Sommaire
réutilisation de matériel médical
gestion des déchets d'activités de soins à risques infectieux
fermeture des urgences nocturnes de l'hôpital de magny-en-vexin
déploiement des traitements innovants dans la lutte contre les opioïdes
réforme des services autonomie à domicile et difficultés des services de soins infirmiers à domicile
conséquences des arrêtés relatifs à l'exposition au radon dans les grottes touristiques
modernisation du groupement hospitalier novo – pontoise, beaumont-sur-oise, magny-en-vexin
menaces sur l'avenir de l'institut mutualiste montsouris
fermetures de classes en zones rurales et maillage territorial des établissements scolaires
enseignants contractuels et droit à la mobilité pour les titulaires
régime des décharges des directrices et directeurs d'école
conséquences de la crise énergétique pour les locataires du parc social
transformation de logements vides sur le modèle des réhabilitations de bureaux en logements
avenir du fonds national des aides à la pierre et financement du logement social
financement du service public de la petite enfance pour les intercommunalités
moyens affectés à l'entretien des voiries communales
modalités de soutien au dispositif anti-grêle
reconnaissance de l'agriculture comme un intérêt national majeur
annulation du conseil d'administration de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger
contrôle de l'application de l'embargo commercial à l'égard de la russie
fraude persistante et massive à la contribution sur les boissons sucrées
crise d'attractivité de la médecine du travail dans la fonction publique territoriale
exercice abusif du droit de grève dans la fonction publique
actes de violence contre les sapeurs-pompiers dans l'oise
demande du bilan financier de la lutte contre l'immigration à mayotte de 2022, 2023 et 2024
amélioration des relations entre maires et services du renseignement territorial
(À suivre)
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Conconne,
Mme Sonia de La Provôté.
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
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Questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
réutilisation de matériel médical
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, auteure de la question n° 661, transmise à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Audrey Linkenheld. Ma question porte sur la réutilisation des matériels médicaux : béquilles, déambulateurs et autres fauteuils.
En France, un tiers de ces aides techniques médicales est abandonné après une courte utilisation. Résultat, 60 000 tonnes de matériels jetés et gâchés, alors que ceux-ci pourraient être réemployés…
Des expérimentations ont été menées pour tester la mise en place d'un marché de seconde main de ces aides techniques médicales, via leur collecte, tout d'abord, leur reconditionnement local aux mêmes normes que celles du neuf, ensuite, et leur redistribution, enfin. Dans les Hauts-de-France, par exemple, la recyclerie Libel'Up rencontre un beau succès.
Après une longue attente, de plusieurs années, un décret a enfin été publié le 17 mars dernier en application de l'article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, afin d'organiser la mise en œuvre et l'encadrement du remboursement de matériels médicaux remis en bon état d'usage. Il s'agit là pour l'économie circulaire d'une avancée majeure, que je salue.
Toutefois, le dispositif du décret demeure incomplet au vu des objectifs écologiques, économiques et sociaux qui sont les nôtres. En premier lieu, celui-ci ne réserve le remboursement qu'à une liste limitée de matériels médicaux. En second lieu, et alors que cette liste n'est pas encore publiée, le remboursement prévu ne serait que progressif.
Or, pour tendre vers un modèle de santé plus inclusif et plus responsable, il est essentiel, me semble-t-il, d'accélérer et d'étendre la prise en charge par la sécurité sociale et les mutuelles à l'ensemble des dispositifs médicaux réemployables.
Aussi, madame la ministre, quand le remboursement intégral du matériel médical reconditionné sera-t-il mis en œuvre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, permettez-moi tout d'abord de saluer la mémoire d'Olivier Marleix, député d'Eure-et-Loir, président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale de 2022 à 2024. Nous nous associons à la peine de sa famille et des proches.
Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur le décret définissant le cadre d'application de la remise en bon état d'usage des dispositifs médicaux, qui a, enfin, été publié.
Je précise d'emblée que c'est un sujet que je connais bien, pour avoir travaillé avec le réseau Envie, qui est très actif en matière de collecte et de valorisation des déchets.
Je souhaite rappeler les trois raisons pour lesquelles il a fallu cinq ans avant que ce décret ne paraisse : tout d'abord, une saisine de la Commission européenne a été nécessaire ; ensuite, il s'agissait de la mise en place d'une norme spécifique ; enfin, cette mesure réglementaire requerrait l'organisation de travaux préalables, en lien avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), afin de mettre en place un système d'information permettant une traçabilité des dispositifs médicaux.
À la suite de la publication de ce décret, un certain nombre de textes complémentaires sont effectivement nécessaires. Cependant, les travaux ont bien avancé et vous n'aurez évidemment pas cinq autres années à attendre pour que ceux-ci entrent en vigueur.
Plusieurs phases de concertation, au cours desquelles les organisations professionnelles du secteur de l'industrie et les acteurs de l'économie circulaire ont exprimé des positions parfois opposées, ont eu lieu. Nous nous rapprocherons prochainement de ces différents interlocuteurs pour communiquer la liste finale des produits éligibles à la remise en bon état d'usage qui a été retenue.
Un arrêté devra également être publié pour rendre la norme NF S97-414, qui a déjà fait l'objet d'une concertation avec le secteur, d'application obligatoire.
Je vous confirme qu'une réflexion plus approfondie doit s'engager pour ouvrir le droit à la prise en charge que vous appelez de vos vœux, laquelle implique notamment des modifications à la liste des produits et prestations remboursables. Un avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et une tarification par le Comité économique des produits de santé (CEPS) sont également requis.
Les réflexions ont déjà commencé, et nous envisageons l'entrée en vigueur de la prise en charge des premiers produits issus de cette filière pour la fin de l'année 2025. Des travaux complémentaires devraient commencer au début de l'année 2026 pour les catégories de produits qui le justifient, en fonction des modalités tarifaires – je pense aux produits neufs par exemple – ou de la technicité de la catégorie de produits considérée.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour la réplique.
Mme Audrey Linkenheld. Je vous remercie, madame la ministre. J'ai bien entendu vos explications, mais je veux redire que c'est le remboursement intégral du matériel médical reconditionné que nous demandons, et de manière urgente !
En effet, une telle mesure serait positive à la fois pour la planète et pour nos concitoyens, notamment les plus défavorisés d'entre eux, pour lesquels les économies que représentent ces matériaux réutilisés sont évidemment importantes. Depuis 2022, le projet Libel'Up, que j'ai cité tout à l'heure, a tout de même collecté 7 000 dispositifs et accompagné plus de 850 bénéficiaires.
M. le président. Madame la ministre, je m'associe aux condoléances et à la peine que vous venez d'exprimer à la suite du décès d'Olivier Marleix.
Je l'ai moi-même bien connu, quand il fut conseiller de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012, puis lorsqu'il fut député, puisque j'ai siégé avec lui sur les bancs de l'Assemblée nationale de 2012 à 2014, année où j'ai été élu à la Haute Assemblée. Nous partageons tous votre émotion.
gestion des déchets d'activités de soins à risques infectieux
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 551, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Pascal Martin. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins sur la gestion des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri).
La réglementation et l'ensemble des recommandations applicables au tri des déchets d'activités de soins à risques infectieux sont répertoriées dans le guide Dasri, que la direction générale de la santé (DGS) est en train d'actualiser.
En raison du danger qu'ils représentent pour les professionnels de santé et les opérateurs de gestion des déchets, ainsi que pour la population en général, ces Dasri bénéficient d'un statut de « déchets dangereux » et du principe de précaution inscrit dans la législation européenne relative à leur traitement.
Pourtant, avant même tout changement de réglementation, de nombreux professionnels constatent sur le terrain le déclassement d'un grand nombre de ces déchets et leur réorientation vers la filière des déchets non dangereux.
Cette situation pose deux problèmes majeurs : d'une part, une complexification du geste de tri pour les professionnels de santé déjà particulièrement sous pression ; d'autre part, un risque important pour les opérateurs de la filière, chargés de la collecte, du traitement et du tri des déchets, qui seraient exposés à ces déchets dangereux à risques infectieux.
Des accidents ont déjà été recensés dans plusieurs centres de traitement de déchets ménagers, où des Dasri sont apparus à la suite d'erreurs de tri. Le déclassement en cours pourrait multiplier le nombre d'accidents dans les prochaines années.
Monsieur le ministre, dans ce contexte, les professionnels de santé seront-ils considérés comme responsables en cas d'accident lié au tri des Dasri ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre ces risques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Pascal Martin, vous soulevez une question de santé publique cruciale, tant pour la sécurité des professionnels de santé et des opérateurs de collecte que pour la population et l'environnement.
C'est précisément pour répondre à l'évolution des pratiques de tri que la direction générale de la santé a engagé dès 2022 une révision complète du guide national, qui date de 2009. Ce nouveau guide, fruit d'un travail de concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, qui se veut à la fois pédagogique et rigoureux, qui rappelle les obligations réglementaires et qui présente des exemples concrets pour aider au tri, sera publié très prochainement.
En ce qui concerne la responsabilité des professionnels de santé en cas d'accident, l'évaluation du risque infectieux repose sur le producteur du déchet, conformément aux codes de la santé publique et de l'environnement. Ce principe, qui n'est pas nouveau, ne doit pas être remis en cause, car le producteur du déchet est le plus à même d'apprécier la nature du déchet produit, en fonction du contexte dans lequel celui-ci évolue.
Cela ne signifie pas pour autant que les professionnels de santé seront isolés. Le guide, qui s'appuie sur des avis du Haut Conseil de la santé publique rendus en 2023 et en 2024, fournira des critères objectifs et des exemples pour sécuriser les décisions. En cas de doute, la règle est claire : le déchet doit être orienté vers la filière Dasri.
Des formations de terrain, soutenues par les agences régionales de santé, seront par ailleurs organisées pour accompagner les professionnels dans la mise en œuvre de ces nouvelles recommandations.
Soyez assuré que notre priorité est de garantir à la fois la sécurité des professionnels et celle de toute la chaîne de gestion des déchets.
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.
M. Pascal Martin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Les professionnels de santé attendent avec impatience la publication de ce guide. La réflexion a commencé en 2022. Nous sommes mi-2025 : il est vraiment temps que ce document paraisse !
fermeture des urgences nocturnes de l'hôpital de magny-en-vexin
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, auteur de la question n° 610, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Rachid Temal. Je voudrais commencer mon propos en rendant moi aussi hommage à notre ancien collègue député, Olivier Marleix, qui est décédé hier, hélas. Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je souhaite adresser mes condoléances à sa famille et à ses proches, mais aussi, bien sûr, exprimer ma solidarité à l'égard de sa famille politique.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger ce matin sur la décision inique qui a été prise de fermer les urgences de l'hôpital de Magny-en-Vexin à compter du 1er janvier 2026.
Cette décision est inique, parce que les élus comme la population n'en ont été informés que par voie de presse ou par des bruits. Aucune information n'a été donnée à ce sujet dans le cadre du conseil de surveillance de l'hôpital. Aucune discussion ni aucun échange préalable n'a eu lieu avec les élus locaux, la communauté médicale ou les habitants.
Cette fermeture annoncée suscite aujourd'hui une opposition unanime dans le département du Val-d'Oise, particulièrement dans le Vexin français et de la part des élus, quel que soit leur bord politique. Elle est inquiétante, car il en résultera une baisse de la prise en charge des patients, ce qui constitue bien sûr un risque majeur pour les habitants de ce secteur rural.
Notre préoccupation se double d'une inquiétude quant à l'avenir même de l'hôpital – je rappelle que, depuis de nombreuses années, une demande forte s'est exprimée en faveur de la reconstruction de cette structure hospitalière, un projet finalement abandonné par le Gouvernement –, ainsi que de ses médecins, qui exercent déjà dans un contexte de saturation des services, le Val-d'Oise, tout particulièrement ce territoire, étant situé dans un désert médical.
Comment imaginer que, à partir du 1er janvier 2026, toute personne devra, en cas d'urgence, faire plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un médecin ?
Certes, l'hôpital est malade, mais une décision comme celle-ci renforce le mal, en plus de provoquer un sentiment d'abandon chez les habitants. Une fois de plus, l'un de nos services publics va fermer. Une fois de plus, l'un de nos services publics va disparaître.
Le sentiment d'abandon est d'autant plus fort que nous avons beaucoup lutté pour faire revivre ce territoire. J'ai moi-même bataillé pour la construction d'un nouveau lycée, afin d'attirer une nouvelle population, donc de créer une nouvelle dynamique.
Madame la ministre, vous l'aurez compris, nous voulons la non-fermeture des urgences de l'hôpital de Magny-en-Vexin à compter du 1er janvier 2026. Il faut que l'État intervienne !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Rachid Temal, vous attirez avec justesse mon attention sur les préoccupations des habitants, des soignants et des élus de Magny-en-Vexin. Je veux vous dire d'emblée que nous les entendons et que nous les partageons.
Aujourd'hui, aucun projet de fermeture des urgences de nuit à Magny-en-Vexin n'a été validé. L'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France n'a reçu aucune demande officielle de la part de l'hôpital Novo (Nord Ouest Val-d'Oise), qui envisage, il est vrai, une évolution du service, laquelle reste cependant à l'état de réflexion interne au sein des instances de gouvernance.
Je le rappelle, toute évolution de l'activité des services des urgences, notamment en cas de transformation en antenne de médecine d'urgence, doit faire l'objet d'une autorisation formelle de l'ARS, conformément au décret du 29 décembre 2023. Cette instruction formelle ne saurait se faire sans une large concertation de l'ensemble des élus du territoire, des professionnels et des usagers. Il est absolument essentiel de maintenir un tel lien de confiance et de ne pas confondre calendrier interne de l'établissement et décision publique.
L'hôpital Novo, qui se déploie sur cinq sites distincts, constitue un maillon indispensable du système de santé pour le Val-d'Oise. Il bénéficie de toute l'attention de l'ARS et du ministère.
Le ministre chargé de la santé, Yannick Neuder, veillera personnellement à ce que tout projet d'évolution respecte les règles, mais aussi les habitants et les élus. Sachez que le maire de Magny-en-Vexin sera prochainement reçu par le directeur de l'ARS d'Île-de-France, à la demande du ministre avec lequel il a échangé.
Nous devons construire ensemble des réponses adaptées, pérennes et respectueuses des réalités locales. Tel est l'engagement que nous prenons devant vous aujourd'hui.
déploiement des traitements innovants dans la lutte contre les opioïdes
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 571, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Marion Canalès. Aujourd'hui, la France est l'un des six pays les plus exposés à la crise des opioïdes.
Alors que des traitements existent pour lutter contre les addictions aux opiacés – je pense au Subutex et à la méthadone –, leur prise présente de nombreux aspects contraignants.
Cependant, la buprénorphine à action prolongée (BAP), dont le Buvidal est le seul dérivé disponible en France, est un traitement de substitution aux opiacés de nouvelle génération, qui répond aux problématiques posées par le Subutex et la méthadone : l'injection est réalisée par un médecin, selon une fréquence mensuelle, plutôt que quotidienne, ce qui permet d'éviter les trafics, les rackets et les mésusages. Ce médicament permettrait d'éviter 300 décès et 5 000 hospitalisations chaque année.
Les effets d'une politique favorable aux BAP chez nos voisins, que ce soit la Finlande, la Suède ou la Grande-Bretagne, sont irrémédiablement positifs. On observe en outre une réduction significative des hospitalisations aux États-Unis, tandis qu'en Australie on constate une probabilité de réincarcération plus faible chez les patients libérés et traités par buprénorphine à action prolongée que chez ceux ayant bénéficié de traitements standards : 21 % contre 38 %.
Les études menées en France sont également très encourageantes, mais les échantillons des enquêtes sont trop faibles : en effet, seuls 700 patients dépendants aux opioïdes ont accès à ces traitements de substitution aux opiacés, sur les 180 000 personnes qui pourraient en bénéficier.
Les financements manquent pour que ce traitement soit donné à davantage d'usagers. Une enveloppe de 1 million d'euros a bien été prévue, mais sa répartition ne concerne que huit régions, ce qui laisse certaines régions sans aucune marge de manœuvre budgétaire pour développer ce traitement avant-gardiste.
Ma question est simple, madame la ministre : quelles sont les intentions du Gouvernement pour déployer ce traitement sur tout le territoire national et pour lui assurer un financement pérenne, adapté et équitable ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Marion Canalès, vous mettez le doigt sur une vérité dérangeante : la dépendance aux opioïdes progresse en France et, avec elle, l'incapacité de notre système à offrir des réponses à la hauteur de la crise.
Vous l'avez rappelé, la consommation d'opioïdes est en forte progression dans notre pays et a des conséquences humaines, sociales et économiques dramatiques. Il s'agit non pas seulement d'un problème de médicaments, mais bien d'une problématique complexe, multifactorielle, qui exige une mobilisation globale, cohérente et durable de l'ensemble des acteurs.
Le Gouvernement partage pleinement votre constat. C'est pourquoi a été lancée, en mars 2023, une stratégie interministérielle contre la conduite addictive. Celle-ci s'inscrit dans une logique d'action jusqu'en 2027 et repose sur trois piliers : la prévention, la prise en charge et la réduction des risques et des dommages.
Vous avez raison de souligner le potentiel du Buvidal, forme de buprénorphine à action prolongée. Il constitue, selon de nombreux professionnels, une avancée thérapeutique utile pour certains patients, en complément de l'offre existante. C'est pourquoi le ministère de la santé, s'appuyant sur les équipes de la direction générale de la santé, suit avec attention son développement, son évaluation et son accessibilité.
Comme vous l'avez mentionné, une première enveloppe pérenne de 1 million d'euros a été mise en place dès l'an dernier pour soutenir les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) volontaires, afin d'amorcer le déploiement de ce traitement dans les territoires. Cette enveloppe a été répartie en fonction des besoins exprimés localement.
Nous sommes toutefois lucides : cette première étape ne permet pas encore de répondre à l'ensemble des besoins, notamment pour garantir une équité d'accès sur tout le territoire.
Le Gouvernement entend remédier à ces disparités régionales réelles et préoccupantes. C'est le sens des travaux qui ont été engagés pour réexaminer les modalités de financement du traitement dans le cadre d'arbitrages budgétaires concernant les crédits alloués aux CSAPA.
Madame la sénatrice, vous pouvez compter sur notre détermination pour ce que ce traitement et, plus largement, la lutte contre les addictions ne soient plus les angles morts de notre politique de santé. L'équité d'accès aux soins ne se négocie pas : elle s'impose à nous.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, je suis heureuse de vous entendre reconnaître qu'il existe une iniquité d'accès aux soins pour les personnes dépendantes aux opioïdes.
Aujourd'hui, la situation est suffisamment grave pour que l'on cesse de considérer que le problème ne concerne que telle ou telle région ou telle ou telle agence régionale de santé. Il faut dès aujourd'hui une véritable égalité de traitement pour tous les usagers et les patients dépendants aux opioïdes.
signature de la convention d'objectifs et de gestion 2025-2028 de la caisse nationale de sécurité sociale des mines
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, auteure de la question n° 645, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Brigitte Devésa. La dernière convention d'objectifs et de gestion (COG) de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) est arrivée à échéance le 31 décembre 2024, sans qu'aucune nouvelle convention ait été annoncée à ce jour.
L'absence actuelle de convention crée un climat d'incertitude, particulièrement préoccupant dans les anciens bassins miniers, où la CANSSM-Filieris assure une mission de service public de santé absolument irremplaçable.
Cette vacance compromet les coopérations avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), bloque les investissements et freine les actions en matière de prévention et de santé médico-sociale. Elle accentue également les difficultés de recrutement dans des territoires déjà fragiles.
C'est pourquoi je me permets d'attirer l'attention du Gouvernement sur l'inquiétude exprimée par le syndicat CGT des mineurs de Provence, dont j'ai rencontré récemment les représentants, qui rappellent le rôle historique et solidaire de ce régime hérité d'un modèle fondé sur la solidarité ouvrière. Ce régime ne saurait être abandonné par défaut d'initiative.
Aussi, le Gouvernement entend-il autoriser, dans les meilleurs délais, l'élaboration et la signature d'une nouvelle convention d'objectifs et de gestion de la CANSSM pour la période 2025-2028, afin de garantir la continuité et la qualité des soins rendus aux assurés des anciens bassins miniers ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Devésa, vous relayez les interrogations des fédérations représentant les assurés du régime minier sur l'absence de convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) depuis le 1er janvier 2025.
Cette situation suscite, en effet, des inquiétudes sur l'avenir de l'offre de santé et médico-sociale de la caisse des mines. Je veux donc vous rassurer.
À la fin de 2024, les services du ministère ont indiqué au conseil d'administration de la caisse des mines qu'une nouvelle convention serait négociée. De premiers échanges entre services ont eu lieu et se poursuivent. Il n'est nullement inhabituel que ces discussions se prolongent : une telle situation s'était d'ailleurs déjà produite pour la CANSSM en 2021.
Un projet de convention entre l'État et la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines pour la période 2025-2027 devrait être soumis au conseil d'administration de la caisse en fin d'année. Il prendra en compte les travaux de rapprochement entre l'offre de santé et médico-sociale de Filieris et celle des unions pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie (UGECAM).
Je tiens à vous rassurer : cette situation est temporaire. La continuité de service de la caisse des mines est assurée, puisque des budgets provisoires pour 2025 ont été accordés par le conseil d'administration fin 2024.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour la réplique.
Mme Brigitte Devésa. Je tiens à vous remercier, madame la ministre. Vous nous avez rassurés. Je transmettrai bien évidemment les informations que vous venez de me communiquer.
Je tiens simplement à ce que l'ensemble des revendications émises par les syndicats dans le cadre de cette nouvelle COG, que nous attendons avec impatience, soient respectées et que l'on fasse en sorte que les salariés aient mêmes prestations que celles dont ils bénéficient aujourd'hui.
réforme des services autonomie à domicile et difficultés des services de soins infirmiers à domicile
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la question n° 637, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap.
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier notre collègue Rachid Temal de l'hommage qu'il vient de rendre, au nom de son groupe, à Olivier Marleix.
Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés d'application de la réforme des services autonomie à domicile (SAD).
La question de l'entité juridique unique détentrice de l'autorisation en SAD mixte impose actuellement au centre communal d'action sociale (CCAS) de La Rochelle de se retirer du groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) de l'agglomération rochelaise.
Ce CCAS dispose aujourd'hui d'une autorisation de service de soins infirmiers à domicile (Ssiad), le seul du groupement de coopération, ainsi que d'une autorisation de services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) Cette dernière autorisation de Saad a été mise en commun dans le cadre du groupement de coopération.
Or ce groupe de coopération ne peut pas être l'entité juridique unique prévue dans le cadre de la réforme des Sad. Cette situation oblige donc le gestionnaire détenteur du Ssiad à se retirer pour continuer à disposer d'une autorisation en matière à la fois d'aide et de soins.
Je pourrais également citer l'exemple de l'Ehpad de Saint-Savinien-sur-Charente, détenteur d'une autorisation de Ssiad, mais qui ne dispose pas d'une autorisation de Saad, ou encore celui de l'association Tremä, qui dispose d'une autorisation de Ssiad depuis des années et qui demande une autorisation de Saad au conseil départemental pour pouvoir se mettre en conformité avec le dispositif de la réforme avant la fin de l'année.
Au vu de ces difficultés techniques et juridiques, ma question est très simple, madame la ministre : envisagez-vous de repousser la date d'entrée en vigueur de la réforme, fixée au 31 décembre 2025, ou, mieux encore, de rendre cette réforme facultative, comme je l'avais proposé par voie d'amendement ici même, au Sénat, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie, devenue loi Bien Vieillir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Corinne Imbert, le Gouvernement a lancé en 2022 une grande réforme du domicile, avec la création de services autonomie à domicile (SAD), en vue de simplifier le parcours des personnes accompagnées. Nous en attendons un rapprochement des services existants de l'aide et du soin, qui permettra de constituer les SAD mixtes.
Plusieurs modalités de rapprochement sont possibles, parmi lesquelles la constitution d'un groupement de coopération sociale et médico-sociale, dès lors que les territoires d'intervention pour les prestations d'aide et de soins sont identiques. Dans l'exemple que vous citez, madame la sénatrice, la préexistence d'un groupement de coopération ne paraît donc pas aller à l'encontre du principe d'entité juridique unique fixé par la réforme.
Le ministère est sensible aux remarques qui remontent du territoire. Ainsi, la loi Bien Vieillir du 8 avril 2024 a prévu plusieurs assouplissements. À ce titre, elle consacre l'existence d'une période transitoire de cinq ans, durant laquelle l'obligation d'entité juridique unique ne s'applique pas lors de la constitution d'un SAD mixte. Elle garantit également le maintien d'un Ssiad qui se serait vu refuser sa demande d'autorisation en SAD mixte jusqu'à deux ans après la date du refus.
Ces assouplissements, ainsi que le plan d'accompagnement mis en place en 2023, ont permis, selon les derniers éléments transmis par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) en juin 2025, à 85 % des Ssiad d'être en cours de rapprochement.
Je sais néanmoins que, si une majorité de Ssiad est bien avancée dans la réforme, des difficultés subsistent pour certains d'entre eux.
C'est la raison pour laquelle la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq a souhaité la mise en place d'une task force nationale, réunissant le ministère, la CNSA et l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), afin de venir en aide aux territoires les plus en difficulté. Celle-ci vise à répondre aux difficultés stratégiques et techniques rencontrées par les acteurs locaux et à leur permettre de trouver des solutions d'ici à la date butoir du 31 décembre 2025.
C'est aussi pourquoi le cabinet de Charlotte Parmentier-Lecocq a reçu l'ensemble des fédérations des professionnels du domicile le mardi 24 juin dernier : il s'agissait de les écouter, de leur présenter les prochaines étapes de la réforme et de réfléchir ensemble aux solutions permettant la pleine réussite de celle-ci.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Je vous remercie, madame la ministre.
Vous le savez, je suis favorable à la simplification, et l'idée qui sous-tend cette réforme était, semble-t-il, louable. Mais force est de constater qu'il existe des difficultés juridiques que l'on ne peut ignorer.
En fin de compte, sur le terrain, on relève des aberrations. Quand un Ssiad, qui relève de la convention de 1951, et un Saad, qui relève des collectivités territoriales, veulent se rapprocher sur un même territoire, cela pose problème et un tel rapprochement est plus coûteux. Or ni les départements ni l'État n'ont les moyens de faire en sorte que cette réforme soit plus coûteuse. D'où l'amendement que j'ai fait voter ici, au Sénat, et qui avait pour objet de rendre cette réforme facultative.
Tant mieux si les rapprochements ont lieu sans accroc sur une grande partie du territoire, mais il ne faudrait pas oublier les endroits où la réforme coince. Je le redis : le CCAS de La Rochelle a été obligé de sortir du groupement de coopération sociale et médico-sociale de l'agglomération rochelaise, ce qui est vraiment dommage.
conséquences des arrêtés relatifs à l'exposition au radon dans les grottes touristiques
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, auteure de la question n° 588, transmise à Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi.
Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences des arrêtés ministériels des 16 novembre 2023 et 15 mai 2024 relatifs à la protection des travailleurs exposés au radon et, plus particulièrement, sur leur impact sur les grottes touristiques françaises.
Dans les départements des Hautes-Pyrénées et du Lot, où grottes, gouffres et autres lieux souterrains constituent des sites emblématiques du patrimoine naturel, la fréquentation de ces derniers se trouve être un véritable levier du tourisme local, qui a contribué à ce que différentes activités économiques s'implantent dans des zones plutôt rurales, puis s'y maintiennent.
Plus largement, le tourisme souterrain français, le troisième à l'échelle mondiale, attire plus de 6 millions de visiteurs par an.
Or les nouveaux textes réglementaires triplent, voire quadruplent le coefficient de dose appliqué aux guides, réduisant drastiquement leur temps de travail autorisé dans les cavités souterraines. Les conséquences sont immédiates : des charges accrues ; des horaires d'ouverture réduits ; le risque d'une fermeture de près de la moitié des cent vingt grottes touristiques du pays, avec, par suite, une précarisation des salariés.
La Fédération française du tourisme et patrimoine souterrain, qui regroupe 80 % des sites concernés, déplore que ces mesures aient été prises avant même la finalisation des études scientifiques en cours. Le panel d'analyse s'est limité à deux grottes et ne reflète donc ni la diversité géologique ni les spécificités aérauliques des cavités françaises.
Par ailleurs, aucun autre État membre de l'Union européenne n'a encore transposé ces recommandations, qui sont toujours en cours d'étude à Bruxelles.
Aussi, monsieur le ministre, quel est l'état d'avancement de l'étude sur le comportement du radon dans les grottes touristiques, qui a été lancée en 2022 en collaboration avec la direction générale du travail (DGT) ?
Quelles mesures comptez-vous prendre pour concilier le maintien de l'activité touristique et économique avec la protection des travailleurs sujets à l'exposition au radon, en tenant compte particulièrement des spécificités de chaque cavité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la présidente Maryse Carrère, si vous le permettez, je communiquerai les éléments qui ont été élaborés avec la direction générale du travail, car votre question est à la fois très importante et très précise.
Je n'expliquerai pas ce qu'est le radon, puisque vous l'avez fait. Ce gaz naturel est omniprésent sur la surface de la Terre et propage des particules radioactives. S'il se dilue rapidement dans l'air extérieur, il s'accumule dans l'air intérieur, singulièrement dans les lieux confinés tels que les grottes, où sa concentration peut parfois atteindre jusqu'à plusieurs milliers de becquerels par mètre cube.
Pour mesurer l'exposition au radon, il est nécessaire de calculer la dose de rayonnements auxquels un travailleur est exposé. Au-delà d'une dose de 6 millisieverts par an, l'employeur est tenu d'adopter une démarche de prévention renforcée. Pour faciliter ce calcul, des coefficients de doses sont mis à disposition par l'arrêté ministériel du 16 novembre 2023.
Cet arrêté prévoit deux coefficients – 3 et 6 –, en fonction de l'activité physique, qui valent pour tous les lieux de travail et non pas spécifiquement pour les grottes. Ces coefficients sont des modèles théoriques établis par la commission internationale de protection radiologique, qui est l'autorité scientifique de référence, citée par la directive Euratom.
Le coefficient de 6 se justifie par le fait que plus le débit respiratoire d'un travailleur est important, plus celui-ci inhale du radon et plus il est irradié. Il convient de noter que le code du travail n'impose pas aux employeurs dans les grottes touristiques d'avoir systématiquement recours au coefficient de 6. Il appartient à ces derniers d'apprécier l'activité physique liée à chacun des postes de travail exposant au radon.
Pour les grottes touristiques, l'arrêté du 30 juin 2021 relatif aux lieux de travail spécifiques pouvant exposer des travailleurs au radon ouvre à un employeur qui ne souhaite pas recourir à ces coefficients théoriques la possibilité d'adopter l'une de ces deux méthodes de substitution : soit le mesurage de l'énergie effectivement dégagée par le radon, soit l'utilisation d'un coefficient spécifique aux grottes touristiques établi par l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), sur le fondement des mesurages commandés par le ministère du travail et effectués dans la grotte de Saint-Marcel, en Ardèche, et celles d'Isturitz et d'Oxocelhaya, en Nouvelle-Aquitaine.
La Fédération du tourisme et du patrimoine souterrain, que vous avez mentionnée, est régulièrement informée de l'avancée de ces travaux, qui sont en voie de finalisation. Le rapport sera présenté dès qu'il sera finalisé, comme le Gouvernement s'y était engagé.
Si le Gouvernement comprend les inquiétudes exprimées par cette fédération, la priorité reste la protection de la santé des travailleurs particulièrement exposés au risque professionnel lié à l'exposition au radon.
Madame Carrère, je vous propose, si vous le souhaitez, de fixer un rendez-vous pour que nous évoquions ensemble cette question.
modernisation du groupement hospitalier novo – pontoise, beaumont-sur-oise, magny-en-vexin
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, auteur de la question n° 527, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Daniel Fargeot. Madame la ministre, le 7 mai 2021, dans le cadre du plan Val-d'Oise, le Premier ministre Jean Castex annonçait une enveloppe de 500 millions d'euros pour moderniser le groupement hospitalier de territoire (GHT) Novo, implanté sur les communes de Pontoise, Beaumont-sur-Oise et Magny-en-Vexin.
Ce programme, très attendu, prévoyait la construction d'un plateau médico-technique à Pontoise, mais aussi la réhabilitation complète des hôpitaux de Beaumont et de Magny. Ces travaux sont structurants pour l'aménagement sanitaire du territoire, d'autant plus que le Val-d'Oise est, je le rappelle, le seul département francilien à ne pas disposer d'un centre hospitalier universitaire (CHU).
Cette modernisation est une condition sine qua non pour garantir une offre de soins de qualité, renforcer l'attractivité des établissements, mais aussi amorcer le mouvement d'universitarisation de l'hôpital de Pontoise.
Quatre ans plus tard, dans un contexte où les ministres de la santé se succèdent et où les budgets se contractent, les inquiétudes sont vives, car rien de concret ne semble suivre l'annonce du Premier ministre de l'époque.
Les annonces faites récemment au groupe Novo ont ravivé les craintes quant à une fermeture des urgences de nuit de Magny-en-Vexin. Ce serait un nouveau signal de déclin d'un service public essentiel dans un territoire rural.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer précisément l'état d'avancement de ce programme de modernisation ? Les crédits annoncés sont-ils pleinement sécurisés dans le budget de l'État ? L'accès aux soins en milieu rural – en particulier les urgences de nuit à Magny-en-Vexin – sera-t-il maintenu ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Daniel Fargeot, le projet d'investissement de Novo, annoncé à la fin de 2021 et bénéficiant d'un soutien renforcé dans le cadre du plan pour un État plus fort dans le Val-d'Oise, a fait l'objet de plusieurs phasages visant à assurer sa soutenabilité financière.
Dans le cadre de l'instruction nationale des opérations dites Ségur, un dossier transmis en décembre 2023 aux experts du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) a permis de prioriser un scénario cible, autour de la reconstruction de la plateforme logistique, du plateau médico-technique et des capacités d'hospitalisations fonctionnelles. Les experts ont émis un avis favorable sur les volets médical, capacitaire et immobilier de ce scénario cible.
Ce nouveau phasage a permis d'abaisser le montant des opérations prioritaires pendant la période 2024-2031 à 449 millions d'euros, dont 415 millions d'euros pour les opérations sanitaires, 352 millions d'euros pour le seul site de Pontoise et 33,6 millions d'euros pour les opérations médico-sociales à Magny.
L'hôpital Novo a élaboré avec les services de l'agence régionale de santé (ARS) une trajectoire financière pluriannuelle visant à avancer sur les opérations prioritaires. Trois ont été identifiées : répondre aux problèmes logistiques et techniques du site de Pontoise ; regrouper les capacités de soins médicaux et de réadaptation (SMR) spécialisés sur le site de Pontoise ; renforcer le confort hôtelier.
Pour l'ensemble de ces opérations, les moyens mobilisés par l'ARS sont suffisants pour accompagner le GHT sur le volet investissement. En ce qui concerne la trajectoire d'exploitation, l'établissement est engagé dans un plan d'efficience suivi attentivement par l'ARS d'Île-de-France.
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour la réplique.
M. Daniel Fargeot. Je vous remercie, madame la ministre.
Je me permets d'insister sur un point : toute évolution dans l'organisation du site de Magny-en-Vexin, en particulier en ce qui concerne les urgences de nuit, ne pourrait se faire sans justification claire et une concertation loyale avec les élus et les professionnels de santé. Le lien de confiance avec nos territoires en dépend. Dans un département déjà sous-doté, chaque signal compte.
menaces sur l'avenir de l'institut mutualiste montsouris
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, auteur de la question n° 650, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Ian Brossat. Madame la ministre, s'il existe un droit fondamental, c'est bien celui à la santé. Aussi, je souhaite vous alerter sur la situation très critique que traverse l'Institut mutualiste Montsouris (IMM).
Cet hôpital privé à but non lucratif est situé dans le XIVe arrondissement de Paris, mais il rayonne également sur les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne. Depuis vingt-cinq ans, cet établissement joue un rôle essentiel dans notre système de santé. Il soigne chaque année des dizaines de milliers de patientes et de patients, en secteur 1, c'est-à-dire sans dépassement d'honoraires, dans des domaines majeurs : cancérologie, santé mentale des adolescents et maternité pour femmes en situation de handicap.
Pourtant, l'IMM est au bord du gouffre. En janvier dernier, il a été contraint de se déclarer en cessation de paiements. La situation financière est critique, et les causes sont bien identifiées : sous-financement chronique, explosion des charges, dette immobilière devenue insoutenable.
Dans la loi de finances 2024, le Gouvernement avait prévu pour soutenir l'IMM une aide exceptionnelle, mais celle-ci n'a toujours pas été versée. Ce retard met en péril 485 lits, 1 700 emplois et l'accès aux soins de milliers de Parisiennes et de Parisiens.
Par ailleurs, l'IMM n'est pas un cas isolé. D'autres centres parisiens sont concernés. Ainsi, les centres de santé de Réaumur et de Stalingrad pourraient voir fermer leurs services de kinésithérapie, d'infirmerie, d'orthoptie et d'autres spécialités.
La Ville de Paris, elle, prend ses responsabilités : elle soutient ses centres de santé municipaux existants ou en projet et elle facilite l'installation de médecins là où ils manquent, via le dispositif Paris Med'. Mais seule, elle ne pourra pas enrayer la dégradation continue de l'offre de soins.
Aussi, madame la ministre, ma question est simple : que compte faire le Gouvernement pour garantir la survie et la pérennité de l'Institut mutualiste Montsouris ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Ian Brossat, cet institut rayonne même depuis plus de vingt-cinq ans, puisque j'y suis née, quelques années plus tôt. (Sourires.)
Comme vous l'avez souligné, l'Institut mutualiste Montsouris traverse une période critique. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte en janvier 2025, à la suite d'un défaut de paiement lié à l'absence de transformations structurelles durables.
Depuis 2015, l'État a soutenu l'établissement de manière constante, lui accordant 16 millions d'euros en aides de trésorerie, 2,2 millions d'euros de crédits exceptionnels, 41,5 millions d'euros de garanties de financement et 38,3 millions d'euros pour accompagner différents projets via les crédits régionaux.
Les candidats intéressés pour reprendre l'établissement ont eu la possibilité de déposer des offres jusqu'au 16 mai dernier. Finalement, cinq offres ont été déposées. Leurs auteurs sont Foch Santé International, en association avec l'Institut Curie ; la Fondation Hôpital Saint-Joseph ; des consortiums de nature financière, comme la société Prudentia Capital ; le groupe Sarah Santé, monté par des cardiologues libéraux ; enfin, le projet des docteurs Michel Bodkier et Mikaël Kaufman.
Ces offres sont actuellement analysées par l'administrateur judiciaire, qui est le seul à être compétent pour proposer une solution de reprise dans le cadre de la procédure judiciaire en cours. La procédure est naturellement suivie de très près par l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, qui est en contact avec les administrateurs judiciaires.
Alors que le calendrier pour la désignation d'un repreneur est en cours de montage, l'État reste pleinement mobilisé pour préserver les valeurs de l'établissement : des soins de très haut niveau, accessibles à tous, dans un cadre permettant aux professionnels de santé de l'IMM de continuer à exercer leur expertise dans des conditions pérennes et sécurisées.
Je puis vous assurer que le ministre Yannick Neuder suit personnellement et avec la plus grande attention les suites de cette procédure.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.
M. Ian Brossat. Madame la ministre, je vois comme un signal positif le fait que vous soyez née à l'Institut mutualiste Monstouris, car vous en connaissez donc l'importance et vous êtes consciente qu'il faut veiller à sa pérennité.
Mon groupe se mobilisera pour garantir la survie de cet établissement, et j'espère que l'État sera au rendez-vous.
fragilisation du maillage territorial des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, auteur de la question n° 655, adressée à M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Michel Masset. Monsieur le ministre, l'université et le rectorat de Bordeaux sont actuellement en discussion pour appliquer la réforme de la formation des enseignants, dont l'entrée en vigueur est prévue pour la rentrée 2025.
Lors de l'annonce de cette réforme, le Gouvernement affirmait que les universités mettraient en place les nouvelles licences sur tout le territoire. Vous faisiez vous-même de l'ancrage territorial des universités « un élément clé de nos réussites collectives ».
C'est pourquoi je m'émeus d'apprendre que les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) d'Agen et de Périgueux risquent de perdre une partie de leur offre de formation au profit des grandes centralités de Bordeaux et de Pau. Ce faisant, nos sites ruraux conserveraient seulement les formations en master.
Ce choix serait particulièrement regrettable, car nous savons bien que les étudiants en licence restent souvent sur le même site d'enseignement pour leurs années de master.
Ce projet soulève des questions majeures d'aménagement du territoire, de formation des enseignants et de réponse aux besoins des écoles rurales.
Il est indispensable de mettre en cohérence les offres de formation et les besoins des territoires, comme le Sénat l'a fait en supprimant le numerus clausus dans les études de médecine au profit d'un pilotage plus cohérent de la formation. Nous devons absolument appliquer cette méthode à une profession non moins essentielle : celle des enseignants.
À l'heure où les effectifs des Inspé baissent continuellement, l'éloignement des formations de nos territoires ruraux est un facteur aggravant.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer de votre soutien à l'ouverture des nouvelles licences partout sur le territoire ? Garantirez-vous aux universités les moyens de remplir cet objectif ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Masset, vous m'interpellez sur les implantations territoriales des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation, qui forment les futurs enseignants, mais aussi, de manière plus générale, sur la carte territoriale des formations.
Vous soulignez l'intérêt de leur présence dans les territoires pour favoriser l'attractivité du métier d'enseignant. J'en suis parfaitement d'accord. Comme vous le savez, cette démarche de territorialisation est l'un des éléments de la réforme de la formation initiale des enseignants que je mets en œuvre avec la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale.
Nous souhaitons que les jeunes puissent passer les concours pour exercer au plus près de là où ils ont été formés. Avec les 32 Inspé répartis sur le territoire, nous sommes en mesure d'assurer une maille assez fine. Nous entendons conserver cette large couverture, afin que les lauréats puissent bénéficier de lieux de formation adaptés aux lieux de stage, qui seront plus nombreux à l'avenir.
Les Inspé sont des composantes universitaires qui dépendent de leur université de rattachement. Pour des raisons historiques, les bâtiments dans lesquels ils sont implantés n'appartiennent pas toujours aux universités. Ils sont souvent mis à disposition par des collectivités selon des dispositions financières très variables d'un bâtiment à l'autre.
Concrètement, la gestion des sites s'inscrit dans la politique immobilière de l'université que l'État expertise dans le cadre d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière. À ce titre, mon ministère n'est aucunement engagé dans l'étude d'un regroupement des sites des Inspé d'Agen et de Périgueux, comme vous dites le redouter. Au reste, cela ne relève pas directement de notre compétence.
Je suis en tout cas très attentif à cette question et je répète qu'il est très important de pouvoir proposer aux jeunes des formations dans les territoires, en particulier des licences.
C'est un enjeu fondamental, qui peut passer soit par des antennes universitaires, soit par des formations numériques dans des campus connectés. Pour tout cela, nous avons besoin d'une forte mobilisation des élus et des collectivités.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour la réplique.
M. Michel Masset. Je vous remercie, monsieur le ministre. J'ai compris que nous pouvions compter sur votre soutien total et entier.
usage du numérique à l'école
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 647, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, il existe désormais un consensus scientifique : l'exposition aux écrans comporte de nombreux désavantages et risques pour la santé physique et mentale des enfants et des adolescents.
Votre gouvernement aurait d'ailleurs l'ambition d'agir sur ce sujet. Aussi voudrais-je vous interroger sur ce que nous imposons nous-mêmes à nos enfants en matière d'usage des écrans. Je pense en particulier à Pronote, Educartable et maintenant Papillon, qui permettent de prendre connaissance des notes en ligne, et même de faire office de cahier de textes.
J'attire votre attention sur le fait que ces différents dispositifs ne sont bons ni pour les enfants, ni pour les enseignants, ni pour les parents.
Tout d'abord, ils ne sont pas bons pour les enfants, car l'arrivée des notes en flux continu sans aucune explication est facteur de stress. Une note ne saurait être remise sans un commentaire de l'enseignant. Cela évite à l'enfant de discuter avec ses parents de la note ou du devoir en question.
En ce qui concerne les cahiers de textes, sans me considérer comme une boomeuse, j'estime que prendre des notes aide à assimiler les informations et permet de poser des questions à l'enseignant lorsque la consigne n'est pas comprise.
Ensuite, pour les enseignants, ces plateformes sont très intrusives et invasives. D'une part, elles représentent pour eux une charge de travail supplémentaire. D'autre part, elles les soumettent aux questions des parents.
En réalité, cette affaire n'est bonne pour personne. Ces outils peuvent servir de prétexte aux enfants pour passer du temps sur leur téléphone. Que peut dire un parent lorsqu'il demande à son enfant ce qu'il fait sur son téléphone et que celui-ci lui répond : « Je suis sur Pronote » ? Rien !
Aussi, votre gouvernement a-t-il l'intention de garantir le droit à la déconnexion des enfants, des parents et des enseignants ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, vous le savez, le Président de la République a commandé en 2024 un rapport sur ce sujet, dont les conclusions alertent sur les répercussions d'un usage incontrôlé des écrans.
La ministre d'État Élisabeth Borne partage également ces préoccupations. C'est pourquoi elle a confié au début de 2025 une mission sur le sujet à l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR). Ses conclusions sont tout à fait éclairantes.
Depuis 2010, l'année de publication de la circulaire imposant le déploiement d'un cahier de textes numérique, les pratiques ont considérablement évolué. Nous devons nous interroger de nouveau sur la place du numérique, à l'école comme en dehors.
Aussi Élisabeth Borne envisage-t-elle de revoir cette circulaire. S'il constitue un levier pédagogique important, l'usage du numérique à l'école doit être encadré, afin de prévenir les usages inappropriés, de protéger les élèves et de contribuer à un climat scolaire le plus serein possible.
Vous avez mentionné le stress parfois causé par des logiciels scolaires comme Pronote. Permettez-moi de préciser la chronologie que les professeurs sont censés respecter lorsqu'ils rendent les copies : tout d'abord, la copie est remise à l'élève, pour que celui-ci comprenne sa note ; ensuite, la note est affichée dans l'outil numérique ; enfin, la note est communiquée aux parents, à l'issue d'un délai raisonnable.
En ce qui concerne le droit à la déconnexion, c'est parce qu'elle a l'ambition de le garantir qu'Élisabeth Borne a demandé la suspension des mises à jour des logiciels de vie scolaire entre vingt heures et sept heures du matin. Il en va de même pour l'interdiction du téléphone portable au collège dès la rentrée prochaine.
Ainsi, je vous répète que le ministère s'attache à définir un cadre d'usage équilibré, qui tienne compte des déterminants sanitaires et pédagogiques que vous mentionnez.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, nous partageons les mêmes constats et nos points de vue semblent converger. Toutefois, il existe une différence entre vous et moi : vous gouvernez, pas moi ! Vous, vous pouvez prendre des décisions et mettre fin à l'usage de tous ces systèmes qui sont intrusifs pour les enfants, les parents et les enseignants, et pas moi.
conditions de prise en charge du temps de pause méridienne par les accompagnants des élèves en situation de handicap
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la question n° 652, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la prise en charge du temps de pause méridienne des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
Le législateur a voulu, depuis l'année dernière, que l'État assume leur rémunération non seulement durant le temps scolaire, mais également pendant la pause méridienne. Ces dispositions devaient mettre fin aux inégalités de traitement entre les territoires.
Toutefois, sur le terrain, la réalité est tout autre. Dans de nombreux départements, les retours sont unanimes : l'État refuse ou tarde à prendre en charge la rémunération des AESH sur ce temps méridien.
Une incertitude juridique et financière pèse ainsi sur les collectivités, qui sont contraintes de pallier ces manquements. Rappelons qu'elles ne sont pourtant pas censées se substituer à l'État. Les finances de nos communes sont déjà fragilisées et elles se passeraient bien de cette nouvelle charge.
Pour ajouter à cette confusion, une note de service du 4 juin 2025 est venue contredire l'esprit même de la loi en abrogeant la note du 24 juillet 2024, qui encadrait la mise en œuvre de cette prise en charge. Alors que la loi devait garantir un accompagnement humain continu et effectif pour tous les élèves en situation de handicap, nous assistons à un retour en arrière.
À l'approche de la rentrée scolaire, cette situation crée une inquiétude considérable chez les familles, les AESH et les équipes éducatives, mais aussi pour les collectivités.
Monsieur le ministre, quelles raisons ont conduit le ministère à abroger cette note de service ? Comment comptez-vous rétablir la confiance et sécuriser juridiquement et financièrement la présence des AESH sur le temps méridien, afin que chaque enfant en situation de handicap soit pleinement accueilli et accompagné ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Lermytte, l'école inclusive représente la promesse tenue de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
À la rentrée dernière, quelque 520 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés sur les bancs de nos établissements. Ces élèves ayant des besoins particuliers, près de 340 000 d'entre eux sont accompagnés par une aide humaine, soit 8 % de plus que l'année dernière et 90 % de plus qu'en 2013.
Comme vous l'avez mentionné, la loi de 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, dite loi Vial, prévoit désormais la prise en charge par l'État de la rémunération des AESH sur la pause méridienne.
Alors que 7 700 élèves environ étaient accompagnés par des AESH sur ce temps au 31 décembre 2024, ils étaient 8 600 trois mois plus tard seulement.
Le décret d'application que vous évoquez précise les conditions de recrutement et d'emploi des AESH. Il représente un appui précieux pour garantir à des milliers d'élèves une prise en charge de qualité. Il prévoit que l'État reste pleinement employeur des AESH et continue d'assumer toutes ses obligations.
Par ailleurs, ce décret précise qu'une coordination avec les collectivités est nécessaire à la bonne intervention des AESH. Chaque situation est donc traitée au cas par cas, en bonne intelligence avec les collectivités et les services déconcentrés du ministère.
Une foire aux questions a été mise en place pour répondre aux interrogations de chacun.
Enfin, les dispositifs de suivi et d'évaluation sont envisagés à l'échelon académique, en lien avec les services déconcentrés du ministère chargés de l'école inclusive.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Lermytte. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je pensais notamment aux communes rurales de petite taille, qui ont besoin de savoir dès maintenant comment elles organiseront le service en faveur des enfants en situation de handicap à la prochaine rentrée.
fermetures de classes en zones rurales et maillage territorial des établissements scolaires
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 644, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Monique de Marco. Monsieur le ministre, en Gironde comme dans bien d'autres départements, de nombreuses fermetures de classes sont programmées dans les zones rurales pour la rentrée 2025.
La direction des services départementaux de l'éducation nationale de Gironde a ainsi annoncé la fermeture de 105 classes d'écoles maternelles et élémentaires. À l'échelle nationale, la future carte scolaire prévoit 470 suppressions de postes dans le premier degré, qui pourraient entraîner près de 5 000 fermetures de classes. Nos territoires ruraux sont les premières victimes de ces fermetures.
Malgré la baisse démographique, ce choix est incompréhensible : dans le premier degré, la France a les classes les plus chargées d'Europe, avec une moyenne de 18 élèves par enseignant, contre 13 à l'échelle européenne.
Supprimer une classe va bien au-delà d'une simple réorganisation scolaire. Les répercussions sur les familles et les enfants sont nombreuses : les temps de trajets sont allongés et la réussite scolaire des élèves concernés en est affectée.
En outre, la fermeture d'une classe affaiblit la vie locale. L'école n'est pas seulement un lieu d'apprentissage, elle est aussi un lieu de cohésion sociale. Lorsqu'elle disparaît, tout l'équilibre d'un village est remis en question. Préserver les classes en milieu rural, c'est préserver un service public de proximité, garantir une éducation de qualité et contribuer activement au dynamisme de nos campagnes.
Monsieur le ministre, il est nécessaire d'adapter les politiques publiques éducatives aux réalités des zones rurales pour assurer l'égalité des chances. L'école de la République doit être un outil d'émancipation et de développement pour chaque élève, quels que soient son origine sociale ou son territoire.
À l'heure actuelle, les jeunes ruraux sont victimes d'inégalités territoriales et n'ont pas les mêmes chances de réussite que les autres jeunes : le taux de non-poursuite d'études s'élève à 23,6 % dans les territoires ruraux éloignés, contre 15 % en moyenne à l'échelle nationale.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous arrêter cette hémorragie qui transforme nos campagnes en déserts scolaires ? Que répondez-vous aux nombreux élus locaux qui demandent un moratoire sur les fermetures de classes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Monique de Marco, je veux rappeler que les moyens en emplois pour la rentrée 2025 ont été améliorés par rapport à la copie initiale du PLF, et cela précisément pour répondre aux difficultés que vous mentionnez.
Nous avons maintenu des postes qui allaient être supprimés et nous avons recruté 2 000 AESH supplémentaires. Mais ces arbitrages ne peuvent pas ignorer les faits démographiques. À la rentrée prochaine, les effectifs du seul enseignement primaire diminueront de 93 000 élèves.
La fermeture de certaines classes se traduira en réalité par une amélioration du taux d'encadrement, qui atteindra un niveau historiquement bas de 21 élèves par classe.
Madame la sénatrice, votre département, la Gironde, connaîtra une baisse de 1 700 élèves dans le premier degré à la rentrée prochaine. Une centaine de fermetures de classes est certes prévue, mais cinquante ouvertures le sont également, en plus des trente postes supplémentaires destinés à reconstituer les brigades de remplacement.
Le nombre moyen d'élèves par classe restera donc stable, notamment grâce au dialogue fourni qui s'est noué entre collectivités et services déconcentrés de l'éducation nationale. Ce dialogue est notamment permis par les observatoires des dynamiques rurales, créés par Élisabeth Borne lorsqu'elle était Première ministre.
Une attention particulière est portée aux territoires ruraux et à leurs écoles. La récente tenue du comité interministériel de la ruralité en témoigne.
En Gironde, l'investissement de l'État est le même que partout sur le territoire. Je pense aux territoires éducatifs ruraux, au service de l'égalité des chances – il en existe trois en Gironde –, mais aussi aux internats d'excellence ruraux – votre département en compte cinq.
Ces dispositifs préservent et favorisent un accès équitable à l'éducation partout sur le territoire ; c'est une priorité du Gouvernement.
enseignants contractuels et droit à la mobilité pour les titulaires
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, auteure de la question n° 663, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le ministre, nous constatons depuis les années 2000 une augmentation du recours à l'emploi contractuel au sein de l'éducation nationale.
Cette augmentation est assumée non plus comme un impératif de réajustement technique, mais bien comme une volonté politique de développer la coexistence de titulaires et de contractuels pour assurer les mêmes missions. C'est d'ailleurs par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique que le Gouvernement s'est doté des moyens légaux pour répondre à ce choix politique.
Or, nous le voyons bien, l'apport d'une telle flexibilisation est très faible. J'en veux pour preuve la totale incapacité dans laquelle nous nous trouvons pour endiguer la crise de recrutement, ou même pour assurer correctement le remplacement des personnels absents.
Cette situation obère gravement l'avenir du service public de l'éducation. Là où le concours et la formation initiale permettent aux enseignants d'assumer une véritable liberté pédagogique, la contractualisation, qui vise à réduire les coûts, risque au contraire de créer une forme d'aliénation.
Plus globalement, dans un contexte de renoncement progressif, nous assistons à la casse du cadre statutaire des enseignants. L'emploi statutaire permet en réalité une bien meilleure adaptation aux besoins territoriaux que l'emploi contractuel.
Les lauréats ultramarins aux concours nationaux, notamment les enseignants, supportent un lourd sacrifice lié à l'obligation de garantir une présence de fonctionnaires sur tout le territoire. Ils sont souvent contraints à commencer leur carrière loin du lieu de vie auquel ils aspirent, et cette situation dure parfois pendant une grande partie de leur carrière professionnelle. La précarisation ne répond en rien à l'intérêt général.
Dans ce contexte, le droit à la mobilité des titulaires est durement remis en cause par le recrutement massif de contractuels.
Par conséquent, j'aimerais connaître, monsieur le ministre, la part de contractuels enseignants par type de contrat – CDD ou CDI –, par degré – primaire, second degré –, par académie et par discipline.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Corbière Naminzo, la fonction publique d'État est confrontée à l'augmentation du nombre de ses agents contractuels et les difficultés de recrutement n'épuisent pas cette tendance. À cet égard, France Stratégie évoque, dans un rapport de 2024, un réel « défi de l'attractivité ».
L'éducation nationale n'est pas en reste. C'est pourquoi Mme la ministre d'État a lancé, dès son arrivée, une refonte du recrutement et de la formation des professeurs.
Cela étant, le recours aux contractuels est moins massif à l'éducation nationale que dans d'autres pans de la fonction publique d'État. La part de contractuels s'élève à 2 % dans le premier degré et à 10 % dans le second, contre en moyenne 20 % ailleurs.
Le recours aux titulaires demeure nécessaire pour garantir la continuité des enseignements, dans certains territoires ou dans certaines disciplines. En résultent deux points de vigilance.
Premièrement, nous veillons aux conditions de recrutement et de formation des contractuels. À ce titre, des progrès notables ont été accomplis afin d'accompagner les contractuels vers la réussite au concours. Une attention particulière est également portée à leur formation pour leur garantir, comme à leurs collègues titulaires, la possibilité d'investir pleinement leur liberté pédagogique.
Deuxièmement, nous entendons trouver le juste équilibre entre fidélisation des contractuels et respect des droits des fonctionnaires, en matière de mobilité comme d'affectation. La direction générale des ressources humaines du ministère a donc rappelé cette exigence aux recteurs : il faut veiller à ce que les modalités d'affectation ne conduisent pas à privilégier le choix des contractuels par rapport à ceux des titulaires. Ce rappel traduit la volonté du ministère de garantir aux titulaires une priorité lorsqu'ils souhaitent faire valoir leur droit à la mobilité.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour la réplique.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse. Sachez toutefois qu'à La Réunion, par exemple, de nombreux lauréats aux concours nationaux renoncent au poste auquel ils ont droit, préférant devenir contractuels.
Il faut mettre fin à cette situation tout à fait scandaleuse. Non seulement les titulaires doivent pouvoir exercer leur droit à la mobilité, mais l'enseignement doit redevenir une véritable priorité du service public.
régime des décharges des directrices et directeurs d'école
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Delia, auteur de la question n° 614, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Jean-Marc Delia. Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur la disparité territoriale constatée pour les décharges des directrices et directeurs d'école, laquelle persiste malgré les signalements récurrents de la Cour des comptes et les fortes attentes du terrain.
Depuis plusieurs années, des efforts ont été consentis pour alléger la charge des directrices et directeurs d'école, en particulier dans les petites structures. Pourtant, force est de constater qu'un traitement dérogatoire existe à Paris, où les directeurs d'école bénéficient d'un régime de décharges d'enseignement plus favorable que dans le reste du pays.
Dans son référé du 16 septembre 2024, la Cour des comptes rappelle que cette situation contrevient au principe d'égalité de traitement des agents publics sur le territoire national.
Le 18 mars dernier, vous avez annoncé un moratoire sur les suppressions de décharges prévues à la rentrée de 2025. Autrement dit, vous avez gelé la réforme sans pour autant poser les bases d'une harmonisation équitable pour l'ensemble des académies.
Vous connaissez la réalité du métier de directeur d'école. Elle est marquée à la fois par la surcharge administrative, par le manque de reconnaissance et par un véritable isolement. Or les inspections sont formelles : mieux déchargés, les directrices et directeurs parisiens sont plus disponibles pour assurer le pilotage pédagogique, les relations avec les familles et la coordination d'équipe.
Ce mode de fonctionnement pourrait inspirer une réforme nationale. D'ailleurs, dans son rapport de mai 2025, la Cour des comptes recommande clairement de créer une fonction de directeur d'école à temps plein – choix déjà opéré dans plusieurs pays européens.
Allez-vous suivre les préconisations de la Cour des comptes et engager une réforme structurelle pour garantir à tous les élèves, où qu'ils vivent, un encadrement pédagogique de qualité, tout en respectant les femmes et les hommes qui font vivre notre école au quotidien ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Jean-Marc Delia, les directrices et directeurs d'école, et plus largement tous nos personnels de direction, exercent des missions cruciales. Leurs rôles pédagogique, administratif et humain sont en effet au cœur du fonctionnement de l'école. C'est pourquoi le ministère a engagé une démarche d'amélioration du régime de décharge.
Vous le savez, les décharges de direction ont régulièrement évolué depuis dix ans dans l'éducation nationale. Les derniers changements en date ont eu lieu en 2021 et tout récemment, en 2025.
Les décharges de direction, qui étaient un peu plus de 11 000 en 2020, sont ainsi près de 14 000 en 2025.
Pour ce qui est du référé de la Cour des comptes, Mme la ministre d'État a demandé à la rectrice de Paris et au secrétaire général de son ministère d'engager une concertation avec la Ville de Paris afin de déterminer un régime de décharge conforme à la réglementation.
Par ailleurs, la Cour des comptes nous invite à engager une réflexion globale sur le réseau scolaire actuel afin de mieux accompagner les personnels, notamment les directeurs.
Des groupes de travail vont être réunis pour étudier les modalités d'organisation et de répartition des décharges, en tenant compte des besoins du terrain et des spécificités locales.
À ce jour, trois réunions associant les représentants du ministère et ceux de la Ville de Paris ont déjà eu lieu. Les échanges se poursuivent et nous espérons dégager une solution dans les meilleurs délais. C'est justement pour que cette concertation puisse aboutir que Mme la ministre d'État a décidé le moratoire que vous évoquiez à l'instant.
Le ministère reste mobilisé pour accompagner au mieux les directeurs d'école dans l'exercice de leurs missions, tout en veillant à une gestion équilibrée et efficiente de l'ensemble des moyens disponibles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Delia, pour la réplique.
M. Jean-Marc Delia. Monsieur le ministre, je tiens à souligner le travail primordial qu'accomplissent les directrices et directeurs d'école, notamment dans nos territoires ruraux.
Je prends note des démarches engagées ; il faut faire en sorte qu'elles aboutissent rapidement pour aider au mieux ces directeurs.
critères d'éligibilité de la dotation générale de décentralisation concernant la construction de médiathèques intercommunales
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 467, transmise à Mme la ministre de la culture.
M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, j'attire votre attention sur un sujet très concret et tout à fait stratégique pour nos territoires ruraux : les critères d'éligibilité de la dotation générale de décentralisation, la fameuse DGD, dans le cadre de projets de construction de médiathèques intercommunales.
Cette dotation – vous le savez – constitue le principal levier du soutien de l'État à l'investissement culturel dans les territoires. Pourtant, sa mise en œuvre subit un certain nombre de blocages. Je pense notamment à la circulaire du 26 mars 2019, qui impose un critère, très rigide, de 0,07 mètre carré de surface par habitant.
Concrètement, une intercommunalité de ma région, qui défend à ce titre un projet ambitieux, se trouve aujourd'hui dans l'impasse. En effet, pour être éligible à la DGD, elle devrait construire deux médiathèques de 900 mètres carrés chacune pour un coût estimé de plus de 8 millions d'euros, dont 5 millions d'euros à la charge de la collectivité. Bien entendu, une telle dépense est complètement démesurée pour un territoire rural.
Ce critère de surface, censé garantir la qualité des équipements, finit par menacer notre maillage culturel. Il ne tient compte ni des réalités locales ni de la capacité budgétaire des collectivités territoriales. Il ignore les besoins d'un territoire qui souhaite tout simplement offrir un accès équitable à la culture, notamment à la lecture, dans une logique d'inclusion.
Nous ne pouvons accepter qu'un projet culturel cohérent et soutenu par des élus de terrain soit abandonné pour des raisons purement administratives. La conformité réglementaire ne doit pas entraver l'essor de la culture pour tous.
Ma question est donc particulièrement simple : le Gouvernement envisage-t-il d'assouplir les critères d'attribution de la DGD, notamment en adaptant le seuil de surface minimale pour que davantage de projets réalistes et utiles puissent voir le jour dans nos territoires ruraux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Stéphane Demilly, comme vous le savez, le concours particulier relatif aux bibliothèques au sein de la dotation générale de décentralisation est un outil très efficace d'aménagement du territoire. Depuis quarante ans, il a permis à l'État d'accompagner de très nombreuses collectivités territoriales dans la construction, la rénovation et l'équipement de médiathèques.
C'est sur proposition du Gouvernement que le législateur est venu renforcer le soutien de l'État à l'investissement dans la lecture publique. À cette fin, ce concours a été abondé en loi de finances pour 2024 à hauteur de 6,5 millions d'euros. Sont spécialement ciblés les territoires ultramarins ainsi que ceux qui sont situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dont j'ai la charge. Ce soutien financier a ainsi été porté à près de 95 millions d'euros au total.
Néanmoins, comme vous le signalez, l'attribution de cette dotation de l'État repose sur des critères de population et de surface qui peuvent, dans certains cas particuliers, créer des difficultés pour les communes ou les intercommunalités rurales.
C'est pour cette raison que le Gouvernement a entrepris une révision d'ensemble des dispositions réglementaires relatives à la DGD dédiée aux bibliothèques. Ce travail s'est notamment traduit par une simplification d'ampleur des règles d'instruction, de gestion et de répartition du concours, aujourd'hui appliquées, pour l'essentiel, par ces échelons de proximité que sont les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et les préfectures de région.
Une circulaire interministérielle du ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et du ministère de la culture viendra très prochainement parachever la simplification normative engagée. Elle se substituera à la précédente circulaire, datée du 26 mars 2019.
La nouvelle circulaire visera ainsi à mieux prendre en compte le type de situation que vous évoquez en accordant des marges de manœuvre et d'appréciation accrues aux services déconcentrés de l'État. Ces derniers sont les mieux à même de définir les besoins en équipements de chaque territoire. À cet égard, une disposition réglementaire définissant des seuils de surface est nécessairement imparfaite.
Cette évolution devrait permettre à l'intercommunalité qui vous a sollicité de mener à bien son projet de construction d'une bibliothèque avec le soutien actif de l'État. Les services déconcentrés de l'État, et notamment la Drac des Hauts-de-France, y veilleront tout particulièrement.
M. Stéphane Demilly. Merci beaucoup, madame la ministre !
menace de fermeture des guichets et réduction des horaires d'ouverture dans plusieurs gares de la ligne ferroviaire sarlat-bergerac-libourne
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la question n° 501, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, à partir de 2026, la SNCF prévoit de fermer, en Dordogne, les gares de Condat – Le Lardin, de La Coquille, des Eyzies et de Terrasson, tout en réduisant drastiquement les horaires d'ouverture des guichets à Bergerac et à Saint-Astier.
Ces décisions, qui conduisent à remplacer les agents par des automates, viseraient aussi les gares de Sarlat, du Buisson et de Lalinde.
À juste titre, les élus dénoncent ces décisions. Quelque 84 millions d'euros ont été investis sur la ligne Bergerac-Libourne en 2018 et les travaux menés ont permis une forte hausse de la fréquentation. Pas moins de seize collectivités territoriales, dont le département, ont apporté leur contribution financière.
Les guichets de nos gares jouent un rôle essentiel. Ils sont plus que de simples points de vente de billets : ils incarnent, en particulier dans la ruralité, le lien humain du service public ferroviaire, assurant la sécurité, l'information et l'accompagnement des usagers.
Les lignes dites de desserte fine du territoire sont les premières victimes du désengagement de l'État. Les conséquences de cette politique sont connues et vécues : vétusté des installations, ralentissements pour raisons de sécurité, incidents divers, suppression de dessertes, fermeture de gares ou encore remplacement de trains par des autocars.
Le président de la SNCF lui-même nous alerte. Selon lui, 4,5 milliards d'euros d'investissements annuels sont nécessaires pendant les vingt prochaines années pour régénérer et moderniser le réseau. À défaut, nous assisterons à un affaiblissement historique du maillage ferroviaire français.
Alors que le ferroviaire est au cœur de la transition écologique, ces choix budgétaires, qui affectent également le fret, nous imposent de trouver de nouvelles sources de financement. Je pense, par exemple, à la renationalisation des autoroutes.
Alors que nous devons réduire de manière draconienne nos émissions de gaz à effet de serre, le ferroviaire doit rester le socle du service de transport assurant l'égalité territoriale.
Je relaie ici la colère des élus et des usagers. Les premiers comme les seconds demandent que la SNCF rompe sans délai avec cette politique mortifère consistant à fermer des guichets de vente, voire des gares, dans un contexte où la population ressent déjà un profond sentiment de relégation et d'abandon. Ils exigent à juste titre un service public de qualité, complet et accessible à tous les habitants du territoire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Madame la sénatrice Marie-Claude Varaillas, la voie ferrée Bordeaux-Sarlat fait partie des lignes de desserte fine du territoire.
Comme vous le soulignez, cette liaison a fait l'objet, en 2018, de travaux de régénération cofinancés par la région, l'État et SNCF Réseau. Ces efforts montrent l'engagement de l'État auprès des régions pour la desserte des territoires ruraux.
Les gares de Bergerac, de Sarlat, du Buisson et de Lalinde sont des gares régionales, desservies par les services des trains express régionaux (TER) opérés par SNCF Voyageurs dans le cadre du contrat conclu avec la région de Nouvelle-Aquitaine.
C'est en effet la région qui, en qualité d'autorité organisatrice de la mobilité (AOM), définit la consistance du service TER. L'État n'a pas vocation à se substituer aux conseils régionaux pour définir l'offre et les objectifs de qualité de ce service, notamment pour décider une éventuelle fermeture des guichets ou encore une réduction de leurs jours et heures d'ouverture au public.
De plus, il existe de nombreux moyens d'offrir aux voyageurs un accès équitable aux informations relatives aux services proposés. De même, les titres de transport peuvent être achetés par différents biais.
En tout état de cause, ces décisions relèvent de l'autorité organisatrice de la mobilité, dans le cadre de son schéma régional de distribution des titres de transport TER.
Aussi, je vous invite à vous rapprocher de la région de Nouvelle-Aquitaine : ses représentants sauront vous exposer l'ensemble des mesures qu'elle compte mettre en œuvre pour apporter aux voyageurs des lignes de TER un service répondant à leurs besoins, sur lesquels vous insistez à juste titre.
Madame la sénatrice, les attentes des usagers sont légitimes, soyez assurée que nous les comprenons.
conséquences de la crise énergétique pour les locataires du parc social
M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, auteur de la question n° 628, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.
M. Adel Ziane. Madame la ministre, les locataires du parc social voient leurs charges exploser du fait de la flambée des prix de l'énergie. Or les bailleurs sociaux, déjà en grande difficulté financière, n'ont pas les moyens d'absorber de telles hausses.
Pendant ce temps, les principaux groupes énergétiques réalisent des bénéfices records – ces derniers s'élèvent à 30 milliards d'euros, selon la Cour des comptes –, tout en continuant de percevoir des aides publiques. Cette situation est intolérable.
Je pense notamment à la ville de Saint-Ouen, dont je suis conseiller municipal, et plus largement à mon département de la Seine-Saint-Denis.
La société d'économie mixte de Saint-Ouen (Semiso), qui gère de nombreux logements sociaux, a vu ses dépenses énergétiques bondir de 4,5 à 7 millions d'euros entre 2022 et 2023. Les charges dont il s'agit ont ainsi augmenté de plus de 56 %. Cette hausse a été directement répercutée sur de nombreux foyers précaires, malgré la création d'un fonds de solidarité avec les amicales de locataires, destiné à répondre à cet enjeu.
Devant cette situation, le Gouvernement a une responsabilité. L'affaiblissement du bouclier tarifaire et le manque de soutien aux collectivités territoriales sont bel et bien des décisions politiques, qui ont organisé, de fait, une précarité énergétique croissante.
Le Gouvernement possède également des leviers d'action. En effet, un certain nombre d'outils sont à sa disposition.
C'est précisément parce que des solutions existent qu'une pétition a été lancée à Saint-Ouen, sur l'initiative des élus de la majorité municipale et des responsables associatifs locaux, pour alerter le Gouvernement. Il est urgent d'apporter une réponse adaptée.
Madame la ministre, je me fais ici l'écho de leurs interrogations et de leurs demandes. Tout d'abord, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour compenser sans délai ces hausses de charges ? Ensuite, envisage-t-il de rétablir les tarifs réglementés pour les bailleurs sociaux et d'encadrer plus strictement les pratiques des fournisseurs ? Enfin, quand présentera-t-il un véritable plan national de rénovation énergétique du parc social ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Adel Ziane, pour faire face à l'augmentation sans précédent du prix de l'énergie, le Gouvernement s'est pleinement mobilisé.
Tout d'abord, nous avons institué le bouclier tarifaire individuel. Nous avons ainsi limité les hausses de prix du gaz et de l'électricité pour tous les contrats individuels, y compris ceux des ménages en habitat collectif.
Ensuite, le bouclier tarifaire collectif apporte aux ménages en habitat collectif une aide équivalente à celle du bouclier tarifaire destiné aux particuliers. Ce dispositif s'applique lorsque l'électricité ou le gaz sont payés non directement par leurs occupants, mais par leur bailleur social, leur bailleur privé ou la copropriété.
Ces deux boucliers ont permis d'éviter un doublement des factures.
Le dispositif du chèque énergie a pu être mobilisé rapidement en 2021 et en 2022. Depuis 2024, il peut être utilisé pour payer les charges locatives incluant des frais d'énergie dans le parc HLM. Il appartient évidemment aux gestionnaires d'adhérer au dispositif.
Depuis le 1er février 2025, les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) sont étendus à l'ensemble des TPE, conformément à leur demande, ainsi qu'aux structures assimilées, sans condition de puissance souscrite. De nombreux consommateurs professionnels – collectivités territoriales, associations, administrations ou encore bailleurs sociaux – peuvent ainsi en bénéficier, ce qui n'est pas rien.
J'en viens à la rénovation du parc social. En février 2025, les derniers décrets nécessaires à la mise en place du dispositif Seconde Vie ont été publiés. Ils permettent de favoriser les réhabilitations lourdes.
Soyez assuré que le Gouvernement reste mobilisé pour donner des marges de manœuvre réelles aux bailleurs, afin de rendre possibles les opérations de rénovation énergétique améliorant significativement les conditions de vie des habitants.
M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour la réplique.
M. Adel Ziane. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Vous l'avez souligné vous-même, il s'agit là d'une question urgente pour beaucoup de nos concitoyens. Nous serons donc très attentifs à la mise en œuvre des mesures que vous avez annoncées. Nous veillerons, en particulier, à ce qu'elles aient réellement l'ampleur attendue.
J'y insiste, d'autres solutions existent. Sur l'initiative de notre collègue Viviane Artigalas, le groupe socialiste a ainsi déposé une proposition de loi visant à créer une tarification spéciale de l'électricité en faveur des ménages modestes. Nous espérons que le Gouvernement soutiendra ce texte.
transformation de logements vides sur le modèle des réhabilitations de bureaux en logements
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 567, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la ministre, à mon tour, j'attire votre attention sur la crise du logement.
Sans rappeler des chiffres que nous connaissons tous, je tiens à insister sur une contrainte qui se trouve devant nous : la non-artificialisation ou, en tout cas, la fixation d'une trajectoire de réduction de l'artificialisation.
Dans ce contexte, l'enjeu de réhabilitation du bâti existant devient essentiel. Depuis quelques années, des dispositifs permettent de transformer des bureaux en logements ; mais, évidemment, ils concernent plutôt les villes que les campagnes.
Or, dans toutes nos communes rurales, dans les centres-bourgs et même dans les centres-villes, des logements, voire des bâtiments entiers demeurent inoccupés depuis des années. Ces édifices sont littéralement à l'abandon. Souvent, on les désigne familièrement sous le nom de « verrues ».
Si ces logements, si ces bâtiments sont abandonnés, c'est souvent à la suite de conflits familiaux ou de problèmes d'indivision. Le manque d'investissement explique, en outre, un certain nombre de problèmes, en particulier pour les logements anciens : les travaux de réhabilitation sont si importants et coûteux que personne ne veut les entreprendre – et je ne parle pas des logements situés dans un périmètre classé…
Face à cette réalité, le Gouvernement prépare-t-il des initiatives ? Mène-t-il des discussions avec les associations d'élus ou encore avec les bailleurs pour orienter les investissements vers le logement existant au lieu de le flécher, encore et toujours, vers la seule construction neuve ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Pierre-Jean Verzelen, c'est à juste titre que vous appelez l'attention sur cette problématique.
Vous évoquez en particulier le dispositif d'aide à la relance de la construction durable, mis en œuvre par le Gouvernement dans le cadre du plan France Relance.
En 2021, 1 287 communes ont bénéficié de cette aide pour un montant total de 145 millions d'euros. En tout, 68 000 logements ont été financés par ce biais.
En 2022, le dispositif a été territorialisé – nous avons en effet créé les contrats de relance du logement, signés entre les préfets de département et les communes volontaires. Il a bénéficié, au total, à près de 530 communes, pour un peu plus de 120 000 logements éligibles et 138 millions d'euros d'aide. Le nombre de logements accompagnés est donc en nette augmentation.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, et à la demande des parlementaires, M. le Premier ministre a décidé de créer une nouvelle aide aux maires bâtisseurs, au titre du fonds vert, dispositif doté d'une enveloppe de 100 millions d'euros.
Vous m'interrogez plus précisément sur l'habitat en milieu rural. La lutte contre la vacance et la réhabilitation des logements constitue l'un des axes majeurs du plan France Ruralités, depuis 2023.
De plus, une prime de sortie de vacance en milieu rural de 5 000 euros pour chaque logement vacant depuis plus deux ans a été créée.
Afin d'accentuer l'effort de réhabilitation et de rénovation énergétique de l'habitat en milieu rural, cette prime est cumulable avec les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), ainsi qu'avec le dispositif fiscal Loc'Avantages. C'est ainsi qu'en 2024 355 logements bénéficiant d'un montant moyen de subvention de travaux de 33 000 euros ont pu être rénovés et revenir sur le marché locatif en milieu rural.
Il me semble que ces initiatives répondent en partie à vos préoccupations.
Vous pouvez le constater, le Gouvernement est mobilisé pour relancer la construction, réhabiliter et mieux rénover l'habitat en milieu rural.
avenir du fonds national des aides à la pierre et financement du logement social
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, auteur de la question n° 665, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, en juin 2024, 2,7 millions de demandes de logement social étaient en souffrance dans notre pays. En Bretagne, plus de 100 000 ménages sont aujourd'hui en attente d'un logement social, les délais d'attribution pouvant aller de vingt mois à plusieurs années.
À l'échelle nationale, le nombre d'agréments de logements sociaux a chuté de 30,5 % entre 2016 et 2024.
Face à cette pression, les aides directes de l'État au logement social, en particulier via le fonds national des aides à la pierre (Fnap), constituent un levier essentiel. Or ces dispositifs sont aujourd'hui en péril.
Amorcé dès 2018, le retrait de l'État s'est en effet traduit par une réduction constante des moyens budgétaires et par la mise en place temporaire d'une contribution exceptionnelle d'Action Logement, dans le cadre du plan d'investissement volontaire signé en 2019.
Le président d'Action Logement l'a rappelé lors de son audition, en mai 2025, devant la commission des affaires économiques du Sénat : cet engagement visait à offrir un temps d'organisation à l'État et aux bailleurs sociaux pour mettre en place un financement pérenne du Fnap. Or ce financement n'a jamais vu le jour.
Une nouvelle fois sollicité, Action Logement se retire aujourd'hui, et ce à juste titre, n'étant ni l'État ni un outil de l'État. Ne reste donc, pour financer le Fnap, qu'un seul acteur, qui manque cruellement à l'appel : l'État.
Cette défaillance survient alors que les bailleurs sociaux sont toujours soumis à de lourdes ponctions. Je pense en particulier à la réduction de loyer de solidarité (RLS). Leurs capacités d'investissement s'en trouvent littéralement amputées.
Les collectivités territoriales, elles, n'ont pas déserté. Elles continuent de subventionner la construction, de garantir les emprunts ou encore d'instruire les dossiers dans le cadre de la délégation des aides à la pierre.
Madame la ministre, il est temps que l'État assume pleinement son rôle. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à l'avenir du Fnap ? Quels moyens financiers entend-il mobiliser pour répondre aux besoins de logements exprimés par nos concitoyens ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Simon Uzenat, vous interrogez ma collègue Valérie Létard, ministre du logement, sur l'avenir du Fnap.
Comme vous le savez, le président du conseil d'administration de ce fonds a proposé, en décembre dernier, la création d'un groupe de travail chargé d'amorcer une réflexion structurelle sur le financement du logement social et une éventuelle évolution du fonds.
Ce groupe de travail s'est réuni à plusieurs reprises entre janvier et avril derniers, associant l'ensemble des parties prenantes – les représentants de l'État et du monde HLM, les financeurs que sont Action Logement et la Banque des territoires, ainsi que des représentants des collectivités territoriales et des parlementaires.
Mme la ministre du logement a suivi ces travaux de près. Le Fnap, en tant qu'instance partenariale de programmation des aides à la pierre, est un outil fondamental. Les aides directes permettent d'orienter la production de logements sociaux vers les opérations à destination des ménages les plus modestes et vers des modes de production exemplaires par leur sobriété foncière.
Ces subventions, dont la décision d'attribution peut être déléguée à des collectivités territoriales, exercent, par ailleurs, un effet d'entraînement sur les aides locales. Elles permettent ainsi d'associer les territoires à leurs dynamiques de production de logements sociaux.
Aujourd'hui, la question du financement du Fnap s'inscrit pleinement dans le calendrier des discussions budgétaires, en vue du projet de loi de finances pour 2026. Le débat parlementaire permettra d'en discuter.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, votre réponse est extrêmement décevante, même si je m'y attendais quelque peu…
Le 24 juin dernier, en Bretagne, le comité régional de l'habitat et de l'hébergement s'est réuni. Différents partenaires, notamment les élus locaux et les représentants d'associations, ont quitté la réunion en signe de protestation, l'État n'étant pas au rendez-vous.
Notre collègue Jean-Baptiste Blanc l'a déjà souligné : à régime constant, le Fnap ne pourra pas financer ses actions en 2026. Il y a véritablement urgence et nous comptons sur l'action du Gouvernement, car il s'agit d'une priorité absolue : nous devons loger tous nos concitoyens, y compris les plus modestes d'entre eux.
financement du service public de la petite enfance pour les intercommunalités
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 600, transmise à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, la loi de décembre 2023 pour le plein emploi acte la création du service public de la petite enfance (SPPE), entré en vigueur le 1er janvier 2025.
Les communes de plus de 3 500 habitants doivent désormais exercer tout ou partie des quatre compétences dévolues aux autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant. Une commune peut également transférer tout ou partie de ces compétences à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont elle relève.
L'article 17 de cette loi crée un droit à la compensation financière de l'accroissement des charges dans le cadre de l'exercice de ses compétences. Toutefois, cette disposition ne s'applique ni aux communes de moins de 3 500 habitants ni aux EPCI, quand bien même ils seraient autorités organisatrices.
Comment expliquer que des communes ou des intercommunalités se trouvent exclues d'un financement alors qu'elles exercent les compétences correspondantes ? Dans les faits, comment justifier qu'une intercommunalité de plus de 20 000 habitants, sans commune de plus de 3 500 habitants, exerçant des compétences d'accueil du jeune enfant ne soit pas éligible au financement auquel aurait droit, de la part de l'État, une commune de plus de 10 000 habitants exerçant la même compétence ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Madame la Sénatrice Anne-Catherine Loisier, la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi acte la création du service public de la petite enfance. Ainsi, depuis le 1er janvier 2025, les communes doivent obligatoirement, suivant leur nombre d'habitants, exercer tout ou partie des quatre compétences dévolues aux autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant.
Le législateur a choisi de réserver l'accompagnement financier dudit service public de la petite enfance aux seules communes de plus de 3 500 habitants, seuil démographique à partir duquel les communes ont l'obligation d'exercer l'intégralité des quatre compétences constituant ce nouveau service public.
Cependant, les dispositions de la loi pour le plein emploi ne remettent pas en cause les compétences exercées au niveau intercommunal. En effet, les communes peuvent, à tout moment, transférer à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) chacune des quatre compétences relevant de l'autorité organisatrice.
Dès lors, le droit commun s'applique en matière de financement des compétences par l'EPCI. Celui-ci peut s'opérer via le mécanisme des attributions de compensation, ce qui permet d'assurer la neutralité budgétaire des transferts de charges et de compétences entre l'intercommunalité et ses membres.
En procédant à une révision libre des attributions de compensation, les EPCI et leurs communes membres peuvent, s'ils le souhaitent, transférer le montant de l'accompagnement financier versé par l'État aux communes de plus de 3 500 habitants, soit 85,5 millions d'euros.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Vous conviendrez, madame la ministre, que les EPCI rencontrent tout de même une difficulté pour percevoir l'aide de l'État. L'existence de ce seuil de 3 500 habitants revient à considérer que les communes rurales, situées sous ce seuil, n'ont pas droit à l'aide de l'État contrairement à celles qui sont plus urbanisées. Nous reviendrons prochainement sur le sujet.
moyens affectés à l'entretien des voiries communales
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, auteur de la question n° 636, transmise à M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Hervé Reynaud. Avec ma question, je souhaite relayer une préoccupation majeure des maires des communes rurales : l'état souvent dégradé, voire dangereux, de leur voirie communale.
Je rappelle que la voirie est une compétence obligatoire des communes, selon le code général des collectivités territoriales, et que les normes techniques préconisent un entretien de voirie tous les trente ans environ. Ainsi, la commune de Solore-en-Forez, qui regroupe trois communes depuis le 1er janvier dernier, dispose de quarante-deux kilomètres de voirie communale. Or ces routes, en l'absence d'un entretien régulier, sont aujourd'hui dans un état de dégradation entraînant potentiellement un risque pour la sécurité des usagers.
Dans les faits, la commune ne peut consacrer que 500 euros par kilomètre et par an à l'entretien de ses voies, alors que le besoin réel pour maintenir le réseau en état est estimé à 120 000 euros par an. Dans ces conditions, ni la dotation globale de fonctionnement (DGF) ni la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dont bénéficie la commune, ne permettent de répondre à ces enjeux.
La suppression de la taxe d'habitation, qui constituait un levier financier important pour les petites communes, a réduit celles-ci à adapter les ressources restantes aux charges croissantes qu'elles assument.
Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour renforcer les moyens structurels des communes rurales ? Il y va non seulement de la sécurité des citoyens sur les voiries, mais aussi de la survie et de l'attractivité de nos communes rurales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Hervé Reynaud, je souhaite tout d'abord rappeler que la commune de Solore-en-Forez bénéficie d'un soutien de l'État significatif : sa DGF s'élève en 2025 à 230 euros par habitant, soit un niveau supérieur de 52 % à la moyenne des communes de 500 à 1 000 habitants, qui est de 150 euros.
Le Gouvernement est cependant bien conscient des difficultés financières et d'ingénierie que peuvent rencontrer certaines collectivités rurales. Plusieurs dispositifs d'accompagnement sont ainsi mobilisables par celles-ci pour ce qui concerne le financement de leurs projets, notamment en matière d'entretien des infrastructures routières.
La DETR a pour objet d'aider les communes rurales dans la réalisation de leurs investissements, y compris les travaux de réfection de voirie.
L'État soutient également les travaux de voirie des collectivités au travers de la rétrocession d'une partie du produit qu'il perçoit au titre des amendes de police de la circulation. Ainsi, en 2025, près de 117 millions d'euros sont destinés à financer, sur appel à projets des conseils départementaux, des opérations telles que des aménagements de voirie ou autres travaux commandés par les exigences de la sécurité routière, menées par les communes ou leurs groupements de moins de 10 000 habitants.
De fait, le conseil départemental de la Loire dispose en 2025 de plus de 1 million d'euros pour financer de tels travaux, enveloppe en hausse de 11 % sur un an et de 72 % depuis 2022.
Par ailleurs, l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales permet aux départements et aux régions d'accompagner les communes rurales dans le financement de projets dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage, dont la voirie.
Enfin, des financements européens peuvent être mobilisés au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).
Sur l'ensemble de ces dispositifs, la plateforme Aides-territoires peut apporter une aide aux communes rurales en difficultés dans leur recherche de financement.
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour la réplique.
M. Hervé Reynaud. Madame la ministre, lors du prochain budget, nous ne pourrons faire l'impasse sur les questions de financement de nos communes. Vous avez évoqué le département de la Loire. Je suis conseiller départemental et, il y a peu, j'étais encore chargé des finances : il y va de la libre administration de nos collectivités locales.
Le département de la Loire vient d'être classé, dans un rapport de la Cour des comptes, parmi les douze départements les plus en difficulté financièrement, non pas en raison d'une mauvaise gestion, mais du fait d'un ensemble de contraintes exogènes. En particulier, le coût des solidarités humaines a explosé cette année, à plus de 30 millions d'euros.
Mon intervention est donc un véritable appel à prendre conscience que nos communes et nos départements ne pourront aller cette année au-delà des efforts déjà fournis.
modalités de soutien au dispositif anti-grêle
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 633, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Hervé Gillé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la grêle occasionne chaque année d'importants dégâts non seulement aux habitations, mais surtout aux exploitations agricoles et aux vignes. Avec le dérèglement climatique, ces épisodes deviennent de plus en plus fréquents et violents.
Pour y faire face, des dispositifs de prévention, comme les générateurs anti-grêle, promus par les associations départementales d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Adelfa), sont essentiels. En Gironde, par exemple, l'Adelfa 33, présidée par Dominique Fédieu, qui est également à la tête de l'association nationale Anelfa, coordonne aujourd'hui 139 générateurs.
Cependant, le modèle de financement de ces associations est aujourd'hui fragilisé. Ainsi, le département de la Gironde a récemment voté une subvention supplémentaire de 20 000 euros, portant à 55 000 euros son soutien pour 2025. C'est un geste fort dans un moment critique et difficile pour les finances des départements, et ce au cours d'une crise viticole particulièrement grave, le département de la Gironde est l'un des plus touchés à l'échelon national.
Les collectivités, en particulier la région Nouvelle-Aquitaine, prennent leurs responsabilités. Mais qu'en est-il des autres acteurs ? Les compagnies d'assurance, qui bénéficient directement de la baisse des sinistres grâce à ces dispositifs, ne participent toujours pas à leur financement ; or leur engagement est aujourd'hui indispensable dans une logique de prévention partagée.
Voilà quelques jours, le préfet de région a pris une initiative utile en réunissant un comité des financeurs, demande que nous sommes plusieurs à soutenir au niveau national. Las, ce comité s'est tenu sans les assureurs ni les parlementaires, pourtant directement concernés par ces enjeux de prévention.
Monsieur le ministre, de manière très concrète, quelle est la position du Gouvernement quant à l'entrée des compagnies d'assurance dans le financement de ces dispositifs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Hervé Gillé, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Mme la ministre de l'agriculture, actuellement en déplacement au Parlement européen dans le cadre de ses efforts pour faire valoir la position de la France sur l'accord avec le Mercosur.
Comme vous le soulignez, le modèle Adelfa est fragilisé en Gironde. Il appartient désormais aux acteurs locaux d'en redéfinir les bases afin d'assurer sa pérennité. L'État n'a ni compétence ni rôle financier direct sur ces dispositifs, ce qui ne l'empêche pas de suivre ces démarches avec une attention particulière.
Pour autant, l'État accompagne les agriculteurs face au dérèglement climatique via plusieurs dispositifs : réforme de l'assurance récolte ; financement de la recherche et de l'innovation pour prévenir les situations de grêle ou de sécheresse ; engagement de 1,8 milliard d'euros dans le cadre du plan France 2030.
L'enjeu, pour l'Adelfa de Gironde, est de trouver localement une solution de financement pérenne, adaptée aux réalités agricoles et climatiques du territoire. L'implication des assureurs pourrait être une piste à explorer, mais cela relève d'une démarche volontaire, ce qui présuppose d'établir un socle fiable d'évaluation de l'efficacité de ces dispositifs.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de transmettre ces propositions à Mme la ministre Annie Genevard, car le Gouvernement peut jouer un rôle dans l'implication des assureurs au niveau national et peut participer à une négociation. Cela relève d'une politique préventive, dont les assureurs sont les bénéficiaires, puisque la mise en œuvre de ces moyens diminue les risques.
Par ailleurs, l'on pourrait aussi trouver des solutions d'appui et d'accompagnement, notamment de défiscalisation, pour augmenter la cotisation des usagers, en particulier des viticulteurs. Des solutions sont ainsi à trouver sur l'initiative même du Gouvernement. Je vous saurai gré de communiquer également ce message à Mme la ministre.
vacance des locaux agricoles
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 664, transmise à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur une problématique particulière de vacance de locaux agricoles.
Il est fréquent qu'un agriculteur habite sur le lieu de son exploitation, parfois dans un bâtiment prévu à cet effet. Ainsi, lorsque l'exploitation s'arrête, si l'agriculteur peut encore habiter dans ce logement, même sans aucune exploitation agricole liée, il est regrettable que des locaux à vocation purement agricole restent parfois, eux, abandonnés. Or, d'ici à 2030, 50 % des agriculteurs qui exerçaient avant 2020 devraient avoir pris leur retraite.
Permettez-moi d'évoquer le cas particulier de la filière hippique, à partir d'un exemple dans mon département de l'Oise, à Lamorlaye, dont le maire, M. Nicolas Moula, déplore la vacance actuelle de nombreux boxes, pour lesquels une forte demande existe.
En l'état actuel du droit, le maire ne peut appliquer à cette situation que le droit pénal de l'urbanisme, sanctionnant les exploitants qui, n'utilisant plus leurs locaux à destination purement agricole, les abandonnent ou les transforment en locaux d'habitation. Toutefois, cette solution est complexe à appréhender en droit et les solutions pénales prévues à ce jour sont laborieuses à mettre en œuvre.
Il est en outre délicat, humainement et juridiquement, d'envisager la seule réponse pénale à l'encontre d'anciens agriculteurs arrivant tout juste à la retraite. Il s'agirait alors seulement de sanctionner et non d'encourager ou d'inciter les agriculteurs à vendre ou à louer leurs locaux agricoles.
Enfin, la qualification juridique de ces bâtiments est très floue et difficilement accessible pour les propriétaires actuels et futurs.
La solution ne serait-elle pas à trouver dans la création d'un outil fiscal s'inspirant de la taxe d'habitation sur les logements vacants ? Ce faisant, plusieurs adaptations seraient bien évidemment à envisager. Ainsi, la taxe devrait être fonction de la surface non louée tout en ciblant éventuellement certains types de locaux particuliers, par exemple les boxes pour la filière hippique. Elle pourrait aussi être dégressive à compter d'une location, même partielle, des locaux avec certaines exonérations spécifiques.
Monsieur le ministre, les élus de Lamorlaye et d'autres villes attendent votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Je vais m'empresser de vous répondre, monsieur le sénateur Olivier Paccaud.
Un agriculteur qui prend sa retraite dispose généralement de locaux nécessaires à son ancienne activité et, parfois, d'un logement situé sur le lieu même de l'exploitation. Or, s'il peut souhaiter continuer à habiter son logement, il est important que les locaux professionnels puissent être remis à disposition de ceux qui reprendraient l'exploitation. Il est donc salutaire que les élus locaux s'attachent au maintien de la vocation agricole desdits locaux.
À ce titre, ils peuvent déjà instituer, par une délibération prise dans les conditions de l'article 1639 A bis du code général des impôts, une taxe annuelle sur les friches commerciales. Cette dernière, prévue par l'article 1530 du même code, s'applique aux biens qui ne sont plus affectés à une activité depuis au moins deux ans au 1er janvier de l'année d'imposition. L'inoccupation doit avoir été ininterrompue au cours de la période.
Dans l'hypothèse où des agriculteurs retraités souhaiteraient valoriser différemment leurs biens, les documents d'urbanisme permettent aux élus de s'opposer aux changements de destination. En outre, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) dispose d'outils juridiques permettant de maintenir ces biens au service de l'agriculture.
Dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme (PLU), les bâtiments agricoles pouvant faire l'objet d'un changement de destination doivent être identifiés dans le règlement. L'autorisation d'urbanisme portant sur un tel changement de destination est soumise à l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), en zone agricole, et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS), en zone naturelle.
Par ailleurs, si la loi du 16 juin 2025 visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements permet à l'autorité compétente, pour délivrer l'autorisation d'urbanisme, de déroger au règlement du PLU afin d'autoriser le changement de destination des bâtiments ayant une destination autre que l'habitation en bâtiments à destination d'habitation, cette dérogation ne peut être accordée, pour les bâtiments agricoles, que s'ils ont cessé d'être utilisés pendant vingt ans. Voilà bien une preuve de l'attachement du législateur au maintien de la destination agricole des bâtiments.
chasse au gibier d'eau
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, auteur de la question n° 651, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Mickaël Vallet. Monsieur le ministre, le 18 février dernier, j'interrogeais déjà le Gouvernement sur la suite qu'il entendait donner aux recommandations de la Commission européenne sur la chasse au gibier d'eau, qui avaient pour le moins surpris sur le terrain.
Je regrettais, dans ma réplique, que Mme Gatel, qui était au banc des ministres, ne m'ait pas véritablement éclairé. J'avais alors indiqué au Gouvernement qu'il pourrait compter sur moi pour revenir l'interroger en deuxième semaine ; malheureusement, nous y sommes.
Depuis, un projet d'arrêté, que la ministre chargée de la biodiversité a voulu soumettre au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS), a provoqué une très profonde indignation parmi les chasseurs au gibier. Ces derniers participent toute l'année, il faut le rappeler, à une meilleure connaissance des espèces, à leur régulation et à l'entretien des zones humides, qui sont l'un des joyaux de la biodiversité française. Nous faisons nôtre leur indignation.
Ce matin, le Gouvernement a l'occasion d'éclaircir publiquement la situation, à quelques jours de la réunion du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, qui ne cesse d'être repoussée. Pouvez-vous nous dire concrètement, au nom du Gouvernement, quelles sont les raisons qui l'ont amené à proposer un premier arrêté, jugé inapplicable par les principaux concernés, puis un second ? Celui-ci prend-il réellement en compte les recommandations de la Fédération nationale des chasseurs ? Suffira-t-il à répondre aux exigences du groupe d'experts de la Commission européenne, dit Nadeg ?
Enfin, monsieur le ministre, vers quelle position le Gouvernement s'oriente-t-il dans la perspective de la prochaine réunion du groupe d'experts européens cet automne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Vallet, je vais vous répondre au nom de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui souhaitait corriger quelques informations erronées qui ont circulé, au cours des deux dernières semaines, au sujet des espèces migratrices. Ces dernières ont fait l'objet de travaux au niveau européen, en raison du déclin observé de leur population.
Les conclusions des scientifiques mandatés par la Commission sont sans appel. Ils observent une baisse de la population nicheuse ou hivernante au niveau européen, imposant aux États membres de prendre des mesures conservatoires pour enrayer cette dynamique. Comme cela a été formulé en novembre 2024 et confirmé en avril 2025, des actions devaient être prises dès la saison 2025-2026, en attendant un consensus clair entre les États membres dans la mesure où, pour une même une espèce migratrice, les observations nationales peuvent différer des observations européennes. Or c'est bien à une échelle supranationale qu'il faut agir.
La Commission a renouvelé ses recommandations en début de semaine dernière, demandant le placement de quatre espèces sous moratoire et la réduction des prélèvements sur trois autres. Tout cela, nous en avons fait part en transparence aux chasseurs, qui siègent également dans ce groupe d'experts européens.
En responsabilité et en cohérence avec nos travaux nationaux, Agnès Pannier-Runacher a donc proposé pour avis des mesures sur ces sept espèces, à savoir un moratoire temporaire dans l'attente de l'établissement d'un quota pour l'une d'entre elles et une réduction des prélèvements pour les six autres, via la réduction de quinze jours de la période de chasse.
Les chasseurs ont fait part de leurs préoccupations sur cette fermeture précoce et ont proposé en retour une autre mesure, dont l'objet est comparable, à savoir des plafonnements journaliers des prélèvements.
Ma collègue a pleinement conscience du rôle que peuvent jouer les chasseurs dans la vitalité des zones rurales et n'a aucun dogmatisme sur la chasse : notre seule boussole, c'est la conservation des espèces. Nous sommes donc satisfaits de l'accord que nous avons pu trouver en ce qu'il contribue à accompagner la pratique vers une chasse durable, fondée sur la science.
À l'automne prochain, le groupe scientifique donnera ses orientations sur les quotas visant trois espèces pour la saison 2025-2026, comme cela a été annoncé en avril dernier.
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour la réplique.
M. Mickaël Vallet. Monsieur le ministre, vous ne répondez pas à toutes les questions que je vous ai posées, notamment sur la manière dont un premier projet d'arrêté, inscrit à l'ordre du jour du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, a provoqué un tollé par manque de concertation et a été retiré, avant la présentation d'un second. Il y a là un problème de méthode.
Par ailleurs, il est question d'un accompagnement vers une chasse durable. Mais la chasse qui est pratiquée en France est déjà durable. Vous avez affaire à des gens sérieux, avec qui vous avez fini par trouver un accord.
Pour la suite, je vous invite à lancer des concertations très en amont et, surtout, à bien considérer l'apport important de la chasse, notamment dans le domaine social.
reconnaissance de l'agriculture comme un intérêt national majeur
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 649, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Bruno Belin. Monsieur le ministre, la loi du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture a reconnu l'agriculture comme étant « d'intérêt général majeur ».
L'actualité agricole est riche, qu'elle soit législative, comme nous le savons tous, économique, alors que nous sommes en pleine période de moissons, ou encore climatique, avec la question de l'eau, de plus en plus prégnante et dont personne ne peut nier la réalité.
Or nous attendons toujours que le Gouvernement définisse une stratégie sur cette dernière question, en associant les parlementaires et les élus locaux à la réflexion. Il existe des pistes pour répondre à ce besoin universel. Chacun connaît les difficultés d'accès à cette ressource, notamment pour les besoins agricoles à très court terme.
Nous pouvons, par exemple, préconiser le recours aux eaux grises ou encore mettre en place des tarifications différenciées selon la consommation. En outre, dans le cadre d'un plan stratégique gouvernemental, il conviendra d'aider les syndicats en matière d'entretien du réseau. Il s'agit d'une vraie difficulté, sachant que 20 % à 50 % des pertes d'eau sont liées à des réseaux défectueux.
Il faut aussi avancer sur les réserves de substitution, qui font l'objet d'un grand débat dans les territoires. Les préfets font de leur mieux pour mettre tous les acteurs en relation, mais il va falloir définir une véritable stratégie – nous ne pouvons plus attendre. C'est une demande de l'ensemble des agriculteurs sur tout le territoire, notamment dans mon département de la Vienne.
L'objectif n'est pas d'opposer biodiversité et agriculture, notre pays est assez fracturé comme cela. Au contraire, il faut rassembler et essayer de convaincre. Le combat pour la biodiversité est bien évidemment légitime, tout comme l'est celui qui concerne l'eau, mais la survie des agriculteurs est également en jeu. Ces derniers attendent votre réponse ce matin, monsieur le ministre.
Puisque l'agriculture est une politique d'intérêt général majeur, le soutien aux agriculteurs doit être réaffirmé ici, au Parlement, par la voix du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur, cher Bruno Belin, la loi du 24 mars 2025 consacre, à juste titre, l'agriculture comme étant d'intérêt général majeur et un pilier de la souveraineté alimentaire nationale.
Toutefois, cette reconnaissance n'emporte pas de primauté automatique sur d'autres objectifs d'intérêt général également reconnus par la loi, comme la préservation de la biodiversité ou des ressources en eau. Les services de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ainsi que leurs opérateurs, sont pleinement engagés pour mieux articuler ces enjeux, en lien étroit avec les acteurs agricoles.
Plusieurs chantiers concrets sont en cours, dont celui des haies. En la matière, un travail interministériel est mené afin de simplifier les règles, avec la création d'un régime de déclaration unique et d'un portail numérique pour en assurer la protection. N'oublions pas la rémunération des pratiques agricoles concourant aux objectifs environnementaux, via les paiements pour services environnementaux.
De même, le soutien des agences de l'eau en faveur des projets agricoles va croissant, pour accompagner une gestion durable de la ressource, là où elle présente des déséquilibres quantitatifs ou qualitatifs.
Enfin, les services sont engagés dans un travail de fond pour améliorer la connaissance et la compréhension des principaux enjeux environnementaux et les règles qui en découlent, dans l'optique d'assurer une application et un contrôle proportionnés de ces dernières.
Chacun de ces chantiers donne lieu à des instructions propres et une animation pour trouver des solutions concrètes, de nature à conduire la nécessaire transition écologique en tenant compte des impératifs économiques et de production alimentaire.
Cette démarche s'inscrit plus largement dans les travaux de planification écologique en cours de territorialisation, qui constituent le cadre pertinent pour concilier ambition environnementale et souveraineté agricole, au plus près des réalités locales. Ces actions témoignent de notre engagement constant à construire des solutions équilibrées, concertées et durables.
positions de la france lors de la quatrième conférence des nations unies sur le financement du développement
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 531, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, l'aide publique au développement (APD) subit une baisse sévère, du côté tant européen qu'américain. Cette chute est lourde de conséquences pour la stabilité mondiale et la solidarité internationale.
De son côté, notre pays a réduit son aide de près de 2,3 milliards d'euros au cours des dernières années. Aux États-Unis, le repli atteint 83 % pour l'USAID. Cela pourrait entraîner concrètement plus de 14 millions de morts supplémentaires d'ici à 2030, dont 4,5 millions d'enfants.
Lors de la récente Conférence internationale sur le financement du développement, qui s'est tenue récemment à Séville, un plan global a été adopté pour alléger le fardeau de la dette des pays en développement et promouvoir des investissements durables. Ainsi, plus de cent nouvelles initiatives ont été définies, parmi lesquelles des modalités d'échange de dettes, une coalition visant à suspendre le paiement de la dette en cas de crise et une taxe de solidarité sur les jets privés et les vols en première classe.
La Conférence a également envoyé un message fort, selon lequel le repli national et la réduction de l'aide financière ne sont pas des solutions pour répondre aux défis globaux. Bien au contraire, ils participent de l'aggravation des crises humanitaires, sanitaires, climatiques et migratoires. Un appel à la coopération multilatérale et à l'innovation en matière de financement est plus que jamais nécessaire.
Monsieur le ministre, comment la France entend-elle traduire, dans ses politiques nationales et européennes, les engagements et la dynamique de la conférence de Séville, notamment en matière de conversion de dettes des pays les plus vulnérables, d'innovation fiscale et de mobilisation de financements privés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur, cher Patrice Joly, comme vous l'avez souligné, la conférence de Séville s'est déroulée dans un contexte difficile : bouleversements du monde, multiplication des crises et des contraintes financières et budgétaires, explosion des besoins des pays en développement, ou encore insuffisance des ressources disponibles pour la solidarité internationale.
Les enjeux qui y ont été soulevés sont essentiels : transition énergétique, lutte contre les pandémies et indispensable réforme des systèmes de santé, conditions d'un commerce équitable juste, inégalités d'accès aux services de base, charge de la dette. Sur ces sujets, nous avons bien vu combien les clivages Nord-Sud étaient stériles ; seules comptent les solutions mises en œuvre avec nos partenaires, dans un intérêt mutuel.
Le Président de la République s'est donc rendu à Séville pour porter la voix de la France, présentant en particulier trois priorités.
Tout d'abord, identifier et mobiliser de nouvelles ressources de financement, comme des droits de tirage spéciaux ou les taxes de solidarité internationale.
Ensuite, mieux utiliser l'argent public, notamment les fonds des institutions multilatérales et des banques de développement, et mobiliser des financements privés.
Enfin, promouvoir une logique partenariale, par exemple avec le concept de plateforme pays. Sur des sujets comme la transition énergétique ou la santé, les bailleurs, les investisseurs, les institutions internationales, la société civile et les autorités du pays concerné ont vocation à travailler ensemble pour renforcer les systèmes de gouvernance, coordonner les efforts et inventer des solutions concrètes.
La France a par ailleurs lancé, avec huit autres pays de l'Union européenne, une coalition sur la taxation du secteur de l'aviation civile. En vue de la COP30, l'objectif de cette coalition est d'harmoniser la taxation des billets d'avion pour les pays, comme la France, qui sont dotés d'un tel système, et d'enjoindre d'autres pays à le mettre en place. Il sera ainsi possible de mobiliser davantage de ressources financières, y compris pour la solidarité internationale, dans un contexte budgétaire contraint.
En tout état de cause, je me tiens à votre disposition, monsieur le sénateur, pour travailler avec vous sur ces sujets auxquels je vous sais particulièrement attaché.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Je vous remercie de votre proposition, monsieur le ministre, à laquelle je souscris.
J'insiste toutefois sur le fait que, en réduisant la proportion du PIB français consacrée à l'aide au développement, nous n'avons fait qu'alimenter un repli populiste et des logiques nationalistes aussi illusoires que dangereuses. J'ajoute qu'aucune des grandes crises mondiales, qu'il s'agisse du climat, des migrations, de la santé ou de la sécurité, ne peut se résoudre au sein de nos seules frontières.
annulation du conseil d'administration de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Ruelle, auteur de la question n° 660, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Luc Ruelle. Monsieur le ministre, quelle ne fut pas la surprise des trente-quatre membres du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) lorsqu'ils ont reçu, le 25 juin dernier, en fin d'après-midi, un message les informant de l'annulation de la réunion du conseil d'administration qui devait se tenir le lendemain.
Ce report sine die, la veille de ce rendez-vous biannuel, n'a pas manqué de faire réagir les élus représentant les Français de l'étranger et la communauté éducative. Et pour cause : cet ajournement a été décidé, très opportunément, par le ministre Laurent Saint-Martin lui-même, après avoir découvert l'ajout d'un point à l'ordre du jour.
En l'occurrence, il s'agissait non pas d'un point consensuel, mais d'une mesure aux conséquences explosives, voire fatales pour un certain nombre d'établissements de notre réseau éducatif dans le monde.
En effet, il était proposé de transférer aux établissements conventionnés le financement de la charge patronale des pensions civiles des personnels détachés, jusqu'alors assuré à l'échelon central par l'AEFE. Il est vrai que ce poids des pensions, qui représente près de 180 millions d'euros cette année, est la cause principale du déficit structurel de cette agence.
Cependant, reporter cette charge sur les établissements ne constituerait nullement une solution et entraînerait des effets en cascade plus que délétères : alourdissement des budgets locaux, risque de déconventionnements multiples, avec substitution des professeurs formés en France par des emplois locaux, et remise en question de l'existence même d'un enseignement à la française.
Monsieur le ministre, il s'agit non pas seulement de décider d'options budgétaires et financières, mais d'opérer un choix politique déterminant pour l'avenir de notre réseau, de l'éducation de nos enfants à l'étranger et de la diffusion de nos valeurs à l'international.
Ma question est simple : quelles sont les options de financement envisagées pour ces pensions, notamment dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens (COM) – que nous attendons toujours – assigné à l'AEFE, afin de ne pas exercer une pression intenable sur les établissements scolaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Ruelle, la réunion du conseil d'administration de l'AEFE, initialement prévue le 26 juin dernier, a été reportée au 17 juillet prochain. Elle vise l'adoption d'un budget rectificatif en déficit de 78 millions d'euros, dans un contexte de baisse des crédits de la subvention pour charges de services publics (SCSP).
Cela fait suite à l'adoption d'un amendement en commission mixte paritaire ayant conduit à une baisse de 20 millions d'euros des crédits du programme 185.
Un niveau de trésorerie de 48 millions d'euros est attendu dans les services centraux, fin 2025. Ce montant représente moins d'un mois de paie pour l'AEFE, alors que le poids de la masse salariale représente 81 % de son budget.
L'AEFE a également dû absorber, depuis 2022, des mesures sur les rémunérations des personnels détachés. Faute d'engager des réformes structurelles, elle court le risque de ne plus pouvoir assurer le versement des salaires de son personnel détaché dès 2026.
Dans ces conditions, un travail de refonte du cadre d'action a été engagé pour accompagner l'AEFE dans sa transformation. Des orientations sérieuses de réforme ont été identifiées, dont la faisabilité et la soutenabilité feront l'objet de concertations avec les parties prenantes.
L'augmentation de la participation des établissements conventionnés à la rémunération des personnels résidents et détachés, grâce à la révision de l'assiette de calcul, qui intégrera la pension civile, est l'une des mesures que nous envisageons à court terme. Celle-ci doit être étudiée finement sur chaque territoire et mise en place progressivement.
Cette première réponse de nature budgétaire sera présentée lors de la prochaine réunion du conseil d'administration de l'AEFE, reporté de quelques jours pour laisser le temps de mener des concertations et de donner les explications nécessaires.
Les mesures annoncées constitueront le premier jalon d'un plan de refondation plus global. Dans cette perspective, un groupe de travail sera réuni, dès la rentrée prochaine, pour accompagner l'AEFE dans le développement d'un modèle soutenable et durable lui permettant de se projeter avec agilité dans les décennies à venir.
Concernant la prise en charge des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), l'application d'un taux minimal d'incapacité de 50 % n'est pas une mesure nouvelle. Elle figure en effet dans les instructions de l'AEFE depuis 2021. Notez que, en 2024, 474 élèves ont bénéficié d'une prise en charge à ce titre. Du reste, le dispositif relatif aux AESH fera l'objet de discussions au sein d'un groupe de travail mis en place dans le cadre de la Commission nationale des bourses (CNB).
contrôle de l'application de l'embargo commercial à l'égard de la russie
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, auteur de la question n° 593, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger.
M. François Bonneau. Monsieur le ministre, depuis l'instauration des sanctions européennes à l'encontre de la Russie, de nombreux dispositifs ont été mis en place pour interdire l'importation de produits russes, notamment dans la filière bois, avec l'embargo sur le contreplaqué de bouleau.
Cependant, on constate que ces mesures sont régulièrement contournées. De grandes quantités de bois d'origine russe, en particulier le bouleau, continuent d'affluer sur le marché européen en transitant par des pays tiers, notamment le Kazakhstan ou la Turquie, où ils sont réétiquetés, exonérés de traçabilité et présentés comme des produits locaux.
Dans ce contexte, quelles actions le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour garantir un contrôle réellement efficace des importations visées par l'embargo, en particulier celles qui sont liées à la filière bois, afin d'empêcher le contournement des sanctions par l'intermédiaire de pays tiers ?
En outre, eu égard au contexte géopolitique actuel, quelles mesures spécifiques le Gouvernement envisage-t-il pour doter nos services compétents des moyens nécessaires à la détection du contournement de l'embargo, qui fragilise la crédibilité des sanctions européennes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur François Bonneau, la lutte contre le détournement des sanctions imposées à la Russie est une priorité du Gouvernement, qu'il partage d'ailleurs avec les pays membres de l'Union européenne et nos autres partenaires du G7.
La mise en œuvre effective des mesures que nous avons adoptées est indispensable pour garantir leur efficacité et priver la Russie des équipements et des revenus dont elle a besoin pour continuer à mener sa guerre d'agression contre l'Ukraine. Elle est également essentielle pour nos acteurs économiques, qui font des efforts nécessaires pour pleinement respecter les réglementations et s'adaptent au régime de sanctions susceptible d'avoir un impact sur leur activité.
Nous savons que la Russie se sert de sociétés écran et d'intermédiaires établis dans des pays tiers pour contourner nos sanctions. Ces circuits servent à la fois dans le sens de l'importation, pour approvisionner la Russie en biens sanctionnés, et dans celui de l'exportation, pour écouler les productions russes de manière illicite et ainsi engendrer des revenus.
Nous luttons activement, aux côtés de nos partenaires de l'Union européenne et du G7, contre ce phénomène et parvenons à réduire progressivement ces flux illicites. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères mène des actions de sensibilisation auprès des pays tiers sur les risques auxquels ils s'exposent et travaille avec eux pour endiguer le contournement des sanctions.
La direction générale du Trésor, en tant qu'autorité nationale compétente en matière de sanctions financières, accompagne les opérateurs français dans la mise en œuvre des sanctions. Dans les cas de contournement, elle reçoit les signalements des opérateurs qu'elle transmet aux douanes, autorité compétente en matière d'investigation et de lancement de poursuites contre les auteurs de ces infractions.
Par ailleurs, les services de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) analysent les flux commerciaux afin d'identifier les tendances en termes de contournement et effectuent des communications ciblées sur les restrictions visant les biens et technologies, par l'intermédiaire de ses implantations locales.
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.
M. François Bonneau. Je vous remercie pour ces éclaircissements, monsieur le ministre.
Je ne doute pas de la volonté d'agir du Gouvernement. Malgré tout, de très nombreux industriels témoignent du fait que les exportations russes se poursuivent via des pays tiers.
Un pays qui exporte peu un produit et se met soudainement à en exporter de grandes quantités doit éveiller notre attention et nous conduire à saisir les services compétents. Nous devons donner à ces derniers les moyens adéquats pour mettre fin à ces contournements le plus vite possible.
En laissant les choses se faire, nous contribuons indirectement à l'effort militaire de la Russie en lui apportant de facto des devises et des financements dont nous voulons absolument la priver. Il convient donc d'agir de façon très soutenue en ce domaine. (M. le ministre délégué acquiesce.)
fraude persistante et massive à la contribution sur les boissons sucrées
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, auteur de la question n° 642, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Dany Wattebled. Madame la ministre, en octobre 2023, j'avais déjà alerté le Gouvernement sur la fraude massive à la taxe sur les boissons sucrées. À l'époque, faute de temps, la ministre n'avait pu me répondre complètement. Entretemps, la situation n'a fait qu'empirer.
En effet, depuis le 1er mars 2025, le barème de cette taxe a été tellement alourdi qu'un camion de soda est désormais plus taxé qu'un camion de bière. Pourtant, les sodas circulent sans faire l'objet de contrôles : aucune traçabilité ni document d'accompagnement, rien ! Pendant ce temps, les boissons alcoolisées doivent circuler sous strict contrôle électronique dans le cadre du document administratif électronique (DAE).
Résultat : un système de fraude bien huilé, organisé et massif, que l'on pourrait presque qualifier de « carrousel de la TVA ». Des importateurs éphémères insolvables, souvent situés à l'étranger, disparaissent sans payer la taxe. Les distributeurs, eux, ferment les yeux et vendent en rayon des sodas très sucrés, dont le prix est parfois inférieur aux sodas sans sucres ajoutés.
C'est une double catastrophe : à la fois pour la santé publique, bien sûr, mais aussi pour les finances de l'État. En effet, près de 1 milliard d'euros échappe au fisc chaque année, non loin des montants de profits réalisés par les mafieux. On parle tout de même de 83 millions d'euros par mois !
Depuis ma question d'octobre 2023, l'État déplore un manque à gagner d'environ 1,6 milliard d'euros, à l'heure où l'urgence de redresser les comptes publics n'est plus à démontrer. Pendant ce temps, les entreprises qui respectent la loi sont pénalisées.
Madame la ministre, nous connaissons les solutions : l'intégration des sodas au système DAE, la solidarité de paiement tout au long de la chaîne ou encore la mise en place de contrôles ciblés sur les sociétés à risque. Ces outils existent déjà pour d'autres produits. Dès lors, pourquoi ne sont-ils pas appliqués aux sodas ?
Ma question est simple : quand allez-vous mettre fin à cette fraude massive ? Le temps des constats est passé, il est temps d'agir.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Dany Wattebled, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a renforcé la fiscalité des boissons sucrées en instaurant un barème à trois tranches progressives, à la fois rehaussé et incitatif, inspiré du modèle britannique. Ce dernier est, selon plusieurs rapports scientifiques, quatre fois plus efficace que le modèle de barème précédent, indexé sur la teneur en sucres ajoutés des boissons.
Le nouveau dispositif fiscal vise un double objectif : encourager la reformulation des produits ou, à défaut, inciter les consommateurs à se reporter vers des boissons moins sucrées. À ce stade, si la réforme entrée en vigueur le 1er mars 2025 ne peut encore faire l'objet d'un bilan complet, les encaissements ne révèlent pas l'existence d'un système de fraude à grande échelle. Ils permettent même d'estimer que le rendement de la taxe soda est cohérent avec les annonces faites lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale.
En tout état de cause, la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui dispose d'un large accès aux données macroéconomiques des entreprises, dont les codes APE – activité principale exercée –, est pleinement mobilisée dans le contrôle des contributions sur les boissons non alcoolisées. En témoigne le nombre d'opérations de contrôle, en constante augmentation. Elles ont ainsi assuré, en 2024, un rendement financier de 4 millions d'euros.
Par ailleurs, la fraude aux contributions sur les boissons est proche de la fraude à la TVA, pour laquelle les services fiscaux disposent déjà d'une expérience solide reconnue de tous. La DGFiP s'appuie également sur ses partenaires de lutte contre la fraude, ainsi que sur son réseau d'assistance fiscale internationale, pour apporter une réponse adaptée aux schémas de fraude les plus complexes.
Dans le cadre du transfert de missions, certains outils spécifiquement douaniers, comme le document administratif électronique, n'ont pas été conservés. Pour autant, la DGFiP dispose d'autres outils de programmation, comme l'intelligence artificielle, qui garantissent une exploitation optimale des nombreuses données, dont une partie provient de la direction générale des douanes et droits indirects.
Enfin, la solidarité de paiement semble difficile à mettre en œuvre, dans la mesure où il n'existe ni obligation ni possibilité pour les clients des importateurs défaillants de s'assurer du paiement effectif de la taxe par leurs fournisseurs. Il n'empêche que nous resterons très attentifs aux problèmes que vous avez portés à notre attention.
crise d'attractivité de la médecine du travail dans la fonction publique territoriale
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 615, adressée à M. le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.
Mme Frédérique Puissat. Ma question concerne les difficultés visant à rendre la filière de la médecine du travail plus attrayante dans la fonction publique territoriale. Au même titre que la médecine générale, la fonction publique territoriale connaît une pénurie croissante de médecins du travail.
Plusieurs causes principales sont à l'origine de cette crise d'attractivité. La première concerne la formation– trop longue – des médecins collaborateurs. Aux termes de la loi du 20 juillet 2011, la formation nécessaire à l'obtention du titre de médecin collaborateur demeure très dense. Il y a d'abord l'enseignement du cycle 1, qui comprend 300 heures de cours théoriques et de stages pratiques réalisés sur deux années. Ensuite, le cycle 2, lui aussi étalé sur deux ans, comprend des exercices encadrés par des médecins collaborateurs, huit journées de regroupement pédagogique et la rédaction d'un mémoire faisant l'objet d'une soutenance devant un jury.
Une fois leur formation achevée, les médecins doivent effectuer deux CDD d'une durée de trois ans chacun, afin de pouvoir être embauchés à durée indéterminée.
Une autre cause de la crise d'attractivité, liée aux difficultés de fonctionnement des centres de gestion, est la périodicité de la visite d'information et de prévention (Vip). Celle-ci a lieu tous les deux ans pour les fonctionnaires territoriaux, soit une périodicité très courte, alors qu'elle a lieu tous les cinq ans pour les agents de la fonction publique d'État.
Dans ces conditions, le Gouvernement entend-il réduire la durée de la formation, qui constitue un frein à la vocation du médecin collaborateur ? Par ailleurs, prévoit-il d'assouplir les règles présidant à l'embauche des médecins de façon indéterminée ? Enfin, envisage-t-il d'aligner la périodicité des visites d'information et de prévention de la fonction publique territoriale sur celle des visites assurées dans la fonction publique d'État ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Frédérique Puissat, je vous prie d'excuser l'absence de Laurent Marcangeli, qui est en déplacement à Chartres aux côtés du Premier ministre.
Le Gouvernement partage vos préoccupations. En effet, la médecine du travail connaît un certain nombre de difficultés, tant en matière de démographie médicale que d'attractivité de la spécialité.
Le ministère de la fonction publique est favorable à une réduction de la durée de la formation des médecins collaborateurs, dans le cadre d'une révision ciblée du dispositif de reconversion de ceux qui souhaitent exercer comme médecins du travail. Aujourd'hui, cette durée peut parfois sembler longue et même injustifiée, surtout pour les médecins déjà formés et expérimentés.
Certains professionnels peuvent ainsi renoncer à se reconvertir dans la médecine du travail, dans un contexte où la fonction publique territoriale peine à recruter.
En outre, il s'agit de capitaliser sur les compétences déjà acquises au cours du parcours professionnel, tout en veillant à ce que la formation continue de garantir un haut niveau de qualité dans l'accompagnement des agents à la prise de décision médicale.
Cette orientation s'inscrit dans le respect des exigences posées par l'article R. 4623-25 du code du travail, qui encadre les conditions de formation des médecins du travail.
Par ailleurs, le Gouvernement est bien conscient des enjeux liés à l'attractivité et à la rémunération des médecins du travail. Ses efforts se concentrent prioritairement sur la structuration de parcours professionnels plus fluides, notamment via la facilitation de passerelles de reconversion et l'amélioration des conditions d'exercice. Toutefois, compte tenu du contexte budgétaire actuel, une revalorisation ne peut être envisagée.
Enfin, concernant la fréquence des visites d'information et de prévention, une évolution est bien à l'étude, afin de mieux articuler les obligations réglementaires avec la réalité du terrain.
Le Gouvernement est favorable à l'alignement de la fonction publique territoriale sur la fonction publique d'État, en faisant passer la périodicité de visites d'information et de prévention de deux à cinq ans pour les agents non exposés à des risques particuliers. La fréquence biennale sera toutefois maintenue pour les agents soumis à des expositions spécifiques, dans un souci constant de prévention et de protection de leur santé.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Je vous prie, madame la ministre, de vous faire la porte-parole des avancées attendues en ce domaine, que nous suivrons avec attention.
Par ailleurs, je veux saluer tous les présidents des centres de gestion, singulièrement celui de l'Isère, ainsi que leurs conseils d'administration et leurs personnels. Tout ce que nous ferons pour leur faciliter la tâche au quotidien sera le bienvenu.
exercice abusif du droit de grève dans la fonction publique
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 632, adressée à M. le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, j'appelle votre attention sur les effets potentiellement abusifs de certains préavis de grève dans la fonction publique territoriale. En effet, plusieurs communes des Bouches-du-Rhône ont été confrontées récemment à des préavis de grève reconductibles déposés par des organisations syndicales qui s'étalent sur plusieurs mois, voire plusieurs années.
Bien qu'en apparence légaux, ces préavis créent une incertitude constante pour la continuité du service public. Ils désorganisent les services et complexifient considérablement la gestion des ressources humaines.
Je prendrai un exemple. Le maire de La Destrousse m'a transmis le préavis de grève déposé par la CGT des Bouches-du-Rhône, qui, tenez-vous bien, s'étale du 1er mars 2025 au 17 mai 2027, soit plus de deux ans de grève potentielle impliquant l'ensemble des fonctionnaires, salariés et agents des collectivités territoriales du département !
Le droit de grève est un principe constitutionnel et mon propos ne tend nullement à le remettre en cause. Il n'en demeure pas moins que la continuité des services publics constitue également un principe à valeur constitutionnelle, notamment dans des domaines essentiels, tels que la salubrité, l'éducation et les services sociaux.
Aussi, je vous pose inévitablement la question de la proportionnalité entre la durée d'un préavis et les revendications syndicales exprimées. Entendez-vous clarifier les conditions juridiques dans lesquelles un préavis de grève peut être considéré comme abusif, en raison de sa durée excessive ?
Par ailleurs, pensez-vous, devant ce type de situation, mettre en place un accompagnement juridique renforcé, qui serait précieux pour les communes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Stéphane Le Rudulier, votre question soulève un enjeu fondamental, celui de la recherche du juste équilibre entre l'exercice du droit de grève et l'impératif de continuité du service public.
Les préavis de grève reconductibles de longue durée dans la fonction publique territoriale font malheureusement trop souvent l'actualité et suscitent l'incompréhension de nos concitoyens. Vous avez à cet égard cité l'exemple des Bouches-du-Rhône.
Certes, le droit de grève, consacré par le préambule de la Constitution de 1946, a valeur constitutionnelle et s'applique à l'ensemble des agents publics. Néanmoins, il ne s'agit pas d'un droit absolu. Il doit donc s'exercer dans le respect de règles spécifiques, comme le précisent les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code général de la fonction publique.
Ces dispositions exigent : le dépôt d'un préavis par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au moins cinq jours francs avant le déclenchement de la grève ; la précision des motifs de la grève, ainsi que son lieu, sa date et heure de début et sa durée, qu'elle soit limitée ou non ; une négociation pendant la durée de préavis, qui pèse sur les deux parties, à savoir l'administration employeuse et l'organisation syndicale ; l'interdiction des grèves perlées ou tournantes.
La réglementation en vigueur n'interdit pas le dépôt d'un préavis de grève de longue durée, dès lors que les conditions précitées sont bien satisfaites. Néanmoins, de tels préavis peuvent engendrer une instabilité chronique dans l'organisation des services publics et affecter durablement la vie de nos concitoyens, en particulier dans les communes de moins de 10 000 habitants.
Ces préavis répétitifs peuvent mettre nos collectivités territoriales à rude épreuve, notamment dans des domaines sensibles comme la salubrité, l'éducation, l'action sociale et bien d'autres encore. De la même manière, ils nuisent à l'image des services publics et de nos agents publics.
C'est pourquoi, tout en réaffirmant son profond attachement au dialogue social et au droit de grève, le Gouvernement reste à l'écoute des propositions, dont celles que vous avez formulées, qui permettraient d'améliorer l'équilibre existant en vue d'assurer la continuité du service public sur l'ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.
M. Stéphane Le Rudulier. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Les maires sont totalement désabusés face à ce type de procédés. Cela doit nous conduire à nous interroger sur la nature de cette forme de syndicalisme, qui vise davantage à paralyser les institutions et services publics locaux qu'à exprimer de réelles revendications.
actes de violence contre les sapeurs-pompiers dans l'oise
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 374, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Édouard Courtial. Madame la ministre, pas une semaine ne passe sans que des sapeurs-pompiers soient pris à partie. Dans l'Oise, depuis le début de l'année 2025, près d'une vingtaine d'entre eux ont déjà été victimes d'agressions verbales ou d'outrages. Alors qu'ils luttaient contre un feu à Méru, des pompiers ont été la cible de jets de projectiles, le 10 février dernier. Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, à Beauvais, un de leurs collègues a reçu des coups au visage par un homme alcoolisé qu'ils venaient de secourir…
De tels actes de barbarie sont devenus monnaie courante dans l'Oise, comme partout en France. Il est temps de faire cesser ces agressions inhumaines à l'encontre de ces femmes et de ces hommes, dont le seul crime est de s'être engagé au service de leurs concitoyens : nous leur devons bien cela ! Je veux leur dire ici tout mon respect et mon entière gratitude.
En 2017, le législateur a alourdi les peines applicables aux auteurs de violences envers les sapeurs-pompiers. La loi du 3 août 2018, quant à elle, a étendu aux pompiers l'expérimentation du port de caméras mobiles.
Si les textes évoluent, la violence, elle, n'a pas diminué. Ainsi, en 2024, 602 pompiers ont été blessés sur l'ensemble du territoire français. C'est toute une profession qui est touchée par ce drame des valeurs et de la raison.
Ma question est simple : quelles mesures concrètes l'État compte-t-il mettre en place pour enrayer cette spirale de la violence ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Édouard Courtial, les agressions commises envers les sapeurs-pompiers, dont la vocation est de sauver des vies au péril de la leur, sont absolument intolérables. Cette situation mérite toute notre attention et appelle surtout des réponses, notamment pénales, particulièrement fortes et dissuasives.
En 2024, 1 461 agressions sur des sapeurs-pompiers ont été rapportées. Dans les trois quarts des cas, ce sont les victimes que les pompiers viennent aider qui en sont les auteurs – dans la moitié des cas, ces derniers sont sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants.
Face à ces constats, des mesures opérationnelles sont déjà engagées pour mieux protéger les sapeurs-pompiers. Elles s'appliquent au plus près du terrain, notamment grâce à des protocoles opérationnels qui évoluent en permanence, sous la responsabilité des préfets de département. En outre, elles font l'objet de points précis et réguliers dans le cadre des états-majors de sécurité (EMS) départementaux.
Par ailleurs, un réseau national de référents en matière de sécurité et de sûreté a été déployé, afin de promouvoir une culture commune visant à mieux protéger les sapeurs-pompiers contre ces agressions et toute forme d'acte malveillant.
Le ministère de l'intérieur accompagne l'ensemble des directeurs des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) en incitant notamment les sapeurs-pompiers à déposer plainte. Vous avez raison, monsieur le sénateur : il ne s'agit pas seulement d'apporter des réponses pénales, il faut aussi que les sapeurs-pompiers déposent plainte, ce qui suppose un accompagnement systématique.
Les mesures opérationnelles se traduisent également par le déploiement de tous les moyens d'enquête nécessaires pour identifier et collecter les preuves indispensables. À ce titre, le port de caméras individuelles a été encouragé et développé, afin de mieux caractériser les infractions au cours des procédures judiciaires. Il est également possible, depuis mars 2024, d'équiper les véhicules de caméras embarquées.
Enfin, de nouvelles mesures opérationnelles sont actuellement étudiées dans le cadre de l'Observatoire national des violences envers les sapeurs-pompiers. Des concertations ont eu lieu lors du Beauvau de la sécurité civile. Elles donneront lieu à un plan de lutte contre les violences, avec de nouvelles mesures opérationnelles partagées.
C'est bien d'une véritable révolution que nous avons besoin. Elle nécessitera de prendre des sanctions exemplaires, de définir des critères opérationnels et d'assurer la prévention.
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour la réplique.
M. Édouard Courtial. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, et salue l'engagement du Gouvernement sur ce sujet.
Vous connaissez la devise historique et noble des sapeurs-pompiers : « Sauver ou périr ». Je ne pense pas que celui qui l'a forgée ait jamais imaginé que les pompiers puissent périr sous le coup de projectiles malveillants, en marge de leur intervention. Une chose est sûre, on n'en fera jamais assez pour eux.
sapeurs-pompiers
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 639, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Guillaume Chevrollier. Je souhaite commencer mon propos par un hommage à l'engagement remarquable de nos sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires, qui interviennent chaque jour avec courage et dévouement.
Dans nos territoires ruraux, la présence des sapeurs-pompiers est d'autant plus cruciale qu'ils sont souvent les premiers, et parfois les seuls, à pouvoir intervenir rapidement. Dans mon département, la Mayenne, le centre de secours de Meslay-du-Maine illustre parfaitement cette réalité. Malgré la mobilisation de quarante volontaires, il a dû faire face à dix-sept départs non assurés depuis le début de l'année, faute d'effectifs disponibles en journée.
Des solutions locales existent : recentrage sur le secours à la personne, adaptation des plannings, partenariat renforcé avec les communes ou recrutement d'un agent pour développer les conventions avec les entreprises.
Le Sdis de la Mayenne et le conseil départemental sont pleinement mobilisés. Je salue aussi l'engagement de tous nos maires. Néanmoins, ces efforts trouvent vite leurs limites : que ce soit à Laval, à Mayenne ou à Château-Gontier-sur-Mayenne, les fermetures répétées de nos services d'urgence saturent le travail des pompiers, qui sont parfois contraints d'emmener les victimes toujours plus loin.
Leurs interventions peuvent durer jusqu'à trois heures, ce qui engendre de la fatigue, favorise leur démobilisation et met à mal leur vie personnelle.
Ces heures sont décomptées de leur temps de disponibilité mensuel, qui n'est que de dix heures dans certains cas, et une seule journée suffit parfois à épuiser ce quota.
À cette pression humaine s'ajoute un surcoût logistique. En 2023, le Sdis a facturé 60 000 euros aux hôpitaux au titre de 495 transports détournés ; en 2024, la facture dépasse 100 000 euros. Les pompiers ne peuvent plus pallier seuls les failles de notre système de santé et la baisse du financement national fragilise le volontariat.
Ma question est simple, madame la ministre : quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il prendre afin de soutenir les Sdis, en particulier en zone rurale, de renforcer le volontariat, d'encadrer plus strictement les sollicitations abusives et de permettre aux collectivités locales de construire, avec l'État, une sécurité civile à la hauteur des défis d'aujourd'hui ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, cher Guillaume Chevrollier, je partage votre constat : les sapeurs-pompiers volontaires jouent un rôle absolument essentiel et constituent une particularité de notre modèle de sécurité civile.
Le ministre François-Noël Buffet, aux côtés du ministre d'État, ministre de l'intérieur, leur a d'ailleurs rendu hommage lors de la journée nationale des sapeurs-pompiers.
Cet engagement ne cesse de croître dans les territoires. Pour la première fois en 2023, la barre des 200 000 sapeurs-pompiers volontaires a été franchie, un seuil que nous n'avions pas atteint depuis dix-sept ans. De même, la durée moyenne d'activité ne cesse de progresser.
L'effort d'attractivité, matérialisé par plusieurs mesures ces dernières années, se poursuit.
Tout d'abord, un plan sur le volontariat, élaboré en concertation avec les acteurs concernés, sera présenté en 2025. Il comprendra de nouvelles mesures, qui porteront notamment sur les modalités d'engagement et sur les relations avec les employeurs, deux éléments fondamentaux.
Ensuite, le ministre veille avec la plus grande vigilance à la parution, dans les plus brefs délais, du décret d'application permettant aux sapeurs-pompiers de bénéficier de trimestres de retraite supplémentaires.
Je partage également votre constat quant à l'explosion de l'activité de secours et de soins d'urgence aux personnes, qui représente aujourd'hui 85 % de l'activité opérationnelle, en raison du vieillissement de la population et des difficultés liées à la démographie sanitaire.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité poursuivre le Beauvau de la sécurité civile, afin de redonner aux services d'incendie et de secours la maîtrise de leur activité. En effet, les avancées de la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, et de la réforme des transports ambulanciers n'ont pas permis d'endiguer la hausse de l'activité des Sdis.
Enfin, sans méconnaître les difficultés financières des services d'incendie et de secours, et en particulier celles des départements, je tiens à vous assurer que le Gouvernement reste mobilisé. L'État a ainsi soutenu l'acquisition de moyens de lutte, en particulier contre les feux de forêt,…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. … à hauteur de 150 millions d'euros, et il finance d'autres équipements.
Monsieur le sénateur, je vous apporterai par écrit des réponses plus complètes.
dégradation des conditions de travail des chauffeurs de taxi accentuée par la concurrence déloyale des plateformes vtc
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, auteur de la question n° 455, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Jacques Fernique. Madame la ministre, ma question porte sur la dégradation des conditions de travail des chauffeurs de taxi.
Leur précarisation, vous le savez, est accentuée par la concurrence déloyale des plateformes de voitures de transport avec chauffeur (VTC), dont les chauffeurs sont amenés à enfreindre régulièrement la réglementation, d'autant que les contrôles, et par conséquent les sanctions, sont rares.
Cette situation exacerbe les tensions sur le terrain, conduisant à des agressions verbales et parfois physiques. Dans ma circonscription du Bas-Rhin, des voitures ont ainsi été endommagées, voire incendiées.
Pourtant, une loi encadrant l'activité des chauffeurs de VTC existe ; elle leur impose de retourner à leur siège social entre chaque course et leur interdit de stationner ou de marauder aux abords des lieux stratégiques pour la clientèle tels que les gares. Or ces dispositions sont largement bafouées sur le terrain…
J'ai auditionné le syndicat des chauffeurs de taxi du Bas-Rhin, qui ne demande ni la suppression de la concurrence ni même une nouvelle loi, mais simplement l'application de contrôles et de sanctions pour assurer le respect des règles en vigueur. La promesse récente du Gouvernement de renforcer les contrôles est donc une bonne nouvelle.
Néanmoins, on ne peut ignorer que les plateformes elles-mêmes poussent leurs chauffeurs à contourner les règles pour leur permettre de gagner modestement leur vie. D'ailleurs, depuis les révélations des Uber Files, nous savons que, entre 2014 et 2016, le ministre de l'économie de l'époque a œuvré avec une grande complaisance auprès des plateformes pour déréguler le marché.
Les mesures récemment annoncées par le Gouvernement constituent une avancée, mais ne changeront pas la donne structurellement. Les plateformes conserveront la même logique.
Pourquoi se borner à sanctionner les chauffeurs de manière individuelle, comme vous le faites avec les trois nouvelles amendes qui entrent en vigueur ? Il faut toucher au mode de fonctionnement des plateformes elles-mêmes.
Des solutions collectives existent. En Allemagne, par exemple, les applications ne peuvent proposer de nouvelles courses aux chauffeurs de VTC tant que ceux-ci ne sont pas revenus à leur base. À Strasbourg, on ne comprend pas pourquoi ce qui réussit à Kehl ne pourrait s'appliquer chez nous.
Comment le Gouvernement compte-t-il agir pour sortir de cette situation conflictuelle ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Jacques Fernique, ma réponse étant très longue, je vous l'adresserai par écrit et me contenterai ici d'aller à l'essentiel.
Je vous remercie d'appeler notre attention sur la question de la concurrence déloyale entre taxis et VTC. Le Gouvernement travaille sur le sujet de la régulation des plateformes, en particulier la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Sachez que les forces de l'ordre sont pleinement mobilisées pour mener des opérations de surveillance et de contrôle. Elles disposent pour ce faire d'outils renforcés. Une expérimentation menée pendant trois mois dans le ressort de douze tribunaux judiciaires a abouti à la généralisation de nouveaux délits depuis le 1er juillet 2025 : l'exercice illégal de l'activité d'exploitant de taxi, la prise en charge d'un client sur la voie ouverte à la circulation publique sans justification ou encore l'exploitation de VTC sans inscription au registre. Les forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie, sont mobilisées.
Dans le Bas-Rhin, en particulier, dix-sept infractions ont été relevées au cours du premier semestre 2025. Ce chiffre, quoique sans doute très inférieur à la réalité, témoigne d'un mouvement. Sept de ces infractions sont liées au stationnement illégal, c'est-à-dire au maraudage en quête de clients.
Au sein de l'agglomération parisienne, où cette fraude est très répandue, l'unité de contrôle des transports de personnes est active ; elle opère en civil et joue un rôle central dans la lutte contre les taxis clandestins, le racolage et le travail illégal, en particulier aux abords des gares et des aéroports.
Pour renforcer la réponse pénale, un plan d'action a été mis en œuvre par le préfet de police, en lien étroit avec les parquets de Paris, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Nous avons particulièrement ciblé les multirécidivistes du racolage.
Comme je vous l'indiquais, ma réponse écrite sera beaucoup plus détaillée, mais je tenais à vous assurer de notre parfaite mobilisation pour que ces infractions à la loi cessent, y compris dans leur dimension numérique.
demande du bilan financier de la lutte contre l'immigration à mayotte de 2022, 2023 et 2024
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, en remplacement de M. Saïd Omar Oili, auteur de la question n° 654, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Mme Viviane Artigalas. Madame la ministre, je pose cette question au nom de mon collègue Saïd Omar Oili, sénateur de Mayotte, actuellement retenu par la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
Dans une réponse en date du 26 juin dernier à une question écrite sur l'opération Wuambushu, le ministre de l'intérieur a fait état des opérations menées en 2024 contre l'immigration clandestine à Mayotte. Toutefois, cette réponse ne comporte aucune donnée sur le bilan financier de ces opérations. Par ailleurs, les résultats des reconduites à la frontière pour l'année 2024 sont en baisse de 20 % par rapport à l'année précédente.
La question de mon collègue vise donc à mettre en regard les montants importants alloués à la lutte contre l'immigration clandestine et des résultats qui, eux, sont en baisse.
En effet, l'évaluation des politiques publiques relève des prérogatives des parlementaires, a fortiori lorsque celles-ci revêtent un caractère stratégique, comme sur le territoire de Mayotte. Dans le cadre de cette évaluation, les données relatives aux coûts constituent des éléments d'appréciation importants au regard des résultats obtenus.
Ainsi, mon collègue Saïd Omar Oili vous interroge sur le bilan financier de la lutte contre l'immigration à Mayotte.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Viviane Artigalas, la lutte contre l'immigration irrégulière à Mayotte mobilise divers acteurs, tant au niveau interministériel qu'au sein du ministère de l'intérieur. De ce fait, elle émarge à plusieurs programmes budgétaires, parmi lesquels les programmes « Police nationale », « Gendarmerie nationale » et « Immigration et asile ».
Les dépenses consacrées à la lutte contre l'immigration clandestine sont passées de 9,5 millions d'euros en crédits de paiement en 2022 à 15 millions d'euros en 2024, soit un accroissement de près de 60 % en trois ans des moyens alloués à cette fin à Mayotte.
Les dépenses de fonctionnement sont passées de 4,5 millions d'euros en 2022 à 5,8 millions d'euros en 2024. Elles comprennent les frais hôteliers des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente pour personnes en instance, l'interprétariat, l'entretien immobilier et l'accompagnement sanitaire. Vous me demandiez des chiffres précis, les voici.
Enfin, les dépenses d'éloignement stricto sensu, notamment la billetterie, s'élèvent à 8,9 millions d'euros en 2024, contre 6,9 millions d'euros en 2023 et 4,5 millions d'euros en 2022, ce qui traduit l'intensification des mesures et des actions d'éloignement.
En matière immobilière, l'année 2024 a été marquée par un engagement de plus de 5 millions d'euros, correspondant au marché de conception et de réalisation du nouveau local de rétention administrative permanent, d'une capacité de quarante-huit places.
Telles sont les données chiffrées que je suis en mesure de vous communiquer. Je vous les transmettrai par écrit, ainsi qu'à votre collègue.
amélioration des relations entre maires et services du renseignement territorial
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 662, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, mon intervention portera sur un drame qui s'est déroulé dans mon département : le 22 juin dernier, une fusillade dans le village de Goult a causé la mort de deux personnes et en a blessé trois autres.
Le couple ciblé par cette attaque à l'arme lourde venait de se marier dans un département voisin et sortait d'une réception qui se tenait dans la salle des fêtes communale, louée pour l'occasion.
Il est apparu par la suite que le marié, qui avait obtenu la location de cette salle municipale, était connu des services de police pour association de malfaiteurs et trafic de stupéfiants, ce qui a orienté l'enquête sur la piste d'un règlement de compte.
Ce drame met une nouvelle fois en évidence le décalage entre le rôle imparti au maire en matière de sécurité publique et le défaut d'information dont il pâtit quant à la dangerosité des personnes les plus susceptibles d'y porter atteinte.
À l'heure où les violences liées au narcobanditisme s'étendent des centres urbains vers les territoires ruraux, permettre un échange d'informations entre les maires et les services du renseignement territorial en amont de l'octroi d'une salle municipale constituerait une solution pour éviter la répétition de tels faits. De nombreux élus nous le demandent.
L'autorisation du partage d'informations à caractère secret, y compris, le cas échéant, celles qui relèvent de l'article 11 du code de procédure pénale, serait également une solution pour faciliter les échanges entre les maires et les services de renseignement. Il va de soi que les maires seraient alors tenus au secret des informations communiquées.
Dans ce contexte, madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur la possibilité d'un tel partage d'informations ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, je tiens tout d'abord à affirmer avec force, au nom du ministre d'État, ministre de l'intérieur, que le drame survenu le 22 juin dernier dans le village de Goult est absolument inacceptable. Le renforcement de la sécurité dans la vie quotidienne des Français constitue l'une des priorités du ministre de l'intérieur, tout comme la lutte contre le narcotrafic, qui est à la source de nombreuses violences.
Vous l'avez rappelé, la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic permet de renforcer nos moyens d'action. Le Sénat n'y est pas tout à fait étranger.
Faire reculer la délinquance n'est pas seulement l'affaire de l'État, mais suppose, comme vous l'avez dit, une dynamique collective, un continuum de sécurité qui commence sur le territoire par l'implication des maires, qui peuvent être des acteurs essentiels de cette lutte contre la violence.
Le cadre juridique actuel, issu de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, prend déjà en compte cette préoccupation.
Il instaure, d'une part, un devoir d'information du maire par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie s'agissant des infractions qui causent un trouble à l'ordre public sur le territoire communal ; il prévoit, d'autre part, la possibilité pour le maire de solliciter le procureur de la République aux fins d'obtenir communication des suites judiciaires apportées.
Par ailleurs, les policiers municipaux disposent depuis plusieurs années d'un accès étendu aux fichiers relevant de l'État, ce qui leur permet de traiter les infractions relatives à la sécurité qu'ils sont habilités à constater.
Pour ce qui concerne le renseignement territorial, ses agents entretiennent, vous le savez, des relations très régulières avec les élus locaux et les maires. Ces échanges s'effectuent toutefois sous la réserve – c'est bien là que le bât blesse – des dispositions légales et réglementaires, au premier rang desquelles figure le secret de l'instruction, principe cardinal de notre procédure pénale.
Votre proposition appelle un travail conjoint du ministère de l'intérieur et du garde des sceaux. Il est en effet essentiel de trouver les voies et moyens qui permettront à la fois de préserver la tranquillité de nos concitoyens et de donner aux élus locaux la capacité d'agir de façon préventive.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Je remercie tous nos collègues, ainsi que les membres du Gouvernement, qui ont pris part à cette séance.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt,
(À suivre)