Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Nicole Bonnefoy,

Mme Catherine Di Folco.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, mais aussi du temps de parole.

dispositif de lutte contre la fraude aux arbitrages de dividendes

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Colombe Brossel et MM. Ian Brossat et Franck Dhersin applaudissent également.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, cela ne vous surprendra pas, ma question porte sur la fraude aux arbitrages de dividendes, dite fraude « CumCum »,…

M. Jean-François Husson. … et sur le texte d'application du dispositif de lutte antifraude que le Sénat a adopté à l'unanimité – je vous le rappelle – lors de l'examen du dernier projet de loi de finances.

Monsieur le ministre, à deux reprises, le président de la commission des finances, Claude Raynal, et moi-même vous avons écrit pour vous indiquer notre opposition au texte d'application – une instruction – que vous comptiez publier ; mais vous avez décidé de passer outre.

J'ai découvert, à l'occasion du contrôle sur place et sur pièces que j'ai effectué à Bercy jeudi dernier, que vos administrations elles-mêmes vous recommandaient de ne pas publier ce texte. Je les cite : « Les directions de la législation fiscale et des finances publiques sont d'avis de ne pas répondre à la Fédération bancaire française sur ce point qui était le plus controversé au Sénat […] et compte tenu de l'intention du législateur. »

Ma question est donc simple : de quelle légitimité démocratique vous prévalez-vous pour maintenir ce texte d'application alors qu'il est refusé par le Parlement, ce que même vos administrations semblent comprendre ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, RDSE, SER, GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, je vous remercie de me donner l'occasion d'apporter des précisions sur le sujet dont vous parlez.

La fraude dite « CumCum » consiste, pour un non-résident, à éviter l'imposition sur les dividendes en transférant les titres à un intermédiaire qui, lui, n'est pas tenu de payer la retenue à la source. Voilà ce dont il s'agit.

Quel est l'objet du texte incriminé ? Il est de lutter contre la fraude – et, en la matière, je partage évidemment tout à fait votre objectif – tout en permettant à nos entreprises de continuer d'accéder au financement de marché.

Je veux dire avant tout que nous n'avons pas attendu les révélations faites par la presse en 2018 pour conduire des contrôles : dans le respect du secret fiscal, auquel je suis tenu,…

M. Éric Lombard, ministre. … je puis vous dire que les premiers contrôles ont été réalisés en 2017 et ont conduit à plusieurs dépôts de plainte ainsi qu'à une dénonciation fiscale auprès du parquet national financier. Le 28 mars 2023, cinq établissements bancaires ont fait l'objet de perquisitions dans le cadre d'enquêtes visant des délits de fraude fiscale aggravée et de blanchiment. La main de l'État ne faiblira pas !

Pour ce qui est du texte d'interprétation que vous évoquez, paru au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) le 17 avril dernier, je veux commencer par rappeler qu'il est normal que l'administration commente les dispositions fiscales nouvelles d'une loi de finances.

Pour ce qui est des précisions qui font aujourd'hui polémique, le Gouvernement a eu l'occasion, lors des débats parlementaires, de souligner la nécessité de préciser le dispositif envisagé, et le texte a fait l'objet d'une concertation avec les banques de la place, mais également avec vous-même. Et, comme vous le signalez, nous avons eu plusieurs échanges oraux et écrits pour préciser les choses.

Pour ce qui est de l'avis de l'administration dont vous faites état, celle-ci n'a pas suggéré de ne pas publier ce texte : elle s'est prononcée sur une précision que, en effet, j'ai préféré maintenir contre son avis, ce qui est mon droit, me semble-t-il, en tant que ministre.

Enfin, et pour conclure, j'indique qu'un recours a été porté contre ce texte devant le Conseil d'État, lequel, en définitive, dira le droit. Mais je suis convaincu qu'en agissant ainsi nous avons respecté le Parlement tout en faisant droit à la nécessité d'expliciter les choses devant le contribuable. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, ce n'est pas une surprise, vous ne m'avez pas convaincu. Du reste, vos administrations, lorsque je les ai auditionnées, m'ont malheureusement confirmé n'avoir reçu, depuis 2018 – vous n'êtes donc pas le seul ministre incriminé –, ni instructions ni commande politique en vue d'insérer dans un projet de loi de finances un article visant à lutter contre la fraude CumCum.

Je rappelle qu'il y en a désormais pour 4,5 milliards d'euros de redressements : cette délinquance en col blanc, nous n'en voulons pas ; elle est inacceptable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, SER, CRCE-K et GEST.)

Monsieur le Premier ministre, j'ai entendu hier le doute sérieux que vous avez exposé devant l'Assemblée nationale au sujet de cette fraude massive que nous condamnons. Vous avez rappelé votre attachement au respect du Parlement, qui est souverain par le vote qu'il exprime au nom du peuple français.

M. Jean-François Husson. Reprenant votre principe d'action en matière de finances publiques, et vous rappelant ces vérités, nous vous permettons – mieux : nous vous demandons – d'agir en retirant ce texte. Notre République en serait grandement honorée ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE, SER, CRCE-K et GEST.)

situation des otages français en iran

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le ministre, Cela fait désormais plus de trois ans que Cécile Kohler et Jacques Paris, deux de nos compatriotes alsaciens, qui sont originaires du Haut-Rhin, sont détenus arbitrairement en Iran et utilisés comme otages dans un jeu diplomatique cynique. Leur sort nous préoccupe plus que jamais.

Ce lundi, une frappe israélienne d'une intensité inédite a ciblé la tristement célèbre prison d'Evin, où sont enfermés de nombreux opposants politiques et où sont également détenus Cécile et Jacques. Selon les propres mots du ministre des affaires étrangères, cette frappe, dont on peine à comprendre les motivations, a mis en danger leur vie. C'est un seuil inédit qui est ainsi franchi dans ce triste feuilleton.

Dans le même temps, des signaux de désescalade apparaissent dans la région. Israël affirme avoir atteint ses objectifs militaires ; les États-Unis évoquent une accalmie possible permettant une potentielle reprise des pourparlers diplomatiques. Ce contexte nouveau ne saurait nous inciter à laisser de côté la question des otages.

M. le ministre des affaires étrangères a justement rappelé que cette frappe était inacceptable. Ma question est donc simple : quelles garanties a-t-il obtenues quant à l'intégrité physique de nos deux compatriotes haut-rhinois ? Et, surtout, va-t-il exiger que leur libération devienne une priorité absolue et non négociable de toute relance des négociations sur le nucléaire avec Téhéran ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Madame la sénatrice Schillinger, voilà trois ans que nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris sont retenus en otage par la République islamique d'Iran dans des conditions indignes et inacceptables, qui relèvent de la torture au regard du droit international.

Vous le savez, leur libération est une priorité pour la diplomatie française. Au vu des tensions en cours dans la région, le Président de la République a eu l'occasion, ces derniers jours, de le rappeler en des termes très clairs, au téléphone, au président iranien.

À la suite de la frappe israélienne sur la prison d'Evin que vous avez mentionnée, le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, s'est entretenu avec son homologue iranien pour s'enquérir du sort de nos compatriotes, pour exiger un accès consulaire et pour rappeler, en des termes très clairs, encore une fois, l'exigence de leur libération immédiate et inconditionnelle. Nous avons obtenu l'assurance que nos compatriotes, Cécile et Jacques, n'ont pas été blessés dans ces frappes.

Je voudrais, dans ce moment, avoir une pensée particulière pour leurs familles, qui vivent un véritable calvaire du fait de la République islamique d'Iran. Et je salue, à cet égard, le travail de nos diplomates et de nos personnels consulaires, ainsi que du centre de crise et de soutien, qui accompagne quotidiennement les familles dans cette épreuve.

Madame la sénatrice, la politique de prise d'otages d'État conduite par la République islamique d'Iran est une violation du droit international. Nous la condamnons dans les termes les plus fermes. C'est la raison pour laquelle la France, au mois de mai, a déposé une requête auprès de la Cour internationale de justice pour faire constater et condamner la violation par l'Iran de la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963.

Nous continuerons à nous mobiliser quotidiennement pour assurer la sécurité et surtout la libération de Cécile Kohler et Jacques Paris, afin qu'ils puissent retrouver notre pays et leurs proches. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Rachid Temal applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.

Mme Patricia Schillinger. Je vous remercie, monsieur le ministre.

Je connais votre engagement et votre ténacité, qui sont ceux du Gouvernement. (M. Rachid Temal s'exclame.) Reste qu'ils sont insuffisants pour les familles et pour toutes les personnes qui œuvrent pour la liberté de Cécile et de Jacques.

Il y a urgence : Cécile ne va pas bien – pas bien du tout – et l'on ne peut pas communiquer avec elle. Pour les familles, la situation est très difficile.

Mes pensées vont aux parents, aux proches et aux amis de Cécile et de Jacques, mais aussi aux élus qui les soutiennent.

Nous les soutenons par la pensée et je souhaite que le Sénat les applaudisse très fort : nous sommes à leur côté. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP, UC, Les Républicains, SER et GEST.)

souveraineté numérique et situation de l'entreprise visibrain

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la ministre chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, on ne peut à la fois appeler à une plus grande souveraineté numérique et opter pour l'achat public non européen dès que l'occasion se présente.

Visibrain est le seul acteur français indépendant spécialisé dans la veille stratégique des réseaux sociaux, le fameux social listening américain. Depuis 2017, cette société d'ingénieurs française équipe plusieurs ministères et administrations de l'État. Son expertise permet d'assurer une veille en temps réel sur les réseaux tels que X, TikTok, Telegram et LinkedIn, mais aussi de suivre les tendances pour anticiper les crises et lutter contre la désinformation.

Voilà un outil clé dans l'analyse de l'opinion publique à partir de données par nature extrêmement sensibles. Il serait irresponsable, dans le contexte géopolitique actuel, d'abandonner aux puissances étrangères cette mine informationnelle si vitale pour nombre de nos services assurant renseignement, sûreté et sécurité.

Le service d'information du Gouvernement (SIG) a pourtant décidé d'écarter son prestataire national historique, qui a obtenu la meilleure note technique, au profit de Talkwalker. Rachetée par la société canadienne Hootsuite en 2024, sous capitaux américains, cette solution est hébergée sur des infrastructures soumises au Cloud Act.

Les prochaines élections qui auront lieu en France feront l'objet de tentatives d'ingérence via les réseaux sociaux, arme de déstabilisation massive de nos démocraties – on l'a bien vu aux États-Unis comme en Roumanie.

Madame la ministre, comment le SIG a-t-il pu faire preuve d'une telle naïveté ? L'offre concurrente retenue ne couvre même pas TikTok, alors que 70 % des utilisateurs français de ce réseau social ont moins de 24 ans ! Le seul critère qui était à l'avantage de cette offre est son prix, anormalement bas. Ce vil prix est-il, madame la ministre, celui de notre souveraineté ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – Mme Antoinette Guhl et MM. Akli Mellouli et Rachid Temal applaudissent également.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame le sénateur, je vous remercie de cette question, qui est fondamentale dans l'époque actuelle, s'agissant de souveraineté numérique.

Oui, le service d'information du Gouvernement, lorsqu'il a remis en jeu un certain nombre de lots dont les attributaires l'aident notamment dans la tâche que vous avez mentionnée, a pris une décision qui conduit à la situation actuelle. Cette décision est la suivante : sur quatre lots, trois ont été attribués à des sociétés françaises, à savoir Bloom, Trajaan et DeepOpinion et le quatrième a donné lieu au remplacement d'une société française par une société canadienne, Talkwalker.

Je pourrais vous dire – et je vous le dis, bien sûr – que ce marché est conforme. Oui, le lauréat, Talkwalker, a fait une offre tarifaire bien plus intéressante que celles des sociétés françaises en lice pour ce même lot.

Je pourrais vous dire qu'il s'agit non pas de données sensibles, mais de données publiques, et que les serveurs sont hébergés ici en Europe.

Cela étant, vous connaissez ma conviction : ce type de décision est inadmissible. On ne peut pas continuellement parler de souveraineté numérique et se cacher derrière les règles des marchés publics pour prendre de telles décisions. On ne peut pas continuellement s'enorgueillir d'un écosystème d'innovation à la pointe de la technologie et se tourner, à la moindre occasion, vers les solutions non européennes. (M. François Patriat et Mme Vanina Paoli-Gagin applaudissent.)

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Oui, ce sujet est difficile ; il est encadré par le code de la commande publique, par tout un tas de règles que nous connaissons, et que vous-même, madame la sénatrice, connaissez mieux que personne – vous les dénoncez régulièrement.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Ce que je peux vous garantir, c'est qu'en l'espèce, comme sur nombre d'autres sujets difficiles, je ne lâcherai rien. Il faut que nous regardions ce que nous sommes capables de faire en Europe : c'est précisément ce à quoi nous nous attelons avec la révision des directives sur la passation des marchés publics ; et nous irons jusqu'au bout. (Exclamations sur les travées du groupe SER. – M. Franck Montaugé lève les bras au ciel.)

M. Rachid Temal. C'est-à-dire ?

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. On ne construit pas de souveraineté numérique quand on n'est pas capable de se doter d'une vraie politique industrielle, ce qui veut dire, en l'occurrence, nous tourner vers nos entreprises et vers nos acteurs de l'innovation et du numérique. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et RDSE. – Protestations sur des travées du groupe UC.)

réchauffement climatique

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Éric Gold. Madame la ministre de la transition écologique, il s'agit non plus d'une hypothèse, mais d'un constat : limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius n'est désormais plus possible. À peine dix ans après l'accord de Paris sur le climat, soixante et un scientifiques de renom l'affirment dans un rapport destiné aux décideurs publics.

En raison de notre incapacité collective à diminuer les émissions de gaz à effet de serre, notre bilan carbone résiduel sera épuisé dans moins de trois ans, provoquant une hausse durable des températures dont les activités humaines sont les seules responsables. Ces conséquences sont bien connues : elles figuraient déjà dans un premier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), en 1990.

Malgré ces alertes appuyées, répétées et inquiétantes, les politiques ne semblent pas avoir pris la mesure de la gravité de la situation. Pis, on assiste à un recul sur toutes les thématiques qui ont trait à l'environnement.

Hier, l'Assemblée nationale a retrouvé la raison en rejetant le texte prévoyant un moratoire sur toute nouvelle installation éolienne ou photovoltaïque.

Mais, avec la réduction du fonds vert, la suppression des zones à faibles émissions, les conflits sur les conditions d'accès à l'eau, l'avenir incertain de MaPrimeRénov', nous assistons impuissants à une vague de retours en arrière, alors même que nous n'en avons déjà pas fait assez.

Madame la ministre, une très large majorité de la population souhaite que le Gouvernement agisse face au changement climatique ; mais ce sont les climatosceptiques qui parlent le plus fort. Vous avez appelé les parlementaires à la responsabilité. Vous avez eu des mots forts, comme votre collègue ministre de l'industrie, qui connaît particulièrement les enjeux de la souveraineté énergétique.

La question climatique nécessite des mesures de long terme, qui dépassent le temps d'un mandat électoral, et plus encore celui d'un gouvernement en période d'instabilité politique. Aussi, madame la ministre, que comptez-vous faire pour que votre gouvernement ne soit pas celui du renoncement ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Gold, vous avez raison : on ne pourra pas dire que l'on ne savait pas. L'inaction climatique est une arme de destruction massive. Certes, nous tenons, nous, Français, notre trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre (Non ! sur les travées du groupe GEST.) : le Conseil d'État l'a confirmé, nous sommes, à fin 2024, sur la bonne trajectoire de baisse (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.) – je suis très précise, je n'ai pas parlé de 2025…

Nous avons réussi ensemble, grâce aux accords de Paris, à contenir la trajectoire planétaire de réchauffement en deçà de 1,5 degré Celsius. Il est vrai néanmoins que le compte n'y est pas et que d'ici trois ans nous aurons épuisé notre budget carbone à l'échelle planétaire.

Non, le Gouvernement ne désarme pas.

Il ne désarme pas en matière de planification écologique : comme vous le savez – je vous remercie de l'avoir mentionné –, mon collègue Marc Ferracci et moi-même continuons à tenir la barre s'agissant de nous doter d'une programmation pluriannuelle de l'énergie qui soit équilibrée du triple point de vue du pouvoir d'achat des Français, de la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre et de l'exigence d'une réindustrialisation de notre pays fondée sur les énergies renouvelables et le nucléaire.

Nous continuons également à agir en déployant les autres volets de la planification écologique : le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). (M. Rachid Temal ironise.)

Tous ces textes sont très importants : ils sont bien davantage qu'un ensemble d'idées abstraites, car ils trouvent à se territorialiser. Les maires, les présidents d'agglomération et les présidents de région n'ont jamais été aussi nombreux qu'aujourd'hui à investir dans la transition écologique.

Oui, vous avez raison, il faut continuer de tenir le cap. Je compte sur vous ! Le budget sera à cet égard un rendez-vous important : nous devrons faire des efforts, mais n'oublions jamais que la dette financière doit être gérée en pensant, pour les générations futures, à la dette écologique. (M. François Patriat applaudit.)

conclave sur les retraites (i)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, la France a besoin de stabilité dans un contexte international terrifiant ; les Français réclament plus de justice sociale, plus de justice fiscale et une amélioration de leur pouvoir d'achat ; le 19 décembre dernier, à Matignon, lors d'une réunion avec les formations politiques que vous aviez convoquée, vous affirmiez que « le déblocage du pays nécessite de reprendre la réforme du régime des retraites », une réforme injuste imposée brutalement par Mme Borne et rejetée par 85 % de nos concitoyens.

Or, depuis quarante-huit heures, vous vous retrouvez l'otage de l'intransigeance assumée, provocatrice, irresponsable, d'un patronat arc-bouté sur ses intérêts financiers à court terme et refusant de privilégier le paritarisme, gage d'une démocratie sociale efficace.

Des avancées concrètes étaient à portée de main : reconnaissance des carrières hachées, notamment pour les femmes, élargissement du compte pénibilité, accès anticipé à la retraite sans décote, financement sécurisé. La CFDT, la CFTC et la CFE-CGC étaient prêtes à s'engager, le patronat non ; et vous, monsieur le Premier ministre ?

Soyons clairs : nous restons fermement opposés à l'injustice structurelle qu'est l'augmentation de l'âge légal de départ à la retraite. Cet impôt sur la vie, nous continuerons toujours de le combattre avec détermination. Mais l'esprit de responsabilité et l'intérêt de millions de Français nous commandent de donner une chance à la politique des petits pas.

J'en viens à ma question, qui rejoint celle que mon collègue Boris Vallaud vous a posée hier après-midi.

Monsieur le Premier ministre, dans votre lettre du 16 janvier, vous vous disiez prêt à présenter au Parlement les avancées issues des travaux des partenaires sociaux, même sans accord global. Allez-vous donc sortir de l'ambiguïté, de l'impasse actuelle et redonner le dernier mot au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – MM. Ian Brossat et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, vous avez rappelé quel était le cadre de la situation et je veux dire à cet égard des choses extrêmement précises.

M. François Bayrou, Premier ministre. Premièrement, il est faux de dire que le « conclave », comme on l'a appelé,…

M. Rachid Temal. Comme vous l'avez appelé !

M. François Bayrou, Premier ministre. … a été un échec : au contraire ! (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Bernard Jomier. « Il n'a pas marché ! »

M. François Bayrou, Premier ministre. Et nous verrons, je l'espère dans quelques heures, que tel n'est pas le cas.

Vous avez rappelé, à très juste titre, que des avancées très importantes ont été acceptées et voulues – consenties, en tout cas – par tous les acteurs présents autour de la table, les syndicats de salariés que vous avez cités et les représentants des entreprises. Ces avancées très importantes – j'y insiste – allaient dans le sens de ce que souhaitent le Gouvernement et aussi, me semble-t-il, la Nation, c'est-à-dire un équilibre du régime des retraites et le traitement plus juste de certaines situations – je pense par exemple à celle des femmes ayant eu des enfants, sujet très important. (Mme Monique Lubin s'exclame.)

Comme vous le savez, hier matin, après avoir constaté que les participants à cette réunion s'étaient séparés sans accord, je les ai tous invités à venir me rencontrer. Ils sont tous venus, jusqu'à hier soir assez tard.

Je considère, pour ma part, que le chemin existe pour ne rien perdre des avancées qui ont été consenties. Je vais donc continuer à travailler avec eux jusqu'à demain après-midi. Et, demain après-midi, je dirai aux Français quel accord nous pouvons trouver. S'il demeure des points de désaccord, le Gouvernement les tranchera.

Mme Audrey Linkenheld et M. Rachid Temal. Et le Parlement ?

M. François Bayrou, Premier ministre. Ainsi serai-je absolument fidèle au texte que vous avez imparfaitement cité.

M. François Bayrou, Premier ministre. Je me suis engagé, dans l'hypothèse où cet accord emporterait des dispositions législatives, à ce qu'elles soient soumises au Parlement :…

M. Rachid Temal. Dans tous les cas !

M. François Bayrou, Premier ministre. … elles le seront et le Parlement aura toutes les occasions de s'exprimer sur ce sujet, pour le plus grand bien du pays ; il y va du sentiment moral que nous devons éprouver à l'égard des générations futures. (Vifs applaudissements sur des travées des groupes UC et RDPI.)

M. Rachid Temal. Ce n'est pas sérieux !

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je ne suis pas vraiment convaincu : j'aurais aimé que vous me répondiez plus clairement en m'assurant que le Parlement réexaminerait l'ensemble de ce dossier des retraites.

Vous vous engagez aujourd'hui à présenter quelques dispositions au Parlement. Je ne sais si c'est la menace de censure qui, en l'espèce, a du bon et vous fait avancer. (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé s'exclame.)

Quoi qu'il en soit, monsieur le Premier ministre, sachez que vous avez intérêt à parler aux républicains, au sens large du terme, de ce pays, plutôt que de vous lier au bon vouloir du Rassemblement national, stratégie qui a coûté cher à votre prédécesseur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

abrogation de la réforme des retraites

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, le conclave sur les retraites, celui-là même dont la promesse vous a permis d'échapper à la censure cet hiver, s'est achevé sur un échec des négociations – il faut le dire.

Cet échec était prévisible, puisque vous avez refusé de mettre sur la table l'abrogation de la retraite à 64 ans.

Cet échec est aussi la conséquence de l'obstination du patronat à ne céder ni sur la pénibilité ni sur les carrières anticipées.

Ma question est donc simple : allez-vous présenter, comme vous vous y êtes engagé, un projet de loi au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Colombe Brossel et M. Hervé Gillé applaudissent également.)