Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Céline Brulin,

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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Hommage à Olivier Marleix

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en introduction de notre séance, je veux avoir une pensée pour Olivier Marleix, disparu brutalement ce lundi. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)

Ancien collaborateur du groupe du Rassemblement pour la République du Sénat, ancien maire d'Anet, député d'Eure-et-Loir depuis 2012 et président du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale entre 2022 et 2024, ce qui nous avait amenés à échanger très souvent, il était un élu de conviction et d'engagement, marqué par le gaullisme et l'exemple de son père, lui-même ancien député du Cantal.

Je voulais tout simplement adresser toutes nos pensées à sa famille, aux membres de son groupe politique ainsi qu'à l'ensemble de ses collègues députés.

Je vous propose d'observer un instant de recueillement en son hommage. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres observent un moment de recueillement.)

La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la disparition d'Olivier Marleix a été, pour l'Assemblée nationale et le Parlement dans son ensemble, un moment de saisissement, de stupéfaction et de grand chagrin.

Il était un parlementaire assidu, actif et enraciné, aux convictions fortes, en particulier sur les thèmes qui lui étaient chers de la souveraineté économique et industrielle.

Cet événement a été l'occasion pour beaucoup d'entre nous de méditer sur le fait que sous une force qui pouvait paraître irréductible se dissimulait parfois une fragilité.

Je pense que cela a traversé l'esprit de chacune et de chacun. Les engagements qui sont les nôtres ne protègent pas de ce type de faille – au contraire. Nous devons donc être d'autant plus attentifs les uns aux autres.

Honorons en cet instant la mémoire d'un serviteur fidèle et engagé de la vie parlementaire. (Applaudissements.)

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Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, mais aussi du temps de parole.

grève des contrôleurs aériens (i)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en décembre 2022, à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, un Airbus en phase d'atterrissage a failli entrer en collision avec un autre avion immobilisé sur la piste.

Le bureau d'enquêtes et d'analyses a mis en cause une organisation défaillante : les contrôleurs aériens présents étaient occupés à d'autres tâches, tant et si bien qu'ils ont oublié un appareil.

Cette faute est liée à une pratique informelle et généralisée, dite de clairance. Concrètement, il s'agit d'une forme d'autogestion qui permet aux contrôleurs de s'organiser entre eux et de juger de la nécessité ou non d'être présents selon l'état du trafic aérien. Cela aboutit à un temps de travail moyen de vingt-quatre heures par semaine au lieu des – contraignantes… – trente-deux heures auxquelles ils sont normalement astreints.

Dès lors, la mise en place d'un système de pointage et de suivi paraît une mesure de bon sens et un effort raisonnable pour des fonctionnaires qui gagnent 8 000 euros brut par mois et qui partent à la retraite à 59 ans.

Pourtant, cette perspective a suscité une énième grève, suivie par 272 contrôleurs aériens – 272 ! Conséquence : en trois jours, plus de 2 000 vols ont été annulés et 500 000 passagers cloués au sol.

J'ajoute que les contrôleurs français sont responsables de 35 % du retard aérien en Europe, sans compter les périodes de grève – Dieu sait qu'elles sont nombreuses !

Combien de temps encore allons-nous devoir supporter cela ? Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre un terme au chantage révoltant d'une minorité syndicale qui se croit tout permis ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des transports.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur Verzelen, la semaine dernière, des centaines de milliers de passagers ont en effet été bloqués dans nos aéroports, 50 % des vols ont été annulés sur Nice, Bastia et Calvi, 40 % sur les aéroports parisiens. Voilà le bilan des premiers départs en vacances !

Je tiens néanmoins à préciser que cette grève a été lancée par des syndicats minoritaires et qu'elle était parfaitement irresponsable. Moins de 300 grévistes, à peine 8 % du nombre total de contrôleurs, ont suffi à paralyser le transport aérien français. Ce mouvement donne une image déplorable de la profession, alors qu'une grande majorité des contrôleurs aériens ont à cœur de faire correctement leur travail.

Les conséquences sont lourdes : des millions d'euros de pertes pour les compagnies aériennes, 20 000 euros par vol annulé. Notre compagnie nationale, Air France, dont l'État est actionnaire à 30 %, je le rappelle, a été directement touchée.

Derrière ces chiffres, ce sont des passagers qui ont été affectés, des familles qui ont économisé toute une année pour s'offrir des vacances ou voir des proches qu'elles n'ont pas pu retrouver.

La direction générale de l'aviation civile (DGAC) a engagé, depuis longtemps, un dialogue avec les syndicats. Certaines revendications sont en réalité déjà prises en compte, d'autres sont injustifiées.

S'agissant de la réforme du secteur et de la mise en place de la fameuse badgeuse, je veux être clair : nous ne reculerons pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.) C'est avant tout un enjeu de sécurité, une mesure concrète après l'incident grave de Bordeaux-Mérignac, où une collision a été évitée de justesse.

Cette grève ne m'arrêtera pas dans ma détermination à mener la réforme à son terme. Le droit de grève est un droit constitutionnel, mais il s'accompagne de responsabilités et elles n'ont pas été assumées le week-end dernier. Ma ligne de conduite face aux mouvements sociaux reste la même : le dialogue social, oui ; le chantage, non ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour la réplique.

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et de votre implication. Nous vous souhaitons bon courage, nous sommes avec vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

choix fiscaux du gouvernement pour 2026

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Au nom du groupe RDSE, je voudrais tout d'abord adresser à la famille d'Olivier Marleix, en particulier à son frère Romain, et à tous ses amis nos condoléances et nos pensées les plus attristées.

J'en viens à ma question. En ce début de Tour de France, je ne sais si le projet de loi de finances pour 2026 sera un Himalaya, mais ce sera à coup sûr un col de première catégorie ! Nous avons le maillot jaune pour la dette, le déficit et le taux de pauvreté – dix millions de nos concitoyens sont touchés – et nous sommes lanterne rouge pour le taux d'emploi : 69 % contre 77 % en Allemagne.

Ce n'est que dans la justice fiscale et sociale que les Français accepteront les efforts. Or, depuis un an, les signaux envoyés par le Gouvernement sont tous négatifs.

À l'automne, on dénature la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus – plus de 200 000 euros par an –, en laissant jouer l'optimisation fiscale.

À Pâques, la taxe CumCum sur les dividendes, votée ici même à l'unanimité, a été anéantie par un tour de passe-passe bercynien.

Enfin, le 11 juin dernier, le Gouvernement s'est opposé à l'instauration de la taxe dite Zucman sur les hauts patrimoines.

Pour ma part, afin d'être positif, je propose des pistes d'économies, par exemple l'alignement des normes françaises sur celles de nos voisins européens – selon certains experts, il y aurait là une source d'économies de 60 milliards d'euros – ou encore sur les frais généraux de nos ministères et de nos administrations qui sont supérieurs de 50 % à ceux de nos voisins.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, d'ouvrir la chasse aux mammouths bureaucratiques ? Depuis le mot de Claude Allègre, c'est désormais un véritable troupeau qui peuple nos ministères et dévore chaque jour nos finances publiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, vous avez posé des constats lucides et c'est effectivement un sommet très élevé qui se présente devant nous : un déficit public de 6 % en 2024, une dette qui dépasse les 110 % du PIB, une charge de la dette qui excède désormais 60 milliards d'euros.

Réduire la dette et les déficits est une ardente nécessité pour retrouver des marges de manœuvre, investir dans l'avenir et garantir notre souveraineté, notamment vis-à-vis des marchés financiers.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a posé le principe d'une trajectoire des finances publiques à même de nous permettre d'atteindre un déficit de 3 % en 2029. Nous maintenons ce cap.

Cette trajectoire est crédible, car elle s'appuie sur un certain nombre de principes.

Le premier principe est la stabilité fiscale, que ce soit pour les entreprises, qui ont besoin de visibilité à long terme afin d'investir, ou pour les particuliers, notamment ceux qui vivent de leur travail et dont le pouvoir d'achat doit être préservé.

M. Mickaël Vallet. Donc vous allez taxer les rentiers !

M. Marc Ferracci, ministre. Le deuxième principe est que nous devons d'abord agir sur les dépenses. En cela, les efforts doivent être partagés et équitables entre l'État, les collectivités territoriales et la sécurité sociale. C'est aussi – vous y avez fait référence, je vous réponds – se préoccuper de l'efficacité de la dépense publique, évaluer de manière systématique et ne pas avoir peur de couper dans les dépenses qui n'ont pas prouvé leur efficacité au service de l'intérêt général et des Français.

Le dernier principe auquel nous sommes très attachés est le soutien à la croissance économique, en particulier pour l'avenir. Cela signifie continuer à faire des réformes, en particulier des réformes structurelles qui nous permettent d'élever notre taux d'emploi. L'écart de taux d'emploi avec les pays voisins explique en grande partie nos difficultés budgétaires et financières. C'est à cela que nous devons nous atteler.

Nous avons un cap et nous le tiendrons. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.

M. Christian Bilhac. « La réforme fiscale, associée à une politique sélective du crédit, fournira les moyens d'une action visant le double objectif de la justice et de la productivité. » Voilà ce que disait Pierre Mendès France le 3 juin 1953. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.)

finances des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Simon Uzenat. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je souhaite tout d'abord avoir une pensée pour Olivier Marleix et l'ensemble de ses proches, lui qui était particulièrement engagé sur les questions de souveraineté.

Cette idée de souveraineté me permet de faire le lien avec la question d'actualité que je souhaitais poser sur les finances des collectivités territoriales. Celles-ci ne sont même plus confrontées aujourd'hui à un effet de ciseaux, elles subissent un véritable effet de cisaille ! Leurs recettes sont stables, alors que leurs dépenses progressent, et cela du fait de l'État : augmentation du point d'indice de la fonction publique, cotisation à la CNRACL, transferts de charges, etc.

Sur les investissements, il faut également être très clair : ils sont stables, parce que les collectivités ont davantage recours à l'emprunt et font fondre leur trésorerie. Pourtant, les collectivités jouent un rôle structurant pour le soutien aux entreprises locales – la commission d'enquête sur la commande publique dont Dany Wattebled est rapporteur l'a bien montré.

Dans le même temps, l'État est défaillant. Le fonds national des aides à la pierre disparaît. Sur les mobilités, il n'est pas au rendez-vous.

Monsieur le Premier ministre, vous avez missionné l'inspection générale des finances (IGF) le 19 mai dernier pour réaliser une étude sur la révision des aides et des subventions d'investissement aux collectivités, en évoquant la possibilité d'une fusion entre différents dispositifs, dont la DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux) et la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local), et d'une réduction du FCTVA (fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée), alors que nous avions voté ici même l'annulation de la réforme voulue par votre prédécesseur. Nous demandons la publication de cette étude.

Surtout, monsieur le Premier ministre, quelles sont vos intentions ? Comptez-vous réserver un traitement extrêmement sévère aux collectivités, avec 8 milliards d'euros d'économies, le retour des contrats de Cahors et une année blanche ? Monsieur le Premier ministre, les élus ont le droit de savoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Grégory Blanc applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Uzenat, avec plusieurs collègues, j'ai réuni au ministère, sous la responsabilité du Premier ministre, l'ensemble des associations d'élus afin de débattre franchement, à partir de chiffres précis et objectivés, de l'état des finances locales. Cette méthode a été unanimement saluée par les participants. Plusieurs groupes de travail ont été mis en place et ont rendu un certain nombre de conclusions.

S'agissant de la contribution des collectivités locales, à quelle hauteur doit-elle se situer et comment procéder ? Nous avons deux voies, l'une sur le fonctionnement, l'autre sur l'investissement.

Nous souhaitons tout d'abord donner de la visibilité aux collectivités locales, notamment en matière d'investissement – c'est un point qui est nettement apparu lors des réunions des groupes de travail. Cela pourrait faire l'objet d'annexes à la loi de finances et pourrait porter sur les trois prochaines années. C'est un engagement que nous avons évoqué ensemble.

Ensuite, nous avons constaté en 2024, du fait du contexte économique, un ralentissement dans l'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

En tout cas, des engagements ont été pris l'année dernière et je peux confirmer qu'ils seront tenus. Je songe notamment au remboursement de 30 % du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), qui avait été décidé sur l'initiative du Sénat. L'État a donné sa parole de rembourser un tiers ; ce tiers sera remboursé.

Enfin, nous réfléchissons ensemble à fournir des éléments de réflexion et le Premier ministre donnera sa vision le 15 juillet. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.

M. Simon Uzenat. Chacun aura bien noté, monsieur le Premier ministre, que vous essayez de vous acheter du temps, en annonçant les mesures financières après la fin de la session extraordinaire…

Monsieur le ministre, les élus locaux ne partagent visiblement pas tous votre sentiment, car ils parlent de perte de temps à propos des négociations, en particulier après les 7 milliards d'euros d'efforts que vous leur avez demandés pour 2025. C'est une potion très amère qui se prépare aujourd'hui !

Nous demandons que les collectivités locales soient respectées. Nous devons les soutenir pour favoriser l'emploi et la transition et pour défendre la justice et notre souveraineté. De notre côté, nous serons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

orientation budgétaire du gouvernement

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le Premier ministre, nul ne peut ignorer la gravité du moment. Aussi citerai-je les mots d'Émile Zola : « Lorsque l'avenir est sans espoir, le présent prend une amertume ignoble. »

Vous préparez le budget, seul, sans contrôle du Parlement, sans majorité populaire. Quelle est votre vérité démocratique quand vous préparez la pénurie dans le quotidien de 99 % des Français ? Quelle est votre vérité démocratique sur la justice sociale et fiscale ?

Les aides aux entreprises constituent le premier poste de dépense de l'État : 211 milliards d'euros, soit deux fois et demie le budget de l'éducation nationale.

De quelle majorité populaire et politique vous réclamez-vous pour imposer de nouveaux sacrifices aux Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le sénateur, le ton de votre question mérite une réponse mesurée.

Vous confondez les responsabilités de l'exécutif et du législatif. Vous dites que nous préparons seuls le budget, mais c'est vous qui l'adopterez. Il est de la responsabilité de l'exécutif de fixer le cadre de la proposition qu'il vous soumettra.

À partir de quelle légitimité ? La succession de tous les courants politiques présents sur ces bancs depuis cinquante ans a plongé notre pays dans une situation inédite pour les finances publiques.

M. Mickaël Vallet. Les huit dernières années pour vous !

M. François Bayrou, Premier ministre. J'ai fait faire la revue des interventions – plusieurs centaines – de chacun de ceux qui, à gauche, sont intervenus lors des débats budgétaires ces huit dernières années. Pas un seul intervenant n'a demandé un euro d'économie ; pas un seul ! (Brouhaha sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Plusieurs sénateurs du groupe CRCE-K. Nous avons proposé des recettes !

M. François Bayrou, Premier ministre. Vous avez tous, sans exception, demandé des dépenses nouvelles ou des impôts nouveaux. (Nouveau brouhaha sur les mêmes travées.)

Plusieurs sénateurs des groupes CRCE-K, SER et GEST. Oui, sur les riches !

Mme Cathy Apourceau-Poly. La taxe Zucman !

M. le président. Laissez parler le Premier ministre !

M. François Bayrou, Premier ministre. Nous sommes pourtant le pays le plus imposé du monde ! Si l'impôt suffisait à faire la prospérité d'un pays, notre nation serait aujourd'hui la plus prospère de la planète.

Ces constats, excusez-moi de vous le dire, créent non seulement une légitimité pour le Gouvernement, mais d'abord un devoir pour lui de proposer des réponses. Il appartiendra ensuite au Parlement de choisir. Je vous le dis, chacun prendra ses responsabilités et le Gouvernement n'éludera pas les siennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Je vous remercie de votre réponse modérée, monsieur le Premier ministre… (Rires sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Vous allez vous adresser aux Français un peu en catimini à propos du budget. Vous consultez, mais la France n'est pas une démocratie consultative. La démocratie, c'est : premièrement, le vote des Français ; deuxièmement, la représentation nationale ; troisièmement, la République sociale.

M. Roger Karoutchi. Qu'est-ce que c'est que ça ?

M. Pascal Savoldelli. Or les trois sont contournés.

Vous parlez sans cesse d'un effort partagé, mais le peuple, lui, partage déjà la hausse des prix, la TVA sociale, les services publics qui ferment, les territoires qu'on abandonne. Un effort demandé aux ultra-riches répondrait à une volonté populaire majoritaire, qui devrait faire l'unanimité au Parlement.

Monsieur le Premier ministre, qui dirige la France ? Ceux qui ont perdu les élections ? C'est bien le sens du raté sur les retraites. Permettez-moi d'insister : qui dirige la France ? Donald Trump ou les profiteurs de l'économie de guerre ? La dépense militaire portée à 3,5 % du PIB,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Pascal Savoldelli. … parce que le président des États-Unis et le chef de l'Otan l'exigent !

Vous cherchez 40 milliards d'euros, alors que 100 milliards sont déjà orientés vers l'économie de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe GEST.)

déconcentration de l'état

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. François Bonneau. Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé hier, devant les préfets réunis à Chartres, une importante réforme de l'action territoriale de l'État.

Nous ne pouvons que souscrire à ces constats et à ces objectifs. Les attentes exprimées par nos concitoyens sont fortes en termes de proximité, de lisibilité et d'efficacité de l'action publique. Ici même au Sénat, chambre des territoires, qui pourrait dire le contraire, quelle que soit sa sensibilité politique ?

Cela fait des années que le groupe UC, auquel j'appartiens, et l'ensemble des groupes politiques plaident pour une relance de la déconcentration territoriale.

À l'heure des grandes interrégions, qui ont éloigné le pouvoir local des citoyens, et de la multiplication des opérateurs de l'État, la nécessité est plus pressante que jamais.

Pour répondre à cette urgence, vous dites vouloir conforter le département comme échelon de référence pour la mise en œuvre des politiques publiques de l'État et renforcer l'autorité du préfet sur l'ensemble des administrations. Nous ne pouvons qu'applaudir à ce programme. En effet, pour éviter la cacophonie dans nos départements, il nous faut un chef d'orchestre des politiques publiques.

Comment s'assurer que la volonté exprimée hier ne restera pas lettre morte ? Dix ans après l'adoption de la charte de la déconcentration et cinq ans après la dernière réforme de l'organisation territoriale de la République, rien n'a changé. Tous vos prédécesseurs ont fait des annonces comparables sans qu'elles soient suivies d'effets. En 2020, durant la pandémie, nous avons loué les vertus de l'État agile, mais l'État demeure bien rigide, trop rigide.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous assurer que la simplification de l'État est enfin sur les rails ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le sénateur Bonneau, je vous donne l'assurance que ce ne sont pas des promesses, que ce n'est pas un programme. Ce sont des décisions qui vont entrer en application dans les jours qui viennent.

Alors, de quoi s'agit-il ?

Tous les élus et toutes les expressions parlementaires ont, à de très nombreuses reprises, dénoncé l'illisibilité et les difficultés qu'ils connaissaient pour rencontrer de véritables responsables de l'action de l'État. Les mêmes n'ont de cesse de dénoncer la multiplication des agences et des organismes publics, qui nuit à l'efficacité de l'action publique.

Nous avons décidé d'y porter remède en regroupant, tout d'abord, la totalité des acteurs publics sous l'autorité, la coordination et l'influence des préfets de département, à telle enseigne que ces derniers pourront demander que soient remises en question des décisions prises par des agences qui ne leur paraîtraient pas être cohérentes avec les principes et les priorités de l'action de l'État.

Nous avons décidé, ensuite, d'élargir le droit de dérogation des préfets. À ce titre, nous devrons les protéger de toute mise en cause pénale excessive, comme vous allez le faire pour les élus locaux.

Enfin, nous avons fait en sorte que les préfets soient désormais destinataires, avant leur publication, de toutes les décisions prises par les acteurs publics au nom de l'État.

Il s'agit d'une très grande réorganisation de l'État local, mais nous sommes aussi entrés dans un travail de réorganisation de l'État national.

Pour moi, cette déconcentration est aussi un atout pour la décentralisation, car les élus locaux ont besoin d'avoir en face d'eux un interlocuteur qui soit un interlocuteur compétent, ayant des capacités d'agir et fiable dans son expression, c'est-à-dire qu'elle ne sera pas démentie par d'autres.

Le couple maire-préfet, qui a émergé au moment de la crise du covid-19 et auquel nous avons tous rendu hommage, est un bon exemple de cette démarche : un élu du territoire, compétent et responsable, ayant en face de lui un interlocuteur capable de porter la parole de l'État.

Je vous donne raison sur un point, monsieur le sénateur, les annonces ont été nombreuses sur ce sujet. Cela fait des années et des années que l'on essayait de faire avancer cette réforme. Plus de dix ans en tout cas, puisqu'un décret en ce sens date de 2004. Cette fois-ci, nous n'allons pas seulement nous contenter de formuler de vagues propositions : des décisions vont être prises et vous aurez à connaître de celles qui ont une valeur législative. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.

M. François Bonneau. Monsieur le Premier ministre, nous nous attacherons, les uns et les autres, à vérifier sur le terrain que ces annonces seront bien suivies d'effets. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

conclusions de la délégation paritaire permanente des retraites

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, à l'issue du défunt conclave, le Premier ministre a beaucoup communiqué sur les points d'accord relatifs à des mesures, qui, sans être négligeables, n'en demeurent pas moins des mesures modestes d'atténuation de la brutalité de votre réforme des retraites : six mois gagnés sur la décote, réduction à vingt-trois ou vingt-quatre ans du calcul de la retraite pour les mères de famille, réintégration de trois critères de pénibilités sortis en 2017, mais sous conditions et sans ouvrir de droit à partir plus tôt. Quelques points de désaccord persistent, que le Premier ministre se promet de trancher.

Cependant, un point d'accord a été totalement passé sous silence et, comme vous envisagez d'inclure dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale les points d'accord, je souhaiterais que vous l'évoquiez devant le Parlement : le déficit des retraites en 2030, soit environ 6 milliards d'euros, qui provient de la baisse des recettes, serait totalement financé par une sous-indexation indifférenciée des retraites sur cinq années.

Ma question est donc la suivante : considérez-vous l'ajustement structurel de résorption du déficit des retraites au moyen de la baisse programmée du pouvoir d'achat de tous les retraités comme un point d'accord des participants de la délégation susceptible de figurer dans le prochain budget de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)