M. Yannick Jadot. Il n'y a pas d'eau magique !

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. C'est une question, me semble-t-il, de responsabilité collective.

M. Marc-Philippe Daubresse. Réponse de haut fonctionnaire !

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Qu'il faille accompagner nos agriculteurs et faire en sorte que la transition ne soit pas brutale, c'est tout le sens de l'action menée par Mme la ministre Annie Genevard, sous l'autorité du Premier ministre. Et les conférences « L'eau dans nos territoires » servent à aider nos agriculteurs à assurer cette transition écologique.

Croyez bien que votre proposition de loi sera appliquée dans son entièreté : c'est un engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.

M. Laurent Duplomb. Monsieur le ministre, je m'inscris en faux contre vos propos : l'étude socio-économique n'a pas été prise en compte.

Comment expliquer qu'avec 300 emplois menacés et 40 millions d'euros de pertes, on persiste à vouloir diminuer le prélèvement de près de moitié ?

M. le président. Il faut conclure.

M. Laurent Duplomb. Qui peut croire, compte tenu de l'évolution du climat, que l'agriculture puisse se passer d'eau ? Personne ne peut le penser objectivement ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. Yannick Jadot. C'est ça le problème!

budget 2026

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, entre la rigueur aveugle et la démagogie complaisante, il existe un chemin : celui de la responsabilité éclairée. C'est ce chemin que nous souhaitons prendre à vos côtés.

Avec le groupe RDPI, nous portons une conviction inébranlable : maintenir le cap budgétaire bien en deçà des 5 % de déficit est non pas une option, mais une nécessité absolue. Sans ce cap, c'est toute notre crédibilité qui serait affaiblie : des décennies pour la construire, un budget pour la détruire.

Or la parole de la France ne se marchande pas. Elle ne se négocie pas. Elle ne se brade pas. C'est la sécurité financière de tous les Français qui en dépend.

Mais, soyons clairs, la rigueur sans discernement est une impasse. La responsabilité budgétaire ne peut s'affranchir de l'équité territoriale.

À ce titre, nous n'abandonnerons pas les territoires les plus vulnérables, et au premier chef nos outre-mer. L'effort qui leur est demandé suscite de grandes craintes, notamment celle d'un risque d'effondrement social et économique de nos territoires ultramarins, qui sont déjà fragilisés. Les outre-mer ne sauraient être une variable d'ajustement budgétaire.

Fidèle aux combats que nous menons depuis huit ans, le groupe RDPI continuera de défendre la valeur travail avec acharnement. Nous serons toujours les défenseurs de ceux qui produisent la richesse de notre Nation : ces classes moyennes qui constituent l'épine dorsale de notre République et qui, trop souvent, portent seules sur leurs épaules le poids de notre modèle social.

Or, monsieur le Premier ministre, nous voyons se profiler une tentation dangereuse à l'Assemblée nationale : toujours plus de taxation. Nous y sommes fondamentalement opposés, particulièrement lorsque l'outil professionnel est visé.

M. François Patriat. Confondre patrimoine professionnel et patrimoine personnel, c'est décourager l'investissement et affaiblir notre tissu économique.

M. Jean-François Husson. Vous avez raison !

M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous prendre l'engagement qu'aucune taxation mélangeant patrimoine professionnel et personnel ne sera décidée par votre gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Monsieur le président du Sénat, qu'il me soit d'abord permis, au nom du Gouvernement, de m'associer à votre hommage aux parlementaires qui nous ont quittés et – je le dis sous le contrôle d'Hervé Maurey et des sénateurs de l'Eure – d'avoir une pensée particulière pour le sénateur Joël Bourdin.

Pour ce qui concerne les territoires d'outre-mer tout d'abord – il y a dans cet hémicycle un certain nombre d'anciens ministres des outre-mer, notamment Mme Girardin et M. Lurel –, les dispositifs qui leur sont spécifiques sont souvent des dispositifs de rattrapage.

Au fond, monsieur le président Patriat, votre question porte sur les mesures d'effort relatives aux niches sociales, c'est-à-dire au dispositif dit Lodéom et aux niches fiscales. J'ai demandé aux ministres concernées, Amélie de Montchalin et Naïma Moutchou, de réunir très vite les parlementaires d'outre-mer, car nous voyons bien que les efforts demandés sur ces lignes budgétaires ne sont pas adaptés aux situations locales.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Il s'agit déjà de dispositifs de rattrapage. Par conséquent, pour le dire en mauvais français, le risque de stop and go peut avoir un effet absolument délétère sur la vie économique locale.

Cela signifie donc qu'il faut évidemment – je regarde M. le ministre Lurel – trouver des mesures d'adaptation rapide en fonction des situations locales, parce que, selon les territoires d'outre-mer, la question du bâtiment n'est pas toujours la même que celle du tourisme, qui n'est pas non plus toujours la même que celle de l'agriculture. Nous le voyons bien, il s'agit d'un enjeu de dialogue local et d'adaptation.

Si je devais former un vœu, même si je ne sais pas ce qu'il est possible de faire compte tenu du manque de majorité à l'Assemblée nationale, ce serait de construire des majorités d'idées pour, à la suite des ministres qui se sont interrogés sur ce sujet, adapter ces niches tant fiscales que sociales désormais âgées de dix ou quinze ans aux réalités économiques de ces territoires.

Tel est le premier engagement que je prends devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs : mettre très vite autour de la table les parlementaires d'outre-mer, régler l'urgence – c'est-à-dire aborder, durant l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la question des niches sociales et fiscales –, mais aussi profiter de ce moment pour essayer de projeter ces dispositifs en les adaptant.

Je ne peux omettre de citer les situations particulières de la Nouvelle-Calédonie, où des dispositifs spécifiques sont liés au statut de l'archipel, ou de Mayotte, où la situation d'après le cyclone nous oblige évidemment à accélérer un certain nombre d'investissements.

Voilà pour l'outre-mer, qui constitue à mon sens un point clé. Souvent, les parlementaires, les journalistes et les élites parisiennes, pour le dire de manière globale, ne regardent pas suffisamment de près ces questions, alors qu'il s'agit de l'un des gages de la justice et de l'équité territoriale. On ne peut pas aborder les sujets de la décentralisation et de l'adaptation de nos textes à l'ensemble de l'organisation territoriale du pays sans prêter immédiatement une très grande attention aux territoires d'outre-mer.

Monsieur le président Patriat, vous posez ensuite la question des quelques principes qui pourraient être mis sur la table pour tenter d'organiser l'examen du projet de loi de finances, non seulement à l'Assemblée nationale, mais aussi au Sénat. J'aurai moi-même l'occasion de me rendre à l'Assemblée nationale dans les prochains jours pour m'investir dans les débats.

Premier principe, que j'ai répété à de nombreuses reprises, y compris par sensibilité politique personnelle : il ne faut pas, à mon sens, refuser de poser par principe la question de la justice fiscale.

Un débat est apparu sur la progressivité de l'impôt, notamment pour les 0,01 % des contribuables les plus riches de ce pays. De fait, quand on regarde les études macroéconomiques, il y a un léger tassement sur la fin de la courbe qui peut poser un certain nombre de questions. Il ne faut pas balayer ce débat d'un revers de main, car nous devons de toute façon à nos concitoyens, compatriotes, contribuables et électeurs des clarifications et des réponses, souvent techniques, sur ce sujet.

Deuxième principe, ainsi que la sénatrice Goulet l'a indiqué – je l'en remercie –, il est vrai qu'il y a quelque chose de particulier à vouloir créer de nouvelles lois fiscales sans s'assurer au préalable que les précédentes, adoptées par l'Assemblée nationale et le Sénat, sont bien appliquées. C'est aussi pour cette raison que j'ai souhaité que le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, tant en recettes qu'en dépenses, soit inscrit à l'ordre du jour des deux Assemblées.

Son examen commencera d'ailleurs au mois de novembre au Sénat, pour donner également de la visibilité à ce sujet. Le chiffre a été rappelé par Mme la sénatrice Goulet tout à l'heure : nous parlons de quelque 20 milliards d'euros à récupérer, qui ne sont pas prélevés aujourd'hui.

Pour l'essentiel, cette fraude est d'ailleurs plus fiscale que sociale. Elle est due à un certain nombre de mensonges et de déclarations frauduleuses, ce qui nous renvoie à des questions touchant l'organisation du pays, et notamment à la préhistoire numérique dans laquelle les services de l'État peuvent se trouver – même si je ne reprendrai pas la métaphore de la marmotte…

M. Loïc Hervé. C'est un animal protégé ! (Sourires.)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Un certain nombre de travaux du Sénat – j'en discutais il y a quelques instants avec Mme la sénatrice Lavarde – ont aussi montré qu'il fallait tout simplement être capable de décloisonner, de croiser des fichiers et d'adapter la loi à toutes ces circonstances. Il s'agit là, évidemment, de l'une des exigences qu'il faudra remplir.

Le troisième principe, …

M. Pascal Savoldelli. C'est une nouvelle déclaration de politique générale ?

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Le troisième principe – j'essaie d'être précis et complet, monsieur le sénateur, et il devrait vous plaire – est qu'il faut traiter la question de l'optimisation fiscale. En effet, si nous discutons de la taxation des 0,01 % les plus riches de ce pays, c'est qu'un certain nombre de mécanismes relèvent non pas de la fraude, mais tout simplement d'adaptations à la loi fiscale, sans forcément que la volonté du législateur soit mise en question.

Au fond, il y aurait deux types de contribuables : ceux qui ne peuvent pas s'adapter, qui ne savent pas optimiser, et ceux qui peuvent jouer avec la règle sans forcément frauder. Je le répète, cette question de justice doit être traitée : on ne peut faire comme si elle n'existait pas.

Je pose tout de suite la question des biens somptuaires. Un certain nombre de dispositifs ont été créés pour protéger la transmission de l'outil patrimonial professionnel. Toutefois, avec le temps, ici ou là, quelques dérives ont pu être constatées, suscitant des interrogations. Il faudra donc que l'Assemblée nationale et le Sénat s'emparent de ce sujet.

D'autres questions de principe se posent encore – monsieur le président du Sénat, veuillez m'excuser d'être aussi long…

M. le président. Veillez tout de même à maîtriser votre temps de parole, monsieur le Premier ministre. (Sourires.)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Il y a tout de même un problème à aborder la question de la fiscalité sans jamais parler de croissance, d'attractivité et d'emploi. Progressivement, nous sommes en train de déconnecter le débat fiscal de la question économique générale et globale.

Tel est le premier vœu que je forme et que je porterai à l'Assemblée nationale : nous ne vivons pas sur une île et nous ne pouvons pas déconnecter notre régime fiscal de la question plus globale de l'attractivité et de la croissance, d'autant plus que certaines dispositions fiscales n'auraient de sens que si elles étaient portées à l'échelon européen ou international, en tout cas dans le périmètre de l'OCDE.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. C'est évidemment l'un des points importants sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir.

Enfin, comme aurait dit le président Pompidou : ne vendez pas la vache. Monsieur le président Patriat, vous parlez du patrimoine professionnel. Je vous réponds donc très directement : le débat sur le flux, sur les revenus, donc sur le lait, nous permet peut-être d'avancer sur la question de la progressivité de l'impôt et de la justice fiscale.

Il y a une réalité : toucher à la croissance, c'est tuer la vache, et tuer la vache, c'est abandonner toute perspective d'avoir du lait un jour. C'est l'un des fils qui, à mon sens, doit guider les débats de l'Assemblée nationale et du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

taxe zucman

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, depuis quelques jours, le concours Lépine des taxes les plus déjantées bat son plein à l'Assemblée nationale, mené par les « pistoleros » de la justice fiscale. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Claude Malhuret. Je vois qu'en ce moment vous appréciez les histoires de vaches et de lait ; je voudrais donc vous raconter celle de la vache de Zuc.

C'est un paysan que les gens de son village ont surnommé Zuc. Ce dernier n'est pas très fort en économie, il n'a qu'une vache et celle-ci n'a que la peau sur les os. Elle ressemble plus à une vache sacrée famélique d'nde qu'à une belle charolaise du Bourbonnais. (Sourires sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. Franck Montaugé. Mais non, elle est magnifique !

M. Claude Malhuret. Un matin, Zuc se lève pour aller dans son champ et là, c'est le drame : la vache est morte. Zuc tombe à genoux, se roule par terre. Il crie, lève les mains au ciel et demande : « Mon Dieu, pourquoi as-tu tué ma vache ? » Soudain, un énorme grondement de tonnerre retentit. Il entend une voix formidable venue d'en haut : « Zuc, tu me casses les oreilles avec tes cris. Qu'est-ce qui t'arrive ? »

Tout tremblant, Zuc répond : « Mon Dieu, c'est horrible, tu as fait mourir ma vache. » La voix répond : « Ce n'est pas moi qui l'ai tuée, c'est toi qui ne lui as presque rien donné à manger depuis six mois. Mais tu me fais de la peine. Dis-moi ce que je peux faire pour t'aider. Veux-tu que je ressuscite ta vache ? »

M. Pascal Savoldelli. C'est une thérapie ?

M. Claude Malhuret. Zuc lui répond : « Non, mon Dieu, je demande simplement la justice : tue la vache de mon voisin ! » (Rires et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

Appauvrir les uns pour enrichir les autres, c'est la recette séculaire de l'enfer pavé de bonnes intentions du camp du bien. Tous les pays qui l'ont appliquée n'ont jamais enrichi personne, mais ils ont tous réussi à ruiner tout le monde.

M. Yannick Jadot. Et la Révolution française ? Et 1789 ?

M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, la France crève d'un excès de dépenses, de dettes et de taxes, mais au lieu de faire des économies, depuis huit jours, les députés adoptent des centaines d'amendements, créant chaque jour de nouveaux impôts.

Je vous supplie de résister et de défendre avec nous la ligne dont le pays a besoin : moins d'impôts, moins de dépenses publiques, plus d'emplois et de liberté pour les Français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Claude Malhuret. Aussi ma question est-elle simple : que comptez-vous faire face à cette assemblée saisie de folie fiscale ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, ne vendez pas la vache, disait le président Pompidou, ainsi que je l'indiquais à l'instant. Au-delà du lait, cela pose plus précisément la question du patrimoine professionnel.

Un premier principe est que notre société et notre vie économique ont besoin de capitaux, de préférence de capitaux français. J'ai eu l'honneur d'être ministre des armées pendant trois ans et demi : dès qu'une PME sous-traitante de notre appareil de défense est en difficulté – je parle sous le contrôle du président Perrin –, il n'est pas rare que certains veuillent très vite un plan de sauvegarde, voire une nationalisation.

Il serait tout à fait curieux de décourager les capitaux français de rester en France ou les capitaux européens de rester en Europe, et donc de créer une énorme vulnérabilité revenant à ouvrir la plupart de notre outil productif à des capitaux chinois, américains ou venant de pays du Golfe.

On ne peut déconnecter le débat sur la fiscalité de celui sur l'économie, l'emploi, l'attractivité et la croissance. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.) C'est le débat technique qui permettra d'aller plus loin que le seul débat politique.

Monsieur le président Malhuret, vous avez été secrétaire d'État aux droits de l'homme. Un autre principe important est de respecter notre Constitution. J'y insiste, car notre Constitution n'est pas là pour protéger des privilèges ; elle n'a pas non plus à s'appliquer à la carte. L'État de droit doit être respecté en toutes circonstances.

L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui établit l'égalité des charges devant l'impôt, pose aussi la question des capacités contributives.

Au fond, il s'agit d'un côté d'assurer la justice fiscale et, de l'autre, de ne pas adopter des dispositifs fiscaux inconstitutionnels, parce qu'ayant une dimension objectivement confiscatoire.

Il y a là un deuxième principe qui permet, à mon avis, de guider les débats à l'Assemblée nationale et, j'en suis certain, au Sénat : on ne peut pas appliquer l'État de droit à la carte. On l'a peut-être trop ou pas assez rappelé ces derniers temps sur d'autres sujets.

Enfin, et c'est mon dernier point, il me semble que l'on ne peut décorréler le chapitre des recettes de celui des dépenses.

Mme Silvana Silvani. Quelle information !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Au fond, il s'agit de la question que le président Kanner m'a posée la semaine dernière sur la protection des plus fragiles et des différentes saisines des présidents de groupe du Sénat demandant d'avancer sur des mesures pluriannuelles d'économies structurelles et évoquant notamment la question de la réforme de l'État.

Cela nous amène à deux considérations pour les temps à venir.

Il faut que le Gouvernement entre plus vite en discussion avec les différentes formations politiques, notamment pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Un certain nombre de mesures, comme le gel des minima sociaux ou des petites retraites, sont des sujets qui, légitimement, posent question. On ne peut pas les décorréler du chapitre des recettes du projet de loi de finances (PLF) et du PLFSS. Le moment est venu de parler des dépenses et des recettes en même temps.

En ce qui concerne les dépenses, une première réunion s'est tenue avec les différents ministres sur la réforme de l'État pour aborder les questions relatives aux agences, à la décentralisation, à l'adaptation d'un certain nombre de politiques publiques pour les territoires d'outre-mer, que je mentionnais il y a un instant. Il est grand temps de sortir de notre myopie de l'annualité budgétaire, d'être capables de voir un tout petit peu plus loin que le bout de notre nez et de dessiner une réforme de l'État.

Je veux dire aux derniers parlementaires qui pourraient douter de nos engagements que la volonté de compromis va dans les deux sens.

Si nous sommes prêts à avancer sur un certain nombre de demandes faites sur ces travées, il faudra aussi que nous soyons capables de trouver un consensus sur la réforme de l'État.

Nos concitoyens demandent que l'on traite un certain nombre de problèmes à la racine sans démagogie, sans faire de fonctionnaire-bashing, sans opposer les collectivités locales à l'État et vice-versa, mais en étant capables, tout simplement, de repartir de zéro et de faire preuve de créativité. C'est le seul chemin que je vois pour sortir notre pays de la situation dans laquelle il se trouve. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

difficultés de la médecine du travail

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Madame la ministre de la santé, la médecine du travail est le premier maillon de la prévention au travail. Elle protège la santé physique et mentale des salariés. Elle réduit les risques d'accidents et de maladies professionnelles et permet d'éviter des pathologies plus lourdes et plus coûteuses pour la collectivité.

Toutefois, ce pilier de la prévention vacille aujourd'hui. Dans le secteur privé, près d'un tiers des salariés n'a pas de suivi régulier. Dans le secteur public, des milliers d'agents n'ont jamais rencontré un médecin du travail. Dans certains territoires d'outre-mer, ce service n'existe même pas.

Dans un service interentreprises de médecine du travail du Puy-de-Dôme, on a compté jusqu'à quatre semaines d'attente. Or, après certains arrêts de travail, notamment si un aménagement de poste est nécessaire, ce qui concerne environ 30 % des arrêts maladie de longue durée, les employeurs doivent organiser une visite de reprise pour leurs salariés dans les huit jours qui suivent le retour effectif.

Certaines visites de reprise n'ont donc pu se faire dans les délais, ce qui a contraint les salariés à prolonger leur arrêt de travail ou à prendre des congés, alors qu'ils étaient aptes à retourner à leur poste. C'est une situation ubuesque, vous en conviendrez, tout particulièrement dans le contexte budgétaire que nous connaissons.

Malgré la suppression du numerus clausus, la médecine du travail n'attire plus, entraînant un accès dégradé à la prévention et une fatigue accrue pour les professionnels qui restent.

Madame la ministre, alors que l'examen du budget de la sécurité sociale a débuté à l'Assemblée nationale, comment comptez-vous redonner de l'attractivité à la médecine du travail ? Envisagez-vous de simplifier les procédures, en remplaçant, par exemple, certaines visites de reprise par un suivi infirmier encadré ?

Madame la ministre, la médecine du travail n'est pas un coût, c'est un investissement pour la santé. Elle mérite mieux qu'une ordonnance de pénurie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Sonia de La Provôté et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Gold, vous m'interrogez sur la prévention et sur la médecine de santé au travail. Avec mon collègue Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités, nous nous sommes engagés à améliorer la situation.

Avant de vous répondre, je tiens à remercier l'ensemble des professionnels actuellement engagés dans la santé au travail, qui sont aujourd'hui en nombre insuffisant, ainsi que vous l'avez souligné. Comme ministre, je continuerai de porter toutes les mesures que j'avais défendues comme parlementaire, qui permettent de faire évoluer les métiers et de partager des compétences, puisque cette réponse de court terme permet d'améliorer la situation.

La suppression du numerus clausus, que vous avez mentionnée, est une mesure de long terme. Nous formons 20 % à 30 % de médecins supplémentaires, mais il faut du temps pour que ceux-ci arrivent sur le terrain.

Pour ce qui est des mesures de court terme, en 2025, nous allons tripler le nombre de praticiens à diplôme hors Union européenne pour la santé au travail.

M. Loïc Hervé. C'est bien !

Mme Stéphanie Rist, ministre. Au printemps dernier, nous avons lancé une mission de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) afin de constater ces difficultés. Lorsque ses travaux seront rendus, nous reviendrons vers la Haute Assemblée, mon collègue ministre du travail et des solidarités et moi-même, pour avancer sur ce sujet.

C'est un enjeu majeur de prévention, vous l'avez dit, qui entraîne aussi une diminution des coûts et une amélioration de la santé de nos compatriotes. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Bravo !

calendrier d'examen de la ppl trace

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. J'y associe mon vieux compère Ghislain Cambier, ainsi que nos collègues Amel Gacquerre, Jean-Marc Boyer, Daniel Gueret, Jean-Claude Anglars et tant d'autres, souvent de tous bords confondus.

Monsieur le Premier ministre, le 15 octobre dernier, devant le Sénat, vous avez présenté un gouvernement de mission et d'objectifs. Vous avez parlé de confiance, d'efficacité, de réforme de l'action publique, de décentralisation, de sens retrouvé : des mots forts, que nous partageons tous.

Toutefois, dans nos territoires, cette feuille de route a un goût d'inachevé : rien ou presque sur la transition écologique – soit ! –, mais surtout, pas un mot sur la sobriété foncière et aucune allusion au zéro artificialisation nette (ZAN).

Sur le terrain, les maires sont dans l'incompréhension. Le ZAN, tel qu'il est appliqué, ne freine pas l'artificialisation : il fige les territoires avec un urbanisme comptable. Il bloque des projets de logement, retarde des équipements publics ainsi que des projets de réindustrialisation et d'énergie renouvelable.

C'est pour répondre à ce constat que le Sénat a travaillé, par-delà les clivages, en adoptant le 18 mars dernier, à une large majorité, la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace). Ladite proposition de loi n'est pas du tout une remise en cause du ZAN, comme cela a été dit.

M. Yannick Jadot. Ah non, pas du tout !

M. Jean-Baptiste Blanc. Elle prévoit une méthode claire, réaliste et contractuelle pour réussir ce défi complexe, fondée sur la concertation. Cela redonne confiance aux maires, réconcilie écologie et cohérence territoriale et place la sobriété foncière sous le signe du bon sens et non de la contrainte.

Monsieur le Premier ministre, les élus sont prêts ; les acteurs économiques, les associations, nos concitoyens, tous attendent ce texte. Dès lors, pourquoi attendre février 2026 pour l'inscrire à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale ? Pour nos territoires, un tel retard est incompréhensible : ils n'ont plus le temps. Nos élus ont besoin maintenant d'un cadre nouveau, lisible, d'un cap clair.

Vous avez dit vouloir un gouvernement de mission et d'objectifs. Le ZAN est un objectif, Trace en est la trajectoire. La question est donc simple : qu'attend le Gouvernement pour inscrire, dès les prochaines semaines, la proposition de loi Trace à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et permettre enfin aux élus de bâtir une transition juste ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – Mme Marie-Claude Lermytte et MM. Vincent Louault et Daniel Chasseing applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, je reconnais dans votre question la détermination et l'endurance du Sénat sur un certain nombre de sujets, dont celui-ci. Je vous remercie de me fournir ainsi l'occasion de préciser les intentions du Gouvernement.

Effectivement, dans les prochaines semaines – l'adjectif nous convient à tous, puisqu'il n'est pas quantitatif –, en tout cas dès la rentrée de janvier prochain, le Gouvernement a annoncé son intention d'inscrire à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale la proposition de loi Trace adoptée par le Sénat.

Monsieur le sénateur – et je m'adresse aussi aux parlementaires ayant rédigé avec vous un courrier au Premier ministre, à savoir Mme la sénatrice Gacquerre et MM. les sénateurs Boyer, Gueret et Cambier –, chacun le dit, nous ne pouvons ignorer l'exigence de frugalité foncière, lors même que, dans notre pays, nous avons consommé en 50 ans l'équivalent de ce que nous avions consommé en 500 ans.