M. François Bonhomme. Ce n'est pas la question !
M. François Rebsamen, ministre. Ces agences sont des établissements publics à caractère administratif, instances où, par définition, siègent des élus. Elles doivent bien entendu respecter la loi, comme toute organisation à caractère administratif.
M. François Bonhomme. Et donc ?
M. François Rebsamen, ministre. Votre question nous donne l'occasion de rappeler que les agences de l'eau jouent un rôle spécifique ; qu'elles assurent une organisation à l'échelle des bassins ; et que les communes, seules, auront bien du mal (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) à assumer cette compétence, sauf situation particulière.
Cela étant, je tiens à vous féliciter de nouveau pour tout le travail que vous avez accompli. (M. François Patriat applaudit. – Protestations sur les travées du groupe UC. – Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.
M. Alain Marc. Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question.
Nous travaillons, avec Christine Lavarde, sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, dans le cadre d'une commission d'enquête. Or il est inadmissible que, dans un État de droit, les agences ne se comportent pas dans le respect de la loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Viviane Artigalas et M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
Étant donné que les présidents d'agence sont nommés par le Président de la République, une mise au pas – je suis navré d'employer cette expression – serait nécessaire. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Vous avez dit que l'eau ne pouvait « se gérer uniquement par commune ». Cependant, certaines d'entre elles peuvent agir seules. L'enjeu n'est donc pas celui-là : il s'agit du respect de la loi. Or comment voulez-vous que les Français respectent les votes du Parlement si les agences de l'eau, qui dépendent de l'État, ne s'y plient pas ? C'est tout simplement inadmissible ! Nous comptons sur vous pour rétablir le droit et faire appliquer ce que nous avons voté. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
« taxe zucman »
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Philippe Grosvalet. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, la semaine dernière, lorsque vous étiez auditionné par la commission des affaires économiques, je vous interrogeais sur la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches. C'est demain que nous examinerons ce texte, qui concerne celles et ceux qui possèdent un patrimoine supérieur à 100 millions d'euros.
Selon les travaux de Gabriel Zucman, que vous qualifiez vous-même de « brillant économiste », ces immenses fortunes échappent au caractère progressif de l'impôt sur le revenu. Vous m'aviez alors répondu, entre autres, craindre l'exil fiscal, relayant ainsi un sempiternel refrain que réfutent pourtant un ensemble d'études scientifiques, à l'instar de la tribune, publiée ce matin même dans Le Monde, cosignée par Gabriel Zucman, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry.
Je pense, au contraire, qu'une telle imposition serait l'occasion, pour ces très grandes fortunes, de faire valoir très concrètement leur fibre patriotique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, comment expliquerons-nous aux près de 40 millions de foyers fiscaux français que les 0,005 % des contribuables les plus fortunés seraient exemptés de l'effort demandé à la Nation ? Comment leur expliquerez-vous que vous vous apprêtez à mettre en œuvre la TVA dite sociale tout en nous privant d'un potentiel de recettes de 20 milliards d'euros ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – M. Franck Dhersin et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Philippe Grosvalet, quel est le défi auquel notre pays doit faire face ? C'est de produire plus !
En effet, le PIB par habitant est maintenant de près de 20 % plus faible en France que chez nos voisins en Europe, alors même que notre niveau de dépense publique est supérieur. Or si nous voulons produire plus, nous avons besoin d'entreprises et d'entrepreneurs. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Voilà pourquoi, sous l'autorité du Premier ministre, nous élaborons des mesures, qui seront dévoilées à la mi-juillet, visant à soutenir les entreprises sans alourdir l'impôt sur les entreprises et sur les personnes. (M. Akli Mellouli s'exclame.)
J'ai lu la tribune que vous avez mentionnée et je confirme mon respect pour Gabriel Zucman. Cependant, si une telle taxe était mise en place, nous nous exposerions à deux risques.
Le premier est que, vu le niveau d'imposition proposé, les entrepreneurs doivent vendre, petit à petit, des parts de leur entreprise. (Protestations renouvelées sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Bien sûr que oui !
Le second risque, qui est le principal, quoi qu'en disent les uns et les autres, est celui de la délocalisation.
M. Rachid Temal. Un peu de sérieux !
M. Mickaël Vallet. Les voilà, les patriotes, les vrais !
M. Éric Lombard, ministre. En effet, tout comme moi, vous avez constaté l'ampleur des délocalisations qui ont eu lieu lorsque, à deux reprises, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) était importé dans notre pays, entraînant le départ de nombreux patrimoines. Aujourd'hui, avec la libéralisation de toutes les règles et la concurrence fiscale entre les pays, à n'en pas douter, nous assisterions à l'exil des grandes fortunes, ce qui serait préjudiciable à l'investissement comme à nos ressources fiscales.
Cela étant, nous réfléchissons à la contribution des patrimoines importants à l'effort d'ensemble. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Je vous concède ce point, monsieur le sénateur. C'est pourquoi, avec ma collègue Amélie de Montchalin, je cherche à traiter les niches privilégiant ceux qui ont déjà les avantages de la fortune et des revenus. Nous préférons, dans ce cadre, les mécanismes de lutte contre la suroptimisation aux mesures qui risqueraient de priver notre pays de son avantage en termes d'attractivité, puisqu'il est la première destination pour les investissements en Europe depuis maintenant six ans. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. Patrick Kanner. Il faut un engagement !
M. Hussein Bourgi. Cela fait six mois qu'on attend !
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour la réplique.
M. Philippe Grosvalet. Au début du siècle dernier, mon groupe parlementaire accueillait une figure majeure de l'histoire des réformes fiscales de notre pays : Joseph Caillaux, ministre des finances et longtemps président de la commission des finances, ici même.
M. Emmanuel Capus. Cela n'a rien à voir avec la question !
M. Philippe Grosvalet. Il lui aura fallu batailler pendant de longues années pour convaincre le Sénat du bien-fondé de l'impôt sur le revenu, alors que les députés l'avaient voté cinq ans plus tôt.
M. Emmanuel Capus. Rien à voir !
M. Philippe Grosvalet. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la nuit porte conseil…
M. le président. Il faut conclure : le temps aussi porte conseil !
M. Philippe Grosvalet. Il nous reste vingt-quatre heures : n'attendons pas cinq années de plus, cinq années de trop, pour voter une telle mesure ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes GEST et SER. – Mmes Élisabeth Doineau et Nathalie Goulet applaudissent également.)
crise au proche-orient
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Gisèle Jourda. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, la France coorganisera, avec l'Arabie saoudite, la conférence qui se tiendra aux Nations unies du 17 au 20 juin prochain. Or, selon des sources diplomatiques, le Royaume-Uni et la France insisteront non plus sur la reconnaissance d'un État palestinien, mais plutôt sur la définition des étapes vers la reconnaissance de l'État de Palestine. Celle-ci dépendra d'une série de mesures et de concessions de la part des Palestiniens.
Je rappelle que 149 États ont reconnu, sans condition, l'État palestinien. Ma question est donc simple, monsieur le ministre : quelle position la France entend-elle finalement défendre lors de ce sommet ? Pourquoi tergiverser ? Pourquoi refuser de débattre de vos intentions avec la représentation parlementaire à l'occasion d'une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, qui vous a été maintes fois demandée à l'Assemblée nationale comme au Sénat ?
Monsieur le ministre, vous avez déclaré, la semaine dernière, qu'il « existe un autre chemin ». À une semaine de ce sommet, ne s'agirait-il pas plutôt d'une impasse ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, en effet, il n'y a que deux chemins possibles : l'état de guerre permanent, d'un côté, et la solution politique, plus exigeante, plus difficile, de l'autre.
C'est cette dernière que la France défend depuis toujours. Comme je l'ai dit précédemment, elle était en passe d'aboutir il y a un peu moins de deux ans, avant que le Hamas ne se rende coupable du plus grand massacre antisémite de notre histoire depuis la Shoah.
Face à cette situation, se présentent donc deux chemins. L'un d'entre eux consisterait à nous résigner. J'ai ainsi cru comprendre que Roger Karoutchi semblait prescrire, lors de son intervention, l'inaction, mais peut-être ai-je mal compris… (M. Roger Karoutchi proteste.) Cette option-là est cependant porteuse de grands risques : en effet, si nous ne faisons rien, la solution politique pourrait être définitivement écartée, alors qu'elle est déjà plus lointaine et fragilisée que jamais depuis les accords d'Oslo, en 1993. (M. Fabien Gay s'exclame.)
L'autre chemin est la solution politique. À un moment où Gaza est quasiment détruite, où la colonisation s'accélère en Cisjordanie, où les États-Unis semblent se désintéresser de la question et où l'on ressent une forme de résignation dans un grand nombre de pays arabes, nous jouons notre rôle, nous sommes à notre place en reprenant l'initiative.
C'est tout l'objectif de cette conférence, que nous avons préparée en affirmant notre détermination à reconnaître l'État de Palestine. Il s'agit ainsi d'enclencher un mouvement qui implique et qui engage la Palestine, du moins l'Autorité palestinienne, ainsi que les pays arabes. Ces derniers doivent, eux aussi, prendre des engagements.
Mme Raymonde Poncet Monge. Et Israël ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Ils doivent formuler des déclarations dénonçant les actes du 7 octobre et désignant le Hamas pour ce qu'il est : un mouvement terroriste. Ils doivent s'engager à contribuer et à concourir à la sécurité d'Israël, au redressement de Gaza et de l'État de Palestine à venir. Sans cela, la reconnaissance de la part d'un pays comme la France sonnerait creux. C'est cette dynamique collective que nous voulons susciter à New York et c'est dans cet esprit que nous travaillons. (MM. François Patriat et Bernard Fialaire applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour la réplique.
Mme Gisèle Jourda. Monsieur le ministre, non, la reconnaissance de la Palestine par France ne sonnerait pas creux. Nous sommes dans un pays où sont nés les droits de l'homme. Alors que, l'année dernière, des États comme l'Espagne ont reconnu la Palestine sans condition, je ne comprends pas votre position. Certes, vous vous référez au 7 octobre, mais les problèmes ne remontent pas à cette date, monsieur le ministre ! (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Eh oui !
Mme Gisèle Jourda. Les Palestiniens meurent depuis longtemps et leur situation est devenue intenable. Le temps de vous retourner, il n'y aura plus aucun Palestinien dans la bande de Gaza. Est-ce là ce que vous voulez ? Moi, non ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
situation en israël et à gaza
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Depuis dix semaines, Gaza étouffe sous un blocus alimentaire meurtrier. Quelques maigres distributions sont certes organisées pour la forme, par une organisation proche d'Israël et des États-Unis. Ces distributions tournent souvent au carnage, l'armée israélienne n'hésitant pas à tirer sur la population affamée.
Gaza agonise, monsieur le ministre, avec deux millions de vies au bord de la famine et plus de 52 000 personnes massacrées, dont 15 000 enfants. Le gouvernement Netanyahou poursuit, quant à lui, son plan de conquête totale de la bande de Gaza, au prix d'une accélération des massacres de civils. Cette opération doit achever la destruction du territoire, commencée il y a deux ans avec, à terme, la déportation de sa population vers des pays tiers.
Pourtant, en 2024, la Cour internationale de justice a publié trois ordonnances dénonçant la situation à Gaza comme un génocide imminent. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, nous assistons à un génocide, mais ces décisions ont été ignorées par le gouvernement israélien.
Dimanche dernier, l'acte de piraterie contre le navire Madleen, avec son arraisonnement, la détention de son équipage, alors qu'il était hors des eaux territoriales d'Israël, constitue un crime supplémentaire commis par l'occupant israélien.
Je salue l'initiative du Madleen, qui est, certes, loin d'être purement humanitaire, ainsi que la détermination de ses membres à naviguer vers Gaza, malgré les menaces israéliennes : ils sont venus constater le génocide en cours. Mes collègues et moi-même appelons à élargir et à poursuivre les mouvements de solidarité afin de briser le siège de Gaza et d'intensifier l'isolement de l'État israélien.
Monsieur le ministre, face à cette horreur, que fait la France ? Quand les otages français, dont une députée de la République, seront-ils libérés ? (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Les otages ne sont pas en Israël !
M. Jean-Pierre Corbisez. Pourquoi le Gouvernement français, alors que la justice ne peut le faire, n'a-t-il pas exclu les exposants militaires israéliens du prochain salon du Bourget ?
Les bavardages, monsieur le ministre, doivent laisser la place à une action ferme et résolue. La France doit parler d'une voix forte pour briser le siège de Gaza et mettre fin à ce génocide. Nous ne pouvons plus détourner les yeux, monsieur le ministre. L'Histoire jugera les nations complices par leur silence ou leur inaction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous réponds parce que je trouve inacceptable qu'un certain nombre de forces politiques utilisent, pour désigner les trois ou quatre personnes détenues depuis deux jours en Israël, le mot d'otage. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Je veux rappeler simplement les faits. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Après l'arraisonnement de ce navire, les six Français à bord se sont vu offrir la possibilité de rentrer dans notre pays immédiatement, ce qu'un certain nombre d'entre eux ont refusé.
Mme Cécile Cukierman. C'est scandaleux !
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le Sénateur, si les vrais otages, ceux qui sont détenus à Gaza, s'étaient vus offrir la possibilité de rentrer dans leur pays immédiatement, je vous assure qu'ils l'auraient fait, et que l'on n'utiliserait plus le mot d'otage pour eux. Il est inacceptable d'instrumentaliser les événements de cette manière ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme Cécile Cukierman. Vous récrivez l'histoire ! (Les membres du groupe CRCE-K se lèvent et quittent l'hémicycle, sous les huées du groupe Les Républicains.)
surveillante tuée par un collégien (ii)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Marie Nédélec. Madame la ministre d'État, hier, le 10 juin, vous étiez à Nogent.
En effet, ce même jour, à huit heures quinze, dans cette petite commune tranquille de Haute-Marne, dont j'ai été l'élue pendant près de trente-cinq ans, l'indicible s'est produit : un collégien de 14 ans a poignardé de sang-froid, à plusieurs reprises, une assistante d'éducation sous les yeux des gendarmes, lors d'un contrôle inopiné des cartables. Elle n'a pas survécu.
Mélanie était la maman d'un petit garçon de 4 ans, appréciée dans son travail, conseillère municipale de son village. Je vous remercie, mes chers collègues, de l'hommage qui vient de lui être rendu. Mes pensées vont à sa famille, à ses collègues, aux élèves, dont beaucoup ont vécu l'agression en direct, mais aussi aux parents de l'agresseur, les deux familles se connaissant.
Ce n'est pas qu'une question de moyens : les forces de l'ordre étaient sur place. Le collège Françoise-Dolto, qui ne compte que 320 élèves, est bien doté, avec une équipe pédagogique stable, soudée et très investie dans de nombreuses actions de prévention, au service des élèves. L'agresseur est décrit comme un élève brillant, bien intégré, ne présentant aucun des signaux faibles qui auraient pu susciter l'alerte.
Nogent a connu, hier, non pas un énième fait divers, mais bien un drame que rien, ni le cadre scolaire ni le cadre familial, ne laissait prévoir.
Comme vous l'avez dit, madame la ministre d'État, « on ne doit légiférer ni à chaud ni dans l'émotion ». Pourtant, lorsque l'on ne nomme pas clairement un problème, on ne peut pas y apporter de solution. Madame la ministre d'État, comment protéger concrètement et rapidement nos enfants de cette violence, de ce poison qui les nourrit quotidiennement et leur fait perdre le sens du réel ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et RDSE. – Mme Corinne Bourcier et M. Rémi Féraud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Avant de vous répondre, madame la sénatrice Anne-Marie Nédélec, je voudrais de nouveau adresser toutes mes condoléances à la famille de la jeune femme assistante d'éducation qui a perdu la vie hier au collège Françoise-Dolto, à Nogent.
J'ai tenu à me rendre sur place, où nous avons pu, madame la sénatrice, exprimer tout notre soutien aux élèves, aux professeurs, aux personnels, aux parents, bouleversés par ce drame.
Cet acte effroyable nous invite à nous interroger sur les moyens d'endiguer la violence chez les jeunes. Cela passe, en premier lieu par une action résolue, comme l'a évoqué M. le Premier ministre, pour interdire l'acquisition d'armes blanches par les mineurs et pour empêcher toute introduction de celles-ci dans les établissements scolaires. Tel est le sens de l'instruction que j'ai signée, avec Bruno Retailleau, au début du mois de mars, tendant à demander aux préfets et aux recteurs d'organiser des fouilles aux abords des établissements scolaires. Ainsi, plus de 6 000 opérations ont été réalisées depuis. Chaque fois qu'une arme est saisie, un conseil de discipline est réuni et un signalement est transmis au procureur.
Ces opérations sont complémentaires de la sensibilisation qui doit être menée, en lien avec les référents police et gendarmerie, sur la dangerosité des armes. Cette démarche s'inscrit, plus globalement, dans l'ensemble des actions d'éducation et de prévention que nous menons, notamment dans le cadre de l'enseignement moral et civique.
Nous agissons aussi sur le plan de la santé mentale, avec le ministre Yannick Neuder, notamment grâce au déploiement de plans de repérage et de prise en charge des élèves en souffrance psychique.
Mme Jocelyne Guidez. Bravo !
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Enfin, nous connaissons l'effet néfaste des écrans et des réseaux sociaux. C'est pourquoi j'ai décidé de généraliser la pause numérique dans tous les collèges dès la prochaine rentrée. En outre, comme le Président de la République l'a évoqué, nous devons agir pour interdire l'accès des jeunes de moins de 15 ans aux réseaux sociaux.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Naturellement, sur tous ces sujets, nous avons besoin des familles et de tous les partenaires de l'école. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec, pour la réplique.
Mme Anne-Marie Nédélec. Ne confondons pas causes et conséquences. Pourquoi la santé mentale des jeunes s'est-elle autant dégradée ? Les mesures ponctuelles ne suffiront pas.
Je suis du pays du couteau. Des couteaux, il y en a partout, dans toutes les cuisines, dans tous les ateliers. Mais on ne les utilisait pas comme cela. Le problème de fond, ce n'est pas le couteau !
Bien sûr, il faut renforcer les contrôles et la sévérité des peines. Mais pouvons-nous livrer quotidiennement nos jeunes à des réseaux, à des sites qui diffusent en toute liberté – pis, parfois au nom de la liberté –, des contenus d'une violence inouïe, poussant au meurtre ou au suicide ?
Nous n'avons plus le temps d'attendre un éventuel accord européen. Il s'agit d'un grave problème de société qu'il nous faut traiter comme un tout. Chacun doit prendre sa responsabilité, que ce soit l'État, l'éducation et les familles. (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mmes Mireille Jouve, Laurence Rossignol et M. Éric Jeansannetas applaudissent également.)
politique environnementale
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Madame la ministre, depuis Nice, Emmanuel Macron s'érige en grand défenseur des océans, mobilise la communauté internationale et vante son leadership.
Pendant ce temps, en France, le réel tangue : réintroduction des pesticides interdits, suppression des zones à faibles émissions et, désormais, suspension brutale de MaPrimeRénov'. « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas » : l'engagement pris en 2022 à Marseille n'est plus qu'un souvenir dissipé par les courants budgétaires.
Résultat : des millions de ménages modestes vont renoncer à rénover leur logement. Des artisans du bâtiment, déjà fragilisés, vont voir leurs carnets de commandes se vider. Dans les zones les plus polluées, les habitants continueront de respirer un air vicié, faute de politiques de mobilité urbaine. Et nos agriculteurs, eux, doivent composer avec un brouillard réglementaire où l'on autorise d'une main les insecticides que l'on avait interdits de l'autre.
Mais le plus sidérant, c'est que ce même Président de la République, celui-là même qui a dissous l'Assemblée nationale il y a déjà un an, reproche aujourd'hui à son propre gouvernement ainsi qu'aux parlementaires qui sont proches de lui les reculs qu'il a lui-même rendus possibles. Depuis Nice, il fustige la destruction des politiques écologiques, qu'il a pourtant laissées s'éroder dans un silence prolongé. Il appelle à maintenir un cap après avoir sabordé la boussole… À l'international, on sermonne ; à domicile, on détricote.
Ma question est simple : quelles mesures concrètes prendrez-vous, ici et maintenant, pour que les classes les plus modestes ne soient plus les variables d'ajustement de votre renoncement écologique, lequel résulte des plus de 1 000 milliards d'euros de dettes dont vous êtes les comptables ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Pierre-Alain Roiron, je vous remercie de votre interpellation, car elle touche en réalité à l'un des engagements les plus importants du Gouvernement. Non, monsieur le sénateur, le Gouvernement ne recule pas et n'a pas l'intention de le faire. (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Mais cette majorité, oui !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Il s'adapte aux réalités, il ajuste ses politiques publiques, qu'il évalue, mais il avance. Il avance résolument vers un modèle sobre en carbone, plus respectueux de la biodiversité, plus en phase avec les réalités économiques et sociales de notre pays.
Mme Laurence Rossignol. Vraiment ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Tous ensemble, nous avons engagé des transformations profondes dans tous les secteurs. Ainsi, dans le domaine des mobilités, nous avons procédé à des investissements sans précédent dans les transports en commun et nous avons favorisé l'essor de la filière électrique en France, avec un plan Vélo massif.
Pour les océans, dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc), nous avons porté haut la voix de la France pour sanctuariser, par exemple, les aires marines protégées. Grâce à notre action, les zones de protection forte sont passées de 0,1 % à plus de 4 % de notre zone économique exclusive. Et ce n'est qu'un début !
Dans le bâtiment, secteur qui représente 10 % de nos émissions de gaz à effet de serre, l'effort est également massif. Cependant, monsieur le sénateur, il doit être maîtrisé pour être soutenable et pérenne au regard de nos finances publiques. C'est la raison des ajustements opérés sur MaPrimeRénov', qui tendent à en assurer l'efficacité, à éviter les abus et à répondre concrètement aux attentes des Français.
S'adapter aux contraintes des Français, c'est non pas renoncer, mais chercher un chemin pour atteindre notre objectif de façon efficace. L'écologie que nous défendons tous ensemble, nous la voulons positive, nous la voulons concrète, nous la voulons ambitieuse et nous la voulons partagée par les Français. C'est une écologie du quotidien, qui protège les plus vulnérables sans faire peser le poids de la transition sur les épaules de ceux qui ont le moins de marge.
Mme Laurence Rossignol. C'est pour la postérité !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. C'est aussi une écologie compétitive pour nos entreprises, pour nos chercheurs, pour nos territoires qui innovent.
La réduction de l'empreinte carbone est non pas un frein, mais une occasion de consommer mieux, de produire autrement et de créer de l'emploi local. Monsieur le sénateur, ce qui est en jeu, c'est la souveraineté, la santé et la prospérité de notre pays.
Nous ne fermons pas les yeux. Personne ne ferme les yeux, ni le président de la République, ni les membres du Gouvernement, ni, je le sais, ceux de cette assemblée. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Michaël Weber. Nous voilà sauvés !