Mme Laurence Rossignol. Plus personne ne l'écoutera !

M. Cédric Vial, rapporteur. Je vous le confirme, tel n'est pas notre objectif, mais si c'est le vôtre, vous vous mettez le doigt dans l'œil jusqu'au coude, parce que ce n'est plus ainsi que cela fonctionne. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Nous devons construire une vraie stratégie numérique de l'audiovisuel public. Nous essayons de ramener les jeunes sur les médias traditionnels par les réseaux sociaux, mais l'enjeu est tout autre : il s'agit de faire en sorte que les réseaux sociaux publics construisent une politique d'information pour aller vers les jeunes, avec leurs usages d'aujourd'hui et de demain, et non pas pour les ramener.

Mme Sylvie Robert. Quel rapport avec la holding ?

M. le président. Il faudrait conclure, monsieur le rapporteur.

M. Yannick Jadot. Il fait de l'obstruction ! (Sourires.)

M. Cédric Vial, rapporteur. Je termine en m'adressant à M. Chantrel. Je veux bien que vous ne connaissiez pas des règles datant de 2006, mais je vous précise que la proposition de loi organique, dont j'étais l'auteur et qui a été votée à la quasi-unanimité ici – vous étiez alors élu –, permet un financement public pérenne. Vos notes étaient datées, malheureusement, et je crois que vous avez oublié une étape. Aujourd'hui, grâce au Sénat, une fraction de TVA est fléchée vers l'audiovisuel public, ce qui garantit un financement indépendant.

Mme Sylvie Robert. Ce n'est pas très satisfaisant !

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Ah ! sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Mme Rachida Dati, ministre. Un peu de respect vous irait bien, de temps en temps. Madame de La Gontrie, ce n'est pas la première fois !

Mme Laurence Rossignol. On n'est pas au Conseil de Paris !

Mme Rachida Dati, ministre. Vous avez raison de le rappeler, madame la sénatrice. J'en profite pour dire que je n'ai pas apprécié les propos déplacés, tout à l'heure, du sénateur Jomier. Je suis coprésidente de groupe au Conseil de Paris et, de fait, je peux dire que M. Jomier, lui, n'y est pratiquement pas. Je ne l'ai jamais vu, en tout cas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il n'y est plus élu ! (Les propos de Mme la ministre sont tournés en dérision sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, la parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre. Il n'y était pas avant, de toute façon.

Madame de La Gontrie, je me passerai de vos conseils sur le travail et sur la vie. Je pense qu'il y a une vraie différence entre vous et moi.

Mme Rachida Dati, ministre. Oui, il y a une vraie différence, notamment pour ce qui est du travail et de la connaissance des classes populaires. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. Pierre Ouzoulias. De la part de la maire du VIIe arrondissement, franchement… C'est scandaleux ! Venez chez moi à Bagneux !

Mme Rachida Dati, ministre. Non, monsieur le sénateur, ce n'est pas scandaleux. Vous voulez m'assigner ; c'est une forme de déterminisme. Que je sois élue du VIIe arrondissement est plutôt une preuve d'intégration.

M. Pierre Ouzoulias. Intégration dans la classe bourgeoise, oui !

Mme Rachida Dati, ministre. Et alors, monsieur le sénateur ? N'aurais-je pas le droit d'accéder à cette catégorie ?

M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr que si, mais alors ne vous exprimez pas au nom des classes populaires ! Elles sont représentées ici, pas là-bas !

Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur le sénateur Ouzoulias, je ne me suis pas déconnectée des classes populaires.

Pour en revenir à l'amendement en discussion, je voulais vous répondre sur le sujet de la fragilisation. C'est la dispersion qui fragilise ; regrouper des forces, par définition, c'est donner plus de force !

Certains affirmaient tout à l'heure que cette réforme affaiblirait l'audiovisuel public ou le ferait même disparaître. Je ne le crois pas, notamment au regard du droit des concentrations, parce que, plus l'on regroupe de forces, plus l'on évite l'affaiblissement, mieux l'on peut parer les attaques.

On a aussi affirmé qu'il y aurait désormais plus de verticalité, ce qui nuirait à l'intelligence collective. Mais ce qui existe aujourd'hui, ce fonctionnement en silos, c'est une fausse horizontalité. En regroupant, on aura un chef d'orchestre, une stratégie cohérente et coordonnée.

M. le rapporteur a rappelé à juste titre que, sur son initiative, l'on avait sanctuarisé le financement de l'audiovisuel public regroupé. Il importe aussi de rappeler que cette sanctuarisation porte sur un montant en valeur ; c'est une grande avancée. Et cela est possible grâce à vous tous – je n'ignore pas que le vote de votre assemblée a été unanime en faveur de cette sanctuarisation.

On dit aussi qu'il n'y aura plus de diversité. C'est tout l'inverse ! Cette diversité s'organisera autour de quatre pôles : l'information, la radio, la télévision, mais aussi le numérique et la proximité. Le rapport de Mme Bloch préconise bien un investissement massif dans le numérique, parce qu'il est impératif – M. le rapporteur l'a bien souligné – de s'adapter aux nouveaux usages, alors que 62 % des Français s'informent sur les réseaux sociaux.

Vous parliez tout à l'heure des « véritables succès » de la radio et de la télévision publiques. Je veux apporter au débat les données de Médiamétrie relatives aux audiences par tranches d'âge entre avril et juin 2025.

Pour les 13-24 ans, le total des radios, c'est 12,8 % de la tranche d'âge ; Radio France, 7,3 %. Pour les 25-34 ans, le total des radios, 10,8 % ; Radio France, 7,4 %.

Concernant les audiences par catégorie socioprofessionnelle (CSP), maintenant, le total des radios touche 29,9 % des CSP favorisées ; Radio France, 35 % ; France Inter, 38 %, bien au-delà de la moyenne des radios. L'audiovisuel public est financé par tous les Français ; tout le monde doit en bénéficier ! Pourtant, voyez les chiffres pour les catégories populaires : les radios dans leur ensemble touchent 25,8 % de ces CSP ; Radio France, 13,8 % ; France Inter, 9,8 %. Voilà la réalité !

J'en viens à la question du pluralisme. Je conviens avec vous, monsieur Jadot, notamment, que celui-ci est nécessaire. Simplement, je veux vous soumettre deux exemples que m'ont fait remonter les services du ministère.

Ce matin même, dans la matinale de France Culture, à sept heures trente-huit exactement, étaient interviewés Olivier Legrain et Vincent Edin, invités pour discuter de la concentration des médias et de la présente réforme. Que de la critique, tout le monde est contre ! Au journal de huit heures, deux sénatrices ; là encore, que des critiques sur cette réforme dite Lafon ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mince alors, c'est moche !

Mme Rachida Dati, ministre. Quatre personnalités interviewées, mais aucun pluralisme ! Nos services recensent tous les cas de ce genre.

De la même manière, la semaine dernière, l'ancien président de Radio France, Mathieu Gallet, qui est favorable à cette réforme, a été décommandé après avoir été invité. Il l'a reconnu, les services l'ont reconnu : il a été décommandé parce qu'il était en faveur de cette réforme. (Mêmes mouvements.) C'est factuel !

Alors, avant de parler de contre-pouvoir, essayons d'avoir un peu plus de pluralisme dans l'audiovisuel public ; si vous y êtes favorables, nous tomberons tous d'accord.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous répondre en quelques mots sur l'intérêt de cette réforme. Il s'agit de s'adapter aux nouveaux usages des Français en général, et plus particulièrement des jeunes et des catégories populaires.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Rossignol. Mon intervention se fonde sur l'article 36 de notre règlement.

Nous allons passer quelques heures ensemble dans cet hémicycle pour débattre d'un sujet sérieux. Nous jouons notre rôle ; nous sommes en désaccord avec ce projet et nous allons vous expliquer pourquoi, pendant plusieurs heures.

J'invite donc tout le monde, et vous en particulier, madame la ministre, à éviter les attaques personnelles…

Mme Rachida Dati, ministre. C'est réciproque !

Mme Laurence Rossignol. … comme celle que vous vous êtes permise à l'encontre de Mme de La Gontrie. Ma collègue vous avait souhaité la bienvenue, ce qui, à ma connaissance, est loin d'être discourtois. En réponse, vous avez dénoncé son absence de lien avec les classes populaires.

M. Max Brisson. Nous, on nous a traités de trumpistes !

Mme Laurence Rossignol. Ce que vous avez fait, madame la ministre, cela s'appelle un délit de patronyme. Parce que ma collègue s'appelle Mme de La Gontrie, vous vous êtes sentie autorisée à parler ainsi de cette élue du XIIIe arrondissement de Paris, arrondissement populaire – je ne ferai aucun commentaire sur d'autres arrondissements.

Mme Rachida Dati, ministre. Je ne l'ai jamais vue sur le terrain !

Mme Laurence Rossignol. Mme de La Gontrie a toutes les raisons d'être fière de son nom de famille. C'est celui que portait son père, qui fut sénateur, président de groupe et résistant ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Rachida Dati, ministre. Mon père, il était ouvrier !

M. le président. Acte est donné de votre rappel au règlement.

Je mets aux voix l'amendement n° 234.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le quorum ! Le quorum !

M. le président. Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 357 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 99
Contre 242

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 1er

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :

1° Avant l'article 44, il est inséré un article 44 A ainsi rédigé :

« Art. 44 A. – La société France Médias est chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l'audiovisuel, dont elle détient directement la totalité du capital, et de veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes au service des missions définies à l'article 43-11. Pour l'accomplissement de ses missions, elle conduit des actions communes et définit des projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production. Dans les conditions prévues à l'article 53, elle répartit entre ces sociétés les ressources dont elle est affectataire. » ;

2° Après le IV du même article 44, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV bis. – A. – La société Institut national de l'audiovisuel est chargée de conserver, de mettre en valeur et d'enrichir le patrimoine audiovisuel national.

« B. – La société assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme, y compris celles des programmes qu'elles diffusent sur des services non linéaires, et contribue à leur exploitation. Elle assure la mise à disposition de ces archives auprès de ces sociétés. Elle procède également à la conservation de l'ensemble des archives audiovisuelles des filiales des sociétés mentionnées à l'article 44 A et au présent article créées en application du premier alinéa de l'article 44-1 lorsqu'elles ont une activité d'édition de services ou une activité de production de programmes. La nature, les tarifs et les conditions financières des prestations documentaires et les modalités d'exploitation de ces archives sont fixés par convention entre la société et chacune des sociétés nationales de programme concernées.

« C. – La société exploite les extraits des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et des filiales des sociétés mentionnées à l'article 44 A et au présent article créées en application du premier alinéa de l'article 44-1 lorsqu'elles ont une activité d'édition de services ou une activité de production de programmes, dans les conditions prévues par les cahiers des charges mentionnés à l'article 48. À ce titre, elle bénéficie des droits d'exploitation de ces extraits à l'expiration d'un délai d'un an à compter de leur première diffusion, à titre exclusif vis-à-vis de ces sociétés, chacune d'elles conservant toutefois, pour ce qui la concerne, un droit de réutilisation de ses archives dans les conditions prévues par les conventions qu'elle conclut avec la société.

« La société demeure propriétaire des supports et des matériels techniques et détentrice des droits d'exploitation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et de la société mentionnée à l'article 58 de la présente loi, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, et modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l'image animée, ainsi que les délais relatifs à l'exploitation des œuvres cinématographiques, qui lui ont été transférés avant la publication de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

« La société exerce les droits d'exploitation mentionnés au présent IV bis dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits d'auteurs ou de droits voisins du droit d'auteur et de leurs ayants droit. Toutefois, par dérogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, les conditions d'exploitation des prestations des artistes-interprètes des archives mentionnées au présent IV bis et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes, ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes, et la société. Ces accords précisent notamment le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations.

« D. – La société peut passer des conventions avec toute personne morale pour la conservation et l'exploitation des archives audiovisuelles de cette dernière. Elle peut acquérir des droits d'exploitation de documents audiovisuels et recevoir des legs et donations.

« E. – La société est seule responsable de la collecte, au titre du dépôt légal prévu aux articles L. 131-2 et L. 132-3 du code du patrimoine, des documents sonores et audiovisuels radiodiffusés ou télédiffusés ; elle participe, avec la Bibliothèque nationale de France, à la collecte, au titre du dépôt légal, des signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l'objet d'une communication publique en ligne. La société gère le dépôt légal dont elle a la charge, conformément aux objectifs et dans les conditions définis à l'article L. 131-1 du même code.

« F. – La société contribue à l'innovation et à la recherche dans le domaine de la production et de la communication audiovisuelle. Dans le cadre de ses missions, elle procède à des études et à des expérimentations et, à ce titre, produit des œuvres et des documents audiovisuels pour les réseaux actuels et futurs.

« G. – La société contribue à la formation continue et initiale et à toutes les formes d'enseignement dans les métiers de la communication audiovisuelle. Elle assure ou fait assurer la formation continue des personnels des sociétés mentionnées aux articles 44 A, 45 A, 45 et 45-2 de la présente loi et au présent article. » ;

3° L'article 44-1 est ainsi rédigé :

« Art. 44-1. – Pour l'exercice des missions qui leur sont assignées par le présent titre, les sociétés mentionnées aux articles 44 A, 44 et 45 peuvent créer des filiales dont le capital est détenu directement ou indirectement par des personnes publiques.

« Afin de poursuivre des missions différentes de celles prévues par le présent titre, ces sociétés peuvent également créer des filiales dont les activités sont conformes à leur objet social. »

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l'article.

M. Max Brisson. Il est presque dix-neuf heures, et nous n'avons encore examiné qu'un seul amendement…

Mme Monique de Marco. Un amendement essentiel !

M. Max Brisson. Il en reste trois cent trente-deux.

J'ai donc hésité à prendre la parole sur cet article, quand bien même je l'avais demandée, mais au vu du nombre de nos collègues qui ont souhaité le faire, j'ai décidé d'assumer, à moi seul, la diversité des positions… (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Guy Benarroche. Max Brisson est un contre-pouvoir !

M. Max Brisson. J'aimerais vous persuader d'une chose, mes chers collègues, même si je sais que je ne vous convaincrai pas : les sénatrices et les sénateurs du groupe Les Républicains sont très attachés à l'audiovisuel public. (Ah ! sur les travées du groupe SER.) Nous ne voulons pas le détruire, comme vous l'avez affirmé tout du long de vos prises de parole, qui n'ont manifestement d'autre but que l'obstruction ; nous voulons le rénover profondément.

En effet, force est de constater qu'il manque aujourd'hui d'habileté pour s'adapter à certaines mutations. Comme l'a très bien exprimé tout à l'heure Cédric Vial, la mise en œuvre des synergies, qui était attendue, se heurte à la volonté des présidents des différentes sociétés de conserver leur périmètre, réflexe tout à fait classique et intéressant, mais qui empêche actuellement les synergies, chacun défendant son pré carré. C'est bien contre les prés carrés défendus avec obstination par des présidents et des directions que nous essayons d'offrir à l'audiovisuel public l'outil de sa transformation.

Par ailleurs, nous reconnaissons que peuvent parfois se poser des questions relatives au coût de cet audiovisuel public, et qu'on peut y relever certaines pratiques qui s'éloignent quelque peu de la déontologie que l'on est en droit d'attendre de celui-ci.

À notre sens, il ne doit pas être, comme je l'ai entendu affirmer à plusieurs reprises, un contre-pouvoir : il doit plutôt être l'expression de la diversité de la France – diversité sociologique, politique et économique.

M. Max Brisson. Or, comme l'a bien exprimé Mme la ministre il y a un instant, quand on écoute certaines chaînes, on peine désormais à y trouver cette diversité. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Le dire n'est pourtant pas un crime de lèse-majesté, mes chers collègues ! Vous le considérez pourtant comme tel, car vous avez décidé qu'il fallait mettre l'audiovisuel public sous une cloche immunisante.

Pour nous, au contraire, l'audiovisuel public doit se réinventer pour s'adapter aux attentes que la Nation est en droit d'avoir, notamment en matière de déontologie, de programmation et de performance financière. (Marques d'impatience sur des travées du groupe UC.)

La mise en place de la holding est une première étape, qui ne réglera pas tout. Une grande loi aurait certainement été nécessaire, mais nous pensons que la holding sera l'outil de cette réorganisation, qui nous paraît indispensable. (MM. Roger Karoutchi et Antoine Lefèvre applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l'article.

Mme Corinne Féret. L'audiovisuel public a 85 ans et son existence a toujours été un enjeu culturel et démocratique de premier plan. Depuis l'ORTF et sa tutelle étatique sur l'information, jusqu'au démantèlement du monopole par la loi du 7 août 1974, à la privatisation de TF1 et à la sanctuarisation de la concurrence privée en 1986, la place et la vocation de l'audiovisuel public ont toujours dû être âprement défendues.

Je veux insister sur l'importance de l'audiovisuel public pour les enjeux démocratiques dans notre société. Les antennes de France 3 et de France Bleu offrent un maillage territorial sans équivalent, permettant d'apporter à chaque citoyen une information de proximité, attrayante et fiable. À l'heure où l'on assiste à la prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux, ce journalisme de terrain est le meilleur des antidotes pour pouvoir continuer à partager ensemble une même réalité.

Avec cette réforme, les moyens seront moindres sur les territoires que nous représentons. Moins de moyens, cela peut signifier moins de présence sur le terrain, moins d'espace pour relayer les sujets, les débats qui animent nos communes, nos départements et nos régions, moins de temps d'antenne pour que les artistes, les acteurs associatifs, les élus, toutes celles et tous ceux qui font vivre nos communautés puissent s'exprimer et exister.

Ce sont les élus qui le disent, notamment ceux du Calvados : les maires de Saint-Aubin-sur-Mer, de La Cambe, de Cuverville, de Ducy-Sainte-Marguerite, de Mosles, d'Épron, de Fourneville, de Blainville-sur-Orne, de Bernières-sur-Mer, de Ver-sur-Mer, d'Authie, de Louvigny, de Giberville… (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Permettez-moi de poursuivre, mes chers collègues : moi, ces maires du Calvados, je les respecte ! Je les représente dans cet hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Ceux qui le disent, ce sont encore le maire d'Hérouville-Saint-Clair, des adjoints et adjointes aux maires d'Authie, du Molay-Littry, d'Esson et de Falaise, des conseillers municipaux de Cahagnes !

Non, madame la ministre, tous ces élus ne sont pas de gauche ! Je le dis parce qu'il me semble que vous le croyez.

Mme Rachida Dati, ministre. Je n'ai pas dit cela !

Mme Corinne Féret. Tous ne sont pas de gauche, mais tous s'inquiètent pour l'avenir de l'audiovisuel public. Et en tant que sénatrice du Calvados, je pense avoir la légitimité pour porter leur voix quand ils me le demandent.

M. le président. Merci de conclure, ma chère collègue !

Mme Corinne Féret. Permettez, monsieur le président : l'orateur précédent a largement dépassé son temps de parole !

L'audiovisuel public constitue l'un des garants de la vitalité démocratique dans notre pays.

M. le président. Non, madame Féret ! Pardonnez-moi, mais ce n'est pas ainsi que l'on fonctionne ici.

Mme Corinne Féret. Je rappelle qu'en juin 2024 les antennes régionales de France 3 et de France Bleu ont été exemplaires pour organiser les débats pendant la campagne des élections législatives anticipées. (La voix de l'oratrice tend à être couverte par celle de M. le président, qui tente en vain de l'interrompre.)

M. le président. Madame Féret, laissez-moi mener les débats ! Si je reconnais que M. Brisson a dépassé son temps de parole de trente secondes, temps que je vous ai également laissé, vous avez ensuite persisté à parler, dépassant votre temps de parole d'une minute entière !

Mme Corinne Féret. Eh bien, j'ai terminé ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Nous voici obligés d'en revenir à un respect tout à fait strict des temps de parole.

M. Roger Karoutchi. On se croirait à l'Assemblée nationale ! Il faut des sanctions, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l'article, et pour deux minutes !

M. Yan Chantrel. Je vous rassure, monsieur le président : je respecterai mon temps de parole.

Les conditions d'examen de ce texte, que nous sommes nombreux à avoir dénoncées, en disent long sur la conception que certains se font du débat démocratique, conception qui rejoint d'ailleurs la philosophie du présent texte, sur l'idée qui s'y exprime du pluralisme, de ce que devrait être un audiovisuel public réellement indépendant.

Je tiens à le faire remarquer, parce que j'ai aussi entendu certains d'entre vous, mes chers collègues, affirmer que l'Assemblée nationale aurait « renvoyé la balle » au Sénat. Non ! l'Assemblée nationale a manifesté son rejet de ce texte. (M. Max Brisson s'exclame.) Il faut quand même l'entendre. Je sais bien que ce gouvernement a tendance à s'asseoir sur le Parlement, à refuser de l'écouter, à passer en force ; c'est bien ce qu'il entend faire pour ce texte, au moyen de la session extraordinaire actuelle.

Pardonnez-moi, mais quand l'Assemblée nationale dit : « Nous n'en voulons pas ! », le réflexe immédiat ne devrait pas être de lui forcer la main, de courir au Sénat pour y trouver une majorité contre l'autre chambre. Cela n'est pas démocratique ! Votre tentative montre bien l'esprit qui est le vôtre, celui-là même qui s'exprime dans cette réforme.

Ce que vous ne dites pas, madame la ministre, ce que vous n'osez pas dire, M. Brisson le dit pour vous : il a dit et répété, en commission puis, sous une autre forme, aujourd'hui, que, selon lui, ce texte permettait de faire le procès du service public.

M. Max Brisson. C'est faux ! Je n'ai jamais dit cela ! Ne me faites pas dire ce que je n'ai jamais dit !

M. Yan Chantrel. Vous l'avez dit en commission, monsieur Brisson, vous l'avez assumé, en vous faisant le porte-parole de Mme Dati. Ainsi, nous connaissons ses intentions réelles, que vous avez au moins le mérite d'exprimer clairement.

M. Max Brisson. Invention pure !

M. Roger Karoutchi. C'est du mensonge, des méthodes trotskistes pour mettre le bazar !

M. Yan Chantrel. En effet, que se passera-t-il avec la holding, dotée d'un président unique, que crée l'article 1er de ce texte : en cas d'ingérence de l'exécutif, par un simple effet de chaîne hiérarchique descendant vers les rédactions, l'audiovisuel public deviendra un audiovisuel d'État ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les interpellations personnelles sont prohibées par l'article 36 de notre règlement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il faut le dire à la ministre !

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, sur l'article.

Mme Colombe Brossel. Nos débats permettent tout de même d'éclairer la question. Nous sommes ici réunis pour examiner une « PPL Lafon » qui n'est plus du tout celle de M. Lafon,…

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais si !

Mme Colombe Brossel. … avec la mise en place d'une holding exécutive et la concentration des pouvoirs, aboutissant à une transformation radicale de l'audiovisuel public.

Et chaque fois revient par la fenêtre la question du pluralisme. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais je n'ai toujours pas compris en quoi l'organisation de l'audiovisuel public avait le moindre rapport avec le pluralisme. Les avis peuvent diverger, on en débat, la démocratie est utile pour ce faire, mais enfin, croire que la mise en place d'une holding servirait, pour les uns à augmenter le pluralisme, pour les autres à le réduire, ou encore à faire que par magie les jeunes se mettent à regarder la télévision et à écouter la radio… Honnêtement, restons sérieux !

Mais je voudrais justement vous parler de pluralisme. En effet, les menaces que font peser les attaques menées de manière répétée contre nos modèles démocratiques par le biais de la manipulation de l'information et de la désinformation doivent susciter en Europe et au sein des États membres de l'Union un sursaut de défense de nos valeurs démocratiques, en particulier le pluralisme des médias.

Une telle situation s'est produite non loin de chez nous, mes chers collègues : en Hongrie, où le gouvernement Orban, à la suite – j'insiste sur ce point – d'une réforme de l'audiovisuel public, y a de fait mis en place un président de son obédience. Nous ne sommes pas, en France, à l'abri de telles dérives illibérales.

M. Roger Karoutchi. On n'est à l'abri de rien, après vos alliances avec LFI ! C'est n'importe quoi !

Mme Colombe Brossel. Alors, si vous voulez qu'on parle de pluralisme, parlons-en, mais de façon à aller vers plus de démocratie et à rejeter le populisme et l'illibéralisme. C'est bien pourquoi nous combattons cette réforme : tout en faisant appel au pluralisme, vous introduisez le ver dans le fruit.

Pour notre part, au contraire, nous défendons plutôt l'audiovisuel public et sa meilleure organisation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, sur l'article.

M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, faut-il le rappeler, la liberté et le pluralisme des médias constituent un élément essentiel de la démocratie et des droits fondamentaux des citoyens en Europe.

Ces principes sont garantis et contrôlés à l'échelle européenne. Le règlement européen sur la liberté des médias permet notamment de protéger ceux-ci contre les ingérences politiques dans les décisions éditoriales des fournisseurs de médias, tant privés que de service public.