M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’aborder nos travaux, je souhaite rendre hommage à votre collègue Gilbert Bouchet, dont nous avons appris le décès ce matin.
Gilbert Bouchet s’est courageusement battu contre la maladie de Charcot, et nous avons tous en mémoire son engagement pour améliorer et faciliter la vie des malades.
Ces derniers mois, il avait réussi à faire adopter une proposition de loi pour que la vie des patients atteints d’une maladie neuro-évolutive ne soit plus un parcours du combattant. Nous garderons le souvenir d’un homme de conviction et de courage, qui a su faire avancer la cause de milliers de malades.
Un objectif commun nous réunit ce soir : améliorer la formation et l’entrée des jeunes dans les études de santé. C’est évidemment un enjeu fondamental pour la réussite de milliers d’étudiants, mais aussi pour l’amélioration continue de l’accès aux soins dans nos territoires, une question sur laquelle je sais combien vous êtes engagés.
L’examen de cette proposition de loi, comme vous le savez, s’inscrit dans un contexte de concertation et de travaux préparatoires. Le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace et moi-même avons lancé ce matin la concertation portant sur la première année des études de santé.
Je veux saluer néanmoins une initiative bienvenue : l’auteure de la présente proposition de loi a parfaitement saisi les enjeux importants d’ajustement de la réforme engagée en 2019.
Cette réforme, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteure, a ouvert un chemin et posé plusieurs principes.
Chacun reconnaît que, en supprimant la première année commune aux études de santé (Paces) et le numerus clausus, nous avons tourné la page d’un système totalement anachronique et insoutenable, tant pour les étudiants eux-mêmes que pour notre système de santé.
La réforme a ainsi permis la création de deux voies d’accès distinctes au premier cycle des études de santé : le Pass d’une part, avec une majeure santé et une mineure hors santé, et la LAS d’autre part, avec une majeure hors santé et une mineure santé. S’il reste beaucoup à faire sur la première année, reconnaissons que cette réforme a permis une diversification des profils et mis fin à un véritable gâchis humain. Je veux parler de ces étudiants qui, par milliers, ne réussissaient pas leur entrée en études de santé.
En dehors de la première année, la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi OTSS, a réorganisé l’accès au troisième cycle des études médicales.
Les modalités d’admission aux spécialités ont été revues pour mieux articuler les compétences, les souhaits des étudiants et les besoins du système de santé, auxquels le Sénat témoigne, je le sais, un attachement bien légitime.
Depuis 2019, les évolutions législatives qui se sont succédé ont porté à la fois sur l’entrée dans les études de santé et sur les formations en santé de manière globale.
Pour ne citer que deux exemples, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a créé une quatrième année d’internat de médecine générale, tandis que la loi du 25 janvier 2023 visant à faire évoluer la formation de sage-femme, dite loi Chapelier, a notamment créé un troisième cycle d’études de maïeutique.
Dans ce cadre, de nombreux travaux d’évaluation, auxquels j’ai pu participer en tant que parlementaire, ont été conduits. Ils doivent désormais nous permettre d’identifier les évolutions nécessaires.
J’en viens plus concrètement aux mesures envisagées dans la présente proposition de loi. Celle-ci soulève trois enjeux clefs : l’amélioration de l’orientation et de l’entrée dans les études de santé, le renforcement de la formation et de l’encadrement pendant ces études et le rapprochement entre la formation et les besoins de santé des territoires.
Dans son article 4, le texte prévoit une régionalisation de l’affectation en internat de médecine. Bien sûr, le Gouvernement ne peut que souscrire à cette approche. Pour autant, j’appelle votre attention sur les risques qu’il y aurait à complexifier encore un circuit déjà complexe et à imposer de manière trop coercitive des choix aux étudiants.
L’objectif évoqué plus haut est d’ailleurs satisfait : si les situations varient selon les territoires, une majorité d’étudiants font déjà le choix naturel d’effectuer leur troisième cycle dans le territoire dont ils sont issus.
Enfin, les nombreux travaux qui sont en cours devraient apporter de la lisibilité aux jeunes qui sont actuellement en formation ou qui le seront prochainement.
Dans son article 5, la proposition de loi prévoit la création et l’homogénéisation du statut de maître de stage universitaire (MSU) pour les filières médicale, pharmaceutique, maïeutique et de chirurgie dentaire.
Cette évolution souhaitée par tous les acteurs constitue une mesure juste pour les professionnels qui s’investissent dans l’encadrement des stages. Elle représente au passage un coût de plusieurs millions d’euros en supplément de l’investissement déjà réalisé sur les formations bénéficiant déjà de ce statut.
Enfin, dans son article 6, le texte vise à faciliter la mise en œuvre de la réforme de la quatrième année de médecine générale. Il prévoit à titre transitoire un statut particulier pour l’accueil des internes dans des lieux de stage où exercent un ou plusieurs médecins dits accueillants. Ce statut sera accordé après déclaration à l’agence régionale de santé (ARS) du territoire.
Le Gouvernement salue l’évolution apportée par la commission visant à rendre facultative la formation de maître de stage universitaire dans le cadre de la quatrième année de médecine générale. Les travaux menés depuis deux ans sur cette année sont bien avancés, et j’aurai l’occasion, avec mon collègue le ministre Philippe Baptiste, d’y revenir rapidement.
En conclusion, je tiens à saluer la capacité de la Haute Assemblée à s’emparer avec justesse de questions aussi cruciales pour l’avenir de milliers d’étudiants et pour l’amélioration de l’accès aux soins dans nos territoires.
Comme je l’ai indiqué, nous avons lancé ce matin avec l’ensemble des acteurs concernés une concertation sur la réforme de la première année des études de santé. En fonction du calendrier parlementaire, le Gouvernement poursuivra volontiers ses échanges avec le Sénat, afin d’aboutir au modèle de formation qui réponde du mieux possible aux enjeux de l’accès aux soins. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entamer mon intervention, je veux m’associer à l’hommage rendu au sénateur Gilbert Bouchet, dont la mort nous a tous émus.
Les enjeux scientifiques autour des progrès thérapeutiques qui restent à accomplir sur cette maladie demeurent entiers et nécessitent la mobilisation de tous.
Garantir l’accès à des professionnels de santé bien formés partout sur le territoire est une ambition que nous partageons tous. Je sais l’importance qu’accorde votre assemblée à l’équilibre des territoires, de manière générale et, en particulier, dans ce domaine.
Les modalités de recrutement et de formation des étudiants en santé ont des conséquences déterminantes sur l’activité des professionnels de santé, en ce qui concerne aussi bien leur spécialité que leur lieu d’exercice.
Comme cela a été rappelé, les études de santé ont fait l’objet de nombreuses réformes au cours de ces dernières années. Ces réformes étaient devenues nécessaires en raison des limites objectives de l’ancien modèle d’accès aux études de santé et de ces études elles-mêmes.
Force est de constater, d’une part, qu’elles ont eu parfois des résultats indésirables, et, d’autre part, qu’il reste encore beaucoup à faire pour répondre aux besoins des jeunes qui s’engagent dans cette voie, mais aussi aux besoins des territoires et du système de santé dans son ensemble.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui part d’un constat que je partage. Elle vise à apporter des ajustements, notamment sur le dispositif d’entrée dans les études de médecine, de maïeutique, d’odontologie, de pharmacie et de kinésithérapie. Elle veut aussi répondre à un impératif d’équité territoriale pour le recrutement et la répartition des étudiants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons le même objectif : améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens. La ministre de la santé Stéphanie Rist et moi-même avons fait le choix d’être présents, ensemble, au banc du Gouvernement aujourd’hui pour apporter notre vision partagée sur ce texte. C’est aussi une manière de montrer que, sur de tels sujets, les avancées ne sont possibles que si les deux ministères travaillent main dans la main.
Comme je le disais, nous héritons d’une situation qui a vu disparaître une organisation critiquée, à juste titre, pour un nouveau système dont nous voyons désormais les limites.
Revenons un instant en arrière. Nous ne pouvons que nous réjouir de la suppression de la fameuse Paces. Elle était extraordinairement déterministe socialement et conduisait à de très nombreuses situations d’échec individuel pour des étudiants souvent méritants.
Avec la réforme dite Pass-LAS, les chances d’accès aux études de santé ont connu une amélioration significative. Le nombre de places ouvertes a augmenté, en particulier en médecine – 11 000 par an actuellement, contre 8 700 en 2017 – sans que le niveau d’exigence soit pour autant abaissé.
L’augmentation des capacités d’accueil en premier cycle a permis d’améliorer le taux d’accès en médecine, maïeutique, odontologie ou pharmacie. Celui des néo-bacheliers est passé de moins de 20 % à près de 30 %. Le nombre de redoublements a par ailleurs considérablement chuté.
À l’époque de la Paces, près de quatre étudiants sur cinq devaient passer par une deuxième première année. Aujourd’hui, plus d’un néo-bachelier sur deux accède à une année supérieure. Le nouveau système a enfin permis une meilleure diversification des profils, en tout cas dans les parcours LAS.
Toutefois, il ne suffit pas de reconnaître l’erreur pour trouver la vérité. Force est de constater que le système mis en place en 2020 ne donne pas pleinement satisfaction.
Nous devons, c’est très clair, sortir de la trop grande complexité du modèle actuel, qui nuit évidemment aux étudiants et à leur famille, mais aussi aux établissements universitaires.
Face à ce constat que nous partageons vous et moi avec l’ensemble des acteurs de la formation aux études de santé – présidents d’universités, doyens, organisations syndicales –, j’ai voulu agir en faveur d’une simplification du système, en accord et en lien, évidemment, avec le ministère de la santé.
Le grand principe sur lequel nous nous focalisons est celui d’une première année d’accès aux études de santé simplifiée, dans un modèle harmonisé sur tout le territoire.
La convergence entre le Pass et la première année de LAS permet d’envisager une première année de licence comportant deux blocs, la santé, d’une part, une autre discipline universitaire, d’autre part, et de maintenir quelques-uns des principes de la réforme de 2020.
À cet égard, l’article 1er de la proposition de loi s’inscrit totalement dans cette démarche. Les disciplines enseignées doivent contribuer à la réussite dans les études de santé, mais aussi dans d’autres parcours de formation de l’enseignement supérieur.
Les disciplines utiles aux futurs professionnels de santé sont nombreuses, mais elles n’ont pas toutes la même importance. Le système actuel a été bien trop permissif, en raison aussi, probablement, de la trop grande créativité de nos universités (Sourires au banc des commissions.). Il faut donc limiter le champ des possibles.
Offrir un accès aux études dans chaque département est également un objectif que le Gouvernement souhaite atteindre dans le cadre du pacte de lutte contre les déserts médicaux. À la rentrée universitaire 2025, vingt-cinq départements étaient en effet dépourvus d’une formation permettant l’accès aux études de médecine.
L’accès aux études de santé est aussi une question d’attractivité : certaines professions suscitent moins d’envie que d’autres, en tout cas avant le début des études.
Le besoin en pharmaciens est ainsi bien établi, et nous partageons à cet égard l’objectif qui sous-tend l’article 2 de la proposition de loi.
Si la filière ne parvient pas à remplir toutes les places qu’elle offre, soulignons toutefois que la situation s’est considérablement améliorée (Mme et M. les rapporteurs acquiescent.), sous l’effet notamment des actions de communication menées efficacement par la profession, les universités et l’Ordre des pharmaciens.
Ainsi, selon la dernière enquête de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), plus de 60 % des étudiants en pharmacie ont choisi cette filière en premier vœu. Or ils n’étaient que 40 % du temps de la Paces.
La simplification et la territorialisation de l’accès aux études de santé devraient aussi contribuer à augmenter les flux d’étudiants. Sur cette question, comme pour la révision du dispositif Pass-LAS, il me semble important et nécessaire d’associer toutes les parties prenantes à l’évolution du schéma de formation.
Une concertation conduite par les directions centrales avec l’appui des inspections générales des deux ministères a d’ailleurs été lancée ce matin même. L’idée est d’aboutir à un modèle finalisé et à une mise en œuvre au plus tard à la rentrée 2027. Il est essentiel de laisser du temps à cette concertation, qui, pour la première fois, rassemble l’ensemble des acteurs concernés.
L’article 3 de la proposition de loi prévoit de généraliser l’expérimentation des options santé dans les lycées à l’ensemble des territoires sous-denses.
Cet élargissement est conforme aux engagements du pacte de lutte contre les déserts médicaux. Il est judicieux, à condition évidemment de respecter les capacités des établissements et les choix stratégiques des acteurs territoriaux, notamment des collectivités, et d’accompagner ce déploiement dans le temps en fonction des résultats observés dans les territoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez : nous partageons le même objectif d’amélioration de notre système de santé, qui passe en particulier par la formation des futurs professionnels. Je connais votre mobilisation constante sur le sujet et je souhaitais profiter de l’occasion pour vous en remercier.
Je veillerai particulièrement à ce que les mesures proposées répondent véritablement au but visé et à ce que les travaux menés dans le cadre de la concertation lancée ce matin soient pleinement utiles. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, voilà tout juste un an, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky était à l’initiative d’un débat organisé ici même sur la nécessité de former davantage de médecins et de soignants.
J’étais notamment intervenue pour dénoncer la « mise en œuvre chaotique », pour reprendre les termes de Sonia de La Provôté, de la réforme des études de santé, ainsi que l’insuffisante diversification des profils des étudiants en santé.
J’avais aussi rappelé les difficultés suscitées par la plateforme Parcoursup et déploré le doublement du taux d’abandon des étudiants en soins infirmiers.
J’avais encore insisté sur la nécessité de démocratiser l’accès aux études de santé : plus il y aura de jeunes médecins issus des quartiers populaires ou des zones rurales, moins ils verront d’obstacles à s’y installer.
La proposition de loi présentée par la majorité sénatoriale s’inscrit dans cette démarche. Je me félicite d’autant plus de son examen que l’accès aux soins ne cesse de se dégrader.
Voilà quelques jours, en effet, le journal Les Échos alertait, chiffres de l’assurance maladie à l’appui, sur le recul en 2024 du nombre d’installations de médecins généralistes, précisément dans les zones où il en manque déjà le plus.
Cette situation nous conforte dans l’idée que les propositions du précédent gouvernement et de la majorité sénatoriale visant à organiser des missions de solidarité à la carte pour un nombre bien insuffisant de nos bassins de vie restent de trop modestes rustines face à l’avancée des déserts médicaux.
La régulation de l’installation des médecins, le rétablissement des gardes le soir et le week-end (Mme la ministre sourit.), ainsi que, évidemment, l’augmentation des professionnels formés sont, en revanche, de nature à corriger des inégalités devenues particulièrement insupportables pour nos concitoyens, à juste titre.
Cette proposition de loi vise à refondre le dispositif Pass-LAS en une formation universitaire de licence unique dont une première année serait ouverte dans chaque département.
Elle prévoit également d’affecter deux tiers des étudiants accédant au troisième cycle dans la région dans laquelle ils auront validé leur deuxième cycle. Nous y sommes favorables, à condition que cela se traduise concrètement dans le budget des universités. Nous avons évidemment des interrogations à ce sujet dans le contexte actuel d’austérité budgétaire.
L’intégration de la filière de massokinésithérapie dans les études de santé est une revendication ancienne des étudiants. Elle exige également des financements supplémentaires si l’on veut garantir une qualité de formation face aux instituts privés dont les frais s’élèvent parfois à plusieurs milliers d’euros par an.
L’expérimentation de l’admission directe d’étudiants en premier cycle de pharmacie via Parcoursup nous interroge. Certes, de très nombreuses places sont restées vacantes ces dernières années dans cette filière, mais cette deuxième voie répondra-t-elle réellement aux difficultés rencontrées par les étudiants ?
Je suis sceptique, d’autant que je ne vois pas bien comment pourront coexister les Pass et la première année de pharmacie, ni quelle sera la cohérence pédagogique de la deuxième année. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
L’ancien président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, également doyen de la faculté de médecine de Rouen, expliquait clairement que, pour former plus d’étudiants, il fallait davantage de professeurs, de maîtres de conférences, de professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) ou encore de chefs de clinique.
Certains de ces postes, je tiens à le souligner, sont d’ailleurs parfois financés par des collectivités. En la matière, monsieur le ministre, nous avons besoin du soutien de l’État.
Nous sommes par ailleurs d’autant plus favorables à la généralisation des options santé dans l’ensemble des lycées des zones sous-denses que nous avions proposé une mesure similaire lors de l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires.
Encore faut-il qu’une palette large d’enseignements de spécialité soit proposée aux lycées des zones sous-denses. Je pense particulièrement aux villes moyennes, où l’éventail de ces enseignements est souvent plus réduit.
Quant au stage de quatrième année d’internat effectué dans les déserts médicaux, loin des maîtres de stage, il risque de dégrader encore la qualité de l’encadrement des étudiants.
C’est d’ailleurs là l’angle mort principal de ce texte : il ne prévoit nullement d’améliorer les conditions d’études et de rémunération des filières de santé. C’est pourtant déterminant à nos yeux, la difficulté et la longueur du cursus conduisant souvent ensuite les jeunes médecins à refuser toute contrainte.
En conclusion, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky partage les objectifs de ce texte, tout en étant sceptique sur un certain nombre de ses mesures. Sa position – il s’agira soit d’un vote favorable, soit d’une abstention – sera fonction du sort qui sera réservé aux différents amendements.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, j’adresse tout d’abord mes félicitations à Mme Stéphanie Rist pour sa nomination comme ministre de la santé. Je suis convaincue que nous travaillerons bien ensemble, du moins je l’espère.
Je tiens également à remercier Mme Corinne Imbert d’avoir présenté cette proposition de loi relative aux formations en santé, ainsi que M. Khalifé Khalifé et Mme Véronique Guillotin de la richesse de leur rapport.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires considère que ce texte est franchement une très bonne nouvelle. Toutefois, on ne pourra pas traiter les difficultés constatées dans les formations de santé sans inscrire sérieusement dans la loi de finances les dépenses afférentes nécessaires ni revenir sur les causes profondes les ayant provoquées.
L’égal accès aux soins constitue l’un des piliers de notre démocratie, mais ce principe est malmené chaque jour un peu plus.
En France, la première cause des difficultés d’accès aux soins est le manque de personnel de santé. Ce déficit est doublement alimenté par le financement insuffisant de notre système de santé publique – songez aux hôpitaux ! – et par une diminution de l’attractivité des métiers de la santé.
C’est ce déficit qui déséquilibre de facto l’ensemble du système. En ce sens, ouvrir des formations en santé adaptées aux besoins des étudiants et des étudiantes, ainsi qu’aux problématiques d’inégalité territoriale, constitue un objectif central.
Face à l’amplification des déserts médicaux et au vu du nombre de Françaises et de Français – deux tiers ! – qui déclarent avoir renoncé à un acte de soins au cours de ces cinq dernières années, nos ambitions doivent être à la hauteur.
Cette proposition de loi répond à différentes problématiques identifiées.
La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a introduit le dispositif Pass-LAS, qui était au départ une bonne idée. L’ambition était noble : démocratiser l’accès aux études de santé et mettre fin à l’injuste et persistant tri social de la Paces. Cette loi a constitué – chacun le voit bien – un véritable échec ; même la Cour des comptes le dit.
En effet, l’inscription en LAS est subie dans 53 % des cas. Après la première année, parmi les étudiants intégrant les filières médecine, maïeutique, odontologie ou pharmacie, seuls 19 % sont issus de milieux défavorisés.
Le groupe écologiste soutient la fusion des deux dispositifs Pass-LAS pour plusieurs raisons : renforcer la discipline scientifique pour tous ; en finir avec un double cursus qui est souvent absurde et qui n’offre pas de remise à niveau scientifique pour ceux qui en ont besoin ; enfin, intégrer la formation de masseur-kinésithérapeute à cette première année. C’est une mesure consensuelle, attendue par les différents syndicats étudiants et que nous portons depuis deux ans.
De même, étendre l’expérimentation de l’option santé proposée dans les lycées sur l’ensemble du territoire semble plus qu’opportun.
Pour autant, alors qu’un rapport de l’Assemblée nationale évoque les limites du dispositif, en particulier le manque de moyens pour assurer les heures, il apparaît indispensable d’en évaluer l’efficacité et, surtout, d’attribuer des moyens suffisants. Il va falloir en parler à votre collègue, madame la ministre, car c’est une condition sine qua non de la réussite de ce dispositif.
Quelques manques sont cependant à noter en ce qui concerne cette proposition de loi.
Vous le savez peut-être, les écologistes soutiennent la création d’écoles normales des métiers de la santé. De telles écoles auraient un double objectif : lutter efficacement contre les déserts médicaux et assurer la diversification sociale des études médicales et paramédicales.
Nous regrettons également qu’il ne soit pas fait mention dans les formations initiales de la question de la santé environnementale. S’occuper de cette question répond aussi à un objectif d’économies.
Enfin, je tiens à rappeler que ces réformes, bien qu’elles soient nécessaires, ne se feront pas par cette simple proposition de loi. Sans financement significatif, la perte d’attractivité des métiers de la santé ne cessera d’augmenter, et avec elle les fermetures de lits hospitaliers.
Or le Gouvernement nous propose un projet de loi de financement de la sécurité sociale avec un Ondam à 1,6 %, ce qui représente en vérité, selon le Haut Conseil des finances publiques, 7 milliards d’euros d’économies par rapport à son évolution tendancielle.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Anne Souyris. En conclusion, nous soutenons les avancées proposées par le texte. Cependant, nous continuerons inlassablement de défendre une politique budgétaire digne des défis auxquels le système de santé se heurte.
Le groupe écologiste votera donc cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, tel l’enfer, la réforme de 2019 était pavée de bonnes intentions. Elle devait permettre plus de diversité et moins d’échecs.
Finalement, le constat est sévère. Personne ne comprend rien à cette usine à gaz. Les inégalités persistent et s’aggravent. L’opacité du système nourrit l’angoisse et les frustrations, affaiblit l’attractivité de certaines filières et alimente les départs à l’étranger, souvent en Espagne ou en Belgique.
La filière odontologie, que je connais bien, bat tous les records : plus de 50 % des chirurgiens-dentistes en France ont un diplôme étranger. On marche sur la tête, surtout quand on sait que certaines universités privées européennes ne font pratiquement aucune sélection à l’entrée – hormis éventuellement le bulletin de salaire des parents… – et n’offrent aucune formation clinique à leurs étudiants. Nous livrons donc nos concitoyens à des praticiens mal préparés à exercer.
Notre profonde inquiétude, de surcroît, est que l’effet se fait déjà sentir sur le vivier des professeurs d’université. Le risque, à terme, est que le niveau de la recherche universitaire et de l’enseignement supérieur s’effondre en France dans cette discipline.
Ce n’est donc pas seulement un échec universitaire et un gâchis humain. C’est aussi une inquiétante fragilisation de notre souveraineté, avec la perspective que, demain, la France ne soit plus capable de former les soignants dont elle a besoin.
Il fallait donc remettre un peu de cohérence et de lisibilité dans cet édifice, et je tiens vraiment à remercier notre collègue Corinne Imbert et les rapporteurs, en particulier Véronique Guillotin, que je salue. Il ne suffisait pas de connaître le sujet, encore fallait-il s’en emparer. Connaissant par ailleurs, madame la ministre, votre volonté et votre pragmatisme, je me réjouis de cette avancée décisive. Monsieur le ministre, je vous associe évidemment à cet enthousiasme.
Venons-en au texte.
Organiser une première année dans chaque département est une bonne idée. Quand on a connu les amphithéâtres bondés, la guerre des places, les difficultés à se loger, le coût des trajets, cela peut constituer une solution pour pacifier cette année de concours et lutter contre l’autocensure de ceux qui, faute de moyens ou d’accompagnement, n’osent pas s’engager dans des études longues et exigeantes.
Reste qu’il faut que cela soit techniquement possible et que des moyens soient alloués aux universités. Voilà une vraie politique d’aménagement du territoire qui relève non pas seulement de l’enseignement supérieur, mais aussi de nos politiques en faveur de la ruralité et de la cohésion des territoires.
L’article 2, en expérimentant l’admission directe en pharmacie, répond là aussi à une urgence. Depuis trois ans, la filière est en souffrance. Ce recul fragilise nos territoires. Perdre notre maillage officinal, cette épine dorsale de notre système de santé à travers tous les cantons de France, serait dramatique.
L’article 3, quant à lui, étend à l’ensemble du territoire l’expérimentation de l’option santé dans les lycées. C’est une grande fierté pour moi, parce que cette idée avait germé dans la tête du président de communauté de communes que j’étais il y a quelques années : nous avions créé une première option au lycée Jean Lurçat de Saint-Céré avec l’aide active du proviseur et du corps enseignant.
Là encore, il s’agissait de réveiller l’ambition du monde rural et de susciter les vocations, car les lycéens issus de ces territoires sont évidemment les plus susceptibles d’y revenir un jour. Voir ce dispositif étendu à l’échelle nationale en raison de son succès est une fierté et une satisfaction.
L’article 4, en revanche, appelle à la prudence. La territorialisation du troisième cycle part d’une bonne intention ; il ne faut toutefois pas perdre de vue que nous parlons de recherche et de spécialités pointues. Un troisième cycle peut légitimement exiger que l’on aille se former loin de chez soi pour acquérir des compétences rares.
Enfin, ce texte répare une injustice ancienne, celle qui avait été faite aux maîtres de stage, ces formateurs de terrain sans lesquels les études médicales ne seraient qu’une coquille vide.
En somme, ce texte rapproche la formation du terrain et aspire à faire de chaque région une terre d’avenir médical. Il s’inscrit dans notre vision de la République, celle qui recherche toujours l’égalité sociale et territoriale, celle qui croit au progrès et au terrain. En ce sens, ce texte rejoint les valeurs du groupe du RDSE, qui le votera au nom d’une République du soin, fondée sur la proximité, la confiance et la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)