Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« “Sur demande motivée de l’autorité administrative, le juge des libertés et de la détention peut autoriser, lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision, l’étranger accompagné d’un mineur, qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1, pour le temps strictement nécessaire à l’organisation de l’éloignement et qui ne peut excéder quarante-huit heures, à être placé dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des besoins de l’unité familiale et tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ces lieux, indépendants des centres et lieux de rétention, garantissent aux membres de la famille une intimité adéquate. Les caractéristiques de ces lieux sont définies par décret en Conseil d’État.” »
La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Cet amendement de repli vise à prévoir que le juge des libertés et de la détention doit autoriser préalablement le placement en rétention familiale, au lieu d’une simple contestation a posteriori.
Impliquer un juge en amont offrirait une garantie supplémentaire de nécessité et de proportionnalité.
Mme la présidente. L’amendement n° 67, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
quatre-vingt-seize heures
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. L’amendement vise à porter de quarante-huit à quatre-vingt-seize heures la durée maximale de placement dans les structures spécialement adaptées aux familles étrangères accompagnées d’enfants.
Il s’agit d’un ajustement essentiel pour donner aux services de l’État les moyens d’appliquer les décisions d’éloignement, dans le respect des droits et dans un cadre adapté à la présence de mineurs.
Aujourd’hui, le délai de quarante-huit heures s’avère trop court dans de nombreux cas, notamment lorsqu’il faut organiser un éloignement avec toutes les précautions que cela implique pour une famille – vérifications administratives, coordination des services préfectoraux, logistique du transport ou vérification des documents d’identité. Ce délai trop restreint paralyse l’action de l’administration.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement n° 36 rectifié vise à prévoit l’autorisation préalable par le juge des libertés et de la détention (JLD) du placement en rétention des familles à Mayotte. Cette exigence n’a pas d’équivalent en matière de police des étrangers et de rétention administrative. Elle paraît en outre disproportionnée eu égard à l’objectif recherché. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 67 vise à porter à quatre-vingt-seize heures, contre quarante-huit heures actuellement, la durée de la mesure initiale de placement dans des unités familiales en vue de l’éloignement. Cet allongement ne paraît pas nécessaire : en pratique, la durée moyenne n’excède pas vingt-quatre heures.
Ce n’est que dans des circonstances très particulières, en cas d’impossibilité d’exécution de la mesure, notamment en raison des conditions météorologiques – mer houleuse, etc. –, qu’un délai supérieur peut s’avérer nécessaire : c’est à ce besoin que répond la possibilité d’une prolongation de vingt-quatre heures supplémentaires.
L’avis est donc également défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis que Mme la rapporteure sur les amendements nos 36 rectifié et 67.
Monsieur Hochart, l’intérêt supérieur de l’enfant exige, conformément aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, que la rétention en milieu contraint soit la plus réduite possible pendant le temps strictement nécessaire à l’éloignement de la famille entière.
Dans l’état du droit actuellement en vigueur à Mayotte, l’étranger mineur accompagnant sa famille peut être placé dans trois circonstances : si le majeur qui l’accompagne s’est soustrait à son assignation de résidence ; si ce majeur, lors de la mise en œuvre de l’éloignement, a pris la fuite ou s’est ouvertement opposé à cette mise en œuvre ; si la rétention est motivée par des contraintes liées au transfert. Dans ce dernier cas, la durée de cette rétention est limitée à quarante-huit heures.
Pour prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, l’article 7 limite la durée du placement à quarante-huit heures dans tous les cas de figure. Nous ne souhaitons pas aller au-delà de cette limite, qui a été rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 septembre 2018, dans les considérants 61 à 63.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État précise, quant à lui, qu’il a proposé cette limitation de la durée du placement initial, qui vaut aussi pour le délai de rendu de sa décision par le juge. C’est sous réserve de cet encadrement que le Conseil d’État a estimé que cette mesure opère une conciliation satisfaisante entre les exigences des normes constitutionnelles et conventionnelles et l’objectif d’intérêt général visé.
Au-delà des arguments exposés par Mme la rapporteure, accroître de quarante-huit à quatre-vingt-seize heures le placement en unité de vie familiale risquerait de mettre en péril cette conciliation et de provoquer une censure constitutionnelle.
Tels étaient les arguments supplémentaires que je souhaitais apporter pour justifier le rejet de l’amendement n° 67.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Masset, Gold et Guiol, Mme Pantel et M. Daubet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Cet amendement de repli vise à maintenir la durée maximale de retenue administrative à quarante-huit heures lorsqu’un étranger est accompagné d’un mineur, sans permettre de prolongation supplémentaire.
Le durcissement introduit par la commission des lois du Sénat soulève de sérieuses interrogations quant au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Une telle prolongation, si elle devient systématique, risque de transformer un régime d’exception en norme, en allongeant la durée de privation de liberté sans garantie supplémentaire.
Cet amendement vise à revenir à l’équilibre initial, auquel nous étions déjà défavorables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une disposition adoptée par la commission des lois. Il s’agit d’une prolongation pragmatique à titre très exceptionnel pour permettre l’exécution des mesures d’éloignement.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 146, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
Ces dispositions sont applicables jusqu’au 1er janvier 2027.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement de repli a pour objet de faire des unités familiales une solution transitoire avant l’interdiction définitive de l’enfermement administratif des enfants au 1er janvier 2027.
Mme la présidente. L’amendement n° 156, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Remplacer la date :
1er janvier 2027
par la date :
1er juillet 2028
II. – Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
III. – Le III de l’article 86 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration est ainsi rédigé :
« III. – Le 1° de l’article 40 s’applique à Mayotte à compter du 1er janvier 2027. Le 3° du même article 40 s’applique à Mayotte à compter du 1er juillet 2028. »
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement du Gouvernement a pour objet de reporter au 1er juillet 2028 l’entrée en vigueur des unités de vie familiale, au lieu du 1er janvier 2027.
Les unités de vie familiale doivent permettre d’accueillir des personnes dans des locaux d’hébergement de nature à préserver la vie familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant.
Leur mise en place nécessite d’identifier le foncier susceptible d’accueillir ce projet, d’en obtenir la maîtrise, d’évaluer le coût du projet, et de réaliser les études de conception et la construction dans le respect des règles relatives à la commande publique, tout en obtenant les diverses autorisations d’urbanisme et environnementales.
Les délais habituellement constatés pour une opération immobilière destinée à construire une structure d’hébergement collectif, sécurisée et intégrée à son environnement ne sont pas compatibles avec une mise en service au 1er janvier 2027. Des crédits devront être obtenus en loi de finances pour 2026 et des recrutements devront être réalisés en vue de mettre en service l’unité de vie familiale.
De plus, les tensions sur le BTP liées à la reconstruction de Mayotte constituent une contrainte supplémentaire qui doit être prise en compte. La reconstruction de l’archipel après le passage du cyclone Chido a mis sous pression l’ensemble du secteur du BTP – je ne vous apprends rien, mesdames, messieurs les sénateurs.
Pour ces raisons, les travaux conduits avec la préfecture de Mayotte nous conduisent à considérer que les unités familiales ne seront vraisemblablement pas encore prêtes à recevoir les familles le 1er janvier 2027, mais le seront plutôt à compter du 1er juillet 2028.
L’amendement vise donc à faire entrer en vigueur le régime des unités de vie familiale à compter du 1er juillet 2028. Par coordination, il tend également à repousser à cette même date le début de l’interdiction du placement des mineurs accompagnant les étrangers majeurs en détention à Mayotte.
Cette mise en cohérence avec la date d’interdiction du placement en rétention des mineurs est indispensable. Si, au 1er janvier 2027, on ne peut plus placer en CRA ce public, alors qu’aucune unité familiale ne sera encore opérationnelle, l’éloignement des étrangers accompagnés de mineurs serait sérieusement compliqué. Le CRA de Mayotte a accueilli en 2024 1 395 personnes étrangères accompagnées de mineurs, dont 1 234 personnes de nationalité comorienne.
Dans la mesure où l’information circulerait rapidement sur l’impossibilité de placer des personnes en rétention comme en unité familiale au 1er janvier 2027, les ressortissants comoriens et malgaches risqueraient d’effectuer les traversées accompagnés de mineurs à la seule fin d’éviter le placement en rétention à Mayotte. Nous risquons donc d’être confrontés à un trafic d’enfants et à un nombre encore accru de mineurs isolés sur le territoire de Mayotte.
Pour prévenir cette difficulté, le Gouvernement présente cet amendement qui permettra à l’État de placer les étrangers majeurs accompagnés de mineurs en CRA jusqu’au 30 janvier 2028, puis en unité de vie familiale à compter de cette date.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 146, nous pensons que les unités familles doivent être des structures non pas temporaires, mais pérennes, puisqu’elles constituent le meilleur moyen de concilier les deux principes du respect de l’ordre public et de l’intérêt supérieur de l’enfant, dans le cadre notamment du droit à mener une vie familiale normale. J’émets donc un avis défavorable.
En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 156 du Gouvernement. Nous avons bien compris que la mise en œuvre des unités familiales ne sera pas effective au 1er janvier 2027. Il convient donc de reporter l’entrée en vigueur des dispositions au 1er juillet 2028.
J’appelle tout de même le Gouvernement à accélérer au maximum le mouvement, ces unités familiales étant le meilleur cadre pour permettre la rétention des mineurs et de leur famille dans l’attente de la mise en œuvre des mesures d’éloignement du territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 146 ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 146.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
La section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 441-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-10. – À Mayotte, un document de séjour peut, par une décision motivée, être retiré à tout étranger majeur exerçant l’autorité parentale sur un étranger mineur capable de discernement dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public, lorsque la soustraction, par l’étranger majeur, à ses obligations légales, compromet la santé, la sécurité, la moralité et l’éducation de l’étranger mineur et contribue directement à ce que son comportement constitue une telle menace.
« La décision de retrait ne peut intervenir qu’au plus tôt un mois et au plus tard six mois après qu’un avertissement a été adressé à l’étranger majeur, par courrier ou au cours d’un entretien, si les conditions prévues au premier alinéa sont toujours réunies. L’intéressé est mis à même de présenter ses observations avant l’édiction de la décision de retrait dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration.
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, une carte de résident ou une carte de résident permanent ne peut être retirée, dans les conditions prévues au même premier alinéa et au deuxième alinéa, que lorsque le comportement de l’étranger mineur constitue une menace grave pour l’ordre public. En cas de retrait, l’article L. 611-1 du présent code n’est pas applicable. Lorsque l’étranger ne peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application des articles L. 631-2 ou L. 631-3, en cas de retrait d’une carte de résident, une autorisation provisoire de séjour lui est délivrée de droit, et en cas de retrait d’une carte de résident permanent, une carte de séjour temporaire lui est délivrée de droit.
« La décision de retrait ne peut être prise si l’étranger est titulaire d’un document de séjour délivré en application du 6° de l’article L. 411-1 ou des articles L. 424-1, L. 424-9 ou L. 424-13. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 9 rectifié est présenté par Mme Narassiguin, M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, MM. Lurel, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 37 rectifié est présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Masset, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Pantel et M. Daubet.
L’amendement n° 106 est présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 147 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
Mme Corinne Narassiguin. En matière migratoire, l’imagination du Gouvernement étant sans limites, il sera désormais possible de retirer le titre de séjour d’un étranger en raison du comportement de son enfant lorsque celui-ci constitue une menace pour l’ordre public.
Ce serait la première fois dans le droit des étrangers qu’un document de séjour pourrait être retiré à son détenteur en raison du comportement d’autrui. Une telle mesure nous paraît tout à fait inutile et contre-productive dans le cadre de la lutte contre l’insécurité.
On ne voit pas en quoi le fait de fragiliser une cellule familiale en retirant un titre de séjour ou en dégradant le titre de séjour d’un parent sera d’une quelconque utilité dans la lutte contre l’insécurité résultant du comportement d’un mineur.
Pire, cela risque de précariser plus encore des familles, sur le plan du droit au séjour, bien sûr, mais aussi sur le plan financier puisque le retrait du titre de séjour aura pour effet d’exclure les parents du bénéfice des allocations sociales et prestations familiales réservées aux étrangers en séjour régulier. Quels résultats espère-t-on obtenir d’une mesure de ce genre ?
Par ailleurs, sur un plan strictement juridique et constitutionnel, cette disposition nous semble excéder les adaptations législatives permises par l’article 73 de la Constitution.
Si Mayotte connaît une « situation particulière » du fait d’une forte proportion de mineurs étrangers constituant une menace pour l’ordre public, le retrait du titre de séjour des parents ne permettra en aucune façon de diminuer l’insécurité à Mayotte. Cette mesure n’a donc pas de lien direct avec les caractéristiques propres à ce territoire sur le plan migratoire et sécuritaire.
Enfin, nous savons combien les outre-mer constituent un dangereux laboratoire en matière de remise en cause des droits. Cette mesure constituerait un précédent risqué. Elle est prévue aujourd’hui pour Mayotte, mais sa généralisation à tous les outre-mer, puis à l’ensemble du territoire national, ne manquerait pas d’être rapidement défendue.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 8.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié.
Mme Sophie Briante Guillemont. Cet amendement vise à supprimer une disposition qui introduit, à notre sens, une confusion dangereuse entre la politique migratoire et les mécanismes de protection de l’enfance.
En l’état, l’article 8 vise à prévoir que le titre de séjour d’un parent peut être retiré lorsque l’un de ses enfants mineurs adopte un comportement menaçant l’ordre public, si ce parent a manqué à ses obligations éducatives.
Une telle mesure fait peser sur les épaules de certains parents une responsabilité pénale et sociale qui nous paraît disproportionnée, dans un contexte déjà marqué par une grande précarité. Elle revient à instrumentaliser le droit au séjour comme une sanction indirecte, en rupture avec les principes fondamentaux de notre droit.
L’encadrement des responsabilités parentales relève de l’action sociale et judiciaire, non de la compétence préfectorale. En outre, cette disposition risque de produire des effets contre-productifs : peur de solliciter les services sociaux, éloignement des structures d’accompagnement et, in fine, renforcement de l’isolement des familles.
Lutter contre la délinquance des mineurs à Mayotte est indispensable, mais cette lutte doit passer par des moyens éducatifs, préventifs, et non par la menace de l’expulsion familiale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l’amendement n° 106.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement vise à supprimer l’article 8.
Comme pour le texte sur la justice des mineurs voté hier, il s’agit encore une fois de punir les parents pour les actes commis par leurs enfants, alors même que l’introduction d’une sanction dépendante de la commission d’une infraction par une autre personne est contraire au principe à valeur constitutionnelle de responsabilité pénale personnelle selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait. Ce principe est garanti par les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Dans tous les cas, comment prouver que l’acte du mineur découle d’une défaillance éducative parentale et non d’autres facteurs, qu’il s’agisse d’un tiers, d’un contexte social, d’une influence extérieure, voire de la misère que l’on évoque depuis tout à l’heure ?
Cet article suppose une relation mécanique entre la faute éducative et la délinquance : c’est faux !
Les répercussions de cette mesure sur l’unité familiale et les relations au sein du foyer sont dramatiques. Elles entraînent des conséquences néfastes sur la santé mentale des enfants.
De plus, la notion de menace pour l’ordre public ne fait pas l’objet d’une définition juridique claire dans le droit positif, rendant la mesure parfaitement disproportionnée.
Comme des Cassandre qui ne cessent de vous alerter, je redis que la priorité du répressif sur l’éducatif ne fonctionne pas. Cette mesure contrevient aux obligations de l’État en matière de protection de l’enfance, notamment concernant la protection judiciaire de la jeunesse, et rend obsolètes les dispositifs mis en place par le département.
Mayotte souffre de carences systémiques dans le déploiement de dispositifs de protection de l’enfance. La priorité doit être donnée aux moyens accordés à la prise en charge des enfants en situation de vulnérabilité, notamment au travers d’une priorité accordée aux actions de prévention.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer cet article indigne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 147.
Mme Mélanie Vogel. J’ignore comment défendre cet amendement de suppression, tant les dispositions de l’article 8 me semblent dures à avaler ! Cet article vise à instaurer un dispositif sans précédent qui permettrait de retirer leur titre de séjour à des étrangers en raison du comportement d’un tiers, sans que les actes en question aient aucun lien avec le détenteur du titre de séjour.
Mes collègues l’ont souligné, ce dispositif remet en cause un principe fondamental du droit : la responsabilité pénale personnelle, en vertu de laquelle une personne ne peut être condamnée que pour des faits dont elle est l’auteure, et en aucun cas pour des actes commis par autrui.
Cela est d’autant plus vrai qu’il n’existe aucun lien entre des faits commis par un enfant constituant « une menace à l’ordre public » – ce qui est peu clair – et le droit des étrangers ou le titre de séjour. La confusion est totale, et j’aimerais comprendre quels sont les effets attendus d’une telle mesure.
Que se passera-t-il selon vous ? Je ne comprends pas votre raisonnement logique : parce que l’on retirerait leur titre de séjour à ses parents, la situation sociale de l’enfant s’améliorerait, et le problème que vous essayez de résoudre serait amoindri ? Mais ce titre de séjour, les parents l’ont légitimement et personnellement obtenu !
Enfin, je l’ai dit lors de la discussion générale, nous sommes en train de faire entrer dans notre droit, par la brèche du droit applicable à Mayotte, des dispositions en violation totale avec les principes fondamentaux républicains qui, progressivement, s’étendront à d’autres territoires. Cela est inacceptable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Madame Vogel, vous nous demandez quels effets nous attendons d’une telle mesure : nous cherchons simplement à responsabiliser les parents vis-à-vis des mineurs délinquants, eu égard à la situation exceptionnelle de Mayotte. Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 44 % des mineurs condamnés à Mayotte sont étrangers, contre 15 % en métropole. (Mme Mélanie Vogel proteste.) Il s’agit d’un enjeu fort.
Contrairement à ce que j’ai entendu, la disposition proposée n’a rien d’un système de faute automatique. Pour que le titre de séjour soit retiré, il faudra prouver le lien de causalité entre la soustraction des parents à leurs obligations éducatives vis-à-vis du mineur et les actes de délinquance commis par celui-ci. En outre, ceux-ci devront représenter une menace à l’ordre public et avoir été réitérés dans un délai de six mois.
Par ailleurs, le préfet de Mayotte a fait valoir auprès de nous que ce dispositif était un élément essentiel pour garantir le respect de l’ordre public dans le département.
Les élus locaux mahorais nous ont également fait part de leur soutien à cette mesure. La seule critique qu’ils ont formulée portait sur le caractère temporaire du dispositif. C’est pour cette raison que la commission a supprimé la date de fin de mise en œuvre, afin de pérenniser cette disposition.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Entre 2019 et 2024, la part des mineurs étrangers condamnés à Mayotte sur l’ensemble des mineurs condamnés a augmenté de 110 %. Sur cette même période, la part des mineurs étrangers sur l’ensemble des mineurs condamnés baissait, inversement, de 12 % pour l’ensemble du territoire national.
Par ailleurs, la proportion d’étrangers parmi les mineurs mis en cause à Mayotte, pour toutes sortes d’infractions, est nettement plus élevée que dans l’ensemble de la France.
Mme Mélanie Vogel. Parce qu’il y a plus d’étrangers à Mayotte !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il y a donc incontestablement un problème.
Le législateur peut donc, sans méconnaître l’article 1er de la Constitution ni le principe d’égalité devant la loi, adapter les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, afin de lutter contre l’immigration irrégulière, qui se traduit spécifiquement, sur ce territoire, par un nombre élevé d’enfants nés de parents étrangers. Le Conseil d’État l’a confirmé.
Le législateur peut également, sans méconnaître l’article 1er de la Constitution ni le principe d’égalité devant la loi, adapter les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers à Mayotte afin de lutter contre l’insécurité engendrée par la pression migratoire sans précédent subie par ce département. C’est une réalité, que l’on peut constater, malheureusement, sur ce territoire.
La mesure que nous proposons d’instaurer entre donc pleinement dans le champ d’application de l’article 73 de la Constitution.
De plus, il est précisé, à l’article 8 du projet de loi, qu’un avertissement préalable est envoyé aux détenteurs de l’autorité parentale. Ce régime probatoire offre ainsi la possibilité aux détenteurs de l’autorité parentale de faire cesser le manquement avant toute sanction administrative. Les parents doivent, par leur autorité, mettre fin au comportement du mineur étranger troublant l’ordre public. Cette mesure met donc l’accent sur les responsabilités des détenteurs de l’autorité parentale, en ce qu’ils constituent, par la soustraction à leurs obligations, la cause du comportement du mineur menaçant l’ordre public.
Enfin, en cas d’échec de la période probatoire, l’efficacité de la mesure est renforcée par la possibilité de procéder à l’éloignement des étrangers détenteurs de l’autorité parentale et, par voie de conséquence, des mineurs sous leur responsabilité qui menacent l’ordre public.
Le cadre constitutionnel est respecté : les parents ne sont sanctionnés que s’ils n’ont pas tout mis en œuvre pour faire cesser le comportement de leurs enfants.
Les statistiques que je vous ai données sur les mineurs étrangers délinquants le montrent, nous ne pouvons pas dire que l’autorité parentale est indispensable pour faire cesser ces actes. Il faut donc agir et adapter les dispositifs, tout en nous assurant qu’ils sont conformes à notre ordre constitutionnel.
Le Conseil d’État a confirmé la constitutionnalité du dispositif. C’est un élément important à prendre en compte dans la fabrique de la loi, ce qui n’empêche ni le débat ni la saisine du Conseil constitutionnel.
Nous adaptons les dispositions législatives à la réalité de Mayotte, tout en préservant notre État de droit.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Arrêtez de nous assommer de statistiques. Monsieur le ministre, vous dites que 44 % des enfants délinquants sont étrangers. Mais alors, puisqu’il y a 48 % d’étrangers sur l’île, les étrangers sont sous-représentés parmi les mineurs délinquants !
Vous aimez les statistiques, semble-t-il. Pourtant, je ne vous entends jamais dire que trois habitants sur quatre vivent sous le seuil de pauvreté à Mayotte.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je le répète sans arrêt…