compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
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Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
numerus clausus de la formation à la profession d’orthophoniste
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la question n° 656, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je souhaite interpeller Mme la ministre de la santé, chargée de l’accès aux soins, sur le numerus clausus de l’offre de formation initiale concernant la profession d’orthophoniste : il faut en effet répondre aux besoins spécifiques toujours croissants de nos enfants et de nos adolescents, mais aussi des adultes, en la matière.
Avec trente orthophonistes pour 100 000 habitants, la pénurie est particulièrement grave et quasi généralisée en France. De fait, les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous auprès de ces spécialistes atteignent un, voire deux ans. Alors qu’en janvier 2023 le ministère de la santé a fait de l’augmentation du nombre de places en formation initiale une priorité, le numerus clausus stagne depuis plusieurs années : il se situe aujourd’hui à un niveau bien inférieur à celui qui conviendrait pour répondre aux besoins de notre territoire. Cette situation est aggravée par le manque de moyens alloués aux centres de formation.
Certaines collectivités, comme la région Normandie, dont je suis élue, mettent pourtant en œuvre, par le biais d’investissements dans les structures, une politique très volontariste permettant d’augmenter le nombre de professionnels formés sur leur territoire.
Ainsi, nous plaidons depuis plusieurs années pour que le numerus clausus s’appliquant aux étudiants admis en première année dans les centres de formation normands soit relevé de manière significative. Limité à trente-cinq places à Rouen et à Caen depuis quelques années, il est passé lors de la dernière rentrée scolaire à quarante places pour chacun des deux centres.
Bien qu’elle aille dans le bon sens, cette évolution est encore loin de répondre aux besoins du territoire, d’autant que ses effets positifs ne se feront sentir qu’à l’issue des cinq années de formation.
Puisque le nombre maximal d’étudiants pouvant être admis en première année d’études préparatoires au certificat de capacité d’orthophoniste est fixé chaque année par le ministère de la santé et le ministère de l’enseignement supérieur, et qu’en Normandie l’ensemble des données semblent justifier une augmentation significative du numerus clausus, je souhaite connaître les raisons d’un tel blocage.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de la santé, qui m’a chargée de vous répondre sur ce sujet essentiel de l’accès aux soins d’orthophonie et de notre capacité à former davantage de professionnels.
Depuis quinze ans, le nombre d’orthophonistes en exercice a augmenté : il est passé de 19 000 à 25 000. Malgré cette hausse, l’accès aux soins reste difficile dans tous les territoires. De plus, il existe de fortes disparités de répartition territoriale, puisque 75 % des orthophonistes exercent en zone urbaine.
Le Gouvernement partage votre souhait de voir la situation s’améliorer, et c’est pourquoi il fait en sorte d’accroître le nombre de professionnels formés.
Pour la rentrée 2025, le nombre de places offertes sur Parcoursup au sein des centres de formation universitaire a dépassé les 1 000, soit une augmentation de 28 % en dix ans. Sur l’initiative d’Agnès Firmin Le Bodo, une proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale il y a quelques mois, afin de porter à 1 500 le nombre de personnes à former annuellement à l’horizon 2030.
Mon collègue Philippe Baptiste, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace, et moi-même visons ce même objectif. Aussi, nous soutenons pleinement votre démarche et renforçons la formation en mobilisant plusieurs leviers.
D’abord, nous ne fixons plus de quotas de formation depuis deux ans, pour laisser toute latitude aux acteurs de l’enseignement de définir le nombre de places offertes en fonction des besoins.
Ensuite, nous nous concertons avec certaines universités afin de créer de nouveaux centres de formation. À titre d’exemple, nous en ouvrirons un à La Réunion en 2026 : cela permettra de former des orthophonistes sur place et de répondre aux besoins locaux.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Enfin, le Gouvernement poursuit l’effort de création de postes universitaires dans la section 91 du Conseil national des universités des sciences de la rééducation et de la réadaptation.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, les quotas sont définis après consultation des agences régionales de santé. Dès lors que la Normandie a massivement investi dans le Ségur de la santé – c’est un cas unique en France – et dans l’enseignement supérieur, alors même que cette compétence n’est pas du ressort de la région, je demande que l’on débloque enfin la situation. Nos concitoyens viennent nous voir dans nos permanences, car ils sont désespérés : il n’est pas tolérable d’attendre aussi longtemps pour avoir accès à un orthophoniste, quand il s’agit de se rééduquer le plus rapidement possible.
critères d’identification des intercommunalités vulnérables en matière d’accès aux soins
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 669, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, le Gouvernement a publié le 27 juin 2025 la liste des 151 intercommunalités prioritaires qui accueilleront des médecins généralistes dans le cadre de la mission de solidarité territoriale obligatoire mise en place pour lutter contre les déserts médicaux.
L’Eure fait malheureusement partie des départements les moins bien dotés en médecins, au point que l’ancien ministre de la santé, Yannick Neuder, a lui-même clairement affirmé ici même, le 18 mai dernier, qu’« il ne serait pas crédible d’estimer que [ce territoire] n’est pas un désert médical ». Et pourtant, aucune intercommunalité du département ne figure dans la liste…
Cette situation ubuesque tient à l’absurdité des critères retenus : je pense notamment à la prise en compte du niveau de vie de la population. Le zonage adopté se trouve donc totalement en décalage avec la réalité des territoires.
Je souhaite tout simplement savoir, madame la ministre, si le Gouvernement compte revoir sa copie.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous nous interrogez sur la mise en œuvre de la mesure de solidarité territoriale, qui vise à améliorer l’accès aux soins dans 151 zones rouges. Vous soulevez plus globalement la question de l’accès aux soins, particulièrement dans le département de l’Eure.
En avril dernier, le Gouvernement a lancé le pacte de lutte contre les déserts médicaux, lequel comporte ce dispositif de solidarité territoriale inédit : chaque médecin pourra exercer jusqu’à deux jours par mois dans une de ces zones prioritaires.
En juin, le ministère de la santé a identifié les 151 premières intercommunalités où s’appliquera cette mesure. Ces collectivités sont considérées comme particulièrement vulnérables au regard d’un certain nombre de critères objectifs comme la densité médicale, le niveau de vie et l’état de santé de la population.
Cette liste ne signifie pas que votre département n’est pas un désert médical ou n’a aucun besoin : c’est simplement que les collectivités euroises ne figurent pas dans la liste des 151 intercommunalités pour lesquelles les besoins sont les plus prégnants. Cela ne signifie pas non plus que l’Eure ne bénéficiera pas par la suite de cette mesure de solidarité.
J’ajoute que nous n’en sommes qu’au début du processus, puisque ce dispositif, fondé sur la base du volontariat, ne s’applique que depuis début septembre. Il s’agit encore de la phase pilote : les médecins commencent tout juste à exercer dans les intercommunalités concernées.
Le Premier ministre a par ailleurs annoncé le déploiement des maisons France Santé d’ici à 2027, ce qui doit contribuer à offrir à chaque Français une solution de santé à moins de trente minutes de chez lui et à lui faire obtenir un rendez-vous médical dans les quarante-huit heures. Pour accompagner le déploiement du réseau, le Gouvernement soutiendra chaque structure labellisée, existante ou nouvelle, à hauteur de 50 000 euros.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, comment pouvez-vous affirmer que certains territoires ont des besoins plus prégnants que l’Eure, sachant que cette collectivité figure, à mon grand regret, parmi les trois départements où la présence médicale est la plus faible ?
En réalité, le problème est que le Gouvernement a retenu des critères tout à fait ubuesques, comme le niveau de vie – quel lien cela-a-t-il avec l’accès aux soins ? – ou la distance par rapport à l’hôpital. Tout cela n’a vraiment aucun sens !
L’ancien ministre de la santé a lui-même reconnu qu’il y avait un problème. Or cette carte a été publiée, et, si je comprends bien votre réponse, il n’est pas envisagé de la modifier pour l’instant.
Vous avez évoqué les annonces du Premier ministre concernant les maisons France Santé : c’est effectivement une bonne chose. Mais à quoi cela sert-il de créer de telles structures s’il n’y a pas de médecins ? La situation est totalement bloquée depuis une vingtaine d’années, car les gouvernements successifs n’ont pas osé prendre les mesures courageuses qui s’imposent.
Je prends aujourd’hui le pari, hélas ! que les maisons France Santé ne régleront rien. J’y insiste : avoir des maisons sans médecin ne permettra pas de résoudre le problème.
situation des praticiens à diplôme hors union européenne
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, auteure de la question n° 680, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Marianne Margaté. Madame la ministre, j’attire votre attention sur la maltraitance institutionnelle que subissent les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), notamment en Seine-et-Marne.
Notre pays, comme d’autres en Europe, externalise le coût de formation des médecins en important à bas coût une main-d’œuvre médicale qualifiée. En parallèle, il organise la pénurie par des dispositifs comme le numerus clausus et, à présent, le numerus apertus, afin de fragiliser les carrières, les salaires et notre service public hospitalier.
Dans ce cadre, les Padhue occupent souvent des postes précaires et sous-rémunérés, effectuent des gardes mal payées et vivent dans des conditions difficiles. Ils ne peuvent être titularisés rapidement en raison de procédures opaques et stigmatisantes, tandis que le renouvellement de leur titre de séjour demeure incertain.
Au 1er janvier 2024, selon le Conseil national de l’ordre des médecins, 17 619 Padhue exerçaient en France, soit 7,5 % des 237 300 médecins inscrits à l’ordre. En Seine-et-Marne, département où je suis élue, l’injustice est à son comble : le Trésor public réclame à cinquante de ces praticiens le remboursement de 2,7 millions d’euros de primes, pourtant partie intégrante de leur contrat de travail, qui ont été versées par le Grand Hôpital de l’Est francilien pour pallier la pénurie médicale.
Afin de mettre fin à cette situation ubuesque en Seine-et-Marne et, plus largement, d’assurer une régularisation systématique des Padhue exerçant depuis plusieurs années, notamment dans les départements en tension médicale comme le mien, je demande le déblocage de moyens dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour favoriser l’accueil des Padhue. D’ailleurs, le choix a été fait d’augmenter significativement le nombre de lauréats admis au concours : 4 000 postes ont été ouverts pour 2024 ; 4 440 le sont pour 2025.
Le Gouvernement mène également une réflexion pour définir un statut plus précis des Padhue, et ce afin qu’ils ne se retrouvent pas en situation de précarité financière. Ainsi, la loi Valletoux de décembre 2023 a permis la création, d’une part, d’une attestation d’exercice provisoire pour accueillir ces professionnels en amont du concours et, d’autre part, du statut de praticien associé contractuel temporaire, lequel rend possible le recrutement des Padhue titulaires de l’attestation d’exercice.
Nous cherchons aussi à simplifier les conditions d’accueil. Pour la première fois cette année, le concours comportera une voie interne simplifiée, consacrée à l’évaluation des connaissances des Padhue déjà en poste dans nos établissements. La ministre de la santé souhaite en outre la transformation de ce concours en examen, disposition qui a été déjà votée par le Sénat en mai 2025 dans le cadre de la proposition de loi de M. Mouiller visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires. Le Gouvernement espère que ce texte sera prochainement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Enfin, nous entendons améliorer l’accompagnement des Padhue durant le parcours de consolidation des compétences qui suit la réussite au concours : dorénavant, l’inscription à l’université sera systématique et un suivi sera assuré par le coordonnateur de la spécialité concernée.
Ces praticiens apportent une contribution précieuse à l’accès aux soins dans notre pays, notamment dans les territoires les plus isolés, raison pour laquelle nous mettons tout en œuvre pour renforcer leur intégration.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour la réplique.
Mme Marianne Margaté. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions, tant sur l’activité que les Padhue exercent dans notre pays que sur leur régularisation. J’espère que l’application de ces mesures sera la plus rapide possible et que Gouvernement aura bien pris la mesure des besoins.
J’insiste sur la situation du Grand Hôpital de l’Est francilien. Ce dossier révèle la misère de l’hôpital public et l’exploitation dont ont été victimes les Padhue concernés. Ceux-ci doivent rembourser les 30 000 à 100 000 euros réclamés par le Trésor public, tout en n’en percevant que 1 100 par mois… Cette situation est inacceptable et le Gouvernement ne peut pas s’en laver les mains.
délais de traitement des demandes de retraite pour les français établis hors de france
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, auteur de la question n° 701, transmise à M. le ministre du travail et des solidarités.
M. Yan Chantrel. Madame la ministre, je souhaite interpeller le Gouvernement sur une inégalité de traitement. Elle concerne l’activation des droits à la retraite de nos compatriotes établis à l’étranger.
Pour leur permettre de jouir de leurs droits acquis en France et dans leur État de résidence, notre pays a signé de nombreuses conventions internationales. Malgré ces textes, une injustice majeure persiste : celle des délais pour pouvoir bénéficier de sa pension de source française.
Concrètement, nos compatriotes doivent en général activer leurs droits à la retraite dans l’État où ils vivent six mois avant qu’elle soit effective. Le pays de résidence met en moyenne un à trois mois pour traiter cette demande, puis la transmet à la France. Dès lors, il faut compter vingt-quatre mois – vous avez bien entendu, madame la ministre : vingt-quatre mois ! – à réception de la demande pour que le versement de la pension de retraite se concrétise.
Cette attente inadmissible plonge une partie de nos compatriotes dans la précarité. Durant cette longue période, ils sont bien souvent contraints de maintenir leur activité professionnelle, sans que ces mois supplémentaires de travail ouvrent de nouveaux droits à la retraite.
La longueur des délais d’attente résulte de la charge globale de travail qui pèse sur les services de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), laquelle ne peut évidemment pas compter sur des moyens supplémentaires. L’efficacité du service public est essentielle pour tous nos compatriotes, où qu’ils résident. Il est primordial d’agir rapidement et d’accorder les financements nécessaires pour garantir à nos concitoyens le respect de leurs droits et une retraite sereine.
Madame la ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour réduire significativement les délais de traitement des demandes de retraite de nos compatriotes établis hors de France ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Jean-Pierre Farandou, qui aurait souhaité pouvoir vous répondre, mais qui est retenu aujourd’hui pour le lancement, en présence des partenaires sociaux, de la conférence sur le travail et les retraites, conformément aux engagements pris par le Premier ministre.
Le régime général œuvre bien à la réduction des délais de traitement des dossiers de demande de pension impliquant un mécanisme de coordination. Je pense aux règlements européens ou aux conventions bilatérales, que l’assuré demeure à l’étranger ou en France.
La stratégie de la branche retraite, formalisée par la convention d’objectifs et de gestion 2023-2027, vise à améliorer les délais de traitement de l’ensemble des demandes des assurés. Un objectif concerne plus spécifiquement les assurés résidant à l’étranger : 75 % de leurs demandes devront être traitées en moins de 120 jours d’ici à 2027.
Cette ambition globale se décline en cibles annuelles qui font l’objet d’un suivi régulier par la direction de la sécurité sociale, en lien avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse. L’assurance retraite s’organise donc pour atteindre ses objectifs et résoudre les difficultés que vous soulignez. Le déstockage des dossiers se poursuit : 35 000 dossiers ont ainsi été déstockés fin septembre 2025, ce qui correspond à l’objectif assigné.
Par ailleurs, les spécificités mêmes de ces dossiers peuvent contribuer à l’allongement de la durée de traitement. C’est pourquoi une réflexion comportant une dimension internationale a été lancée pour automatiser certaines tâches, et ce afin de réduire plus particulièrement les délais de traitement des demandes de pension des Français établis hors de France. Dans le même objectif, des actions ont été entreprises par la Cnav pour améliorer la qualité des échanges.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.
M. Yan Chantrel. Madame la ministre, la Cnav s’est effectivement vu fixer l’objectif que vous venez de mentionner, mais elle manque cruellement de personnel. L’enjeu est donc avant tout de lui allouer des moyens supplémentaires.
situation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, auteur de la question n° 742, adressée à M. le ministre du travail et des solidarités.
M. Hugues Saury. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation préoccupante des mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel.
En France, 800 000 mesures de protection juridique sont recensées. Si la moitié est assurée par les familles, environ 160 000 sur les 400 000 restantes, soit 40 %, le sont par 2 300 mandataires indépendants. Ces professionnels, qui accompagnent chaque jour des personnes vulnérables, jouent un rôle essentiel pour la préservation de leurs droits et dans la lutte contre leur isolement social.
Toutefois, leur charge de travail augmente, tandis que leur rémunération est gelée depuis plus de dix ans. Aussi, la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs demande, à juste titre, la réindexation de cette rémunération sur le Smic et l’allocation aux adultes handicapés, comme c’était le cas avant 2014.
Au-delà de cette revalorisation nécessaire, un autre point mérite d’être examiné en urgence : l’absence totale de dispositif de remplacement en cas d’indisponibilité temporaire de ces mandataires, en raison d’un congé maternité, d’un accident ou d’une maladie. Cette lacune crée un grave risque de rupture dans la prise en charge des personnes protégées.
En réponse à la question d’un député, l’ancienne ministre du travail et des solidarités précisait, le 8 mai dernier : « Des travaux sont envisagés […] en vue de réformer le financement du secteur […], quel que soit le mode d’exercice, et ce afin que la rémunération de la mesure soit plus adaptée à la charge effective de travail effectuée. »
Madame la ministre, où en sont ces travaux ? Quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il, d’une part, pour revaloriser le travail de ces professionnels, d’autre part, pour garantir un remplacement temporaire en cas d’absence ? Il s’agit d’assurer une protection continue des majeurs concernés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous soulignez l’importance des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Leur rôle est en effet fondamental pour garantir la protection juridique de nos concitoyens les plus vulnérables – il s’agit des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, malades ou en grande précarité –, dont les droits doivent être préservés avec rigueur et humanité.
Le Gouvernement reconnaît l’engagement de ces professionnels et la nécessité de leur offrir des conditions d’exercice à la hauteur des responsabilités qui leur incombent. Chaque année, près de 10 000 mandataires assurent plus de 530 000 mesures de protection.
Pour ce qui concerne la question spécifique de la rémunération des mandataires exerçant à titre individuel, le Gouvernement est évidemment conscient des attentes. Comme vous l’avez indiqué, des réflexions sont en cours. Celles-ci devraient aboutir d’ici à la fin de l’année : elles permettront de mieux évaluer la charge de travail liée aux mesures de protection, ainsi que le modèle économique des mandataires individuels comme des services de mandataires.
Toute évolution de la tarification devra s’inscrire dans une approche globale, équilibrée et soutenable, conciliant reconnaissance du travail accompli et viabilité du dispositif à moyen terme. En effet, le nombre de personnes à protéger dans les années à venir, compte tenu du vieillissement de la population, va nécessairement progresser de manière significative, ce qui aura des conséquences budgétaires non négligeables.
Enfin, comme vous le soulignez, le cadre juridique actuel n’offre pas la possibilité de remplacer ces mandataires en cas d’indisponibilité. Déposée à l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à moderniser et à simplifier la protection juridique des majeurs comporte un article 4, qui a précisément pour objet cette problématique. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement suivra de près les futurs débats législatifs.
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.
M. Hugues Saury. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, les mandataires judiciaires exerçant à titre individuel attendent des engagements concrets et un calendrier clair, et ce depuis un certain temps. Leur rôle auprès des personnes les plus fragiles mérite une reconnaissance réelle, à la hauteur de la mission d’intérêt public qu’ils exercent. Sans mesures rapides sur la revalorisation et le remplacement temporaire, la continuité même de la protection des majeurs est menacée.
présence d’hexane dans les denrées alimentaires
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, auteure de la question n° 732, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Anne Souyris. Et si je vous disais qu’il y a de l’essence et, plus spécifiquement, de l’hexane – un solvant dérivé de l’industrie pétrochimique – dans vos assiettes ? C’est ce que Guillaume Coudray, dans son ouvrage sorti le 18 septembre dernier, puis Greenpeace, au travers d’une enquête, ont récemment dévoilé au grand public.
Utilisé pour séparer les matières grasses des plantes oléagineuses, l’hexane, comme l’a démontré l’étude de Greenpeace, se retrouve dans les huiles de colza et de tournesol, dans le poulet et même dans le lait infantile ! Pas moins de 64 % de nos assiettes sont contaminées. Pourtant, l’hexane est identifié comme neurotoxique ; il est également classé comme substance cancérogène par l’Agence européenne des produits chimiques. Sa présence dans la nourriture n’est pas pour autant notifiée, l’hexane n’étant pas reconnu comme ingrédient alimentaire.
Les limites maximales de résidus, définies en 1996 à l’échelon européen, ont été définies en tenant compte d’informations communiquées par les industriels eux-mêmes. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a récemment reconnu l’insuffisance de ses propres données. Par conséquent, ces limites maximales ne protègent pas suffisamment contre les risques sanitaires…
Nous observons également des défaillances réglementaires au niveau national. De fait, il n’existe toujours pas de valeur toxicologique de référence concernant l’ingestion d’hexane. Plutôt qu’à un nouveau scandale, nous faisons surtout face à la nécessité de construire une politique de santé environnementale ambitieuse. Cela n’est pas nouveau ! L’hexane est le symptôme d’un système malade, dans lequel la santé humaine et la Terre sont toutes deux contaminées.
Aussi, madame la ministre, qu’attendez-vous pour saisir la Commission européenne, faire établir une valeur toxicologique de référence, offrir une meilleure information aux consommateurs, transparente et protectrice pour tous et, le cas échéant, interdire rapidement l’hexane, comme le demande Greenpeace ?