M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. J’avoue ne pas comprendre les motivations des auteurs de cet amendement de suppression.
Selon eux, l’article 9 ne permettrait pas de lutter assez efficacement contre les transferts frauduleux d’argent liquide. Il représente tout de même une étape importante !
Par ailleurs, cet article ne permettrait pas de lutter contre la criminalité organisée et l’économie souterraine. Pourtant, au travers des dispositions qu’il contient, il a pour objet d’éviter que la diaspora comorienne en situation irrégulière n’effectue des transferts de fonds. Nous ne parlons pas ici de la grande criminalité organisée…
Encore une fois, je ne saisis pas ce qui motive cet amendement, sauf à considérer que les migrants comoriens en situation irrégulière apporteraient, par ce biais, à leur pays d’origine, une forme d’aide au développement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. La mesure qui est prévue à l’article 9 et que vous voulez supprimer est importante, voire capitale, madame la sénatrice.
En effet, elle vise à la fois à entraver les flux financiers liés aux réseaux de passeurs, ainsi que les flux illégaux générés depuis Mayotte vers les États voisins, et à contribuer à la lutte contre l’immigration irrégulière – autant d’éléments qui sont, malheureusement, attestés par le travail d’enquête qui a été réalisé.
Comme cela est indiqué dans l’étude d’impact, la lutte contre le financement des filières illégales de passeurs, le blanchiment d’argent, le trafic de stupéfiants et les fraudes sociales reposant sur le travail dissimulé constitue un objectif central du Gouvernement. Voilà qui qui justifie le maintien de cet article.
Madame la sénatrice, vous évoquez les possibilités de contournement de la mesure. Je précise que cet article vise les opérations les plus à risque, celles qui sont liées le plus étroitement à la criminalité financière. Il est exact que des alternatives, via des services de paiement ou des virements depuis un compte bancaire, demeureront accessibles aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte, mais ces moyens de transfert font d’ores et déjà l’objet de contrôles plus approfondis de la part des prestataires de services.
Enfin, vous avez argué que cette mesure pourrait entraîner une augmentation de l’offre de service au bénéfice des filières illégales. Il convient de relativiser cette possibilité, d’autant que les forces de l’ordre poursuivent et intensifient, en parallèle, les actions de démantèlement des groupes criminels.
Nous avons vraiment besoin de prévoir cette obligation de vérification du titre de séjour lors des opérations de transfert de fonds.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Masset, Gold et Guiol, Mme Pantel et M. Daubet, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
espèces
insérer les mots :
d’un montant supérieur à 300 euros
La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Cet amendement vise à introduire une limite raisonnable dans le contrôle des transferts d’argent à partir de Mayotte, en instaurant un seuil minimal de 300 euros.
Le projet de loi impose la vérification du titre de séjour pour tout transfert, sans distinction de montant. Une telle mesure, appliquée de manière uniforme, risquerait de pénaliser de nombreuses personnes en situation précaire qui envoient de petites sommes – parfois 30 ou 50 euros – à leur famille restée au pays. Il s’agit ici d’une solidarité de survie et non de flux suspects ou de transferts financiers à grande échelle.
En fixant ce seuil, nous souhaitons maintenir l’efficacité des contrôles dans les cas pertinents, notamment dans le cadre de la lutte contre les filières d’immigration illégale et le blanchiment, tout en évitant des effets disproportionnés touchant les personnes les plus modestes.
Cet amendement vise aussi à concentrer les moyens de contrôle là où ils sont réellement nécessaires.
Il s’agit d’une mesure de justice sociale qui n’affaiblira pas l’objectif de lutte contre la fraude.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Bitz, rapporteur. Adopter cet amendement reviendrait à vider la mesure de sa substance. Il serait alors tout à fait loisible aux personnes concernées de fractionner et de multiplier des envois de 300 euros ou d’un montant moindre.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 164, présenté par Mme Canayer et M. Bitz, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 et 6
Remplacer la référence :
L. 574-6
par la référence :
L. 574-7
II. – Alinéa 6
Remplacer le mot :
virement
par le mot :
versement
La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Bitz, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Chapitre IV
Renforcer la lutte contre l’habitat informel
Article 10
I. – La loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer est ainsi modifiée :
1° Au début du premier alinéa du I de l’article 11-1, les mots : « À Mayotte et en Guyane » sont remplacés par les mots : « En Guyane » ;
2° Après le même article 11-1, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé :
« Art. 11-2. – I. – À Mayotte, lorsque des locaux ou installations édifiés sans droit ni titre constituant un habitat informel, au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, forment un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d’assiette et présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, ordonner aux occupants de ces locaux et installations d’évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition à l’issue de l’évacuation. L’arrêté prescrit toutes mesures nécessaires pour empêcher l’accès et l’usage de cet ensemble de locaux et installations au fur et à mesure de leur évacuation.
« Un rapport motivé établi par les services chargés de l’hygiène et de la sécurité placés sous l’autorité du représentant de l’État dans le département et une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence sont annexés à l’arrêté mentionné au premier alinéa du présent I.
« Le même arrêté précise le délai accordé pour évacuer et démolir les locaux et installations mentionnés au même premier alinéa. Ce délai ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la notification de l’arrêté et de son annexe aux occupants et aux propriétaires. Lorsque le propriétaire est non occupant, le délai accordé pour procéder à la démolition est allongé de huit jours à compter de l’évacuation volontaire des lieux.
« À défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l’absence de mention au livre foncier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et installations concernés.
« II. – Lorsqu’il est constaté, par procès-verbal dressé par une personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, qu’un local ou une installation a été construit depuis moins de sept jours sans droit ni titre dans un secteur d’habitat informel, au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, ordonner au propriétaire de procéder à la démolition dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l’acte.
« En cas d’occupation du local ou de l’installation, le représentant de l’État dans le département ordonne aux occupants d’évacuer les lieux dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la notification de l’arrêté. Lorsque le propriétaire est non occupant, le délai accordé pour procéder à la démolition est allongé de vingt-quatre heures à compter de l’évacuation volontaire des lieux.
« À défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l’absence de mention au livre foncier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et installations concernés.
« III. – L’obligation d’évacuer les lieux et l’obligation de les démolir résultant des arrêtés mentionnés aux I et II ne peuvent faire l’objet d’une exécution d’office ni avant l’expiration des délais accordés pour y procéder volontairement, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s’il a été saisi par le propriétaire ou l’occupant concerné, dans les délais d’exécution volontaire, d’un recours dirigé contre ces décisions sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. L’État supporte les frais liés à l’exécution d’office des mesures prescrites. »
II (nouveau). – Jusqu’au 13 décembre 2034, le représentant de l’État à Mayotte peut, de manière motivée, compte tenu des circonstances locales et notamment de l’état du parc de logement et d’hébergement ainsi que des possibilités de relogement, déroger à l’obligation d’annexer une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence à l’arrêté prévu au I de l’article 11-2 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 63 est présenté par Mmes Guhl et M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 82 est présenté par Mmes Corbière Naminzo et Margaté, M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 63.
M. Daniel Salmon. L’article 10 permet de renforcer les pouvoirs de police spéciale de lutte contre l’habitat informel à Mayotte. S’il étend la liste des personnes habilitées à constater et dresser les procès-verbaux, il contient également de nombreuses dérogations, en réduisant le délai d’exécution volontaire de l’ordre d’évacuation des bidonvilles d’un mois à quinze jours et en mettant fin à l’obligation systématique préalable pour le préfet de proposer un relogement ou un hébergement d’urgence.
Si elle a suivi les recommandations de l’avis du Conseil d’État en encadrant la dérogation à l’obligation de proposer un relogement ou un hébergement jusqu’en 2034, la commission des affaires économiques a aussi considérablement réduit les droits de recours permettant de suspendre les délais d’exécution d’office.
Actuellement, la possibilité de démolir des abris en cours de construction est déjà inadaptée aux enjeux de protection des populations et de lutte contre le sans-abrisme. Alors qu’il s’agit, avec cet article, de détruire plus facilement les bidonvilles à Mayotte, sans décision de justice et sans relogement, donc hors du droit commun, cette logique ne résout aucunement la problématique de l’habitat informel, encore moins celle du logement des ménages concernés.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 82.
Mme Marianne Margaté. Cet article constitue l’un des points noirs de ce texte qui vise à refonder Mayotte.
Refonder Mayotte ne saurait se faire au détriment des fondements de notre République ! Qu’allez-vous faire avec cet article 10 ?
Le Conseil d’État l’a dit dans son avis, il n’y a aujourd’hui ni assez de places d’hébergement ni suffisamment de logements pour procéder à la mise à l’abri des personnes dont vous souhaitez défaire l’habitat insalubre. Nous sommes d’accord sur un point : personne ne devrait vivre entre quatre morceaux de tôle. Toutefois, personne ne devrait non plus être condamné à vivre dehors, quelle que soit son origine ou sa situation administrative.
Aujourd’hui, 77 % des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté et 40 % habitent des logements en tôle. Cette situation, alarmante et inacceptable, doit nous mobiliser.
Reste que, si vous détruisez les bidonvilles sans prévoir aucune solution de relogement ou d’hébergement pour les personnes qui y vivent, vous ne ferez que reproduire la crise que les habitants de Mayotte ont connue après le passage du cyclone.
L’île de Mayotte compte seulement 5 % de logements sociaux, alors que la moyenne nationale est de 17,5 %. Pourtant, ce texte « pour la refondation de Mayotte » ne parle à aucun moment de logement, si ce n’est pour priver d’un abri les gens qui ont le malheur de vivre dans un habitat de fortune, où personne n’habite par plaisir ou par choix !
Enfin – et c’est aussi la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article –, la création d’une dérogation au droit commun pour une durée de près de dix ans nous paraît inconstitutionnelle, puisqu’elle va à l’encontre des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Vous ne protégerez ni la santé ni la sécurité matérielle des personnes qui subiront les dispositions de cet article. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Le renforcement des pouvoirs de police administrative en matière d’évacuation et de démolition correspond à une forte demande des élus locaux et des acteurs de terrain, qui sont démunis face à un phénomène qui continue de s’étendre. Il serait vraiment irresponsable de supprimer cet article, qui répond à une attente locale et tend à accélérer la mise en œuvre des opérations.
En outre, la commission des affaires économiques a adopté plusieurs amendements visant à sécuriser l’article, notamment concernant la proposition de relogement ou d’hébergement. C’est pourquoi elle émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je le redis, nous voulons lutter contre l’un des fléaux qui rongent Mayotte : l’habitat illégal et informel, qui est également – vous l’avez rappelé – un habitat indigne.
Permettez-moi de revenir sur les termes de l’article 10.
La destruction des habitations illégales n’est facile ni techniquement ni, surtout, humainement, mais c’est une décision fondée sur le droit. Il s’agit d’une exigence de sécurité publique, de salubrité et de dignité humaine. (Mme Evelyne Corbière Naminzo proteste.) C’est la raison pour laquelle je récuse l’expression « point noir » qu’a employée Mme Margaté. Non ! C’est simplement l’une des actions auxquelles nous pouvons recourir.
Il est possible de s’interroger sur l’efficacité de ces politiques publiques, comme nous l’avons fait lorsque nous avons constaté la reconstruction rapide – et le mot est faible ! – de cet habitat le lendemain ou le surlendemain du passage du cyclone Chido. Je peux comprendre ce questionnement, qui est celui des élus mahorais et des Mahorais eux-mêmes. En revanche, je le répète, la démolition de ces habitations correspond à une exigence de sécurité publique, de salubrité et de dignité humaine.
Au mois d’avril avril dernier, j’ai supervisé une opération de lutte contre l’habitat illégal à Dzoumogné. La démolition de soixante-treize cases, prévue de longue date à la suite d’un travail de réflexion réalisé par cette commune, doit permettre d’y construire une école de vingt-six classes – nous en avons déjà parlé aujourd’hui – et de s’attaquer à un véritable foyer de délinquance.
J’ai également pu observer l’action de l’Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (Acfav), qui réalise des enquêtes sociales, parfois dans des conditions extrêmement difficiles en termes de sécurité, et est accompagnée pour ce faire par les forces de l’ordre. Elle propose notamment des solutions de relogement, qui ne répondent d’ailleurs pas toutes à une demande… La coopération avec des associations de ce type n’a pas vocation à être remise en cause.
Par ailleurs, il convient de ne pas caricaturer les opérations conduites au titre de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan), qui sont utiles dans ce domaine. De ce point de vue, le terme « décasage » est réducteur.
Ces opérations supposent un important travail préparatoire, à la fois fin, compliqué et nécessaire, qui associe les élus, la commune, la police, la gendarmerie, les forces de sécurité intérieures et le monde associatif.
En 2024, six opérations dites Élan ont été déployées. En 2025, six opérations sont prévues, dont l’une a d’ores et déjà été réalisée. C’est bien la preuve que les choses avancent depuis que – disant cela, je reste prudent – la situation de l’île est stabilisée.
Dès le lendemain du passage du cyclone Chido, les maires ont immédiatement demandé l’interdiction des bidonvilles, ils ont même exigé qu’on l’inscrive dans la loi d’urgence pour Mayotte. Même s’il est évident que les bidonvilles sont interdits par principe, c’était une façon de marquer la volonté commune que doivent partager l’État, les élus et une grande partie du monde associatif.
J’y insiste, je peux comprendre le débat sur la question du relogement, et nous y reviendrons sans doute. J’ai encore évoqué ce sujet ce matin quand il a été question de la mission de reconstruction, du type d’habitat et de logement, des changements à opérer au travers du foncier, des titres de propriété et de la construction d’un véritable cadastre. Comme il existe des dizaines de milliers de titres, tout cela prendra du temps. Il s’agit de sujets de fond.
Pour autant, la moindre des choses est de s’attaquer à l’habitat illégal en y mettant des moyens et selon une méthode qui soit humaine, avec des outils sociaux. C’est compliqué, mais les maires y travaillent sur le terrain.
De grâce, nous avons besoin de cet article, dont la mise en œuvre est attendue et qui est une partie importante de ce texte.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. Monsieur le ministre, dire que l’on va détruire les bidonvilles à Mayotte n’a pas beaucoup de sens, parce que Chido l’a déjà fait avec une efficacité à nulle autre pareille. Il a absolument tout détruit, réduisant à néant tous ces habitats de fortune. Résultat, ils sont aujourd’hui tous reconstruits !
La solution du problème des bidonvilles à Mayotte n’est donc pas la destruction ; c’est au contraire la construction de logements. C’est un sujet très compliqué, vous avez eu raison de le dire, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras.
Il ne sera pas possible de construire des logements dans les zones déjà extrêmement denses de Mayotte. La solution au problème du logement est donc le réaménagement de l’île en vue de réaliser des espaces polycentrés et de reloger les personnes qui habitent dans des conditions de vie indignes. En revanche, rendre ces conditions encore plus indignes n’arrangera rien du tout !
C’est donc bien l’efficacité de la mesure prévue que je remets en cause ici, tout autant que son humanité.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de notre amendement, nous voulons non pas qu’il soit mis un frein à la démolition des bidonvilles, mais que l’on se donne les moyens de reloger les habitants.
Il n’est pas question que passe à Mayotte, après le cyclone Chido, un cyclone Macron ou un cyclone Valls ! Il est important de reloger les personnes pour qu’elles ne se retrouvent pas à la rue.
Nous dénonçons le fait que des gens en situation de précarité soient de nouveau jetés à la rue. Il est donc essentiel de mettre en place, à côté des opérations de résorption de l’habitat insalubre, une véritable politique du relogement.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. Un point m’inquiète : on a l’impression de voter des textes à visée purement symbolique, qui ne s’appliquent pas chez nous.
Dans la loi d’urgence pour Mayotte, nous avons interdit l’utilisation de la tôle pour la construction de logements. J’ai demandé par courrier, voilà quelques mois, qu’un bilan des ventes de tôle soit dressé. Nous avons en effet prévu que, pour ces transactions, l’acheteur présente une carte d’identité et qu’un répertoire soit mis en place dans les magasins qui vendent ce matériau afin de savoir qui en fait l’acquisition.
Faisons d’abord ce bilan, dont j’aimerais avoir connaissance, avant de parler des bidonvilles !
On adopte des lois que l’on n’applique pas…
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 82.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 113, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Margaté, M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
peut,
insérer les mots :
après un rapport de diagnostic des possibilités techniques et des mesures correctives permettant de remédier, même temporairement, à la situation d’insalubrité et de sécuriser les conditions de vie,
II. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le rapport précise la nature de l’insalubrité constatée et prévoit des préconisations techniques et des mesures correctives permettant de remédier, même temporairement, à la situation d’insalubrité et de sécuriser les conditions de vie.
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. L’habitat informel est presque la norme à Mayotte, puisque 40 % des logements sur l’île sont en tôle. Tous ces logements ne seront pas concernés par l’article 10, car tous ne sont pas considérés comme des campements illicites. Tous ne seront donc pas démolis.
Cependant, même les logements susceptibles d’être démolis doivent pouvoir bénéficier d’un diagnostic permettant de déterminer s’ils peuvent être améliorés, par exemple au moyen de raccordements ou d’installations sanitaires à proximité. Nous formulons cette proposition de concert avec plusieurs associations, telles que l’Unicef ou la Fondation pour le logement des défavorisés.
Cette possibilité figurait dans l’instruction du Gouvernement du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles, dans laquelle étaient recommandées des améliorations temporaires mais vitales, comme l’accès à l’eau, l’hygiène, les normes de sécurité, plutôt que des expulsions.
Là encore, si des solutions immédiates de relogement ou d’hébergement ne sont pas possibles, il faut se montrer pragmatique et améliorer l’existant en attendant que les constructions nécessaires voient le jour.
À cet égard, j’ajoute que le besoin de constructions neuves ne doit pas être laissé de côté. Je parle là de logements accessibles, c’est-à-dire sociaux, à loyers bas. En effet, pour refonder Mayotte, la priorité doit être de loger les 77 % de Mahorais qui vivent sous le seuil de pauvreté.
En attendant, nous proposons d’intégrer dans le texte l’obligation de remise d’un « rapport de diagnostic des possibilités techniques et des mesures correctives permettant de remédier, même temporairement, à la situation d’insalubrité » que subissent les Mahorais les plus précaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. Je ne crois pas qu’il convienne d’imposer une charge administrative supplémentaire aux services de l’État, qui sont d’ores et déjà démunis pour lutter contre l’habitat informel et qui manquent de moyens. Prévoir la remise d’un rapport avant la signature de chaque arrêté n’est donc pas une bonne idée, alors que les élus locaux nous demandent de renforcer l’efficacité des opérations de résorption des bidonvilles.
Sur le fond, je rappelle que ces habitations de fortune sont souvent édifiées sur des terrains non constructibles, avec un terrassement très sommaire, ce qui expose les occupants à des risques graves. En outre, d’un point de vue sanitaire, les épidémies de choléra, de typhoïde, d’hépatite A et de poliomyélite liées aux conditions d’habitation sont à l’origine de 10 % des passages dans les services d’urgence de Mayotte.
Je sais de quoi je parle : lors de son déplacement sur l’île, la commission des affaires économiques a visité un bidonville pendant trois heures. Si nos collègues qui déposent ces amendements avaient l’opportunité de faire de même, ils n’auraient sans doute pas la même vision de la situation et n’envisageraient même pas l’amélioration de ce type d’habitat…
L’évacuation de ces logements est ordonnée à cause des risques que je viens de mentionner. En la matière, une action d’endiguement ferme est nécessaire.
La commission des affaires économiques émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?