Présidence de M. Gérard Larcher
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Hommage à d'anciens sénateurs
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Joël Bourdin, sénateur de l'Eure, Gisèle Printz, sénatrice de la Moselle, et Daniel Hoeffel, sénateur du Bas-Rhin, qui fut vice-président de notre assemblée. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)
Professeur d'économie, élève de l'ancien Premier ministre Raymond Barre, Joël Bourdin fut recteur de l'académie de Rouen. Maire de Bernay en 1983, fonction qu'il occupera pendant près de vingt ans, il fut conseiller général de l'Eure et vice-président de cette assemblée.
Sénateur de l'Eure de 1989 à 2014, il siégea au sein du groupe des Républicains Indépendants, puis du groupe UMP. Joël Bourdin fut membre de la commission des affaires culturelles de 1989 à 1995, puis de la commission des finances, dont il deviendra vice-président en 2004. Il sera président de la délégation sénatoriale à la prospective en 2011.
Son dévouement et son soutien inconditionnel aux plus vulnérables laisseront une empreinte dans notre assemblée.
Militante associative puis syndicale, avant de s'engager en politique au sein du parti socialiste, Gisèle Printz fut conseillère générale de la Moselle. Son engagement en faveur de la cause des femmes marquera l'ensemble de sa carrière ; nous nous en souviendrons ce soir, à l'occasion d'une réunion particulière.
Sénatrice de la Moselle de 1996 à 2014, elle fut membre de la commission des affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes, dont elle sera vice-présidente.
Grand serviteur de l'État, Daniel Hoeffel fut secrétaire d'État auprès du ministre de la santé et de la famille de 1978 à 1980, ministre des transports de 1980 à 1981, et ministre chargé de l'aménagement du territoire et des collectivités locales de 1993 à 1995.
Figure emblématique de la vie politique alsacienne, président du conseil général du Bas-Rhin, Daniel Hoeffel fit son entrée au Sénat en 1977. Il fut membre du groupe Union centriste des démocrates de progrès (UCDP), puis du groupe Union Centriste (UC), dont il devint président en 1986.
Membre éminent de la commission des lois, il fut un ardent défenseur de la décentralisation. Il fut vice-président du Sénat de 2001 à 2004.
Écouté et respecté de tous ses collègues, Daniel Hoeffel marqua profondément notre assemblée de sa rigueur et de sa droiture. Je me souviens de l'avoir vu présider dans cet hémicycle. Demain, une messe d'action de grâce sera célébrée en son souvenir en l'église Saint-Thomas de Strasbourg, et notre collègue Claude Kern y représentera le Sénat.
Au nom du Sénat tout entier, je veux présenter nos condoléances les plus attristées aux familles de nos collègues disparus. En leur mémoire, je vous propose d'observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, observent une minute de silence.)
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole. La conférence des présidents l'a encore rappelé la semaine dernière : ce temps de parole est de deux minutes, tant pour les sénateurs que pour le Gouvernement. Le Premier ministre bénéficie à cet égard d'un avantage particulier – il peut intervenir ad libitum –, dont il n'abusera cependant pas.
politique de la ville
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre de la ville et du logement, mes chers collègues, le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, perdaient leur vie, à peine commencée, dans un transformateur électrique de leur cité. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) J'ai une pensée aujourd'hui pour eux et pour leurs familles.
Ce drame entraîna un affrontement violent entre des habitants du quartier et les forces de police.
Depuis vingt ans, d'autres manifestations du même type ont eu lieu, dont celles de 2023, avec onze jours d'émeutes et de grands dégâts dans de nombreuses communes.
L'analyse de ces faits ne saurait être circonscrite, comme c'est – hélas – souvent le cas, à la question sécuritaire. Je rappelle ici que Zyed et Bouna n'avaient rien fait de répréhensible.
Dans le cadre de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) nous alerte sur les crédits de renouvellement urbain qui font défaut depuis plusieurs mois. Les acteurs, souvent associatifs, qui agissent au cœur de ces quartiers doivent aussi être soutenus davantage.
En définitive, de manière variable d'un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) à l'autre, l'action menée depuis 2017 n'est souvent pas à la hauteur des attentes légitimes de nos concitoyens concernés.
Monsieur le ministre, sur quels points entendez-vous agir en priorité pour que nos concitoyens vivant dans ces quartiers se sentent membres à part entière de la communauté nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville et du logement.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Montaugé, je vous remercie pour votre question, qui prend un relief particulier en ce triste anniversaire des vingt ans des émeutes de Clichy-sous-Bois et du drame que vous avez évoqué.
Cette question me permet en effet de rappeler la volonté du Gouvernement d'être aux côtés des 6 millions de Françaises et de Français qui vivent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et auxquels on doit la même égalité des chances et la même promesse républicaine.
Cela signifie que nous devons soutenir l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui accomplit un travail formidable afin que ces quartiers retrouvent un visage dont leurs habitants puissent être fiers.
Nous devons, en outre, soutenir tous les dispositifs relevant de la politique de la ville.
J'exprimerai mon attachement à cette politique le plus simplement possible : sans celle-ci, sans l'aide qu'elle a représenté pour ma famille, qui nous a élevés, mon frère et moi, dans les QPV de la commune de L'Haÿ-les-Roses, je ne me trouverais pas aujourd'hui devant vous.
Mais être attaché à la politique de la ville ne signifie pas que l'on ne puisse pas la rationaliser dans certains endroits pour la rendre encore plus efficace dans d'autres, car elle est évolutive.
Puisque nous sommes, j'y insiste, très attachés à cette politique, nous soutiendrons tout ce qui ira dans le bon sens, en donnant une espérance et des chances à tous les habitants de ces quartiers.
Le comité interministériel des villes (CIV) a réuni tous les partenaires – élus locaux, collectivités, services de l'État, associations, habitants et entreprises. Il en est ressorti quarante-trois mesures.
J'en prends l'engagement devant vous, nous assurerons un suivi de la mise en place de ces mesures, et notamment de l'une d'entre elles qui me tient particulièrement à cœur : le renforcement de la relation entre la police et la population. Nous doublerons ainsi le nombre de délégués à la cohésion police-population (DCPP). Nous veillerons également à assurer la tranquillité publique et la sécurité de ces habitants, ce qui est le préalable fondamental de toutes les autres propositions.
M. le président. Il faut conclure.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Vous pouvez compter sur mon engagement en faveur de ces quartiers et des 6 millions de Français qui y habitent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, en tout état de cause, la ségrégation spatiale n'est pas admissible. Où que ce soit sur le territoire national, il ne doit pas y avoir de citoyens de seconde zone.
L'égalité républicaine effective doit demeurer un objectif majeur. A minima, le développement du droit commun permettant un égal accès aux services publics doit être votre priorité.
Je crois aussi que le Gouvernement devrait valoriser positivement ces quartiers (M. Stéphane Ravier s'exclame.), ce qui n'est pas le cas.
Du fait de leur travail, qui est souvent de première ligne – je tiens à le rappeler –, l'apport de leurs habitants à la vie nationale est considérable. Ne parlons pas seulement de ces quartiers lors des situations de crise. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
effort financier inédit demandé aux collectivités territoriales dans le projet de loi de finances
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour le groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky.
Mme Marie-Claude Varaillas. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Le projet de loi de finances pour 2026 impose aux collectivités territoriales un effort budgétaire sans précédent, pouvant atteindre 8 milliards d'euros une fois consolidées toutes les mesures directes et indirectes qui les affectent.
Alors que leur dette ne représente que 8 % de la dette publique nationale, cette année encore, elles vont subir : la réduction de la compensation des impôts économiques supprimés, le resserrement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), le gel de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la baisse du fonds vert et l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).
Pire encore, le montant du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), instauré l'an passé, sera doublé pour être porté à 2 milliards d'euros, ce qui multipliera par deux le nombre de collectivités concernées. Au travers de ce dispositif, l'État puise dans les comptes des collectivités pour alimenter sa trésorerie, alors que nous savons quel rôle primordial elles jouent dans l'investissement public. Il y a plus grave : les contributions ne seront reversées que si, globalement, l'évolution des dépenses est inférieure à l'inflation pour l'ensemble des collectivités.
Autrement dit, la restitution n'est pas pour demain.
Comment le Gouvernement peut-il justifier un tel transfert de charges vers les territoires, alors que la moitié de la hausse de la dette publique depuis 2017 découle directement des baisses, exonérations et suppressions d'impôt dont il a décidé et qui, selon la Cour des comptes, ont atteint 62 milliards d'euros entre 2017 et 2023 ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Varaillas, je vous remercie pour cette question qui précède le débat budgétaire. Dans votre intervention, vous venez de présenter de manière très juste le projet de budget qui sera examiné par le Parlement.
Le Premier ministre l'a dit, il s'agit d'un budget de responsabilité et d'exigence. Je rappelle que nous avons collectivement une responsabilité : redresser nos finances publiques afin de corriger le niveau du déficit, ce qui inclut les sujets des services publics, de l'école, de la justice et de la police.
L'effort qui est demandé est important, et ce pour tout le monde.
M. Mickaël Vallet. Non, pour les rentiers, tout se passe bien !
Mme Françoise Gatel, ministre. Vous dites que l'effort exigé des collectivités est particulièrement important ; à cet égard, le débat budgétaire aura bientôt lieu au Sénat.
Je souhaite rappeler que le Gouvernement a tenu sa parole dans le projet de budget : les 30 % de prélèvements liés au Dilico seront reversés aux collectivités, et le niveau du déficit de 5 % sera respecté.
Puisque vous avez énoncé un certain nombre de points, je voudrais compléter l'information donnée à vos collègues sénateurs.
Le projet de budget que nous présentons garantit la stabilité de la DGF, qui a augmenté de 790 millions d'euros ces dernières années.
Il permet d'affirmer l'importance de la solidarité territoriale, avec une hausse de 150 millions d'euros de la dotation de solidarité rurale (DSR), qui bénéficie aux territoires ruraux, et de 140 millions d'euros pour la dotation de solidarité urbaine (DSU).
Nous proposons de consolider le fonds de sauvegarde des départements, en le faisant passer de 100 millions à 300 millions d'euros, afin de tenir compte de la fragilité de ces collectivités. (Mmes Silvana Silvani, Cathy Apourceau-Poly et Émilienne Poumirol s'exclament.)
Par ailleurs, nous maintenons 110 millions d'euros au titre des aménités rurales.
Nous répondons à vos attentes, très légitimes, en matière de dégâts liés aux catastrophes climatiques en augmentant la dotation de solidarité pour les collectivités territoriales pour évènement climatique ou géologique (DSEC) de 40 millions d'euros.
Pour ce qui concerne France Services, nous tenons notre promesse puisque le chiffre de 2 900 entités sera atteint. (M. Pascal Savoldelli proteste.)
M. le président. Il faut conclure.
Mme Françoise Gatel, ministre. Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des débats que nous aurons bientôt, je vous invite à conduire un travail collectif très exigeant sur la diminution des normes, afin que nous puissions prévoir des dépenses intelligentes. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, on ne peut pas prétendre faire confiance aux élus locaux tout en les mettant à genoux financièrement !
Vous évoquez une nouvelle étape de décentralisation, alors que le Gouvernement porte gravement atteinte à la libre administration des collectivités, qui demeurent le pilier du service public et de l'investissement local.
Dans nos communes, cela signifie des chantiers reportés, des emplois supprimés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), des projets de transition écologique compromis, alors même que les collectivités assurent près de 60 % de l'investissement public. Cette nouvelle purge, sous prétexte de rétablir des équilibres financiers, menace gravement la mise en œuvre du pacte républicain. Avec mon groupe, nous nous y opposerons avec détermination ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
lutte contre la fraude
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Notre groupe s'alarme de la fièvre fiscale délirante qui s'est emparée de l'Assemblée nationale, alors même que l'on ne s'attaque pas à l'éléphant au milieu de la pièce, si gros qu'il finit par boucher la vue : la fraude.
L'impôt universel qui a été adopté hier par les députés rapporterait 20 milliards d'euros, avant de dévitaliser notre économie. Dans le même temps, la fraude fiscale représente 100 milliards d'euros de perte annuelle, la fraude sociale 30 milliards et le blanchiment 50 milliards, avec un taux de recouvrement qui n'est que de 2 % – pas de quoi pavoiser ! Le tout usant et abusant de sociétés éphémères, véritables chevaux de Troie de la fraude au carrousel, qui représente entre 20 milliards et 25 milliards d'euros.
Monsieur le ministre, le projet de loi de lutte contre la fraude sociale et fiscale que vous nous proposez n'y suffira pas, car c'est un texte parcellaire et ramasse-miettes. Il ne prévoit rien sur les saisies et les confiscations, rien sur la lutte contre la fabrique de l'argent sale et le blanchiment, qui est devenu un métier à part entière, rien contre la corruption et presque rien contre la fraude fiscale !
La lutte contre les fraudes et la criminalité organisée n'est ni de droite ni de gauche, c'est un combat républicain.
Ma question est simple : plutôt que de taxer toujours plus les contribuables et les entreprises, allez-vous écouter et surtout entendre les nombreuses propositions du groupe Union Centriste, très investi sur ces questions, lors des prochains débats ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. Loïc Hervé. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État.
M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Madame la sénatrice Goulet, je voudrais tout d'abord saluer votre engagement constant, et reconnu de tous, dans la lutte contre la fraude, et notamment contre le blanchiment.
Votre proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment a ainsi été présentée ce matin devant la commission des finances du Sénat. Je tiens également à saluer les rapporteurs de ce texte visant à améliorer l'efficacité des outils antifraude, MM. Stéphane Sautarel et Hervé Reynaud.
Vous l'avez dit, le Gouvernement s'attaque à la lutte contre la fraude en présentant un projet de loi que je crois extrêmement ambitieux, notamment parce qu'il permettra de doter la lutte contre la fraude sociale – fraude aux prestations et aux cotisations – des mêmes instruments que ceux dont nous disposons aujourd'hui en matière de fraude fiscale.
Vous avez raison, ce projet de loi a vocation à être complété et enrichi lors du débat parlementaire ou à l'occasion des travaux qui s'y ajouteront, à l'instar de votre proposition de loi sur le blanchiment.
Vous l'aurez compris, nous sommes à votre disposition pour travailler, compléter et enrichir ces dispositifs. Je vous proposerai dans les prochains jours une réunion, en lien avec les rapporteurs et les services de Bercy, en vue de déterminer les instruments les plus efficaces.
Les débats techniques que nous pouvons avoir sont de bons débats en ce qu'ils démontrent que nous partageons un objectif, la lutte contre la fraude, et que nous pouvons donc travailler ensemble sur la meilleure manière de la mettre en œuvre.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. J'ai eu l'honneur d'accompagner la semaine dernière le Premier ministre dans les services de la direction du contrôle fiscal. Nous y avons été félicités pour la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, pour l'abaissement du seuil pour les prix de transfert et pour la fin du « verrou de Bercy », résultat d'une croisade de plus de cinq ans que j'ai menée au Sénat avec Éric Bocquet – et j'en profite pour le saluer.
Faites confiance au Sénat. Nous avons des propositions et nous connaissons le terrain. L'administration ressemble parfois à une grosse marmotte (Sourires.) ; je vous propose de la réveiller !
Je vous demande, monsieur le ministre, d'être attentif à nos propositions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
fragilisation du monde associatif et menaces pesant sur ses libertés et ses moyens
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Ma question s'adresse à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Un immense plan social silencieux se prépare, celui du monde associatif : 90 000, soit le nombre de salariés des associations de notre pays qui sont sur la sellette. À l'heure où nous parlons, un tiers des associations disposent de moins de trois mois de trésorerie et nombre d'entre elles mettent déjà la clé sous la porte.
Ce désastre, madame la ministre, n'est en rien le fruit du hasard. Ces budgets en chute libre sont le résultat de vos choix politiques.
Sport, culture, éducation populaire, droits humains... : les associations françaises, qui sont au nombre d'1,4 million, leurs bénévoles et leurs salariés, continuent de porter à bout de bras la solidarité et la cohésion sociale de notre pays.
Jamais le monde associatif n'a été autant fragilisé. Partout, le constat est le même : « Ça ne tient plus. » C'est justement cette phrase que des milliers de bénévoles, mobilisés pour vous alerter, ont criée le 11 octobre dernier. Dans nos ruralités, nos quartiers et nos zones périurbaines, c'est grâce à ces femmes et à ces hommes que nos associations tiennent encore debout. Ils donnent leurs soirées, leurs week-ends, pour défendre l'intérêt général et maintenir le lien social dans nos territoires.
Ils sont notre fierté et ne demandent ni compassion ni grands discours : ils demandent des moyens.
Madame la ministre, les semaines à venir seront décisives. Allez-vous redonner souffle à nos associations en soutenant des budgets à la hauteur des enjeux ? Ou bien soutiendrez-vous celles et ceux, à droite et à l'extrême droite, qui tentent de restreindre encore davantage les libertés associatives, et laisserez-vous mourir ces structures qui font vivre nos territoires ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Marina Ferrari, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice Ollivier, je vous remercie tout d'abord d'avoir rendu hommage aux associations qui font vivre notre territoire. J'ai l'habitude de dire, comme élue locale, que sans ces hommes et ces femmes qui sont partout aux côtés de nos concitoyens, la France n'aurait pas le même visage.
Vous m'alertez sur les difficultés, qui sont réelles, rencontrées aujourd'hui par nos associations. La manifestation du 11 octobre dernier, que vous avez évoquée, était à cet égard un appel, que nous devons bien évidemment entendre.
Aussi, je tiens à vous préciser que le Gouvernement a entendu la demande des associations. Dans le projet de budget pour 2026, les crédits de mon ministère, et notamment ceux dédiés aux fonds structurels, sont sanctuarisés.
Ainsi, les crédits du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), lequel n'a cessé de croître au cours des dernières années, sont sanctuarisés à hauteur de 70 millions d'euros. Cette enveloppe permettra, dans nos territoires les plus reculés, d'aider les plus petites associations, qui souvent sont aussi les plus fragiles.
Les crédits du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) sont également sanctuarisés.
Par ailleurs, je tiens à vous rappeler, madame la sénatrice – mais vous le savez déjà –, que, dans le cadre du projet de budget pour l'année prochaine, le régime fiscal de déduction est préservé. Ces recettes moindres pour l'État représentent un effort qui s'élevait, l'année dernière, à 4 milliards d'euros.
Enfin, une mesure était très attendue, notamment par les associations caritatives, aux demandes desquelles l'exécutif est très attentif : le plafond de la défiscalisation connue sous le nom de « niche Coluche » a été rehaussé de 1 000 à 2 000 euros. Nous avons souhaité, par cette mesure, encourager l'élan de générosité des Français.
Vous avez eu raison de dire que la liberté associative était l'un des piliers de notre démocratie. Le Gouvernement y demeure pleinement fidèle et défend – soyez-en assurée – l'esprit de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour la réplique.
Mme Mathilde Ollivier. Madame la ministre, les associations ont besoin de stabilité fiscale.
Ce sont vos politiques qui provoquent les défaillances, qu'il s'agisse de la fin du Pass'Sport, de la non-compensation de la prime Ségur, du recul concernant l'aide au développement, du contrat d'engagement républicain (CER), etc. Vous avez le pouvoir de revenir en arrière : c'est une question de volonté politique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Émilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)
application des dispositions de l'article 5 de la loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, dans un État de droit, le Parlement légifère, l'exécutif exécute et la justice juge.
M. Roger Karoutchi. Ça, c'était avant !
M. Laurent Duplomb. Pour exécuter correctement, les agents de l'État doivent faire primer leur mission sur leurs convictions personnelles. Devoir de réserve et esprit de neutralité sont les garanties du bon fonctionnement de notre administration.
Comment accepter, dès lors, que des fonctionnaires laissent transparaître leur propre militantisme dans l'exercice de leurs fonctions ? Ce phénomène enfle. C'est ainsi qu'au sein de l'association Le Lierre, de hauts fonctionnaires se permettent, au mépris de leur devoir de réserve, de communiquer publiquement et de façon critique sur les politiques publiques en matière agricole. Ils sont même allés jusqu'à publier un livre sur le sujet... C'est inadmissible ! (Exclamations amusées sur les travées des groupes GEST et SER.)
Malheureusement, cela ne s'arrête pas là !
Ma surprise et mon inquiétude grandissent quand le premier représentant de l'État dans la Vienne est lui-même rétif à l'application de la loi.
En effet, l'article 5 de la loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, en vigueur depuis le 13 août dernier, dispose qu'une analyse socio-économique est nécessaire pour chaque étude touchant aux volumes d'eau destinés à l'agriculture. Or le préfet de la Vienne reste non seulement sourd aux demandes légitimes de la profession, mais il s'assoit aussi carrément sur la loi en refusant d'intégrer cette analyse socio-économique.
Les résultats de cette étude, que les organisations agricoles ont réalisée, sont sans appel : le fait de passer, sur le bassin du Clain, de 28 millions à 16 millions de mètres cubes prélevés menacera, à terme, près de 300 emplois dès 2026 et entraînera 40 millions d'euros de pertes économiques. Ces seuls chiffres valident le bien-fondé de cette loi !
Monsieur le Premier ministre, à quoi cela sert-il de légiférer en France si l'exécutif prend soin de ne pas appliquer la loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Stéphane Fouassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition écologique.
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargé de la transition écologique. Monsieur le sénateur Duplomb, vous m'interrogez sur la mise en œuvre de l'article 5 de votre proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, qui est devenue une loi.
J'aurai tout d'abord, si vous me le permettez, un mot pour les agents auxquels vous avez adressé des reproches : ils font, tout comme les préfets, leur travail dans le respect des lois de la République.
Dans le cas d'espèce, l'article 5 de ladite loi a été pleinement respecté puisque les études complémentaires et les analyses des impacts socio-économiques, rendues obligatoires par votre texte au travers des tests HMUC (hydrologie, milieux, usages, climat), ont été réalisées.
Il existe dans votre loi un équilibre auquel nous tenons toutes et tous ici : l'articulation entre la protection de la ressource en eau et le devenir de nos agriculteurs, dont je sais qu'il vous préoccupe grandement. Cette articulation a été respectée et votre loi a été, sauf erreur, pleinement mise en œuvre.
Les volumes prélevables, ce que prévoit d'ailleurs votre proposition de loi, doivent refléter la ressource disponible et non les besoins théoriques.
 
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                            