Il y, dites-vous, une coutume. Mais, cher Roger Karoutchi, je ne peux pas croire que la coutume du Sénat soit d'encourager l'absentéisme. Ce n'est ni notre tradition, ni notre volonté, ni l'image que notre hémicycle doit donner.
Nous avons un règlement. Je le connais ; il m'a été transmis.
En revanche, je suis désolé, mais une coutume issue d'une décision de 2006, je ne connais pas.
M. Roger Karoutchi. C'est une décision du bureau !
M. Bernard Jomier. Sans doute ne suis-je pas suffisamment attentif aux différentes coutumes datant de près qu'un quart de siècle…
La réalité est que le règlement prévoit la possibilité de demander la vérification du quorum avant un vote. C'est ce que nous demandons.
M. Roger Karoutchi. Vous n'en avez pas le droit !
M. Bernard Jomier. Il y a une manière très simple de répondre : il suffit que le quorum soit réuni. Dans ce cas, il n'y aura plus de demande de vérification du quorum.
Pour savoir si l'on est dans le droit commun, il est parfois utile d'observer ce qui se pratique dans les autres hémicycles, à plus forte raison quand le fonctionnement de ces derniers se fonde sur une notion que vous prisez fort, celle du « bon sens ». (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour un rappel au règlement.
Mme Colombe Brossel. Le texte que nous examinons n'est pas anecdotique.
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
Mme Colombe Brossel. Nous sommes en train de réformer, peut-être, profondément l'audiovisuel public.
M. Max Brisson. Il en a besoin !
Mme Colombe Brossel. C'est votre appréciation, cher Max Brisson.
Ce qui est sûr, c'est que nous devons aux Français, propriétaires de l'audiovisuel public et décisionnaires en la matière, et aux 16 000 salariés concernés…
M. Mathieu Darnaud. Du sérieux !
Mme Colombe Brossel. … un débat correct, étayé et serein. (Marques d'approbation sur les travées du groupe SER.)
M. Max Brisson. C'est ce que nous souhaitons !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Le débat, vous l'esquivez !
Mme Colombe Brossel. Quelle urgence y avait-il à introduire nuitamment, entre l'inscription du texte à l'ordre du jour annoncée le mardi à dix-neuf heures et la réunion de commission le lendemain, des amendements dont on nous a dit qu'ils étaient « de coordination », destinés à faire face à « l'obsolescence » d'un certain nombre d'articles ? L'obsolescence, c'est la holding exécutive ! L'obsolescence, c'est la création une semaine plus tard de filiales dont nous ignorons tout ! Nous avons besoin de temps pour travailler.
Loin de moi, loin de nous, cher Roger Karoutchi, l'idée de contester vos propos sur la décision du bureau de 2006. Je vous fais confiance, vous y étiez…
M. Roger Karoutchi. Non ! Je ne siégeais pas au bureau !
Mme Colombe Brossel. Peut-être, mais, en tout cas, je vous fais confiance en ce qui concerne le règlement intérieur !
Simplement, nous demandons à avoir cette décision du bureau. Nous avons cherché sur le site du Sénat pendant une heure, et nous ne l'avons pas trouvée.
Monsieur le président, vous êtes dans votre rôle. Mais, en tant que parlementaires, nous vous demandons, afin de pouvoir travailler normalement, et par souci de transparence, à avoir accès à cette décision du bureau de 2006. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour un rappel au règlement.
M. Claude Raynal. J'interviens dans ce débat sur le règlement sur un point très précis.
Mme Catherine Di Folco. Sur la base de quel article ?
M. Claude Raynal. Le règlement du Sénat est remis à tout sénateur nouvellement élu. C'est le seul document relatif à l'organisation des travaux du Sénat à notre disposition. Si d'autres textes contiennent des règles s'imposant aux sénateurs, pourquoi ne sont-ils pas joints au règlement du Sénat ? Cela nous éclairerait sur la manière de mener les débats dans cette maison.
Par ailleurs, j'aimerais demander à notre collègue Karoutchi, qui a une connaissance ancienne de ces questions, pourquoi la fameuse décision de 2006 n'a pas été intégrée au règlement du Sénat, qui a pourtant fait l'objet de plusieurs modifications depuis cette date.
Il y a une raison très logique à cela. Quand, à la suite d'une demande de vérification, on constate que le quorum n'est pas réuni, la séance est suspendue pendant une heure, afin de permettre aux sénateurs absents de venir dans l'hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mais non ! sur des travées du groupe Les Républicains.) C'est le bon sens. À l'Assemblée nationale, on parlerait de « vider la buvette » ; ce n'est évidemment pas le cas ici.
Or il aurait évidemment été très difficile d'expliquer dans le règlement qu'après une première demande de vérification du quorum, suivie d'une suspension d'une heure, puis d'un vote, il n'est plus possible de faire la même chose le même jour… Il faut pouvoir demander la vérification du quorum en permanence. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour un rappel au règlement.
Mme Antoinette Guhl. Étant nouvellement élue dans cet hémicycle, je m'étonne quelque peu que l'on fasse référence à des réunions de bureau datant de 2006. J'imagine tout de même que le règlement a été revu et réimprimé depuis. Dès lors, si cette décision de 2006 est si importante, pourquoi n'y figure-t-elle pas ? C'est tout de même un peu fou…
Je propose que nous nous en tenions à ce qui est distribué aux sénateurs, que leur arrivée au sein de la Haute Assemblée soit récente ou non : le règlement. Or, dans le règlement, il n'est précisé nulle part que les demandes de vérification du quorum sont limitées à une par jour. Tenons-nous au règlement. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour un rappel au règlement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je pense que nous devons tous être responsables ici. Le Sénat est perçu par nos concitoyens comme une institution sérieuse et responsable, et nous travaillons souvent ici de manière sérieuse et responsable.
Veillons à faire en sorte que les débats restent sereins. Pierre Ouzoulias a rappelé tout à l'heure que les règles habituelles en matière de délai de dépôt des amendements n'ont pas été respectées.
Apparemment, les règles applicables à la vérification du quorum ont changé depuis 2006. Or nous n'avons pas été informés de ces nouvelles règles, qui ne sont pas accessibles aux sénateurs. Moi-même, je n'en ai pas eu connaissance.
Travaillons sérieusement et reportons l'examen de ce texte en septembre ou en octobre, afin de pouvoir en discuter sereinement. Il n'y a aucune raison de légiférer dans la précipitation.
Je soutiens la demande de suspension que notre présidente de groupe, Cécile Cukierman, a formulée et à laquelle vous avez répondu favorablement, monsieur le président – elle est d'ailleurs de droit.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour un rappel au règlement.
M. Cédric Vial. Je suis sénateur depuis 2020. La Haute Assemblée a été créée bien avant que je n'y siège. Pourtant, je porte aujourd'hui un costume avec une cravate, parce que le règlement, que je n'ai pas adopté, le prévoit.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et voilà : parce que le règlement le prévoit !
M. Roger Karoutchi. Mais non ! Ce n'est pas dans le règlement !
M. Cédric Vial. Ce n'est pas parce que l'on n'était pas présent lorsqu'une règle a été adoptée qu'elle ne s'applique pas. Je note même qu'un de nos collègues porte un nœud papillon, car le règlement ne l'interdit pas.
Mes chers collègues, vous indiquez être pressés d'avoir ce débat sur l'audiovisuel public, qui est très important, mais je constate que tout fait est pour le contourner et l'éviter.
M. Guy Benarroche. Vous savez très bien que le débat est biaisé depuis le départ !
M. Cédric Vial. Les prises de position des uns et des autres sur le quorum nous font perdre un temps que nous pourrions consacrer au débat de fond. J'espère au moins que nous aurons cette discussion dans la soirée.
Permettez-moi de recourir très humblement, comme cela se pratique dans un certain nombre de disciplines scientifiques – c'est ma formation d'origine –, à un raisonnement par l'absurde : s'il était possible de demander la vérification du quorum sur chaque vote, il suffirait que l'opposition ne vienne jamais, et aucun vote ne pourrait avoir lieu. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Cécile Cukierman. La gauche, c'est un tiers du Sénat ; pas la moitié !
M. Cédric Vial. Or n'avoir aucun vote, c'est la négation même de la démocratie.
C'est un jeu de dupes. Madame Robert, tout à l'heure, vous avez hésité, pour finalement y renoncer, à employer un certain mot. Ce mot, Jean-Luc Mélenchon, membre du Nouveau Front Populaire (NFP), l'a utilisé à l'endroit de journalistes de France Info, ce qui lui a valu une condamnation pour injure publique lundi dernier. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Je n'ai pas envie d'employer ce mot, mais j'ai tout de même l'impression que, dans ce débat, on nous prend pour…
Mme Sylvie Robert. Des quoi ? Des quoi ?
M. Cédric Vial. … le type de personnes dont parle Jean-Luc Mélenchon lorsqu'il évoque les journalistes de France Info, des journalistes que, comme vous, j'ai envie de défendre, mais en débattant sur le fond, et non pas en invoquant de faux arguments procéduraux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !
M. le président. Monsieur Vial, le port de la cravate n'est pas mentionné dans le règlement du Sénat. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Plusieurs sénateurs du groupe SER font mine de retirer leur cravate.) Il s'agit typiquement d'un usage qui a fait l'objet d'un consensus en conférence des présidents et qui n'a jamais été remis en cause.
J'ajoute, pour alimenter votre réflexion, que le gentleman's agreement qu'appliquent les présidents de groupe sur les textes en commission est l'exemple type de règles qui sont respectées par tout le monde sans pour autant être écrites.
M. Roger Karoutchi. C'est pour cela que Patrick Kanner n'est pas là !
M. le président. Je tiens au plateau à la disposition des personnes qui me l'ont demandé des documents qui établissent que cette règle existe,…
M. Guy Benarroche. Vous voulez dire : cette décision !
M. le président. … notamment les travaux du bureau de 2006.
M. Roger Karoutchi. C'est donc une règle !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-deux.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 7, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission et l'autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 356 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 99 |
Contre | 242 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Ce rappel au règlement se fonde, lui aussi, sur l'article 51 du règlement du Sénat.
Nous avons bien constaté ces documents datés de 2006. Nous avons toutefois changé d'époque.
M. Max Brisson. La Constitution aussi date d'une autre époque !
Mme Cécile Cukierman. Si la gauche avait procédé de la sorte, elle aurait été traitée de stalinienne. Là, tout semble normal. Puisque, manifestement, tout le monde s'énerve, nous pouvons en faire autant !
Reprenons sérieusement nos débats. Nous avons un problème : cette décision du bureau n'est mentionnée nulle part. Contrairement à toutes les lois, qui sont facilement accessibles, on ne la trouve ni au Journal officiel ni sur Légifrance.
Certains ont cité le mot de coutume. Consultons donc la version électronique du Petit Larousse : « La coutume est l'une des sources du droit, issue d'un usage général et répété,… » (MM. Roger Karoutchi et Max Brisson s'exclament.) – mon cher Roger Karoutchi, jusqu'ici j'avais presque envie de vous donner raison, mais, puisque la définition ne s'arrête pas là, je poursuis – et dont l'autorité est reconnue par tous. »
Dès lors que la coutume n'est plus reconnue par tous, il n'y a donc pas de coutume.
M. Roger Karoutchi. Quelle coutume ?
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, puisque vous n'en avez pas l'autorité, nous saisirons bien évidemment – je souhaite que cela figure au compte rendu – le bureau du Sénat et le président du Sénat pour que soient instruites les conditions de vérification du quorum et qu'elles soient mises à jour.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr…
Mme Cécile Cukierman. Dans le cadre de notre saisine du Conseil constitutionnel, nous ferons également un certain nombre de remarques quant à la sérénité de nos débats, mais aussi sur le faible nombre de parlementaires présents en séance. Tout cela vient du fait que le Gouvernement a voulu inscrire ce texte en urgence en fin de session.
L'audiovisuel public mérite mieux que cela. Il est regardé en ce moment même par des millions de Français, qui suivent l'arrivée du Tour de France.
L'audiovisuel public a un avenir et cet avenir ne doit pas être sacrifié par cette mascarade gouvernementale. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. Je vais donner la parole à M. Kerrouche puis à M. Benarroche, mais je souhaite que nous poursuivions ensuite la discussion générale.
M. Roger Karoutchi. Nous aussi !
Mme Laurence Rossignol. Nous le souhaitons tous !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour un rappel au règlement.
M. Éric Kerrouche. Contrairement à ce que pensent nos collègues du groupe Les Républicains, la discussion n'est pas aussi anecdotique qu'il n'y paraît.
Monsieur Karoutchi, implicitement, vous avez dit qu'il existait une forme de hiérarchie des normes interne au Sénat. Si je vous suis bien, vient en tête le règlement du Sénat – je peux le comprendre et j'y reviendrai –, suivie de l'instruction générale du bureau (IGB) et, enfin, des décisions du bureau.
Selon quelles modalités ? Qui constate cette hiérarchie des normes interne ? Au nom de quoi faudrait-il, en l'absence de dispositions du règlement, s'appuyer sur les décisions du bureau ? (M. Roger Karoutchi manifeste son incrédulité.)
Cela pose un problème fondamental : seul le règlement du bureau, sur lequel nous votons collectivement, est validé par le Conseil constitutionnel.
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas vrai !
M. Éric Kerrouche. Or, en l'espèce, nous nous servons de cette décision qui date d'une vingtaine d'années comme d'une béquille juridique.
Cette béquille juridique est plus que friable dans la mesure où, depuis lors, un certain nombre de décisions du bureau sont revenues sur des décisions qui avaient été prises préalablement.
De manière fortuite peut-être, la décision que nous évoquons n'a pas été explicitée de nouveau. En tout état de cause, on ne peut pas se fonder sur cette décision, qui validait une version antérieure du règlement.
Voilà ce que nous contestons. D'une certaine façon, l'ensemble de l'édifice juridique sur lequel s'appuient nos délibérations pose problème.
Vous pouvez prendre la chose à la légère, c'est votre droit.
M. Max Brisson. Ce n'est pas ce que nous faisons !
M. Éric Kerrouche. Nous contestons néanmoins la hiérarchie que vous nous présentez, car nous ne pouvons pas la vérifier juridiquement.
Cela fragilise l'ensemble de nos débats et c'est la raison pour laquelle, monsieur le président, nous demandons que cette disposition soit éclaircie compte tenu de son caractère particulièrement problématique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour un rappel au règlement.
M. Guy Benarroche. Il faudra prêter une attention particulière aux décisions que prendra le bureau dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.
M. Cédric Vial, rapporteur. Toujours !
M. Guy Benarroche. Car si l'on suit la logique de certains, ces décisions pourraient être transformées en us et coutumes et devenir opposables au règlement en vigueur…
Éric Kerrouche a soulevé un problème fondamental, celui de l'architecture du droit qui encadre nos travaux. L'idée qu'une décision du bureau de 2006 puisse s'appliquer même si le règlement a été modifié par la suite – en 2008, en 2014 ou en 2015 –, sous prétexte qu'aucun élément du nouveau règlement n'entre en contradiction avec ladite décision repose, me semble-t-il, sur des fondements juridiques très légers.
Si nous devions décider de poursuivre notre séance de ce jour sur le fondement d'une décision antérieure du bureau, alors que notre règlement a changé depuis lors, ce serait non seulement contestable, mais cela constituerait aussi un précédent : on validerait ainsi des décisions du bureau antérieures à des changements de règlement, sans que ces décisions soient jamais remises en cause.
En réalité, tout cela n'existe pas en droit. Comment le Sénat – qui plus est des membres de la commission des lois – pourrait-il s'arroger le droit de remettre en cause de cette façon l'architecture globale sur laquelle est bâtie l'activité du Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire du bureau du Sénat.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour un rappel au règlement.
M. Ronan Dantec. L'article 51, alinéa 1, du règlement du Sénat dispose que « la présence, dans l'enceinte du Palais, de la majorité absolue des sénateurs est nécessaire pour la validité des votes, sauf en matière de fixation de l'ordre du jour ».
Dans l'esprit du règlement, le quorum n'est donc pas requis seulement une fois par jour (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.) ; il est nécessaire à notre travail.
Monsieur le président, rien n'indique dans le règlement, nous avez-vous dit, qu'il faille porter la cravate ; vous avez dit que cela relevait de l'usage. (Mme Annick Billon s'exclame.) J'étais pourtant convaincu qu'il s'agissait au moins d'une décision du bureau ! Nous aurions donc pris, en période de canicule, des risques sanitaires en gardant nos cravates ? (Sourires.)
Puisqu'il s'agit d'un simple usage, si l'un d'entre nous ôtait la sienne, il ne se passerait donc rien ?
M. Max Brisson. Chiche !
M. Ronan Dantec. J'ai toujours cru que cela entraînerait l'effondrement du Sénat ! (M. Roger Karoutchi s'amuse.)
Vos propos sont donc extrêmement importants pour la suite, monsieur le président, surtout en période de canicule.
Je suis entièrement d'accord avec nos collègues de droite qui soulignent l'importance des usages. Sans usages, il n'y a plus, par exemple, de niches parlementaires.
Nous avons tous la capacité de bloquer la machine. Sauf que l'usage au Parlement veut que, lorsque l'Assemblée nationale rejette un texte, on n'essaie pas de faire passer celui-ci au Sénat immédiatement. Ce faisant, vous ne respectez pas les usages du Parlement ! Vous ne respectez même pas l'essence de la démocratie parlementaire !
Voilà pourquoi nous nous trouvons dans cette situation aujourd'hui. Vous avez pris une responsabilité colossale en contournant le vote de l'Assemblée nationale et en essayant de « refaire le match », pour reprendre le titre d'une émission diffusée sur une radio privée, alors qu'ici, nous défendons le service public. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir montré la décision de 2006, dont on était arrivé à contester l'existence même.
Je n'ai jamais parlé de coutume. (Mme Cécile Cukierman et M. Guillaume Gontard s'exclament.) Jamais !
Mme Cécile Cukierman. Nous lirons les comptes rendus !
M. Roger Karoutchi. Vous devez confondre…
J'ai fait partie du bureau du Sénat. Un certain nombre de collègues en sont membres actuellement et participent à la conférence des présidents. Il y a des règles !
La première des règles est la Constitution. Viennent ensuite le règlement du Sénat, qui a été modifié à plusieurs reprises, puis les instructions générales du bureau.
Enfin, lorsqu'un problème est soulevé sur un sujet particulier – souvent d'ailleurs sur l'initiative d'un président de groupe –, alors il y a une décision du bureau.
Très clairement, cela n'aurait aucun sens de dire que les décisions du bureau n'ont plus lieu d'être au motif que d'autres décisions pourraient être prises en séance.
De 2011 à 2014, il y a eu au Sénat une majorité de gauche, avec un président de gauche et un bureau orienté à gauche. Celle-ci n'a jamais remis en cause la décision du bureau de 2006.
Mme Laurence Rossignol. Elle ne la connaissait pas, car elle était introuvable !
M. Roger Karoutchi. Vous avez le droit de contester cette décision et d'en solliciter une nouvelle sur la question du quorum, mais vous ne pouvez pas dire qu'elle ne s'applique pas !
Faire de l'obstruction, c'est bien, être réaliste, c'est mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, acte est donné de ces rappels au règlement.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Mikaele Kulimoetoke.
M. Mikaele Kulimoetoke. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quelques jours, l'Assemblée nationale rejetait en première lecture la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.
Les députés ont majoritairement adopté une motion de rejet, après avoir pourtant amendé et adopté le texte en commission. Ils ont ainsi clairement exprimé leur refus d'en débattre, et, ce faisant, de débattre de l'avenir de l'audiovisuel public.
Ce choix, nous le regrettons. Nous le regrettons, car il prive le Parlement d'un débat utile et d'éventuelles améliorations. Nous le regrettons, car il nous contraint aujourd'hui à légiférer dans des délais extrêmement serrés.
Nous partageons pourtant sur ces travées un même objectif : celui d'avoir dans le paysage audiovisuel français un service public fort, capable de rayonner sur le plan international, et de résister à la concurrence des grandes plateformes numériques.
Cela a été parfaitement dit, le danger vient aujourd'hui des géants comme Google, Netflix ou TikTok bien plus que des acteurs privés traditionnels. Il vient de l'évolution des pratiques et des modes de consommation.
Il est donc de notre responsabilité de donner aux médias publics les outils nécessaires à leur autonomie et à leur bon fonctionnement.
Dans ce contexte, repousser une fois de plus la réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public ne nous paraît pas envisageable, alors même que les journalistes et les salariés attendent de nous des réponses claires et un débat serein.
Dans le rapport d'information de nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, qui a été plusieurs fois cité, il était déjà question d'un regroupement de l'audiovisuel public afin de répondre aux profondes mutations du secteur. C'était il y a dix ans… (M. le président de la commission acquiesce.)
Voilà donc des années que le Parlement tergiverse sur une réforme de la gouvernance.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très juste !
M. Mikaele Kulimoetoke. Si ce texte avait une vertu, ce serait de nous permettre, enfin, de statuer sur cette question.
Ce texte prévoit d'abord d'opérer un regroupement des entreprises de l'audiovisuel public au sein d'une structure nouvelle – une holding – afin d'accélérer des coopérations qui restent fragiles.
Il ne s'agit pas d'une fusion : cette réforme ne doit pas remettre en cause l'identité des différents acteurs. La création de la holding France Médias n'est pas une fin en soi ; elle vise à favoriser les synergies.
Cette proposition de loi soulève un peu partout des inquiétudes légitimes et mon groupe ne fait pas exception. Je pense, par exemple, au plafonnement des recettes publicitaires prévu à l'article 5 : leur contraction, qui ne pourrait pas être compensée par un accroissement des concours publics, risque d'affecter la capacité de ces médias à investir et à remplir pleinement leurs missions de service public.
Je pense également, avec ma collègue Samantha Cazebonne, à l'intégration de France Médias Monde dans le périmètre de la future holding. Nous soutiendrons les amendements qui en proposeront le retrait, compte tenu des missions très spécifiques qui sont les siennes et du contexte géopolitique dans lesquelles elles s'inscrivent.
Le deuxième volet de la proposition de loi a pour ambition de réduire les asymétries entre les médias historiques et les plateformes numériques. Supprimé en commission à l'Assemblée nationale, il aurait pu faire l'objet d'un texte de loi à part entière. Nous soutiendrons également sa suppression.
Partagé sur la pertinence autant que sur le cadre de cette réforme, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera toutefois majoritairement en faveur de cette proposition de loi. (M. le rapporteur ainsi que MM. Pierre Jean Rochette et M. Claude Kern applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « le temps ne fait rien à l'affaire », chantait Brassens. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'amuse.)
Voilà dix ans que nos collègues Leleux et Gattolin ont rendu un rapport sur l'audiovisuel public, six ans que Franck Riester a proposé une réforme ambitieuse (M. le président de la commission acquiesce.) qui fut victime d'un covid long, trois ans que Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi ont rendu leur rapport Changer de cap pour renforcer la spécificité, l'efficacité et la puissance de l'audiovisuel public, deux ans que la proposition de loi du président Lafon a été adoptée au Sénat.
La semaine dernière, nous apprenions que ce texte nous était soumis dans la précipitation. Reconnaissez que cet emballement final interroge : est-il à la hauteur des enjeux de l'audiovisuel public ?
Ne risquons-nous pas, en raison de la façon dont est bousculé le Parlement dans cette affaire, d'en être réduits à des postures ?
L'audiovisuel public est pourtant confronté à de nombreux défis que nous devons l'aider à relever pour préserver notre identité culturelle, sa diffusion et son rayonnement.
Aujourd'hui, la menace vient des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et des réseaux sociaux, dont les moyens sont considérables.
Ils nous obligent à rassembler nos forces dans un ensemble cohérent, qui préserve la neutralité de l'information et garantisse la liberté d'expression et de création.
Ce texte a une double ambition : d'une part, préserver la souveraineté audiovisuelle de la France en l'adaptant aux enjeux et aux défis actuels ; d'autre part, assurer les conditions d'une concurrence équitable entre les grandes plateformes et les composantes historiques de l'audiovisuel.
Regrouper quatre grands acteurs publics devrait permettre de s'affranchir d'une organisation du travail en silos qui freine l'innovation encore balbutiante.
France Télévisions rend disponibles ses contenus sur la plateforme Amazon Prime afin de toucher un public plus jeune. Et après ?
Ce sont les synergies qui permettront à l'audiovisuel public de se réinventer, tout en préservant l'identité de chacun de ses acteurs.
À ce titre, je salue le renforcement du droit de regard des commissions chargées de la culture du Sénat et de l'Assemblée nationale sur les conventions stratégiques pluriannuelles.
À l'heure où les canaux d'information n'ont jamais été aussi nombreux et où il est de plus en plus complexe d'identifier si une information est indépendante, crédible ou même délivrée par un journaliste, il paraissait essentiel de prévoir, au sein du conseil d'administration, une personnalité chargée de veiller au respect des règles d'éthique et de déontologie dans la préparation des programmes. Cela a été fait par l'introduction d'une disposition en commission.
En faisant le choix de détenir directement la totalité du capital du groupement, l'État se porte garant de la pérennité et de la protection de notre audiovisuel public.
Face à lui, des structures privées aux logiques de pur profit n'ont cessé d'innover. Refuser qu'elles aient le monopole de la diffusion de grands événements sportifs, c'est rappeler que la culture appartient à tous.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Bernard Fialaire. L'audiovisuel public, parce qu'il permet d'accéder au savoir, à la culture et à l'information, ne doit pas seulement être préservé, il doit prospérer.
C'est ce à quoi veilleront, lors de nos débats, les membres du groupe du RDSE. Comme d'habitude, certains d'entre nous voteront en faveur de ce texte – j'en fais partie –, d'autres s'y opposeront. (M. le rapporteur et M. Pierre Jean Rochette applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marta de Cidrac applaudit également.)
M. Laurent Lafon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux ans après son adoption en première lecture, nous voici de nouveau réunis pour l'examen de cette proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.
Deux ans plus tard, les constats qui avaient motivé le dépôt de ce texte non seulement restent d'actualité, mais ils sont même d'une plus grande acuité.