Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient pleinement les objectifs de ce texte. (M. Marc Laménie applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, reporter des élections n'est jamais un acte anodin, a fortiori lorsque cela se produit pour la troisième fois consécutive.

C'est pourtant ce que nous vous proposons de faire pour les élections provinciales de la Nouvelle-Calédonie en adoptant cette proposition de loi organique, déposée sur le bureau du Sénat le 13 août dernier, soit un mois après l'accord, ou préaccord, de Bougival, par les présidents Darnaud, Canévet, Marseille, Malhuret, Patriat et par la présidente Carrère. Ce texte prévoit de reporter au 28 juin 2026, au plus tard, ces échéances électorales.

Selon le groupe Les Républicains, il y a au moins trois bonnes raisons de voter ce texte, tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire.

La première est que le report des élections doit permettre de donner du temps pour faire vivre l'accord préliminaire de Bougival signé le 12 juillet dernier, pour le compléter, le préciser, voire l'amender, cet accord devant constituer le fondement d'un consensus le plus large possible.

Nous avons bien conscience que cet objectif ne peut être atteint que par des négociations devant aboutir à une adhésion de toutes les parties prenantes, y compris de celles pour qui la signature de l'accord ne valait pas engagement. La voie de passage est étroite, mais cela vaut la peine d'essayer, pour garantir une paix civile durable en Nouvelle-Calédonie et une stabilité institutionnelle.

Les lourdes conséquences économiques, sociales et politiques des émeutes de mai 2024 obligent aujourd'hui à construire un avenir pour l'île et pour tous les peuples calédoniens.

Ce nouveau report des élections doit permettre de donner du temps à la discussion, en dehors de toute pression électorale, pour tenter de trouver le chemin de la transformation institutionnelle prévue par l'accord préliminaire de Bougival.

Bougival est non pas une fin en soi, mais une base solide de négociations pour trouver le consensus auquel aspirent une grande majorité des Calédoniens et des parties prenantes à l'accord.

Cette volonté démocratique est la deuxième raison qui nous pousse à adopter ce texte. En effet, le congrès de Nouvelle-Calédonie a adopté, le 15 septembre dernier, à une très large majorité, une motion en faveur du report des élections. Trente-neuf membres sur cinquante-quatre l'ont votée, soit tous les groupes, sauf l'UC-FLNKS.

L'argument des opposants à ce texte repose sur la nécessité de redonner de la légitimité aux représentants élus. Il est exact qu'un nouveau report allongerait le mandat de ces derniers de vingt-cinq mois. Mais de quelle légitimité parle-t-on quand un cinquième des électeurs ne peuvent voter en raison du gel du corps électoral ? Quelle légitimité y a-t-il si l'organisation de ces élections n'est pas conforme à l'accord trouvé à Bougival ?

Certes, l'équilibre démocratique est fragile, mais la recherche d'un consensus large, base de la concorde civile en Nouvelle-Calédonie, est un enjeu majeur, qui vaut que l'on prenne quelques risques.

Madame la ministre, vous partez en fin de semaine pour la Nouvelle-Calédonie. Nous vous présentons tous nos vœux de réussite dans cette recherche de consensus et dans l'accompagnement des négociations entre toutes les parties prenantes sur place.

La troisième raison pour adopter ce texte est l'urgence. Le calendrier est extrêmement serré, et l'instabilité gouvernementale métropolitaine ajoute de la complexité au processus engagé. En effet, sans report, les élections devraient être organisées au plus tard le 30 novembre, donc les électeurs convoqués le 2 novembre prochain !

Outre les difficultés techniques soulevées par le Haut-Commissariat, une organisation dans des délais aussi restreints risque de mettre à mal le processus démocratique engagé, de scléroser les positions des différents camps et d'altérer les chances de réussite des négociations.

Il y a donc urgence à donner du temps au temps, afin de permettre aux discussions sur la réforme institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie d'aboutir. C'est cet objectif que nous avons accepté d'inscrire dans la proposition de loi organique, sur l'initiative du groupe socialiste, afin de lier clairement ce troisième report des élections à la recherche d'un consensus le plus large possible, sur la base des principes retenus à Bougival.

Ce calendrier contraint oblige, madame la ministre, à maintenir l'engagement de l'État aux côtés des élus de la Nouvelle-Calédonie, pour assurer les conditions du dialogue entre les parties prenantes.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, et parce que nous sommes convaincus que seul le report des élections nous donnera une chance de faire aboutir le processus engagé à Bougival, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Mikaele Kulimoetoke, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Mikaele Kulimoetoke. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite prendre le temps, remonter le fil, pour éclairer ce nous amène ici à entériner un report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie pour la troisième fois.

Je commencerai en citant l'accord de Nouméa de 1998, plus consensuel, qui rappelait dès sa première ligne la prise de possession par la France, le 24 septembre 1853, de la Grande Terre que James Cook avait dénommée Nouvelle-Calédonie. Comme nous le rappelle l'Histoire, l'appropriation d'un territoire déjà habité par son peuple premier – en l'espèce, les Kanaks – est souvent source de manifestations, de rapports de force, de violences, mais aussi de négociations et de recherche d'accord vers un avenir plus apaisé.

Un enchaînement de désaccords a poussé le camp indépendantiste à demander la décolonisation. Ce terme, de nos jours, peut sembler galvaudé ou crispant. Mais, dans cette situation, il dessine un horizon et évoque un moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie.

Permettez-moi de poursuivre : dans ce texte fondateur, il est écrit qu'« il convient d'ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l'identité kanake, préalable à la refondation d'un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, et par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté ».

C'est une étape essentielle, que le projet d'accord de Bougival avait tenté de reprendre. Cependant, elle demeure difficile à franchir, en raison du délai contraint qui nous a été en quelque sorte imposé.

Je déplore la procédure qui amène le Parlement à se prononcer sur des notions aléatoires telles que le « projet d'accord de Bougival ». Celui-ci ne devrait même plus exister juridiquement, étant donné le retrait de l'un des partenaires. Je vous conseille de vous référer, sur ce point, à l'audition de l'ancien ministre Manuel Valls à l'Assemblée nationale.

Force est de constater que la proposition de loi a été examinée par le Parlement : elle a été adoptée au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, et elle a fait l'objet d'une motion de rejet préalable, ce qui a abouti à une commission mixte paritaire conclusive. Je suis tout de même tenté de dire que le parcours de cette proposition de loi a été jusqu'ici semé d'embûches ; cela ressemble purement et simplement à des manœuvres vicieuses et orientées afin de favoriser un camp par rapport à l'autre !

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le législateur que nous sommes se doit d'accompagner le dossier calédonien avec bienveillance et neutralité. L'État ne peut pas être juge et partie. Notre rôle est de recueillir le vœu rédigé et exprimé par les Calédoniens et de l'approuver ensuite dans nos hémicycles respectifs, pour l'officialiser en l'inscrivant dans la Constitution et en le faisant figurer au Journal officiel – pas l'inverse.

La situation actuelle, telle que nous la connaissons, arrêtée sur cette commission mixte paritaire conclusive, nous laisse pressentir que nous nous exposons à des difficultés, voire à des tensions, préjudiciables à une mise en place sereine de ces élections provinciales de la Nouvelle-Calédonie.

C'est pourquoi nous ne devons pas occulter le fruit de notre vote. S'il n'y a pas d'incitation ferme à la reprise du dialogue sur place, nous risquons de voir se détériorer la situation, déjà difficile, de la Nouvelle-Calédonie sur un plan économique, social et dans le domaine de l'emploi.

Il est urgent de replacer le consensus au centre, sans quoi tout accord n'est plus qu'une décision unilatérale. Je considère que nous avons été amenés à légiférer aujourd'hui sur une proposition de loi fondée sur un projet d'accord qui est devenu caduc par la force des choses. Cela nous oblige intellectuellement à nous référer de nouveau à l'accord de Nouméa, qui prévoyait les élections au mois de novembre 2025 – avec le corps électoral actuel, donc.

Pensons avant tout aux Calédoniens, à l'ensemble des Calédoniens ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)

Mme la présidente. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique dont la commission mixte paritaire a rédigé ainsi l'intitulé : « proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion en vue d'un accord consensuel sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie », dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de cet article, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Aux termes de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 298
Contre 39

Le Sénat a adopté définitivement.

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 30 octobre 2025 :

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE-K)

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

Proposition de loi visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets, présentée par Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez et plusieurs de leurs collègues (texte n° 221, 2024-2025) ;

Proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national, présentée par Mme Cécile Cukierman, MM. Guillaume Gontard, Patrick Kanner, Fabien Gay, Gérard Lahellec, Mme Marianne Margaté et plusieurs de leurs collègues (texte n° 626, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

JEAN-CYRIL MASSERON