Mme Mélanie Vogel. Je serai brève, mes collègues ont déjà très bien défendu cet amendement.
Les visas territorialisés constituent une exception drastique au droit commun, en vertu de laquelle des personnes en situation régulière – il faut y insister, les titulaires de ce visa résident régulièrement sur un territoire de la République – se retrouvent confinées dans un territoire, dans l’impossibilité de circuler librement en France, comme toute personne ayant un titre de séjour régulier.
Cela engendre un effet pervers, à rebours des objectifs que prétend défendre le Gouvernement, qui consiste à coincer des personnes en situation régulière à Mayotte, alors même que, comme nous le rappelons régulièrement, la tension démographique dans ce territoire pose un problème de précarité croissante, notamment parce que les services de l’État sont défaillants pour traiter les demandes de titre de séjour.
On se retrouve donc dans une situation absurde, dans laquelle des personnes – souvent des enfants de parents en situation régulière – sont dans l’incapacité de pouvoir circuler, alors même que l’on déplore la pression démographique que subit ce territoire.
Dès 2017, la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait souligné que le visa territorialisé portait atteinte aux droits des mineurs et des majeurs. Nous sommes en 2025, il est plus que temps de revenir sur ce dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. La commission souhaite que, pour l’instant, le titre territorialisé soit maintenu à Mayotte.
Ce titre existe depuis 1990 et n’autorise le séjour que sur le territoire de Mayotte. Néanmoins, il convient de souligner que le préfet de Mayotte peut délivrer des autorisations spéciales permettant de rejoindre une autre partie du territoire national et que de nombreuses exceptions sont prévues au profit des titulaires d’une carte de résident. Sont notamment dispensés de l’obligation d’obtenir une autorisation les conjoints, ascendants et descendants de Français. Ainsi, ce titre n’est pas territorialisé à 100 %, puisqu’un certain nombre d’exceptions existent déjà.
À plusieurs reprises, le Sénat a refusé de supprimer ces régimes dérogatoires, en 2018 et en 2023.
D’une part, nous craignons que cela ne règle pas la situation de Mayotte, car les candidats au départ, qu’ils viennent de l’Afrique des Grands Lacs ou des Comores, peuvent avoir la perspective d’utiliser Mayotte comme un point d’appui leur permettant de rejoindre une autre partie du territoire national ; l’effet d’appel d’air est craint par de nombreux acteurs et toutes les auditions que nous avons menées nous conduisent à le redouter.
D’autre part, les personnes concernées, notamment les Comoriens, iraient principalement à La Réunion et risqueraient de déstabiliser un autre territoire d’outre-mer.
Pour ces raisons, il nous semble préférable de ne pas ouvrir, dans l’esprit des candidats au départ, la perspective de pouvoir rejoindre la France métropolitaine ou un autre territoire d’outre-mer à partir de Mayotte.
En outre, je pense que ce dispositif est également dans l’intérêt de Mayotte, car, sans lui, nous n’arriverons jamais à tarir le flux. Gardons-nous d’envoyer des messages contradictoires aux candidats au départ.
Toutefois, la commission ne méconnaît pas le caractère dérogatoire et sensible du titre territorialisé. J’entends la demande à la fois de la population mahoraise et des collectifs, relayée avec force dans cet hémicycle par les deux sénateurs du territoire.
Pour cette raison, la commission a introduit la réalisation d’ici à trois ans d’un nécessaire bilan d’étape sur l’ensemble des dispositions dérogatoires, y compris le titre territorialisé. J’espère qu’une amélioration de la situation, grâce au tarissement des flux, sera constatée. Peut-être ce bilan ouvrira-t-il la voie à une réforme du titre ? Celui-ci pourra connaître des adaptations si nous parvenons à maîtriser la situation migratoire.
La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je prends la suite des propos pleins de sagesse de M. le rapporteur sur ces amendements visant à supprimer le titre de séjour territorialisé. J’ai déjà eu l’occasion, d’abord en commission des lois, puis au cours de la discussion générale et, enfin, il y a un instant encore sur l’article 1er, d’indiquer la position du Gouvernement.
Le Gouvernement a discuté avec les élus mahorais, qui sont incontestablement unanimes et soutenus par un certain nombre de citoyens et de collectifs mobilisés sur le sujet. Toutefois, je confirme mon opposition, celle du chef de l’État, du Premier ministre et, notamment, du ministre de l’intérieur, à cette suppression.
Ce dispositif – il se situe hors du droit commun national afin d’être mieux adapté à la situation de Mayotte, notamment dans le domaine migratoire – n’est pas une première. D’autres dérogations continuent à être demandées, parfois sur l’initiative des élus : je pense à la restriction du droit du sol. L’adoption de mesures spécifiques, dont la validité territoriale des titres de séjour, a été nécessaire pour réduire l’attractivité de l’île.
Donner la possibilité de quitter rapidement le territoire pour rejoindre le continent européen ou La Réunion – M. le rapporteur vient d’évoquer ce cas de figure – ne ferait que renforcer l’attractivité de Mayotte. Celle-ci relève de la situation particulière de l’île : malgré ses difficultés, ce territoire est attractif en comparaison des pays qui l’entourent.
Par ailleurs, le risque de détournement des procédures s’est accru : sans titre territorialisé, la pression migratoire locale serait encore plus élevée. Du fait de notre rapport avec les Comores, qui n’échappe à personne, et dans la situation actuelle de reconstruction et de refondation du territoire de Mayotte, supprimer ce titre serait donc dangereux. En tout cas, cette mesure reviendrait à méconnaître la réalité.
Dans un souci d’écoute, vos rapporteurs ont ouvert la voie à une réforme de ce titre, au travers de l’article 2 bis qui vient d’être adopté : les mesures dérogatoires en matière d’immigration seront évaluées d’ici à trois ans. J’espère que la refondation de Mayotte aura avancé, que la situation migratoire aura évolué et que nous pourrons reconsidérer ce dispositif, parmi d’autres. Pour l’instant, nous sommes au milieu du gué : ce n’est pas le moment de supprimer ce titre.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. Des personnes en situation régulière disposant d’une carte de séjour d’un an jouent dans les équipes de football et de basket de Mayotte. À chaque fois qu’une dérogation est sollicitée pour qu’elles accompagnent l’équipe à l’occasion d’un match à l’extérieur du territoire, elle est refusée. Parfois, la demande faite en préfecture conduit même à une accusation d’incitation à l’immigration clandestine ! Du fait de ces refus, des équipes en mesure de gagner ne le peuvent pas parce que leurs meilleurs joueurs ne sont pas autorisés à les accompagner.
Monsieur le ministre, vous engagez-vous à donner des instructions claires aux préfectures pour que ces joueurs puissent suivre leur équipe en métropole ? Ceux qui ont réussi à venir dans l’Hexagone sont tous retournés à Mayotte : ils ne se sont pas évaporés dans la nature !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié, 19 rectifié bis et 151 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ainsi que du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 290 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 118 |
Contre | 210 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 103, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
I. - Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° de l’article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre II …
Supprimer les dispositions spécifiques du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile propres à Mayotte
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement, mon groupe souhaite supprimer une autre dérogation en vigueur à Mayotte, celle prévue pour l’obtention du document de circulation pour étranger mineur (DCEM). Sur l’ensemble du territoire, ce document est fourni de plein droit à un mineur si l’un des parents dispose d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de résident. Mayotte est une exception : l’enfant doit, en plus, être né en France.
Cette dérogation a des conséquences concrètes, car elle touche au droit de vivre avec ses parents qui est constitutif de l’article 9 de la convention internationale des droits de l’enfant. En effet, les foyers à Mayotte sont parfois composés de ménages se caractérisant par une pluralité de nationalités et de statuts administratifs. Il est donc fréquent que les parents soient en situation régulière, mais que l’enfant soit né dans un pays étranger.
Ainsi, de nombreux enfants se trouvent bloqués sur le territoire. Cette situation est problématique dans les cas variés où il est nécessaire de quitter l’île : raisons de santé, scolarisation ou études, rapprochement familial avec des personnes qui vivent dans l’Hexagone ou dans la région de l’océan Indien. Cette spécificité apparaît d’autant plus néfaste si l’on considère la proportion d’enfants étrangers présents sur le territoire mahorais.
Il contrevient à l’intérêt supérieur de l’enfant de ne pas pouvoir se déplacer librement. Toutes les dispositions qui éloignent Mayotte du droit commun nous font, en réalité, sortir du cadre de l’humanité. Je vous demande donc de voter en faveur de cet amendement pour supprimer cette disposition dérogatoire et prioritairement discriminatoire à l’égard des enfants.
Mme la présidente. L’amendement n° 154 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° de l’article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. Ces amendements portent sur la traduction du visa territorialisé pour les mineurs, si l’on veut résumer les choses.
La dérogation à l’obtention du DCEM vise à empêcher que le séjour de mineurs sur le territoire métropolitain ou un autre territoire d’outre-mer soit utilisé pour faciliter l’entrée de majeurs cherchant à les rejoindre. Il ne faut pas oublier cet aspect : si la possibilité de disposer d’un visa était ouverte aux mineurs, alors elle serait évidemment ouverte aux ascendants. L’esprit du titre territorialisé serait complètement détourné.
Le Sénat vient de rejeter, à la suite d’un scrutin public, la remise en cause de ce titre. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 53, présenté par Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 12° de l’article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Pour l’application du 2° de l’article L. 434-7, ne peut être considéré comme normal un logement édifié ou occupé sans droit ni titre ou relevant de l’habitat informel ; ».
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à adapter la mise en œuvre du regroupement familial à la situation spécifique de Mayotte, compte tenu des caractéristiques de l’habitat sur l’archipel. Ce dernier connaît une intense pression migratoire et une crise sanitaire, économique et sociale aggravée.
Le 2° de l’article L. 434-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile subordonne le regroupement familial sur le territoire français à la condition que l’étranger dispose d’un « logement […] normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ».
Or l’application littérale de ce texte sur le territoire mahorais est problématique. En effet, Mayotte se caractérise par un habitat informel aux proportions particulièrement élevées : il représente près de 40 % du parc total de logements.
Cette spécificité est directement corrélée à la situation migratoire, puisque, selon l’Insee, cet habitat informel, constitué principalement de cases en tôle dépourvues d’alimentation en eau potable, de raccordement au réseau d’eau potable et d’eaux usées, et présentant des risques caractérisés en matière d’hygiène, de salubrité, de santé publique et d’ordre public, est occupé aux deux tiers par des étrangers.
En outre, il s’avère que plus de 80 % des titres de séjour délivrés à Mayotte le sont au titre de l’immigration familiale.
Afin de contenir cette forme d’immigration et de s’adapter à ses caractéristiques, mais aussi de favoriser la lutte contre l’expansion de l’habitat informel à Mayotte, il est prévu par cet amendement que, sur ce territoire, le regroupement familial ne puisse avoir lieu lorsque l’étranger dispose d’« un logement édifié ou occupé sans droit ni titre ou relevant de l’habitat informel ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. Je remercie notre collègue d’avoir déposé cet amendement. Celui-ci permet d’adapter les mesures de regroupement familial aux spécificités mahoraises : l’immigration familiale y est forte – il faut à tout prix la contenir – et l’habitat, dans sa typologie, relève de l’informel. De fait, les bidonvilles sont extrêmement importants sur l’archipel.
Je réitère mes remerciements pour cette adaptation de la règle de droit commun au territoire mahorais. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il s’agit d’un amendement utile et de bon sens.
Madame la sénatrice, comme l’a précisé le Conseil d’État, le demandeur peut être soit propriétaire d’un logement libre, soit locataire, soit titulaire d’une promesse ferme de location. Les personnes occupant un logement sans droit ni titre sont ainsi exclues du dispositif de regroupement par le juge administratif.
Par ailleurs, aux termes de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003, « lors du dépôt de la demande de regroupement familial, l’État membre concerné peut exiger de la personne qui a introduit la demande de fournir la preuve que le regroupant dispose : a) d’un logement […] qui répond aux normes générales de salubrité et de sécurité en vigueur dans l’État membre concerné ». Il en ressort que l’amendement que vous proposez inscrit dans la loi un critère déjà prévu par la jurisprudence et conforme au droit européen.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis favorable sur votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. C’est assez extraordinaire : dès qu’il s’agit de réduire les droits des étrangers, on se félicite tantôt d’un droit dérogatoire tout à fait justifié, tantôt de coller au droit commun !
La situation est complètement ubuesque et cette mesure assez indigne. Nous voterons évidemment contre.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
L’amendement n° 152, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’impact du contrat d’intégration républicaine (CIR) sur l’intégration des étrangers à Mayotte.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement tend à la remise d’un rapport sur le contrat d’intégration républicaine (CIR). Celui-ci est entré en vigueur de manière tardive à Mayotte, le 1er janvier 2022, et sous une forme très allégée : le volet linguistique est limité par rapport à ce qui se fait dans l’Hexagone et le volet civique est lui-même dégradé.
Contrairement au droit commun, le contrat d’intégration républicaine appliqué sur l’île ne prévoit pas de positionnement linguistique externalisé, de formations complémentaires, d’orientation vers le service public de l’emploi, etc.
Compte tenu de la mise en œuvre dégradée et du déploiement tardif du CIR, je demande au Gouvernement de faire un bilan de son application et de ses conséquences sur l’intégration des étrangers à Mayotte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. Il s’agit d’une nouvelle demande de rapport. La commission est réservée sur le fond, d’autant que la demande est en partie satisfaite. En effet, un autre rapport sera rendu d’ici à trois ans : il traitera de l’ensemble des mesures dérogatoires, notamment de l’application des mesures relatives à l’immigration et à la nationalité.
Puisque le sujet de l’intégration devra figurer dans le rapport prévu à l’article 2 bis, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 152.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre II
Améliorer les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité
Article 3
Le titre Ier du livre V du code civil est complété par un article 2496 ainsi rétabli :
« Art. 2496. – Lorsqu’elle est faite à Mayotte par acte reçu par l’officier de l’état civil, la reconnaissance de paternité ou de maternité régie par les articles 316 à 316-5 est reçue par l’officier de l’état civil de la commune de Mamoudzou, sauf si elle est simultanée à la déclaration de naissance prévue à l’article 55.
« Lors de l’établissement de l’acte de reconnaissance d’un enfant né à Mayotte, l’auteur de la reconnaissance est informé des obligations découlant des articles 371-1 et 371-2 du code civil, de l’article 227-17 du code pénal et de l’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
Mme la présidente. L’amendement n° 81, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement vise à supprimer l’article 3. La centralisation à Mamoudzou des actes de reconnaissance de maternité et de paternité aura pour conséquence une inégalité d’accès au service public : un traitement véritablement discriminatoire sera organisé en fonction de la zone d’habitation.
En effet, les difficultés de circulation sur le territoire sont réelles. Les personnes habitant de l’autre côté de l’île seront dissuadées de se rendre au chef-lieu pour y accomplir les actes de reconnaissance de paternité ou de maternité. Cette centralisation compromettra un grand principe des droits de l’enfant, à savoir le droit à une identité.
Cet article est d’autant plus préoccupant que l’accès au droit est plus difficile pour les plus vulnérables : la mesure permettra de se débarrasser très facilement des plus fragiles. Aussi, nous vous proposons de voter en faveur de notre amendement afin de supprimer une telle discrimination.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ma chère collègue, la commission ne pense pas du tout que les dispositions de l’article auront l’effet que vous décrivez. Au contraire, nous estimons que la centralisation à Mamoudzou des reconnaissances de paternité et de maternité répond à un objectif d’intérêt général : elle permettra de mieux détecter les fraudes, qui visent à contourner les règles de séjour sur le territoire français.
Quelque 78 % des naissances ayant lieu à Mamoudzou, les reconnaissances sont d’ores et déjà effectuées dans cette commune. Environ 25 % de celles-ci ont lieu concomitamment à la déclaration de naissance : elles ne sont donc pas concernées.
Ce dispositif ne prive pas les parents de la possibilité d’établir la filiation à l’égard de leur enfant. Ils peuvent le faire à tout moment en se rendant à Mamoudzou sans délai.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, la commune de Mamoudzou recevra-t-elle une compensation financière du fait de la surcharge de travail ? Puisque l’enregistrement de l’enfant doit se faire dans un certain délai, n’existe-t-il pas un risque d’avoir à l’avenir des enfants dépourvus d’extrait de naissance ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Comme vient de l’indiquer Mme la rapporteure, 75 % des naissances ont lieu à Mamoudzou. Les actes de reconnaissance relèvent d’une compétence régalienne exercée dans un cadre défini, aussi les compensations n’ont-elles pas lieu d’être.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le ministre, quelle est la réalité statistique des reconnaissances frauduleuses de maternité à Mayotte ? Je ne parviens pas à me faire une idée du phénomène. Je vous remercie de répondre à ma question.
Mme la présidente. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Masset, Gold et Grosvalet, Mme Pantel et M. Daubet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les circonstances le justifient, l’officier de l’état civil peut déléguer, par une décision motivée, à un officier de l’état civil d’une autre commune de Mayotte, les reconnaissances prévues aux alinéas précédents. »
La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Cet amendement vise à permettre des délégations ponctuelles dans les communes éloignées de la part de l’officier d’état civil de Mamoudzou, afin que les parents souhaitant faire une reconnaissance ne soient pas obligés de se déplacer au chef-lieu en étant contraints par les délais. Il convient de tenir compte des difficultés de transport ou de mobilité de certaines populations, en particulier des plus fragiles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Votre amendement vide le dispositif de sa substance en permettant que l’officier d’état civil de Mamoudzou délègue à d’autres communes les reconnaissances de paternité et de maternité.
Par ailleurs, difficultés de transport ou non, les reconnaissances peuvent être établies à tout moment à Mamoudzou.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
Le titre Ier du livre V du code civil est complété par un article 2497 ainsi rétabli :
« Art. 2497. – Lorsque l’enfant est né à Mayotte, la durée du sursis à l’enregistrement de la reconnaissance prévue à la première phrase du troisième alinéa de l’article 316-1 ne peut excéder deux mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. La durée du sursis prévue à la deuxième phrase du troisième alinéa du même article 316-1 est portée à trois mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée, lorsque l’enquête est menée, en totalité ou en partie, à l’étranger par l’autorité diplomatique ou consulaire. »
Mme la présidente. L’amendement n° 98, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 4, qui allonge la durée du sursis à l’enregistrement des reconnaissances d’enfant. De fait, le procureur de la République peut soit prononcer l’enregistrement d’une reconnaissance, soit décider d’un sursis.
L’allongement du délai ferait peser de lourdes conséquences sur les enfants concernés. En effet, l’ouverture de droits sociaux ou l’accès aux services de santé seraient alors également bloqués, compromettant la sécurité psychique et physique des enfants et renforçant la précarité et l’errance administrative des parents assujettis à des procédures longues et imprévues.
Par ailleurs, pouvez-vous, monsieur le ministre, me préciser – je vous le demande une fois encore – le nombre d’actes frauduleux de reconnaissance de maternité ?