M. Jean-Raymond Hugonet. … et pour s'astreindre à une gestion économe des deniers publics.

M. Max Brisson. Absolument !

M. Jean-Raymond Hugonet. Par les temps qui courent, admettez que cela ne peut pas faire de mal.

Bien sûr, les partisans du surplace, les adeptes des mutualisations à reculons, les nostalgiques des contrats d'objectifs et de moyens creux comme des huîtres (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) font feu de tout bois pour tenter de ralentir l'inéluctable sens de l'Histoire.

C'est mal vous connaître, madame la ministre.

M. Jean-Raymond Hugonet. Ce type de comportement rétrograde, vous, cela vous inspire.

M. Jean-Raymond Hugonet. En l'espèce, reconnaissons-le, vous avez réalisé un véritable coup de génie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Un coup de force plutôt !

Mme Laurence Rossignol. Cela devient gênant !

Mme Colombe Brossel. On va les laisser…

M. Jean-Raymond Hugonet. Jusqu'ici, nous connaissions la conversion de Saint-Paul de Tarse sur le chemin de Damas. Désormais, il y aura la conversion de Laurence Bloch sur la route du PAF. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. Vous voulez qu'on vous laisse ?

M. Jean-Raymond Hugonet. Lorsque j'ai eu l'honneur de représenter pendant cinq ans le Sénat au conseil d'administration de Radio France, l'occasion m'a été donnée de côtoyer l'ancienne directrice de France Inter – excusez du peu. C'était alors une farouche opposante à ce type de réforme. Comme par enchantement, il a suffi que vous surgissiez en lui confiant un rapport d'accompagnement à la constitution d'une holding France Médias pour voir ses dernières réticences s'évaporer dans un vibrant plaidoyer. Elle est même devenue intarissable sur le sujet.

Soyons clairs ! Oui, l'éparpillement de l'audiovisuel français est une aberration en Europe. Oui, il montre chaque jour un peu plus ses limites. Oui, la multiplication des présidents, des directeurs, des rédactions, des correspondants à l'étranger, des sites internet, des directions régionales et locales est devenue insupportable. L'impatience a depuis longtemps cédé la place à l'exaspération, si ce n'est à la colère.

Oui, madame la ministre, nous allons voter pour la seconde fois ce texte et nous attendrons avec gourmandise la nouvelle saison de cette incroyable série. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me souviens d'avoir dit dans cet hémicycle, il y a quatre ou cinq ans, qu'en matière d'audiovisuel public, nous devrions d'abord tenir un débat parlementaire – il a toujours été reporté – sur son périmètre, ses missions et ce que, au fond, nous attendons de lui.

Au fond, donc, qu'attend-on de l'audiovisuel public ?

Aujourd'hui, les chaînes et les plateformes se sont multipliées. Au temps de l'ORTF, quand le service public ne fonctionnait pas, il y avait simplement une mire à la télévision, alors que l'offre actuelle est considérable et très diversifiée.

Il faut que l'audiovisuel public se pose d'ailleurs lui-même les questions : comment être mieux géré ? comment répondre davantage aux attentes du public ? comment être à la disposition de l'ensemble des Français pour apporter quelque chose, sachant qu'il est financé par l'argent public ?

J'ai entendu deux ou trois intervenants dire tout à l'heure qu'il ne fallait surtout pas toucher à l'audiovisuel public, car il s'agissait d'un contre-pouvoir. Pour moi, que le gouvernement soit de gauche, de droite ou du centre, l'audiovisuel public n'a pas à être un contre-pouvoir : il doit être indépendant et apporter un service public à l'ensemble des Français. (M. Max Brisson acquiesce.)

Si vous dites qu'il doit se poser en contre-pouvoir, c'est que vous acceptez vous-même l'idée qu'il doit être politiquement orienté, ce qui n'est pas acceptable.

M. Yannick Jadot. Ce n'est pas cela, un contre-pouvoir ! (M. Max Brisson s'exclame.)

M. Roger Karoutchi. Restons très mesurés en la matière.

Nous avons, avec mon excellent collègue Jean-Raymond Hugonet, produit un rapport voilà trois ans – ce n'est pas si vieux, madame la ministre (Sourires.) –, prônant plutôt la fusion, mais je me rallie à l'idée du président Lafon, qui est de passer par une première étape, avec la coordination par une holding, puis de réfléchir dans les années suivantes à une éventuelle fusion.

Je mets juste un bémol, madame la ministre, sur lequel j'aurai l'occasion de revenir à la faveur d'un amendement que j'ai déposé. Je considère que le calendrier ne permet pas d'intégrer dans le périmètre l'audiovisuel public extérieur. France Médias Monde est une structure tournée vers l'étranger. À ce titre, elle a une responsabilité quant à la diffusion de la parole et de la voix de la France. Aussi, il est extrêmement compliqué de l'intégrer très rapidement dans une structure du type de la holding. Peut-être que, dans quelques années, lorsque les choses seront stabilisées, nous pourrons voir comment renforcer l'audiovisuel public extérieur, qui a d'ailleurs besoin de moyens supplémentaires, madame la ministre.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Roger Karoutchi. Je le répète lors de chaque débat budgétaire : face à la désinformation, face à des chaînes financées par des pays autoritaires qui luttent contre l'influence, la présence, la réalité de la France, nous devons avoir un audiovisuel public extérieur plus puissant que ce qu'il n'est aujourd'hui.

Pour résumer, je souhaite, dans un premier temps, que nous n'intégrions pas France Médias Monde dans la holding. Dans un deuxième temps, madame la ministre, il faudra qu'un rééquilibrage s'opère, avec un peu plus de moyens pour l'audiovisuel public extérieur, qui, lui, n'est pas en situation de monopole et qui est très attaqué par certains États étrangers. Il a par conséquent besoin de soutien.

Ce texte apporte juste un peu de coordination. Cessons les anathèmes. Ne prenons pas l'audiovisuel public pour un totem. Il a besoin d'être réformé, rénové et conforté dans certains domaines, mais aussi d'être orienté vers un peu plus de neutralité. Tout cela mérite un vrai débat et j'espère que nous allons l'avoir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle

Chapitre Ier

Réforme de l'audiovisuel public

M. le président. L'amendement n° 234, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Dans l'intitulé de cette division

Remplacer le mot :

Réforme

par le mot :

Fragilisation 

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Le présent amendement du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires vise à mettre en lumière le véritable risque de la réforme de l'audiovisuel public, à savoir sa fragilisation.

Sous couvert d'arguments flous – « rassembler les synergies », « renforcer l'audiovisuel public face aux plateformes » –, ce rapprochement par le haut des sociétés de notre audiovisuel public fait peser une lourde menace sur l'indépendance de l'audiovisuel public à l'égard du pouvoir politique, en plaçant les quatre sociétés concernées sous l'égide d'un seul et même président-directeur général. Le risque d'une mainmise de l'exécutif sur le service public de l'information est d'autant plus inquiétant au regard de la montée du populisme d'extrême droite en France et de ses ambitions présidentielles.

Cette logique de concentration, unanimement décriée par les syndicats de journalistes et de salariés, entraîne nécessairement un affaiblissement du pluralisme de l'information. Elle risque de permettre la suppression des programmes, l'accélération des fusions imposées aux salariés et venues d'en haut, la baisse des effectifs, la dégradation des conditions de travail et les externalisations de programmes.

Dans un contexte de menace sur l'information, de concentration des médias dans les mains de quelques-uns et de montée des fake news, la préservation de la diversité et de la pluralité des rédactions, des antennes et des contenus est une nécessité démocratique.

C'est pour cette raison que nous proposons de modifier l'intitulé de cette division en remplaçant le terme « réforme » par le terme « fragilisation ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Cédric Vial, rapporteur. Mme de Marco nous a prouvé lors de la discussion générale qu'elle avait beaucoup d'imagination. Cet amendement en apporte de nouveau la preuve. C'est évidemment un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Mes chers collègues, je soutiens cet amendement, parce que j'ai entendu un certain nombre de propos qui peuvent légitimement nous inquiéter. Il y a trop souvent une forme d'esprit de revanche de la droite contre l'audiovisuel public et sa prétendue partialité. En gros, il se disent : nous allons les mettre au pas sur la neutralité ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Fantasmes !

M. Yannick Jadot. Pendant les jours de grève, quand vous ne pouvez pas écouter la radio que vous écoutez habituellement le matin, vous devez vous résoudre à écouter les autres radios. Vous, visiblement, vous n'avez pas ce genre de problème avec le groupe Bolloré et la libération de la parole raciste, homophobe, climatosceptique.

M. Roger Karoutchi. Qu'est-ce qu'il raconte ?

M. Yannick Jadot. J'ai entendu aussi des critiques – pas de votre part, monsieur Karoutchi, mais d'autres collègues –, sur la dimension extérieure, aussi, de France Télévisions et de Radio France.

Les journalistes, notamment des femmes, qui sont sur les zones de guerre pour nous dire ce qui se passe, ne travaillent pas sur les chaînes privées. Ils sont sur l'audiovisuel public et ils mettent leur vie en danger pour nous informer sur la complexité du monde. C'est cela, le service public que nous voulons défendre. Alors, cessez de faire preuve de cet esprit de revanche un peu ridicule et honorez le service public et celles et ceux qui le font vivre tous les jours. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Antoine Lefèvre. Il n'y a pas d'esprit de revanche !

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Nous entrons là dans le fond du texte, avec l'amendement de Mme de Marco, puis avec l'article 1er sur la création de la holding.

J'espère que les réponses du rapporteur vont être un peu plus étayées, cher Cédric Vial. Je pense que, depuis le départ, nous nous sommes trompés de méthode. J'ai entendu un de nos collègues – vous, monsieur Karoutchi – dire que nous aurions dû d'abord avoir un débat.

M. Roger Karoutchi. C'est vous qui l'avez refusé !

Mme Sylvie Robert. Un débat sur le thème : qu'attendons-nous de cet audiovisuel public ? quelle est la vision stratégique que nous devons avoir aujourd'hui, en 2025 ? Je dis bien aujourd'hui, et pas il y a deux ou trois ans, car les évolutions sont rapides. Le rapport aux plateformes est très important. Regardez les accords de distribution qui se sont développés récemment.

Eh oui, nous aurions eu besoin, d'abord, entre nous, dans cet hémicycle, d'un débat sur l'audiovisuel public. Quelle vision stratégique voulons-nous pour cet audiovisuel public ? Quel objectif lui assignons-nous ? Quels moyens lui donnons-nous ?

Or que nous propose-t-on aujourd'hui ? Créer une super-holding en croyant que la gouvernance va régler tous les problèmes. Mais c'est un non-sens ! Pire, même ! C'est pourquoi j'attends des arguments pour nous convaincre qu'une modification de gouvernance est réellement susceptible de répondre à toutes les problématiques que j'ai citées.

Enfin, nous avons aussi été taxés d'immobilisme. Nous sommes tout à fait conscients, monsieur le rapporteur, des évolutions des pratiques des jeunes. Mais croyez-vous que, demain matin, quand France Inter va être dans la holding, tous les jeunes vont écouter cette station ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Rachida Dati, ministre. Ce n'est pas ce que nous avons dit !

Mme Sylvie Robert. Vous êtes pris à votre propre jeu !

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il va falloir que vous nous disiez réellement ce qu'implique cette gouvernance. J'espère que le débat nous éclairera à cet égard.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Comme cela a été le cas en commission, où il a été balayé d'un revers de main, on pourrait se dire que cet amendement proposé par notre collègue Monique de Marco est anecdotique. En fait, en posant les mots, elle pose finalement la vraie question.

Est-ce que le projet que nous allons examiner, qui n'est pas, j'y insiste, la proposition de loi de Laurent Lafon, a vocation à renforcer ou à affaiblir l'audiovisuel public ? Finalement, je vous remercie, chère Monique de Marco, de poser la seule question qui vaille.

Nous avons commencé à développer notre position, et nous continuerons à le faire tout au long du débat : pour nous, cette concentration des pouvoirs dans cette holding exécutive n'a vocation qu'à affaiblir l'audiovisuel public. Vous pourrez essayer de vous cacher derrière votre petit doigt en disant le contraire et en vous proclamant soutiens de l'audiovisuel public, je n'en démordrai pas. Écoutez plutôt les quelques phrases que j'ai entendues çà et là : « Où est le pluralisme ? Pas dans l'audiovisuel public » ; « À force de dérives, à force d'attaques systématiques, des collègues ont un sentiment de ras-le-bol vis-à-vis de l'audiovisuel public. » ; « Il faut que l'audiovisuel public revienne sur des règles déontologiques dont il s'éloigne trop souvent » ; « Il n'y a pas d'équilibre dans l'audiovisuel public. »

Ce sont des mots qui ont été prononcés par des collègues qui s'engagent aujourd'hui non pas à réformer l'audiovisuel public, non pas à l'adapter aux temps actuels, mais à l'affaiblir, pour répondre aux convictions qu'ils ont exprimées librement en public.

Aussi, je le répète, chère Monique de Marco, je vous remercie d'avoir posé, avant même l'article 1er, les objectifs non cachés, mais pas non plus avoués, de cette réforme.

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Effectivement, avec cet amendement, notre collègue a raison d'annoncer la fragilisation de l'audiovisuel public, car cette proposition de loi va justement engendrer à court et moyen termes des coûts supplémentaires. J'ai tendance à penser que vous êtes victimes de l'hubris réformatrice, qui aboutit à des non-sens entrepreneuriaux. Nous le savons, créer une structure supplémentaire pour chapeauter cette holding devra mobiliser entre vingt et cinquante personnes de plus au bas mot. Tout changement de présidence induit d'ores et déjà le gel des projets en cours, six mois avant et six mois après l'échéance des mandats et pendant la période transitoire. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les présidentes de France Télévisions et de Radio France, conscientes de ces écueils, militent fermement contre la holding.

Même sur le long terme, cette nouvelle holding, qui constitue une mégastructure, entraînera des charges de fonctionnement et de personnel considérables. Une transformation des structures de l'audiovisuel public doit s'accompagner, voire être précédée d'une refonte de son financement. Or ce mécanisme de financement demeure incertain au-delà de la fin de 2024. L'abolition de la contribution à l'audiovisuel public à compter de l'exercice budgétaire 2023, dispositif adopté de manière provisoire, fait que le maintien même du financement de l'audiovisuel public par une fraction de TVA doit passer par une modification de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf).

La transformation opérée par la proposition de loi et la conservation de ce mode de financement ne résoudront en aucune façon, mes chers collègues, les vulnérabilités du secteur liées à une insuffisance chronique de financement depuis des années. Nous devons cette fragilité à l'irresponsabilité politique de votre gouvernement, madame la ministre. Vous avez organisé cette précarité en dérogeant à l'obligation légale d'augmentation annuelle de la redevance, avant de procéder à sa suppression totale, et en improvisant une solution temporaire de financement du secteur audiovisuel public par l'allocation d'une portion de TVA, ce qui le place sous la dépendance de la volonté gouvernementale.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Chère Colombe Brossel, vous parlez de propos tenus en commission par « des collègues ». Or, « ces collègues » dont il est question, c'est moi ! Je ne vois aucune difficulté à être cité.

Après avoir entendu des attaques en règle contre ce texte, qui est bien celui de Laurent Lafon, et non pas celui de Mme la ministre, j'ai en effet dit que l'on pouvait aussi critiquer certaines émissions de l'audiovisuel public. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.) À ce moment-là, j'ai entendu des cris d'orfraie. C'est un totem auquel nous n'aurions pas le droit de toucher ou qui ne pourrait être critiqué.

Oui, on a le droit de critiquer certaines émissions, comme on a le droit de critiquer CNews, BFM (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.), ou toute autre chaîne d'information, de radio ou de télévision publique.

Je le redis clairement aujourd'hui, certaines émissions de l'audiovisuel public me semblent s'éloigner du rôle qui devrait être le leur.

Monsieur Jadot, j'ai bien entendu votre aveu lors d'une intervention précédente : vous avez en effet indiqué que votre vision de l'audiovisuel public était celle d'un contre-pouvoir par rapport aux groupes privés. Non, ce n'est pas la mission de l'audiovisuel public d'être un contre-pouvoir. Nous attendons de lui de la neutralité, nous attendons de lui de l'objectivité ; nous attendons de lui d'être la parole de l'ensemble des composantes de la vie politique, économique et sociale française, ce qui ne me semble pas être le cas parfois.

Je peux dire cela tout en étant partisan de l'audiovisuel public, ce que je confirmerai tout à l'heure.

Maintenant, revenons un peu au texte. Vous nous demandez de dire expressément que cette proposition de loi vise la fragilisation de l'audiovisuel public. Si je puis me permettre, cher Laurent Lafon, c'est lui faire beaucoup d'honneur que d'imaginer que votre texte a une telle dimension. Il s'agit juste d'une proposition de loi qui a pour objet de créer une holding. Ne faisons pas dire à ce texte ce qu'il ne dit pas. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Michel Canévet. Que du bon sens !

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.

Mme Karine Daniel. Nous aurons l'occasion de discuter plus tard des enjeux démocratiques et de pluralité, mais je voudrais revenir sur cette croyance économique et managériale selon laquelle plus on est gros, plus on est performant dans ces deux dimensions.

Je le dis en tant qu'économiste, c'est une idée qui prévalait voilà dix ou quinze ans. Aujourd'hui, nous savons que, dans le monde tel qu'il est, avec les enjeux induits par la rapidité des développements technologiques, notamment sur le numérique, ce n'est plus du tout vrai.

Au contraire, l'agilité repose de plus en plus sur des structures pilotables et réactives. Nous pouvons le constater avec les performances que font les radios publiques grâce à leur agilité et leur facilité à se mouvoir, y compris dans l'espace numérique.

Aussi, mes chers collègues, je vous invite à revenir sur cette croyance, qui n'a absolument plus cours dans le monde économique actuel. Il n'y a qu'à voir le développement des start-up dans les différents domaines, et notamment dans l'audiovisuel public. J'y insiste, tout est une question d'agilité, et ce n'est pas parce que l'on est gros que l'on est forcément performant. En effet, ce qui apparaît gros au niveau national sera toujours trop petit au regard de la concurrence internationale. En revanche, nous aurons fait perdre en agilité à des structures qui, aujourd'hui, savent se positionner habilement dans leur contexte et dans leur environnement.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Tout à l'heure, M. le rapporteur a eu des mots un petit peu ironiques sur l'amendement de Mme de Marco. Pourtant, je trouve plutôt intéressant qu'il s'agisse justement du premier amendement de cette discussion, puisqu'il pose les termes du débat de fond. Quelles vont être les conséquences de cette réforme ? Avec cette holding, allons-nous améliorer, renforcer l'audiovisuel public ou allons-nous le fragiliser ? Tout le débat est là.

Nous, nous pensons que ce qui est proposé, sur le fond et sur la forme, va particulièrement fragiliser l'audiovisuel public en portant atteinte à sa diversité. Or c'est cette diversité qui fait justement l'audiovisuel public.

Oui, c'est un contre-pouvoir, et il faut l'assumer. Heureusement qu'il y a des contre-pouvoirs ! C'est évidemment cette diversité qui fait aussi notre démocratie. Et dans toute démocratie, il y a des contre-pouvoirs.

Nous voyons bien votre volonté d'effacer totalement cela, de niveler par le bas, de ne voir qu'une seule tête (M. Roger Karoutchi proteste.) Quel est le but de ce texte, si ce n'est de vouloir contrôler ?

Oui, les enquêtes d'investigation sur le Président de la République ou d'autres, qui apportent leur lot de révélations, c'est bien le rôle d'un service public indépendant. C'est effectivement un contre-pouvoir. Ne le nions pas !

Enfin, nous avons entamé l'examen de ce texte depuis plusieurs heures, et je n'ai pas encore entendu Mme la ministre, si ce n'est lors de la discussion générale.

M. Roger Karoutchi. Elle en a le droit !

M. Guillaume Gontard. Nous avons depuis lors examiné trois motions. J'aimerais bien savoir ce qu'elle pense, ce qu'elle souhaite, quelles sont ses orientations. Plusieurs questions lui ont été posées et pour l'instant, c'est silence radio !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.

Mme Corinne Narassiguin. Je voudrais à mon tour remercier Monique de Marco pour cet amendement. Oui, il s'agit bien, avec cette réforme, de fragiliser l'audiovisuel public et d'affaiblir le pluralisme dans l'information.

Faire à plusieurs reprises le lien entre immigration et punaises de lit, marteler, sans provoquer aucune réaction, que l'immigration tue, avoir 47,5 % de téléspectateurs qui ont voté pour Marine Le Pen ou Éric Zemmour : ce palmarès est non pas celui de l'audiovisuel public, mais bien celui de la chaîne d'information CNews, mise en garde à plusieurs reprises par le Conseil d'État et l'Arcom sur le manque de pluralisme des opinions sur son plateau.

Alors, permettez-moi de m'étonner, mes chers collègues, madame la ministre, de votre sens des priorités. Votre priorité numéro un, aujourd'hui, c'est donc de vous attaquer aux médias publics, qui respectent le pluralisme, tout en assurant un véritable service public de l'information. Notre priorité, mes chers collègues, devrait être d'interdire dans un média les propos xénophobes et les appels à la haine envers une catégorie de population. Notre priorité devrait être de lutter contre la division, la peur de l'autre, de la différence,…

M. Max Brisson. Il y a la loi pour cela !

Mme Corinne Narassiguin. … la peur de l'étranger, qui sont sans cesse alimentées par certains médias.

M. Max Brisson. Fantasmes !

Mme Corinne Narassiguin. En tant qu'élus, notre priorité devrait être d'assurer la cohésion républicaine et d'éviter de monter nos concitoyens les uns contre les autres. C'est ce que vous continuez à faire avec ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. Effectivement, cet amendement peut paraître un peu original, mais il pose en réalité la question centrale : quel est l'objectif de cette proposition de loi et quels vont être ses effets ? Est-ce que, comme il est précisé dans son exposé des motifs, elle va renforcer l'audiovisuel public ou bien, comme nous le pensons, elle va le fragiliser ?

Les prises de parole venant de la droite de cet hémicycle montrent qu'il y a un certain nombre d'ambiguïtés dans la manière dont vous appréhendez, mes chers collègues, le rôle non seulement de l'audiovisuel public, mais aussi des médias en général.

M. Max Brisson. On n'a peu parlé pour l'instant.

Mme Mélanie Vogel. Très bien, mais vous me permettrez de finir.

Vous trouvez notamment bizarre que les écologistes considèrent l'audiovisuel public comme un contre-pouvoir, nous accusant de reconnaître ainsi qu'il serait politisé, alors qu'il devrait être neutre. Selon vous, il serait contradictoire d'être un contre-pouvoir dans une société démocratique et d'être politisé. Vous prétendez également que le rôle des médias et de la presse publique n'est pas d'être des contre-pouvoirs.

Je veux juste vous lire la définition du contre-pouvoir donnée par l'Académie française. Je prends l'Académie française, parce que je pense que tout le monde ici peut s'accorder sur le fait que cette institution n'est pas exactement un repère de gauchistes tout à fait alignés avec les écologistes…

M. Roger Karoutchi. On ne sait pas ! (Rires.)

Mme Mélanie Vogel. Qu'est-ce qu'un contre-pouvoir selon l'Académie française ? C'est un « pouvoir de fait face au pouvoir légal. Les syndicats, la presse constituent des contre-pouvoirs ». Quand nous considérons que l'audiovisuel public doit pouvoir garder ce rôle de contre-pouvoir, nous ne disons rien d'autre que ce que disait Montesquieu sur les démocraties, au sein desquelles les pouvoirs doivent s'équilibrer.

Cela ne veut absolument pas dire qu'ils sont partisans. Ils sont là pour éviter tout abus de pouvoir. Les contre-pouvoirs servent à poser des limites au pouvoir. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Cédric Vial, rapporteur. Puisque vous m'y invitez, allons-y ! J'avoue que je ne m'attendais pas à un débat aussi long sur cet amendement, qui propose d'écrire que ce texte est une loi de fragilisation de l'audiovisuel public.

Si vous pensez que cet amendement mérite un débat, c'est donc que vous imaginez que notre assemblée est capable de le voter. Je pensais entendre des propositions un peu plus pertinentes et je commence à m'impatienter, peut-être à tort.

Je vais quand même répondre sur deux ou trois éléments que j'ai entendus.

Mme Daniel a évoqué la fin de la loi du plus gros. Avec tout le respect que j'ai pour ceux qui le sont – vous comprendrez forcément mon point de vue (Rires.) –, je lui objecterai que là n'est pas la question. L'important, c'est la capacité à s'adapter. Celui qui gagne, ce n'est pas le plus fort, c'est celui qui sait s'adapter. Je crois que c'est George Bernard Shaw qui disait : « L'homme raisonnable s'adapte au monde. L'homme déraisonnable essaie d'adapter le monde à lui-même. »

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !

M. Cédric Vial, rapporteur. Pour nous, cette réforme est raisonnable en ce qu'elle pousse le service public de l'audiovisuel à s'adapter au monde tel qu'il est. Certains d'entre vous voudraient que le monde reste ce qu'il était et que le service public reste également ce qu'il était pour correspondre à un monde qui n'existe plus. C'est bien là le problème.

Quel service public de l'audiovisuel voulons-nous ? La question a du sens.

Nous, nous voulons un service public qui soit de notre époque et plus de l'époque que nous avons connue. Nous pouvons éventuellement le regretter. Moi aussi, j'ai adoré cette période où…

M. Max Brisson. L'ORTF ? (Rires.)

M. Cédric Vial, rapporteur. L'ORTF, je n'ai pas connu, cher Max Brisson, mais cette période où il y avait six chaînes, si. Moi, je n'en ai eu que trois pendant très longtemps, parce que, dans nos montagnes, nous avons mis du temps à recevoir les trois suivantes.

Cela nous permettait aussi d'avoir une ouverture culturelle, parce que nous étions parfois obligés de subir des programmes que nous ne choisissions pas. Nous regardions ce qui passait à la télé. C'était intéressant culturellement, mais cela ne fonctionne plus ainsi aujourd'hui.

Pourquoi les jeunes ne regardent-ils plus la télévision ? Parce qu'ils ont un smartphone et qu'ils regardent ce qu'ils choisissent sur les plateformes. Quand une série leur plaît, ils regardent les vingt-cinq épisodes à la suite et ils ne regardent rien d'autre. C'est une forme d'enfermement culturel.

Les enjeux sont différents de ceux que nous avons connus.

Avec cette holding, l'objectif n'est pas que tous les jeunes écoutent France Inter. Pas du tout !