Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Véronique Guillotin.
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Hommage à une assistante d'éducation et à deux sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons appris avec effroi hier le décès d'une assistante d'éducation, poignardée par un élève du collège Françoise-Dolto de Nogent, en Haute-Marne. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)
Je tiens, au nom du Sénat, à saluer sa mémoire et à témoigner de tout notre soutien à sa famille, à ses proches ainsi qu'à l'ensemble de la communauté éducative, frappée par ce drame.
J'ai une pensée particulière pour nos collègues de Haute-Marne et notamment pour Anne-Marie Nédélec, maire honoraire de Nogent.
Aucune forme de violence n'a sa place au sein de l'école de la République. Face à la multiplication de ces événements tragiques, nous devons agir collectivement pour renforcer la sécurité des élèves et du personnel qui les encadre, afin que de tels drames ne puissent se reproduire.
C'est également avec une vive émotion que nous avons appris le décès de deux sapeurs-pompiers volontaires de l'Aisne, survenu alors qu'ils luttaient contre un incendie à Laon.
La disparition de ces deux pompiers, âgés respectivement de 23 et 22 ans, dans l'exercice de leurs fonctions rappelle le dévouement et l'engagement de tous ceux qui, au péril de leur vie, assurent la protection de nos concitoyens.
Les questeurs et moi-même leur rendrons hommage demain lors d'un déplacement dans le département de l'Aisne.
Au nom du Sénat tout entier, je tiens à saluer leur mémoire, tout en adressant notre profonde sympathie à leurs familles et à leurs proches.
Pour tous trois, je vous propose d'observer une minute de silence. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou du respect du temps de parole.
surveillante tuée par un collégien (i)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon. Hier matin, une jeune femme, surveillante au collège Françoise-Dolto de Nogent, a été assassinée, poignardée par un adolescent de 14 ans. Elle s'appelait Mélanie, avait 31 ans et était mère d'un petit garçon de 4 ans.
En notre nom à tous, M. le président du Sénat a rendu à cette jeune femme un hommage que je tiens à prolonger par cette question.
Le meurtre de Mélanie n'est malheureusement pas un cas isolé. On ne compte plus, hélas ! les homicides à l'arme blanche commis par des adolescents ou par de jeunes adultes. On ne compte plus, hélas ! leurs victimes : Elias, Lorène, Thomas, Sékou, Inès, Mélanie, Enzo… Ma crainte est d'en oublier.
La multiplication de ces homicides montre que nous sommes confrontés, non pas à des faits divers isolés, mais à un fait de société. Nous sommes face à une vague qui n'en finit pas de monter, au point de nous submerger.
Songeons que l'auteur de ce meurtre était inconnu des services de police comme de la justice ; qu'apparemment il n'était pas suivi par les services sociaux ou médicaux ; et qu'il est passé, en l'espace de quelques semaines, d'une violence que l'on pourrait qualifier de classique, ou d'ordinaire, entre adolescents, au meurtre d'un adulte.
Monsieur le Premier ministre, personne ici ne vous dira qu'il est facile de relever le défi auquel nous devons collectivement faire face : celui d'une violence débridée ; d'une violence qui touche une partie de notre jeunesse, pour laquelle le monde virtuel, celui des jeux vidéo et d'internet, se confond avec le monde réel, faisant sauter tous les verrous entre la violence imaginée et le passage à l'acte, entre la violence verbale et une violence physique extrême.
Cela étant, nous ne pouvons rester inactifs. Vous avez, dès hier, annoncé plusieurs mesures. Pourriez-vous revenir cet après-midi sur deux questions que nous sommes nombreux à nous poser dans cet hémicycle : premièrement, peut-on aller jusqu'à limiter, voire interdire, les réseaux sociaux aux plus jeunes ? Deuxièmement, comment responsabiliser davantage les parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Laurent Lafon, le président du Sénat vient de dire à quel point ce drame nous a tous emplis d'effroi.
Mme la ministre d'État Élisabeth Borne était hier auprès des éducateurs et des parents d'élèves de ce collège de Nogent, en Haute-Marne. Nous parlons d'une petite ville de 3 500 habitants et d'un établissement de taille familiale, qui compte 320 élèves. C'est dire si les clichés habituellement répandus, cantonnant ces violences dans certains milieux urbains et sociaux, sont en l'occurrence inopérants.
Vous avez tout à fait raison de parler d'un débordement de violence. Ce phénomène se traduit dans les chiffres : le nombre d'homicides commis par des mineurs a été multiplié par trois ou quatre au cours de la dernière décennie. En outre – je suis évidemment d'accord avec vous –, on ne peut pas éluder ce problème. On ne peut pas se contenter de déplorer.
En la matière, il y a trois directions à suivre.
Premièrement, il faut s'intéresser aux armes. Qu'il s'agisse de la détention ou du port d'armes par des mineurs, en particulier par des adolescents, nous sommes face à une véritable vague. Cette situation n'est pas normale. Nous allons donc interdire la vente de ces armes aux mineurs, même si cette mesure ne suffira pas à empêcher des drames comparables à celui d'hier.
En parallèle, nous allons multiplier les contrôles de port d'arme – je rappelle que l'assassinat survenu hier a précisément eu lieu lors d'un tel contrôle, mené par gendarmerie. Nous en avons conduit 6 500 au cours des trois derniers mois : ils ont permis la saisie de près de 200 couteaux et de plus de 200 autres armes par destination.
Nous allons interdire la vente de ces armes par des procédés assez simples. En particulier – il s'agit, à ce titre, de la mesure la plus importante –, on ne pourra plus livrer via internet des colis contenant ce type d'arme sans la signature d'un adulte. Dès lors, le contrôle de l'achat ne posera plus de difficulté.
Deuxièmement, nous devons nous intéresser aux auteurs de ces actes, car il n'y a pas seulement l'arme : il y a aussi la main qui tient l'arme.
Nous avons un énorme travail à conduire pour la protection de la santé mentale des jeunes, et en particulier des collégiens. (M. Olivier Cigolotti acquiesce.) Le collège peut être un moment où tout dérive, où l'adolescence bascule, parfois, comme vous le disiez, en quelques jours.
Ce garçon était référent harcèlement dans son collège. Cela signifie qu'il était investi de confiance pour lutter contre le harcèlement. Il n'était pas considéré comme un enfant à problème.
À cet égard, tous les signes avant-coureurs doivent être identifiés. Il faut mener un travail de formation de tous les enseignants, et même des élèves, pour que l'on détecte immédiatement les jeunes qui sont en train de basculer. Lorsqu'un élève se referme sur lui-même, lorsqu'il ne parle plus, il y a un risque, il y a un danger.
Troisièmement et enfin, il faut traiter la question des réseaux sociaux.
Comme vous le savez, nous avons réussi à imposer aux sites pornographiques de vérifier l'âge de leurs visiteurs ; mais, en la matière, l'épreuve de force se poursuit entre le Gouvernement français et les responsables de ces sites. Il n'est pas facile de faire respecter la loi.
Peut-on aller plus loin en matière de numérique ? Le Président de la République s'est prononcé à plusieurs reprises pour l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Cette question est certes de la compétence de l'Union européenne, mais le chef de l'État l'a répété hier soir : si l'Union européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.
M. Laurent Lafon. Merci, monsieur le Premier ministre, de votre réponse.
Je tiens également à vous signaler une proposition de loi que notre assemblée a votée à l'unanimité. Par ce texte, nous ne prétendons pas résoudre tous les problèmes ; nous souhaitons simplement envoyer un certain nombre de messages à ceux qui sont les plus affectés par la situation, à savoir le personnel éducatif au sein de nos établissements scolaires.
Cette proposition de loi vise à protéger nos écoles. Elle n'attend que d'être examinée par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
vente d'armes à israël par la france
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Ma question s'adresse à M. le ministre des armées. Elle porte sur Israël et sur les ventes d'armes.
Le salon de l'armement du Bourget doit s'ouvrir la semaine prochaine. Il accueillera des membres du Gouvernement ainsi que des sociétés d'armement israéliennes : leur participation a été confirmée dès janvier dernier par M. Netanyahou, qui dit avoir reçu l'assurance du président Macron.
De nombreuses associations ont porté devant les tribunaux des griefs légitimes liés à cette venue : elles et nous ne pouvons accepter que notre pays serve de terrain d'opérations commerciales, de promotion de transferts de matériels militaires ne respectant pas le traité sur le commerce des armes des Nations unies.
J'ajoute que ces matériels militaires sont directement ou indirectement impliqués dans les atrocités commises à Gaza et dans les territoires occupés.
Hier, le tribunal de Bobigny a rejeté l'une de ces demandes – on enjoignait à l'organisateur privé du salon de ne pas autoriser ces exposants. Ce délibéré s'inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle le juge ne peut pas interférer dans « la conduite des affaires internationales de la France » – c'est la théorie de l'acte de gouvernement.
Monsieur le ministre, tel est précisément l'objet de ma question : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de s'assurer que la France respecte ses engagements européens et internationaux relatifs au commerce d'armes avec des États en guerre ?
Votre ministère ira-t-il à l'encontre de ses obligations en autorisant l'importation de matériels militaires mis au service de la guerre et des crimes en cours dans la bande de Gaza ?
Au-delà de la promotion de ces ventes d'armes par Israël en France, la question est celle de nos ventes d'armes à Israël, armes utilisées dans ces crimes de guerre.
À vous entendre, « il n'y a pas d'armes vendues à Israël » ; mais vos dénégations se heurtent de manière brutale aux faits.
La situation à Fos-sur-Mer met au jour la poursuite des exportations d'armes vers Israël. Vous ne pouvez pas affirmer qu'elles ne participent pas aux massacres en cours.
Comptez-vous, une fois pour toutes, respecter le droit international et les engagements de notre pays en arrêtant les exportations d'armes vers Israël ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le sénateur, vous l'avez rappelé, les décisions relatives à l'organisation du salon du Bourget sont des actes de gouvernement. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), sous l'autorité du Premier ministre, y travaille avec les services du ministère des affaires étrangères et les miens. Nous poursuivons nos discussions dans la droite ligne de ce que nous avons fait jusqu'à présent.
J'en viens à une affaire plus grave : la désinformation entretenue perpétuellement quant aux ventes d'armes présumées de la France à Israël.
Je le dis et je le répète, il n'y a aucune vente d'armes françaises à Israël.
M. Fabien Gay. C'est faux !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il faut que cesse cette désinformation.
Premièrement – je le rappelle, même si c'est une évidence –, Israël est l'un des grands concurrents de nos industries de défense françaises et, par définition, Israël n'attend pas les armes françaises.
Deuxièmement, des composants français sont bien utilisés dans le cadre du dôme de fer, à savoir la défense sol-air d'Israël, et nous l'assumons. Ces composants sont destinés à des armes strictement défensives (Exclamations sur les travées du groupe GEST.), protégeant les populations civiles israéliennes…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Très bien !
M. Stéphane Ravier. Bravo !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ces populations doivent être protégées. Il s'agit là d'un élément de consensus entre toutes les formations politiques représentées au Sénat, du moins je l'espère.
Troisièmement, s'y ajoutent des pièces détachées, à des fins de réexportation,…
Mme Mathilde Ollivier. Avec quelles garanties ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. … dont la France est souvent le destinataire final.
Monsieur le sénateur, votre question me donne l'occasion de le dire une fois de plus dans l'enceinte d'une des deux assemblées, dans le cadre du contrôle parlementaire, et je vous en remercie.
Le document détaillant ces informations est classé « diffusion restreinte ». Je vais le remettre aux présidents des commissions chargées de la défense, au Sénat comme à l'Assemblée nationale. Ils y trouveront la liste exacte des livraisons de ces composants pour 2024.
Nous aurions dû remettre ce document au Parlement au mois de septembre prochain. Mais, sous l'autorité de François Bayrou, j'ai décidé de le communiquer dès maintenant. J'espère ainsi faire cesser cette désinformation qui nuit à l'intérêt général et à l'intérêt du pays. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, la mise en danger de notre pays dans une possible complicité est une faute historique. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. François Patriat. C'est faux !
M. Guy Benarroche. Le Président de la République réussit un exploit dramatique : il recule face à la nécessité impérieuse de reconnaître maintenant un État palestinien et, en même temps, il ignore le droit international applicable aux ventes d'armes utilisées dans des crimes de guerre.
M. le président. Il faut conclure.
M. Guy Benarroche. Des mandats ont été lancés par la justice internationale. Ces crimes de guerre – je pense à la famine qui sévit à Gaza – et ces crimes contre l'humanité, qu'il s'agisse de meurtres, de persécutions ou d'autres actes inhumains, sont établis, même si les responsabilités des membres du gouvernement israélien ne sont pas encore jugées. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe CRCE-K. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
conditions pour la reconnaissance d'un état palestinien
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question est simple : pouvez-vous nous rappeler les conditions posées par la France pour reconnaître un État palestinien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Roger Karoutchi, j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, la France est indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël. Elle l'a démontré en mobilisant par deux fois ses moyens militaires l'année dernière, pour soutenir Israël et lui permettre de parer les attaques balistiques iraniennes. Elle le démontre de nouveau en figurant en première ligne des efforts visant à contrer l'Iran nucléaire, à empêcher l'Iran d'accéder à l'arme atomique.
Nous en sommes convaincus depuis longtemps – c'était la position française bien avant ce gouvernement, et même bien avant l'élection du Président de la République –, à terme, la sécurité des Israéliens ne sera assurée que par une solution politique, reposant sur deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité.
Évidemment, cette solution suppose que l'ensemble des pays de la région consentent, d'une part, à normaliser leurs relations avec Israël et, de l'autre, à apporter des garanties de sécurité à Israël.
Il y a deux ans, nous y étions presque. Comme l'a rappelé M. le Premier ministre hier devant l'Assemblée nationale, l'Arabie saoudite, les États-Unis et Israël s'apprêtaient, dans la logique des accords d'Abraham, à faire aboutir cette perspective. Mais, par le massacre antisémite du 7 octobre, le Hamas a profondément fragilisé le travail accompli.
Soit nous nous résignons à cette fragilisation, mais alors nous prenons le risque que la région ne s'enfonce durablement dans une instabilité qui nuira à la sécurité d'Israël ; soit nous prenons l'initiative de créer un mouvement devant s'appuyer sur la reconnaissance de l'État palestinien par la France et par d'autres pays,…
M. Pascal Savoldelli. Oui, 149 États !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. … ainsi que sur des engagements très fermes de la part de l'Autorité palestinienne et des pays arabes de la région, pour dépasser ce que le Hamas a provoqué en menaçant cette perspective. C'est ainsi que l'on pourra réenclencher un mouvement conduisant vers cette solution politique, qui est la seule soutenable, dans l'intérêt d'Israël et du peuple israélien. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, si j'étais le Président de la République, je vous dirais : « Champion, mon frère ! », à moins que je ne fasse allusion aux brainwashers…
Comme le Président de la République, vous avez vous-même déclaré qu'il y avait quatre conditions : la libération de tous les otages (M. Francis Szpiner applaudit.) ; l'éviction complète du Hamas ; le renouvellement de l'Autorité palestinienne ; et l'accord avec les États arabes. (Mme Valérie Boyer applaudit.)
Il s'agit à mon sens d'une position raisonnable, car c'est une position d'équilibre. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.) Chers collègues, je vous ai écoutés, pas très attentivement, certes, mais je vous ai écoutés… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Aujourd'hui, aucune de ces quatre conditions n'est remplie. Or, le 18 juin prochain, le chef de l'État s'apprêterait à reconnaître l'État de Palestine, sans que l'on sache à quelles conditions, avec quels dirigeants ou avec quel gouvernement.
M. Pascal Savoldelli. En Pologne, en Hongrie, on ne pose pas la question !
M. Roger Karoutchi. Quant aux otages, seront-ils libérés d'ici là ? Évidemment non… (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Bruno Sido. Silence !
M. Roger Karoutchi. Merci de me laisser la parole.
Monsieur le ministre, je vous dis simplement ceci : le 18 juin 1940, le général de Gaulle a dit non à l'horreur nazie. Ne donnez pas le sentiment, le 18 juin 2025, que la France et son chef de l'État se soumettent à l'horreur islamiste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. Thomas Dossus. C'est une honte !
engagements pris lors de la troisième conférence des nations unies sur l'océan
M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Teva Rohfritsch. Monsieur le ministre d'État, je tiens à remercier le Président et le gouvernement de la République d'avoir placé la Polynésie française au cœur du sommet mondial pour l'océan.
Merci d'avoir mis en lumière le lien profond, à la fois culturel et viscéral, qui unit depuis trois mille ans le peuple polynésien à Te Moana nui o Hiva, l'océan Pacifique.
Nous regrettons que certaines annonces du président Brotherson aient été faites sans véritable concertation en Polynésie française, notamment avec les pêcheurs et les élus marquisiens. Mais j'ai vu hier, à Nice, un président de la Polynésie française ravi de clamer au monde sa fierté de protéger l'océan et de participer ainsi, au nom de la France, à l'agenda 2030 des Nations unies.
J'ai aussi entendu à Nice, hier, les chefs d'États indépendants de la région appeler à « plus de France » ; à plus de présence et d'accompagnement de la part de notre pays en matière d'éducation, de santé, de recherche et de développement pour leurs populations.
Mais le même jour, à New York, la représentante de Moetai Brotherson attaquait en son nom la France au Comité spécial des Vingt-Quatre (C24), après le Timor-Leste, il y a dix jours. Et hier encore, à Paris, la députée indépendantiste a cherché à vous entraîner dans la rhétorique de la décolonisation à l'Assemblée nationale. De qui se moque-t-on ?
Vous avez raison : la Polynésie n'est pas la Nouvelle-Calédonie. Quand de nombreux États du Pacifique voient leurs populations s'exiler faute de ressources économiques, nous devons concentrer notre action pour permettre à notre jeunesse de continuer à vivre son océan, son fenua, dans le cadre stable et protégé qu'offre la République.
Pour cela, notre jeunesse a besoin de formation, d'innovation, d'activité et d'emplois. Or ce n'est pas en rouvrant les sempiternels débats sur la décolonisation, ce n'est pas en ressassant le passé que l'on va nourrir nos familles et permettre à nos jeunes de s'épanouir au fenua.
Ne vous laissez pas abuser par ceux qui cultivent le double langage ; par ceux qui vous caressent dans le dos à Nice pour mieux vous tacler à Bakou ou à Genève.
Monsieur le ministre d'État, la priorité n'est-elle pas d'être aux côtés de nos institutions polynésiennes pour bâtir, depuis nos aires marines éducatives jusqu'à l'université, une économie bleue qui accompagne notre jeunesse vers l'excellence, la responsabilité et l'innovation ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Teva Rohfritsch, vous étiez à nos côtés hier à Nice, où se trouvaient réunis le Président de la République et plusieurs chefs d'État et de gouvernement du Pacifique.
La contribution de la Polynésie française à la Conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc) a été capitale et particulièrement remarquée. Le Président de la République a eu l'occasion de le souligner : la Polynésie, citée en exemple, a contribué au succès de ce rendez-vous en nourrissant le discours concret de la France.
L'océan est nécessaire à la vie. C'est notre bien commun, et nous devons le préserver. À cet égard, la Polynésie a joué son rôle, en parfaite coopération avec l'Élysée et le Gouvernement. Vous avez raison de le souligner, il n'y a pas de place pour les doubles discours.
De plus – vous l'avez rappelé –, chaque territoire ultramarin a sa propre histoire. C'est la raison pour laquelle la France a contesté, en 2013, la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes établie par les Nations unies, alors qu'elle l'a acceptée pour la Nouvelle-Calédonie.
Vous le savez, je me rendrai en Polynésie au mois de juillet prochain, afin de mettre en lumière les forces et les réussites de ce territoire. Nous parlerons des prochains jeux du Pacifique. Nous parlerons surtout des dossiers qui intéressent les Polynésiens dans leur vie quotidienne, à savoir l'économie bleue, les problèmes de sécurité, les problèmes relatifs à la pêche, le changement climatique, les questions de santé et les attentes de la jeunesse.
Monsieur le sénateur, j'ai entendu votre déclaration d'amour à la France. Sachez que nous avons tous la Polynésie au cœur et que nous entendons tous réaffirmer, moi le premier, le lien puissant entre la Polynésie et la France. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
agences de l'eau et loi assouplissant les compétences « eau et assainissement »
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Alain Marc. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Monsieur le ministre, j'ai été rapporteur de la proposition de loi sur l'eau et l'assainissement ; grâce au Sénat, qui a livré bataille pendant plusieurs années, ce texte a enfin été adopté. Désormais, les communes ont le choix de donner ou non cette compétence à l'intercommunalité. Elles sont libres, et c'est la marque du Sénat.
Toutefois, nous devons faire face à un nouveau problème, et il est de taille : pour accorder leur aide aux communes, certaines agences de l'eau exigent qu'elles aient transféré cette compétence à l'intercommunalité.
Vous comprendrez que cette façon de faire offusque nombre d'élus locaux et que nous, législateurs, nous sentions particulièrement floués.
En procédant ainsi, ces agences de l'eau entravent la liberté de choix des communes. Elles vont donc à l'encontre de ce texte de loi.
M. Bruno Sido. C'est scandaleux !
M. Alain Marc. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que les agences de l'eau respectent toutes la loi et son esprit ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Alain Marc, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de l'important travail que vous avez accompli lors de l'élaboration de la loi « eau et assainissement ».
Au cours de l'examen de ce texte, le Gouvernement n'a cessé de défendre la même ligne, que j'ai eu l'occasion de rappeler moi-même dans cet hémicycle. Il s'agit de concilier la pérennisation des transferts déjà achevés, par une forme de mutualisation, et la souplesse de gestion que le Parlement et notamment le Sénat, sous votre impulsion, ont demandé à raison, pour que nos territoires disposent d'outils adaptés à leurs spécificités.
C'est tout l'objectif de cette loi, qui supprime l'obligation, pour les communes, de rejoindre à ce titre une intercommunalité. Le texte en question a donc toute son importance.
J'ai confirmé ici même l'engagement pris devant le Sénat par l'ancien Premier ministre : les communes garderont la liberté de déléguer ou non cette compétence.
Pour autant, on ne saurait nier les besoins de mutualisation observés dans de nombreuses communes de France. En outre, l'intercommunalité permet aussi aux communes de participer à l'élaboration des projets de gestion de l'eau.
Vous m'interrogez plus précisément au sujet des agences de l'eau.
L'eau – j'en suis sincèrement convaincu – ne peut se gérer uniquement par commune.
L'eau se gère par bassin. Vous le savez très bien, il y a six bassins hydrographiques en France, auxquels correspondent six agences de l'eau… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)