En revanche, l’échéance de trois ans que nous avons fixée nous semble raisonnable. Nous craignons qu’un délai de dix-huit mois ne permette pas de disposer du recul nécessaire pour analyser l’effet des mesures que le Gouvernement nous propose au travers de ce projet de loi.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Après l’article 2 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 104, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 441-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre II…
Supprimer les dispositions spécifiques du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile propres à Mayotte
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement traite de la question déjà évoquée à maintes reprises de la fin de la territorialisation des titres de séjour à Mayotte.
Vous le savez, mes chers collègues, en l’état du droit, les titres de séjour délivrés par le préfet de Mayotte ne donnent droit au séjour qu’à Mayotte. Leurs titulaires doivent donc présenter un visa pour se rendre dans un autre département.
Cette dérogation entraîne un grand nombre de conséquences néfastes : elle limite la circulation vers l’Hexagone des enfants de parents étrangers en situation régulière ; elle complexifie le parcours de nombreux jeunes majeurs, qui doivent entamer des démarches supplémentaires pour continuer leurs études dans un autre département ou pour travailler ailleurs en France ; elle peut influencer les choix d’orientation des jeunes et les dissuader de s’inscrire dans un cursus scolaire ou dans une formation qui nécessiterait un déplacement dans un autre département ; elle condamne à l’errance un grand nombre de jeunes, qui se retrouvent piégés à Mayotte sans solution.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme a déjà dénoncé la situation des jeunes laissés dans une précarité administrative, et donc financière, totale après le baccalauréat : « Ils sont doublement sanctionnés, durant leur minorité et à leur majorité, subissant injustement les effets de la carence des pouvoirs publics. Des centaines de jeunes majeurs, au parcours scolaire brillant, sont ainsi dans l’impossibilité d’obtenir une carte de séjour dès l’obtention de leur baccalauréat pour poursuivre leurs études, les poussant à réaliser une ou deux années blanches. »
La fin de la territorialisation des titres de séjour est un angle mort du projet de loi et cette mesure fait face à un refus obstiné de la part du Gouvernement, mais nous, parlementaires, devons prendre nos responsabilités, conformément aux revendications des élus locaux : nous devons voter la fin de la territorialisation des titres de séjour.
J’ajoute qu’il est particulièrement méritant d’avoir un parcours scolaire exemplaire, brillant, et de réussir dans les conditions que nous avons décrites jusqu’à présent. Il nous faut donc être au rendez-vous.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 6 rectifié est présenté par M. Omar Oili, Mmes Narassiguin, Artigalas et Le Houerou, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 19 rectifié bis est présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 151 rectifié est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 441-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.
M. Saïd Omar Oili. Cet amendement a un objet proche du précédent, puisqu’il vise à abroger l’article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile instituant la délivrance à Mayotte de titres de séjour territorialisés, qui bloquent leurs détenteurs sur le territoire du cent unième département.
Nous en avons déjà parlé lors de l’examen de notre amendement sur le rapport annexé, ce régime dérogatoire, spécifique à Mayotte, engendre une pression migratoire sur notre territoire. Or les capacités d’absorption de celui-ci sont depuis longtemps atteintes. Cette situation crée un trouble manifeste à l’ordre public, participe à la prolifération des bidonvilles et à la saturation des services publics de la santé, de l’éducation nationale, des réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement. La fin de ce confinement migratoire à Mayotte aurait dû être un préalable à cette refondation, puisqu’il est l’une des principales causes du déclassement de notre territoire.
Pourtant, le Gouvernement refuse de supprimer les visas territorialisés, prenant prétexte de l’attractivité de Mayotte. Or, la géographie étant ce qu’elle est, Mayotte, si pauvre soit-elle, restera pour longtemps encore un territoire plus riche que ses voisins. Cela signifie-t-il que ces visas ne seront jamais supprimés ?
Le Gouvernement doit sortir de ses discours d’évitement. Il indique un jour que ces visas seront supprimés quand les causes de l’immigration irrégulière auront été réglées, un autre qu’ils le seront quand une révision constitutionnelle abolissant le droit du sol aura été adoptée. Bref, à chaque fois, de nouveaux prétextes sont convoqués pour ne pas les abroger !
Cette situation n’est plus tenable pour Mayotte. La République a un devoir de solidarité avec notre territoire. L’État ne peut pas nous laisser seuls en première ligne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié bis.
Mme Salama Ramia. Je commencerai mon propos par un mot : équité. En effet, c’est bien de cela qu’il s’agit lorsqu’on évoque la suppression du titre de séjour territorialisé à Mayotte.
Ce titre, tel qu’il existe aujourd’hui, crée une situation unique dans la République. Des personnes en situation régulière, disposant d’un titre de séjour valide, ne peuvent pas franchir les frontières intérieures de leur pays d’accueil. Elles sont confinées, bloquées, assignées à résidence sur un territoire qui traverse lui-même d’immenses difficultés.
Je suis convaincue que cette territorialisation n’est plus tenable, non pas par idéologie, mais parce qu’elle est devenue contre-productive. Elle entrave la mobilité, fragilise les parcours d’insertion et alimente une forme d’impasse sociale. Nous ne pouvons pas défendre une République une et indivisible si nous acceptons qu’une catégorie de résidents soit assignée à un territoire.
Je veux répondre à ceux qui s’inquiètent de l’effet d’appel d’air de cette suppression. Cette préoccupation est légitime, mais elle ne peut pas servir à justifier indéfiniment une restriction aussi lourde de conséquences. Le développement de Mayotte ne peut pas passer par l’enfermement de ses résidents. Il passera par la sécurisation réelle des frontières, une coopération régionale renforcée et des politiques migratoires maîtrisées. Le levier principal, c’est le contrôle aux frontières, non le blocage des mobilités internes.
Enfin, je veux rappeler que cette situation pèse lourdement sur les Mahorais eux-mêmes. Ce sont eux qui, les premiers, doivent quitter leur île pour soigner un proche ou suivre des études. Ce sont eux qui voient leur hôpital, leur école, leur service public saturés. La solidarité nationale ne peut pas s’arrêter à la porte de l’océan Indien !
Je plaide donc pour une évolution sereine, maîtrisée, mais déterminée. Supprimer ce titre, ce n’est pas céder, c’est rétablir une forme de normalité républicaine et permettre à Mayotte de respirer, de circuler, de se projeter.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Salama Ramia. Je sais que cette position peut réunir au-delà des clivages, car elle parle à la fois de justice, de responsabilité et d’efficacité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 151 rectifié.
Mme Mélanie Vogel. Je serai brève, mes collègues ont déjà très bien défendu cet amendement.
Les visas territorialisés constituent une exception drastique au droit commun, en vertu de laquelle des personnes en situation régulière – il faut y insister, les titulaires de ce visa résident régulièrement sur un territoire de la République – se retrouvent confinées dans un territoire, dans l’impossibilité de circuler librement en France, comme toute personne ayant un titre de séjour régulier.
Cela engendre un effet pervers, à rebours des objectifs que prétend défendre le Gouvernement, qui consiste à coincer des personnes en situation régulière à Mayotte, alors même que, comme nous le rappelons régulièrement, la tension démographique dans ce territoire pose un problème de précarité croissante, notamment parce que les services de l’État sont défaillants pour traiter les demandes de titre de séjour.
On se retrouve donc dans une situation absurde, dans laquelle des personnes – souvent des enfants de parents en situation régulière – sont dans l’incapacité de pouvoir circuler, alors même que l’on déplore la pression démographique que subit ce territoire.
Dès 2017, la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait souligné que le visa territorialisé portait atteinte aux droits des mineurs et des majeurs. Nous sommes en 2025, il est plus que temps de revenir sur ce dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. La commission souhaite que, pour l’instant, le titre territorialisé soit maintenu à Mayotte.
Ce titre existe depuis 1990 et n’autorise le séjour que sur le territoire de Mayotte. Néanmoins, il convient de souligner que le préfet de Mayotte peut délivrer des autorisations spéciales permettant de rejoindre une autre partie du territoire national et que de nombreuses exceptions sont prévues au profit des titulaires d’une carte de résident. Sont notamment dispensés de l’obligation d’obtenir une autorisation les conjoints, ascendants et descendants de Français. Ainsi, ce titre n’est pas territorialisé à 100 %, puisqu’un certain nombre d’exceptions existent déjà.
À plusieurs reprises, le Sénat a refusé de supprimer ces régimes dérogatoires, en 2018 et en 2023.
D’une part, nous craignons que cela ne règle pas la situation de Mayotte, car les candidats au départ, qu’ils viennent de l’Afrique des Grands Lacs ou des Comores, peuvent avoir la perspective d’utiliser Mayotte comme un point d’appui leur permettant de rejoindre une autre partie du territoire national ; l’effet d’appel d’air est craint par de nombreux acteurs et toutes les auditions que nous avons menées nous conduisent à le redouter.
D’autre part, les personnes concernées, notamment les Comoriens, iraient principalement à La Réunion et risqueraient de déstabiliser un autre territoire d’outre-mer.
Pour ces raisons, il nous semble préférable de ne pas ouvrir, dans l’esprit des candidats au départ, la perspective de pouvoir rejoindre la France métropolitaine ou un autre territoire d’outre-mer à partir de Mayotte.
En outre, je pense que ce dispositif est également dans l’intérêt de Mayotte, car, sans lui, nous n’arriverons jamais à tarir le flux. Gardons-nous d’envoyer des messages contradictoires aux candidats au départ.
Toutefois, la commission ne méconnaît pas le caractère dérogatoire et sensible du titre territorialisé. J’entends la demande à la fois de la population mahoraise et des collectifs, relayée avec force dans cet hémicycle par les deux sénateurs du territoire.
Pour cette raison, la commission a introduit la réalisation d’ici à trois ans d’un nécessaire bilan d’étape sur l’ensemble des dispositions dérogatoires, y compris le titre territorialisé. J’espère qu’une amélioration de la situation, grâce au tarissement des flux, sera constatée. Peut-être ce bilan ouvrira-t-il la voie à une réforme du titre ? Celui-ci pourra connaître des adaptations si nous parvenons à maîtriser la situation migratoire.
La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je prends la suite des propos pleins de sagesse de M. le rapporteur sur ces amendements visant à supprimer le titre de séjour territorialisé. J’ai déjà eu l’occasion, d’abord en commission des lois, puis au cours de la discussion générale et, enfin, il y a un instant encore sur l’article 1er, d’indiquer la position du Gouvernement.
Le Gouvernement a discuté avec les élus mahorais, qui sont incontestablement unanimes et soutenus par un certain nombre de citoyens et de collectifs mobilisés sur le sujet. Toutefois, je confirme mon opposition, celle du chef de l’État, du Premier ministre et, notamment, du ministre de l’intérieur, à cette suppression.
Ce dispositif – il se situe hors du droit commun national afin d’être mieux adapté à la situation de Mayotte, notamment dans le domaine migratoire – n’est pas une première. D’autres dérogations continuent à être demandées, parfois sur l’initiative des élus : je pense à la restriction du droit du sol. L’adoption de mesures spécifiques, dont la validité territoriale des titres de séjour, a été nécessaire pour réduire l’attractivité de l’île.
Donner la possibilité de quitter rapidement le territoire pour rejoindre le continent européen ou La Réunion – M. le rapporteur vient d’évoquer ce cas de figure – ne ferait que renforcer l’attractivité de Mayotte. Celle-ci relève de la situation particulière de l’île : malgré ses difficultés, ce territoire est attractif en comparaison des pays qui l’entourent.
Par ailleurs, le risque de détournement des procédures s’est accru : sans titre territorialisé, la pression migratoire locale serait encore plus élevée. Du fait de notre rapport avec les Comores, qui n’échappe à personne, et dans la situation actuelle de reconstruction et de refondation du territoire de Mayotte, supprimer ce titre serait donc dangereux. En tout cas, cette mesure reviendrait à méconnaître la réalité.
Dans un souci d’écoute, vos rapporteurs ont ouvert la voie à une réforme de ce titre, au travers de l’article 2 bis qui vient d’être adopté : les mesures dérogatoires en matière d’immigration seront évaluées d’ici à trois ans. J’espère que la refondation de Mayotte aura avancé, que la situation migratoire aura évolué et que nous pourrons reconsidérer ce dispositif, parmi d’autres. Pour l’instant, nous sommes au milieu du gué : ce n’est pas le moment de supprimer ce titre.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. Des personnes en situation régulière disposant d’une carte de séjour d’un an jouent dans les équipes de football et de basket de Mayotte. À chaque fois qu’une dérogation est sollicitée pour qu’elles accompagnent l’équipe à l’occasion d’un match à l’extérieur du territoire, elle est refusée. Parfois, la demande faite en préfecture conduit même à une accusation d’incitation à l’immigration clandestine ! Du fait de ces refus, des équipes en mesure de gagner ne le peuvent pas parce que leurs meilleurs joueurs ne sont pas autorisés à les accompagner.
Monsieur le ministre, vous engagez-vous à donner des instructions claires aux préfectures pour que ces joueurs puissent suivre leur équipe en métropole ? Ceux qui ont réussi à venir dans l’Hexagone sont tous retournés à Mayotte : ils ne se sont pas évaporés dans la nature !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 104.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié, 19 rectifié bis et 151 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ainsi que du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 290 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 118 |
Contre | 210 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 103, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
I. - Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° de l’article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre II …
Supprimer les dispositions spécifiques du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile propres à Mayotte
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement, mon groupe souhaite supprimer une autre dérogation en vigueur à Mayotte, celle prévue pour l’obtention du document de circulation pour étranger mineur (DCEM). Sur l’ensemble du territoire, ce document est fourni de plein droit à un mineur si l’un des parents dispose d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de résident. Mayotte est une exception : l’enfant doit, en plus, être né en France.
Cette dérogation a des conséquences concrètes, car elle touche au droit de vivre avec ses parents qui est constitutif de l’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant. En effet, les foyers à Mayotte sont parfois composés de ménages se caractérisant par une pluralité de nationalités et de statuts administratifs. Il est donc fréquent que les parents soient en situation régulière, mais que l’enfant soit né dans un pays étranger.
Ainsi, de nombreux enfants se trouvent bloqués sur le territoire. Cette situation est problématique dans les cas variés où il est nécessaire de quitter l’île : raisons de santé, scolarisation ou études, rapprochement familial avec des personnes qui vivent dans l’Hexagone ou dans la région de l’océan Indien. Cette spécificité apparaît d’autant plus néfaste si l’on considère la proportion d’enfants étrangers présents sur le territoire mahorais.
Il contrevient à l’intérêt supérieur de l’enfant de ne pas pouvoir se déplacer librement. Toutes les dispositions qui éloignent Mayotte du droit commun nous font, en réalité, sortir du cadre de l’humanité. Je vous demande donc de voter en faveur de cet amendement pour supprimer cette disposition dérogatoire et prioritairement discriminatoire à l’égard des enfants.
Mme la présidente. L’amendement n° 154 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° de l’article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. Ces amendements portent sur la traduction du visa territorialisé pour les mineurs, si l’on veut résumer les choses.
La dérogation à l’obtention du DCEM vise à empêcher que le séjour de mineurs sur le territoire métropolitain ou un autre territoire d’outre-mer soit utilisé pour faciliter l’entrée de majeurs cherchant à les rejoindre. Il ne faut pas oublier cet aspect : si la possibilité de disposer d’un visa était ouverte aux mineurs, alors elle serait évidemment ouverte aux ascendants. L’esprit du titre territorialisé serait complètement détourné.
Le Sénat vient de rejeter, à la suite d’un scrutin public, la remise en cause de ce titre. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 103.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 154 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 53, présenté par Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 12° de l’article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Pour l’application du 2° de l’article L. 434-7, ne peut être considéré comme normal un logement édifié ou occupé sans droit ni titre ou relevant de l’habitat informel ; ».
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à adapter la mise en œuvre du regroupement familial à la situation spécifique de Mayotte, compte tenu des caractéristiques de l’habitat sur l’archipel. Ce dernier connaît une intense pression migratoire et une crise sanitaire, économique et sociale aggravée.
Le 2° de l’article L. 434-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile subordonne le regroupement familial sur le territoire français à la condition que l’étranger dispose d’un « logement […] normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ».
Or l’application littérale de ce texte sur le territoire mahorais est problématique. En effet, Mayotte se caractérise par un habitat informel aux proportions particulièrement élevées : il représente près de 40 % du parc total de logements.
Cette spécificité est directement corrélée à la situation migratoire, puisque, selon l’Insee, cet habitat informel, constitué principalement de cases en tôle dépourvues d’alimentation en eau potable, de raccordement au réseau d’eau potable et d’eaux usées, et présentant des risques caractérisés en matière d’hygiène, de salubrité, de santé publique et d’ordre public, est occupé aux deux tiers par des étrangers.
En outre, il s’avère que plus de 80 % des titres de séjour délivrés à Mayotte le sont au titre de l’immigration familiale.
Afin de contenir cette forme d’immigration et de s’adapter à ses caractéristiques, mais aussi de favoriser la lutte contre l’expansion de l’habitat informel à Mayotte, il est prévu par cet amendement que, sur ce territoire, le regroupement familial ne puisse avoir lieu lorsque l’étranger dispose d’« un logement édifié ou occupé sans droit ni titre ou relevant de l’habitat informel ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. Je remercie notre collègue d’avoir déposé cet amendement. Celui-ci permet d’adapter les mesures de regroupement familial aux spécificités mahoraises : l’immigration familiale y est forte – il faut à tout prix la contenir – et l’habitat, dans sa typologie, relève de l’informel. De fait, les bidonvilles sont extrêmement importants sur l’archipel.
Je réitère mes remerciements pour cette adaptation de la règle de droit commun au territoire mahorais. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il s’agit d’un amendement utile et de bon sens.
Madame la sénatrice, comme l’a précisé le Conseil d’État, le demandeur peut être soit propriétaire d’un logement libre, soit locataire, soit titulaire d’une promesse ferme de location. Les personnes occupant un logement sans droit ni titre sont ainsi exclues du dispositif de regroupement par le juge administratif.
Par ailleurs, aux termes de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003, « lors du dépôt de la demande de regroupement familial, l’État membre concerné peut exiger de la personne qui a introduit la demande de fournir la preuve que le regroupant dispose : a) d’un logement […] qui répond aux normes générales de salubrité et de sécurité en vigueur dans l’État membre concerné. » Il en ressort que l’amendement que vous proposez inscrit dans la loi un critère déjà prévu par la jurisprudence et conforme au droit européen.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis favorable sur votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. C’est assez extraordinaire : dès qu’il s’agit de réduire les droits des étrangers, on se félicite tantôt d’un droit dérogatoire tout à fait justifié, tantôt de coller au droit commun !
La situation est complètement ubuesque et cette mesure assez indigne. Nous voterons évidemment contre.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
L’amendement n° 152, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’impact du contrat d’intégration républicaine (CIR) sur l’intégration des étrangers à Mayotte.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement tend à la remise d’un rapport sur le contrat d’intégration républicaine (CIR). Celui-ci est entré en vigueur de manière tardive à Mayotte, le 1er janvier 2022, et sous une forme très allégée : le volet linguistique est limité par rapport à ce qui se fait dans l’Hexagone et le volet civique est lui-même dégradé.
Contrairement au droit commun, le contrat d’intégration républicaine appliqué sur l’île ne prévoit pas de positionnement linguistique externalisé, de formations complémentaires, d’orientation vers le service public de l’emploi, etc.
Compte tenu de la mise en œuvre dégradée et du déploiement tardif du CIR, je demande au Gouvernement de faire un bilan de son application et de ses conséquences sur l’intégration des étrangers à Mayotte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. Il s’agit d’une nouvelle demande de rapport. La commission est réservée sur le fond, d’autant que la demande est en partie satisfaite. En effet, un autre rapport sera rendu d’ici à trois ans : il traitera de l’ensemble des mesures dérogatoires, notamment de l’application des mesures relatives à l’immigration et à la nationalité.
Puisque le sujet de l’intégration devra figurer dans le rapport prévu à l’article 2 bis, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 152.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre II
Améliorer les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité
Article 3