M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Si je comprends bien, les rédactions de Radio France et de France Télévisions seraient, à l’heure actuelle, indépendantes et ne seraient pas soumises à des pressions du pouvoir politique. C’est bien ce que j’ai entendu, n’est-ce pas ? En tout état de cause, pour ma part, je le crois. (Mme Sylvie Robert s’exclame.)
Qu’est-ce que Radio France et France Télévisions aujourd’hui ? Des sociétés détenues à 100 % par l’État, financées quasi exclusivement par la ressource publique et dont le président ou la présidente est nommé par l’Arcom.
Qu’est-ce que France Médias, que nous voulons créer ? Une société détenue à 100 % par l’État, financée quasi exclusivement par de la ressource publique et dont le président ou la présidente sera nommé par l’Arcom.
Dès lors, en quoi changeons-nous la relation entre le pouvoir exécutif et les sociétés éditoriales en créant France Médias ? En rien ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe UC.)
C’est d’autant plus vrai que la « holding » France Médias – je vous prie de m’excuser de ne pas trouver de terme français – n’a pas de pouvoir éditorial, et c’est pour cela que je citais l’avis du Conseil d’État. Elle n’est pas une société éditrice de services.
Il est clairement dit, dans le schéma de la holding France Médias tel que le définit le texte de loi que nous sommes en train d’écrire – et non dans ce que vous entendez ici ou là –, que seules les entités Radio France et France Télévisions auront la capacité de concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radio. C’est là la différence avec la fusion.
En somme, nous ne changeons absolument rien à la situation actuelle ! Nous favorisons les synergies, parce que, M. le rapporteur l’a bien expliqué, les synergies par le bas ne fonctionnent pas.
Chers collègues, tous les risques que vous avez pu décrire pour le respect des équipes éditoriales, du travail et de l’indépendance des médias ne trouvent aucun écho dans la rédaction de l’article 1er tel qu’il a été écrit il y a deux ans et tel qu’il est préservé, à l’identique, dans la version du texte qui nous est soumise aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8, 61 et 220.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 358 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 103 |
Contre | 225 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Lors du scrutin public n° 335 de la séance du 2 juillet 2025 portant sur l’ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, M. Olivier Cadic souhaitait voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
7
Réforme de l’audiovisuel public
Suite de la discussion en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l’Assemblée nationale, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier, l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président. L’amendement n° 298 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, E. Blanc, Dossus, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 44-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 44-… ainsi rédigé :
« Art. 44-…. – La société France Médias est chargée d’assurer la coordination en matière de valorisation numérique et de création de nouveaux contenus exclusivement destinés à la diffusion numérique, de négocier les conditions de diffusion numérique de l’ensemble des programmes produits, d’assurer la protection juridique des personnels et collaborateurs, de produire des études prospectives destinées à anticiper les besoins de formation et d’investissement et d’équipement des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’établissement dénommé Institut national de l’audiovisuel, qui en détiennent la totalité du capital, qui conservent la mission de définir leurs identités éditoriales. Pour l’accomplissement de ses missions, elle bénéficie des moyens mis à disposition par ces sociétés et établissement, au prorata de leur participation, pour conduire ces actions communes. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. L’article 1er de la proposition de loi prévoit la création d’une holding dont les missions sont aujourd’hui insuffisamment claires et entachent le texte d’une incompétence négative du législateur. Les dispositions du nouvel article 44 A, inséré dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication par l’article 1er du présent texte, entrent en contradiction avec les missions décrites à l’article 44 de cette même loi.
Ces imprécisions résultent du double langage et de l’idéologie qui président à cette réforme. L’auteur de la proposition de loi et la ministre de la culture, qui soutient ce texte, justifient la création d’une holding sous le prétexte de renforcer les synergies.
En réalité, les synergies restant à développer et les doublons restant à supprimer sont peu nombreux au regard des réformes déjà imposées. Sur le terrain, les fusions précédentes au sein de France Médias Monde, et à présent au sein d’ICI, ont conduit à la réduction de programmes de radio – média auquel la ministre se dit attachée – et à la disparition d’identités éditoriales, auxquelles les Français sont attachés, ce qui renforce le sentiment d’invisibilisation des territoires dans le débat public.
Cet amendement, constructif, vise à renforcer les sociétés audiovisuelles publiques. Il s’agit, si la création d’une nouvelle entité baptisée France Médias était maintenue, d’en faire un outil réel de coordination dans le contexte d’un bouleversement profond du paysage numérique, caractérisé par l’émergence de plateformes, comme l’a souligné la ministre elle-même.
Il tend à clarifier les missions attribuées à France Médias en lui conférant un rôle de coordination de ce qui peut être réellement coordonné, par exemple la production de nouveaux contenus spécialement créés pour la diffusion numérique.
Il vise enfin à inscrire clairement dans la loi que la définition des identités éditoriales continue de relever de la compétence des sociétés et des établissements historiques, et non de celle de France Médias.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Je vous l’accorde, ma chère collègue, votre amendement est constructif. Pour autant, il ne s’inscrit pas dans l’esprit de ce que nous souhaitons faire. En effet, il vise à conférer une mission de coordination à la holding. Or, pour notre part, nous voulons que celle-ci ait un rôle exécutif et de définition stratégique plus important.
Ainsi, tout en reconnaissant votre état d’esprit constructif et la qualité rédactionnelle de votre amendement, j’émets un avis défavorable à son sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Cet amendement est en effet constructif, mais, pour le motif que vient d’invoquer M. le rapporteur, j’y suis également défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Voyez dans quel moment nous nous trouvons…
M. Lafon et Max Brisson nous ont reproché très élégamment, avant la suspension de séance, de ne pas vouloir voter l’article 1er.
M. Roger Karoutchi. Ça recommence…
Mme Colombe Brossel. Ils arguaient que le débat avait déjà eu lieu il y a deux ans, que le cadre était exactement le même et que l’article 1er était demeuré inchangé.
Au passage, c’est la première fois que j’entends dire, alors que je connais David Assouline depuis plus de trente ans, que les débats étaient plus apaisés en sa présence… (Rires sur diverses travées. – M. Jean-Raymond Hugonet applaudit.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Vous le connaissez bien !
Mme Colombe Brossel. S’il nous écoute, cela lui fera plaisir, mais je ne suis pas certaine que tel était vraiment le cas… On lui transmettra !
En tout état de cause, on le voit bien, l’article 1er n’est plus du tout le même,…
M. Claude Kern. C’est exactement le même !
M. Max Brisson. C’est vous qui avez changé !
Mme Colombe Brossel. … non plus d’ailleurs que l’ensemble de la proposition de loi ; Cédric Vial vient d’ailleurs lui-même de le dire. Nos débats de 2023 ne s’étaient absolument pas déroulés dans le même cadre.
En effet, si la rédaction de l’article 1er est bien la même qu’il y a deux ans, tant que les amendements du Gouvernement n’ont pas été adoptés, le projet prévu est, en revanche, bien différent. C’est la raison pour laquelle nous nous y opposons. Il s’agit en effet non plus d’une holding de coordination, mais d’une holding exécutive.
Or ce projet, que nous dénonçons, est la porte ouverte à la centralisation des pouvoirs : une personne seule décidera et imposera ses décisions à des chaînes de radio et de télévision ayant une identité propre. Pourtant, nous avons besoin de cette complémentarité d’identités.
C’est cette holding exécutive que nous dénonçons. Je remercie donc Cédric Vial d’avoir dit clairement que nous n’examinions pas le même projet qu’il y a deux ans, que nous ne débattions pas de la même proposition de loi. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.
Mme Karine Daniel. Nous allons voter, bien sûr, cet amendement de bon sens.
Vous voulez procéder par étapes, mes chers collègues : la holding serait la première étape de la fusion, cela a été dit précédemment. Nous voudrions, pour notre part, que soit prévue une étape encore antérieure, afin que nous puissions avoir une idée plus claire des champs possibles de meilleure coordination, d’économies et de synergies entre les différents opérateurs ; autant de points sur lesquels nous n’avons pas obtenu de réponses.
Nous souhaitons que l’on s’oriente vers une plus grande coordination, afin que nous puissions évaluer le projet et que vous nous présentiez ces champs de coopération renforcée, sachant que la télévision et la radio ne recouvrent pas les mêmes métiers ; on l’a dit au sujet d’ICI et de France 3.
Une fois encore, nous vous demandons de mieux expliquer quels sont les champs de coordination et de coopération ciblés.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Tout d’abord, le débat d’il y a deux ans n’était pas apaisé ! Pour autant, il était resté technique ; aujourd’hui, il est devenu politique, parce qu’il porte sur la transformation de la holding de coordination, que le président Lafon nous avait présentée, mais qui ne figure pas à l’article 1er – celui-ci traite en effet de l’objet social –, en holding exécutive.
Ce sujet est au cœur de notre débat sur l’audiovisuel public. On ne peut donc pas dire que l’article 1er concerne seulement l’objet social et l’INA, en niant le reste !
Ce projet de holding, M. le rapporteur vient de l’évoquer : donnant son avis sur cet amendement de Mme de Marco visant à conférer une mission de coordination à France Médias, il nous a dit que cela ne correspondait pas au projet, lequel projet consiste à créer une holding pour faire en sorte que les quatre maisons de l’audiovisuel public soient dirigées non plus par des PDG, mais par des directeurs généraux délégués, selon un modèle très éloigné de celui qui était au cœur de nos discussions il y a deux ans.
Soyons tout de même sincères entre nous. (M. Roger Karoutchi rit.) M. Levi a eu raison de dire que nous n’allions pas retrouver la holding qui était envisagée initialement dans les articles de la proposition de loi. Pour autant, nous pouvons débattre de ce projet. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vois que vous discutez, mes chers collègues ; cela tombe bien, nous adorons parler… Mais, soyons sincères, ne nous faites pas croire que le projet qui nous est présenté et celui que nous avions examiné voilà deux ans sont les mêmes !
M. Max Brisson. Le disque commence à être rayé !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 298 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Mme Monique de Marco. C’est de l’obstruction ! (Rires.)
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 359 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 113 |
Contre | 228 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 72, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
chargée
insérer les mots :
, en concertation avec les directeurs généraux délégués des filiales,
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement de repli vise à réduire le caractère exécutif de la holding de l’audiovisuel public et à donner davantage d’autonomie aux sociétés dans la conduite de leur mission de service public en associant, dans chaque société, les directeurs généraux à la politique globale menée par la holding.
Ces directeurs généraux, qui étaient prévus dans la version adoptée en première lecture par le Sénat, ont été rayés d’un trait de plume lors du passage en commission à l’Assemblée nationale. (M. le président de la commission le conteste.) Pourquoi ?
Il est à craindre que la réforme de l’audiovisuel public ne fragilise leur indépendance à l’égard du pouvoir politique. À moins d’un an des élections municipales et à deux ans de l’élection présidentielle de 2027, elle risque de perturber le débat démocratique en affaiblissant l’audiovisuel public. En effet, cette réforme de structure est guidée par un seul objectif : réaliser des économies budgétaires.
L’audiovisuel public français remplirait encore mieux ses missions de service public et réaliserait de meilleures audiences s’il n’avait été amputé de 32 % de son budget depuis 2008, en tenant compte de l’inflation, dont 776 millions d’euros constants depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.
La présence de directeurs généraux au sein de chaque société permettrait de tempérer un peu l’omnipotence du PDG exécutif et assurerait une marche optimale des sociétés ainsi que leur gestion au quotidien. Eux seuls seraient à même de négocier le fléchage des budgets au sein de la holding.
Madame la ministre, vous nous avez parlé de regroupement des forces. Vous avez l’occasion de le mettre en œuvre en émettant un avis favorable sur cet amendement !
Une « supergouvernance » par la holding dissimule en réalité une véritable menace sur l’indépendance de l’audiovisuel public, notamment par rapport au pouvoir politique. Les garanties de neutralité sont en effet remises en cause, pour ne pas dire plus, par la concentration de l’information dans une seule structure. La présence des directeurs généraux dans les instances de définition des orientations stratégiques est donc une nécessité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Mêmes causes, mêmes effets : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Nous défendons cet amendement parce que la réforme prévue pour la gouvernance de l’audiovisuel public soulève de sérieuses inquiétudes, qui portent sur l’indépendance éditoriale et les principes démocratiques.
La présente réforme vise à attribuer des prérogatives exécutives au président-directeur général de la holding, lui octroyant ainsi des pouvoirs de décision et d’action sans précédent. La concentration du pouvoir entre les mains d’une seule personne se ferait au détriment des 16 000 employés, et transformerait les anciennes entreprises ainsi que leurs directeurs en simples exécutants. Cette nouvelle organisation, que nous dénonçons, les priverait de leur autonomie décisionnelle tout en complexifiant les procédures administratives.
Dans son rapport, Laurence Bloch propose d’aller encore plus loin en créant un poste unique de directeur de l’information, qui superviserait l’ensemble des journalistes de la holding, une centralisation du pouvoir inacceptable dans un secteur particulièrement sensible. Confier le contrôle de l’information de tous les médias publics à une seule personne augmenterait considérablement les risques d’ingérence étatique, d’immixtion d’intérêts privés ou de pressions extérieures. En cas d’intervention du pouvoir exécutif, un simple effet de cascade hiérarchique vers les rédactions transformerait l’audiovisuel public en audiovisuel d’État. (M. Roger Karoutchi s’impatiente.)
C’est justement pour mettre fin aux radios et télévisions d’État et à l’emprise politique de l’ère gaulliste que l’audiovisuel public fut divisé en plusieurs sociétés après 1974, sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, à la suite de plusieurs années de vives contestations tant internes qu’externes à l’entreprise.
Plusieurs incidents survenus au cours des dernières années ont déjà mis en lumière la porosité des médias publics aux pressions des groupes conservateurs, au travers de la déprogrammation d’humoristes ou de programmes citoyens. On peut légitimement craindre qu’une centralisation accrue empire cette situation.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 65, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
de définir les orientations stratégiques des
par les mots :
d’organiser la définition des orientations stratégiques du groupe en concertation avec les
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Cet amendement de repli vise à assurer l’équilibre des pouvoirs au sein de la future société France Médias. À défaut de supprimer celle-ci, nous souhaitons limiter le plus possible les effets néfastes de la réforme pour les sociétés et le personnel de l’audiovisuel public.
Il a été répété à l’envi depuis des mois que cette société serait le chef d’orchestre des sociétés de l’audiovisuel public.
M. Max Brisson. C’est vrai !
Mme Colombe Brossel. L’objet de notre amendement – très constructif, là encore – est donc justement d’organiser une véritable « codéfinition » des orientations du groupe et de ses différentes unités.
Notre attachement à la liberté éditoriale et aux caractéristiques propres de chaque groupe de l’audiovisuel public nous fait adopter cette position d’équilibre. La société France Médias serait alors instituée comme une véritable médiatrice entre les différentes composantes de l’audiovisuel public, et non comme une entité qui en chapeauterait les différentes parties. Une telle codétermination des orientations stratégiques nous semble bien plus indiquée pour la gestion du service public de l’audiovisuel que l’introduction d’un mode d’administration managériale qui vise à se rapprocher de la gestion d’une société privée.
Nous craignons qu’une direction exécutive unifiée n’entraîne une dilution de ce qui fait aujourd’hui la spécificité de notre audiovisuel public, sa diversité et les différentes nuances qui la composent.
Le premier objectif affiché par la ministre et par les rapporteurs depuis le début de l’examen de cette proposition de loi en première lecture est la massification : massification des entités, des audiences et, en réalité, bien que ce motif n’ait pas été avoué officiellement, massification des économies.
Les défenseurs de cette proposition de loi se trompent lourdement sur la vocation du service public de l’audiovisuel. Cette vocation est non pas obligatoirement d’être le plus fort, le plus gros, le plus regardé, le plus massif, mais d’abord d’être le plus pluraliste possible. Or ce pluralisme nous semble mieux assuré dans la situation actuelle de l’audiovisuel public que par les termes de la présente proposition de loi.
M. le président. L’amendement n° 64, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
définir
insérer les mots :
et de réviser tous les cinq ans
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Cet amendement a pour objectif d’instaurer une révision quinquennale des orientations stratégiques de la holding de l’audiovisuel public. Il s’agit d’un ajustement essentiel pour garantir une vision cohérente de l’audiovisuel public dans la durée et répondre ainsi aux défis de transformation auxquels sont confrontés les médias publics.
Comme l’a noté récemment la Cour des comptes dans différents rapports relatifs à l’audiovisuel public, le pilotage stratégique du service public audiovisuel souffre aujourd’hui d’un manque de lisibilité, de cohérence et de réactivité, faute d’un État actionnaire stable dans ses orientations et ses arbitrages.
Il faut rappeler que les orientations stratégiques sont certes définies par la holding, mais qu’elles figurent également dans les conventions stratégiques pluriannuelles, définies à l’article 3 – nous y reviendrons –, signées avec l’État. En d’autres termes, l’État est naturellement partie prenante à ces orientations stratégiques.
Or le schéma actuel ne doit pas être amené à se reproduire. Le rejet des derniers contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) par les commissions de la culture des deux assemblées, parce qu’ils ne respectaient nullement la trajectoire fixée, permet de souligner à quel point l’État actionnaire doit redevenir un État stratège en soutien réel de l’audiovisuel public, lequel est devenu un actif stratégique dans le contexte géopolitique actuel.
En prévoyant une révision stratégique tous les cinq ans, notre objectif est aussi d’adapter les médias publics aux mutations numériques, à la révolution induite par l’intelligence artificielle (IA) et à l’évolution des usages. L’accélération des transformations est aujourd’hui radicale. Il est fondamental d’instaurer des « clauses » de revoyure, pour s’assurer de leur alignement avec les priorités de l’État et celles des citoyens.
Enfin, cette révision régulière constituerait, pour le Parlement et les citoyens, un point d’étape démocratique. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle créerait un rendez-vous régulier de réflexion, de débat et d’analyse sur les orientations stratégiques de l’audiovisuel public, renforçant ainsi son appropriation par les citoyens.
M. le président. L’amendement n° 66, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer la première occurrence du mot :
des
par les mots :
de la holding qui sont validées par les
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Cet amendement vise à prévoir que les orientations stratégiques de la holding de l’audiovisuel public seront validées par les conseils d’administration des diverses sociétés qui la composent. À nos yeux, c’est un garde-fou démocratique supplémentaire dans le cadre d’une réforme qui, rappelons-le, suscite de fortes inquiétudes.
Pour notre part, si nous contestons la pertinence même de la création d’une holding, nous considérons, puisqu’il faut en débattre, qu’il convient d’en limiter les effets les plus nocifs pour le pluralisme, l’indépendance et la liberté de programmation des entités existantes.
Toute réforme organisationnelle du service public audiovisuel doit éviter un pilotage trop centralisé qui nuirait à la souplesse des opérateurs et à leur capacité à répondre aux spécificités de leur mission et de leur public. Radio France n’est pas France Télévisions et France Médias Monde n’est pas l’INA !
L’homogénéisation des orientations imposée d’en haut serait une erreur stratégique. Nous ne souhaitons pas que les sociétés de l’audiovisuel public deviennent les filiales passives d’une holding toute puissante qui caporaliserait les médias qui en dépendent. Elles doivent notamment demeurer maîtresses de leur ligne éditoriale et de leur stratégie numérique, même si une coordination peut exister entre les différentes entités pour atteindre des objectifs communs. C’est pourquoi nous souhaitons rééquilibrer les pouvoirs au sein de la holding, en soumettant les orientations stratégiques à l’aval des entreprises qui en relèvent.
D’ailleurs, dans son rapport, Laurence Bloch invite à un dialogue entre le PDG de la holding et les autres entités. Selon elle, la holding doit rester « une ombrelle juridique dans laquelle doit s’inscrire un dialogue permanent entre le PDG responsable des grands axes de la stratégie et les directeurs généraux délégués, professionnels du secteur en mesure de trouver les meilleurs chemins éditoriaux pour mettre en œuvre les principes stratégiques ». Or la structuration de ce dialogue est inexistante dans le présent texte. La gouvernance, telle qu’elle est matérialisée,…