Un rapport intermédiaire évaluant l'impact de la reconstruction et de la refondation de Mayotte et la réalisation des investissements sera remis au Parlement avant le 1er juillet 2028. Il pourra donner lieu à un débat au Parlement.
Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par M. Omar Oili, Mmes Narassiguin, Artigalas et Le Houerou, MM. Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rapport annexé, après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport recensant et faisant l'évaluation des plans stratégiques existants applicables à Mayotte.
La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Le présent projet de loi de programmation doit venir se substituer aux multiples plans stratégiques dont le pilotage et la mise en œuvre concrète ne peuvent être considérés comme satisfaisants.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain observe pourtant que ce projet de loi de programmation n'a pas été précédé d'une évaluation de ces plans stratégiques, tout particulièrement des deux contrats de convergence et de transformation 2019-2023 et 2024-2029.
C'est pourquoi cet amendement tend à prévoir dans un délai de trois mois la remise au Parlement par le Gouvernement d'un rapport recensant les plans stratégiques applicables à Mayotte et présentant un bilan de leur mise en œuvre dans les domaines économique, social, sanitaire, éducatif, sécuritaire et environnemental. Il devra identifier les éventuelles redondances, incohérences ou lacunes dans la mise en œuvre de ces plans et présenter les éventuels résultats obtenus. Enfin, il devra préciser les modalités de substitution du présent projet de loi de programmation à ces plans, dans un objectif de cohérence et de lisibilité de l'action publique à Mayotte.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, si vous le permettez, je prendrai quelques instants pour expliquer la philosophie de la commission sur les amendements relatifs au rapport annexé.
Ce rapport, dépourvu de portée juridique et normative, je le rappelle, constitue la feuille de route du Gouvernement. Il y présente l'action qu'il compte mener au cours de la période de refondation de Mayotte, jusqu'en 2031.
La commission a émis un avis défavorable sur la grande majorité des amendements, que l'on peut regrouper en quatre catégories : ceux qui visent à prévoir des mesures nouvelles non financées et qui seraient irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution s'ils se rapportaient aux articles du corps même du projet de loi ; ceux qui tendent à prévoir un calendrier de mise en œuvre de chaque mesure et à imposer au Gouvernement d'en remettre un ; ceux qui visent à prévoir, pour chaque engagement, la remise d'une étude ou d'un rapport au Parlement comme au comité de suivi de la loi de programmation.
Si ces amendements étaient adoptés, il faudrait réaliser plus d'une trentaine de rapports ou d'études : cela nous paraît peu sérieux.
Enfin, la dernière catégorie rassemble les amendements visant à imposer des consultations supplémentaires ou dont l'adoption aurait pour effet d'alourdir les processus de décision. Il nous paraît important que l'État ait les moyens de procéder à la refondation de Mayotte dans les délais les plus brefs. Il ne nous appartient pas d'entraver son action.
La commission, je le répète, a par conséquent émis un avis défavorable sur tous les amendements qui relèvent de ces catégories, sans méconnaître les sujets de fond qu'ils soulèvent ni leur importance. Nous aurons à en débattre. En outre, certains d'entre eux étant des amendements d'appel, il appartiendra au Gouvernement d'apporter les précisions souhaitées.
Pour toutes ces raisons, nous émettons un avis défavorable sur l'amendement n° 25, qui vise à prévoir un état des lieux des plans stratégiques à Mayotte.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, je reconnais ici, au travers de votre amendement, votre attachement louable à l'évaluation de l'action publique, mais je pense que l'heure n'est pas au bilan des stratégies passées, même s'il est évidemment important de toujours s'appuyer sur le passé pour construire le présent et l'avenir.
En l'occurrence, la Cour des comptes, dans ses rapports, en particulier dans celui de 2022, intitulé Quel développement pour Mayotte ?, que je vous invite à lire, souligne déjà les lacunes – et c'est un euphémisme – des plans passés. C'est pourquoi il faut se tourner vers l'avenir.
La stratégie quinquennale de reconstruction et de refondation de Mayotte est en cours d'élaboration par la mission dirigée par le général Facon. Ce dernier m'a d'ores et déjà communiqué, je l'ai dit hier, un certain nombre d'éléments de cette stratégie.
Par ailleurs, j'ai demandé à cette mission de recevoir au plus vite les quatre parlementaires de Mayotte afin qu'ils puissent être pleinement associés à ses travaux. Mme Salama Ramia dispose déjà de ces éléments, qui lui ont été communiqués dans le cadre de la mission que le Premier ministre lui a confiée.
Je souhaite à présent me concentrer sur l'action. À cet égard, je partage l'avis de Mme la rapporteure, qui a défini le cadre de nos discussions. Comme elle, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 25.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 114, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Rapport annexé
I. – Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ce développement ne pourra se faire au détriment des aires protégées mahoraises et se fera dans le respect des réglementations environnementales ;
II. – Alinéa 215, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
du Conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte ainsi que les associations environnementales et les gestionnaires d'aires protégées
III. – Alinéa 216
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
ainsi que la lutte contre les espèces exotiques envahissantes. Sur ce dernier volet, il est impératif de prioriser les zones d'intervention, sur la base de critères scientifiques (rareté des cortèges phytosociologiques menacés, connectivité écologique des milieux, nature des espèces exotiques envahissantes présentes, état de la canopée) et techniques (accessibilité des sites, ratio coût/bénéfice, capacité de production de plants indigènes adaptés, etc.).
IV. – Après l'alinéa 216
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
La définition de cette stratégie s'appuiera sur un diagnostic écologique préalable permettant, notamment, de distinguer les zones capables de se régénérer naturellement et devant être strictement protégées de celles où des interventions de reboisement ciblées sont nécessaires. Dans ces dernières, les espèces à planter devront impérativement être endémiques ou indigènes, avec une provenance locale contrôlée, en lien avec les pépinières existantes et en cours de création sur le territoire.
Ce diagnostic écologique sera la prémisse à l'élaboration d'une feuille de route sur la restauration des écosystèmes forestiers mahorais, en cohérence avec le règlement européen sur la restauration de la nature. Cette feuille de route sera élaborée par la Direction de l'environnement, de l'aménagement, du logement et de la mer de Mayotte (DEALM) en associant, notamment le Conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte ainsi que les associations environnementales et les gestionnaires d'aires protégées.
Ces actions doivent être coordonnées, scientifiquement encadrées, couplées à un renforcement massif des actions de surveillance et de police de l'environnement ainsi que des moyens accrus dévolus à la justice.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous avons toutes et tous pu constater la dévastation de la forêt mahoraise – les trois quarts ont été ravagés par le cyclone Chido –, mais également le manque de moyens consacrés à la protection de la forêt, dont la surface a été réduite de 24 % en trente ans. La forêt représente néanmoins toujours 38,6 % de la surface de Mayotte, soit plus d'un tiers des 374 kilomètres carrés du territoire.
Le dernier bilan sur la biodiversité était alarmant : 43 % des 610 espèces indigènes connues et évaluées à ce jour sont menacées, parmi lesquelles de nombreuses espèces d'arbres.
Cet enjeu ne nous paraît pas avoir été pris suffisamment en compte dans le rapport annexé. Il ne nous semble pas que la gravité de la situation ait été pleinement mesurée, les garanties présentées n'étant pas suffisantes.
C'est aussi ce qui préoccupe les associations environnementales, alors que Mayotte a besoin d'un véritable soutien pour son développement et que celui-ci doit se faire, comme partout, en préservant les espaces naturels et agricoles.
Or nous savons que l'environnement est souvent sacrifié, oublié, lorsqu'il s'agit d'implanter des entreprises ou des infrastructures. Ces dernières sont nécessaires, mais leur implantation doit se faire en intégrant pleinement les objectifs de reboisement et de protection des zones encore boisées. Nous pensons que c'est tout à fait faisable, en respectant la réglementation environnementale et en préservant les aires protégées mahoraises.
Il faudra s'appuyer sur un diagnostic, sur une feuille de route, comme nous le proposons, et sur les connaissances de la direction de l'environnement, de l'aménagement, du logement et de la mer de Mayotte, du conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte, des associations environnementales et des gestionnaires d'aires protégées.
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par Mmes Guhl et M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Rapport annexé
I. – Alinéa 215
Compléter cet alinéa par les mots :
, du conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte, des associations environnementales et des gestionnaires des aires protégées.
II. – Alinéa 216
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que la lutte contre les espèces exotiques envahissantes
III. – Après l'alinéa 216
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
La définition de cette stratégie s'appuiera sur un diagnostic écologique préalable permettant, notamment, de distinguer les zones capables de se régénérer naturellement et devant être strictement protégées de celles où des interventions de reboisement ciblées sont nécessaires. Dans ces dernières, les espèces à planter devront impérativement être endémiques ou indigènes, avec une provenance locale contrôlée, en lien avec les pépinières existantes et en cours de création sur le territoire.
Ce diagnostic écologique sera le préalable à l'élaboration d'une feuille de route sur la restauration des écosystèmes forestiers mahorais, en cohérence avec le règlement européen sur la restauration de la nature. Cette feuille de route sera élaborée par la direction de l'environnement, de l'aménagement, du logement et de la mer de Mayotte (DEALM) en associant, notamment le conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte ainsi que les associations environnementales et les gestionnaires d'aires protégées.
Ces actions doivent être coordonnées, scientifiquement encadrées, couplées à un renforcement massif des actions de surveillance et de police de l'environnement ainsi que des moyens accrus dévolus à la justice.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Nous le savons, le cyclone Chido a profondément bouleversé l'équilibre écologique déjà fragile de Mayotte. La forêt mahoraise est aujourd'hui fragmentée et a subi des dégâts considérables : perte de canopée, sols retournés et risque aigu d'invasion biologique et d'appropriations illégales.
Face à cette situation, la tentation est grande d'agir rapidement, de replanter partout et d'envoyer un signal fort en faisant du chiffre.
Dans ce contexte, notre amendement vise à éviter une réponse précipitée qui serait déconnectée des réalités écologiques du territoire. Il faut reboiser, c'est évident, mais pas n'importe comment et pas avec n'importe quoi, car reboiser sans méthode peut parfois aggraver la situation.
Avant d'agir, il faut savoir. Aussi proposons-nous simplement d'établir un diagnostic écologique précis afin de distinguer les zones qui peuvent se régénérer seules et que l'on doit protéger de celles qui ont un véritable besoin de reboisement. Dans ce cas-là, il est essentiel d'introduire des espèces endémiques, locales et adaptées, en lien avec les pépinières de Mayotte.
Nous souhaitons également que les acteurs de terrain soient associés : le conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte, les associations environnementales et les gestionnaires des aires protégées.
Enfin, il est essentiel de coupler cette stratégie à un renforcement des actions de surveillance et de police de l'environnement, ainsi qu'à des moyens accrus pour la justice.
Notre amendement vise à rappeler que restaurer une forêt ne consiste pas uniquement à planter des arbres au hasard : il faut restaurer tout un écosystème. C'est exigeant, cela demande de la méthode et implique de respecter le vivant.
Mme la présidente. L'amendement n° 133, présenté par MM. Omar Oili et M. Weber, Mmes Artigalas, Narassiguin et Le Houerou, MM. Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rapport annexé
I. – Alinéa 215, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, du conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte ainsi que des naturalistes et gestionnaires d'aires protégées
II. – Alinéa 216
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que la lutte contre les espèces exotiques envahissantes
III. – Après l'alinéa 216
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
La définition de cette stratégie s'appuiera sur un diagnostic écologique préalable permettant notamment de distinguer les zones capables de se régénérer naturellement et devant être strictement protégées de celles où des interventions de reboisement ciblées sont nécessaires. Dans ces dernières, les espèces à planter devront impérativement être endémiques ou indigènes, avec une provenance locale contrôlée, en lien avec les pépinières en cours de création sur le territoire.
Ce diagnostic écologique sera la prémisse à l'élaboration d'une feuille de route sur la restauration des écosystèmes forestiers mahorais, en cohérence avec le règlement européen sur la restauration de la nature. Cette feuille de route sera élaborée par la Direction de l'environnement, de l'aménagement, du logement et de la mer de Mayotte en associant, notamment le Conseil scientifique du Patrimoine naturel de Mayotte ainsi que les naturalistes et gestionnaires d'aires protégées.
La parole est à M. Saïd Omar Oili.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Le cyclone Chido et la tempête Dikeledi ont fortement endommagé la forêt mahoraise. Le reboisement et la restauration des équilibres environnementaux à Mayotte sont un enjeu et un objectif. Nous ne concevons pas qu'ils puissent être réalisés sans s'appuyer sur des spécialistes.
Ces trois amendements visent à imposer un diagnostic écologique préalable au plan de reboisement, ainsi que diverses consultations, ce qui alourdirait les procédures. Nous pensons qu'il faut agir.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d'État. Ces trois amendements, formulés différemment, visent à demander l'établissement d'un diagnostic écologique et la définition d'une feuille de route pour la restauration de l'écosystème forestier mahorais.
Cela a été rappelé, 95 % de la forêt mahoraise a été ravagée, ce qui a, c'est vrai, des conséquences sur le grand cycle de l'eau. L'équilibre des écosystèmes a été profondément modifié, perturbé. Il faut le prendre en compte dans la perspective de la reconstruction et du reboisement.
En ce qui concerne les forêts, un comité de pilotage associant le conseil départemental, la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Mayotte (Daaf), l'Office national des forêts (ONF) et le Conservatoire national botanique de Mascarin est déjà à pied d'œuvre pour bâtir une stratégie de reboisement. J'en discutais aujourd'hui encore avec la mission du général Facon.
L'ONF a notamment élaboré un projet de plan de reboisement de Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido. Ce projet prévoit de s'appuyer sur la dynamique naturelle de la végétation – elle se voit à l'œil nu sur place – sur environ 300 hectares, de favoriser le développement des essences forestières désirées, de lutter contre les espèces envahissantes – c'est un point important – et de planter seulement là où c'est nécessaire, sur environ 100 hectares. Il s'agit de reboiser et de stabiliser le sol et la ressource en eau. Les opérations comprennent un entretien favorisant la reprise nécessaire pendant une période de cinq ans.
Enfin, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes – ce sujet concerne également La Réunion – reste prioritaire, car il existe un risque accru d'introduction dû aux importations de matériaux végétaux pour la reconstruction. Cette problématique est bien identifiée par la préfecture, qui est particulièrement mobilisée sur la question et effectue des opérations de contrôle à l'aéroport.
Tels sont les éléments qui me conduisent, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure, à vous demander, mesdames, monsieur le sénateur, de retirer ces amendements, des travaux étant engagés, selon la méthode que je viens d'évoquer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par M. Omar Oili, Mmes Narassiguin, Artigalas et Le Houerou, MM. Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rapport annexé, alinéa 30
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Cette étude détaille les moyens humains et techniques du « rideau de fer » censé renforcer la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte, et annoncé par le gouvernement en février 2024, ainsi qu'un calendrier relatif à sa mise en œuvre. Elle est communiquée au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, le Gouvernement clarifie enfin sa position sur le fameux « rideau de fer » qu'avait annoncé en février 2024 M. Darmanin, alors ministre de l'intérieur et des outre-mer. À Mayotte, la lutte contre l'immigration clandestine appelle des solutions adaptées, compte tenu des conditions géographiques et logistiques très spécifiques du territoire.
Il est indiqué dans le rapport annexé qu'une étude relative à la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte, réalisée par la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (Depsa) du ministère de l'intérieur, servira de base à un effort de renforcement capacitaire.
Cette étude devra permettre d'identifier les besoins réels de Mayotte pour lutter contre l'immigration clandestine, c'est-à-dire les moyens de surveillance, de détection, d'interception terrestre et maritime. Selon nous, cette étude doit aussi être l'occasion de préciser les moyens humains et techniques de ce « rideau de fer » et le calendrier précis de sa mise en œuvre. Nous avons besoin de savoir ce que recouvre concrètement l'engagement du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La lutte contre l'immigration clandestine est centrale pour la refondation de Mayotte. Les moyens de surveillance, de détection, d'interception terrestre et maritime du « rideau de fer » sont également essentiels.
Votre amendement est avant tout un amendement d'appel, destiné à obtenir de M. le ministre des détails sur ce plan.
Pour notre part, conformément à la logique que j'ai déclinée en début de séance, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à prévoir un calendrier, source de contraintes supplémentaires.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d'État. Monsieur le sénateur Omar Oili, j'émettrai un avis favorable sur certains de vos autres amendements, ne voyez pas ici se dessiner une tendance. (Sourires.)
Vous demandez la communication au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte de l'étude technico-opérationnelle relative à la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte, réalisée par la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes, avant le cyclone. Il s'agit d'un document technique préparatoire aux décisions, comme cela est précisé dans le rapport annexé. Il est non communicable.
Cette étude ne comprend d'ailleurs pas les moyens humains ou l'agenda de mise en œuvre du dispositif que vous mentionnez. De mon point de vue, elle n'apporte donc rien par rapport aux informations figurant dans le rapport annexé.
Un rapport de suivi de l'état d'avancement de la refondation de Mayotte sera régulièrement produit, notamment sur la mise en œuvre des mesures de renforcement du dispositif de lutte contre l'immigration clandestine, à la demande d'ailleurs de vos rapporteurs, dans le souci également de répondre à votre attente.
La direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes pourrait vous recevoir pour vous indiquer un certain nombre d'éléments.
Et puisqu'il s'agit d'un amendement d'appel, comme l'a dit Mme la rapporteure, je vous rappelle ce que j'ai eu l'occasion de dire sur place, à l'instar du Président de la République il y a quelques semaines : les objectifs du « rideau de fer » sont bien de réaliser 35 000 éloignements.
Nous avons prévu pour cela le remplacement des radars par des modèles plus puissants, intégrant de nouvelles technologies, la présence de six navires en mer vingt-quatre heures sur vingt-quatre, un groupement de partenariat opérationnel de 120 policiers au total – il nous faut atteindre cet objectif en termes d'équivalent temps plein avec le ministère de l'intérieur –, le renforcement de la coopération entre les différents services du renseignement – extérieur et intérieur –, un centre de rétention administrative (CRA) de 140 places, en plus de la zone d'attente destinée aux familles, ainsi que des accords internationaux sur l'octroi de laissez-passer consulaires.
C'est l'ensemble de ces dispositifs, que je détaille à grands traits, qui constituent ce « rideau de fer » : nouveaux moyens technologiques, plus de moyens pour l'ensemble des services de sécurité intérieure, mobilisation des policiers, des gendarmes et des douaniers pour atteindre ces objectifs.
Tels sont, monsieur le sénateur Omar Oili, les éléments que je tenais à vous communiquer.
Vous l'aurez compris, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. L'article 1er, qui comprend le rapport annexé, est une feuille de route. Même si ce rapport n'a pas de valeur normative, on s'attend à y trouver des moyens permettant d'atteindre les objectifs qui y sont fixés.
L'amendement de notre collègue a la vertu de graver dans le marbre de l'article 1er que l'étude technique opérationnelle, déjà prévue, apporte des précisions sur les moyens humains et techniques du « rideau de fer ».
La question migratoire est au cœur des problématiques qui se posent à Mayotte. Nous faisons face à un enjeu collectif de crédibilité, enjeu crucial, car aucune solution pérenne n'a été trouvée pour résoudre un problème qui se pose depuis des années. Nous avons l'espoir que des solutions puissent être apportées aujourd'hui.
Comme le Gouvernement a inscrit dans le rapport annexé que, par exemple, pour mieux protéger les Mahorais, il allait affecter dix gendarmes à la brigade de Dzoumogné, dix autres à la brigade de Bandrélé, il est important qu'il y indique quels moyens humains et techniques il compte mettre en œuvre afin que le « rideau de fer » ne soit pas qu'un rideau de fumée ! (M. le ministre d'État fait la moue.)
Telle est la raison pour laquelle je voterai cet amendement, comme certains de mes collègues du groupe RDPI.
Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, il nous a été dit qu'une base navale serait construite à Mayotte dans le cadre de la mise en place de ce « rideau de fer ». Or, quand on lit les textes, on se rend compte que, en réalité, c'est un ponton qui sera construit à Mtsamboro, sur lequel seront amarrés les intercepteurs qui arrêtent les kwassa-kwassa.
Les Mahorais ont besoin de clarification. Nous avons l'impression que plus on prend des mesures ici pour dissuader les gens de venir, plus ils arrivent en nombre. Nous avons besoin de savoir quels moyens, notamment financiers, sont prévus pour mettre fin à l'immigration.
Monsieur le ministre, vous nous dites que les militaires sont là pour nous protéger. Leur coût pour la collectivité est intégré dans les dotations qui nous sont allouées. Il va falloir une bonne fois pour toutes que l'on nous dise clairement combien l'État consacre à la lutte contre l'immigration et que l'on nous explique pourquoi cette dernière ne diminue pas.
Mme la présidente. L'amendement n° 150, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Rapport annexé, alinéa 42
Remplacer les mots :
soutient la restriction des conditions d'accès à la nationalité française
par les mots :
est très attentif aux conséquences des réformes de l'accès à la nationalité française à Mayotte sur les droits de l'enfant et remettra un rapport au Parlement à ce sujet
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement tend à prévoir une évaluation objective, qui aurait dû être faite il y a bien longtemps déjà, des effets des différentes réformes de l'accès à la nationalité française à Mayotte sur un certain nombre de sujets, notamment le droit des enfants, le greffe du tribunal, mais aussi, plus largement, sur les flux migratoires.
Il nous a souvent été dit que le durcissement des conditions d'accès à la nationalité française, notamment du droit du sol, était nécessaire pour maîtriser les flux migratoires, sans toutefois qu'aucune donnée nous permette d'établir un lien de cause à effet entre le droit du sol et les flux migratoires.
Un régime dérogatoire a été instauré à Mayotte en 2019, que nous avons durci il y a quelques mois sans même connaître ses impacts et sans même savoir s'il y avait le moindre lien entre les moyens que nous mettons en œuvre et l'objectif que nous nous sommes fixé, à savoir une diminution des flux migratoires. Or le durcissement de la politique d'accès à la nationalité n'a pas réduit ces flux.