Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 120.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis, qui prolonge jusqu’en 2031 le dispositif confiant au préfet l’autorité sur l’ensemble des services de l’État à Mayotte.

En temps de crise, conférer certains pouvoirs au préfet peut être utile, mais par définition ce dispositif dérogatoire au droit commun doit être borné dans le temps. Il nous paraît déraisonnable de poursuivre cette dérogation pendant six années supplémentaires, car cela pourrait poser de nombreux problèmes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Bitz, rapporteur. Je remercie M. Laménie du soutien qu’il apporte à l’amendement proposé par Mme Canayer et moi-même. La commission émet évidemment un avis défavorable sur les amendements identiques nos 64 et 120, qui visent à supprimer une mesure qu’elle a introduite.

Madame Vogel, je ne peux qu’être d’accord avec vous : il faut limiter les pouvoirs du préfet sur les autres administrations à la période de crise, mais le fait est que nous en sommes toujours, à Mayotte, en période de crise. C’est là que porte notre divergence d’appréciation : nous considérons que, au-delà de la crise paroxystique, la situation demeure encore extrêmement difficile, ce qui nécessite, pour que l’État parle d’une seule voix et ait davantage de capacité à agir, l’unité de commandement de l’État et une capacité de coordination.

Certes, la mesure ne doit pas être illimitée dans le temps : nous l’avons ainsi bornée au 31 décembre 2030, à la fin de la période de refondation de Mayotte. Les pouvoirs exceptionnels du préfet, dérogatoires au droit commun, sont bien limités dans le temps. Il est pour nous absolument indispensable de mieux organiser l’État et de donner à l’État local la capacité d’intervenir dans tous les champs de l’action publique.

Monsieur Omar Oili, je laisserai M. le ministre vous apporter des précisions sur l’organisation de la gouvernance. Notre collègue Mme Ramia présentera à la suite de cette discussion un amendement visant à exclure l’Établissement public de reconstruction et de refondation de Mayotte (EP2R) de la tutelle du préfet, car il ne s’agit évidemment pas de revenir sur les mesures que nous avons adoptées lors de la création de cet établissement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Je le rappelle, cet article ne faisait pas partie du projet de loi déposé par le Gouvernement. Ce sont les rapporteurs de la commission des lois du Sénat qui ont proposé de l’ajouter, ce que je trouve pertinent et utile, car, pour être efficace, le travail de reconstruction de Mayotte nécessite une synergie et la coordination de tous les acteurs territoriaux.

Le préfet, représentant chacune des administrations de l’État et chacun des membres du Gouvernement, a vocation à assurer la coordination entre les ministères et les différents partenaires participant à la reconstruction de Mayotte.

La mission interministérielle menée à mes côtés par le général Facon et, sur place, le préfet Bieuville travaillent dans une très bonne synergie – une partie de l’équipe du général, dont lui-même, se rend d’ailleurs à Mayotte ce soir – pour rendre le travail interministériel le plus efficace possible.

La légitimité du préfet et sa vision d’ensemble des enjeux et des priorités justifient que l’ensemble des services déconcentrés et des établissements publics de l’État soient placés sous son autorité pour une durée limitée, le temps de la reconstruction, jusqu’à la fin de 2030. Il s’agit de gagner de l’efficacité et du temps. Cette mesure est permise par l’article 27 de la Lopmi ; mise en œuvre à Mayotte au moment du passage de Chido, elle avait alors bien fonctionné.

Les modalités d’application de l’article seront prévues par un décret pris en Conseil d’État, la loi n’ayant pas vocation à se prononcer sur des mesures organisationnelles a priori basées sur le bon sens et le savoir-faire des autorités préfectorales, dans un souci d’efficacité.

Pour ce qui concerne les rapports entre l’État et les élus, nous continuerons dans la même exigence de concertation. Nous avons déjà beaucoup discuté ici même de la gouvernance de l’établissement public en question. Pour que les choses soient tout à fait claires, le Gouvernement émettra un avis favorable sur l’amendement n° 48 que la sénatrice Ramia présentera dans un instant, car l’EP2R doit obéir aux règles que nous avons fixées avec les élus.

Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, j’étais à Mayotte il y a deux semaines. En rencontrant un membre de l’équipe de M. Facon, je lui ai demandé si je pouvais discuter avec elle de la situation des pêcheurs à Mayotte. Ma surprise a été grande : mon interlocutrice m’a indiqué que, avant de me répondre, elle devait demander au préfet si celui-ci l’y autorisait.

Évidemment, nous nous demandons qui est aux commandes de l’avion. Est-ce M. Facon ou le préfet ? Monsieur le ministre, reconnaissez qu’il est facile de s’y perdre : à qui doit-on s’adresser pour aborder les problèmes liés à la reconstruction de notre île ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Monsieur le sénateur, ce n’est pas de votre niveau. (M. Saïd Omar Oili proteste.) Vous avez peut-être eu cette discussion, mais je suis là ! Le préfet et le général Facon sont joignables ; vous pouvez également vous adresser à votre collègue Mme Ramia, qui participe à la mission interministérielle.

Nous nous connaissons depuis un certain temps, et je vous respecte énormément. Nous présentons un deuxième projet de loi, après le projet de loi d’urgence pour Mayotte. Je comprends vos interrogations, les désaccords et la méfiance qui peut exister vis-à-vis de la parole de l’État, mais je suis attentivement le dossier de Mayotte, une sénatrice assure le suivi de la mission interministérielle – croyez-moi, elle est exigeante et très présente –, le général Facon et son équipe sont à votre disposition, et le préfet agit sur place pour coordonner le travail interministériel.

Moi-même, je rencontre régulièrement les sénateurs de Mayotte – je suis à leur disposition – et les deux députées mahoraises ; je dînerai ce soir, pendant la suspension, avec le président du conseil départemental de Mayotte ; et j’ai eu, ainsi que mon équipe, un nombre important d’échanges, sur place et en visioconférence, avec les élus.

Il peut toujours arriver que quelqu’un n’ait pas très bien compris comment fonctionne telle ou telle administration. Mais les règles sont claires, vous savez qui pilote l’avion et nous allons essayer d’avancer ainsi. Ne nous perdons pas dans ce genre de détail, je ne peux pas croire qu’une telle intervention vienne de vous, monsieur le sénateur !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 120.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l’exclusion de l’établissement public créé en application de l’article 1er de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Comme l’a voulu le Parlement, la gouvernance du futur établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte sera collégialement assurée par les collectivités territoriales du département. Le conseil d’administration de cet établissement sera présidé par le conseil départemental de Mayotte et assurera une représentation forte des collectivités concernées par les projets d’aménagement.

Si le préfet assurera bien un contrôle administratif, comme les différentes autorités de tutelle de l’État, et pourra librement siéger au conseil d’administration, il convient qu’il ne dispose pas d’une autorité hiérarchique ou fonctionnelle sur l’établissement.

Le présent amendement tend donc à modifier l’article 1er bis en ce sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Bitz, rapporteur. Je remercie Mme Ramia de sa vigilance. Nous n’avions pas vu ce point lors du dépôt de notre amendement en vue de l’établissement du texte en commission ; il n’était pas dans nos intentions de bouleverser la gouvernance de l’établissement public placé sous la présidence du président du conseil départemental.

L’avis est évidemment favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

TITRE II

LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE ET L’HABITAT ILLÉGAL

Chapitre Ier

Durcir les conditions d’accès au séjour en les adaptant à la situation particulière de Mayotte

Article 2

L’article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un 1° AA ainsi rédigé :

« 1° AA Au 2° de l’article L. 412-2, les références : “L. 423-7,” et “L. 423-23,” sont supprimées ; »

2° Le 8° bis est complété par les mots : « et, à la fin, les mots : “, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1” sont supprimés » ;

2° bis (nouveau) Le 8° ter est ainsi rédigé :

« 8° ter L’article L. 423-8 est ainsi modifié :

« a) Au premier alinéa, après les mots : “371-2 du code civil,”, sont insérés les mots : “depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins trois ans” ;

« b) Le second alinéa est supprimé ; »

3° Après le 8° ter, il est inséré un 8° quater ainsi rédigé :

« 8° quater Au premier alinéa de l’article L. 423-10, les mots : “en France et titulaire depuis au moins trois années” sont remplacés par les mots : “régulièrement et de manière ininterrompue en France depuis au moins cinq années et titulaire” ; »

4° Il est ajouté un 16° ainsi rédigé :

« 16° Au premier alinéa de l’article L. 423-23, après le mot : “étranger”, sont insérés les mots : “résidant habituellement depuis au moins sept ans à Mayotte,” et, à la fin, les mots : “, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1” sont supprimés. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 7 rectifié est présenté par Mme Narassiguin, M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, MM. Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 80 est présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 144 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.

Mme Corinne Narassiguin. Avec cet amendement, nous entamons les débats sur le durcissement des conditions d’accès au séjour à Mayotte.

L’article 2 du texte franchit une étape supplémentaire dans ce domaine, puisqu’il vise à conditionner l’obtention des titres de séjour « parent d’enfant français » ou « liens personnels et familiaux » à une entrée régulière sur le territoire. Concrètement, cette mesure signifie qu’un étranger, père ou mère d’un enfant mineur français, ne pourra jamais être régularisé au motif qu’il serait entré à Mayotte sans visa ou avec un simple visa de court séjour.

Cet article aura pour seul effet de multiplier les cas de « ni-ni » : les étrangers qui ne peuvent être ni régularisés ni éloignés. Cette mesure précarisera donc des familles entières et invisibilisera des milliers de personnes, privées de toute perspective d’avenir. Comment peut-on croire que c’est ainsi que l’on refondra Mayotte ?

Un tel article est particulièrement inacceptable, parce qu’il vise entre autres des parents étrangers d’enfants français. Comment peut-on sérieusement considérer qu’une mère ou un père étranger, parent d’un enfant français et qui a fait la preuve qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de son enfant, n’a pas sa place en France ? Comment peut-on considérer que la vocation du parent d’un enfant français soit d’être maintenu dans la précarité, sans papiers, ou d’être expulsé ? Avec cet article, non seulement vous ne réglerez rien, car les liens familiaux seront toujours plus forts que les obstacles administratifs que vous aurez mis en place, mais vous aurez gâché la vie de familles entières.

En outre, cet article repousse de deux années la délivrance d’une carte de résident pour les parents étrangers d’enfants français. C’est tout à fait indigne…

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l’amendement n° 80.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Au travers de cet amendement de suppression, nous nous opposons fermement à un nouveau durcissement des conditions d’accès au séjour à Mayotte.

Cet article durcit notamment les conditions pour l’obtention d’un titre de séjour « parent d’enfant français » ou « liens personnels et familiaux ». Il fait écho aux mesures adoptées en 2018 et en mars dernier visant à durcir l’application du droit du sol. Or aucun rapport n’a démontré que les mesures de ce type avaient endigué les flux migratoires à Mayotte depuis 2018. Cet article aura donc pour seule conséquence de maintenir en situation d’irrégularité de nombreuses familles établies sur le territoire, dont des milliers d’enfants, qui sont les premières victimes de ce système dérogatoire pour Mayotte.

L’absence d’accompagnement de ces familles vers le droit commun est un obstacle à l’accès aux droits des enfants reconnus par la Convention internationale des droits de l’enfant. Ces mesures renforcent la précarité des familles concernées et les condamnent à l’errance administrative.

Dans son rapport intitulé Établir Mayotte dans ses droits, le Défenseur des droits indique que la restriction des droits dans ce territoire contribue à maintenir les étrangers qui s’y trouvent dans une situation d’insécurité juridique et de précarité administrative permanente, freinant leur perspective d’intégration et pesant sur le développement de l’île.

S’en prendre aux familles, c’est tourner le dos à nos valeurs humanistes, qui font le socle de notre société. Nous ne voulons pas devenir un État qui déteste les étrangers, y compris quand ceux-ci sont des enfants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 144.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Au travers de ces amendements, vous proposez, mes chers collègues, de supprimer l’article 2 du projet de loi, qui renforce les conditions de délivrance des titres de séjour en qualité de parent d’enfant français ou au titre des liens personnels et familiaux.

La situation à Mayotte est intenable : en 2024, sur les 320 000 habitants – chiffre de l’Insee sans doute sous-estimé –, la moitié étaient de nationalité étrangère, dont 50 % en situation irrégulière. L’Insee estime que, sans inflexion majeure des flux migratoires, la population pourrait plus que doubler d’ici à 2050, pour atteindre 760 000 habitants, majoritairement de nationalité étrangère. Les trois quarts des enfants nés à la maternité de Mamoudzou – première maternité de France en nombre de naissances – ont une mère étrangère.

L’immigration familiale depuis les Comores constitue l’un des principaux flux migratoires. En 2024, plus de 15 000 titres « parent d’enfant français » ou « liens personnels et familiaux » ont été délivrés à Mayotte, soit 80 % des titres délivrés, contre 17 % pour la France métropolitaine.

En outre, ces titres sont très majoritairement délivrés à des étrangers en situation irrégulière : 84 % pour le titre « parent d’enfant français » et 93 % pour le titre « liens personnels et familiaux ». Ils contribuent ainsi à alimenter une immigration clandestine massive, dans l’espoir d’une régularisation rapide au titre d’un motif familial, qui ne protège en rien ni ces familles ni leurs enfants.

Il est donc primordial de freiner ces flux en limitant les possibilités de régularisation. L’article 2 y contribue.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Mesdames les sénatrices, eu égard au caractère exceptionnel de la situation migratoire de Mayotte par rapport aux autres départements français, notamment hexagonaux, il est de mon point de vue parfaitement justifié d’adopter des mesures qui visent à limiter l’attractivité des titres de séjour « parent d’enfants français » et « liens personnels et familiaux ». J’ai déjà eu l’occasion de le dire lors de la présentation des deux projets de loi.

Je comprends vos arguments, mais je veux souligner que la mesure envisagée ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), car il s’agit en pratique d’une formalité déjà mise en œuvre dans les postes consulaires ; le Conseil d’État lui-même le souligne dans son avis.

La condition de durée de résidence en France, portée de trois à cinq années, a pour objectif de renforcer l’intégration de l’étranger dans le pays au sein duquel il a formulé le souhait de résider dans la durée. L’administration reste en droit de délivrer un titre de séjour et de procéder ainsi à la régularisation du séjour d’un étranger, lorsque l’examen de sa situation personnelle le justifie, dans des cas qui doivent rester exceptionnels.

Tout refus de séjour assorti d’une mesure portant obligation de quitter le territoire français est édicté après vérification du droit au séjour, mais également en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français – à Mayotte en l’occurrence –, de la nature et de l’ancienneté des liens avec la France, et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit.

Dès lors, la disposition visant à conditionner la délivrance du titre de séjour « liens personnels et familiaux » ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale.

Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Ce texte prévoit, c’est vrai, toute une série de dispositions visant à lutter contre l’immigration clandestine, irrégulière, massive, qui déséquilibre la société mahoraise : il y a évidemment des dispositifs de sécurité, de prévention et de détection, mais nous avons aussi évoqué la nécessité de faire évoluer notre relation avec la république des Comores sur ce sujet. Il s’agit donc d’un ensemble qui vise à améliorer, à rendre le plus efficace possible, tous nos dispositifs.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.

Mme Corinne Narassiguin. Nous nous heurtons toujours au même problème : ce présupposé selon lequel le durcissement des conditions de régularisation entraînera une réduction des flux migratoires illégaux vers Mayotte.

Or cela n’est toujours pas démontré. Nous voyons bien que des milliers et des milliers de personnes viennent à Mayotte en sachant très bien qu’elles seront en situation irrégulière, mais qui préfèrent tout de même vivre ainsi que de rester dans leur pays d’origine, où la situation est trop difficile. L’efficacité de telles mesures pour contrer cette attractivité, qui constituerait en quelque sorte un appel d’air, n’est toujours pas démontrée.

Par ailleurs, même si l’administration garde la possibilité de régulariser des personnes, nous savons qu’il y aura une pression politique, liée au durcissement de la loi, pour ne pas délivrer ces titres de séjour ; on voit donc mal comment la préfecture pourrait répondre favorablement à ces demandes de régularisation.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié, 80 et 144.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Masset, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Pantel et M. Daubet, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 15° de l’article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement vise à rétablir à Mayotte une possibilité de régularisation fondée sur des motifs exceptionnels, en supprimant une dérogation au droit commun du séjour.

Actuellement, les étrangers présents à Mayotte ne peuvent pas bénéficier d’une admission exceptionnelle au séjour, contrairement à ce qui est prévu sur l’ensemble du territoire.

Cette exclusion pose des difficultés, notamment juridiques : comme l’a rappelé le Conseil d’État, l’article 8 de la CEDH et le deuxième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 imposent le respect de la vie privée et familiale. Aussi, même sans base légale, des régularisations fondées sur l’intérêt supérieur de l’enfant ou des attaches fortes sont déjà imposées par la jurisprudence.

Ce paradoxe alimente l’opacité et l’insécurité juridique. Au travers de la disposition que je propose, le législateur créerait une voie claire, lisible et encadrée pour ces situations exceptionnelles.

Ce dispositif n’a pas vocation à ouvrir une voie massive à la régularisation ; il vise à permettre de répondre humainement à des cas limites, tout en assurant la cohérence de notre droit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis est défavorable, et ce pour trois raisons.

D’abord, la disposition proposée ne paraît pas opportune eu égard à la situation migratoire exceptionnelle que je vous ai décrite précédemment.

Ensuite, elle renforcerait encore, nous en sommes convaincus – contrairement à vous, peut-être –, l’attractivité de Mayotte auprès des candidats à l’immigration irrégulière, alors que, au travers de ce texte, notre souhait est d’endiguer les flux migratoires importants, en provenance notamment des Comores, mais pas seulement.

Enfin, comme le rappelle le Conseil d’État dans son avis, en l’absence de dispositions sur les régularisations exceptionnelles, le préfet peut toujours, si nécessaire, régulariser à titre discrétionnaire les étrangers en situation irrégulière.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Masset, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Pantel et M. Daubet, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 5 à 8

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 10

Supprimer les mots :

et de manière ininterrompue

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Je retente ma chance…

Cet amendement a pour objet d’établir une voie de régularisation humanitaire, en autorisant l’admission exceptionnelle au séjour qui s’applique sur le reste du territoire, mais en faisant un compromis : nous proposons de maintenir les restrictions prévues à l’article 2 dans sa version initiale.

D’une part, une telle mesure éviterait de bloquer toute situation familiale méritant une régularisation et de ne devoir compter que sur le pouvoir discrétionnaire du préfet pour éviter des atteintes disproportionnées à la vie privée et familiale.

D’autre part, l’exigence d’une présence ininterrompue sur une période donnée semble poser particulièrement problème, car elle ne tient pas compte des réalités de vie à Mayotte, des déplacements familiaux, de l’instabilité des parcours migratoires ou encore des obstacles administratifs fréquents.

Une telle disposition permettrait d’éviter une rigidité excessive dans les conditions de séjour exigées pour la régularisation d’un étranger.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Mon cher collègue, il y a un décalage entre l’objet de votre amendement et ses effets réels.

Votre amendement vise en effet à supprimer les deux mesures supplémentaires ajoutées par la commission à l’article 2 : d’une part, pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « parent d’enfant français », le renforcement du mécanisme de la double contribution lorsque le demandeur n’est pas l’auteur de la reconnaissance de paternité de l’enfant, pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses ; d’autre part, l’exigence d’une résidence ininterrompue pour la délivrance de la carte de résident.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2 bis (nouveau)

Dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte.

Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par Mme Narassiguin, M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Un rapport d’étape est remis avant le 31 décembre 2026.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Notre groupe est tout à fait favorable à l’article 2 bis, introduit par la commission des lois, qui prévoit la transmission au Parlement par le Gouvernement, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport évaluant les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte. Enfin !

La nécessité d’une évaluation de ces dispositions dérogatoires, qui se sont multipliées au cours des dernières années, nous n’avons de cesse de l’affirmer, texte après texte. Voilà deux mois, lors de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte, nous avions défendu une évaluation des dispositions dérogatoires applicables à Mayotte en matière de nationalité, évaluation à laquelle la commission des lois s’était opposée ; il faut croire qu’il y a les mauvais rapports, ceux qui sont demandés par l’opposition, et les bons, qui le sont par la majorité sénatoriale…

Que cette demande soit aujourd’hui reprise par la commission des lois est une bonne chose. Cependant, l’échéance de trois ans nous paraît trop lointaine. C’est pourquoi nous demandons qu’un rapport d’étape nous soit remis d’ici environ dix-huit mois, plus précisément avant le 31 décembre 2026.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Bitz, rapporteur. Ma chère collègue, je pense que vous avez mal interprété la position de la commission sur la proposition que vous aviez formulée il y a quelques semaines : la commission a estimé que votre demande n’était pas assez ambitieuse, car elle ne portait que sur le droit de la nationalité. (Mme Corinne Narassiguin rit.)

Pour notre part, nous demandons un rapport sur l’ensemble des dispositions dérogatoires dans le domaine migratoire et la nationalité.