M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3 (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires
Article 4

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 72 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I – Le chapitre 3 du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4113-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4113-. – Tout contrat entre personnes physiques ou morales, conclu à titre onéreux, qui a pour objet la cession ou l’usage d’un droit à installation ou d’un droit à exercer une activité professionnelle médicale résultant de l’application des dispositions du chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la quatrième partie du présent code, est réputé non écrit. Est réputée non écrite la promesse unilatérale de conclure un tel contrat. ».

II. – Les dispositions issues du I du présent article entrent en vigueur le premier jour du second mois qui suit la publication de la présente loi.

Elles ne sont pas applicables aux contrats conclus avant cette date.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à lutter contre la financiarisation de la santé. Nous souhaitons combattre la pratique de la cession à titre onéreux d’un droit de présentation du successeur.

Imaginons qu’un professionnel de santé cessant son activité désigne, après moult réflexions, un collègue comme successeur, donnant ainsi à ce dernier une priorité dans l’autorisation à l’installation, ainsi que le prévoit l’article 3 de la présente proposition de loi. Ce professionnel ne sera-t-il jamais tenté de marchandiser la désignation de son successeur ?

Je ne dis évidemment pas qu’ils le feront tous ni même que ce sera majoritaire. Mais il faut clairement indiquer, à destination de ceux qui s’y risqueraient, qu’un tel procédé est inacceptable et même illégal. Continuons de nous opposer à la financiarisation de la santé.

Cet amendement vise donc à prévoir que tout contrat relatif à la cession est réputé nul si et seulement s’il est conclu à titre onéreux. Il ne s’agit ni d’interdire la désignation d’un successeur, lorsqu’elle est gratuite, ni la cession de la patientèle, d’un droit au bail ou d’éléments corporels rattachés au cabinet médical, même conclue à titre onéreux.

Au regard des discussions avec le Gouvernement, nous avons rectifié l’amendement et restreint son champ d’application au seul droit à l’installation prévu par l’article 3.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les dispositifs de régulation démographique des professions de santé n’ont pas à créer un marché permettant aux plus offrants de s’installer ou d’adhérer rapidement à la convention dans le lieu de leur choix.

Nous avons volontairement prévu à l’article 3 que le décret en Conseil d’État devrait fixer les modalités d’identification du médecin ayant vocation à remplacer un confrère cessant son activité. Nous souhaitons que ce décret fixe des modalités justes de priorisation des demandes.

Mais, dans la mesure où l’enjeu nous paraît important, nous souhaitons demander l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Je précise que je partage les préoccupations des auteurs de l’amendement. Avec Bernard Jomier et Olivier Henno, nous avons remis un rapport sur la financiarisation de l’offre de soins. Nous sommes très vigilants à cet égard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Je suis sensible à l’intention des auteurs de cet amendement : prévenir toute dérive marchande ou spéculative liée au conventionnement ou à l’installation de professionnels de santé, notamment dans les zones à forte tension.

Il semble cependant que la rédaction de l’amendement – je pense notamment à la non-cessibilité de l’adhésion à la convention – ne permette pas d’atteindre l’objectif.

Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 111, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre III du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Mission de solidarité territoriale

« Art. L. 4136-1. – Afin de garantir l’accès aux soins dans des zones considérées comme prioritaires, les médecins libéraux et les médecins salariés d’une structure de soins participent à une mission de service public de solidarité territoriale en dispensant des soins en dehors de leur lieu d’exercice habituel.

« Les zones considérées comme prioritaires sont fixées par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétent dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Cette participation s’exerce sur la base du volontariat ou, à défaut, sur désignation du directeur général de l’agence régionale de santé.

« Par dérogation aux dispositions de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, les conditions d’indemnisation de cette participation sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et exclusives de toute rémunération forfaitaire spécifique prévue par la convention mentionnée audit article L. 162-5.

« En cas de refus de participation à la mission de solidarité territoriale, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer à l’encontre du médecin une pénalité financière.

« Le montant de la pénalité est fixé en fonction du nombre de jours ayant fait l’objet d’un refus de participer à la mission et de la réitération éventuelle du refus.

« La pénalité est recouvrée par l’organisme d’assurance maladie compétent. Les dispositions du dernier alinéa du III de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale sont applicables à son recouvrement. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie.

« En cas de carence de médecins pour assurer la mission dans une zone donnée, le directeur général de l’agence régionale de santé communique au représentant de l’État dans le département les informations permettant à celui-ci de procéder aux réquisitions éventuellement nécessaires.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le nombre de jours maximal pour lesquels un médecin peut être désigné pour participer à la mission et le montant de la pénalité financière dans la limite de mille euros par jour. »

La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre. L’accès aux soins sur l’ensemble du territoire national est une responsabilité collective au cœur de notre pacte républicain. Or, vous le savez, les inégalités d’accès aux soins du quotidien pèsent encore lourdement sur la vie de nos concitoyens dans trop de territoires.

La lutte contre les déserts médicaux doit donc mobiliser toute notre énergie et notre détermination, afin de proposer des solutions concrètes et efficaces pour tous nos concitoyens.

C’est pourquoi le Gouvernement a présenté, le 25 avril dernier, le pacte de lutte contre les déserts médicaux et pour l’accès aux soins, qui introduit pour la première fois dans notre système de santé le principe d’une solidarité territoriale obligatoire de l’ensemble de la communauté médicale.

Cet amendement vise à rendre opérationnel ce principe, qui sera mis en place en deux temps.

Dans un premier temps, les agences régionales de santé identifieront des zones considérées comme prioritaires, en lien avec les préfets, les conseils départementaux et l’ordre des médecins, où la mesure de solidarité territoriale sera appliquée en priorité.

Dans un second temps, la mesure sera étendue à l’ensemble des zones sous-denses au-delà des territoires les plus prioritaires et du premier recours.

La solidarité territoriale sera organisée par les agences régionales de santé, en lien avec les conseils départementaux de l’ordre des médecins. Les médecins installés, libéraux ou salariés d’une structure d’exercice coordonnée, et les remplaçants des territoires mieux dotés devront se relayer pour assurer une continuité d’exercice en médecine de premier recours dans les zones sous-denses, avec des plannings définis à l’avance sur le modèle de la permanence de soins ambulatoires.

Ils devront consacrer jusqu’ à deux jours par mois à ces zones prioritaires et pourront se faire remplacer dans leur cabinet principal.

Cette mission fera l’objet d’une indemnisation qui sera définie par un arrêté et qui s’ajoutera à la rémunération des actes et consultations réalisés pendant ces journées de solidarité territoriale. En cas de refus de participation, le médecin sera passible d’une pénalité financière.

Une telle mesure sera, j’en suis convaincu, une réponse forte et pragmatique aux attentes de nos concitoyens. Elle augmentera très significativement le temps médical passé dans les zones sous-denses.

Cet amendement est finalement assez complémentaire avec l’article 3 de la proposition de loi et cohérent avec la philosophie qui consiste à demander peu à beaucoup de professionnels, afin d’alléger la charge individuelle.

M. le président. Le sous-amendement n° 126, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Amendement n° 111, après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne peut être exigé des médecins soumis à un engagement d’exercice à temps partiel en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 qu’ils participent à la mission de service public de solidarité territoriale.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ce sous-amendement vise à articuler le dispositif de solidarité territoriale du Gouvernement avec les mesures d’encadrement des installations prévues à l’article 3 de la proposition de loi.

Nous souhaitons préciser que les médecins soumis, dans le cadre de cet encadrement, à un engagement d’exercice à temps partiel ne pourront pas être contraints, en sus, de participer à la mission de service public de solidarité territoriale. Bien entendu, s’ils souhaitent toutefois contribuer également à la mission de solidarité territoriale, rien ne les en empêchera. Dans ce cas, leur participation sera évidemment indemnisée dans des conditions de droit commun.

M. le président. Le sous-amendement n° 125, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Amendement n° 111

Compléter cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À l’article L. 1423-4, les mots : « mentionnées au 1° » sont remplacés par les mots : « et dans les zones considérées comme prioritaires mentionnées aux 1° et 3° » ;

2° L’article L. 1434-4, dans sa rédaction issue de la présente loi, est ainsi modifié :

a) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Les zones considérées comme prioritaires mentionnées à l’article L. 4136-1 du code de la santé publique, pour la profession de médecin. » ;

b) À l’avant-dernier et au dernier alinéas, les mots : « et 2° » sont remplacés par les mots : « à 3° » ;

3° L’article L. 4136-1, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

- la première occurrence du mot : « des » est remplacée par le mot : « les » ;

- après le mot : « prioritaires », sont insérés les mots : « mentionnées à l’article L. 1434-4 » ;

b) Le deuxième alinéa de l’article L. 4136-1, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est abrogé.

III. – Le II du présent article entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le 1er janvier 2027.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ce sous-amendement vise à articuler les mesures gouvernementales relatives à la solidarité territoriale avec les procédures de zonage de droit commun.

Nous proposons pour cela que les modalités d’identification des zones prioritaires prévues par le Gouvernement et devant être précisées par arrêté s’appliquent seulement pendant une durée transitoire ne pouvant pas s’étendre au-delà du 1er janvier 2027.

À l’issue de cette période, les zones prioritaires concernées par le dispositif de solidarité territoriale seront identifiées dans des conditions de droit commun par le directeur de l’agence régionale de santé, après avis conforme de l’office départemental, dans l’esprit de l’article 1er tel que nous l’avons adopté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos 126 et 125 ?

M. Yannick Neuder, ministre. Sagesse, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je me réjouis vivement de l’approche retenue par le Gouvernement, qui choisit non pas de faire payer aux jeunes médecins les frais de la pénurie, mais d’instituer une mission de service public de solidarité territoriale.

Il me semble que le dispositif proposé est en ligne avec l’essence même de la profession, puisque le code de déontologie dispose que les médecins exercent au service de l’individu et de la santé publique et qu’ils doivent, en toutes circonstances, respecter le principe de dévouement indispensable à l’exercice de la médecine.

Accessoirement, l’amendement du Gouvernement ne remet pas en cause la liberté d’installation.

Permettez-moi cependant de formuler deux observations, qui auront peut-être des prolongements dans la suite des discussions.

Premièrement, l’amendement reste malheureusement muet sur les obligations des ARS. Il conviendra, dans les zones critiques dont elle va déterminer le périmètre, que l’ARS mette en place, en lien avec les élus, des centres de consultations avancées. En effet, il ne suffit pas de demander à des médecins de se rendre en dehors de leur lieu d’exercice ; il faut prévoir des lieux où ils pourront effectuer leurs consultations.

Deuxièmement, il nous faudra améliorer le dispositif de pénalité pécuniaire susceptible d’être infligé aux médecins par les ARS. Sur ce point, le texte semble trop imprécis : il ne donne aucun critère pour cette sanction, même s’il indique qu’elle sera inférieure à 1 000 euros, et ne prévoit rien concernant les droits de la défense. Pour tout vous dire, le texte ne me paraît pas en ligne avec la jurisprudence du Conseil d’État sur les sanctions administratives.

Il m’aurait paru beaucoup plus simple d’aller jusqu’au bout de la logique. Nous définissons ici une mission de service public de solidarité territoriale à laquelle doivent participer tous les médecins. Ainsi, le directeur de l’ARS, lorsqu’il constate que cette mission n’est pas remplie, devrait pouvoir saisir le conseil de l’ordre. La sanction serait ainsi prononcée par une juridiction au vu d’un manquement aux obligations professionnelles du médecin.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Si je comprends bien, on demande aux médecins des zones surdenses de faire des consultations dans les zones sous-denses à raison de plusieurs heures ou plusieurs jours par semaine.

Sur le principe, c’est une bonne chose, mais le médecin qui se déplace va devoir recruter un remplaçant pour effectuer les consultations qu’il ne peut plus assurer en zone surdense.

On pensait que la solidarité s’exercerait et que la zone possédant un nombre de médecins suffisant pourrait offrir du temps médical, sans avoir à recruter de nouveaux médecins pour compenser les départs. Or il n’en sera rien.

M. Yannick Neuder, ministre. Mais si !

M. Jean-Luc Fichet. Il me semble que le remplaçant, au lieu de combler le départ d’un médecin en zone surdense, devrait venir en renfort en zone sous-dense.

M. Yannick Neuder, ministre. Les choses ne fonctionnent pas comme cela !

M. Jean-Luc Fichet. On bénéficierait ainsi d’une offre de soins beaucoup plus significative. Je suis peut-être un peu taquin, mais il faudrait qu’on nous donne des clés de compréhension sur la manière dont pourrait fonctionner ce mécanisme !

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Je suis curieuse de savoir ce que le ministre répondra aux observations de notre collègue Fichet. Personne, ici, n’envisage de créer une nouvelle usine à gaz – nous en avons déjà en nombre suffisant…

Pour ma part, je souhaite évoquer un autre aspect. Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, est celui qui a été mis en place par les associations Médecins solidaires et Bouge ton coq. Il est formidable que, dans un grand nombre de nos territoires, des associations prennent de telles initiatives – cela fait du bien.

Dans mon département, des CPTS et des élus locaux ont mis en place un dispositif de médicobus, qui se déplacent dans différents villages. Les mairies mettent alors des locaux à disposition des médecins afin qu’ils puissent réaliser leurs consultations. Malheureusement, à ce jour, celles-ci ne peuvent souvent s’adresser qu’à des patients souffrant d’une affection de longue durée (ALD) qui n’ont plus de médecin.

Mais il me semble quand même que, dans la septième puissance du monde, l’État devrait être capable de proposer autre chose que ce que des associations arrivent déjà à faire avec des bouts de ficelle. Et je le dis sans mépris à leur égard ; je tiens d’ailleurs à saluer leur travail.

Je suis consciente de l’urgence de la situation. Je serais presque prête à tout pour que chacun dispose d’un médecin sur son territoire, mais la solution que vous nous proposez, monsieur le ministre, peut-elle être véritablement la stratégie nationale de santé dont a besoin notre pays ? Je sais que vous avez annoncé d’autres dispositifs, dont nous pourrons discuter ultérieurement. Nous devons par exemple augmenter les capacités de formation.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Céline Brulin. J’insiste, le Gouvernement et la représentation nationale peuvent faire beaucoup mieux.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je souhaite revenir sur la définition des zones rouges, dont nous avons parlé hier soir. Comment a-t-on pu choisir des critères conduisant à ce que, dans le département de l’Eure, l’un des derniers en matière de démographie médicale, aucun territoire ne soit considéré comme prioritaire ?

Quatre critères ont été choisis par le Gouvernement : le revenu par habitant, la distance par rapport à l’hôpital, le nombre de patients souffrant d’une ALD et l’âge des médecins. C’est sûrement très bien, mais au vu des résultats, ces critères ne peuvent pas être pertinents !

Hier, vous vous êtes vous-même étonné, monsieur le ministre, que l’Eure ne soit pas identifiée comme un territoire prioritaire. Sous l’effet de la surprise, vous n’avez pas vraiment su quoi me répondre, mais je ne vous en tiens pas rigueur. Vous m’avez toutefois assuré que le Gouvernement trouverait des solutions, par exemple avec des médecins stagiaires.

Je ne prends pas l’exemple de l’Eure simplement pour parler de ma chapelle. Je tenais à montrer que les critères retenus ne sont pas pertinents et qu’ils doivent être revus. C’est seulement par hasard que j’ai constaté que l’Eure n’était pas, à ce stade, une zone prioritaire. Peut-être que, demain, certains de mes collègues observeront des aberrations de ce genre dans leur territoire.

Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir vous engager à regarder les choses de près, afin qu’on n’aboutisse plus à ce type de résultat.

Du reste, je ne vois pas bien comment l’arrêté du directeur de l’ARS pour la délimitation des zones prioritaires pourra s’articuler avec la cartographie surréaliste qui a été définie par le ministère.

Je vous en prie, monsieur le ministre, soyez gentil, comme je l’ai été avec vous, et promettez-moi de revoir ces critères qui sont parfaitement aberrants !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre. N’ayez crainte, monsieur le sénateur, je serai très gentil. (Sourires.) Je vais réexpliquer les choses, puisqu’il semble que je n’ai pas été assez clair hier soir.

En réalité, nous en étions restés à la seule vision des ARS. Ces dernières vont enfin produire une cartographie digne de ce nom, en lien avec les préfectures, grâce aux éléments qui leur seront remontés. Les élus locaux et les parlementaires pourront s’en saisir.

Je ne vais pas citer de nouveau les critères que vous avez évoqués à l’instant, monsieur Maurey, mais l’âge des médecins et le taux de patients souffrant d’une ALD sont bien pris en compte.

Cette première photographie révélera les zones en difficulté et je vous demande de nous laisser du temps, afin qu’une vision globale des zones tendues sur l’ensemble du territoire, y compris outre-mer, puisse voir le jour. Une fois cette étape franchie, nous regarderons s’il y a lieu de modifier ou non les critères retenus.

Mme Céline Brulin. A-t-on vraiment besoin de réaliser une nouvelle étude pour montrer que l’Eure est un désert médical ?

M. Hervé Maurey. Et c’est une élue de la Seine-Maritime qui le dit ! (Sourires.)

M. Yannick Neuder, ministre. J’allais justement vous répondre, madame Brulin. Personne ne souhaite créer une usine à gaz et conduire de nouveau une étude. En outre, personne n’a dit que l’Eure n’était pas un désert médical.

Mais entendez qu’il existe peut-être des zones encore plus tendues. (Mme Céline Brulin sexclame.) Ne vendons pas du sable dans le désert ! Nous sommes en train d’optimiser la ressource médicale existante, mais cette démarche dépend des nouvelles promotions de médecins qui seront diplômés chaque année. Nous disposerons de 3 700 docteurs juniors en novembre 2026, ce qui nous conduira sans doute à modifier la couleur de certaines zones tendues.

Ainsi, les zones cramoisies deviendront peut-être rouges. En revanche, je n’ai jamais dit qu’elles pourraient devenir vertes dès le mois de septembre prochain, même si nous disposons de nouveaux médecins qui pourront offrir du temps médical.

Nous reverrons la cartographie chaque année, en tenant compte du nombre de départs et d’installations de nouveaux médecins. Je vous rappelle que nous aurons tout de même 3 700 docteurs juniors, 4 000 praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) et environ 13 000 médecins en formation initiale.

Je me suis entretenu avec l’ensemble des préfets et des directeurs d’ARS, qui sont en train de travailler sur ce sujet. Je regarderai avec beaucoup d’attention les conclusions auxquelles ils seront parvenus.

Je veux aussi revenir sur les propos de M. Fichet, qui me semblent trop simplistes. Le médecin qui effectue des missions de remplacement a ses propres raisons. Son conjoint est peut-être amené à se déplacer très souvent, si bien qu’il ne souhaite pas se sédentariser dans un territoire en particulier. Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’il y a un vide médical à combler que le remplaçant va se sédentariser.

Un médecin qui souhaite être remplaçant travaille aujourd’hui entre 40 % et 60 % de son temps. Si nous lui permettons de remplacer davantage de médecins, nous aurons gagné du temps médical. Ne nous focalisons pas sur la personne physique du médecin qui se déplace dans tel ou tel territoire. C’est sur le temps médical que nous devons fonder notre raisonnement.

Admettons qu’un remplaçant offre 60 % de son temps, conformément au mode d’exercice professionnel qu’il a choisi. Si nous lui permettons de travailler à 100 % en réalisant plusieurs remplacements, nous aurons gagné 40 % de temps médical.

Notez bien que les remplaçants ne vont pas exercer dans les déserts médicaux, les docteurs juniors non plus. Par définition, ces derniers doivent être encadrés par un maître de stage.

Nous reconnaissons que le médecin généraliste joue un rôle pivot dans les zones de proximité. Il va pouvoir accueillir des remplaçants, des docteurs juniors, des assistants et des secrétaires médicaux. L’équipe de cinq ou six professionnels qu’il sera en mesure de constituer pour accomplir ses activités en zone sous-dense lui donnera plus de force que s’il exerçait tout seul.

Voilà la philosophie qui anime le Gouvernement ; j’espère que j’ai été suffisamment clair. Le système que nous promouvons est très inspiré du modèle allemand, où le médecin généraliste dispose de plusieurs assistants médicaux qui lui permettent d’avoir une patientèle plus importante.

Le médecin qui part exercer dans un désert médical ne doit pas avoir à fermer son cabinet en zone surdense. L’idée est qu’un docteur junior ou un remplaçant assure ses activités à ce moment-là afin que sa patientèle ne soit pas abandonnée.

Vous parliez de bouts de ficelle, madame Brulin. Encore une fois, ne vendons pas du sable dans le désert ! Tout le monde sait qu’il faut dix ans pour former un médecin. Je compte d’ailleurs beaucoup sur le Sénat pour que, en 2025, nous puissions enfin faire tomber le numerus clausus, transformé en numerus apertus, qui nous plombe depuis plus de trente ans.

J’ignore si vous serez encore sénatrice dans dix ans, madame Brulin, mais vous pourrez de toute façon vous satisfaire que davantage de médecins sortent de formation.

En réalité, c’est un tas de bouts de ficelle, pour reprendre votre expression, qui nous permettra d’avancer. Si nous avions une solution miracle, cela se saurait ! Je veux bien tout entendre et assumer toutes les critiques, mais on ne peut pas nous reprocher notre manque d’ambition.

Sur ce sujet, il ne servirait à rien de lancer un projet de loi en fanfare, car nous nous retrouverions devant les mêmes problématiques. Il faut mobiliser nos forces médicales, augmenter nos capacités de formation ou encore récupérer nos étudiants partis se former à l’étranger. Ce sont tous ces éléments qui nous permettront de gagner du temps médical.

Je ne suis pas sûr de vous avoir convaincue. En tout cas, je ne vois pas ce que nous pourrions faire, à part mettre en place des solutions bottom-up. Encore une fois, il s’agit de partir du terrain, tout en augmentant nos capacités de formation.

On m’a demandé d’évaluer de manière chiffrée l’évolution que nous souhaitons engager. Si nous définissons les besoins en fonction du territoire, il faudra créer environ 450 postes au sein des facultés afin d’encadrer les étudiants, ce qui représente un montant total de 50 millions d’euros. Cela fera l’objet d’arbitrages. Tous ces postes ne seront pas ouverts au mois de septembre prochain, c’est certain, mais c’est bien le chemin que nous empruntons.