Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gueret. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Daniel Gueret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les filières à responsabilité élargie du producteur partent du principe selon lequel les producteurs sont responsables du financement ou de l’organisation de la prévention et de la gestion des déchets issus des produits en fin de vie. Elles sont donc la traduction législative du principe pollueur-payeur.

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, a d’ailleurs permis de porter à vingt-cinq le nombre de ces filières. Celles-ci jouent un rôle essentiel dans la réduction de l’impact environnemental des produits, en favorisant le réemploi, la réutilisation, le recyclage ou encore la réparation.

Pour autant, quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi Agec, la mise en place de certaines de ces filières soulève encore de nombreuses difficultés. C’est pourquoi la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie du sujet en lançant une mission d’information sur l’application de cette loi. Les travaux de nos collègues rapporteurs Marta de Cidrac et Jacques Fernique sont en cours. Je suis certain que leur rapport, attendu d’ici l’été prochain, permettra de rétablir la confiance dans l’économie circulaire.

Depuis plusieurs semaines, les acteurs de la filière bois nous alertent sur les difficultés posées par la filière REP PMCB, en vigueur depuis mai 2023. Ils s’inquiètent, en particulier, de la trajectoire ascendante du montant de l’écocontribution, qui menace l’avenir de certaines entreprises. Ce montant est d’autant moins acceptable qu’il est plus élevé que pour des matériaux concurrents moins vertueux.

La version initiale du texte que nous examinons aujourd’hui tendait à retirer, purement et simplement, les produits du bois de cette filière REP. Si les inquiétudes des professionnels sont légitimes, cette solution paraissait extrême et posait de nombreuses difficultés opérationnelles. Il était donc important d’étudier les solutions alternatives.

C’est pourquoi je me réjouis que les travaux de la commission et de son rapporteur aient permis d’aboutir à un texte équilibré et consensuel. Il ne s’agit plus d’exclure le bois-construction de la filière REP PMCB, mais de réajuster la répartition de l’effort financier. Le texte modifié par la commission tend ainsi à une répartition plus juste, tenant compte de la performance des matériaux.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte très important pour la filière bois et pour la filière REP du bâtiment.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi visait à exclure les produits du bois de la filière REP PMCB. Si nous pouvons entendre les arguments de l’auteure du texte et les difficultés de la filière bois, liées notamment aux incertitudes commerciales et au niveau de leur écocontribution, une exclusion pure et sèche de la filière bois enverrait un mauvais signal et représenterait une régression profonde pour l’économie circulaire. Elle constituerait un signal d’abandon à l’endroit de ceux qui œuvrent au quotidien pour faire vivre une économie circulaire durable.

Rappelons-le, le bâtiment, pilier de l’économie française, demeure l’un des plus grands producteurs de déchets de notre pays. Aussi, s’il nous incombe d’améliorer et de renforcer la filière REP du bâtiment, cela doit passer non pas par l’exclusion de certains produits, mais par une meilleure articulation entre les producteurs et les éco-organismes.

Cette responsabilité élargie, nous l’avons collectivement adoptée pour répondre à une nécessité : faire en sorte que ceux qui mettent des produits sur le marché prennent part, financièrement et structurellement, à la gestion de la fin de vie de ces produits. Ce n’est pas un luxe, c’est une exigence d’écologie et de justice, que nous comprenons tous ici.

De plus, pour répondre aux préoccupations de la filière bois, le Gouvernement a déjà entrepris des démarches visant à faire évoluer le cadre réglementaire, afin de dégager des gains pour les producteurs et de rétablir une équité entre les produits de construction en bois issus de scieries principalement fabriqués en France et les produits en bois préfabriqués, souvent issus de l’importation.

Au-delà de ces mesures, madame la ministre, vous avez annoncé pour la filière PMCB « la mise en place d’un moratoire visant l’application de certaines dispositions devant entrer en vigueur à partir de 2025 ». Une concertation a été engagée à cet effet avec les parties prenantes en avril dernier ; cela va dans le bon sens.

Le bon sens, c’est ce qui a présidé à l’examen du texte en commission : nous avons considéré qu’une sortie pure et simple des produits bois de la filière REP soulèverait de nombreuses difficultés.

D’une part, le financement de la gestion des déchets de bois incomberait alors exclusivement aux collectivités territoriales, responsables du service public de gestion des déchets. Cela risquerait de fragiliser tout le système de collecte de déchets, qui repose aujourd’hui sur près 6 400 points de reprise gratuite repartis sur l’ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer.

D’autre part, permettre à une catégorie de producteurs de se soustraire à ses obligations environnementales serait ouvrir la boîte de Pandore. Une telle décision conduirait inéluctablement d’autres producteurs, soumis à d’autres difficultés, à demander leur sortie de la filière REP : ils ne comprendraient pas cette différence de traitement.

Une fois ces réserves exprimées, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants tient à saluer le travail effectué par le rapporteur Bernard Pillefer, dont la rédaction mesurée et équilibrée apporte une réelle qualité au texte.

L’article 2 de la proposition de loi vise ainsi à inscrire dans la loi un mécanisme de juste répartition de l’effort financier au profit des matériaux les plus performants en matière d’économie circulaire. Cette mesure, qui devait entrer en vigueur en janvier dernier, permettra d’inciter les producteurs à recycler davantage, tout en étant récompensés.

Quant à l’article 3, il vise à mieux lutter contre la fraude aux écocontributions, en autorisant les agents de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), des douanes et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à échanger des informations pour renforcer le cadre des contrôles menés par ces administrations. Ces éléments vont dans le bon sens et laissent entrevoir un texte raisonnable.

Pour ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions. – M. Jacques Fernique applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en France, la filière bois représente 417 000 emplois directs et 28 milliards d’euros de valeur ajoutée. En plus de contribuer à la vitalité de nombreux territoires, comme le Lot-et-Garonne, elle constitue une ressource renouvelable, dont le développement et la valorisation sont nécessaires pour le respect de notre trajectoire de réduction des émissions de carbone dans le secteur du bâtiment, d’ici à 2030.

Pourtant, alors qu’il est indispensable de soutenir le développement d’une filière bois, force est de constater que celle-ci est pénalisée par le poids croissant des écocontributions auxquelles elle est soumise dans le cadre de la gestion de ses déchets.

L’application du principe du pollueur-payeur devait faciliter la lutte contre les dépôts sauvages, améliorer la valorisation des déchets, encourager l’écoconception des produits du bâtiment, en plus de favoriser les produits les plus vertueux pour l’environnement tout en réduisant leurs prix.

Or elle est devenue source d’incohérences et d’inquiétudes, faussant grandement la concurrence entre le bois et les autres matériaux de construction, pourtant moins vertueux du point de vue environnemental. On se retrouve ainsi dans une situation paradoxale : au nom de la défense de l’environnement, on pénalise un matériau des plus durables.

Le texte que nous examinons tend à répondre aux différentes alertes, légitimes, des acteurs de cette filière. À cet égard, je salue les travaux réalisés en commission, qui ont répondu au besoin d’équité et d’acceptabilité du cadre général de la responsabilité élargie du producteur.

Cette position équilibrée permet d’éviter une sortie pure et simple du bois destiné à la construction d’un cadre général en plein déploiement. Une telle solution aurait présenté de nombreuses difficultés, en particulier pour les collectivités territoriales et le système public de gestion des déchets, sur lesquels aurait reposé l’intégralité du financement de sa gestion.

Ce texte améliorera l’atteinte des objectifs environnementaux ambitieux fixés à la filière REP, car il introduit un mécanisme de juste répartition de l’effort financier, au profit des matériaux des plus performants. De plus, il favorise la lutte contre la fraude aux contributions pour les professionnels qui remplissent leurs obligations.

À ce jour, il demeure des marges de progrès : 40 % du gisement de déchets soumis à une REP échappent encore à la collecte, et 50 % de ces déchets ne sont pas recyclés. Le texte doit donc constituer la première pierre d’un travail plus important, permettant de répondre aux défaillances dans le pilotage des filières REP par les pouvoirs publics. Les travaux de la mission d’information du Sénat sur l’application de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) pourront être très éclairants de ce point de vue.

Il convient à ce sujet de noter que le pouvoir de sanction n’est quasiment jamais mobilisé, à l’égard tant des éco-organismes manquant leurs objectifs que des metteurs sur le marché fraudeurs. En effet, la gouvernance des éco-organismes privilégie le niveau des écocontributions plutôt que l’atteinte des objectifs et entre en contradiction directe avec la priorité donnée à la durabilité, au réemploi et à la réparation des produits mis sur le marché.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE porte un regard favorable sur ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Antoine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jocelyne Antoine. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Anne-Catherine Loisier, auteure de cette proposition de loi, initialement intitulée proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la REP PMCB.

Ce texte a une vertu majeure : il nous oblige à réfléchir à ce dispositif réglementaire national qui ne découle d’aucune obligation communautaire, la France étant le seul pays d’Europe à avoir mis en place une REP pour les matériaux de construction.

Je tiens à remercier le rapporteur, Bernard Pillefer, de la qualité de ses auditions, de la pertinence de son analyse et de sa recherche permanente d’équilibre tout au long de ses travaux.

Le secteur du bâtiment constitue, après celui des travaux publics, la principale source de production de déchets en France. La loi anti-gaspillage de 2020, dite loi Agec, a démultiplié le nombre de REP pour bon nombre de biens et de produits.

Depuis 2023, elle impose en particulier l’application d’écocontributions aux produits et matériaux de construction du bâtiment, afin de financer leur gestion et leur inclusion dans des circuits de valorisation, de recyclage et de réemploi. Parmi les matériaux de construction du bâtiment, le bois occupe une place à part. En effet, il présente des avantages environnementaux uniques et il offre des performances exemplaires de valorisation en fin de vie.

Toutefois, le niveau de la contribution financière fixée pour chaque type de matériau par les éco-organismes suscite de nombreuses interrogations. En ce qui concerne le bois de construction, filière plus exemplaire que la moyenne, la situation semble paradoxale, puisque les barèmes qui lui sont appliqués sont plus élevés que ceux des matériaux moins vertueux ; les chiffres ont été rappelés par les précédents orateurs. Ferait-on payer davantage les bons élèves que les mauvais ?

À plusieurs reprises, les gouvernements successifs ont tenté de résoudre ce problème, mais, Mme la ministre l’a rappelé, le compte n’y est toujours pas. Ainsi, la REP PMCB est aujourd’hui très pénalisante pour la filière bois, le niveau de l’écocontribution étant perçu comme injuste.

La proposition de loi excluait, dans sa rédaction initiale qui comprenait un article unique, le bois de construction de la filière REP PMCB, dispensant ainsi ce matériau de toute contribution. Toutefois, une sortie pure et simple du bois du dispositif ne semble pas opportune, ni pour les collectivités territoriales ni pour l’économie circulaire en général.

En effet, exclure le bois affecterait le maillage des points de collecte et, plus largement, pénaliserait les finances locales, car le financement de la gestion des déchets de bois de construction relèverait alors des seules collectivités territoriales, chargées du service public de gestion des déchets.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable n’a donc pas retenu l’option de la sortie pure et simple du bois-construction de la filière REP PMCB ; elle a adopté à l’unanimité la proposition du rapporteur Bernard Pillefer consistant à inscrire dans la loi un mécanisme de juste répartition de l’effort financier au profit des matériaux les plus performants en matière d’économie circulaire, en visant particulièrement le bois de construction.

Elle a par ailleurs adopté deux autres amendements, tendant notamment à favoriser la lutte contre la fraude aux écocontributions. Ces propositions, motivées par un souci d’équité, vont dans le bon sens. Le groupe Union Centriste votera donc pour ce texte ainsi rééquilibré.

Il reste toutefois plusieurs points qui inquiètent les acteurs du secteur : le niveau de contribution fixé pour chaque type de matériau par les organismes agréés et le dispositif de reprise sans frais, à l’origine de bon nombre de maux rencontrés par la filière. Ces sujets ne sauraient être traités dans la présente proposition de loi, mais ils demeurent ouverts.

La commission a constitué en décembre 2024 une mission d’information sur le bilan de l’application de la loi Agec. Par ailleurs, après l’annonce par Mme la ministre de la mise en place d’un moratoire sur les mesures de la filière REP PMCB, l’administration conduit actuellement une vaste consultation des acteurs, afin de rétablir d’ici à l’été prochain un dispositif réglementaire visant à obtenir des améliorations sur les points que nous soulevons.

Nous espérons que cette étude aboutira et qu’elle permettra de corriger la distorsion de concurrence induite par la REP entre matériaux vertueux et matériaux non vertueux d’un point de vue environnemental. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la transition écologique ne peut être pensée indépendamment de l’aménagement du territoire, de l’emploi local et de la valorisation des ressources naturelles.

Lorsqu’il est utilisé dans la construction, le bois permet d’allier développement local, performance écologique et création d’emplois non délocalisables. Il est donc essentiel de mobiliser pleinement cette filière d’avenir.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui pour rééquilibrer la REP PMCB au profit du bois s’inscrit dans cette démarche, même s’il nous faudra faire beaucoup plus pour répondre à l’immense défi que nous devons relever.

En effet, le secteur du bâtiment représente près de 25 % de nos émissions de CO2, en incluant sa conception et sa durée de vie, avec la consommation énergétique qui l’accompagne. Ce secteur peut donc être grandement amélioré, non seulement pour réduire le nombre de passoires thermiques, mais également pour produire des logements de manière plus écologique.

Alors que 2,7 millions de demandes de logements sociaux restent non satisfaites, il nous faut construire et rénover davantage, dans le respect de nos engagements en matière de réduction des émissions de CO2 et avec le souci que n’entrent pas en contradiction l’urgence sociale et l’urgence climatique, dont les victimes sont toujours les plus précaires.

L’utilisation du bois comme matériau de construction est à privilégier pour plusieurs raisons. D’abord, un mètre cube de bois stocke environ une tonne de CO2 : c’est un matériau naturel qui capte du carbone au lieu d’en produire. Ensuite, la transformation du bois est moins émettrice que celle d’autres matériaux, comme le béton et l’acier. Enfin, le bois est un très bon isolant, qui permet de réduire la consommation d’énergie.

Ce matériau vertueux est pourtant sous-utilisé aujourd’hui dans la construction. Il représente 8 % à 10 % du marché global de la construction neuve en France. Cela dit, cette part est non négligeable, sachant que la filière forêt-bois emploie 440 000 personnes en France, dont environ 60 000 pour le seul secteur de la construction.

En Dordogne, dont près de la moitié de la surface est couverte par la forêt, le potentiel est particulièrement concret. Le conseil départemental l’a bien compris, qui engage depuis plusieurs années une politique volontariste de soutien à la filière via la valorisation des essences locales, le développement de circuits courts, l’installation de réseaux de chaleur et l’accompagnement des entreprises et des collectivités dans leurs projets de construction ou de rénovation.

La construction en bois présente un grand intérêt, mais elle exige de notre part un soutien affirmé en faveur de ce matériau, comme de ceux qui sont les plus performants écologiquement. Le levier présenté dans la proposition de loi pour soutenir des constructions plus écologiques est celui de la responsabilité élargie des producteurs et des écocontributions versées pour la gestion, le traitement et le recyclage des déchets.

Comme le rapporteur l’a rappelé, le bois de construction est en effet aujourd’hui plus pénalisé par l’écocontribution que d’autres matériaux : en moyenne, celle-ci s’élève à 7,6 euros par tonne, contre 5 euros pour les autres déchets de la même catégorie.

Au travers de ce texte, il nous est proposé d’alléger les charges de collecte et de valorisation des matériaux les plus performants, en compensant cet allégement par une augmentation des charges des matériaux moins performants. Cette mesure est de nature à améliorer la compétitivité des matériaux les plus écologiques ; c’est ce que nous devrions toujours avoir en tête pour que le moins cher économiquement ne nous coûte pas plus cher écologiquement.

Pour ces raisons, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et des travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mort en 2019 de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, alors qu’il tentait de s’opposer à un dépôt sauvage, a été un électrochoc, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre. Ce tragique événement a pesé en faveur de la mise en place de la filière REP produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, dans le cadre de la loi Agec.

En effet, ce sont nos élus locaux qui sont les premiers concernés : les déchets du bâtiment constituent la principale source de dépôts sauvages. L’Ademe a d’ailleurs indiqué que les déchets issus du bois de construction représentaient 10 % du volume des dépôts sauvages. C’est donc un enjeu fort pour nos collectivités, avec un coût de l’ordre de 400 millions d’euros par an pour ces dernières, d’autant que nombre de ces déchets se retrouvent, sans tri adapté ni prise en charge par les éco-organismes, dans nos déchèteries publiques.

La filière REP PMCB est toute jeune, elle n’est pas encore mature, et les coûts de gestion de ces déchets sont pour le moment fortement affectés par le déploiement des points de collecte. Cette montée en charge inquiète fortement le secteur du bois.

C’est cette évolution envisagée des écocontributions qui crispe certains acteurs et qui a conduit la Fédération nationale du bois à adopter une position abrupte, radicale – une position d’affichage, disons-le –, afin que le bois sorte du système de responsabilité élargie du producteur, qu’il n’« écocontribue » plus aux éco-organismes et que la collecte et la valorisation des déchets du bois reviennent au régime empirique existant avant la loi Agec.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a désigné Marta de Cidrac et moi-même rapporteurs d’une mission d’information sur cette loi, afin de permettre au Sénat de mesurer les effets de celle-ci, les difficultés et les réussites de sa mise en œuvre, face aux enjeux capitaux que représente le déploiement de l’économie circulaire. C’est essentiel pour assurer notre souveraineté industrielle. L’économie circulaire repose sur l’écoconception, la durabilité, la collecte rigoureuse des déchets, le réemploi, la valorisation, le recyclage. Notre travail est en cours ; diagnostic et recommandations commencent à prendre forme.

Nous pouvons d’ores et déjà dire que l’approche étroite qui motive la volonté de sortir le bois de la REP fait l’impasse sur des défis majeurs. (Mme Anne-Catherine Loisier sexclame.)

Je pense d’abord à la nécessité de contrer, de résorber, la forte concurrence des importations illégales de bois, souvent issues de la déforestation, illégale elle aussi.

Je pense ensuite à la nécessité de contrer, de résorber, la part considérable de mises sur le marché frauduleuses de produits en bois qui n’écocontribuent pas ; comme le dit la Fédération nationale du bois elle-même, on enregistre par exemple 65 % de fraude pour la catégorie 2.

Je pense encore à la nécessité de contrer, de résorber, les pratiques néfastes qui perdurent ; on peut même parler de l’irresponsabilité de certains producteurs. Il reste 300 000 tonnes de déchets qui partent en brûlage sur les chantiers ou sont laissés dans des dépôts sauvages, lesquels, je l’ai indiqué, sont payés par les contribuables et pourrissent la vie des élus.

Je pense enfin à la nécessité d’améliorer la valorisation du bois. Certes, celle-ci est déjà largement développée, s’agissant d’un matériau vertueux naturellement renouvelable et biodégradable ; toutefois, la valorisation énergie, c’est bien, mais point trop n’en faut. C’est la valorisation matière, à forte valeur ajoutée, qu’il convient de développer en priorité.

Autrement dit, la REP et les éco-organismes ont vraiment du boulot à faire pour améliorer les stratégies industrielles, qui présentent des enjeux de souveraineté, afin que les flux de matière soient positifs pour nos territoires et pour l’Europe.

La commission a donc eu tout à fait raison de suivre l’avis très pertinent et constructif du rapporteur en faisant évoluer ce texte, afin d’ouvrir des pistes d’adaptation, d’amélioration, confortant la cohérence de la REP, tout en prenant mieux en compte les spécificités positives du bois.

Il s’agit, en clair, d’évoluer vers des critères d’écocontribution favorisant les matériaux les plus vertueux et les mieux valorisés, de renforcer la lutte contre la fraude, de mieux réguler les importations – qui doivent être effectivement intégrées à la REP, conformément à la réglementation, et y contribuer –, et de garantir une plus grande équité entre les matériaux du bâtiment – PVC, aluminium, bois, béton –, afin que les matériaux plus durables et plus vertueux ne soient pas pénalisés, bien au contraire.

En améliorant ainsi ce texte, nous évitons aussi de court-circuiter le travail de concertation et d’adaptation collective engagé,…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Fernique. … avec la perspective de refondation et le moratoire qui est en cours. (Marques dimpatience sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) C’est par l’adaptation de la REP que la régulation, la traçabilité, la collecte, le réemploi et le recyclage progresseront.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Michaël Weber. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs décennies, la filière bois fait face à des difficultés économiques majeures, qui affectent directement de nombreux territoires ruraux dans lesquels le bois est la principale source d’activité et d’emploi.

La France est le quatrième pays européen le plus boisé. Pourtant, la filière bois française est largement déficitaire et la qualité écologique de nos forêts tend à se dégrader. En effet, la transformation du bois français se fait de moins en moins sur notre territoire ; en l’espace de soixante ans, nous avons perdu 90 % de nos scieries.

En l’absence de débouchés rémunérateurs, le bois brut part massivement vers l’export et nous revient sous la forme de produits manufacturés importés.

Il est impossible de concevoir une économie forestière rentable et vertueuse sans la relocalisation de toute la chaîne de valeur du bois. Pour sortir la filière de l’impasse, nous devons soutenir sa restructuration, en reconnectant les enjeux, en amont, par la gestion durable de la ressource forestière, mais également en aval, avec la transformation du bois au profit d’une économie locale.

Au vu de cette fragilité structurelle de la filière bois, qui peine à rester compétitive face à des produits moins vertueux, la mise en œuvre récente de la filière bâtiment de la REP a des conséquences que nous ne pouvons pas ignorer.

Si un rééquilibrage financier de la REP paraît en effet nécessaire, pour ne pas pénaliser les matériaux les plus vertueux et soutenir la filière française, exclure purement et simplement le bois de la REP PMCB, comme le prévoyait la rédaction initiale du texte, n’est pas envisageable.

La responsabilité élargie du producteur est une application concrète du principe du pollueur-payeur. Ce mécanisme est la traduction de nos ambitions en faveur d’une économie circulaire et d’une justice environnementale. Sans lui, le coût de la prise en charge des déchets serait supporté par les collectivités et les contribuables.

Quand nous savons que le secteur du bâtiment représente plus du quart des déchets produits en France, nous comprenons la nécessité que soient mieux assurés la collecte, le tri, le recyclage et la valorisation des déchets de chantier, bois compris, sans que soit asphyxiée une filière déjà en tension.

La version plus équilibrée du texte, adoptée par la commission sur proposition du rapporteur, qui instaure un abattement de la contribution financière du bois sans cibler ce matériau directement, va dans le bon sens. Toutefois, elle ne fait qu’anticiper les évolutions réglementaires suspendues par le moratoire sur la REP décidé par le Gouvernement, qui consistaient justement en de tels ajustements.

La commission a fait le choix de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir la liste des produits pouvant bénéficier de cette réduction. Nous regrettons à cet égard une rédaction parfois vague, qui n’encourage pas clairement l’utilisation de produits plus durables, ce qui est pourtant l’objectif affiché des écomodulations.

Outre les performances de collecte et de valorisation du produit en fin de vie, il serait pertinent d’ajouter le critère de performance environnementale, en considérant la durabilité du matériau sur l’ensemble de son cycle de vie. Les matériaux biosourcés, comme le bois, ont des qualités écologiques indéniables. Pour autant, la durabilité d’un produit en bois ne va pas de soi ; elle dépend de la bonne gestion des forêts et de la chaîne d’approvisionnement.

La certification d’une gestion forestière durable, le choix d’une provenance locale de la matière première, l’utilisation d’essences autochtones nécessitant moins de traitement chimique, sont autant de moyens concrets pour garantir la réelle qualité environnementale d’un produit bois. A contrario, un produit en bois qui contribuerait à la déforestation et à la destruction d’écosystèmes, et dont la valorisation résiderait simplement dans son brûlage, ne pourrait pas être qualifié de durable.

L’Ademe est compétente pour émettre un avis sur les critères de performance environnementale qui seront retenus pour l’application d’un éventuel abattement. C’est le moyen le plus sûr pour garantir que cet abattement profite en priorité aux matériaux les plus vertueux et à une production locale et durable. Tel est l’objet des amendements que le groupe SER défendra. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)