M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé
 

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Article 3 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires
Article 3 (suite)

Amélioration de l’accès aux soins dans les territoires

Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller (proposition n° 494, texte de la commission n° 577, rapport n° 576, rapport pour avis n° 574).

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l’amendement n° 69 à l’article 3.

Chapitre II (suite)

Renforcer l’offre de soins dans les territoires sous-dotés

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires
Après l’article 3

Article 3 (suite)

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la première phrase du 1° du I de l’article L. 1434-3, après le mot : « installation », sont insérés les mots : « exercée, pour les médecins, dans les conditions prévues aux articles L. 4131-8 et L. 4131-9 » ;

2° L’article L. 1434-4 est ainsi modifié :

a) Au 1°, après le mot : « médicales », sont insérés les mots : « dont l’installation peut être conditionnée à un engagement d’exercice à temps partiel en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 ou » ;

b) À la première phrase du 2°, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « et des spécialités médicales dont l’installation est préalablement autorisée en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 du présent code ou » ;

c) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

– la quatrième occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;

– après la référence : « L. 1435-5-4 », sont insérés les mots : « , L. 4131-8 et L. 4131-9 » ;

3° Après le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la quatrième partie, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER BIS

« Conditions dinstallation dans les zones les mieux dotées

« Art. L. 4131-8. – L’installation d’un médecin généraliste dans une zone dans laquelle le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé au sens du 2° de l’article L. 1434-4 est préalablement autorisée par le directeur général de l’agence régionale de santé, après avis du conseil départemental de l’ordre des médecins.

« L’autorisation est conditionnée à un engagement du médecin généraliste à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° du même article L. 1434-4. Le directeur général ne peut refuser ou retirer l’autorisation, après que le médecin a été mis en mesure de présenter ses observations, que pour des motifs tenant à l’inexistence, à l’insuffisance ou à la méconnaissance de cet engagement.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, fixe les conditions d’application du présent article, notamment :

« 1° La durée mensuelle minimale et les modalités d’exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4 ;

« 2° Les modalités de formalisation de l’engagement d’exercice à temps partiel du médecin généraliste et de contrôle de son respect ;

« 3° Les conditions de retrait de l’autorisation d’installation par le directeur général de l’agence régionale de santé en cas de méconnaissance de l’engagement d’exercice à temps partiel.

« Art. L. 4131-9. – I. – L’installation d’un médecin spécialiste dans une zone dans laquelle le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé au sens du 2° de l’article L. 1434-4 est préalablement autorisée par le directeur général de l’agence régionale de santé, après avis du conseil départemental de l’ordre des médecins.

« Cette autorisation est conditionnée à la cessation concomitante d’activité d’un médecin de la même spécialité exerçant dans la même zone.

« L’installation d’un médecin spécialiste peut toutefois être autorisée en l’absence de cessation concomitante d’activité d’un médecin de la même spécialité :

« 1° Lorsque le médecin spécialiste s’engage à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° du même article L. 1434-4 ;

« 2° À titre exceptionnel et sur décision motivée du directeur général de l’agence régionale de santé, lorsque l’installation est nécessaire pour maintenir l’accès aux soins dans le territoire.

« Les autorisations accordées en application du 1° du présent I peuvent être retirées par le directeur général de l’agence régionale de santé, après que le médecin a été mis en mesure de présenter ses observations, en cas de méconnaissance de l’engagement d’exercice à temps partiel.

« II. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, fixe les conditions d’application du I, notamment :

« 1° Les modalités d’identification du médecin spécialiste autorisé à s’installer, lors de la cessation d’activité d’un médecin de la même spécialité dans la même zone ;

« 2° La durée mensuelle minimale et les modalités d’exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4 ;

« 3° Les modalités de formalisation de l’engagement d’exercice à temps partiel du médecin spécialiste et de contrôle de son respect ;

« 4° Les conditions de retrait de l’autorisation d’installation par le directeur général de l’agence régionale de santé en cas de méconnaissance de l’engagement d’exercice à temps partiel. »

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l’article L. 162-2, après la dernière occurrence du mot : « médecin », sont insérés les mots : « exercée dans les conditions prévues aux articles L. 4131-8 et L. 4131-9 du code de la santé publique » ;

2° L’article L. 162-5 est complété par un 29° ainsi rédigé :

« 29° Les conditions et modalités de participation financière aux frais et investissements engagés par les médecins afin de respecter l’engagement d’exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins mentionné à l’article L. 4131-8 et au 1° du I de l’article L. 4131-9 du code de la santé publique. »

III. – Les I et II entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, un an après la promulgation de la présente loi.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 69, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 4111-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins sont autorisés à exercer leur activité à titre libéral ou salarié dans les conditions prévues à l’article L. 4111-1-3. » ;

2° Après l’article L. 4111-1-2, il est inséré un article L. 4111-1-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 4111-1-3. – L’installation d’un médecin exerçant à titre libéral ou salarié est soumise à l’autorisation préalable du directeur général de l’agence régionale de santé compétente après avis rendu dans les trente jours suivant sa saisine, du conseil départemental de l’ordre dont il relève.

« L’autorisation est délivrée de droit :

« 1° Si le lieu d’installation du médecin est situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4 ;

« 2° Si un médecin de la même spécialité et exerçant dans la même zone cesse concomitamment son activité.

« L’autorisation ne peut être délivrée dans les autres cas.

« Les conditions d’application du présent article sont définies par un décret en Conseil d’État pris, après avis du conseil national de l’ordre des médecins, et consultation des représentants des étudiants en médecine, des usagers du système de santé et des élus locaux. »

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à réécrire l’article 3, afin que les territoires sous-dotés bénéficient de l’apport de médecins exerçant à temps plein, et non pas à temps partiel, comme le prévoit le dispositif initial.

En effet, dans la République française, il ne peut y avoir de citoyens de seconde zone : chacun a droit à un médecin. Le dispositif que nous proposons est celui qui a déjà cours pour les infirmiers depuis 2008, pour les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes depuis 2018, ainsi que pour les chirurgiens-dentistes depuis le début de cette année. Puisqu’il a fait la preuve de son efficacité, pourquoi ne pas l’étendre aux médecins ?

Hier, à l’occasion des débats nourris auxquels a donné lieu l’examen de ce texte, d’aucuns ont soutenu que l’on ne pouvait pas réguler la pénurie. Parfois, je me demande si certains ne tirent pas argument de cette pénurie organisée par le numerus clausus – cela a été souligné à plusieurs reprises – pour s’opposer à toute forme de régulation.

En outre, je suis inquiète lorsque j’entends l’ordre des médecins alerter sur le fait que nous aurions potentiellement trop de médecins dans les années à venir : c’est très loin de la réalité que nous vivons dans nos territoires, même en nous projetant dans un avenir assez lointain.

Il va de soi que cette pénurie nécessite au contraire de former davantage de médecins. Nous l’avons indiqué lors de la discussion générale et avons même organisé dans cet hémicycle un débat sur la nécessité de former davantage de médecins et soignants, à l’occasion duquel nous avons formulé un certain nombre de propositions.

Au-delà de la pénurie, le rapport de Corinne Imbert pointe un accroissement des inégalités. Ainsi, des départements bien dotés en médecins voient le nombre de médecins augmenter quand les départements sinistrés voient ce nombre reculer. Il faut répondre à cette situation.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. À ceux qui s’inquiètent de la fin de la liberté d’installation, je rappelle que ce dispositif permet la liberté d’installation dans 87 % du territoire national et l’encadre dans les 13 % restants.

M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Menonville et Maurey, Mme Belrhiti, M. J.M. Arnaud et Mmes Jacquemet, Antoine et Saint-Pé, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l’article L. 162-2, les mots : « la liberté d’installation du médecin, » sont supprimés ;

2° Après l’article L. 162-2-1, il est inséré un article L. 162-2-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 162-2-1…. – L’installation d’un médecin libéral en-dehors d’une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante, au sens du 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, est subordonnée à une autorisation de l’agence régionale de santé. Seuls les médecins disposant de cette autorisation peuvent être conventionnés par l’assurance maladie.

« L’autorisation ne peut être accordée que si le demandeur assure la succession d’un professionnel libéral, relevant de la même spécialité médicale, qui cesse définitivement son activité dans la zone. Un décret en Conseil d’État précise selon quelles modalités le médecin libéral mettant fin à son activité désigne son successeur.

« En l’absence de successeur désigné, l’agence régionale de santé peut autoriser l’installation d’un médecin libéral qui en a fait la demande, selon des critères et une procédure définis par décret en Conseil d’État.

« À titre exceptionnel, en l’absence de cessation d’activité d’un confrère, le conventionnement peut être accordé, dans des conditions précisées par décret, à un médecin libéral qui fait état de raisons personnelles dûment justifiées, afin notamment de lui permettre de se rapprocher de son conjoint à la suite d’une mutation professionnelle ou d’une personne en situation de perte d’autonomie dont il est le proche aidant. »

La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Je tiens tout d’abord à féliciter et à remercier Philippe Mouiller de son initiative qui arrive à point nommé, puisque la fracture territoriale en matière d’offre de soins est de plus en plus prégnante sur nos territoires.

Par cet amendement, il s’agit de mettre en place un dispositif de régulation de l’installation des médecins libéraux dans les zones où l’offre de soins est suffisante. Certes, elles sont minoritaires, mais elles existent.

Il est ainsi proposé que l’installation des médecins dans les zones dites surdotées soit soumise à une autorisation de l’agence régionale de santé (ARS), laquelle ne pourrait être accordée qu’en cas de cessation définitive d’activité d’un praticien dans la même spécialité. Cette régulation est encadrée et des dérogations pour tenir compte des situations personnelles sont prévues.

Il n’y a là rien de révolutionnaire : les infirmiers libéraux sont déjà soumis à ce régime. En effet, nos collectivités investissent dans des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) pour contribuer à structurer l’offre de soins et répondre aux besoins des habitants.

Notre système de sécurité sociale assure le remboursement de nombreux frais d’actes et son système de prise en charge doit tous nous responsabiliser, y compris les professionnels de santé. Nous ne sommes donc pas dans un marché du tout-libéral classique. Un peu de régulation est possible et nécessaire. De nombreuses autres professions en font déjà l’objet.

M. le président. L’amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Conconne, Canalès, Féret, Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le 20° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …°Dans les zones définies au 2° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national dans lesquelles est constaté un excédent en matière d’offre de soins, les conditions du conventionnement à l’assurance maladie de tout nouveau médecin libéral sous réserve de la cessation d’activité libérale concomitante d’un médecin exerçant dans la même zone. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent alinéa ; ».

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à instaurer un conventionnement sélectif à l’installation, afin que l’installation d’un médecin dans une zone à forte densité médicale ne puisse intervenir que concomitamment à la cessation d’activité d’un autre médecin exerçant dans la même zone.

Le conventionnement sélectif existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé – pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, orthophonistes – et prévoit que, dans des zones définies par les ARS, en concertation avec les syndicats médicaux, où existe un excédent en matière d’offre de soins, un nouveau médecin libéral ne peut s’installer en étant conventionné à l’assurance maladie que lorsqu’un médecin libéral de la même zone cesse son activité.

Le principe de la liberté d’installation demeure donc, mais le conventionnement n’est possible que de manière sélective pour les nouvelles installations dans les zones surdotées.

L’adoption d’un tel principe de conventionnement sélectif des médecins libéraux permettrait de compléter utilement les dispositifs d’incitation à l’installation dans les zones sous-dotées.

Pour lutter plus efficacement contre la désertification médicale, ce dispositif nous paraît bien plus opérant que ce qui est proposé à l’article 3. Il est impératif de mobiliser l’ensemble des solutions possibles, en particulier lorsqu’elles ont fait leurs preuves pour d’autres professions de santé.

M. le président. L’amendement n° 89 rectifié, présenté par Mme Poumirol, M. Fichet, Mme Le Houerou, MM. Uzenat, Gillé et Kanner, Mmes Canalès, Conconne, Féret, Lubin et Rossignol, MM. Mérillou, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 1110-4-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins sont responsables collectivement de la continuité des soins dans les centres de consultations avancées mentionnés à l’article L. 1431-2, qu’ils organisent en lien avec l’ordre des médecins dans des conditions définies par décret. » ;

2° L’article L. 1431-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) Elles coordonnent la création de centres de consultations avancées dans les zones mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 1434-4, en lien avec les collectivités territoriales. » ;

3° Après le troisième alinéa de l’article L. 1434-4 sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Dans les zones mentionnées au 1°, le directeur général de l’agence régionale de santé détermine les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, pour chaque spécialité médicale, après avis du conseil départemental de l’ordre des médecins.

« Les médecins généralistes et les médecins spécialistes s’engagent à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° du présent article.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, fixe les conditions d’application du présent article. »

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à celui que vient de présenter Jean-Luc Fichet. Il vise à améliorer la mesure contenue à l’article 3 en instaurant un dispositif de solidarité territoriale qui intègre l’ensemble des médecins, sur le modèle de la permanence des soins ambulatoires, ainsi que nous l’avons évoqué hier.

La rédaction actuelle de l’article 3 prévoit que l’obligation de solidarité ne concerne que les nouvelles installations en zones surdotées. Nous proposons de rendre ce dispositif véritablement effectif en y intégrant l’ensemble des médecins présents sur un territoire.

Comme l’a souligné Élisabeth Doineau hier, il serait particulièrement injuste de faire porter les conséquences catastrophiques du numerus clausus – erreur ou plutôt faute politique des gouvernements, mais aussi de l’ordre des médecins pendant des années – sur les seuls jeunes médecins, qui, parce qu’ils sont jeunes, se verraient pénalisés et sollicités pour exercer cette solidarité.

Par conséquent, nous proposons de créer pour les médecins une obligation collective d’organiser la continuité des soins dans les zones insuffisamment dotées qui seront déterminées par les ARS.

M. le président. L’amendement n° 77 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin et MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guiol, Masset et Daubet, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1110-4-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins sont responsables collectivement de la continuité des soins dans les centres de consultations avancées mentionnés à l’article L. 1431-2, qu’ils organisent en lien avec l’ordre des médecins et les unions régionales des professionnels de santé concernées dans des conditions définies par décret. » ;

2° L’article L. 1431-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) Elles coordonnent la création de centres de consultations avancées dans les zones mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 1434-4, en lien avec les collectivités territoriales. » ;

3° Après le troisième alinéa de l’article L. 1434-4 est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les zones mentionnées au 1°, le directeur général détermine les zones caractérisées par une offre de soins particulièrement critique pour chaque spécialité médicale, en lien avec l’ordre des médecins et les unions régionales des professionnels de santé concernées. »

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. L’article 3 introduit une disposition qui suscite beaucoup d’inquiétudes sur le terrain, à savoir conditionner l’installation de médecins en zones surdotées à un engagement individuel d’exercice partiel en zone sous-dense.

Si nous voulons mobiliser durablement la profession médicale, il faut arrêter d’envoyer de mauvais signaux et favoriser l’adhésion à une responsabilité collective encadrée par les ARS en lien avec les collectivités et les professionnels de santé eux-mêmes.

C’est le sens de cet amendement déposé par Véronique Guillotin, dont l’objet s’inscrit dans l’esprit du pacte de lutte contre les déserts médicaux présenté par le Premier ministre. Il vise à créer une mission de solidarité territoriale, définie collectivement, proportionnée aux besoins locaux et intégrée à une organisation pilotée par les ARS.

Il nous semble nécessaire de privilégier une approche fondée sur la responsabilité et la confiance collectives en y associant pleinement les jeunes médecins, les internes, les étudiants et les remplaçants. Leur implication active est essentielle à la réussite de toute politique de rééquilibrage territorial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales. Ces amendements visent tous à réécrire l’article 3 pour lui substituer un dispositif différent de celui qui est prévu.

Les amendements nos 69, 21 rectifié bis et 99 rectifié tendent à mettre en place un système plus contraignant pour les médecins.

L’amendement n° 69 vise à instaurer un système d’autorisation d’installation conditionnée à la cessation d’activité d’un médecin de la même spécialité hors zone sous-dense, sur le modèle de la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane, votée à l’Assemblée nationale.

L’amendement n° 21 rectifié bis tend à mettre en place un système proche, mais en y associant un certain nombre d’exceptions, notamment pour permettre aux médecins de se rapprocher de leurs conjoints.

L’amendement n° 99 rectifié a pour objet de mettre en place un système de régulation du conventionnement conditionné à la cessation d’activité d’un médecin de la même spécialité en zone surdense.

L’amendement n° 89 rectifié vise à contraindre l’ensemble des médecins généralistes et spécialistes à exercer à temps partiel en zone sous-dense.

Quant à l’amendement n° 77 rectifié bis, il tend au contraire à mettre en place une simple obligation collective des médecins à assurer la continuité des soins dans les centres de consultations avancées situés en zone critique.

Les solutions coercitives interdisant aux médecins de s’installer dans certains territoires ou les obligeant à s’installer dans d’autres ne nous semblent pas les plus efficaces : c’est la raison pour laquelle nous avons rédigé cette proposition de loi, qui nous paraît plus équilibrée. Elles risquent de se révéler contre-productives en faisant fuir les jeunes médecins et en réduisant durablement l’activité de l’exercice libéral.

L’ensemble des associations étudiantes et des organisations syndicales, l’ordre national des médecins, Départements de France ou encore l’Association des maires ruraux de France se sont unanimement prononcés contre une telle solution.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 69, 21 rectifié bis, 99 rectifié et 89 rectifié.

Le dispositif que nous proposons nous semble, je l’ai dit, équilibré. Il est bon de rappeler qu’il préserve la liberté d’installation en n’empêchant aucun médecin de s’installer où il le souhaite ou d’y être conventionné. En revanche, ceux qui voudront s’installer dans les zones déjà bien dotées devront donner de leur temps pour contribuer à maîtriser les inégalités d’accès aux soins. Cette contrepartie sera connue à l’avance par les médecins concernés ; ceux-ci s’installeront donc en connaissance de cause. Nous souhaitons que cette responsabilité soit réelle et qu’elle s’impose à chaque médecin visé.

Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 77 rectifié bis, qui tend à remplacer la mesure prévue par une simple obligation collective.

Les syndicats de médecins, d’internes ou d’étudiants ont été beaucoup moins critiques à l’égard de la proposition de Philippe Mouiller qu’à l’égard d’une régulation stricte.

Enfin, il est difficile de comparer la régulation imposée aux autres professions de santé – chirurgiens-dentistes, pharmaciens, infirmiers, etc. – avec celle que les auteurs des amendements souhaitent mettre en place pour les médecins, généralistes ou spécialistes. En effet, ceux-ci ont la possibilité de ne pas être conventionnés, ce qui n’est pas envisageable pour les autres professions.