M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine, provoquant un exode de la population pour fuir les bombardements et les violences de la guerre. Trois ans plus tard, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés recense un peu plus de 6,9 millions de réfugiés ukrainiens dans le monde.
L’office européen de statistiques, Eurostat, dénombre quant à lui près de 4,3 millions de ressortissants non européens ayant fui l’Ukraine et bénéficiant du statut de protection temporaire au sein de l’un des vingt-sept États membres.
Ce statut particulier a été enclenché pour la première fois par l’Union européenne en mars 2022, de crainte que le système d’asile standard ne soit débordé. Toutefois, le dispositif de la protection temporaire présente des failles : il offre un statut plus précaire que l’asile et se révèle peu adapté aux réfugiés, qui aspirent à une nouvelle vie dans le pays qui les accueille.
Je tiens donc à saluer l’initiative de notre collègue Nadia Sollogoub, qui préside le groupe d’amitié France-Ukraine. Cette proposition de loi, qui comportait initialement cinq articles, se veut surtout pragmatique en apportant des améliorations et des solutions concrètes à certaines difficultés rencontrées depuis trois ans dans la mise en œuvre de la protection temporaire.
Ainsi, son article 1er permet d’étendre aux bénéficiaires de la protection temporaire un dispositif dérogatoire d’accès aux épreuves de vérification des connaissances organisées pour les praticiens à diplôme hors Union européenne.
L’article 2 instaurait une procédure dérogatoire d’immatriculation d’un véhicule.
L’article 3 attribuait à l’autorisation provisoire de séjour la qualité de justificatif de résidence normale, requis pour solliciter le permis de conduire.
L’article 4 étend l’octroi de plusieurs aides sociales aux bénéficiaires de la protection temporaire.
Enfin, l’article 5 gage les conséquences financières qu’entraînerait l’application de ces dispositions.
La commission a apporté à cette proposition de loi plusieurs modifications utiles. Elle a opportunément supprimé le dispositif dérogatoire d’immatriculation, qui ne ciblait pas spécifiquement les bénéficiaires de la protection temporaire. En outre, une telle disposition ne relève pas du domaine de la loi.
Je rejoins également la position de la commission, qui a supprimé le dispositif envisagé pour faciliter le passage du permis de conduire. Une telle décision relève de mesures réglementaires d’application du code de la route ; en outre, cette disposition est déjà satisfaite par l’arrêté du 10 février 2025.
Enfin, si je souscris à l’objectif visé par l’article 4, je me félicite de la suppression de l’éligibilité au RSA des bénéficiaires de la protection temporaire, en raison de leur mobilité.
Avant de conclure, je veux remercier la rapporteure, notre collègue Isabelle Florennes, pour la qualité de ses travaux.
Monsieur le ministre, chers collègues, le monde se trouve confronté à une forte augmentation du nombre de personnes déplacées en raison de conflits armés, de persécutions politiques ou du changement climatique. La situation de ces personnes mérite toute notre attention et notre compassion. C’est dans ce contexte que nous examinons cette après-midi cette proposition de loi, qui a pour ambition de parfaire dès à présent le régime de protection temporaire en France.
Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi, améliorée par les travaux de la commission des lois. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Di Folco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Nadia Sollogoub, que je salue, vise à consolider certaines garanties accordées aux bénéficiaires de la protection temporaire, notamment dans les domaines professionnel et social.
Cela a déjà été rappelé, la protection temporaire est un régime juridique particulier, distinct de l’asile et de la protection subsidiaire, créé par la directive du 20 juillet 2001. Conçu comme un outil de réponse rapide à des crises aiguës, il garantit le droit de séjour aux étrangers extérieurs à l’Union européenne fuyant en masse leur région d’origine et ne pouvant y retourner.
Sa première activation fut décidée par le Conseil de l’Union européenne le 24 février 2022, au bénéfice des Ukrainiens, à la suite de l’invasion de leur pays par la Russie. Reconduit depuis lors, ce régime prendra fin, en principe, le 4 mars 2026.
La protection temporaire a permis d’assurer un bon accueil à plusieurs millions d’Ukrainiens, en respectant leur dignité et en assurant leur protection, à l’échelle de l’Union européenne – et notamment de plus de 110 000 femmes et enfants en France. Il s’agissait d’une réponse salutaire à l’ampleur du défi humanitaire aux portes de l’Union européenne et d’une démonstration de notre solidarité envers le peuple d’Ukraine. En somme, c’était la bonne réponse à une situation unique et urgente née de la guerre russo-ukrainienne.
Après plusieurs années d’application, la nécessité d’ajuster certains éléments de la protection temporaire est devenue apparente. Les limites du régime tel qu’il est appliqué en France sont notamment illustrées par un phénomène de glissement de certaines personnes protégées temporairement vers le statut de réfugié.
C’est dans cette optique d’amélioration incrémentielle que cette proposition de loi prévoit notamment de garantir l’accès des bénéficiaires de la protection temporaire aux épreuves de vérification des connaissances des praticiens médicaux diplômés hors Union européenne. Pour l’instant, l’accès des Ukrainiens à ces épreuves repose sur une série de mesures dérogatoires. Toutefois, le cadre juridique entourant les Padhue ayant évolué ces dernières années, il paraît utile d’intégrer plus solidement les bénéficiaires de la protection temporaire en son sein plutôt que de multiplier les expédients.
La proposition de loi prévoit également des aménagements à l’octroi de plusieurs aides sociales aux bénéficiaires de la protection temporaire qui y seraient éligibles, telles que l’allocation aux adultes handicapés ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Cette mesure opère un rapprochement vis-à-vis de certaines garanties associées à d’autres formes de protection internationale, tout en s’inscrivant dans la continuité des particularités de la protection temporaire et, au risque de paraître tautologique, de sa nature transitoire.
L’objectif est d’éviter un report vers le dépôt de demandes d’asile, comme cela a été rappelé, qui dénature le régime de protection temporaire en risquant d’en faire une simple antichambre de l’asile plutôt qu’un régime à part entière, alors même que la présence de cette population sur notre sol a vocation à se limiter à la durée de la guerre.
Pour ces mêmes raisons, nous soutenons la décision de la rapporteure de retirer le RSA de la liste des prestations dont pourront bénéficier les personnes protégées temporairement. Cette aide ne nous paraît pas adaptée au cadre provisoire de la protection temporaire ni à la mobilité de ses bénéficiaires.
Nous serons particulièrement vigilants sur les conséquences financières de ces mesures dans le champ des aides sociales. Ce texte ne doit pas être le véhicule de nouvelles charges pesant sur les collectivités territoriales, dont les finances sont fragiles et qui ont largement contribué à l’accueil dans de bonnes conditions des Ukrainiens sur notre territoire.
Nous formulons par conséquent le vœu que cette proposition de loi puisse, au terme de son cheminement législatif, être assortie de solides assurances politiques et juridiques à cet égard de la part du Gouvernement.
Nous formulons enfin, pour les Ukrainiens, le vœu que la guerre cesse rapidement et que tous les réfugiés qui le souhaitent puissent retrouver leur patrie et reconstruire leur vie au mieux.
Au bénéfice de ces observations et éclaircissements sur notre position, le groupe Les Républicains votera la proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nadia Sollogoub et Corinne Bourcier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 février 2022, la Russie attaquait l’Ukraine, provoquant le déplacement de dizaines de milliers d’Ukrainiens.
En mars 2022, l’Union européenne a activé le dispositif de protection temporaire décliné par les pays membres pour garantir un accueil digne aux populations ayant fui le conflit.
Depuis le début de la guerre, la France a fait preuve de solidarité en accueillant 85 000 ressortissants ukrainiens sur son territoire.
Trois ans après sa mise en place, ce dispositif requiert des ajustements. C’est l’objet de la présente proposition de loi, présentée par notre collègue Nadia Sollogoub, présidente du groupe d’amitié France-Ukraine, à qui je redis mon soutien et mes félicitations pour cette initiative. Je félicite également Isabelle Florennes, notre rapporteure, pour son excellent travail.
Ce texte nous invite à tirer des enseignements de l’application du dispositif de protection temporaire tel qu’il a été mis en place pour les Ukrainiens. Le but est que son utilisation soit plus pérenne, dans un contexte géopolitique nous faisant craindre que d’autres populations ne soient chassées de leur pays par la guerre.
Ce texte vise deux finalités complémentaires : d’une part, il s’agit de garantir des conditions d’accueil respectueuses de la dignité des personnes protégées ; de l’autre, il convient de prévenir le contournement du caractère temporaire du dispositif, certains bénéficiaires finissant par solliciter le statut de réfugié.
La protection temporaire n’a pas vocation à se substituer à l’asile, dont les conditions d’octroi dépendent d’un autre régime. Le dispositif n’a pas davantage vocation à se pérenniser. Il est, par définition, une réponse d’urgence, activée pour faire face à des déplacements massifs de population résultant d’une crise grave.
La présente proposition de loi apporte des améliorations substantielles à la protection temporaire. Son article 1er permet à ses bénéficiaires d’exercer des professions de santé, sous certaines conditions. Il s’agit de permettre aux ressortissants qualifiés de travailler en France et d’y vivre dignement ; dans le même temps, notre pays pourra profiter de leur expertise dans des secteurs connaissant des difficultés de recrutement.
Les ajustements effectués par la commission, sous l’impulsion de Mme la rapporteure, ont fait évoluer le texte dans la bonne direction.
Pour ce qui est de l’ouverture aux droits sociaux, la commission a fait le choix de retirer l’accès au RSA. Cette mesure ne nous paraissait pas adaptée à la logique de protection temporaire. Le maintien du bénéfice des autres allocations garantira le soutien nécessaire aux personnes concernées.
Un dispositif de protection temporaire qui n’offre pas des conditions de vie stables ni un accompagnement suffisant devient inefficace. Il pousse mécaniquement ses bénéficiaires vers des procédures plus protectrices, mais moins adaptées. Ainsi, en 2024, plus de 11 800 premières demandes d’asile ont été déposées par des ressortissants ukrainiens. Ce chiffre a été multiplié par quatre par rapport à 2023.
C’est précisément ce que ce texte entend corriger. Il apporte une sécurité juridique et matérielle aux bénéficiaires de la protection temporaire. Par la même occasion, il permet de mieux organiser leur retour dans leur pays d’origine, dès lors que la situation le permettra.
Il s’agit ici de maintenir un certain équilibre : assurer une intégration et une stabilité suffisantes tout en évitant une installation définitive des personnes protégées.
Pour résumer, ce texte n’élargit pas indéfiniment le champ de la protection temporaire ; il en réaffirme la vocation transitoire en clarifiant ses contours et en améliorant son contenu. Ce faisant, il évitera d’accentuer la pression sur le système français de demande d’asile.
Pour conclure, je souhaite rappeler que l’accueil de nos amis ukrainiens est un enjeu d’humanité et de dignité. Améliorer le dispositif de protection temporaire, ce n’est pas seulement une question politique ; c’est aussi un impératif moral pour garantir un accueil digne et respectueux à ces personnes qui fuient la guerre.
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Nadia Sollogoub, que je félicite pour sa pugnacité. Ce texte corrige une série de décalages juridiques et administratifs concernant les bénéficiaires de la protection temporaire.
Depuis l’activation exceptionnelle, le 4 mars 2022, du mécanisme prévu par la directive de 2001, près de 4,2 millions de déplacés ont bénéficié de ce régime dans l’Union européenne. En France, environ 120 000 autorisations provisoires de séjour ont été délivrées depuis 2022 et 56 000 personnes en bénéficient encore.
Il s’agit, pour l’essentiel, de femmes et d’enfants ukrainiens ayant fui une guerre toujours en cours, qui a provoqué plus de 10 millions de déplacés. Le statut de ces personnes est bien défini : elles bénéficient d’une protection immédiate, collective et temporaire, décidée par le Conseil de l’Union européenne.
En pratique, ces personnes sont pourtant encore traitées comme des demandeurs d’asile, en particulier sur le plan social. Ils perçoivent une aide transitoire prévue pour ceux qui n’ont pas de droit au séjour établi.
Cette incongruité juridique conduit certains à déposer une demande d’asile, uniquement pour bénéficier de prestations plus adaptées. Ce phénomène détourne la logique du régime temporaire et alourdit la charge de l’Office français de protection des réfugiés et apatride. En 2024, 11 800 Ukrainiens ont déposé une demande d’asile en France, alors même que la grande majorité d’entre eux relèvent déjà du régime temporaire.
La présente proposition de loi vise à corriger cette situation en alignant les droits sociaux des bénéficiaires de la protection temporaire sur ceux des personnes protégées au titre de l’asile. Ce n’est pas une mesure de faveur, c’est une mise à jour conforme aux engagements de la France, à la logique du droit européen et à la dignité des personnes concernées.
La commission a cependant supprimé l’ouverture du RSA aux bénéficiaires de la protection temporaire, pour ne pas imposer un coût supplémentaire aux départements. Cette préoccupation est compréhensible, même si le nombre de personnes concernées est limité et que seule une part d’entre elles auraient effectivement rempli les conditions pour percevoir le RSA. En réalité, le surcoût pour les finances départementales aurait été modéré… Dont acte. Cette mesure aurait pourtant permis de stabiliser des parcours d’insertion déjà engagés, tout en évitant le recours détourné à l’asile pour accéder à un revenu de base.
Pour autant, le texte comporte toujours des avancées très concrètes. Il ouvre l’accès à l’allocation aux adultes handicapés, à l’allocation personnalisée d’autonomie, à l’Aspa et facilite l’intégration des professionnels de santé étrangers, notamment par la clarification de l’éligibilité au statut de praticien associé. Ces ajustements répondent à des besoins réels, exprimés depuis des mois par les collectivités territoriales et les agences régionales de santé.
Enfin, permettez-moi, en tant que membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, d’insister sur le caractère géopolitique de ce texte. Il n’est pas uniquement question d’un ajustement technique. Il s’agit aussi d’un geste de solidarité et de cohérence diplomatique : en renforçant l’accueil des déplacés ukrainiens, nous contribuons à la résilience de ce peuple, à la préservation de ses forces vives et au soutien moral qu’il est en droit d’attendre de ses partenaires européens.
Ce texte est donc nécessaire, équilibré et conforme à nos engagements multilatéraux, bien mis à mal ces derniers temps.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen le votera donc avec détermination. (Mmes Nadia Sollogoub et Isabelle Florennes applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Olivia Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques mois, notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sous l’impulsion de sa présidente Dominique Vérien, a publié un rapport intitulé Femmes sans abri, la face cachée de la rue.
Pour préparer ce texte, nous avons participé à un exercice en immersion auprès du Samu social de Paris. Casque sur les oreilles, une jeune salariée m’expliquait le processus de réponse téléphonique. Face au nombre vertigineux d’appels, seules deux places pouvaient être proposées pour des femmes seules pour la nuit suivante.
Nous avons pris le premier appel. C’était une Ukrainienne. Elle parlait vite, dans un français approximatif. Elle suppliait qu’on l’aide à trouver un abri, pour elle et son fils. À côté d’elle, on entendait l’enfant tousser.
Mes chers collègues, nos travaux ont révélé qu’en France, chaque nuit, au moins 3 000 femmes dorment à la rue, souvent accompagnées de leurs enfants. Environ 40 % d’entre elles sont étrangères, et notamment originaires d’Ukraine.
Les dispositifs d’hébergement sont totalement saturés dans les grandes villes. À Paris, des critères de priorité ont été instaurés. Une femme enceinte ne peut espérer un hébergement que si sa grossesse a dépassé les sept mois. Une fois l’enfant né, l’hébergement est garanti, en théorie, jusqu’à ses trois mois. Mais lorsque plusieurs enfants sont présents, il n’y a parfois pas de place pour tous et les plus grands doivent rester dehors.
Le garçon qui accompagnait cette mère avait 7 ans : c’est jeune pour dormir dans la rue, surtout quand on est malade, mais, paradoxalement, c’est trop grand pour donner droit à une priorité d’hébergement, même malade.
Il a été conseillé à cette mère de se rapprocher d’une association d’aide aux Ukrainiens, censée être mieux dotée, mais elle en venait. Aucune solution n’a pu lui être apportée. Ces associations, comme les autres, travaillent sans aucune visibilité budgétaire.
Près de 60 000 Ukrainiens ont été accueillis en France, selon un dispositif dépendant de l’Union européenne, qui active la protection temporaire.
Je veux ici saluer l’initiative de notre collègue Nadia Sollogoub. Son travail met en lumière une réalité difficile à regarder.
Lors du débat budgétaire, grâce à sa détermination et au soutien précieux de la ministre du logement, 10 000 places d’hébergement ont été obtenues pour les Ukrainiens. Il en aurait fallu 30 000. Les associations, elles, continuent d’accueillir avec peu de moyens, leur financement étant soumis aux aléas budgétaires. Le pire est à craindre pour le prochain exercice.
Mes chers collègues, l’engagement de notre collègue Nadia Sollogoub, que ce soit envers les plus vulnérables comme envers la population ukrainienne, en tant que présidente du groupe interparlementaire d’amitié, trouve aujourd’hui une nouvelle matérialisation.
Nous avons accueilli massivement, mais selon des modalités qui poussent désormais les Ukrainiens à demander l’asile, statut plus protecteur, mais aussi plus coûteux et moins adapté à leur situation, puisqu’il leur interdit de retourner dans leur pays, auprès de leur famille, ou de ce qu’il en reste… Notre rapporteure Isabelle Florennes a parfaitement présenté les différents dispositifs, je n’y reviens pas.
Nadia Sollogoub tire la sonnette d’alarme pour parfaire un dispositif qui, hélas ! bénéficiera à d’autres à l’avenir, nul ne peut en douter. Diverses dispositions, comme celle qui concernait le permis de conduire, étaient certes d’ordre réglementaire, mais néanmoins essentielles.
J’en veux pour preuve le témoignage d’Orane, qui fait actuellement un stage dans mon équipe. Sa famille, qui vit dans un village où même la boulangerie n’est accessible qu’en voiture, a accueilli trois Ukrainiennes. Elles étaient âgées, il fallait les conduire partout, elles ne parlaient pas français et la communication était trop difficile. Elles ont fini par demander à être relogées ailleurs.
La reconnaissance du permis de conduire est indispensable : les Français installés hors de France en savent toute l’importance. Je compte donc aussi sur la direction chargée des conventions internationales du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour qu’elle favorise la conclusion rapide d’un accord.
Nous avons accueilli les Ukrainiens. Nous leur avons dit qu’ils pouvaient venir chez nous et y trouver protection le temps nécessaire à la négociation de la paix. Trois ans plus tard, ce provisoire qui dure montre ses limites.
Les questions soulevées sont des plus pertinentes s’agissant d’améliorer l’intégration de personnes présentes sur notre territoire en raison de circonstances dramatiques. Nadia Sollogoub propose des pistes qui relèvent du bon sens : pouvoir travailler, notamment lorsque les qualifications possédées font cruellement défaut à notre pays, comme dans le domaine de la santé ; pouvoir apprendre notre langue ; bénéficier d’une protection sociale adaptée au grand âge…
M. Jean-Michel Arnaud. Bravo !
Mme Olivia Richard. Ce sont des propositions de bon sens, j’y insiste, et je ne doute pas que l’examen de cette proposition de loi permette d’améliorer d’autres aspects de notre droit, qui peuvent conduire à des situations incompréhensibles. À cet égard, je tiens à saluer le travail de notre rapporteure Isabelle Florennes.
L’auteure de la proposition loi souligne que, si c’est bien le vécu de la population ukrainienne accueillie en France qui a conduit à la rédaction de ce texte, celui-ci a vocation à s’appliquer à l’ensemble des personnes qui seraient amenées à rechercher la protection de la France. L’ambition est donc importante, comme le serait le nombre de personnes concernées.
J’ai entendu les préoccupations financières qui ont été exprimées. En tout état de cause, la recherche d’économies peut parfois coûter cher. Favoriser une protection temporaire à la hauteur des annonces est en réalité un bon investissement. Je suis convaincue qu’un ressortissant étranger bien intégré coûte moins cher à notre société, notamment lorsque sa présence est limitée dans le temps, comme l’a rappelé Nadia Sollogoub.
Mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Somon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre de la directive relative à la protection temporaire, celle-là même que nous pourrions surnommer la belle endormie du système d’asile européen, inutilisée face aux crises liées à l’accueil des réfugiés syriens et afghans, entre autres.
Ce refus de solidarité et d’humanité a conduit des dizaines de milliers de personnes à la mort en Méditerranée centrale, faisant de cet itinéraire la route migratoire la plus mortelle au monde. Rappelons que les femmes et les hommes qui atteignent nos frontières charrient avec eux la misère qui sourde des accords miniers, des concessions pétrolières et des contrats d’armement, dont notre économie n’est jamais tout à fait absente.
Ce n’est que lors de l’invasion de l’Ukraine que cette directive, vingt ans après la création du mécanisme, a été appliquée et a permis de constituer une véritable bouée de sauvetage juridique pour les quelque 4,3 millions d’Ukrainiens ayant fui leur pays en raison de la guerre qui y fait rage.
La proposition de loi examinée ce soir vise à améliorer ce dispositif de protection temporaire en permettant une intégration effective et digne des personnes protégées, notamment en leur accordant un soutien social de droit commun.
Nous y sommes naturellement favorables et notre groupe votera ce texte. La guerre en Ukraine, qui suscite une mobilisation officielle sans faille dans l’accueil des déplacés, révèle que l’exceptionnel et le temporaire peuvent devenir une ressource pour reconnaître, accompagner et inclure, au lieu de militariser, refouler, marginaliser.
Tandis que, le 28 mars 2022, le ministre de l’intérieur a fait débloquer 100 000 places d’hébergement pour les réfugiés ukrainiens – et ce fut la première fois que les collectivités territoriales furent sollicitées dans le cadre de l’accueil de réfugiés –, pour les autres nationalités, les gares et les trains restent ce qu’ils ont toujours été : des lieux de traque et de contrôle.
Pendant que l’État noue un partenariat inédit avec la SNCF pour permettre aux familles ukrainiennes de se déplacer gratuitement vers les régions où on leur propose un hébergement, dans le même temps, en plein cœur de la vallée de la Roya, un escadron de gendarmerie mobile contrôle toujours les environs de la commune de Sospel et sa gare TER, tandis que la direction de la SNCF demande aux cheminots, selon un communiqué de la CGT du 14 mars, de « vérifier la provenance des réfugiés dans le train […] et d’agir avec bienveillance s’ils sont Ukrainiens. »
Monsieur le ministre, pourquoi une différence de traitement aussi manifeste ? Un Syrien, un Palestinien, un Soudanais, un Afghan, un Birman ne trouvent-ils pas autant grâce aux yeux de vos services qu’un ressortissant ukrainien ? Ne fuient-ils pas, eux aussi, une guerre ou une menace irrépressible pesant sur leur vie et celles de leurs proches ? Quand la France impulsera-t-elle, au sein du Conseil européen, la mise en application de la protection temporaire à l’égard du peuple palestinien ?
Il est à noter que les prises de commandes d’armement français se maintiennent à 19 milliards d’euros en 2024. Frontex dépense chaque année près de 1 milliard d’euros, dont plus des deux tiers pour des radars, drones et algorithmes. Le marché mondial de la sécurité frontalière devrait atteindre 95 milliards de dollars en 2032. Plus le projectile déracine, plus la caméra thermique se vend : expulsion à l’amont, capture à l’aval, double facturation sur le même mouvement humain.
La solidarité n’est qu’un mot à la mode si elle ne façonne pas véritablement notre système. La stratégie actuelle de l’Union européenne repose sur des violations avérées des droits de l’homme, tout en faisant engranger des bénéfices substantiels aux industries d’armement. Personne n’est illégal. Les causes de la fuite sont diverses, mais presque toujours liées à la guerre, à l’inégalité mondiale entre les riches et les pauvres. Le droit au refuge doit être effectif pour toute personne qui en relève. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)