M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Je vous remercie, mon cher collègue, de me donner l’opportunité d’insister ici sur la nécessité d’une stratégie industrielle dans la gestion des déchets textiles.
Pour gérer au mieux nos déchets et assurer la transition du textile vers l’économie circulaire, il est indispensable que l’État établisse une stratégie concertée avec l’ensemble des acteurs économiques, qui assure l’existence de débouchés sur le territoire, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement.
Toutefois, la fixation d’une telle stratégie me paraît, à ce stade, trop rigide. Je vous invite à vous rapprocher de Marta de Cidrac et de Jacques Fernique, rapporteurs pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la mission d’information relative au bilan de la loi Agec de 2020. Je sais qu’ils s’intéressent à la question de la structuration industrielle de l’économie circulaire. Vos réflexions pourront très certainement enrichir les conclusions de leur rapport.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le sénateur, votre amendement vise à mettre en place une feuille de route pour renforcer la circularité de la filière textile dans une démarche de coconstruction.
Aujourd’hui, un tiers seulement des textiles usagés sont collectés, le reste terminant sa vie dans les poubelles. Sur le tiers collecté, seuls 30 % sont recyclés, majoritairement hors d’Europe. En outre, la filière est confrontée depuis 2024 à une fermeture progressive de ses débouchés à l’export, entraînant la fragilisation des opérateurs de collecte et de tri.
J’ai donc lancé une réforme de la filière REP des textiles. Elle permettra d’améliorer l’écoconception des produits, d’augmenter la collecte, le réemploi et le recyclage de la matière, notamment en France, et d’améliorer la traçabilité des flux collectés. Un amendement gouvernemental vise d’ailleurs à soutenir cette refonte de la filière.
En parallèle, la récente révision de la directive-cadre Déchets concerne notamment le secteur textile : elle impose à l’ensemble des États membres la mise en place d’une filière REP pour les textiles, sujet sur lequel la France est précurseur.
Si je partage votre volonté de transformation concrète de la filière, il me semble plus approprié de poursuivre le travail qui vient d’être engagé aux échelons et français et européen. Si vous en êtes d’accord, je vous associerai à ces travaux avec l’ensemble de la filière.
Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Hingray, l’amendement n° 65 est-il maintenu ?
M. Jean Hingray. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. M. Hingray maintient son amendement, dont l’intention est louable et intéressante. L’idée d’une feuille de route partagée me convient.
L’amendement tend néanmoins à réécrire totalement l’article 2, lequel serait alors vidé de sa substance, alors qu’il renforce les critères d’écomodulation dans la filière REP des producteurs de textiles. Il est dès lors impossible de remplacer l’article 2 par cet amendement…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 294 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 1 |
Contre | 340 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 34 rectifié ter, présenté par Mme Housseau, M. Henno, Mme Billon, M. Canévet, Mme Romagny, M. Kern, Mme Jacquemet, M. L. Hervé, Mme Saint-Pé et MM. Levi, Folliot, Daubet et Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 541-9-1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les consommateurs sont aussi informés des indicateurs qui déterminent la durabilité établissant le procédé du présent article. » ;
La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.
Mme Marie-Lise Housseau. Le présent amendement vise à améliorer la transparence en rendant publics les paramètres servant à définir le coefficient de durabilité qui conditionne la méthodologie de l’affichage environnemental.
Dans le secteur textile, l’affichage environnemental est déterminé par plusieurs paramètres, dont la durabilité du vêtement. Il est calculé à partir de trois critères : la largeur de la gamme, c’est-à-dire le nombre de références commercialisées ; l’incitation à la réparation, qui prend en compte le rapport entre le coût moyen de réparation et le prix de vente ainsi que la mise à disposition de services de réparation ou de garantie ; l’affichage de la traçabilité des étapes de fabrication, soit, a minima, la confection, l’ennoblissement et le tissage-tricotage.
Bien que déterminants pour éclairer le potentiel acte d’achat du consommateur, ces critères ne sont pas publics. Il convient donc de rendre ces informations accessibles afin que celui-ci connaisse les caractéristiques de durabilité du produit textile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Vous présentez les critères du coefficient de durabilité comme étant non publics. Le projet d’arrêté relatif à la signalétique et à la méthodologie de calcul du coût environnemental des produits textiles détaille pourtant le mode de calcul de ce coefficient : l’article 6 indique la formule de calcul, les trois critères pris en compte, ainsi que leur pondération.
Votre demande étant déjà satisfaite, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
et après le mot : « durabilité », sont insérés les mots : « , y compris, résultant des pratiques industrielles et commerciales, »
II. – Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs
par les mots :
des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12
La parole est à M. Sébastien Fagnen.
M. Sébastien Fagnen. Cet amendement vise à réintroduire la prise en compte de l’affichage environnemental pour l’application de l’écomodulation : celui-ci a été remplacé, lors de la discussion du texte en commission, par « les pratiques industrielles et commerciales », dont le périmètre est pour le moins flou.
L’affichage environnemental, qui embrasse tout le cycle de vie du produit, est appliqué depuis plusieurs années, ce qui nous permet d’avoir du recul. Certes, ce critère peut porter atteinte à l’économie de la filière textile, mais cette dernière risque de compromettre durablement l’environnement. Même si nous entendons les réserves qui ont pu être émises lors des auditions menées par la rapporteure, il nous semble important d’aller au bout de la logique en utilisant un outil d’ores et déjà inscrit dans la loi pour engager un véritable changement de pratique.
Telle doit être l’ambition première de ce texte : faire en sorte que la mode jetable recule de plus en plus, en incitant non seulement les grands groupes étrangers à modifier leurs pratiques commerciales, mais également les acteurs français à s’engager dans cette voie.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 19 rectifié bis est présenté par Mme Jouve, M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol et Laouedj.
L’amendement n° 24 est présenté par Mmes Phinera-Horth et Havet, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les contributions financières mentionnées à l’article L. 541-10-3 sont modulées, pour les produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1, en fonction de leur participation à la pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1.
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Cet amendement tend à revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi afin de bien cibler l’écomodulation sur les entreprises de la mode éphémère, définie à l’article 1er, en cohérence avec l’objectif de la proposition de loi.
La rédaction actuelle de l’article 2 vise en effet les produits qui sont soumis au principe de responsabilité élargie du producteur et pas seulement ceux qui relèvent de la fast fashion. Dès lors, cette disposition pourrait avoir de lourdes conséquences sur les enseignes françaises ne relevant pas de la mode éphémère.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour présenter l’amendement n° 24.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Cet amendement vise à revenir à l’esprit initial de la proposition de loi en ciblant les entreprises concernées par l’écomodulation.
La rédaction actuelle fait référence aux pratiques industrielles et commerciales, une notion floue et sujette à interprétation, qui risque d’englober des entreprises ne relevant pas réellement de la fast fashion et de créer une source d’insécurité inutile.
L’amendement tend donc à aligner le champ de l’écomodulation sur la définition de la mode éphémère déjà établie à l’article 1er. Seraient ainsi visées les seules entreprises qui renouvellent très fréquemment leurs collections et incitent à une consommation excessive, rapide et peu durable.
M. le président. L’amendement n° 80, présenté par Mme Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
notamment de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs
par les mots :
des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. L’article 2 de la proposition de loi prévoit des pénalités, des malus, pour les entreprises de la fast fashion. L’objectif est d’inciter à améliorer la qualité des vêtements vendus, afin d’assurer une meilleure durabilité et d’apporter un soutien clair aux usines de production qui font cet effort de qualité. Si nous jetons moins de vêtements, nous en importerons moins et nous limiterons ainsi la pollution qui en résulte.
La méthodologie proposée, qui existe déjà dans la loi, pour l’application de ces malus, tient compte des pratiques industrielles et commerciales des producteurs, en complément d’une analyse du cycle de vie des produits, de leur fabrication à leur réemploi et à leur mise au rebut. Elle permet une modulation fine des pénalités, et notamment une indexation des pénalités en cohérence avec le cadre européen. Il s’agit d’un dispositif récent, issu de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, qui a été défini par décret.
Par cet amendement, nous souhaitons accélérer la mise en œuvre de la proposition de loi, une fois qu’elle sera votée, en nous appuyant sur l’existant et sur cette méthodologie qui a fait ses preuves : celle-ci a déjà été intégrée par certaines entreprises du secteur de la mode et elle est souhaitée par les associations spécialisées dans les questions environnementales et le réemploi.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Grand et Chasseing, Mme Bourcier, MM. A. Marc et Chevalier, Mme Perrot et M. L. Hervé.
L’amendement n° 73 rectifié ter est présenté par M. Menonville, Mme Devésa, MM. Bonneau et Parigi, Mmes Billon et Antoine, M. Kern, Mme Saint-Pé et M. Duffourg.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
notamment de
par les mots :
des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12, incluant notamment
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Le présent amendement vise à préciser la notion de durabilité des pratiques industrielles et commerciales : celle-ci s’inscrit dans une évaluation réalisée sur la base de la méthodologie élaborée dans le cadre de l’affichage environnemental.
L’ajout d’une méthodologie d’évaluation permet de renforcer la disposition et de garantir son applicabilité immédiate.
La méthodologie élaborée dans le cadre de l’affichage environnemental est pertinente et cohérente avec la notion de durabilité des pratiques industrielles et commerciales, car elle inclut à la fois des critères d’écoconception élargis et des critères de durabilité des pratiques commerciales et de réparabilité.
M. le président. L’amendement n° 73 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Lefèvre, Bacci et Saury, Mmes Belrhiti et Josende, M. Milon, Mme Micouleau, MM. Henno, Cambon et Belin, Mmes Lavarde et Imbert, M. Naturel, Mmes Billon, Vermeillet et Lassarade, MM. D. Laurent et Houpert, Mme Dumont, MM. Rapin, Bouchet, Genet et Brisson, Mme Romagny, M. Sido, Mmes Ventalon et Dumas, M. L. Hervé et Mmes Guidez et P. Martin, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
notamment de
par les mots :
des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental prévue à l’article L. 541-9-12, incluant notamment
La parole est à Mme Pauline Martin.
Mme Pauline Martin. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié ter, présenté par Mme Housseau, M. Henno, Mme Billon, M. Canévet, Mme Romagny, M. Kern, Mmes Jacquemet, Guidez et Saint-Pé et MM. Levi, Folliot, Daubet et Duffourg, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
notamment de
par les mots :
du niveau de durabilité évalué par les résultats obtenus en application de la méthodologie déterminée à l’article L. 541-9-12, incluant
La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.
Mme Marie-Lise Housseau. L’article 2 impose une contribution financière aux produits calculée « en fonction de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs ».
Cet amendement vise à préciser cette formulation en indiquant qu’elle s’inscrit dans le cadre du calcul du coefficient de durabilité, lequel conditionne fortement le résultat final obtenu dans l’affichage environnemental, conformément à la méthodologie précisée par décret.
Cette précision est pertinente et cohérente, car elle inclut un critère de durabilité obtenu à partir de la largeur de la gamme, de l’incitation à la réparation et de l’affichage de la traçabilité des étapes de fabrication, sans pour autant prendre en compte les autres critères déterminant l’affichage environnemental. En effet, l’intégration de ces derniers pourrait porter préjudice à des modèles économiques vertueux et écologiques utilisant des matériaux responsables, comme la laine ou la soie.
L’ajout d’une telle méthodologie d’évaluation permet de renforcer le dispositif et de garantir son applicabilité immédiate.
M. le président. Le sous-amendement n° 116, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 31 rectifié ter
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
les mots
par les mots :
la dernière occurrence du mot
II. - Alinéa 3
Supprimer le mot :
notamment
III. - Alinéa 5
Remplacer le mot :
niveau
par le mot :
coefficient
et le mot :
incluant
par les mots :
en ce qu’il prend en compte
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce sous-amendement vise à préciser l’amendement n° 31 rectifié ter et à le modifier sur des points spécifiques.
Dans cet amendement, il est prévu que la pénalité relative à la fast fashion et à l’ultrafast fashion soit fondée sur le coefficient de durabilité de l’affichage environnemental. Cependant, la rédaction fait référence au « niveau » de durabilité. Il y a donc lieu de modifier ce terme.
Par ailleurs, l’amendement n° 31 rectifié ter tend à supprimer le fait que cette pénalité constitue une possibilité de modulation ; or il existe de nombreuses autres possibilités de primes ou de pénalités, y compris sur la fast fashion et l’ultrafast fashion. Je propose donc de modifier l’amendement sur ce point.
Enfin, mon sous-amendement vise à établir un lien direct entre la pénalité, qui sera fondée sur le coefficient de durabilité, et les pratiques industrielles et commerciales, conformément à la directive-cadre relative aux déchets.
Nous souhaitons donner un socle solide à l’amendement n° 31 rectifié ter, que je soutiendrai si mon sous-amendement est adopté.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs
par les mots :
des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Si toute une série d’amendements sont en discussion commune, c’est parce que nous tenons là notre principale occasion d’améliorer le texte issu des travaux de la commission : il s’agit d’intégrer les critères de l’affichage environnemental textile comme ligne directrice du décret à venir. Près d’une dizaine d’amendements convergents ont pour objet d’améliorer l’article 2 en ce sens, une amélioration qui est tout à fait à notre portée.
Revenons à l’essentiel : la proposition de loi vise, pour reprendre son intitulé, « à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile ». Pour que les écocontributions permettent d’aller dans ce sens, il est logique de les adosser à un indicateur environnemental robuste. C’est précisément ce que permet l’affichage environnemental textile : mesurer l’impact réel d’un produit textile. Il s’agit donc d’un amendement de cohérence avec l’objectif même du texte.
L’indexation sur l’affichage environnemental figurait dans le texte issu de l’Assemblée nationale. Cette mesure, votée à l’unanimité, était le fruit d’un consensus transpartisan et réfléchi. Notre commission l’a supprimée, en raison notamment de l’incertitude réglementaire, dans l’attente de l’avis de la Commission européenne.
C’est l’argument, tout à fait entendable, qui a été avancé lors de l’examen du texte par la commission, en mars dernier. Depuis, et je l’ai dit lors de la discussion générale, la Commission européenne a, le 15 mai, validé le cadre réglementaire relatif à cet affichage. L’argument d’une méthodologie non aboutie n’est donc plus valable.
L’amendement ne tend pas à rendre obligatoire l’affichage environnemental ni à l’imposer aux metteurs sur le marché. Nous demandons simplement qu’une même méthode, la plus robuste et consensuelle à ce jour, serve de base au calcul des écomodulations.
Encore une fois, nous ne forçons personne à afficher son Éco-score ; nous voulons simplement que les lignes directrices des bonus comme des malus reposent sur une méthode solide.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. En ce qui concerne l’amendement n° 38 rectifié, j’ai constaté lors de mes travaux préparatoires que le dispositif de l’affichage environnemental est loin de faire l’unanimité dans le secteur du textile. Cet outil agrège de nombreux indicateurs, et son système de pondération peut parfois conduire à des résultats surprenants.
Je n’ai rien contre l’affichage environnemental en lui-même. Toutefois, avant d’y adosser d’éventuelles conséquences financières, il serait préférable d’avoir plus de recul sur ce dispositif qui reste à ce stade facultatif.
Dans le secteur de l’alimentation, nous avons tous constaté les limites du Nutri-score, qui a notamment affecté le comté. Avant d’adosser des pénalités financières à l’affichage environnemental, il est nécessaire d’avoir plus de recul sur ce dispositif et de tranquilliser les acteurs européens de l’industrie textile, loin d’être rassurés.
En outre, l’affichage environnemental est plus large que la notion de « durabilité […] des pratiques industrielles et commerciales ». Il regroupe la durabilité intrinsèque du produit, c’est-à-dire celle qui est liée à son mode de conception, et sa durabilité extrinsèque, c’est-à-dire celle qui est liée à la pratique commerciale de la mode express. Utiliser l’affichage environnemental comme critère, c’est choisir de pénaliser des entreprises au-delà de ce seul dernier secteur.
Je précise donc de nouveau l’intention de la commission : en retenant la durabilité des pratiques industrielles et commerciales comme critère d’écomodulation, nous faisons référence aux critères qui définissent le secteur visé à l’article 1er, à savoir la largeur de gamme et l’incitation à réparer, absolument pas à l’affichage environnemental.
Je partage pleinement la volonté des auteurs des amendements identiques nos 19 rectifié bis et 24. Nous avons le même objectif, à savoir nous assurer que le relèvement du plafond de modulation des écocontributions ne concerne que la mode éphémère.
Il est toutefois également nécessaire, pour des raisons de sécurité juridique, de décorréler la définition de la mode express à l’article 1er des critères de modulation de l’écocontribution précisés à l’article 2. Cela garantit l’application des pénalités prévues par ce dernier, même en cas de contestation juridique de la définition du secteur.
De plus, l’expression « durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs » est inscrite dans le projet de révision de la directive-cadre Déchets. Cette rédaction garantit donc la compatibilité de l’article 2 avec le droit européen.
Mes chers collègues, je souhaite vous rassurer : aucune entreprise française ne sera concernée par cette définition. Nous connaissons tous les types de pratique visés. Depuis le début de l’examen de ce texte, ma ligne est constante : je ne souhaite pas faire payer un euro aux entreprises qui disposent d’enseignes en France et qui contribuent ainsi à la vitalité économique de nos territoires.
Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements identiques ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Comme l’amendement n° 38 rectifié, les amendements nos 80, 4 rectifié bis, 12 rectifié bis, 31 rectifié ter et 52 ainsi que le sous-amendement n° 116 ont pour objet d’adosser les pénalités financières aux résultats de l’affichage environnemental.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Peut-être y a-t-il une petite confusion : le décret d’application prévu concerne uniquement l’article 1er, non l’article 2. Il aura pour but de préciser la définition de l’ultrafast fashion, en fixant des seuils de largeur de gamme et le contenu du message de sensibilisation à la réparabilité des produits. L’article 1er sert en outre de référence aux articles 3 et 3 bis, relatifs à la question de la publicité.
L’article 2 établit quant à lui une écomodulation pour l’ultrafast fashion et la fast fashion. Cet article correspond à la position politique constamment défendue par le Gouvernement. Nous avons ainsi considéré que cette proposition de loi était suffisamment importante pour l’inscrire dans le temps réservé au Gouvernement, alors qu’elle aurait pu être examinée au cours d’une niche parlementaire.
Le sous-amendement n° 116 vise à étayer la modulation de l’écocontribution sur le coefficient de durabilité, mais ce n’est pas le seul critère que nous proposons de retenir. Nous figurons à l’avant-garde de l’expérimentation permise par l’Union européenne, parce que nous définissons l’Éco-score non seulement à partir de la durabilité des vêtements, mais en retenant aussi d’autres critères encore en débat à l’échelon européen. Dans ce cadre, nous proposons d’ouvrir les critères et d’inclure des éléments supplémentaires pour définir le secteur de manière plus robuste, tout en nous adaptant à la future définition de la durabilité.
Par exemple, la fréquence du renouvellement des collections n’est pas retenue dans le calcul de l’Éco-score. Or il serait légitime de penser que cet élément soit pris en compte dans l’écomodulation qui, je le rappelle, est définie dans le cahier des charges des éco-organismes de la filière responsabilité élargie des producteurs, et non pas dans un décret.
L’amendement n° 31 rectifié ter, modifié par le sous-amendement du Gouvernement, vise à faire des éco-organismes des vigies pour fixer l’écomodulation sur des critères ne faisant pas obligatoirement référence à l’Éco-score, afin que les pratiques non vertueuses d’un point de vue environnemental se voient appliquer un malus et, à l’inverse, que les producteurs qui s’engagent dans des démarches vertueuses d’un point de vue environnemental soient valorisés. Tel est le cœur de ce sous-amendement, qui me semble très important au sein de cette discussion commune.
Le Gouvernement demande donc le retrait des amendements nos 38 rectifié, 19 rectifié bis, 24, 80, 4 rectifié bis, 12 rectifié bis et 52, en faveur de l’amendement n° 31 rectifié ter. Il émet sur ce dernier un avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 116.