M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, sur l'article.

Mme Anne Chain-Larché. Nous entendons les arguments avancés et admettons volontiers que le texte ne soit pas abouti.

Cependant, les départements ne sont pas le bassin versant ! Ils ne le sont pas plus que les EPCI ou que les syndicats de communes. Or, aujourd'hui, les frontières doivent être compatibles avec les bassins versants.

Je prends l'exemple de notre département de la Seine-et-Marne, qui, comme vous le savez, protège Paris : ses limites sont déjà trop étroites pour régler le problème dans sa totalité ! Malgré tout, ce que nous constatons, et ce que nous avons noté à quatre reprises en 2024, c'est que les communes et les syndicats de communes sont désemparés.

Aussi, nous avons ressenti le besoin d'adresser aujourd'hui un signal fort face à une forme d'immobilisme, de la part de l'État, mais aussi, je tiens à le dire, du Sénat, même si je veux bien entendre qu'un travail approfondi est mené par ailleurs. Ce signal d'un soutien possible devait être envoyé depuis le Sénat.

Le texte ne prévoit pas d'obligation, contrairement à ce qu'avaient malheureusement fait les lois NOTRe et Maptam : il offre aux territoires la possibilité de confier la compétence Gemapi à un département, dont les moyens logistiques et le poids dans les débats sont accrus. Cette évolution nous paraît indispensable.

Je souscris sans réserve à ce qui a été dit sur la taxe, et c'est la raison pour laquelle l'article 3 renvoie la balle dans le camp du Gouvernement. Il faut que nous ayons une vision claire de cette taxe, dont on sait qu'elle peut varier, selon les territoires, entre zéro euro et 40 euros dans certains cas.

Il y a là un véritable enjeu de solidarité. Il faut que nous fassions preuve de solidarité, faute de quoi nous devrons, à terme, créer des impôts inondation, comme nous avons jadis créé des impôts sécheresse. Il faut responsabiliser les territoires et leur permettre de disposer d'une logistique plus importante.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2

Après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Romagny et Nadille, M. Canévet, Mmes Patru et Aeschlimann, M. Naturel, Mmes Lermytte et Hybert, MM. Chasseing, Genet, Menonville, J.-P. Vogel et Wattebled et Mme Gacquerre, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le III de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« … - Les collectivités et leurs groupements compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations dérogent au calendrier d'entretien inséré dans leur déclaration d'utilité publique en cas de circonstances météorologiques et hydrauliques mettant en péril la prévention contre les inondations. Celles-ci doivent être dûment motivées un mois avant les travaux auprès du préfet du département et de l'Office français de la biodiversité. »

La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. Cet amendement vise à autoriser les dérogations au calendrier annuel d'entretien des cours d'eau, afin de permettre des mesures de prévention contre les inondations.

Il s'agit de permettre que les collectivités et leurs syndicats gémapiens, et eux seuls, puissent déroger de droit, si je puis dire, au calendrier, afin de procéder à des travaux de prévention des inondations, en faisant confiance au sens des responsabilités des élus locaux.

Les précipitations et les crues de ces dernières années ne permettent pas l'entretien des berges : les cours d'eau sont chargés et les berges immergées, ce qui rend les interventions impossibles. Plus exactement, celles-ci sont possibles techniquement au printemps et à l'été, quand l'eau recule, mais impossibles juridiquement à ce moment, puisque le calendrier d'entretien des rivières permet les interventions entre octobre et mars, lorsque l'eau est à son niveau le plus haut – donc lorsque les interventions sont impossibles techniquement… Le calendrier est ainsi devenu une norme contraignante.

De plus, les entreprises compétentes en matière de travaux de rivière, qui se font de plus en plus rares, sont obligées d'allonger leurs délais d'intervention. Un nombre croissant d'interventions doivent donc être réalisées en un temps restreint.

Il se trouve que j'ai évoqué le problème hier, à l'occasion d'une question orale. La ministre m'a répondu que la taille des haies par les agriculteurs était encadrée pour la nidification des oiseaux, avant de se reprendre et de me parler cette fois du calendrier des rivières, en me disant que des adaptations étaient possibles. Mais que faire lorsque le préfet du département ne donne pas de réponse ?

La situation actuelle est complexe. Il faut de la souplesse réglementaire pour s'adapter aux conditions météorologiques et hydrauliques des rivières.

J'ai confiance en la responsabilité des élus. À cet égard, je pense que la transmission d'une information motivée à l'Office français de la biodiversité (OFB) et au préfet un mois avant les travaux nous permettra de trouver, ensemble, des axes d'intervention intéressants pour la biodiversité. Bien évidemment, il nous faut des garde-fous, mais il ne faut pas non plus que l'on se contraigne et que l'on se tire une balle dans le pied !

Je pense, par exemple, dans mon département, à des installations de vannage qui sont sur le point de céder depuis deux ans. Il est temps de procéder aux travaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Le constat de notre collègue Anne-Sophie Romagny est tout à fait juste. De nombreuses collectivités connaissent de véritables difficultés concernant l'entretien de ces cours d'eau.

Cependant, je pense que la rédaction de l'amendement aurait peut-être gagné à coller un peu plus à la réalité. En effet, l'amendement tend à prévoir des dérogations systématiques, alors que la possibilité d'adaptations au cas par cas existe déjà. De ce point de vue, on pourrait considérer que l'amendement est satisfait.

Par ailleurs, une information préalable de M. le préfet et de l'Office français de la biodiversité un mois avant la réalisation des travaux paraît peu pertinente compte tenu de la soudaineté des inondations et des intempéries visées.

Néanmoins, je sais que notre collègue est tenace dans sa recherche de réponses ! (Sourires.) Elle ne les a obtenues ni hier, lors de la séance de questions orales, de la part de la ministre Clara Chappaz, qui lui a d'ailleurs répondu alors que le sujet ne relevait pas de son périmètre d'intervention, ni de la part des ministres qu'elle a interrogés via des questions écrites.

Nous aurons peut-être l'occasion aujourd'hui de connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet… J'émets donc un avis de sagesse sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Madame la sénatrice Romagny, vous signalez que les intempéries pluvieuses, qui s'étalent de plus en plus de la fin de l'hiver jusqu'au printemps, empêchent les syndicats chargés de l'entretien des cours d'eau de bien respecter les dates d'intervention sur les ripisylves préconisées dans leurs arrêtés de déclaration d'intérêt général.

Je vous confirme tout mon soutien à la facilitation de la réalisation des interventions d'entretien de cours d'eau et, plus largement, de restauration des fonctionnalités de nos cours d'eau menées par ces syndicats de rivière.

Je comprends votre souhait que les périodes d'intervention puissent être adaptées au cas par cas, en fonction de la situation pluviométrique et hydrologique.

Vous l'avez rappelé, dans les arrêtés de déclaration d'intérêt général, des dates étaient souvent préconisées pour la réalisation de ces interventions. Elles sont rarement obligatoires. Elles sont parfois relativement souples : aucun jour précis n'est fixé. Il est donc déjà possible de ne pas strictement respecter ces périodes et de s'adapter aux conditions de l'année en cours.

Enfin, ces prescriptions peuvent très bien faire l'objet de modifications et d'adaptations, à la demande du bénéficiaire ou sur l'initiative du préfet.

Tous les syndicats de rivière peuvent donc déjà demander au préfet de fixer des modalités d'adaptation du respect de ces préconisations en cas d'intempéries et de situations défavorables à des interventions indispensables sur les ripisylves.

J'insiste néanmoins sur l'importance du respect de la période de nidification, qui vaut encore plus pour les espèces protégées potentielles : les adaptations devront rester encadrées et précautionneuses pour sécuriser la réalisation des travaux.

Il me semble, madame la sénatrice, que votre amendement est satisfait et qu'il n'est pas nécessaire d'ouvrir dans la loi la possibilité de déroger largement aux prescriptions des arrêtés préfectoraux.

Je vous invite donc à bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j'y serais défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. J'entends bien vos arguments, madame la ministre, mais il s'agit de faire confiance aux élus !

Aujourd'hui, le calendrier doit être respecté par les entreprises, les collectivités et les syndicats, qui s'exposent à un risque d'amende et de sanctions pénales. Il n'est qu'une recommandation pour les particuliers, ce qui est quelque peu différent.

J'entends que l'on peut déjà déroger, mais que fait-on quand le préfet ne donne pas de réponse ?

Étant quelqu'un de très ouvert, je comprends bien qu'il faille protéger notre biodiversité et veiller à la nidification… Mais, le jour où le vannage cédera, comme dans ma commune – un vannage, qui date de 1901, est prêt à céder depuis deux ans, sans que l'on puisse faire les travaux nécessaires ! –, ce sont toutes les populations en aval qui seront inondées. Dira-t-on alors qu'il fallait protéger les oiseaux ?

Bien évidemment, j'entends que des garde-fous sont nécessaires, mais je pense que nous devons faire confiance aux élus locaux. Il ne s'agit pas d'ouvrir les vannes pour le plaisir ! Il ne s'agit pas d'accorder automatiquement une dérogation à chaque demande. Il s'agit de faire une exception uniquement quand les collectivités le demandent.

Les élus locaux ne sont tout de même pas complètement inconscients ! Il est de la responsabilité des maires de protéger leur population. Je souhaite bon courage à ceux qui devront leur expliquer que leur population a été inondée parce que l'on ne pouvait pas déroger au calendrier, ou parce qu'il fallait attendre une réponse du préfet, qui n'est jamais venue… Je pense que nous prenons aujourd'hui un risque inconsidéré.

C'est pourquoi je maintiens mon amendement, madame la ministre.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Je voterai l'amendement de bon sens de ma collègue Romagny.

Je vous pardonne, madame la ministre : vous êtes ministre de la ville, et chacun sait qu'il y a peu de cours d'eau dans les quartiers populaires… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Toutefois, que Paris écoute un peu le bon sens des territoires ! Ils ont l'habitude des cours d'eau.

Madame la ministre, n'écoutez pas vos administrations centrales, qui sont parfois bien déconnectées. Écoutez plutôt les élus locaux si vous voulez aller dans le bon sens !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. La loi est conçue précisément pour permettre aux élus locaux d'interpeller les préfets et d'obtenir une adaptation, donc une dérogation au texte. Mais le préfet doit évidemment vous répondre, madame la sénatrice !

Mme Anne-Sophie Romagny. Ce n'est pas le cas !

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Si ce n'est pas le cas, écrivez-nous ! Nous nous en occuperons. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Je rappelle que la commission s'en remet à la sagesse du Sénat et que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 309 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 260
Pour l'adoption 241
Contre 19

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Merci, mes chers collègues !

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

Après l'article 1er
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Article 2 bis (nouveau)

Article 2

Le deuxième alinéa de l'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des mesures visant à lutter contre le ruissellement et l'érosion des sols peuvent également être prévues dans le cadre du zonage mentionné au même article L. 2224-10, dès lors qu'elles présentent un lien avec la prévention des inondations. – (Adopté.)

Article 2
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Article 3

Article 2 bis (nouveau)

Aux premier et troisième alinéas de l'article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « inondations, », sont insérés les mots : « y compris la lutte contre le ruissellement, » – (Adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
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Article 4 (début)

Article 3

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités d'application de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations prévue à l'article 1530 bis du code général des impôts.

Ce rapport identifie les pistes d'évolution réglementaire permettant une répartition plus équitable de son produit et une harmonisation entre territoires, ainsi que les conditions d'instauration d'un fonds de péréquation de cette taxe à l'échelle des bassins versants – (Adopté.)

Article 3
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Article 4 (fin)

Article 4

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par M. G. Blanc, Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L'amendement n° 3 est présenté par MM. Lemoyne, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le II de l'article 1530 bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , ou de la mission mentionnée au 4° du I du même article L. 211-7 » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « au même I bis » sont remplacés par les mots : « au I bis dudit article L. 211-7, ou de la mission mentionnée au 4° du I du même article L. 211-7 » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou, à défaut, le syndicat ou le département à qui la compétence a été transférée, peut reverser tout ou partie du produit de cette imposition à une ou plusieurs communes membres, aux fins de financer les charges de fonctionnement et d'investissement, y compris celles constituées par le coût de renouvellement des installations ainsi que par le remboursement des annuités des emprunts, résultant de l'exercice de la mission mentionnée au même 4°. »

La parole est à M. Grégory Blanc, pour présenter l'amendement n° 2.

M. Grégory Blanc. En commission, le rapporteur pour avis de la commission des finances a proposé de supprimer l'article 4, au regard des enjeux de péréquation et de financement de la politique à l'échelle nationale.

Il nous semble que ce n'est pas suffisant. L'ambition de la proposition de loi est d'abord de prendre en compte les enjeux de ruissellement.

S'il y a un élargissement de la compétence Gemapi, il faut qu'il y ait des moyens, notamment dans certains territoires où la taxe est peu levée – j'en ai parlé lors de la discussion générale. Il faut que les EPCI qui lèveraient la taxe Gemapi puissent effectivement financer un certain nombre de programmes utiles pour prévenir les conséquences du ruissellement.

Cet amendement de rétablissement vise précisément à affirmer que les besoins financiers sont extrêmement importants en la matière.

J'ai entendu, au début de notre discussion, que la loi le permettait déjà ce reversement. Il nous semble que la loi ne permet pas aussi ouvertement que la version initiale du texte de transférer aux communes une partie des financements pour certains travaux.

C'est tout l'intérêt de cette proposition de loi. Si on le nie, retirons plutôt ce texte pour éviter d'encombrer la navette législative !

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. J'ai déposé cet amendement par égard pour l'intention initiale des auteurs de la proposition de loi, qui me semblaient avoir puisé à bonne source, si je puis dire. (Sourires.)

Je voudrais mieux comprendre les motivations de la commission des finances, qui a supprimé l'article 4. Cette disposition était pourtant intéressante, en ce qu'elle prévoyait qu'une partie du produit de la Gemapi puisse – c'est une faculté, non une obligation – être reversée à l'une des communes membres du syndicat ou de l'EPCI pour un certain nombre de travaux visés dans le code de l'environnement.

Je me suis reporté à ce code : ces travaux ont trait à la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou à la lutte contre l'érosion des sols, autant de sujets dont nous avons tous constaté, lors de la discussion générale, qu'ils étaient interstitiels, souvent mal couverts, qu'ils donnaient lieu à des problèmes de compétences et que les élus avaient du mal à s'en emparer.

La possibilité d'un reversement s'inscrit dans une logique de fonds de concours, comme le font nombre de communautés de communes ou d'agglomération.

L'intention de M. Cuypers et de Mme Chain-Larché me semblait intéressante, raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement de rétablissement, au nom du groupe RDPI.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. On le voit bien, il y a un problème de financement, et plus le champ de la Gemapi sera étendu, plus les moyens seront insuffisants.

Ouvrir la possibilité de recourir à la taxe Gemapi pour financer des travaux qui ne relèvent pas aujourd'hui des items retenus pour cette compétence est problématique pour les intercommunalités dont le plafond de la taxe atteint ou approche déjà le maximum, c'est-à-dire 40 euros par habitant.

Même si le dispositif est facultatif, nous savons que, dans la pratique, il fera porter une responsabilité nouvelle aux intercommunalités concernées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle même le Sénat a refusé, à l'unanimité, la suppression du plafond de la taxe Gemapi.

La perspective de voir la taxe Gemapi financer une nouvelle compétence avait d'ailleurs suscité des craintes – je parle sous le contrôle de mon corapporteur, Hervé Reynaud – de la part des élus locaux que nous avons auditionnés. En particulier, l'Association nationale des élus du littoral (Anel) a fait valoir que cette mesure ne permettra pas d'améliorer le partage de la prévision du risque, alors que certaines communes doivent débourser jusqu'à 1 million d'euros pour subvenir aux frais de fonctionnement de différentes structures, lorsqu'elles se situent à l'embouchure de plusieurs rivières ou fleuves.

En outre, vous l'avez souligné, monsieur Lemoyne, les communes sont parfois peu denses : aussi, elles ont beau appliquer le taux maximum de taxe Gemapi, les recettes qu'elles en tirent restent insuffisantes. Quant aux communes situées en aval, certes, elles pourraient en obtenir davantage en fixant le taux de taxe au plafond, mais cela ne bénéficierait pas, pour autant, à la Gemapi.

Les communes du littoral craignent que cette taxe ne finance la gestion des eaux pluviales et du ruissellement, en amont, alors que, sur le littoral, les besoins sont extrêmement importants. Les collectivités situées en amont sont peu enclines à utiliser les parts d'un gâteau toujours plus restreint pour des travaux sur le littoral, tandis que les collectivités littorales se montrent dubitatives quant à la perspective de travaux très importants en amont ou en zone de montagne.

L'article 1er précise bien qu'il sera possible de déléguer certaines compétences aux départements : il ne s'agit pas d'un transfert.

En cas de délégation de compétences, il sera ainsi possible à la collectivité dotée de la compétence Gemapi, via la convention, de reverser tout ou partie de la taxe à un département, à la seule condition que cela serve à financer des travaux relatifs à la Gemapi. Et puisque les missions de la taxe Gemapi ont été étendues, son produit pourrait, dans cette situation, être employé à la maîtrise du ruissellement et à la lutte contre l'érosion des sols.

Dans le cadre d'un transfert de compétences, l'extension des missions est théoriquement impossible, s'agissant d'une taxe affectée. En effet, dès lors qu'une compétence a été transférée, la collectivité qui en est dotée a l'obligation d'assurer le financement des charges de fonctionnement et d'investissement.

M. le président. Cher collègue, je vous autorise à dépasser le temps de parole imparti pour présenter l'avis de la commission, car le sujet est important, et votre propos est très pédagogique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cela permet de clarifier les choses !

M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. J'essaie d'être pédagogue, monsieur le président. Je connais en effet parfaitement le sujet, pour y avoir été souvent confronté dans mon département et dans ma communauté de communes.

En cas de transfert de compétences, il est donc impossible de reverser tout ou partie du produit de la taxe Gemapi aux communes, sauf en cas de délégation de maîtrise d'ouvrage ou de travaux d'intérêt communautaire, considérant qu'il s'agit d'un périmètre pour lequel il est nécessaire de faire des travaux en un lieu précis qui bénéficieront à tout un territoire.

Enfin, il faut évoquer la possibilité du fonds de concours : il n'est pas interdit à un EPCI et à un département, par exemple, de conclure une convention pour un fonds de concours. Si le prélèvement se fait sur la taxe Gemapi, la seule condition est que les travaux financés concernent la prévention des inondations.

C'est la raison pour laquelle l'article 4 a été supprimé. Dans l'article 1er, il est bien question de délégation et non de transfert ; or, dans le cas d'un transfert, la loi permet déjà de répondre à cette nécessité.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Il nous semble assez périlleux de permettre à un EPCI de reverser une partie de la taxe Gemapi à une commune membre pour lutter contre le ruissellement et l'érosion des sols.

L'article 4 prévoyait de déroger à la logique initiale en permettant de recourir au produit de la taxe pour financer les missions mentionnées à l'article L. 211-7 du code de l'environnement, lorsqu'elles sont mises en œuvre par l'EPCI compétent en matière de Gemapi.

Cependant, il semble assez peu pertinent de déconnecter le produit de la taxe de la compétence pour laquelle elle a été créée. En outre, le système de reversement du produit de la taxe, tel qu'il est prévu par la proposition de loi, ne pourrait pas fonctionner.

Tout d'abord, parce que ce mécanisme prévoit de reverser aux communes le produit de la taxe perçu par un syndicat ou par le département. Or seuls les EPCI compétents en matière de Gemapi peuvent percevoir la taxe : ce n'est pas le cas des syndicats mixtes, à qui la compétence a été transférée, ni des départements, à qui elle peut être déléguée.

Ensuite, dans le cas où l'EPCI à fiscalité propre qui a perçu la taxe Gemapi souhaiterait en reverser une partie à une commune qui réalise directement une mission mentionnée au fameux alinéa 4 de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, celui-ci ne disposerait pas des crédits nécessaires pour y procéder. En effet, l'EPCI à fiscalité propre prélève seulement les montants de taxe Gemapi correspondant à ses prévisions de charges propres.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Dès que l'on approfondit ce sujet, on réalise combien il est technique.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. C'est vrai !

M. Hervé Gillé. Je veux d'abord faire une remarque sur un point qui méritera, à l'avenir, d'être précisé.

Le produit de la taxe Gemapi peut être affecté au budget général ou à un budget annexe. Une clarification sera donc sans doute nécessaire.

Si nous souhaitons œuvrer pour la transparence des coûts mobilisés, il sera préférable de privilégier un fonctionnement sur un budget annexe plutôt que sur le budget général, même si la comptabilité analytique permet de démontrer l'affectation. C'est une question à laquelle il faudra apporter une réponse.

De même, le travail ne me semble pas suffisamment approfondi sur la question de la maîtrise des eaux pluviales.

Cette maîtrise relève, pour partie, d'une gestion classique qui dépend d'affectations particulières, gérées par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Mais une autre part de la gestion des eaux pluviales, plus stratégique, bénéficie quant à elle à la prévention des inondations. Les lignes d'affectation sont donc différentes. Une clarification de la DGFiP est nécessaire pour comprendre ce qui peut intervenir dans le champ classique du pluvial et dans celui de la prévention des inondations. Le sujet mérite d'être creusé davantage.

Par ailleurs, la taxe Gemapi, même si elle est appliquée au taux plafond, ne suffira pas à répondre à des aléas majeurs. Il faudra donc réfléchir à une fiscalité complémentaire, dite de solidarité, qui pourra prendre la forme d'une redevance ou d'une taxe pour compléter le modèle actuel.

Enfin, la dernière brique de l'édifice reste le fonds Barnier, pour les situations d'importance relevant de la solidarité nationale, en complément de celle qu'il faut instaurer entre l'amont et l'aval.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Vous l'avez compris, c'était un amendement d'appel. Je souhaitais surtout obtenir des explications de la commission des finances sur la suppression pure et simple d'un article du texte initial.

Notre débat l'a montré : toutes les actions liées à la maîtrise des eaux pluviales et du ruissellement et à la lutte contre l'érosion des sols soulèvent une question de périmètre.

Pour l'heure, ce dernier est mal appréhendé. Ces compétences demeurent interstitielles. Dans mon département de l'Yonne, des communes me font fréquemment part d'un manque de moyens pour agir sur le ruissellement. Or l'article 4 permettait justement d'apporter des financements à cette fin.

J'entends cependant la logique, également défendue par la ministre, selon laquelle la taxe a un objet précis et qu'il n'est pas possible, en conséquence, d'élargir son affectation à d'autres missions.

Pour autant, par cet amendement, nous souhaitions pointer du doigt l'enjeu de la maîtrise du ruissellement. Cette question devra être traitée, notamment au travers du prisme du périmètre. Plusieurs options s'offriront à nous pour ce faire

En outre, nous devons travailler sur le financement des actions. C'est ainsi que nous améliorerons la prévention des inondations.

Au bénéfice de cette explication, monsieur le président, je retire mon amendement.