu un amendement similaire en commission. Il étend aux URPS le dispositif du dépôt de plainte. Il convient en effet d’élargir le plus possible le droit pour l’employeur de porter plainte pour violences à la place d’un professionnel de santé ou d’un membre du personnel d’un établissement de santé.

Le réflexe de signalement reste encore trop rare dans la profession. Trop souvent, les soignants renoncent à réagir face aux faits dont ils sont victimes, par crainte de représailles, lassitude ou manque de soutien. Ce silence, bien compréhensible, empêche une réponse pénale adaptée et entretient un sentiment d’impunité. L’extension de ce mécanisme va donc dans la bonne direction.

En conclusion, l’examen de cette proposition de loi doit aussi nous pousser à nous interroger sur nos méthodes et le sens à donner au travail législatif.

Dans De lEsprit des lois, Montesquieu écrivait : « Quoique, dans la démocratie, l’égalité réelle soit l’âme de l’État, cependant elle est si difficile à établir qu’une exactitude extrême à cet égard ne conviendrait pas toujours. » Voilà qui justifie, me semble-t-il, que nous nous attachions à définir des régimes spécifiques pour certaines professions.

Il est indéniable qu’il faille protéger nos soignants – sans exception – comme nos enseignants, nos forces de l’ordre, nos élus locaux, les pompiers, les magistrats, les gardiens d’immeuble, les agents de sécurité privée, les agents pénitentiaires, les chauffeurs de bus ou de train.

Les violences à l’égard des personnes que je viens de citer, mais la liste n’est pas exhaustive, donnent lieu à l’application de circonstances aggravantes, selon les termes de l’article 222-8 du code pénal, que nous proposons de modifier. Le quantum des peines encourues est aggravé, même si cela n’a souvent qu’une portée symbolique puisque les peines prononcées atteignent rarement le maximum possible. Il faudrait, là encore, que cela change !

Naturellement, nous oublions encore des situations et des professions. Nous devrons probablement compléter cette liste dans les mois à venir et, à mesure que le temps passera, notre loi pénale semblera se perdre en d’interminables particularismes…

Néanmoins, cette remarque n’enlève absolument rien à l’importance du travail que nous avons effectué ici. Il est nécessaire de protéger les personnels de santé, car la loi doit constamment s’adapter aux évolutions sociétales et à la banalisation de la violence. Ainsi, samedi dernier, un automobiliste de 19 ans a percuté un pompier au cours d’un rodéo urbain. Celui-ci lutte encore aujourd’hui contre la mort ; nous tenons à lui témoigner ici tout notre soutien et toute notre solidarité.

Notre groupe du RDSE votera unanimement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Sophie Patru. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse que ce texte atteigne la phase finale de son examen au Sénat.

En tant que rapporteure, j’ai souligné la semaine dernière que, depuis le IVe siècle avant Jésus-Christ, le serment d’Hippocrate proclame que les soignants méritent le respect de leurs pairs et de la société s’ils honorent leurs engagements.

Ce respect commence par la sécurité que nous devons garantir à tous nos soignants – celle-ci est le fondement essentiel de notre coexistence.

Malheureusement, les événements intervenus durant ce week-end nous ont encore confirmé que personne n’est à l’abri de la violence, et notamment pas les agents des services publics. En l’occurrence, un sapeur-pompier volontaire, Niccolo Scardi, âgé de 38 ans, a été percuté par un automobiliste devant sa caserne lors d’un rodéo urbain à Évian-les-Bains, en Haute-Savoie. Je souhaite que nous ayons une pensée pour lui, alors qu’il est encore hospitalisé, ainsi que pour sa famille.

Mme Anne-Sophie Patru. Comme les autres membres de la société, les soignants sont victimes de violences, ce qui est particulièrement inacceptable alors que l’épisode du covid est encore dans toutes les mémoires : souvenons-nous des applaudissements quotidiens dont ils étaient l’objet, en raison de leur engagement pour nous tous.

Les données recueillies à l’occasion des signalements volontaires révèlent que les professionnels de santé sont confrontés à des actes de violence qui atteignent des niveaux inquiétants.

Entre 2019 et 2023, l’Observatoire national des violences en milieu de santé et l’Observatoire national de la sécurité des médecins (ONSM) ont enregistré 20 000 signalements de violences.

En 2024, une augmentation du nombre de ces actes de 6,6 % par rapport à 2023 a été observée, ce qui peut révéler soit une hausse du nombre d’incidents soit une amélioration de leur déclaration.

En ce qui concerne les médecins, l’année 2023 a été marquée par une augmentation du nombre de signalements de 27 % : 1 581 actes de violence ont ainsi été rapportés.

Même si des améliorations sont toujours possibles, nous pouvons être satisfaits que le taux de réponse pénale – environ 90 % – soit élevé.

Les condamnations prononcées en première instance pour des faits de menaces ou de violences contre des professionnels de santé comportent, dans trois quarts des cas, des peines d’emprisonnement. Cependant, la durée moyenne des peines de prison ferme prononcées est inférieure à sept mois, soit très en deçà des quanta prévus par la loi pour les différentes infractions de menaces ou de violences.

Ces résultats, relatifs au taux de réponse pénale et au taux de condamnation, découlent d’une volonté clairement exprimée dans la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025, dans laquelle il est demandé aux parquets une mobilisation particulière pour lutter contre les violences dans le secteur de la santé.

Je salue l’initiative de M. Pradal, qui a déposé cette proposition de loi cruciale alors qu’il était député. Attendue par la communauté soignante, elle a été adoptée par l’Assemblée nationale en mars dernier.

Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à MM. les ministres Gérald Darmanin et Yannick Neuder pour leur engagement sur cette question.

Les mesures contenues dans ce texte visent à appliquer le plan pour la sécurité des professionnels de santé, qui a été présenté en septembre 2023. Elles visent plusieurs objectifs.

Il s’agit notamment de renforcer les sanctions à l’égard des violences contre les professionnels de santé, en étendant la protection à l’ensemble des personnels des structures de santé, et en aggravant les peines encourues.

Un autre objectif est de faciliter les dépôts de plainte après chaque incident, en permettant à l’employeur de porter plainte à la place d’un professionnel de santé ou d’un membre du personnel.

En tant que rapporteure, je me réjouis de la qualité de nos discussions. La commission des lois a cherché à trouver un équilibre entre qualité du droit et efficacité de l’écriture de la loi. Je salue également le travail du Sénat dans son ensemble et l’implication de l’ensemble de nos collègues sur ce texte. Nous sommes ainsi parvenus à un texte consensuel.

Le groupe Union Centriste soutiendra l’adoption de la proposition de loi. Un vote massif du Sénat enverrait, mes chers collègues, un signal fort de soutien à la communauté soignante, et serait le témoignage d’un appui indéfectible aux professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement au scrutin public solennel sur l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé dans le texte de la commission, modifié.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l’y laisser jusqu’au vote.

Si vous disposez d’une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s’affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant puis en choisissant une position de vote.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 271 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour l’adoption 308
Contre 0

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur toutes les travées, à lexception de celles des groupes CRCE-K et GEST.)

La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, chère Muriel Jourda, madame la rapporteure, chère Anne-Sophie Patru, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier pour le travail que nous avons accompli collectivement durant les séances que nous avons consacrées à l’examen de ce texte.

L’adoption de cette proposition de loi est l’expression d’un refus net et ferme de s’habituer à la violence, quelle qu’elle soit. Elle est l’affirmation que celle-ci est inacceptable, qu’il n’y a pas de petite violence, que tous les actes commis constituent une attaque à l’égard de notre système de santé.

En adoptant ce texte, vous envoyez un message fort à tous les professionnels de santé : l’État est à leurs côtés et nous serons intransigeants.

Nous envoyons également un message fort à tous les coupables, à tous les agresseurs : nous ne laisserons rien passer.

En effet, grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à l’adoption de ce texte, nous franchissons une étape supplémentaire dans la mise en œuvre de notre ambition commune de ne laisser aucun répit à ceux qui s’en prennent aux soignants et de protéger, comme il se doit, ceux qui protègent et prennent soin de notre santé.

Notre ambition est fondée sur la nécessité d’agir, de manière urgente, comme l’actualité nous le rappelle trop souvent et avec force. Je ne citerai que quelques chiffres révélateurs : 23 498 agressions ont été déclarées en 2022 ; le nombre de plaintes déposées a augmenté de 44 %. Cela signifie que soixante-cinq professionnels de santé sont agressés chaque jour dans notre pays.

Je suis mobilisé sur ce sujet en tant que médecin, en tant qu’élu local, en tant que député et naturellement maintenant en tant que ministre de la santé. Quelques jours après ma prise de fonction, j’ai ainsi eu, malheureusement, à me rendre à Annemasse pour soutenir les quatorze soignants qui avaient été agressés.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Yannick Neuder, ministre. Je tiens d’ailleurs à remercier les sénateurs Sylviane Noël, Cyril Pellevat et Loïc Hervé, qui m’ont accompagné.

À cette occasion, j’avais pris l’engagement solennel que de nouvelles mesures seraient mises en œuvre d’ici à septembre 2025.

Mon objectif, vous l’aurez compris, est d’imprimer un tournant décisif à la politique de lutte contre ces violences. Je n’ai qu’un seul mot d’ordre : la tolérance zéro ! Cela passe, bien sûr, par le renforcement des mesures qui nous permettent d’agir en amont des actes de violence.

J’ai ainsi sanctuarisé l’enveloppe de 25 millions d’euros destinée à protéger nos différents services hospitaliers. Oui, madame la sénatrice Souyris, je suis prêt à vous communiquer la liste des actions menées dans ce cadre.

L’ONVS sera renforcé : dans sa version 2.0, il ne sera pas qu’une chambre d’enregistrement, mais constituera une véritable instance de suivi des cas, d’écoute et d’orientation des professionnels et, surtout, des victimes. Une attention particulière sera accordée aux violences sexistes et sexuelles, qui ont trop souvent été couvertes par une omerta au sein de notre système de santé.

Naturellement, je n’oublie pas l’exercice en ville, avec nos soignants libéraux.

Je compte aussi sur la mobilisation des collectivités locales, des élus locaux, notamment par l’action des polices municipales, l’utilisation de caméras de vidéoprotection ou la mise en place de boutons d’alerte – j’en ai d’ailleurs déployé dans ma commune quand j’étais maire.

J’ai indiqué que mon mot d’ordre était la tolérance zéro. J’ajoute que mon objectif à l’égard des auteurs de violences est le zéro impunité. Cet objectif se concrétise avec le vote de ce texte, dont nous ferons en sorte, avec Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, qu’il soit rapidement traduit en droit et dans les faits.

Je voudrais enfin remercier les parlementaires de tous bords qui se sont investis sur le sujet et qui ont adopté, à une large majorité, cette proposition de loi du député Philippe Pradal, qui vise à ne laisser aucun répit aux auteurs de violences.

Grâce à vous, les peines seront aggravées en cas de violences ou en cas de vol en milieu de santé. Les violences contre tous les personnels et dans tous les secteurs de la santé seront réprimées.

Nous pourrons également sanctionner plus fermement les violences verbales et les insultes. Je me réjouis à cet égard de la création d’un délit d’outrage élargi à l’ensemble des professionnels qui concourent aux soins.

Enfin, nous facilitons le dépôt de plainte. Il s’agit en effet souvent d’une épreuve difficile pour les professionnels de santé. Nombre d’entre eux craignent des représailles et renoncent. Le texte ouvre la possibilité à l’employeur d’un professionnel de santé ou à certains autres organismes de déposer plainte à sa place. Monsieur Bourgi, vous avez été entendu !

L’ensemble des établissements médico-sociaux, des cliniques et des centres de santé seront concernés. La question des médecins libéraux, qui sont leurs propres employeurs, sera naturellement posée. La liste des organismes représentatifs autorisés à porter plainte sera précisée dans un décret.

Je peux vous assurer que je serai attentif à ce que ce décret fasse l’objet d’une concertation et soit publié rapidement après l’adoption définitive du texte. L’idée est que la victime se sente soutenue et qu’en cas d’agression le dépôt de plainte devienne un réflexe.

C’est pourquoi, afin de faciliter et de sécuriser encore plus le dépôt de plainte, je travaille en ce moment même avec le ministre de l’intérieur et le garde des sceaux à la mise en place d’un dispositif spécifique de visioplainte pour les soignants victimes de violences.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, face aux violences physiques, verbales ou numériques contre nos soignants et tous ceux qui concourent aux soins, il n’y a, et je n’ai, qu’une seule ligne, celle de la fermeté, et je n’ai qu’un seul mot d’ordre, la tolérance zéro.

Par le vote de ce texte, nous apportons aujourd’hui une réponse à la hauteur de l’enjeu, une réponse à la hauteur des engagements des soignants et de ce que nous devons à ces derniers. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)