mise en place d'un régime fiscal incitatif pour le hvo100 dans les secteurs professionnels maritime et fluvial

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, auteur de la question n° 541, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l'absence de régime fiscal incitatif en faveur du HVO100, l'huile végétale hydrotraitée, dans les usages maritimes et fluviaux professionnels.

Alors que la décarbonation du transport maritime constitue un levier stratégique pour atteindre les objectifs climatiques de la France, il se trouve que le HVO100 est l'un des rares carburants renouvelables immédiatement mobilisables à ce jour, sans adaptation des motorisations existantes.

Ce carburant de synthèse, issu principalement de la valorisation de déchets – graisses animales et huiles usagées –, peut être utilisé directement dans les moteurs diesel des navires, bateaux de pêche ou engins fluviaux, ce qui constitue une solution de transition particulièrement efficace pour les usages maritimes professionnels.

Les chiffres de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) confirment l'intérêt environnemental de ce carburant, la réduction des émissions de CO2 par rapport à l'utilisation du gazole fossile pouvant dépasser 80 %. De plus, ce carburant est déjà produit en France et en Europe, ce qui contribue à sécuriser notre approvisionnement énergétique tout en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles.

Pourtant, malgré ces atouts, le HVO100 ne bénéficie aujourd'hui d'aucun régime fiscal propre dans les usages maritimes et fluviaux professionnels, contrairement à d'autres biocarburants. Il est traité sur le plan fiscal comme un carburant fossile, ce qui limite son attractivité économique pour les professionnels du secteur, en particulier pour les pêcheurs artisanaux et les transporteurs fluviaux déjà soumis à des contraintes économiques importantes.

Les professionnels engagés dans une démarche de verdissement de leur flotte craignent que le HVO ne soit progressivement écarté du mix énergétique, du fait de son coût élevé par rapport à d'autres biocarburants et d'un arbitrage défavorable de la part des opérateurs pétroliers.

Dans ce contexte, il paraît essentiel d'installer un cadre fiscal spécifique, clair et durable, pour le HVO dans les usages maritimes et fluviaux professionnels. Un tel signal permettrait de soutenir les acteurs économiques dans leur transition énergétique, de renforcer la souveraineté énergétique française et d'aligner notre fiscalité sur nos objectifs climatiques nationaux.

Je souhaite donc connaître la position et les intentions du Gouvernement quant à l'instauration d'un régime fiscal différencié et incitatif pour le HVO100.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Simon Uzenat, je vous remercie de votre question ; elle me permet de souligner notre engagement en faveur de la décarbonation des transports, qui découle de nos ambitions climatiques.

Les principaux leviers identifiés pour la décarbonation du secteur maritime sont le changement d'énergie et la sobriété, au travers principalement de la réduction de la vitesse des navires.

Vous m'interrogez sur le HVO, utilisé dans les moteurs diesel, qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux carburants traditionnels. Une baisse des accises ne constituerait pas un levier adapté pour inciter à consommer des biocarburants et ne suffirait pas à compenser les écarts de prix avec les carburants traditionnels. De plus, les secteurs maritimes et fluviaux sont déjà assujettis à des tarifs d'accises nuls.

Des dispositifs d'incitation ciblés sont plus adaptés. C'est le cas, pour le transport routier, de la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports. Nous souhaitons la faire évoluer vers un mécanisme de réduction de l'intensité carbone dans les transports, qui pourrait donc inclure les transports du secteur maritime et fluvial. Nous avons à ce titre organisé une consultation sur ce projet de mécanisme, du 12 mai dernier au 10 juin prochain.

gestion des extractions judiciaires

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, auteur de la question n° 353, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Cédric Chevalier. Madame la ministre, alors que le Président de la République s'est récemment rendu à Caen pour honorer la mémoire de Fabrice Moello et Arnaud Garcia, tués lors de l'attaque d'Incarville en mai 2024, je souhaite alerter le garde des sceaux sur l'urgence d'une réforme en profondeur concernant la gestion des extractions judiciaires.

En France, plus de 300 000 extractions par an, parfois pour des audiences très brèves, doivent être organisées par l'administration pénitentiaire en collaboration avec les forces de l'ordre, au détriment d'autres missions essentielles, comme la sécurité intérieure et périmétrique des établissements.

Le protocole d'accord signé l'an dernier pour améliorer l'équipement, l'armement et la prise en charge des détenus ne constitue pas une solution pérenne aux problèmes récurrents liés au nombre élevé d'extractions judiciaires.

Pourtant, en Europe, la tendance est clairement à la réduction du nombre d'extractions physiques, grâce à la visioconférence, désormais jugée fiable et juridiquement légitime. Au Royaume-Uni, par exemple, ce dispositif est massivement utilisé depuis 2020 et le gouvernement britannique a investi dans des technologies permettant de tenir des audiences virtuelles depuis les établissements. En Italie, pays de référence en la matière, les audiences des détenus les plus dangereux se déroulent directement dans les établissements pénitentiaires, soit par visioconférence, soit par déplacement des magistrats.

La France reste très en retrait par rapport à ses partenaires européens.

Les annonces récentes du garde des sceaux évoquant une accélération de la numérisation des procédures pénales et un investissement dans les équipements de visioconférence dans les établissements vont toutefois dans le bon sens. Il faut désormais traduire ces engagements en actes rapides et concrets.

Je souhaiterais savoir si M. le garde des sceaux entend prendre, avec son collègue de l'intérieur, les mesures nécessaires pour que la visioconférence devienne la norme pour les procédures judiciaires et que l'extraction physique ne soit plus qu'une exception, demandée et motivée par le juge.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Cédric Chevalier, je réponds à votre question au lieu et place du garde des sceaux.

Nous venons de rendre hommage à la mémoire de Fabrice Moello et Arnaud Garcia, tragiquement assassinés lors de l'attaque meurtrière survenue au péage d'Incarville en mai 2024. Votre question nous rappelle une nouvelle fois notre devoir impératif de protection des agents de l'administration pénitentiaire.

L'adoption définitive, le 29 avril dernier, de la proposition de loi de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic illustre la détermination collective du Gouvernement et des parlementaires à renforcer la sécurité du personnel pénitentiaire dans l'exercice de ses missions, à l'intérieur comme à l'extérieur des établissements. Votre proposition s'inscrit avec justesse dans le cadre de ce texte, en cours d'examen par le Conseil constitutionnel.

La circulaire du 1er août 2024 relative au recours à la visioconférence en matière pénale, rappelle la nécessité de délocaliser certains actes juridictionnels au sein des établissements pénitentiaires, afin de limiter les extractions judiciaires. Il y est recommandé le recours à la visioconférence pour les détenus particulièrement signalés, qui présentent un risque d'évasion ou de trouble à l'ordre public grave, ou lorsque les enjeux procéduraux sont faibles, après recueil de l'accord du prévenu.

Désormais, grâce à l'adoption de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, il sera possible de répondre aux besoins des agents en mettant un terme définitif aux activités criminelles menées par les narcotrafiquants depuis la détention. Ainsi, pour ce qui concerne les personnes détenues dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée, la visioconférence pendant l'instruction deviendra le principe et la comparution physique l'exception. Celle-ci devra se fonder sur une décision motivée des magistrats.

De manière plus générale, ce texte permettra de passer outre l'opposition de la personne détenue à l'utilisation de la visioconférence si elle présente une dangerosité particulière.

Les services du ministère travaillent activement aux modalités d'application de cette proposition de loi et au nécessaire respect des droits de la défense et de l'accès au juge.

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour la réplique.

M. Cédric Chevalier. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Il faudra également que la mise en œuvre de la proposition de loi soit suivie d'importants investissements. La visioconférence est une condition de sécurité pour le personnel ainsi qu'une source d'économies et de décarbonation du secteur judiciaire.

communication du rapport d'évaluation des centres éducatifs fermés actuels

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 529, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Marion Canalès. Madame la ministre, en 2017, Emmanuel Macron avait fait du doublement du nombre de centres éducatifs fermés (CEF) l'une de ses promesses de campagne.

Pourtant, en 2018, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a établi que « les CEF sont l'antichambre de la prison, alors que pour leurs promoteurs ce devait être l'antichambre de la réinsertion et de la rescolarisation ».

En 2022, de façon transpartisane, une mission conjointe de contrôle sur la délinquance des mineurs, menée par le Sénat, a recommandé une pause dans la création des centres éducatifs fermés.

En octobre 2023, soit vingt ans après leur création, la Cour des comptes a souhaité dresser un bilan. Il en ressortait que ces structures avaient été « engagées sans étude d'impact » et justifiées par une efficacité « supposée mais non démontrée ».

A fortiori, la volonté présidentielle de créer vingt-deux nouveaux centres a été jugée dispendieuse, le coût d'investissement de chaque unité ayant été évalué à 6 millions d'euros par la direction du budget en janvier 2023.

Malgré ces différents éléments d'analyse et d'évaluation qui font douter de l'efficacité réelle des CEF, la mise en œuvre du plan de construction des nouveaux établissements se poursuit : il y a de quoi s'interroger. Ce plan est de surcroît alimenté par une proposition de loi ultra-répressive qui vise à durcir la justice des mineurs, les centres éducatifs fermés constituant l'un des piliers de ce texte.

Dans un contexte où toute dépense publique doit être envisagée sous l'angle de la pertinence de l'action à laquelle elle se rapporte et alors que l'enjeu premier de la justice des mineurs doit être celui d'une non-récidive assortie d'une réinsertion réussie, pouvez-vous, madame la ministre, me donner des informations sur la récente étude diligentée par le ministère de la justice lui-même sur les centres éducatifs fermés et leur pertinence ? Il s'agit, selon moi, de répondre à une question d'intérêt général, alors que ce document demeure confidentiel.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Marion Canalès, je vous rappelle, au nom de mon collègue Gérald Darmanin, que connaître le parcours des jeunes à l'issue d'une prise en charge par les structures de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) constitue un enjeu majeur. Cela paraît particulièrement important en ce qui concerne les placements en centres éducatifs fermés.

L'évaluation des CEF a fait l'objet de travaux récents de la Cour des comptes, laquelle recommande de « produire des données de suivi et d'évaluation permettant de calculer les taux de récidive et de réitération des jeunes sortant de CEF […] et de les comparer aux autres dispositifs ». La mise en œuvre de cette recommandation suppose de disposer, d'une part, de données permettant de tracer le parcours du jeune et l'intervention des professionnels, de l'autre, d'une méthodologie d'évaluation adaptée et robuste.

La disponibilité des données est à ce jour encore très partielle, mais elle s'améliore au fur et à mesure du déploiement du projet de système d'information de la justice des mineurs « Parcours ». Ce système est conçu pour assurer l'efficacité globale de la prise en charge d'un mineur – réactivité, personnalisation du projet éducatif, évaluation des parcours – concerné par une décision de justice civile ou pénale. Le ministère mène régulièrement des études sur les différents dispositifs, mais souvent sur des cohortes réduites qui peinent à être représentatives, en raison des difficultés à retracer le parcours des jeunes, d'où ce système d'information.

Pour amasser des connaissances robustes sur le parcours et la récidive des jeunes à l'issue d'une prise en charge en CEF, il est nécessaire que les appariements entre les différents systèmes d'information relevant du ministère de la justice, de l'éducation nationale ou de l'emploi soient plus poussés. L'objectif est d'élargir le champ des données.

En effet, la réitération ou la récidive ne peuvent être les uniques indicateurs d'efficacité ou points de comparaison entre structures, chaque dispositif répondant à des besoins différents selon les parcours des jeunes.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.

Mme Marion Canalès. Madame la ministre, je ne peux entendre que les cohortes ne seraient pas suffisantes. Il existe cinquante-deux centres éducatifs fermés accueillant chacun douze personnes : par nature, seuls 600 jeunes sont concernés, aussi votre argument n'est-il pas audible. Je me tournerai vers le ministre de la justice.

urgence de la vaccination contre les épizooties

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, auteur de la question n° 500, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Daniel Gremillet. Madame la ministre, je connais votre attachement à l'élevage. Ce secteur, en France et en Europe, fait face à une importante épizootie : la fièvre catarrhale ovine (FCO).

Différents variants, dits sérotypes, frappent les élevages caprins, ovins et bovins laitiers. Les pertes sont énormes tant en production laitière qu'en production de viande ; les taux de mortalité aussi sont importants. De nombreux pays de l'Union européenne sont touchés.

La région Grand Est est énormément affectée, notamment les Vosges. La chambre d'agriculture de ce département a estimé à 13,5 millions d'euros les pertes indirectes liées, rien que sur l'année 2024, à la diminution de la production de viande et de lait, et au taux de mortalité.

J'aborderai trois enjeux, madame la ministre.

Premièrement, puisque le but de la vaccination est d'anticiper – mieux vaut anticiper les problèmes plutôt que de les subir –, il faut davantage de vaccins, aujourd'hui en nombre insuffisant.

Deuxièmement, il faut adapter les vaccins aux sérotypes qui se font jour. Pour ce faire, il nous faut une politique européenne plus offensive en la matière, d'autres pays étant concernés.

Troisièmement, malgré le fonds d'indemnisation, les éleveurs supportent des pertes terribles. Un mal-être s'empare des familles : on ne peut qu'être marqué par les maladies qui touchent ses animaux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Daniel Gremillet, depuis mon arrivée à la tête du ministère de l'agriculture, je n'ai eu de cesse de gérer les crises sanitaires qui frappent les filières ovines, bovines et caprines : je pense aux variants de la fièvre catarrhale ovine et à la maladie hémorragique épizootique (MHE), ainsi qu'aux pertes directes et indirectes induites.

La disponibilité des vaccins diverge selon les variants.

Pour le traitement contre la FCO 3, les vaccins se trouvent sur le marché. Ils doivent être commandés par les vétérinaires. Les éleveurs savent qu'ils peuvent vacciner à loisir et je les invite à le faire. C'est la meilleure des préventions.

Pour le traitement contre la FCO 8, l'État a anticipé la situation en commandant en 2024, à ses frais, 14 millions de doses de vaccin pour un montant de 37 millions d'euros. Les commandes seront mises gratuitement à disposition de la filière ovine. Les vaccins sont déjà disponibles pour les éleveurs bovins, même si les pertes directes causées par le variant sont bien moins nombreuses pour cette filière.

Pour le traitement contre la FCO 1, l'État a pu obtenir des vaccins auprès d'un laboratoire étranger – la France n'est pas souveraine en matière de santé – de façon à prévenir l'arrivée de ce variant sur le territoire national en érigeant une barrière sanitaire.

Par ailleurs, le ministère a déployé dès mon arrivée un fonds d'indemnisation de 75 millions d'euros. Celui-ci a permis la couverture des pertes des filières ovine et bovine causées par différents sérotypes, notamment en raison de veaux mort-nés.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. L'État a donc largement pris en charge les pertes directes.

Pour les pertes indirectes, il a été convenu que la couverture relevait du fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), financé à 65 % par l'État.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.

M. Daniel Gremillet. La FCO accroît le taux de mortalité, que ce soit des ovins ou des caprins. Les bovins sont également touchés, ce qui n'avait pas été le cas jusqu'à présent.

Mme Annie Genevard, ministre. Ils ne le sont pas pour l'instant !

M. Daniel Gremillet. Ils le sont, madame la ministre, il n'est que de regarder les chiffres des équarrissages !

Mme Annie Genevard, ministre. Je les ai !

M. Daniel Gremillet. C'est un éleveur qui vous parle et je peux vous assurer que l'on s'en rend compte lorsque l'on est concerné directement !

Par ailleurs, le fonds d'indemnisation n'est pas à la hauteur. Ne faudrait-il pas une politique européenne plus offensive, de manière à ce que l'État assume ses responsabilités ?

compostage de la laine en suint en ferme

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 290, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Jean-Claude Anglars. Les exigences sanitaires actuelles imposées au compostage de la laine en suint sont plus strictes que pour d'autres sous-produits animaux, comme le lisier, ce qui rend leur application très difficile en ferme.

La laine, matière naturelle dotée de multiples propriétés agronomiques et environnementales, est classée comme sous-produit animal de catégorie 3. Cette classification entraîne de fortes contraintes en matière de collecte et de traitement. L'absence de filière structurée conduit à une accumulation de stocks en ferme, pour lesquels le co-compostage avec du fumier constitue, en dehors de l'incinération, la seule solution viable.

Or la réglementation actuelle rend cette pratique excessivement complexe. En vertu des règlements (CE) n° 1069/2009 et (UE) n° 142/2011, le compostage de la laine en ferme impose aux exploitants de disposer d'un agrément sanitaire identique à celui qui est exigé pour les plateformes industrielles et de garantir une montée en température de l'andain à 70 °degrés Celsius pendant cinq jours consécutifs, température relevée à cœur en un seul point. De telles exigences techniques sont difficiles à mettre en œuvre dans le cadre d'une gestion en ferme.

Sont fixées dans l'arrêté du 9 avril 2018 les conditions nationales d'utilisation des sous-produits animaux en usine de compostage. Ce texte contient des dérogations aux critères européens de température ; toutefois, la laine ne figure pas dans la liste.

Par ailleurs, cet arrêté prévoit qu'un simple enregistrement peut se substituer à l'agrément sanitaire pour le compostage de lisier destiné à un usage sur exploitation. Cette souplesse administrative n'est pas non plus étendue à la laine, alors même que les enjeux sont comparables.

Madame la ministre, le Gouvernement entend-il reconnaître pour le compostage de la laine en suint d'autres couples temps-température déjà admis pour des sous-produits différents ? Pour renforcer la cohérence de la réglementation, est-il possible qu'une simple procédure d'enregistrement puisse se substituer à l'agrément sanitaire, comme pour le lisier ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Jean-Claude Anglars, les difficultés rencontrées pour la valorisation de la laine sont bien identifiées au sein de mon ministère. Mes services accompagnent d'ores et déjà le secteur ovin dans la structuration d'une filière laine, via différentes actions.

En application de la réglementation sanitaire européenne, la laine issue de la tonte des ovins est un sous-produit animal de catégorie 3. L'activité de compostage de sous-produits animaux de cette catégorie est soumise à agrément sanitaire.

Aussi, les services de mon ministère accompagnent la filière dans l'élaboration d'un dossier type de demande d'agrément sanitaire pour l'activité de compostage de la laine en exploitation agricole.

Une expérimentation a été lancée en juin 2024 dans deux exploitations agricoles pilotes pour déterminer les modalités de procédure les plus adaptées au contexte du compostage à la ferme. La fin de l'expérimentation, qui dépendra du bon déroulement de cette dernière, n'est pas encore définie.

En complément, mon ministère a saisi l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) afin d'identifier les risques que peut représenter la laine en suint pour la santé humaine, la santé animale et pour la préservation de l'environnement.

En outre, il a été demandé à l'Anses de proposer d'éventuelles recommandations générales sur les moyens de maîtriser ces dangers. Ces éléments seront utiles aux professionnels pour définir les méthodes de traitement de la laine en fonction de l'utilisation et de la valorisation envisagées. La publication de l'avis de l'Anses est attendue pour fin octobre 2025.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour la réplique.

M. Jean-Claude Anglars. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je vois que vous vous êtes engagée sur un sujet qui tient particulièrement à cœur aux habitants du département de l'Aveyron, qui compte plus de 1 million de brebis.

difficultés d'installation des jeunes agriculteurs dans les territoires ruraux

M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, auteur de la question n° 508, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Bruno Rojouan. Madame la ministre, la France connaît une érosion continue de son tissu agricole, menaçant la vitalité de nos territoires ruraux. En cinquante ans, le nombre d'agriculteurs est passé de 1,6 million à moins de 500 000. La situation risque encore de se détériorer dans un avenir proche puisque la moitié des chefs d'exploitation sont âgés de 55 ans ou plus : ils ont déjà atteint l'âge légal de la retraite ou l'atteindront dans la décennie qui vient.

Ce constat souligne l'urgence du renouvellement générationnel dans le secteur agricole. Pourtant, malgré les dispositifs existants et les récents textes législatifs adoptés, notamment sur l'initiative de notre collègue Laurent Duplomb, de nombreux jeunes porteurs de projet peinent à s'installer, notamment dans des zones rurales où l'agriculture constitue un levier essentiel du développement local et de la cohésion sociale, comme l'Allier. Dans ce département, dont je suis élu, seuls deux départs sur trois sont actuellement remplacés.

L'accès au foncier reste un frein majeur, problème aggravé par la rareté des terres disponibles, leur prix élevé et des procédures administratives complexes. À cela s'ajoutent des difficultés d'accès tant aux équipements nécessaires à l'activité des jeunes agriculteurs qu'au crédit. Les conditions d'emprunt, conjuguées à la frilosité de certaines banques à financer des projets agricoles, freinent considérablement l'élan entrepreneurial. Pourtant, il est crucial de soutenir toutes les initiatives qui participent à la relocalisation de l'alimentation, à la préservation de l'environnement, à la résilience des territoires et à la souveraineté alimentaire.

Madame la ministre, quels moyens le Gouvernement entend-il mobiliser, notamment en matière d'accès au foncier agricole, aux équipements et aux financements, pour lever ces freins et faciliter l'installation des jeunes agriculteurs dans les territoires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Bruno Rojouan, je vous rejoins : il est important que les jeunes puissent accéder au foncier. C'est une nécessité pour le renouvellement des générations. Pour cette raison, les outils existants sont tournés majoritairement vers l'installation de cette tranche d'âge.

Ainsi, en 2023, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) ont contribué à l'installation de jeunes au travers de 2 800 opérations, correspondant au tiers du total des surfaces rétrocédées.

De plus, les dispositions de la loi du 23 décembre 2021 portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite loi Sempastous, se traduisent par la libération de foncier sous forme de bail ou de cession, quasi exclusivement à destination de jeunes.

Je tiens aussi à mettre l'accent sur le démarrage très satisfaisant du fonds Entrepreneurs du vivant, doté de 400 millions d'euros, dont une partie importante est destinée à renforcer les initiatives de portage existantes. Les jeunes agriculteurs peuvent ainsi consacrer l'essentiel de leurs investissements au développement de leur entreprise à son démarrage et acquérir le foncier plusieurs années après le début de leur activité.

Par ailleurs, vous vous inquiétez, à juste titre, d'un accès difficile aux financements. L'initiative nationale pour l'agriculture française, instrument de garantie innovant, a permis de financer des projets d'investissement – 70 % d'entre eux proviennent de jeunes agriculteurs – qui visent en majorité à accompagner la transformation des modèles agricoles. La garantie de l'État, gratuite, se traduit pour les agriculteurs par l'octroi de conditions de financement améliorées. Le lancement de la phase 2 est imminent : la signature aura lieu jeudi. L'initiative se verra alors dotée de moyens financiers supplémentaires, puisqu'une enveloppe de 2 milliards d'euros de prêts à distribuer par quatre partenaires bancaires est prévue.

Enfin, la création du réseau France Services agriculture au travers de la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture – le Sénat avait voté en sa faveur – permettra, à partir du 1er janvier 2027, d'accompagner de manière personnalisée chaque porteur de projet.

droit de préemption

M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret, auteur de la question n° 512, transmise à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Daniel Gueret. Madame la ministre, j'attire votre attention sur une véritable contradiction juridique qui subsiste entre, d'une part, le droit de préemption prioritaire de la commune– il est relevé dans plusieurs réponses écrites du Gouvernement – sur celui de la Safer en zone agricole et, d'autre part, la limitation du droit de préemption communale aux seules zones urbaines ou à urbaniser.

Dans les faits, pour de nombreuses petites parcelles se trouvant à proximité de zones urbanisées, les Safer n'utilisent pas leur droit de préemption. Par conséquent, l'aménagement du territoire est entravé dans de nombreuses communes : beaucoup d'entre elles se voient dans l'obligation d'acquérir des parcelles au prix proposé par le vendeur plutôt qu'au prix du domaine.

La jurisprudence reconnaît toutefois l'existence d'un droit de préemption de la commune sans distinction de nature de la zone concernée. Dès lors, dans un souci de faciliter l'aménagement du territoire de nos communes, il semblerait opportun de prévoir explicitement dans le code rural et de la pêche maritime que les Safer puissent déléguer leur droit de préemption à la commune ou à son maire.