M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Raymonde Poncet Monge, ce n'est jamais un échec que de dialoguer. Le dialogue social, auquel, je le sais, cette assemblée est profondément attachée, est une richesse qui renforce la démocratie représentative.

Nous souhaitons d'abord remercier Jean-Jacques Marette pour le travail mené au cours de ces quatre derniers mois auprès des partenaires sociaux. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.) Nous voulons également saluer l'esprit de responsabilité de ces derniers, qui ont décidé de mettre de côté certains sujets épineux, comme l'âge de la retraite, pour pouvoir négocier plus sereinement sur des sujets importants.

C'est ce format inédit de discussion qui a permis de mettre au jour plusieurs points de convergence, qui ne sont pas si négligeables que cela – c'est un point de divergence que nous avons avec vous, madame la sénatrice – : l'impératif de retour à l'équilibre d'ici à 2030, l'amélioration de la situation des femmes, avec une meilleure prise en compte de la maternité et des carrières hachées, l'abaissement de l'âge de départ à taux plein sans décote ou la prise en compte de la pénibilité des risques ergonomiques dans la prévention, qui est effectivement un retour à la réforme de 2014. Il a aussi permis d'aborder, sans dramatiser, des questions qui étaient épineuses auparavant : la capitalisation, la question du financement de la protection sociale au sens large, l'effort partagé par tous

M. Guy Benarroche. Ce n'est pas la question !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Le Premier ministre l'a dit, nous prendrons nos responsabilités en présentant des dispositions de compromis dans le cadre du PLFSS de cet automne pour reprendre ces points de convergence. Celles-ci seront de toute façon financées, l'impératif étant le retour à l'équilibre d'ici à 2030. (Exclamations sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. Guy Benarroche. Merci pour la réponse !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, votre non-réponse confirme que vous reprenez le point d'accord sur la sous-indexation. Dans le passé, les retraités ont participé aux efforts de dépenses et recettes. Cette attaque indifférenciée ne relève en rien d'un souci d'équité. Vous souhaitez vraiment mettre en œuvre la sous-indexation, qui dégradera le revenu disponible des plus modestes. Pourtant, en France, le taux de pauvreté a atteint son point le plus haut depuis vingt ans. Avec la croissance des inégalités sociales que vous programmez à travers cette mesure de sous-indexation, c'est notre modèle social que vous fragilisez encore. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et des travées du groupe SER.)

prisonniers français détenus à l'étranger

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cécile Kohler et Jacques Paris arrêtés en Iran le 7 mai 2022 ; Christophe Gleizes arrêté à Alger le 28 mai 2024 ; Boualem Sansal arrêté à Alger le 16 novembre 2024. Tous ont été condamnés pour des raisons qui n'en sont pas, monsieur le ministre : atteinte à l'unité nationale, outrage à corps constitué, apologie du terrorisme, espionnage, complot pour renverser le régime, « corruption sur terre ». Tous otages politiques, tous victimes du régime dictatorial d'Alger et du régime terroriste de Téhéran, qui conduisent une diplomatie des otages. La France se doit de les faire libérer par tous les moyens.

La diplomatie nécessite de la discrétion, nous le savons, mais près de deux ans de silence sur le sort des deux otages en Iran n'ont rien apporté. Il est grand temps d'arrêter de rêver à des actes de clémence de tels régimes et d'affronter la dure réalité.

Nos compatriotes, victimes innocentes d'un chantage politique, sont toujours sous les verrous et subissent une véritable torture psychologique.

La faiblesse ne paie jamais face à un régime autoritaire. La diplomatie molle est une grave erreur et n'a manifestement aucun effet. La France ne peut pas être humiliée ainsi plus longtemps.

Pourtant, des outils sont à votre disposition pour faire pression sur l'Algérie et l'Iran. Alors, qu'attendez-vous pour les activer ?

Il faut saisir les autorités européennes afin de stopper le processus de renégociation de l'accord d'association UE-Algérie d'avril 2002, remettre en cause l'accord franco-algérien de 1968, inscrire le corps des gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes,…

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. … et cesser de mettre un veto à toutes les initiatives en ce sens, sous prétexte qu'elles « nuiraient à la libération des otages ».

Monsieur le ministre, quelle est, aujourd'hui, la stratégie du Président de la République pour faire revenir nos compatriotes en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui accompagne le Président de la République à Londres pour le sommet franco-britannique.

Je rappellerai avant toute chose que les 2 300 compatriotes détenus à l'étranger bénéficient, en particulier pour ceux qui le demandent, du plein accompagnement des services consulaires du ministère des affaires étrangères. Toute la diplomatie française est à pied d'œuvre auprès des Français détenus arbitrairement.

M. Jacques Grosperrin. Cela ne suffit pas !

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué. Je rappellerai notre mobilisation et l'immense soulagement à la libération de notre compatriote Ofer Calderon, après 484 jours de captivité à Gaza, mais également pour Olivier Grondeau, retenu 487 jours en Iran, et Théo Clerc, détenu 422 jours en Azerbaïdjan. Tout cela, nous le devons au travail de la diplomatie française. Il y a ceux qui s'agitent ou qui dénoncent sans rien obtenir, ce qui aggrave la situation. Nous, nous agissons à bas bruit, avec la seule boussole du résultat.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué. Il s'agit de vies humaines, de situations dramatiques, et non pas de dossiers pour venir nourrir une polémique.

J'en viens plus précisément aux cas que vous évoquez. Cécile Kohler et Jacques Paris sont otages en Iran dans des conditions indignes, assimilables à de la torture. Après de fortes pressions exercées, nous avons obtenu une visite consulaire mardi dernier et avons pu nous assurer directement de leur état de santé. Nous enjoignons aux autorités iraniennes de mettre fin à leur calvaire en les libérant sans délai.

Concernant Boualem Sansal, sa condamnation en appel est totalement injustifiable. Nous ne cessons de le répéter aux autorités algériennes, il faut trouver immédiatement une issue digne à la situation de notre compatriote, compte tenu de son état de santé et des considérations humanitaires.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué. Tous les efforts sont déployés en ce sens.

Enfin, depuis le premier jour de son arrestation, en mai 2024, nous sommes aux côtés de Christophe Gleizes. Nous lui avons ainsi assuré la protection consulaire tout au long de son contrôle judiciaire.

M. le président. Il faut conclure !

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué. Le ministre Barrot s'est lui-même entretenu avec les proches de Christophe Gleizes samedi dernier. Nous resterons là aussi pleinement mobilisés.

M. Stéphane Ravier. Ça se voit !

M. Jacques Grosperrin. Quelle langue de bois !

insécurité aux antilles

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, depuis le début de l'année 2025, l'archipel Guadeloupe fait face à une flambée dramatique de la violence. On dénombre désormais vingt-neuf homicides, dont près de dix-huit par arme à feu. Mercredi dernier encore, un homme est décédé au centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe, après avoir été grièvement blessé par balles au petit matin.

Ces chiffres, aussi tragiques que répétés, traduisent une insécurité croissante sur ce territoire, où le narcotrafic et la circulation d'armes ne cessent de gangrener le tissu social. Et ce sont souvent les plus jeunes qui en paient le prix fort : en Guadeloupe, les victimes ont parfois 17, 16, voire 13 ans.

Face à cela, les réponses répressives, indispensables, ne sauraient suffire, monsieur le ministre.

Augmenter les effectifs de police ne constitue qu'un pan de la réponse. Il faut aussi agir sur les causes profondes de cette violence. La déscolarisation, la perte de repères, la désocialisation sont autant de facteurs qui nourrissent la marginalisation.

L'éducation nationale elle-même nous alerte : depuis les années 2000, les populations scolaires des départements et régions d'outre-mer sont en constant recul, tous degrés confondus. Les niveaux sont en baisse. Le décrochage scolaire, aggravé par la pénurie de formations, est une réalité.

Dans ce contexte, ma question est simple, et j'espère une réponse claire de votre part : le Gouvernement envisage-t-il, en lien avec les collectivités locales et les acteurs de terrain, la mise en place d'un contrat territorial de prévention et de sécurité spécifique à la Guadeloupe ? Quelles mesures concrètes compte-t-il prendre pour agir sur les causes structurelles de la violence, en particulier chez les jeunes ?

À la veille du comité interministériel des outre-mer, le Gouvernement se doit d'entendre les doléances des élus et des citoyens, et de proposer enfin des réponses concrètes, durables et efficaces face à une spirale de violence qui, chaque jour, endeuille des familles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, vous me permettrez, avant d'apporter une réponse à Mme la sénatrice, de me joindre à l'hommage que vous et M. le Premier ministre avez rendu à Olivier Marleix, brutalement disparu. Je commencerai par citer les mots de la célèbre philosophe Simone Weil : « Chaque être crie en silence. »

Dans chaque vie humaine, dans chaque existence humaine, il y a une part de douleur secrète, de souffrance sacrée et cachée. Et souvent, ces souffrances, ces douleurs nous sont inaccessibles, incompréhensibles. Parfois, on se demande : qu'est-ce que nous avons pu manquer ? Quel signe faible n'avons-nous pas vu ?

Pour nous, Olivier Marleix était un repère, une fidélité française, une figure de l'Assemblée nationale. Tout à l'heure, nous examinerons justement un texte d'initiative sénatoriale qu'il a défendu à mes côtés, en tant que rapporteur, la semaine dernière, devant ses collègues députés.

C'était un législateur hors pair. C'était aussi une figure de l'Eure-et-Loir, plus précisément de sa deuxième circonscription, et c'était aussi une figure de notre famille politique, permettez-moi de le dire.

Olivier Marleix avait une exigence intellectuelle, une grande droiture morale et, enfin, une fidélité. Une fidélité à des convictions qui étaient, pour ce qui le concerne et me concerne, des convictions gaullistes qui dessinaient chez lui, chez nous, comme un idéal français. Voilà les quelques mots que je voulais dire, en remerciant les uns et les autres qui ont pu, tout à l'heure, sur ces travées, lui rendre hommage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la sénatrice Solanges Nadille, je suis comptable, bien sûr, de la réponse sécuritaire. Vous avez raison, pour tous les drames que nous vivons, dans l'Hexagone, mais aussi en outre-mer, la seule réponse sécuritaire et judiciaire ne suffit pas. Néanmoins, je suis le ministre chargé de la sécurité. Vous avez égrainé des chiffres épouvantables. Ces chiffres ont une cause racine : la criminalité organisée. Le texte sur le narcotrafic est désormais promulgué. L'état-major qui va présider au renseignement et aux enquêtes est désormais à pied d'œuvre. Ce sera vraiment une aide précieuse.

Au moment où je vous parle, dans l'archipel, il y a 4 170 policiers et gendarmes. L'an dernier a été créée une nouvelle brigade de gendarmerie à Goyave. Nous allons renforcer le dispositif avec un nouvel escadron de gendarmes mobiles, un peloton d'intervention de la garde républicaine et la projection sur ces territoires d'enquêteurs depuis l'Hexagone pour pouvoir dénouer des enquêtes qui tardent trop.

Cela ne suffit pas. Aussi, nous avons mis en œuvre depuis un mois une nouvelle stratégie de sécurité. Vous le savez parfaitement, l'archipel est au cœur de la route de la drogue, coincé entre les pays producteurs et les pays consommateurs, Amérique du Sud d'un côté et Europe de l'autre. La drogue arrive et repart par la mer ou les airs. C'est pourquoi nous nous efforçons de sécuriser les plages, le port et l'aéroport.

Madame la sénatrice, je m'engage ici à me rendre en août aux Antilles – Martinique et Guadeloupe –, pour m'assurer sur place que toutes les dispositions soient bien prises et pour toucher du doigt le problème. Je ne veux pas me contenter d'en parler ici : je veux recueillir aussi les avis des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et des travées du groupe INDEP.)

accueil des gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Clément Pernot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Clément Pernot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Dans le Jura, après les dix-huit occupations illégales de terrains par les gens du voyage en 2024, la préfecture recense déjà pour 2025 vingt-trois stationnements illicites, avec leur cortège de conséquences néfastes que nous ne connaissons que trop : dégradations, branchements illégaux, incivilités, pressions, menaces, etc. Ces campements délictueux ne sont plus l'exception : ils deviennent la règle !

Ce phénomène national victimise principalement les maires, impuissants, exaspérés face à ces comportements inacceptables, et qui doivent également gérer la colère de leurs habitants. Alors, bien sûr, il ne s'agit pas de stigmatiser une population, mais vous en conviendrez, le droit à la diversité impose des devoirs : a minima le respect des lois, des élus, des forces de l'ordre et des biens d'autrui. C'est la base du contrat républicain.

La lourdeur des procédures d'expulsion, malgré les bonnes volontés préfectorales, permet d'organiser in fine des séjours quasi autorisés d'au moins une semaine en favorisant les installations illégales. C'est un comble ! Il est temps d'agir autrement.

Pour ce faire, vous avez diffusé ce lundi une circulaire. Pouvez-vous nous préciser en quoi elle sera efficace pour la gestion de ces dossiers, dans l'attente d'une proposition de loi de nature à mettre définitivement un terme à cette mascarade estivale récurrente ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Pernot, je vais essayer de répondre en moins de deux minutes à la question que vous venez de poser, et qui est tout à fait essentielle. La logique du Gouvernement est de lutter non pas contre les gens du voyage, mais contre l'occupation illicite des terrains, ce qui est une différence notoire qu'il faut rappeler.

Nous avons mis en place avec le ministre d'État, voilà quelques mois, un groupe de travail sous la responsabilité du préfet Alloncle. Ce groupe de travail, composé de parlementaires, députés et sénateurs, dont certains sont ici, dans cet hémicycle, cet après-midi, a rendu ses conclusions voilà quarante-huit heures. Il a fait vingt-deux propositions, certaines ayant un caractère législatif, d'autres un caractère réglementaire.

Dans le même temps, nous avons, avec le ministre d'État, adressé à nos préfets une circulaire parfaitement claire pour, dans le cadre du droit positif, leur donner des instructions et une stratégie.

Les instructions sont les suivantes : désigner immédiatement un médiateur dans chaque département ; désigner un sous-préfet chargé de déterminer dans les différents territoires les lieux ou les terrains susceptibles d'accueillir les gens du voyage ; signer des conventions avec les occupants potentiels destinées à apporter des garanties financières pour que les conditions d'occupation soient respectueuses et que la remise en état potentielle des terrains puisse être faite à leur charge.

Enfin, nous leur avons demandé, chaque fois que les conditions juridiques actuelles pour une évacuation étaient remplies, de saisir les juridictions administratives afin d'être efficaces dans les délais les plus rapides.

Voilà l'objet de la circulaire, telle qu'elle a été adressée à chacun de nos préfets.

Nous attendons bien sûr qu'une initiative parlementaire vienne relayer les conclusions du groupe de travail avec le dépôt d'une proposition de loi, qui sera soutenue clairement par le Gouvernement. Cela devrait être assez rapide, de nombreux parlementaires s'étant approprié ces travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Clément Pernot, pour la réplique.

M. Clément Pernot. Monsieur le ministre, il est temps de passer des principes aux actes. Avec vous et Bruno Retailleau, nous sommes en confiance. Aux mots justes que vous utilisez doivent succéder maintenant les actes forts attendus des Français, des honnêtes gens ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Clément Pernot. L'autorité de l'État doit être restaurée sur le territoire, sur tout le territoire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. Fayot !

hausse de la pauvreté des parents isolés

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, il y a huit jours, au même endroit, à la même heure, ma collègue Colombe Brossel vous interrogeait sur cette idée insensée qui consiste à financer l'augmentation du complément de libre choix du mode de garde pour les familles monoparentales en supprimant le bonus existant.

Comme vous n'avez pas répondu la semaine dernière, j'y reviens. Et j'y reviens avec des éléments nouveaux, à savoir les indicateurs sur la pauvreté parus cette semaine, qui nous apprennent que, depuis qu'on la mesure, jamais en France il n'y a eu autant de personnes qui ont basculé dans la pauvreté.

Notez bien que, dans le même temps, jamais les riches ne se sont autant enrichis que depuis 2017. Ils ont multiplié par deux leurs patrimoines ! En fait, le mantra du ruissellement, c'est une cascade d'argent pour une poignée de gens et des flots de misère pour beaucoup d'autres.

Dans ces statistiques, il y a la spécificité des familles monoparentales. Ce sont elles qui se sont le plus appauvries depuis les derniers recensements. Aujourd'hui, plus d'un tiers des mères monoparentales et 40 % des enfants vivent dans la pauvreté ; 300 000 familles y ont basculé en 2023.

Alors, jusqu'à présent, nous vous demandions un statut pour les familles monoparentales. Aujourd'hui, ce que je vous demande, c'est un plan d'urgence, un plan de sauvetage pour ces familles. Allez-vous agir ou allez-vous les laisser sombrer, elles et leurs enfants, dans la pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Madame la sénatrice, je vais revenir sur le sujet que vous venez d'évoquer, à savoir les familles monoparentales, et particulièrement celles en situation de pauvreté.

L'enquête qui a été rendue publique avant-hier par l'Insee, comme tous les ans, mesure le taux de pauvreté à partir du revenu médian, lequel a quand même augmenté de 0,9 % sur la même période… (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Catherine Vautrin, ministre. Je ne vous ai pas dit que tout allait bien : je prends les éléments factuellement. De la même manière, je souligne que ces chiffres sont de 2023 et qu'en avril 2024, les prestations sociales ont augmenté de plus 4,6 %. Tels sont les chiffres strictement énoncés. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.) Quand on veut analyser une situation, il faut la prendre totalement.

Maintenant, pour répondre à la question que vous m'avez posée, madame la sénatrice Rossignol, sur l'accompagnement des familles monoparentales, et plus particulièrement des mamans solos, je reviens sur le complément de mode de garde. Si nous prenons, là aussi, les choses précisément, il faut rappeler que jusqu'à maintenant le complément mode de garde reposait trois forfaits. Après cela, circulez, il n'y a rien à voir !

Aujourd'hui, nous proposons une réforme visant à prendre en compte la composition de la famille – maman solo ou un couple, nombre d'enfants, nombre d'heures nécessaires à la garde d'enfants –, et c'est à partir de là que nous constatons le reste à charge. C'est pour cette raison qu'il n'y a plus de bonus, chaque situation étant unique. Nous nous efforçons ainsi d'améliorer l'accompagnement de la famille.

Deuxième élément extrêmement important : alors que, jusqu'à maintenant, nous proposions une aide de 3 à 6 ans, nous irons dorénavant jusqu'à 12 ans pour les familles monoparentales. C'est un dispositif beaucoup plus complet, qui permet d'aller plus loin dans l'accompagnement de l'enfant. Notre lecture de la situation est plus juste pour les mamans solos, qui ont besoin de réponses extrêmement concrètes. Le Gouvernement est au rendez-vous. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, 40 % d'enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté, cela devrait vous bouleverser et vous mobiliser. La réforme du complément mode de garde est un engagement pris voilà au moins deux ans par le Gouvernement. Il a été reporté et vous avez aujourd'hui à la mettre en place, ce que vous faites en la finançant par la suppression du bonus pour les familles monoparentales. (Mme la ministre proteste.)

Allez le leur expliquer, parce que, moi, je crois à l'expertise des familles. Ces mères, qui se débrouillent avec des budgets terribles, savent exactement ce qui les attend avec ce que vous proposez.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Vous verrez !

Mme Laurence Rossignol. Nous aurons à en rediscuter. Par ailleurs, je vous répète ce que j'ai dit voilà un instant : nous avons besoin d'un plan de sauvetage, un plan d'urgence pour les familles monoparentales, un sujet absent de votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

obligation légale de débroussaillement

M. le président. La parole est à M. Jean Bacci, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Bacci. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la forêt brûle ! Nos forêts, nos bois, nos collines brûlent.

Alors que des millions de touristes rejoignent le Sud, l'Occitanie et l'Aquitaine, des milliers de soldats du feu sont engagés sur l'arc méditerranéen dans une guérilla urbaine aux portes de Narbonne et Marseille. Hier, dans le département des Bouches-du-Rhône, sept départs de feux simultanés sur cinq communes différentes ont été recensés. Dans l'Aude, il y a eu onze départs de feu. Aujourd'hui, c'est dans l'Hérault. Et l'été ne fait que commencer.

Les interfaces entre la partie urbaine et les surfaces végétalisées sont des zones critiques. Les obligations légales de débroussaillement (OLD) sont des mesures de prévention essentielles pour défendre la forêt contre les incendies et protéger les personnes et les biens. Parce que leur complexité entraîne un taux de réalisation trop faible, le législateur a décidé d'adapter et simplifier les modalités de leur mise en œuvre. Or les projets de révision des arrêtés préfectoraux témoignent du contraire.

Quarante sénateurs vous ont alerté à ce sujet. Malgré votre réponse, malgré une réunion avec vos services, la problématique demeure : l'application excessive des prescriptions environnementales va à l'encontre des objectifs de renforcement de la défendabilité de la forêt. Certaines dispositions sont aberrantes ; de grands opérateurs comme Enedis ou les départements engagent des recours.

Les élus locaux et leurs administrés, qui rencontraient déjà des difficultés dans l'application des arrêtés précédemment en vigueur et leur contrôle, ne pourront pas s'approprier ces nouvelles règles.

Il est urgent de privilégier une augmentation massive du nombre d'OLD, qui incombent essentiellement aux petits propriétaires. Il faut « plus d'OLD » avant de vouloir « mieux d'OLD ». Les conséquences de celles-ci sur la biodiversité sont bien moindres que celles qu'aurait un incendie en leur absence.

Alors, madame la ministre, quand allez-vous simplifier votre circulaire d'application ? Je le redis : nos forêts brûlent ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Bacci, l'actualité nous rappelle, chaque année un peu plus, que la prévention des incendies est essentielle face au dérèglement climatique ; elle sauve des vies et protège les biens matériels.

Je tiens, à cette occasion, à exprimer au nom du Gouvernement tout notre soutien à nos concitoyens affectés par les terribles incendies qui frappent notre pays, ainsi qu'aux forces de secours mobilisées en ce moment même pour les contrôler.

Dans le prolongement de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, texte auquel votre nom reste attaché, monsieur le sénateur, le ministre de l'intérieur et moi-même avons publié, en juin dernier, la stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies. L'ensemble des textes d'application de cette loi ont ainsi été publiés, à l'exception du décret relatif aux coupures agricoles, que nous sommes en train de finaliser en lien avec le Conseil d'État.

Concrètement, nous améliorons l'identification des zones les plus vulnérables et nous donnons aux collectivités des outils clairs pour agir et prévenir les feux.

Par ailleurs, nous avons renforcé les moyens de nos forces de secours et mis à jour leur doctrine d'emploi, mais aussi lancé une nouvelle campagne de sensibilisation de nos concitoyens, car plus de 90 % des feux sont d'origine humaine.

La loi du 10 juillet 2023 a renforcé les obligations légales de débroussaillement. C'est une mesure de bon sens visant à nous protéger. J'ai spécifiquement demandé, monsieur le sénateur, que les textes d'application de cette loi soient écrits en concertation avec les acteurs de terrain, de manière à respecter la volonté du législateur.

Cela nous a conduits, en matière d'OLD, à publier un arrêté national, amené à être décliné en arrêtés préfectoraux dans les quarante-huit départements concernés par ces obligations. À la fin du mois de juin, seize de ces arrêtés avaient été publiés ; dans beaucoup d'autres départements, les procédures d'approbation des arrêtés sont en cours : il s'agit de la concertation que j'évoquais, qui doit permettre d'adapter les textes au terrain et d'aboutir à la compréhension mutuelle dont nous avons besoin pour leur déploiement.

J'entends vos retours, monsieur le sénateur, et j'en prends bonne note, puisque je vais redire aux préfets la nécessité d'adapter les arrêtés afin de les rendre accessibles et de tenir compte des réalités techniques et locales, comme les préfets le font d'ailleurs régulièrement.

C'est d'ailleurs tout le sens de la réforme de l'action territoriale de l'État qui a été annoncée hier par M. le Premier ministre : les textes génériques qui garantissent l'égalité des citoyens devant la loi doivent s'accompagner d'adaptations locales, accomplies par les préfets, qui améliorent leur lisibilité et facilitent leur application sur le terrain.

Dans tous les cas, vous pouvez compter sur moi pour que cela soit fait en la matière, et ce dès les prochaines semaines.