M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi en commission.

Demande de renvoi en commission

M. le président. Je suis saisi, par M. Bacchi, Mme Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d'une motion n° 7.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 825, 2024-2025).

La parole est à Mme Cécile Cukierman. (MM. Pierre Ouzoulias et Yan Chantrel applaudissent.)

Mme Cécile Cukierman. Je tiens en tout premier lieu à excuser l'absence de mon collègue Jérémy Bacchi, qui aurait dû, au nom de mon groupe, défendre cette motion de renvoi en commission.

Nous sommes aujourd'hui appelés à débattre d'un texte dont les conséquences, fût-il adopté, seraient majeures pour notre démocratie : la réforme de l'audiovisuel public. Cette réforme revient au Sénat en deuxième lecture après l'adoption d'une motion de rejet à l'Assemblée nationale. Voilà qui aurait dû vous amener à écouter le signal d'alarme envoyé par la représentation nationale et à faire en sorte que le débat soit digne de l'enjeu.

Or ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale n'a entraîné qu'un entêtement, voire un acharnement de votre part : le Gouvernement a imposé l'inscription en urgence du texte à l'ordre du jour de notre assemblée. Puis, avec la complicité de la majorité sénatoriale, un délai de moins de vingt-quatre heures a été fixé pour le dépôt des amendements en commission et quelques jours seulement de débats en séance ont été prévus, sur un texte qui bouleverse à la fois le financement, la gouvernance et l'identité même du service public de l'information.

Monsieur le rapporteur, comme je vous l'ai dit en vous apostrophant tout à l'heure, six des dix-huit membres de mon groupe, soit un tiers, n'étaient pas élus en 2023, quand la première lecture de cette proposition de loi a eu lieu au Sénat.

Cette brutalisation du Parlement est absolument inacceptable. Nous demandons donc le renvoi de ce texte en commission, pour des raisons qui tiennent à la fois au fond et à la méthode.

Concernant la méthode, nous souhaitons souligner qu'il n'est pas possible de légiférer sereinement sur un texte aussi dense dans des délais aussi restreints, y compris pour les raisons que je viens d'évoquer. Procéder par l'ajout insidieux d'amendements sur une proposition de loi vous permet, madame la ministre, de ne réaliser aucune étude d'impact. Cela ne nous semble ni rigoureux ni respectueux du Parlement. La réforme de l'audiovisuel mérite mieux qu'un passage en force.

Pourquoi tant de précipitation ? Pourquoi une telle brutalisation du Parlement ? Vous présentez cette réforme comme une rationalisation visant à « rendre l'audiovisuel public plus fort » ; mais c'est pour mieux masquer l'outil de mise au pas qu'elle représente pour l'audiovisuel public.

En réalité, vous souhaitez faire taire un contre-pouvoir dont vous-même avez fait les frais à la suite de l'enquête menée dans le cadre de l'émission Complément d'enquête, diffusée sur France 2, vous accusant d'avoir perçu 299 000 euros de GDF-Suez quand vous étiez eurodéputée. Si l'on met de côté cette rancœur personnelle, vous n'êtes que le porte-voix d'une large offensive politique contre l'audiovisuel public, engagée il y a de cela des années.

C'est d'ailleurs la raison même de votre nomination à la place de Rima Abdul-Malak, remerciée après avoir défendu l'audiovisuel public à la suite d'un travail d'investigation mené par France 2 à propos de Gérard Depardieu, travail qualifié de « montage » par le Président de la République. Cette offensive pour affaiblir l'audiovisuel public est, du reste, largement engagée, depuis qu'en 2017 M. Macron lui-même a qualifié l'audiovisuel de « honte de la République ».

Après avoir jeté le discrédit sur le service public de l'information, le Président de la République l'a ensuite sciemment fragilisé économiquement : d'abord en gelant la redevance, c'est-à-dire en ne l'indexant plus sur l'inflation, puis en en abaissant le montant, et enfin, du jour au lendemain, en la supprimant purement et simplement ; le tout dans une telle impréparation qu'aucune mesure de financement compensatoire ne fut alors prévue.

Le résultat pour l'audiovisuel public ? Une asphyxie budgétaire. Depuis 2017, on compte près de 776 millions d'euros de coupes en euros constants, dont 80 millions rien que pour cette année. Cela a conduit à la fermeture de la station de radio Mouv', qui s'adressait pourtant à un jeune public, ou encore à la disparition de la station Ici Paris Île-de-France.

Aujourd'hui, par cette réforme, vous ne faites qu'exécuter une feuille de route décidée par l'Élysée : affaiblir l'audiovisuel public, le contrôler, l'ouvrir à la privatisation. Pour ce faire, vous usez d'une stratégie populiste et réactionnaire, qui s'inscrit dans la très droite ligne des politiques menées dans les pays gouvernés par l'extrême droite – la Hongrie, la Pologne, l'Italie, les États-Unis –, lesquels n'hésitent plus à assécher le budget de l'audiovisuel public ou à le centraliser à outrance afin de le rendre plus facilement privatisable.

C'est d'ailleurs pourquoi le groupe du Rassemblement national a voté en faveur de ce texte en commission des affaires culturelles à l'Assemblée nationale. Au passage, voilà qui rend curieux cet autre vote du même groupe en faveur, cette fois, de la motion de rejet ; mais cette curiosité relève sans doute de quelque manœuvre, de celles dont nous découvrons chaque semaine un nouvel avatar.

En échange d'un calendrier accéléré, vous offrez donc sur un plateau au Rassemblement national pléthore d'amendements de suppression sur toutes les mesures concourant au renforcement de l'audiovisuel public, notamment par la limitation en valeur et en volume de la publicité pour ses chaînes. Cette formation politique rêvant depuis longtemps de la privatisation de l'audiovisuel public, cette réforme est pour elle un véritable marchepied. Vous la construisez à ses côtés, avec son soutien.

M. Roger Karoutchi. C'est tout l'inverse…

Mme Cécile Cukierman. Cette alliance entre les centristes, les macronistes, la droite et l'extrême droite est grave ; elle traduit une grande dérive de l'exécutif. Madame la ministre, vous n'hésitez plus, y compris sur un texte aussi structurant pour notre démocratie et pour la liberté de l'information, à joindre vos voix aux leurs.

L'impératif de bonne gestion et votre souhait allégué de rendre l'audiovisuel public plus fort ne sont donc que des prétextes visant à paver la voie à une concentration dangereuse et à un affaiblissement des projets éditoriaux.

L'audiovisuel public n'est pas en crise, madame la ministre. Il est performant, et ce malgré vos attaques et celles du Gouvernement depuis 2017. Chaque année, il réalise des exploits d'audimat. France Inter, première radio de France, a établi un nouveau record historique d'audience en janvier, avec 7,47 millions d'auditeurs, chiffre jamais atteint depuis la création de Médiamétrie en 2002. Le groupe France Télévisions est quant à lui le premier groupe de télévision au niveau national, avec 29,1 % de part d'audience, et connaît la plus forte progression sur l'année, devant ses concurrents privés. Les podcasts de Radio France représentent près de la moitié des téléchargements en France.

Le service public fonctionne, il innove, il rajeunit ses publics, il rayonne à l'international avec RFI et France 24, tout cela avec un budget annuel de moins de 4 milliards d'euros, soit 40 centimes par jour et par Français.

Le service public de l'information pourrait néanmoins être amélioré, et ce plus particulièrement en matière de pluralisme des courants de pensée.

M. Roger Karoutchi. Ça, c'est sûr !

Mme Cécile Cukierman. Las ! pour améliorer ces résultats qui constituent des records, votre idée est d'aggraver ce manque de pluralisme grandissant dans le service public de l'information. Et votre outil est la holding, autrement dit une stratification bureaucratique supplémentaire dont le coût est sciemment et massivement sous-évalué.

Contrairement à ce qu'affirme la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) dans une étude d'impact rédigée dans la précipitation, l'expérience de France Télévisions dans les années 2000 nous enseigne que ces restructurations coûtent cher, très cher : 300 millions d'euros selon la Cour des comptes à l'époque. Aujourd'hui, les estimations font état de 150 millions d'euros supplémentaires par an pour la seule mise en œuvre de la holding.

Alors même que l'audiovisuel public peine déjà à absorber 80 millions d'euros de coupes budgétaires en 2025, France Télévisions et Radio France sont exsangues. Le déploiement de la marque ICI est à l'arrêt, tandis que les studios radio filmés à la télé gardent l'habillage France Bleu.

En résumé, le projet de holding revient à promettre des jambes de bois à des athlètes blessés !

Votre projet est de faire triompher les profits financiers et le modèle de l'audiovisuel privé à la Bolloré ou à la Saadé.

En outre, confier l'ensemble des médias à une seule gouvernance revient à affaiblir de fait la séparation des pouvoirs.

La pression de la part des responsables politiques vis-à-vis des journalistes est connue, et vous savez l'illustrer, madame la ministre : alors que vous êtes garante de la liberté d'information, vous n'avez pas hésité en direct à menacer le journaliste Patrick Cohen de déclencher l'article 40 du code de procédure pénale pour avoir relayé des enquêtes de presse sur vos conflits d'intérêts et les accusations de corruption.

Vous n'hésitez pas davantage lorsque vous déclarez vouloir donner « des coups de scalp » à la présidente de France Télévisions, qui n'a pas souhaité courber l'échine face à vos pressions pour empêcher la diffusion d'un magazine d'investigation vous étant consacré.

Madame la ministre, vous multipliez les procédures-bâillons à l'encontre des journalistes et des médias qui ne font que leur travail. Vous êtes, et vous le savez, visée par une litanie d'enquêtes.

Mais nous devrions croire en votre sincérité et en votre intégrité morale lorsque vous affirmez vouloir « renforcer l'indépendance » de l'information ? Soyons sérieux !

En réalité, il est urgent pour vous, pour les députés du Rassemblement national, de faire taire un contre-pouvoir.

La récente rétrogradation de l'émission hebdomadaire d'investigation du service public radiophonique Secrets d'info à une parution mensuelle est un exemple type de ce qui appelle à être généralisé par cette réforme. Faire taire la capacité des médias publics à produire du contenu de qualité et d'investigation : tel est donc votre projet pour l'audiovisuel public.

Pour l'ensemble de ces raisons – manque de transparence, manque de sincérité dans les débats –, nous demandons aujourd'hui un renvoi en commission : pour garantir un examen démocratique digne de ce nom avec des auditions élargies, une évaluation complète des conséquences financières et éditoriales ; pour réaliser une vraie consultation des acteurs concernés, dont les présidents des filiales de l'audiovisuel public ; pour donner au Parlement les moyens de délibérer sereinement d'un texte qui engage notre souveraineté culturelle, notre démocratie et l'accès des citoyens à une information libre et pluraliste.

C'est pourquoi je vous invite à voter en faveur de cette motion de renvoi en commission, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Cédric Vial, rapporteur. Je remercie Mme Cukierman de cette intervention tout en finesse ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Roger Karoutchi. Tout en « nuances » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Vial, rapporteur. Ne refaisons pas le match, comme disait Eugène Saccomano. Il est temps, nous semble-t-il, d'entamer les débats de fond. Nous en sommes déjà à la troisième motion…

Nous avons de nombreux amendements à examiner. Certains sont de vrais amendements de fond. J'ai hâte de pouvoir en discuter.

Par conséquent, l'avis de la commission sur la présente motion de renvoi en commission est, bien évidemment, défavorable.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Nous voterons évidemment cette motion de renvoi en commission.

Sur la forme, nous estimons qu'un tel passage en force – c'est la première fois que je vois cela en dix ans ! – ne nous a pas permis d'examiner le texte dans de bonnes conditions. Certains arguent que nous connaîtrions déjà cette proposition de loi, le Sénat l'ayant votée – pour notre part, nous nous étions prononcés contre – voilà deux ans. Sauf que le texte dont nous sommes saisis aujourd'hui n'est plus du tout le même !

Mme Sylvie Robert. C'est le texte de Mme Dati. Exit la PPL Lafon – pardonnez-moi de le dire ainsi –, et bienvenue au texte de Mme Dati ! Et nous avons eu très peu de temps pour l'examiner, les 350 amendements de séance nous ayant été présentés – M. le président Lafon le confirmera – sous la forme d'un tableau, ce qui ne nous a pas permis d'aller au fond des choses.

Sur le fond, précisément, j'aimerais que vous cessiez les procès en immobilisme ou les commentaires du type « une intervention tout en finesse ». J'aimerais plutôt que vous nous donniez des arguments ! Le débat vous en donnera l'occasion… Pour l'instant, ceux que vous mettez en avant sont un peu courts.

De même que nous condamnons l'immobilisme, nous ne voulons pas d'une régression, qu'il s'agisse du service public, du pluralisme ou des moyens.

Présenter un texte aussi important sur l'audiovisuel public de notre pays, sans étude d'impact, au moment où l'on cherche à réaliser des économies, sans information quant au coût d'une telle holding, c'est – pardonnez-moi l'expression – prendre les parlementaires que nous sommes pour…

Mme Cécile Cukierman. Des abrutis !

Mme Sylvie Robert. … des gens qui ne seraient pas suffisamment sérieux ! Et, au Sénat, ce n'est pas la coutume ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Notons que le Gouvernement n'a pas engagé la procédure accélérée sur ce texte et qu'il ne l'a même pas inscrit, pour l'instant, à l'ordre du jour de la session extraordinaire du mois de septembre. Où est donc l'urgence ? De fait, compte tenu de la position du Gouvernement, je ne comprends pas un tel empressement à le faire examiner.

Les éléments de calendrier que je vais rappeler figureront dans notre saisine du Conseil constitutionnel, qui suit nos travaux.

La conférence des présidents qui a décidé l'inscription de la présente proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat s'est réunie le 2 juillet à dix-neuf heures. C'est donc à dix-neuf heures que l'agenda devient officiel… Et notre commission s'est réunie le lendemain, le 3 juillet, à… neuf heures trente ! En d'autres termes, nous n'avons pu exercer notre droit d'amendement que la nuit. Est-ce vraiment une manière de procéder ? Imaginez-vous sérieusement que le Conseil constitutionnel ne va pas sanctionner le fait que le droit d'amendement des parlementaires n'a clairement pas été respecté ?

Je pense qu'il faut reprendre les choses sereinement. Ce texte attend depuis deux ans. Il pouvait donc parfaitement attendre jusqu'au mois d'octobre, et nous aurions pu réfléchir ensemble sur la plage à la meilleure façon de défendre le service public ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Nous n'allons pas forcément à la plage ensemble ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Notre groupe soutiendra également cette motion de renvoi en commission.

Sur la forme, cette réforme se fait dans la vitesse ; nous n'avons le temps ni de débattre ni de travailler.

C'est la quatrième tentative de réforme de l'audiovisuel public en quelques années, alors que ce service public est – c'est le point central – un pilier démocratique et un contre-pouvoir essentiel face à la concentration des médias privés. Il n'y a eu aucune étude sérieuse sur les coûts, aucun examen financier. Nous savons pourtant que la création de holdings ou de superstructures centralisées coûte très cher, le plus souvent sans gain évident.

Nous allons vite, mais nous ne savons pas où nous allons…

Sur le fond, c'est une catastrophe : depuis des années, le Gouvernement affaiblit volontairement l'audiovisuel public. Après avoir réduit ses ressources, notamment en supprimant la redevance, il propose aujourd'hui de fusionner toutes les entités sous l'autorité d'un seul président : un seul patron de l'information pour mieux la contrôler !

Qui donc est derrière un tel projet ? Le Gouvernement, certes, Mme Dati, évidemment, mais aussi le Rassemblement national. C'est l'alliance de ceux qui détestent l'audiovisuel public, de ceux qui ne veulent pas de l'indépendance de l'information !

Un tel modèle est un risque pour la pluralité des points de vue, pour la liberté des rédactions et pour les salariés, qui risquent la casse sociale.

Au lieu de protéger ce bien commun, on concentre. Voilà des années que nous dénonçons la concentration privée des médias – neuf milliardaires contrôlent plus de 80 % de la presse en France –, et nous sommes désormais confrontés à une concentration publique pour mieux aligner les voix.

Ce n'est pas une réforme : c'est une menace directe pour notre démocratie ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. J'aimerais simplement rappeler l'historique des réflexions ayant conduit à cette proposition de holding : le rapport Gattolin-Leleux en 2015 ; le rapport de Gabriel Attal, jeune député nouvellement élu, préconisant la holding en 2017 ; le projet de loi, qui contenait donc une étude d'impact, présenté par Franck Riester en 2019 ; un rapport des députés sur le même sujet en 2023 ; le dépôt, toujours en 2023, de ma proposition de loi, qui – c'est exceptionnel pour une proposition de loi, car cela n'arrive jamais – a été complétée ensuite par une étude d'impact ; une étude de l'inspection générale des finances établissant que la holding s'effectuerait à coût nul. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas une étude ; c'est une pétition de principe !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Je pourrais également évoquer le rapport de la Cour des comptes ou les nombreuses prises de position de l'Arcom sur le sujet.

La dernière étude en date est celle de Laurence Bloch, grande spécialiste de la radio.

Mme Sylvie Robert. Ce n'est pas une étude !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Toutes ces études ont conclu en faveur de la création de la holding. Depuis dix ans, je n'en ai vu aucune dont les conclusions seraient hostiles à la holding ou même qui reprendraient des arguments identiques aux vôtres.

Vous le voyez, la question est très largement documentée. Et nous en avons amplement débattu au sein de la commission de la culture.

M. Max Brisson. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, j'ai été saisi, au titre de l'article 51 de notre règlement, et notamment de ses alinéas 3 et 4, d'une demande de vérification du quorum.

Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, je ne peux pas revenir sur la jurisprudence constante en la matière.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. Je précise d'ailleurs que les auteurs de la première demande avaient eux-mêmes fait référence à l'impossibilité de procéder à plusieurs vérifications du quorum le même jour. Cela figure dans le document qu'ils ont rédigé et signé. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. J'invite les collègues signataires de la demande dont je suis saisi à s'adresser directement aux instances compétentes du Sénat.

La décision du bureau du Sénat de 2006…

M. le président. … a créé une coutume qui n'a jamais été remise en cause. J'entends qu'elle soit respectée.

Par conséquent, je ne donne pas suite à la demande dont j'ai été saisi. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour un rappel au règlement.

M. Yan Chantrel. Nous demandons le quorum, car nous considérons que, sur un texte d'une telle importance, ce serait un minimum que le Sénat soit en nombre pour voter.

À défaut, nous pourrions nous demander pourquoi la présente proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour de nos travaux précisément en fin de session extraordinaire. Pour qu'elle puisse être adoptée sans que le quorum soit réuni ?

Monsieur le président, nous contestons votre interprétation. Le règlement du Sénat ne précise pas que la vérification du quorum ne peut être demandée qu'une seule fois par jour. Or le règlement, c'est un peu la « constitution » du Sénat. Il prime donc une décision qui a été prise voilà près de vingt ans. Au demeurant, il a été modifié maintes fois depuis 2006 ; sur certains aspects, ses dispositions contredisent des décisions qui ont été prises antérieurement par le bureau.

Nous vous demandons donc des éléments factuels sur la décision que vous invoquez. Nous demandons surtout que le règlement soit appliqué : rien dans celui-ci ne fait obstacle à ce que la vérification du quorum soit demandée plusieurs fois le même jour. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Gontard. Mon rappel au règlement se fonde également sur l'article 51 de notre règlement.

Monsieur le président, le terme que vous avez employé illustre bien, me semble-t-il, le problème auquel nous sommes confrontés. Vous avez parlé de « coutume ». Or nous sommes en train de faire la loi ; nous travaillons sur la base de textes juridiques, et non pas d'une « coutume ».

Nous avons un règlement. Aux termes de celui-ci, l'enjeu d'une demande de vérification de quorum, c'est la validité du vote. Nous devrions donc pouvoir demander le quorum avant chaque vote. En effet, à la fin du quatrième alinéa de l'article 51, il est indiqué : « Le vote est alors valable, quel que soit le nombre des votants. » Ainsi, même en l'absence de quorum, le vote est donc valable.

Dès lors – cela n'a pas semblé nécessaire de l'indiquer explicitement dans le règlement –, la vérification du quorum doit pouvoir être demandée avant chaque vote. Or vous invoquez une « coutume » pour vous y opposer.

M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas une coutume !

M. Guillaume Gontard. Nous constatons que le quorum n'est pas réuni. Ce n'est pas de notre fait.

Vous chantez les louanges de l'audiovisuel public ; vous lui proclamez votre amour. Prouvez-le donc en étant présents !

M. Mathieu Darnaud. Pas de leçons !

M. Guillaume Gontard. Ce n'est pas nous qui avons réclamé que ce texte soit examiné très rapidement, avant l'été. Nous savons que nous aurions pu, à un autre moment, avoir le temps de légiférer dans de bonnes conditions.

Respectons le règlement : ce sera toujours plus sage que de faire référence à une coutume. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, je n'aimerais pas être à votre place. (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)

Les réponses apportées à notre demande de vérification du quorum révèlent l'existence d'un flou juridique.

M. Roger Karoutchi. Pas du tout !

Mme Cécile Cukierman. Je vous ai écouté, mon cher collègue !

J'apprends que la coutume fait désormais loi dans notre pays… Heureusement tout de même qu'avec les progrès de la civilisation, nous soyons passés du temps des coutumes au temps de la loi !

Pour ma part, j'ai lu l'article 51 de notre règlement et les différentes modifications de l'instruction générale du bureau du Sénat. Je n'y ai trouvé aucune référence à cette fameuse décision de 2006.

Aussi, monsieur le président, je sollicite une suspension de séance, afin que vous puissiez nous transmettre le document en question. Pour l'instant, tout ce que je vois dans l'instruction générale du bureau, c'est la mention d'un alinéa relatif à la vérification du quorum « abrogé par l'arrêté n° 2020-160 du 1er juillet 2020 ». Je sollicite donc, au nom du droit, une copie de la décision de 2006.

Je ne doute évidemment pas de votre sincérité. Mais, pour ma part, au moment de légiférer, je ne me fonde ni sur la coutume, ni sur la morale, ni sur la tradition, ni sur les « qu'en dira-t-on » : comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. Madame la présidente, je suspendrai, à votre demande, la séance pour quelques minutes à l'issue des différents rappels au règlement.

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.

M. Roger Karoutchi. Il ne s'agit nullement d'une coutume.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est pourtant ce que vous avez dit !

M. Roger Karoutchi. Non, madame de La Gontrie, ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous entendez peut-être des voix, mais pas la mienne. (Sourires.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Jaloux ! (Mêmes mouvements.)

M. Roger Karoutchi. En l'occurrence, les choses sont simples : il y a la Constitution, le règlement intérieur et les décisions du bureau du Sénat.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous les demandons !

M. Roger Karoutchi. En cas d'imprécision dans le règlement intérieur, le bureau du Sénat est amené à trancher. Sa décision de 2006 a été très claire.

Mme Colombe Brossel. Nous ne l'avons pas !

M. Roger Karoutchi. Vous devriez l'avoir. Nul n'est censé ignorer la loi ni le règlement !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sauf vous, visiblement…

M. Roger Karoutchi. Vous pouvez évidemment contester la décision de 2006, voire réclamer une nouvelle interprétation du règlement de la part du bureau. Mais tant qu'elle n'a pas été modifiée par le bureau du Sénat, c'est cette règle qui s'applique.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Jomier. Moi aussi, j'ai beaucoup de respect pour la coutume ; c'est bien le terme que vous avez employé.

M. Bernard Jomier. À l'instar de beaucoup de collègues ici présents qui siègent dans d'autres hémicycles, j'ai siégé, pour ma part, au Conseil de Paris.

M. Bernard Jomier. Mme Dati aussi y siège toujours, mais elle n'y vient pas souvent ; c'est peut-être pour cela qu'elle n'en connaît pas bien les règles. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Voilà quelques années, au sein de l'hémicycle du Conseil de Paris – nous avons le même règlement sur le quorum –, le groupe de Mme Dati a demandé la vérification du quorum. Or le quorum n'était pas réuni. Et tant que le quorum n'était pas réuni, nous n'avons pas siégé.

M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas la règle ici !

M. Mathieu Darnaud. Ici, nous sommes au Sénat !

M. Bernard Jomier. C'était le même article : le quorum peut être vérifié avant un vote.