Sommaire

Présidence de M. Didier Mandelli

vice-président

Libération de deux otages en Iran

Attaque par un conducteur automobile sur l'île d'Oléron

Questions d'actualité au Gouvernement

prise en compte par le gouvernement du rapport de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux entreprises et à leurs sous-traitants

libération de cécile kohler et jacques paris

contradiction entre les priorités européennes pour la cop et la décision française de diminuer l'aide publique au développement

examen du plf et compétitivité des entreprises

fonds d'amorçage pour la reconstruction de Mayotte

difficulté pour les candidats aux élections municipales d'ouvrir des comptes bancaires

coupes budgétaires concernant l'apprentissage

dotations d'investissement pour les collectivités rurales

examen du plf et hausse de la fiscalité

manque d'accompagnants des élèves en situation de handicap dans les écoles

mort de mathis victime d'un conducteur multirécidiviste sous protoxyde d'azote

consommation de protoxyde d'azote

déremboursement des cures thermales

SHEIN

programmation pluriannuelle de l'énergie

avenir de novasco

Candidatures à des commissions

Structures économiques face aux risques de blanchiment

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment

Article 1er

Article 2

Article 3

Article 4

Article 5

Article 6

Article 7

Après l'article 7

Article 8

Article 9

Après l'article 9

Vote sur l'ensemble

Ordre du jour

nomination de membres de commissions

Présidence de M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Libération de deux otages en Iran

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons appris avec un immense soulagement la libération de nos deux compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, qui étaient retenus prisonniers en Iran depuis mai 2022. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

C'est une première étape : le dialogue et la diplomatie doivent se poursuivre afin de permettre leur retour à Paris.

2

Attaque par un conducteur automobile sur l'île d'Oléron

M. le président. Nous avons appris avec beaucoup d'émotion qu'un automobiliste avait volontairement fauché plusieurs piétons et cyclistes ce matin, sur l'île d'Oléron, faisant une dizaine de blessés, dont deux sont dans un état grave. L'individu a pu être interpellé grâce à l'action rapide des forces de l'ordre.

J'adresse, au nom du Sénat tout entier, et particulièrement de nos collègues sénateurs de la Charente-Maritime, Corinne Imbert, Daniel Laurent et Mickaël Vallet, ma solidarité et mes pensées aux blessés et à leurs familles.

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

J'indique que le président du Sénat, assistant à des obsèques, ne peut présider notre séance.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

prise en compte par le gouvernement du rapport de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux entreprises et à leurs sous-traitants

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Fabien Gay. Monsieur le Premier ministre, une soif de justice sociale et fiscale grandit partout dans le pays.

Dans le contexte budgétaire tendu, deux idées sont devenues majoritaires dans la population : sur les recettes, la taxe Zucman, qui a été enterrée à l'Assemblée nationale par les droites et l'extrême droite coalisées ; sur les dépenses, le chiffre de 211 milliards d'euros d'aides aux entreprises, issu du rapport que j'ai réalisé avec Olivier Rietmann.

Ce chiffre a été repris par tout le mouvement social, et pour cause : il représente deux fois le budget des collectivités et quatre fois celui de l'éducation nationale.

Notre travail a été caricaturé : nous n'avons jamais proposé la suppression des aides publiques, qui sont des leviers économiques essentiels au moment où la bataille commerciale fait rage. Notre travail a aussi été invisibilisé : vingt-six recommandations ont été adoptées à l'unanimité, sur lesquelles devrait se cristalliser le débat.

Ces recommandations visent à imposer une transparence, à l'heure où les 2 267 dispositifs recensés forment une jungle dans laquelle personne ne s'y retrouve, mais aussi un conditionnement, un suivi et une évaluation de ces fonds publics pour garantir qu'ils remplissent bien les objectifs pour lesquels ils ont été octroyés.

Depuis, nous attendons une réaction de votre part, monsieur le Premier ministre. Allez-vous enterrer notre rapport sans même nous recevoir, au mépris de votre engagement devant l'intersyndicale, ou soutenir nos amendements, voire une proposition de loi transpartisane ?

Enfin, notre travail suit un fil rouge : l'argent public ne peut pas servir les actionnaires. À la suite de leur audition, d'un épisode de l'émission Complément d'enquête et de ma tribune dans Libération, Michelin s'est engagé, dans une perspective éthique, à rembourser 4,3 millions d'euros qui n'ont jamais été investis sur le sol français.

Monsieur le Premier ministre, vous engagez-vous à ce que ce remboursement intervienne dans les plus brefs délais ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Monsieur le sénateur Fabien Gay, je vous remercie de votre question et, surtout, de votre travail. Vous avez mené une commission d'enquête complète et rigoureuse, qui a été assez médiatisée, ce qui a permis de mettre en lumière le sujet très important des aides publiques aux entreprises.

Je voudrais rappeler que, si la France est le pays d'Europe qui aide le plus ses entreprises, elle est aussi celui qui les taxe le plus. (M. Fabien Gay s'exclame.)

Une voix à droite. Bravo !

M. Roland Lescure, ministre. Quand on fait la différence entre les deux, nous sommes toujours champions d'Europe.

Mais peu importe, comme vous l'avez dit, la transparence doit être absolue pour nos concitoyens sur les sujets de fiscalité et comme sur ceux des aides aux entreprises, et vous y avez contribué.

Je suis prêt à prendre plusieurs engagements devant vous aujourd'hui.

Tout d'abord, le Premier ministre m'a demandé de vous recevoir, avec Amélie de Montchalin, pour que nous puissions faire le bilan de votre commission d'enquête et passer en revue toutes les recommandations.

Ensuite, nous souhaitons atteindre cette transparence de la manière la plus rapide possible, sur la fiscalité comme sur les aides – les deux comptent. Une plateforme de la direction générale des entreprises (DGE) rend déjà publiques les aides aux petites entreprises. Vous m'opposerez qu'il est quelque peu paradoxal que l'on sache tout des aides aux petites entreprises, mais que celles qui sont versées aux grandes entreprises fassent l'objet d'un certain flou. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons élargir cette plateforme de manière à ce que l'ensemble des aides soient consultables.

Je rappelle tout de même que, contrairement à ce qui est souvent dit, l'immense majorité des aides publiques aux entreprises en France est conditionnée. On peut critiquer le crédit d'impôt recherche (CIR), mais il est conditionné à des investissements dans la recherche. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.) Les allègements de charges sur les bas salaires sont évidemment conditionnés à de l'emploi. (Mêmes mouvements.)

M. Fabien Gay. Et Michelin ?

M. Roland Lescure, ministre. Nous allons travailler avec vous, je m'y engage.

Nous allons aussi continuer de travailler avec Michelin, car ce n'est pas tous les jours qu'une entreprise souhaite faire un chèque à l'État. Et je vous assure que nous ferons en sorte que ce chèque soit signé et qu'il arrive à bon port ! (Ah ! sur les travées du groupe CRCE-K. – M. François Patriat applaudit.)

libération de cécile kohler et jacques paris

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Olivia Richard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, quel soulagement ! Hier, dans la nuit, M. Pierre Cochard, ambassadeur de France en Iran, est allé chercher Cécile Kohler et Jacques Paris à la prison d'Evin. Il a vu les portes s'ouvrir sur leurs visages après 1 277 jours de captivité. « Ces moments-là donnent un sens à la mission diplomatique », a-t-il déclaré ce matin sur France Inter. Je veux bien le croire.

À travers vous, monsieur le ministre, je souhaite adresser mes sincères remerciements et toute ma gratitude aux équipes de notre ambassade : à Pierre Cochard et, avant lui, à Nicolas Roche, à notre premier conseiller, Rémy Bouallègue, et à toutes celles et tous ceux qui ont œuvré pour cette délivrance.

J'associe naturellement mon homologue, la présidente du groupe d'amitié France-Iran à l'Assemblée nationale, Ayda Hadizadeh, pour vous demander de leurs nouvelles : comment vont-ils ?

Après trois ans et demi de captivité, dans des conditions inhumaines que vous avez vous-même plusieurs fois qualifiées de « torture », Cécile et Jacques sont aujourd'hui à l'abri, à l'ambassade. Cette nuit, ils ont dormi dans un vrai lit pour la première fois depuis des mois.

Nous assistons à l'aboutissement d'un travail diplomatique de longue haleine et multiforme : plus aucun Français n'est incarcéré en Iran. Nos otages sont en sécurité. Ils sont libres, mais en liberté conditionnelle. Nous comprenons et partageons l'impatience de leurs familles et de leurs proches.

Monsieur le ministre, la route qu'il reste à parcourir sera-t-elle plus longue que les 4 211 kilomètres qui séparent la France de son ambassade à Téhéran ? Quelles sont les prochaines étapes ? Peut-on lire dans cette libération le signal faible d'un changement profond et la base d'un dialogue plus constructif avec le régime iranien à l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Rachid Temal applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Olivia Richard, tout d'abord, merci d'avoir rendu hommage à notre ambassadeur, à son prédécesseur et à nos agents en poste à Téhéran.

Je me suis entretenu ce matin avec Cécile Kohler et Jacques Paris. Je leur ai exprimé ma joie de les trouver en sécurité et en bonne forme à la résidence de France à Téhéran et je leur ai fait part de l'immense élan de solidarité qui s'est exprimé à travers tout le pays pendant trois ans et demi et qui les a portés pendant cette épreuve.

En retour, ils m'ont chargé, avant de pouvoir le faire eux-mêmes de vive voix, de transmettre leurs remerciements à toutes celles et à tous ceux qui, pendant la période de leur captivité, se sont mobilisés pour que leur cause ne soit pas oubliée.

Ces remerciements s'adressent aux agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, dont je veux saluer à mon tour le dévouement et l'excellence dans l'exercice de leur mission, mais aussi, plus largement, aux services de l'État, mobilisés sous l'autorité du Premier ministre, qui ont contribué à obtenir ce résultat.

Ils concernent également l'ensemble des comités de soutien qui se sont créés sur tout le territoire national et leurs membres, qui ont brandi les photos de Cécile Kohler et de Jacques Paris pendant trois ans et demi pour qu'ils ne soient pas oubliés.

Enfin, ils s'adressent à vous, madame la présidente du groupe d'amitié, ainsi qu'à l'ensemble des sénatrices et des sénateurs qui ont refusé de baisser les bras.

Cette libération est une très bonne nouvelle au regard des conditions indignes, et même indicibles, de leur détention depuis trois ans et demi. Mais elle n'est qu'une première étape, qui doit nous mener jusqu'à leur libération définitive et leur rémission totale.

En effet, leur calvaire ne s'est pas arrêté au moment où ils ont été récupérés par notre ambassadeur devant la prison d'Evin. Compte tenu de l'épreuve qu'ils ont traversée, il se poursuivra après leur libération définitive.

C'est pourquoi j'ai dépêché dès hier une équipe de renfort aux côtés de l'équipe de l'ambassade pour les accompagner dans les prochaines semaines. Nous serons auprès d'eux et auprès de leurs familles dans toutes les prochaines étapes menant à leur libération définitive.

Merci à vous et à toutes celles et ceux qui les ont soutenus pendant trois ans et demi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

contradiction entre les priorités européennes pour la cop et la décision française de diminuer l'aide publique au développement

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Karine Daniel applaudit également.)

M. Ronan Dantec. Madame la ministre, la COP de Belém sera la COP de l'accord sur le financement de l'action climatique mondiale ou ne sera pas ! Le Conseil de l'Union européenne du 21 octobre l'a d'ailleurs souligné dans son communiqué de presse officiel : « L'accent est mis sur l'importance de rendre les flux financiers compatibles avec les objectifs de l'accord de Paris. »

Aussi pourrions-nous penser que vous vous rendez à Belém avec des propositions fortes pour renforcer les fonds ayant vocation à accompagner les efforts d'adaptation, en particulier les aides au développement, dont il a été question au cours de la réunion du 21 octobre.

Je rappelle également que le Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux, présidé par Emmanuel Macron et chargé de définir les priorités de l'aide publique au développement (APD) en France, a fait, en avril 2025, du financement des énergies renouvelables dans le monde sa première priorité.

Or vous partez au Brésil, madame la ministre, avec un projet de loi de finances (PLF) absolument contradictoire avec l'urgence climatique. Moins 2,5 milliards d'euros : voilà la baisse des crédits consacrés à l'APD en deux ans, si nous tenons compte des 700 millions d'euros de coupes que prévoit le PLF pour 2026 !

Madame la ministre, vous dites vous-même, comme vous l'avez fait hier encore à Bruxelles, que la priorité actuelle est autant d'aider les pays du Sud à maîtriser leurs émissions de CO2 que de réduire les nôtres. Après cette réduction budgétaire, la France ne sera même plus en mesure de respecter les engagements financiers qu'elle a pris lors des COP précédentes, notamment ceux qui sont relatifs au Fonds vert pour le climat et à la biodiversité.

Ma question est donc très simple : madame la ministre, comment pouvez-vous assumer une telle contradiction ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature.

Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature. Monsieur le sénateur, vous voyez une contradiction entre les ambitions que nous défendrons à la COP30 et le niveau des contributions françaises aux aides publiques au développement.

Sachez que la France continue de se placer au deuxième rang des contributeurs au sein de l'Union européenne et parmi les principaux contributeurs mondiaux de la finance climat internationale.

M. Mickaël Vallet. On n'est pas la Lettonie !

Mme Monique Barbut, ministre. En 2024, les financements climatiques de la France à destination des pays en développement se sont élevés à 7,2 milliards d'euros, dont 3 milliards d'euros spécifiquement consacrés aux questions d'adaptation. C'est bien davantage que l'objectif de 6 milliards d'euros qui avait été fixé par le Président de la République, preuve que nous tenons nos engagements financiers.

Toutefois, il convient de rappeler que la part de financements publics est par nature minoritaire : elle représente autour de 30 % des financements liés au climat dans le monde. Tout l'enjeu pour nous est donc de mobiliser massivement des financeurs. Il nous faut pour cela créer les conditions propices pour que des investisseurs privés s'engagent avec nous. C'est dans cet esprit que le Président de la République avait lancé en 2023 le pacte de Paris pour les peuples et la planète.

Tout comme moi, je sais que vous souhaitez engager des financements innovants. Je suis prête à discuter avec vous de la manière de concrétiser, en particulier, une taxe carbone aux frontières consacrée au financement climatique. L'accord obtenu cette nuit concernant la loi européenne sur le climat peut nous y aider.

Nous voulons faire de la finance climat non pas une dépense, mais un levier d'investissement pour la planète, au service d'une transition juste et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. Monsieur le Premier ministre, l'année dernière, le Sénat a trouvé un accord pour sauver l'APD : 0,1 % de taxe sur les transactions financières (TTF) en échange de la suppression du rabot. Mais le gouvernement d'alors et Bercy n'ont pas respecté cet accord : ils ont conservé les recettes et maintenu le rabot.

Connaissant votre engagement en faveur des compromis, je vous propose, monsieur le Premier ministre, d'honorer cet accord de manière rétroactive en injectant les 700 millions d'euros attendus l'année dernière dans le budget pour 2026. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Patrice Joly et Mme Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

examen du plf et compétitivité des entreprises

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Rietmann. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, depuis plusieurs semaines, une étrange hostilité se déchaîne contre les chefs d'entreprise. Érigés par certains en ennemis publics numéro un, ils sont traités de profiteurs : la rentabilité actionnariale serait leur seule boussole et certains osent même nous expliquer qu'ils ne paieraient pas d'impôts… (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Aussi l'Assemblée nationale s'est-elle lancée, pour les punir, dans la rédaction d'un catalogue de pénalités de plus de 43 milliards d'euros qui dévaste – et je pèse mes mots – les entrepreneurs et tient à distance les potentiels entrepreneurs. (M. Alexandre Ouizille s'exclame.)

Monsieur le ministre, d'où viennent les plus de 1 200 milliards d'euros de recettes fiscales et sociales collectées par l'État en 2024, redistribuées à tous les Français pour élever leur niveau de vie ? D'où viennent les investissements qui permettent de fabriquer en France, d'y créer des emplois et de les conserver ? D'où viennent l'innovation et la prise de risque pour garantir la souveraineté de notre pays face aux géants commerciaux chinois ou américains ? De nos entreprises, encore et toujours ! (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. Et des travailleurs, accessoirement !

M. Olivier Rietmann. Ces constats lucides étaient d'ailleurs partagés par le Gouvernement il y a encore un mois. Ce fut donc un choc d'entendre l'exécutif s'engager, lundi dernier, à transmettre au Sénat tous les amendements votés par les députés.

Mme Cécile Cukierman. C'est la Constitution !

M. Olivier Rietmann. Au-delà de cette incongruité procédurale, comment ne pas voir dans cette annonce une forme d'adhésion du Gouvernement à l'obsession fiscale et au discours antiproductif ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est quand même incroyable !

M. Olivier Rietmann. Il est urgent de changer de cap et de dire haut et fort aux entreprises que nous avons besoin d'elles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Par conséquent, ma question est simple et directe : si le projet de loi de finances n'est pas adopté à l'Assemblée nationale, vous engagez-vous, monsieur le ministre, à nous transmettre un texte délesté de tous les amendements anti-entreprises ? (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. Mickaël Vallet. Qui a gagné les législatives ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Monsieur le sénateur Rietmann, un budget n'est pas qu'un exercice comptable, c'est un exercice économique. C'est la politique publique qui permet toutes les autres, et notamment celle du soutien à la compétitivité de nos entreprises.

Je voudrais tout d'abord vous dire une chose : jusqu'ici, tout va bien. La croissance française tient, elle est même plus forte que dans la plupart des pays européens. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) L'information est tombée ce matin que la production industrielle a rebondi au mois de septembre.

M. Olivier Paccaud. On a l'impression d'entendre Bruno Le Maire !

M. Roland Lescure, ministre. Je ne dis pas que nous devons nous réjouir, mais ne cassons pas la dynamique qui est en cours. Pour l'instant, ça va bien !

Ensuite, les incertitudes politiques influent sur les inquiétudes économiques. Il est donc essentiel de les lever. Des entreprises ont investi et exporté au cours du troisième trimestre. Il faut qu'elles continuent de le faire. Pour cela, il convient de reconnaître que nous devons lever l'hypothèque de la situation politique compliquée – elle l'est sans doute un peu ici, elle l'est bien davantage à l'Assemblée nationale, mais cela ne vous aura pas échappé – que nous connaissons.

Dès lors, le Premier ministre a fait un choix audacieux en renonçant à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour laisser le débat se dérouler. Chaque chambre travaillera et votera. Et si les votes dépendent moins de l'avis du Gouvernement que par le passé, cela ne nous empêche pas de le donner régulièrement. Je l'ai fait sur la plus grosse des taxes auxquelles vous avez fait référence, celle sur les multinationales, qui me semble inconventionnelle, contraire aux engagements européens de la France et, surtout, extrêmement délétère pour nos entreprises.

Nous devons continuer de travailler ensemble – l'Assemblée nationale est en train de le faire, le Sénat s'apprête à le faire à son tour – pour que ce budget soit sérieux. Parvenir à un déficit de moins de 3 % en 2029 suppose un redressement budgétaire dès 2026, mais aussi un budget qui soutienne nos entreprises.

Pour ce qui est de la procédure parlementaire, vous comprendrez qu'il me faut laisser le débat parlementaire se poursuivre jusqu'à son terme à l'Assemblée nationale avant de vous donner les conditions dans lesquelles il commencera dans cet hémicycle le moment venu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

fonds d'amorçage pour la reconstruction de Mayotte

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Annie Le Houerou applaudissent également.)

Mme Salama Ramia. Madame la ministre des outre-mer, cela fera bientôt un an que le cyclone Chido a frappé Mayotte. Ce fut une épreuve malheureuse, mais elle a su rappeler la résilience des Mahorais et de leurs élus.

Un an plus tard, les communes de Mayotte tirent la sonnette d'alarme, faute d'avoir obtenu le déblocage du fonds d'amorçage consacré notamment à la reconstruction des écoles. Si elles indiquent avoir été notifiées par l'État, aucun acompte n'a été versé.

Je pense aux communes d'Acoua, de Bandrélé, de Mamoudzou, de Dzaoudzi-Labattoir, de Boueni, de Sada, de M'Tsangamouji, de Chirongui ou encore de Pamandzi, pour ne citer qu'elles. Hélas, le non-paiement s'est imposé comme la règle plutôt que comme l'exception.

À titre d'exemple – cela vous parlera peut-être –, à Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, les dégâts ont été évalués à près de 96 millions d'euros. À la demande de l'État, la commune a déposé sur la plateforme dédiée une demande de financement de 9 millions d'euros pour la rénovation des écoles afin d'assurer la rentrée scolaire. Seuls 2 millions d'euros ont été notifiés à la commune par six arrêtés et, à ce jour, zéro euro de débloqué ! Je répète : zéro euro !

Dans ces conditions, comment les communes, qui sont en première ligne de la reconstruction, pourront-elles se relever ?

Madame la ministre, l'inquiétude et l'incompréhension des Mahorais ne cessent de grandir, d'autant que la saison cyclonique 2025 vient de débuter, sans que les travaux nécessaires aient été réalisés. Il y a quinze jours, une première tempête a menacé l'île.

Madame la ministre, quelles sont les raisons de ce retard ? À quelle date l'État entend-il honorer ses engagements à Mayotte ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Ramia, je profite de cette question pour saluer votre engagement et tout le travail que vous avez accompli depuis votre élection. Je pense naturellement au rôle actif que vous avez joué dans l'élaboration de la loi d'urgence pour Mayotte et de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

Vous m'interrogez sur le versement du fonds d'amorçage. Je le rappelle, ce fonds, qui est un soutien aux collectivités, a été renforcé après le passage du cyclone Chido.

De nombreux dossiers ayant reçu un accord de principe, l'État s'est à ce jour engagé à hauteur de 91 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 9 millions d'euros supplémentaires. Comme vous le savez, il a été obligé de gérer en urgence le ramassage des déchets.

J'entends les critiques des maires que vous venez de relayer quant aux délais de validation et d'instruction des dossiers. Les collectivités ont été accompagnées par la préfecture dans la constitution des dossiers, mais l'instruction a été rendue complexe par plusieurs facteurs : tout d'abord, des modifications ont été nécessaires sur un certain nombre de dossiers ; ensuite, un manque d'ingénierie a retardé les procédures ; enfin, depuis le passage du cyclone, certaines communes restent encore très affectées dans leur fonctionnement.

Néanmoins, 37 millions d'euros ont été autorisés à ce jour et six millions d'euros le seront dans les prochains jours. En crédits de paiement, quelque 23,5 millions d'euros ont été versés et 4 millions supplémentaires le seront prochainement. Mais vous avez raison, il faut faire plus et aller plus vite.

Ces crédits relevant du budget de mon ministère, je veillerai à la bonne consommation de l'enveloppe avant la fin de l'année pour que les engagements soient tenus. J'ajoute que le soutien de l'État aux collectivités et à l'établissement public de reconstruction se poursuivra en 2026 : 200 millions d'euros de crédits sont inscrits dans le projet de loi de finances, conformément aux engagements que nous avons pris dans la loi de programmation.

Enfin, la nouvelle instruction que je signerai garantira la célérité et la rigueur du circuit d'instruction et de validation. Quelles que soient nos positions respectives, nous poursuivons les mêmes objectifs : il nous faut, dans les meilleures conditions et dans les plus brefs délais, refonder Mayotte. (M. François Patriat applaudit.)

difficulté pour les candidats aux élections municipales d'ouvrir des comptes bancaires

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d'exprimer ma solidarité et celle des membres de mon groupe envers les victimes de l'attaque de l'île d'Oléron. Nos pensées vont à leurs familles.

Monsieur le ministre, au-delà de la polémique actuelle au sujet du durcissement des règles relatives aux découverts bancaires, je souhaite vous alerter sur la vive inquiétude des candidats aux prochaines élections municipales.

Comme chacun le sait, tout candidat à une élection municipale dans une commune de plus de 9 000 habitants est tenu d'ouvrir un compte de campagne retraçant l'ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées. Or il apparaît que le réseau bancaire pourrait facturer l'ouverture d'un compte entre 600 et 900 euros.

Ces frais bancaires totalement disproportionnés seraient ainsi le prix à payer pour concourir à la vie démocratique de notre pays. Permettez-moi de m'insurger contre cette pratique abusive qui ne trouve absolument aucune justification.

En effet, le rôle de la banque est négligeable, pour ne pas dire nul. La responsabilité du suivi du compte de dépôt pèse exclusivement sur le mandataire financier, qui perçoit les recettes – dons, apports personnels, prêts, contributions des partis – et règle l'intégralité des dépenses de campagne.

Certes, les frais bancaires liés à la gestion du compte de campagne sont considérés comme des dépenses électorales et peuvent donc être pris en compte dans le calcul du remboursement par l'État. Mais encore faut-il que le candidat ait obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour.

Alors que les communes n'ont jamais été aussi ponctionnées financièrement et que les maires subissent de plus en plus l'agressivité de leurs concitoyens, la plupart des élus choisissent tout de même de repartir, car ils ont l'intérêt général chevillé au corps et savent qu'ils sont l'un des derniers piliers encore stables de notre démocratie.

Monsieur le ministre, entendez-vous saisir la Fédération bancaire française (FBF) afin qu'elle harmonise les pratiques de ses membres et impose des frais bancaires raisonnables, comme elle s'y est engagée auprès de moi ? Comment entendez-vous faire respecter l'égalité de traitement entre les candidats et le droit le plus élémentaire du citoyen, celui de concourir librement à une élection ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Madame la sénatrice Laure Darcos, je vous remercie de votre question.

Alors que les élections municipales approchent, et un an et demi après des élections législatives qui n'étaient pas nécessairement attendues par tous, vous appelez mon attention sur les difficultés que l'on éprouve parfois à ouvrir un compte de campagne. J'ai moi-même été candidat trois fois et l'ouverture de mes comptes de campagne n'a pas toujours été facile.

Comme vous le savez, par la loi de septembre 2017, que nous avons votée – j'étais à l'époque parlementaire –, nous avons créé les fonctions de médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. Lorsqu'ils subissent des procédures excessivement lourdes, ou encore – j'ai découvert ce problème en écoutant votre question – des frais exagérés, les candidats peuvent saisir ce médiateur afin qu'il s'assure que les procédures visées sont bel et bien régulières.

Le poste de médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques est aujourd'hui vacant : je viens également de le découvrir. Je m'engage à nommer un nouveau médiateur très vite.

Le dernier titulaire du poste a dressé un bilan…

Mme Cécile Cukierman. Cela ne suffit pas !

M. Roland Lescure, ministre. … exhaustif des nombreux cas dont il a été saisi depuis 2017. On parle de 1 500 dossiers en six ans, soit 250 par an.

Il a noté qu'à ce titre il n'y avait pas de problème d'ouverture de comptes…

M. Roland Lescure, ministre. … ou plutôt qu'il y en avait assez peu, notamment pour les élections municipales. Les candidats dont il s'agit sont souvent ancrés dans leur territoire ; ils connaissent les banquiers, les banquiers les connaissent…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Si cela se passait tout le temps ainsi...

M. Roland Lescure, ministre. On dénombre donc très peu d'ouvertures de comptes difficiles lors des élections municipales – en tout cas, c'est ce qu'affirme ce rapport. (Protestations sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. Chers collègues, s'il vous plaît !

M. Roland Lescure, ministre. Madame la sénatrice, je le répète, je découvre le problème de frais que vous évoquez. J'ajoute que j'y suis extrêmement sensible. Ce n'est pas parce que l'État rembourse ces frais qu'ils doivent être disproportionnés : nous sommes bien d'accord sur ce point.

Je vais en parler avec les représentants de la Fédération bancaire française (FBF), que je dois rencontrer dans les jours qui viennent : je ne manquerai pas d'ajouter ce sujet à la longue liste de points que je dois aborder avec eux.

En revanche, j'y insiste,…

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Roland Lescure, ministre … la directive et l'ordonnance présentés la semaine dernière ne durcissent en rien les conditions du découvert : c'est très important de le rappeler.

coupes budgétaires concernant l'apprentissage

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le ministre, l'apprentissage a fait ses preuves pour aider les jeunes à entrer dans la vie professionnelle et soutenir les entreprises. Cette formation de terrain s'est développée au cours des dernières années et ses bienfaits ne sont plus à démontrer, même si, en la matière, nous sommes encore loin de l'Allemagne. Alors, pourquoi un tel acharnement du Gouvernement à l'encontre des apprentis dans les projets de budget pour 2026 ?

Depuis le 1er janvier dernier, les coups de rabot se multiplient : assujettissement à la contribution sociale généralisée (CSG), contribution au remboursement de la dette sociale, puis taxe de 750 euros pour les employeurs embauchant un apprenti à partir du bac+3. Le résultat ne s'est pas fait attendre : c'est 6 000 apprentis de moins.

Comme si cela ne suffisait pas, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 supprime à présent l'exemption de cotisation salariale. Une telle mesure entraînerait, de fait, 101 à 187 euros de baisse de salaire net, selon l'âge et l'année de formation des apprentis. Ces derniers tomberaient ainsi sous le seuil de revenu éligible pour bénéficier de la prime d'activité : pour eux, ce serait donc la double peine.

Ces jeunes sont pourtant méritants. Ils arrivent à concilier études et activité professionnelle, pour des salaires mirobolants – 600, 700 et même 800 euros parfois ! Les considérez-vous comme des nantis ?

À l'évidence, le compte n'y est pas encore... Par le projet de loi de finances, vous supprimez donc les 500 euros d'aide au financement du permis de conduire, dont l'obtention est une nécessité en zone rurale.

Toutes ces mesures trahissent, de la part du Gouvernement, un cruel manque de justice sociale et, surtout, une négation de la valeur travail.

Monsieur le ministre, comptez-vous maintenir ces mesures, que je qualifierai de déplorables ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur Bilhac, avant tout, je tiens à excuser M. le ministre du travail et des solidarités, précisément retenu à l'Assemblée nationale par l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Gouvernement est évidemment attaché à la politique menée en faveur de l'apprentissage, qui est une des grandes réussites de ces dernières années. Nous avons franchi le cap du million d'apprentis, objectif que l'on jugeait encore impossible à atteindre il y a quelques années, en tout cas en France. Beaucoup nous expliquaient qu'il s'agissait d'une spécificité allemande et que jamais l'on n'arriverait, en France, à soutenir l'apprentissage comme on le fait outre-Rhin.

Pourtant, pour les centaines de milliers de jeunes qui en bénéficient comme pour les entreprises, l'apprentissage est un atout. Il s'agit notamment d'un tremplin vers l'emploi et, souvent, vers des postes pérennes et bien payés – je pense notamment au secteur industriel. C'est la raison pour laquelle cette politique publique est très importante.

Après les années de crise que nous avons vécues, au cours desquelles un certain nombre de dispositifs exceptionnels de soutien ont été mis en place, il faut bien sûr mener une réflexion d'ensemble sur la politique de soutien à l'apprentissage.

Dans le projet de budget présenté par le Gouvernement, un certain nombre d'exonérations sont maintenues. Je pense en particulier à l'exonération d'impôt sur le revenu, ainsi qu'à l'exonération partielle de CSG.

Vous avez évoqué les exonérations de cotisations. Ces dernières feront naturellement l'objet d'un débat : le Parlement est appelé à se saisir du sujet.

Quant à la question des aides au permis de conduire, elle mérite avant tout d'être bien circonscrite. Je rappelle qu'aujourd'hui leur attribution ne dépend pas des ressources des apprentis. Elle ne dépend même pas des autres aides que ces derniers peuvent toucher, comme le permis à 1 euro, les aides locales ou encore les aides d'État. Nous devons mener cette réflexion, qu'il s'agisse de l'apprentissage ou d'autres domaines encore.

Vous pouvez évidemment compter sur la détermination du Gouvernement à soutenir l'apprentissage. Vous l'avez rappelé, il s'agit d'une politique socialement juste. Nous parlons de jeunes qui se battent ; qui, malgré des conditions parfois difficiles, tiennent absolument à travailler, car ils veulent se former et, ce faisant, accéder à un emploi pérenne.

Je le répète, la politique de soutien à l'apprentissage est une des grandes réussites de ces dernières année, et nous entendons bien la maintenir. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.

M. Christian Bilhac. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas entendu annoncer l'abandon de ces mesures… Comme disait mon professeur de latin, errare humanum est, perseverare diabolicum ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

dotations d'investissement pour les collectivités rurales

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Avant tout, je tiens à associer l'ensemble des élus du groupe socialiste aux paroles prononcées, au nom de la présidence, au sujet de la tentative d'assassinat perpétrée ce matin sur l'île d'Oléron.

Ma question s'adressait à M. le ministre délégué chargé de la ruralité.

Le Gouvernement annonce la création d'un fonds d'investissement pour les territoires (FIT) censé simplifier et rationaliser les outils d'appui à l'investissement local.

L'intention peut sembler louable. Sur le papier, on est en droit d'espérer une meilleure lisibilité, une mutualisation des moyens et une simplification des procédures. Mais, dans les faits, c'est tout l'inverse qui se profile.

Ce nouveau fonds fusionne trois dotations essentielles : la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation politique de la ville (DPV). Nous parlons de trois instruments différents, de trois objectifs complémentaires, de trois politiques publiques au service d'une même ambition : soutenir les territoires dans toute leur diversité.

Ne nous y trompons pas, cette fusion n'est qu'un moyen pour mieux réduire les dotations concernées, et ce sera le cas dès 2026.

Les élus locaux redoutent une dilution des priorités et une disparition d'outils ciblés : ils ont raison. En rassemblant ces dotations dans un fonds unique, on prend le risque d'effacer nombre de spécificités, d'aplanir les priorités, de substituer à des politiques lisibles un dispositif uniforme, centralisé et technocratique.

Madame la ministre, avec ce fonds, dont les critères d'éligibilité restent bien obscurs est qui est amputé de 200 millions d'euros dès sa naissance, comment comptez-vous garantir aux territoires ruraux qu'ils ne seront pas les grands perdants de la réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Briquet, je vous remercie de votre question, portant sur un sujet dont nous avons déjà longuement parlé hier, lors du débat consacré à la situation des finances publiques locales.

Les investissements des collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public et nous mesurons tous leur importance.

J'ai eu l'occasion de le dire hier, le Gouvernement présente un budget de responsabilité et de redressement…

M. Pascal Allizard. De sobriété !

Mme Françoise Gatel, ministre. Non seulement nous prenons en compte la situation actuelle de notre pays, mais nous espérons des jours meilleurs, le but étant de renforcer encore les services rendus à la fois par les collectivités territoriales et par l'État.

Vous m'interrogez au sujet du FIT, dont il est régulièrement question au Sénat.

Je rappelle que la réunion dans une seule enveloppe des dotations réservées aux territoires ruraux, de la DSIL et de la DPV, que la Haute Assemblée connaît bien, répond à une demande de simplification formulée, entre autres, par des préfets et des associations d'élus. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, ceux d'entre vous qui siègent au sein des commissions DETR le confirmeront : nous sommes tous très heureux de voir que nos territoires bénéficient à la fois d'un peu de DETR et de DSIL, en y ajoutant quelques crédits du troisième fonds lorsqu'il n'est pas entièrement consommé. (M. Thierry Cozic manifeste son désaccord.)

Madame la sénatrice, telle est l'idée directrice de cette réforme, dont nous discuterons ensemble. Quoi qu'il en soit, je vous certifie que, si la DETR est incluse dans ce nouveau fonds, son montant n'en est pas moins maintenu. Il en est de même de l'ensemble des critères d'attribution. Mais, je le répète, il nous appartiendra de débattre de tout cela.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.

Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, je vous sais attentive à ces territoires, à l'instar de votre collègue chargé de la ruralité. Je ne doute pas que vous saurez répondre aux associations d'élus, qui sonnent l'alerte : elles redoutent que ce nouveau fonds ne camoufle, en fait, la fin de la DETR. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

examen du plf et hausse de la fiscalité

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Mouton, pour le groupe Les Républicains, qui pose aujourd'hui sa première question d'actualité au Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre Mouton. Monsieur le président, permettez-moi avant tout de rendre hommage à notre collègue Gilbert Bouchet, à qui j'ai l'honneur de succéder. (Applaudissements.) Je salue à la fois son combat exemplaire contre la maladie, son action résolue au service de l'intérêt général et l'héritage politique qu'il nous lègue.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

Monsieur le ministre, ce que vous menez avec votre PLF pour 2026, au fond, c'est la politique du sparadrap.

Plutôt que de soigner la plaie, à savoir les dépenses, vous posez un sparadrap : l'impôt. C'est facile, c'est immédiat et c'est politiquement commode. Mais dans un pays qui détient déjà le record du taux de prélèvements obligatoires, c'est dangereux.

Une fois de plus, l'effort de consolidation proposé repose, pour près de la moitié, sur de simples mesures fiscales, alors qu'il devrait essentiellement découler d'une baisse en valeur des crédits de l'État, d'une vraie réforme des politiques publiques. Vous vous contentez de nous proposer un nouveau sparadrap fiscal.

Hergé nous avait pourtant mis en garde. Souvenez-vous du sparadrap du capitaine Haddock : on croit l'appliquer un instant seulement, mais, une fois déroulé, il colle partout et devient impossible à enlever.

L'an dernier, on nous jurait que la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) ne vaudrait que pour 2025 : vous la reconduisez. On nous promettait que la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE) serait elle aussi temporaire : vous la reconduisez. On nous jurait que le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) ne serait appliqué que pour un an : vous proposez le Dilico 2, lequel se révèle particulièrement pénalisant pour les collectivités territoriales.

Finalement, la même scène se joue année après année. On nous promet un sparadrap éphémère et nous constatons qu'il colle toujours autant.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quand vous déciderez-vous enfin à soigner la plaie, c'est-à-dire la dépense, au lieu de masquer l'hémorragie par de nouveaux impôts ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Madame la sénatrice Mouton, d'abord, il me semble intéressant de voir le chemin parcouru ces dernières années…

M. David Amiel, ministre délégué. En prenant pour référence le projet de loi de finances initial pour 2025, autrement dit le texte proposé par le Gouvernement, on constate que le volume de prélèvements obligatoires a baissé de 35 milliards d'euros depuis 2017. C'est autant d'argent qui a été restitué aux ménages et aux entreprises de France.

Les comparaisons avec les autres pays sont également éclairantes. Je pense par exemple à l'Allemagne : l'écart entre les impôts payés dans nos deux pays n'a jamais été si faible. Il a été réduit d'un tiers.

Tel est le chemin parcouru au cours des dernières années. Il faut évidemment poursuivre dans cette voie. Vous l'avez d'ailleurs rappelé implicitement, l'effort proposé par le Gouvernement porte majoritairement sur les dépenses. J'irai même plus loin : l'effort demandé à l'État stricto sensu est d'une ampleur historique. Jamais un tel effort d'économies n'a été suggéré, en valeur, sur les budgets des différents ministères.

Quant aux baisses d'impôt, il faut également les poursuivre. À cet égard, les mesures proposées au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sont extrêmement importantes. Qu'ils émanent de parlementaires, d'économistes ou d'organismes indépendants, nombre de rapports le montrent : la CVAE est l'impôt qui percute de plein fouet notre industrie…

M. Yannick Jadot. Et les collectivités territoriales ?

M. David Amiel, ministre délégué. En outre, c'est l'impôt pour lequel la France affiche l'écart le plus élevé par rapport à ses principaux partenaires – je pense évidemment à nos voisins allemands.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous proposera de poursuivre la baisse des impôts de production ; de ces impôts contre lesquels on a coutume de s'insurger sans qu'il soit toujours facile de s'accorder en vue de leur baisse.

Voilà ce que le Gouvernement vous proposera. Quant aux débats budgétaires, ils ont commencé à l'Assemblée nationale. Dans ce cadre, les députés de La France insoumise (LFI) et du Rassemblement national (RN) ont défendu un certain nombre d'amendements dont les dispositions sont contraires à notre Constitution comme au droit européen, traduisant une volonté politique que chacun a comprise.

Quant aux modifications à la fois conformes au droit européen et à notre Constitution, elles ne font pas augmenter massivement les impôts...

M. le président. Merci, monsieur le ministre !

M. David Amiel, ministre délégué. D'ailleurs, on constate à la fois des hausses et des baisses, dont vous serez appelés à débattre. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Mouton, pour la réplique.

Mme Marie-Pierre Mouton. Monsieur le ministre, ne méprisez pas les remèdes préconisés par Jean-François Husson. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Le rapporteur général de notre commission des finances propose des économies concrètes.

Ne méprisez pas non plus les solutions défendues par notre collègue Christine Lavarde, qui a mené un travail remarquable sur la réorganisation des opérateurs et des agences de l'État.

Ne méprisez pas ces remèdes. Bien au contraire, saisissez-les ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

manque d'accompagnants des élèves en situation de handicap dans les écoles

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre Monier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, vingt ans se sont écoulés depuis le vote de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances.

Ce bel anniversaire s'accompagne malheureusement d'un triste chiffre : à la rentrée de septembre dernier, près de 50 000 enfants étaient en attente d'un accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH), alors même qu'ils disposaient d'une notification en bonne et due forme. Ce chiffre édifiant a été obtenu par la commission d'enquête sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap, instance dont je salue le rapporteur, notre collègue député Sébastien Saint-Pasteur.

Au total, 14 % des enfants concernés sont privés de l'accompagnement auquel ils ont droit, soit 33 % de plus qu'en 2024. Nous ne tenons pas la promesse de la loi de 2005.

En résultent des conséquences graves : un AESH qui manque, ce sont de mauvaises conditions d'apprentissage pour les enfants concernés et des classes difficiles à gérer.

Nous nous efforçons pourtant, budget après budget, de relayer les alertes des parents d'élèves, des personnels éducatifs, des élus locaux et des AESH elles-mêmes – je dis « elles », car ce sont à 90 % des femmes.

Les difficultés à appliquer la loi de notre collègue Cédric Vial relative à l'accompagnement sur le temps méridien soulignent, de même, les carences déplorées parmi les effectifs d'AESH sur le terrain.

Vous avez admis qu'il était « parfois compliqué, y compris en termes de vivier, de recruter autant d'AESH que nous voudrions ». Mais nous connaissons la solution : arrêtez de les payer en deçà du seuil de pauvreté ! Formez-les ! Mes collègues socialistes et moi-même estimons qu'il est temps de leur donner un véritable statut au sein de la fonction publique.

Monsieur le ministre, le temps des rapports est fini : nous attendons vos réponses concrètes pour que chaque enfant bénéficie de l'accompagnement dont il a besoin et que nous lui avons promis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice Marie-Pierre Monier, nous tous ici avons un objectif commun : que chaque enfant de la République suive le parcours scolaire lui permettant d'aller au bout de ses potentialités.

Avant d'en venir au cœur de votre question, je me permets d'attirer l'attention collective sur le travail accompli au cours des dernières années. Nous avons créé un véritable service public de l'école inclusive. Le deuxième métier de l'éducation nationale, aujourd'hui, c'est celui d'AESH.

À ce titre, nous pouvons tous nous réjouir d'une bonne nouvelle : aujourd'hui, autant d'enfants en situation de handicap sont scolarisés dans le second degré que dans le premier. Autrement dit, bon nombre de ceux qui, hier, étaient laissés sur le bord de la route à la fin de l'école primaire vont aujourd'hui jusqu'au baccalauréat. En témoignent, d'ailleurs, les aménagements aux différentes épreuves de cet examen, lesquels n'ont cessé de progresser.

Cela étant dit, l'accompagnement humain des enfants demeure effectivement un enjeu…

Mme Colombe Brossel. C'est clair !

M. Edouard Geffray, ministre. Même s'il ne restait, à ce titre, qu'une situation problématique, ce serait encore une de trop, pour les familles comme pour les professeurs. Nous sommes bien d'accord sur ce point.

La difficulté, c'est que – vous le savez – le nombre de prescriptions augmente de 10 % par an. (Mme Marie-Pierre Monier le confirme.) Nous courons donc chaque année après ce phénomène, qui recouvre des enjeux territoriaux extrêmement différents, les viviers étant eux-mêmes de natures très diverses.

S'y ajoute un enjeu de calendrier. Vous rappelez que 50 000 enfants n'étaient pas accompagnés dûment à la rentrée dernière. Cela ne veut pas dire qu'ils n'étaient pas scolarisés ou pris en charge ; mais ils n'étaient pas accompagnés humainement. À la veille des vacances de la Toussaint, ce chiffre était tombé à 42 000. Nous allons évidemment le réduire encore – nous travaillons en ce sens et nous allons redoubler d'efforts dans les prochaines semaines.

Le projet de loi de finances, qui vous sera soumis prochainement, assure 1 200 créations de postes d'AESH. On pourrait prévoir d'autres emplois encore, ce que l'on fera sans doute dans les années à venir. Mais nous devons également travailler ensemble pour assurer un juste équilibre entre accessibilité et compensation.

Aujourd'hui, la clé d'entrée, c'est la compensation.

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Edouard Geffray, ministre. Or il faut probablement retravailler l'ensemble de la prise en charge. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le ministre, la clé, c'est de titulariser ces accompagnants. Je vous rappelle que nous parlons d'enfants et de familles en souffrance ; de mères qui, parfois, sont obligées d'arrêter de travailler pour s'occuper de leurs enfants en situation de handicap. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

mort de mathis victime d'un conducteur multirécidiviste sous protoxyde d'azote

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.

M. François Bonhomme. Vendredi dernier à Lille, alors qu'il rentrait chez lui, Mathis a été tué par un homme conduisant un véhicule sous l'effet du protoxyde d'azote. Ce chauffard, multirécidiviste, a depuis été mis en examen pour homicide routier avec délit de fuite et refus d'obtempérer.

Cette affaire n'est clairement pas un simple fait divers. La vente de protoxyde d'azote est certes interdite aux mineurs, mais chacun peut s'en procurer très facilement sur internet. Les trafics s'organisent depuis l'étranger pour nourrir un véritable marché parallèle. Ces réseaux exploitent une faille juridique, en prétendant stocker des bouteilles de protoxyde d'azote pour la pâtisserie.

Pour lutter contre ce fléau, deux propositions de loi ont été votées, l'une par le Sénat, l'autre par l'Assemblée nationale, mais aucune des deux n'a été inscrite à l'ordre du jour de l'autre chambre.

Madame la ministre, comptez-vous demander enfin l'inscription de ces textes à l'ordre du jour ? Enfin et surtout, quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter efficacement contre la vente, dans le commerce et sur internet, de cette substance si dangereuse ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur.

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Bonhomme, la mort de Mathis, fauché par un chauffard dans les rues de Lille le week-end dernier, est bel et bien un drame absolu. Ce jeune homme aurait d'ailleurs fêté ses 20 ans aujourd'hui.

Vous avez rappelé les faits. Dans la nuit de vendredi à samedi, un équipage de police procède au contrôle d'une voiture circulant à vive allure. Lorsqu'ils passent au niveau de ce véhicule, les policiers en question aperçoivent le conducteur en train de consommer du protoxyde d'azote.

Les occupants de cette voiture ont refusé de se soumettre à un premier contrôle ; un tel refus d'obtempérer n'est pas acceptable. Avec Laurent Nunez, ministre de l'intérieur, et tous les autres membres du Gouvernement, nous serons intransigeants face à cet enjeu.

Nous en avons notamment discuté avec M. le ministre des transports, nous serons de même très investis dans la lutte contre l'usage abusif du protoxyde d'azote. Il s'agit là d'un véritable fléau pour la sécurité, et notamment pour la sécurité routière. Je sais que les deux chambres ont déjà travaillé sur ce sujet et que nous pourrons compter sur elles pour avancer. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – Marques d'insatisfaction sur de nombreuses travées.)

M. le président. Un peu d'attention, mes chers collègues, par égard pour la famille de la jeune victime.

La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Madame la ministre, vous avez répondu sur un ton quelque peu « déploratif », mais les propos tenus dans cet hémicycle ne sauraient être décoratifs…

Ce fléau est bien connu : non seulement il n'est pas nouveau, mais l'ampleur du phénomène est bien mesurée.

La substance en question reste très facile d'accès : il n'y a pas d'ambiguïté sur ce point.

Lorsqu'on l'inhale, elle a de lourdes conséquences sur la santé, notamment des effets neurologiques : il n'y a pas davantage d'ambiguïté.

Cette substance fait l'objet d'un véritable trafic. Chaque semaine, des bandes organisées la font livrer par camions entiers : il n'y a pas d'ambiguïté non plus ; et il n'y en a pas davantage quant au détournement d'usage. Les fournisseurs, s'ils prennent le prétexte d'une vocation pâtissière, proposent également d'acheter les ballons permettant de l'inhaler…

Madame la ministre, nous sommes face à une faille : le volet préventif ne suffit manifestement pas. Nous attendons un interdit clair. Nous voulons une réponse, y compris pénale, qui soit efficace et effective.

Je regrette la timidité et le caractère évasif de votre propos. En définitive, il y a pire qu'une réponse insuffisante ou inexistante : c'est un simulacre de réponse. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

consommation de protoxyde d'azote

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Guislain Cambier. Ma question, qui s'adressait à M. le ministre de l'intérieur, porte sur le même sujet que la précédente, et pour cause : il convient d'insister.

Madame la ministre, le ministre de l'intérieur était dans le département du Nord ce lundi. À l'hôtel de police de Lille, il s'est exprimé à la suite du drame survenu samedi dernier. Un chauffard a arraché la vie à un jeune de 19 ans, Mathis, à la suite d'un refus d'obtempérer. J'ajoute que cet individu était sous l'emprise du protoxyde d'azote.

Nous pensons évidemment à la famille de la victime, notamment à ses parents, ainsi qu'à ses nombreux amis. Nous leur adressons nos sincères condoléances.

La justice est saisie et, comme vous, je formule le vœu qu'elle soit particulièrement sévère pour ce chauffard.

Ce drame soulève une nouvelle fois la question de la consommation de cette drogue qu'est le protoxyde d'azote, lorsqu'on en détourne l'usage à des fins psychoactives.

La question est connue depuis près de dix ans. Les parlementaires, aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, ont pris soin de s'en saisir. Une première proposition de loi a été votée dans cet hémicycle sur l'initiative de Valérie Létard. D'autres textes sont en cours d'examen, mais le Parlement mène seul ce combat. En effet, aucun gouvernement ne s'est emparé du sujet.

C'est d'autant plus choquant que nous parlons d'un fléau de santé publique. La consommation de cette substance cause des carences en vitamine B12, provoquant ainsi des neuropathies et, dans certains cas, une atteinte irréversible de la moelle épinière.

L'usage détourné de ce produit est aussi un fléau pour l'environnement : les cartouches non recyclées explosent dans les incinérateurs, lesquels s'en trouvent fortement endommagés.

Il constitue, surtout, un fléau pour l'ordre public, notamment en matière de sécurité routière : 10 % des moins de 35 ans ont déjà consommé du protoxyde d'azote, dont la moitié en conduisant.

Nous sommes ici au cœur d'une question relevant du pouvoir régalien. Madame la ministre, le Gouvernement va-t-il enfin s'emparer de ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur.

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous me donnez l'occasion de préciser un certain nombre d'éléments de ma précédente réponse.

Tout d'abord, je tiens à insister sur les refus d'obtempérer en général. Il me semble très important de lutter contre ce fléau et, je le répète, le Gouvernement sera pleinement mobilisé en ce sens.

Ensuite, je reviendrai plus particulièrement sur le protoxyde d'azote. Vous l'avez rappelé à l'instant, deux propositions de loi ont effectivement été déposées, une dans chaque assemblée du Parlement : celle de votre collègue député Idir Bourmetit, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, en janvier dernier ; et celle de votre collègue sénateur Ahmed Laouedj, adoptée en première lecture par votre assemblée en mars dernier.

L'objectif est de pénaliser la consommation détournée du protoxyde d'azote en la punissant d'une peine d'un an d'emprisonnement et de l'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.

Grâce à un amendement voté en séance au Sénat, le texte de M. Laouedj pénalise également la détention et le transport de matériel visant à faciliter l'extraction de ce gaz à des fins psychoactives.

Plus largement, il faut donner aux préfets la possibilité de prononcer la fermeture administrative des débits de boissons et de tabac en cas de non-respect des règles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement sera pleinement engagé à vos côtés pour lutter contre ce fléau. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Pour apporter une réponse aussi précise que possible, nous travaillerons également avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)…

M. François Bonhomme. C'est la même fiche !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. C'est une question de santé publique, de sécurité et de respect de nos normes.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Madame la ministre, il faut aller au bout de cette démarche, car nous devons être à la hauteur des enjeux. C'est pourquoi je vous invite à réunir dans les prochains jours les députés et sénateurs qui ont particulièrement travaillé sur ce sujet – je pense notamment à mes collègues Isabelle Florennes et Jean-François Longeot –, afin de déterminer une stratégie ambitieuse.

Les Pays-Bas l'ont déjà fait : il est temps d'interdire la vente des capsules de protoxyde aux particuliers et de prohiber l'usage de ce produit au volant ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP et SER.)

déremboursement des cures thermales

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La cure thermale n'est pas une pratique de confort ; trois semaines de cure, ce ne sont pas trois semaines de vacances aux frais du contribuable. Les curistes sont des patients qui souffrent.

La médecine thermale est efficace, comme le prouvent plus de soixante études cliniques…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. M. Boyer a raison !

M. Jean-Marc Boyer. … validant le service médical rendu de plus de 90 % des prescriptions thérapeutiques.

En 2024, le remboursement des cures représentait 244 millions d'euros, soit moins de 0,1 % des 270 milliards d'euros de la branche maladie de la sécurité sociale.

Vous parlez désormais d'une « révision du niveau de prise en charge » en lieu et place d'un « déremboursement », mais le résultat est le même : le patient ne pourra plus être soigné par la médecine thermale.

En réduisant la prise en charge de 100 % à 65 % pour les patients en affection de longue durée (ALD) et les forfaits thermaux de 65 % à 15 %, on pourrait dégager, selon vous, « 200 millions d'euros d'économies pour nos comptes sociaux ». Mais vous faites un mauvais calcul.

Non seulement ces mesures porteraient une atteinte directe à l'accès aux soins, mais elles fragiliseraient durablement les quatre-vingt-huit stations thermales de notre pays, lesquelles sont essentiellement rurales.

En outre, vous oubliez la réduction du recours aux médicaments obtenue grâce à ces cures, laquelle entraîne une économie substantielle pour nos comptes sociaux. Vous oubliez aussi les 212 millions d'euros de taxes et cotisations sociales reversés à l'État. Là encore, vous faites un mauvais calcul.

Vous êtes loin de faire des économies si vous privez l'État de ces ressources, issues de 25 000 emplois et de 4,8 milliards d'euros de retombées économiques.

La filière tout entière, ainsi que les différents territoires thermaux, sont très inquiets de vos projets. Vous voulez taper sur les patients, vous voulez appauvrir les territoires, et finalement vous allez appauvrir l'État.

Enfin, il est totalement faux d'affirmer que la France est le dernier pays européen à rembourser les cures thermales. De nombreux États d'Europe font de même ; certains assurent d'ailleurs une meilleure prise en charge publique.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous arrêter de taper, inutilement et injustement, sur les cures thermales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur le projet de décret revenant sur le remboursement intégral des cures thermales pour les patients souffrant d'une affection de longue durée. Sachez que j'ai répondu à Jean-Claude Anglars sur ce sujet, hier matin, lors d'une séance de questions orales.

La France est aujourd'hui l'un des derniers pays de l'OCDE à rembourser les cures thermales,…

M. Jean-Marc Boyer. C'est faux !

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. …, ce qui représente une dépense de près de 200 millions d'euros pour l'assurance maladie.

Dans son rapport annuel Charges et produits, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a préconisé un déremboursement partiel des cures thermales. Ce que propose le Gouvernement, de son côté, n'est pas un déremboursement ; le reste des dépenses pourra être pris en charge par les complémentaires santé.

Votre question s'inscrit dans le contexte de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui vient de démarrer à l'Assemblée nationale. Le débat aura bien lieu et permettra d'aborder de façon large et globale le sujet de la prise en charge et du financement des soins. Comme l'a rappelé le Premier ministre, le Gouvernement propose, mais le Parlement débat et votera.

SHEIN

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Monsieur le Premier ministre, depuis le week-end dernier, les Français découvrent, médusés, estomaqués, scandalisés, outrés, que des entreprises vendent sur le territoire national des poupées à l'effigie d'enfants qui ont une destination pédopornographique. La mondialisation et l'ubérisation du commerce engendrent ce qu'il y a de plus hideux et scabreux : en voilà une nouvelle illustration !

Vous le savez, la pédopornographie est l'antichambre de la pédocriminalité. Ainsi, quelles actions comptez-vous prendre pour sanctionner les différents auteurs de ces infractions, à la fois ceux qui vendent et ceux qui achètent ces poupées ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat.

M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat. Monsieur le sénateur Hussein Bourgi, vous avez raison et nous ne les laisserons pas faire ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Serge Papin, ministre. Après des poupées à caractère pédopornographique, ce sont désormais des armes qui sont mises en vente sur la plateforme Shein. Le ministre de l'intérieur m'a d'ailleurs confirmé que l'une de ces armes a servi à l'assassinat du jeune Élias, le 26 janvier dernier, dans le XIVarrondissement de Paris.

Si une plateforme veut vendre en France, elle doit respecter nos règles, nos normes, nos valeurs. Il faut dire non au Far West numérique, parce que ces pratiques sont devenues systémiques et constituent aujourd'hui un modèle.

Face à ce phénomène, nous agissons, mesdames, messieurs les sénateurs. Ainsi, sur instruction du Premier ministre, le Gouvernement a engagé la procédure de suspension de Shein. (Bravo ! et applaudissements.)

Nous allons, bien sûr, mesurer le temps nécessaire pour que la plateforme démontre aux pouvoirs publics que l'ensemble de ses contenus ont enfin été mis aux normes.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Quelles sont les actions sur le plan judiciaire ?

M. Serge Papin, ministre. Nous ferons un premier point d'étape dans quarante-huit heures avec les ministres concernés, en particulier le ministre de l'économie et des finances. Je peux vous certifier que, à cette heure, tous les services de l'État sont mobilisés pour amplifier et augmenter le nombre de contrôles. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour la réplique.

M. Hussein Bourgi. Monsieur le ministre, j'attendais de votre part trois réponses. Vous avez apporté la première d'entre elles : j'en prends acte.

J'avoue avoir été troublé lorsque j'ai entendu, hier, les premières déclarations du ministre de l'économie et des finances, qui semblait hésiter, tergiverser. Il disait notamment vouloir attendre, pour voir si l'entreprise Shein allait persister et renouveler l'infraction.

M. Roland Lescure, ministre. C'est la loi !

M. Hussein Bourgi. Monsieur le Premier ministre, nous sommes pour la tolérance zéro en matière de pédopornographie et de pédocriminalité ! (Applaudissements.) Vous suspendez enfin le site : je prends acte de cette mesure avec satisfaction.

La deuxième réponse que j'attendais de votre part concerne les actions engagées sur les volets policier et judiciaire. Avez-vous demandé communication de l'identité de tous les clients ? Nous savons, grâce aux premières enquêtes en cours, que certains acheteurs ont déjà été condamnés, ce sont donc des récidivistes.

En troisième lieu, j'aurais souhaité que vous précisiez les initiatives que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères compte prendre avec ses homologues pour conduire une action à l'échelle de l'Union européenne.

Pour conclure, je rappelle que chaque société se construit sur un socle de principes et d'interdits, ceux-là mêmes qui nous permettent de protéger les plus fragiles d'entre nous. Le droit, dans ces circonstances-là, doit être le bouclier qui protège les enfants et le glaive qui combat leurs prédateurs. (Applaudissements.)

programmation pluriannuelle de l'énergie

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le Premier ministre, la loi portant programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) aurait dû être adoptée il y a deux ans déjà. Face aux retards pris par l'exécutif, le Sénat a déposé une proposition de loi sur le sujet, en avril 2024. Aujourd'hui, nous attendons toujours qu'elle soit examinée en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Le ministre de l'économie et des finances a déclaré hier que ce dossier était « au sommet de la pile ». Or, d'après le courrier adressé la semaine dernière par la ministre des relations avec le Parlement à la présidente de l'Assemblée nationale, la PPE ne figure pas sur la liste des priorités du Gouvernement pour les quatre prochains mois.

Monsieur le Premier ministre, vos prédécesseurs Michel Barnier et François Bayrou avaient pris l'engagement de ne pas légiférer sur la PPE par voie réglementaire et de laisser la navette parlementaire se poursuivre. Ils ont tenu leurs promesses.

Qu'en est-il de votre côté ? Quelles sont vos intentions sur ce sujet important pour notre souveraineté énergétique et les investissements dans nos territoires ? Quel calendrier envisagez-vous et quelles méthodes allez-vous choisir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Monsieur le sénateur Daniel Gremillet, je veux d'abord vous remercier pour le travail que vous accomplissez sur ce sujet essentiel.

En février 2022, à Belfort, le Président de la République a prononcé un discours important que l'immense majorité des sénateurs ont, semble-t-il, approuvé.

Ainsi, il a été prévu de relancer le nucléaire français dans le cadre d'un programme ambitieux, avec la construction d'au moins six réacteurs nucléaires, et de poursuivre un engagement fort sur les énergies renouvelables, en particulier l'éolien en mer.

Vous l'avez dit, les vicissitudes de la vie politique ont été telles que les débats ont été rythmés par cette question : faut-il un décret ou une proposition de loi ? Lorsque j'étais ministre de l'énergie, je n'ai pas eu le temps de publier le décret que j'avais envisagé.

M. François Bonhomme. On n'a plus le temps de suivre ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roland Lescure, ministre. Maintenant, nous devons accélérer le travail. L'essentiel est que nous continuions à avancer sur ce sujet important – je pense que vous en conviendrez, monsieur le sénateur. Dès le début de l'année 2026, nous devrons en effet lancer des appels d'offres sur l'éolien en mer et commencer les travaux sur le nouveau nucléaire.

Ce souci d'aller vite et bien est au cœur de nos préoccupations. Nous tenons, bien sûr, à associer les parlementaires à nos travaux. Aussi ai-je demandé à mon équipe de contacter les parlementaires les plus investis sur le sujet – vous en faites assurément partie, monsieur Gremillet –, afin que nous puissions échanger très vite de manière informelle, dans les jours qui viennent.

Cela nous conduira à proposer formellement, dès l'automne prochain, à l'ensemble de la représentation nationale, une stratégie qui nous permette d'avancer.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, votre réponse n'est pas claire.

Nous devons savoir si le Parlement ira, oui ou non, au bout du débat. Le Premier ministre a déclaré : « J'ai renoncé à utiliser l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. C'est la garantie pour l'Assemblée nationale que le débat –⁠ notamment budgétaire, mais pas seulement, dans tous les domaines – vivra et ira jusqu'au bout, jusqu'au vote. »

La question de l'énergie entre dans ces considérations. Allez-vous faire confiance au Parlement ? Êtes-vous capables de donner une trajectoire énergétique à la France, alors que, dans le monde, la bataille économique est lancée et que nous n'avons toujours pas de cap énergétique ?

En matière énergétique, nous vivons sur les décisions du passé :…

M. Yannick Jadot. Le nucléaire, c'est le passé !

M. Daniel Gremillet. … voilà pourquoi nous avons besoin de courage politique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

avenir de novasco

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Mizzon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

Au train où vont les choses, monsieur le ministre, vous n'aurez bientôt plus besoin d'un ministre délégué à l'industrie, car il n'y aura plus d'industrie en France. On ne parle que de réindustrialiser, mais sans penser à conserver le peu d'industrie qu'il nous reste : voilà l'un des grands paradoxes de notre époque.

La sidérurgie, en particulier, est en train de mourir. Les sites de production du groupe Novasco, ex-Arcelor-Mittal, vont fermer les uns après les autres sur tout le territoire national. C'est vrai dans mon département, la Moselle, à Hagondange, mais aussi dans la Loire, le Nord et la Meurthe-et-Moselle.

À Hagondange, ce sont 450 emplois qui pourraient disparaître dès la semaine prochaine, soit le plus gros du contingent des emplois menacés, qui devraient s'élever à 760 au total.

Novasco est en redressement judiciaire pour la quatrième fois en onze ans, car l'État a laissé des acteurs qui sont davantage des financiers que des capitaines d'industrie reprendre l'entreprise. Nous l'avons vu en 2024 : pour ne pas entrer au capital de l'entreprise à hauteur de seulement 15 millions d'euros, l'État a laissé un fonds d'investissement britannique, Greybull Capital, la reprendre, en lieu et place d'Acciaierie Venete, un groupe industriel italien sérieux.

Monsieur le ministre, Novasco est l'archétype de ce qu'il nous faut préserver. L'entreprise est écologique, car elle recycle de l'acier ; elle est aussi moderne, puisqu'elle fonctionne à l'électricité, et stratégique. Toutes les grandes puissances du G7 ont une industrie sidérurgique.

Ma question est simple : allez-vous enfin prendre les mesures qui s'imposent pour sauver la sidérurgie française ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Elle me permet de rappeler que, depuis huit ans, nous avons créé et installé plus d'usines que nous n'en avons fermées. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il n'y en ait pas qui ferment. Nous devons nous occuper de Novasco.

Nous avons créé 130 000 emplois industriels, alors qu'on en avait détruit des millions dans les années qui ont précédé. La politique de réindustrialisation a été lancée, mais il faut évidemment l'amplifier et l'accélérer – j'espère que vous saurez vous en souvenir lorsque vous examinerez le budget.

Nous devons également poursuivre cette politique à l'échelon européen. Si nous voulons sauver les aciéries et les métallurgies, nous devons le faire en Européens. À cet égard, il est important que les travaux sur la clause de sauvegarde de l'industrie arrivent à terme.

J'en viens au dossier Novasco en Moselle, que vous connaissez bien ; c'est d'ailleurs dans ce département que l'entreprise a installé son plus grand établissement. J'étais ministre de l'industrie lorsque la reprise des activités d'Ascometal a été organisée en 2024. Nous avons eu quelques bonnes nouvelles – je pense notamment à la reprise des activités à Fos-sur-Mer par l'industriel italien Marcegaglia, qui a investi et sauvé 300 emplois –, mais aussi des mauvaises nouvelles.

À cet égard, Greybull Capital, n'a pas respecté ses engagements. J'ai donc demandé que l'on regarde de près les raisons pour lesquelles il ne l'a pas fait et que l'on trouve une voie pour poursuivre nos relations avec ce fonds.

L'essentiel, aujourd'hui, ce sont les sites, les employés et les territoires. Vous le savez, une procédure de reprise est en cours. Les deux offres émises seront examinées par le tribunal le 12 novembre prochain.

L'État, notamment les services de Bercy, travaille avec les repreneurs potentiels. Quoi qu'il advienne, nous serons, bien évidemment, très sensibles au traitement des salariés et du territoire. Vous l'avez dit, la Moselle est un territoire difficile, dans lequel les offres de reprise ont parfois tendance à se succéder, sans qu'on puisse donner beaucoup d'espoir aux salariés, qui sont les premiers concernés.

J'y insiste, nous suivrons ce dossier de très près et j'ai demandé au ministre délégué chargé de l'industrie, Sébastien Martin, de s'en occuper directement.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze,

est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Candidatures à des commissions

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe Les Républicains a présenté des candidatures pour siéger au sein de la commission des finances, de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, et de la commission des affaires économiques.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

5

Structures économiques face aux risques de blanchiment

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment, présentée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues (proposition n° 877 [2024-2025], texte de la commission n° 95, rapport n° 94).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier mes collègues du groupe Union Centriste, qui m'ont permis de créer une commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales. Je salue également le président Hervé Marseille, qui a fait en sorte que ce texte puisse être examiné aujourd'hui, bien que nous soyons dans une semaine de contrôle.

Je veux d'emblée rendre hommage aux policiers, aux gendarmes, aux douaniers et aux magistrats qui combattent la criminalité organisée et la fraude. Ils luttent, comme nous d'ailleurs, contre le poids du système et la bureaucratie, tout en étant soumis à des contraintes budgétaires.

Je travaille sur les questions de fraude depuis longtemps ; chacun sait ici qu'il s'agit du fil rouge de mon mandat. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que j'avais suivi les travaux de notre collègue Étienne Blanc, lorsque celui-ci était rapporteur de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier.

La commission d'enquête relative à la délinquance financière, présidée par l'excellent Raphaël Daubet, s'inscrit volontairement dans la suite du travail sur le narcotrafic. Elle a rempli sa mission en complétant le dispositif proposé, car le narcotrafic ne représente qu'une partie de la criminalité organisée.

Ainsi, nous avons parlé de contrefaçons, de corruption, de trafic de migrants, de trafic d'or et de bijoux – c'est d'actualité ! Il a également été question d'entreprises éphémères et de services de blanchiment, qui sont devenus une activité à part entière.

Force est de constater que notre rapport n'a pas bénéficié du même portage que celui d'Étienne Blanc. En effet, ni le ministre de l'intérieur ni le ministre de la justice n'ont cru devoir nous recevoir. En revanche, Mme de Montchalin et l'ancien Premier ministre François Bayrou l'ont fait : je les remercie de leur attention.

Permettez-moi de rappeler quelques éléments de contexte, car c'est important. Face à une délinquance pluridisciplinaire et opportuniste, qui se montre toujours plus créative, nous présentons un ensemble de travaux législatifs décousus et mettons en place des structures fonctionnant trop souvent en tuyaux d'orgue, ce qu'avait déjà signalé le rapport de la commission d'enquête sur le narcotrafic.

Monsieur le ministre, nous nous livrons à ce que je qualifierai de mikado législatif : nous touchons les dispositifs, tout en veillant, avec un doigté de sylphide, à ne pas faire tomber l'ensemble. (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)

Il me semble que cette analogie avec le mikado reflète assez bien le travail morcelé que nous menons en ce moment : en moins de six mois, quatre textes totalement parcellaires ont été présentés sur la fraude.

La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner ne fait d'ailleurs pas exception. Alors qu'elle est plus ambitieuse que les conclusions de notre commission d'enquête, elle n'a pas trouvé d'espace législatif pendant un certain temps. Au reste, le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, que nous examinerons la semaine prochaine, s'inscrit lui aussi dans ce mikado.

Or cette politique des petits pas législatifs ne convient pas aux besoins de la lutte contre la fraude, ni à ceux de la lutte contre la criminalité organisée. Fraude et criminalité organisée sont des sœurs jumelles, voire siamoises, puisque la criminalité organisée utilise les réseaux de la délinquance financière, comme la fraude fiscale et sociale.

Il faut changer de méthode et instituer une culture nouvelle, consistant à avoir une vision globale et financière des infractions. Je l'ai dit, les trafiquants sont opportunistes. Ils peuvent participer aux trafics de drogue, de contrefaçons ou d'or, mais aussi de migrants. Alors qu'ils ne s'interdisent rien, nous restons enfermés dans une vision passéiste et cloisonnée.

Cessons de répéter qu'il faut frapper les criminels au portefeuille : quand nous ne recouvrons que 2 % des avoirs criminels, il n'y a pas de quoi pavoiser ! La plateforme d'identification criminelle (Piac) ne disposerait même pas des licences permettant d'accéder à des données essentielles. D'ailleurs, certains services d'un ministère important usent pour décrypter la blockchain de licences différentes, qui sont incompatibles entre elles. Cela signifie qu'il ne peut pas y avoir d'échange de données entre deux étages du même ministère.

Bref, monsieur le ministre, vous prenez la mesure de notre niveau d'impréparation… Il faut donc muscler et réarmer les procédures de saisie et de confiscation, ainsi que l'enquête patrimoniale, aussi bien pendant la phase d'investigation qu'après le jugement, de sorte que le criminel ne puisse pas continuer à profiter de l'argent de son crime. Je pense à ce trafiquant qui, comme on nous l'avait expliqué lors de notre déplacement à Dubaï, achetait des biens immobiliser là-bas, en crypto-actifs, depuis sa cellule des Baumettes…

Nous devons également pouvoir échanger les données de façon plus fluide et systématique. Les responsables d'Interpol et d'Europol que nous avons interrogés nous ont convaincus de leur transmettre un certain nombre de dossiers de criminalité organisée qui avaient été jugés.

Pour nous, après que l'affaire est jugée, le dossier est clos. Mais la data, elle, vit toujours. En conséquence, les agents d'Europol ou d'Interpol peuvent encore trouver des données relatives à des réseaux internationaux d'ampleur.

Il faut en finir avec cette mauvaise façon de travailler qui consiste à payer d'abord et à contrôler ensuite. On l'a vu avec le dispositif MaPrimeRénov', la formation professionnelle, la covid et la taxe carbone. Tout cela crée un manque de lisibilité pour les services comme pour les parlementaires, mais un réservoir inépuisable d'occasions pour les fraudeurs.

Un fraudeur heureux est un fraudeur qui revient. Ainsi, nous avons vu les escrocs aux quotas carbone et les auteurs de la fraude carrousel à la TVA revenir lors de la covid. Et lorsque des textes vecteurs d'améliorations sont programmés, on nous oppose l'article 45 de la Constitution, qui se trouve verrouillé par nos propres services, afin de ne pas compliquer les choses et de ne pas retarder les débats.

Tout cela ne peut plus continuer, monsieur le ministre ! Avec 100 milliards d'euros de fraude fiscale, 40 milliards d'euros de fraude sociale et 50 milliards d'euros de blanchiment ou de fabrication d'argent sale, il n'y a pas de quoi être fier de nos 2 % de recouvrement des avoirs criminels !

C'est dans ce contexte que s'inscrit la modeste proposition de loi que nous allons examiner aujourd'hui. Elle vise précisément la prévention des fraudes et les entreprises éphémères, chevaux de Troie de la criminalité organisée. Je rappelle tout de même que, chaque année, la fraude à la TVA est comprise entre 20 milliards et 25 milliards d'euros.

On nous dit qu'il ne faut pas retarder la création d'entreprises et ne pas gêner la liberté du commerce et de l'artisanat. Alors, on fait le même mikado et, surtout, on ne change pas de méthode.

C'est exactement le contraire de ce que nous ont demandé Mme Carole Maudet et M. Pierre Gallet, au nom respectivement de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de l'Urssaf, lorsque nous avons procédé à leur audition ; vous pouvez le vérifier aux pages 245 et 528 du rapport de la commission d'enquête, mes chers collègues.

On continue donc, sans inscrire de définition dans la loi, à laisser passer des entreprises éphémères fraudeuses. Il paraît que nous n'avons pas besoin de cette définition, car la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf) aurait un guide... Bientôt un numéro vert ! (Sourires.)

Or je n'ai pas trouvé le guide en question. Je suis seulement tombée sur des catalogues de formation publiés en 2023 et en 2025 – d'ailleurs, la formation n'a pas changé, et il faut croire que les besoins non plus. Pendant ce temps-là, tout continue !

La commission d'enquête a considéré qu'une acculturation au problème des entreprises éphémères était nécessaire. C'est la raison pour laquelle nous déposerons un amendement sur ce sujet.

Monsieur le ministre, je ne vous cache pas ma surprise vis-à-vis des réserves sur l'article 4, qui oblige les entreprises à déclarer les comptes qu'elles détiennent à l'étranger. Nous sommes tombés de notre chaise lorsqu'un représentant de l'Urssaf nous a appris, au cours de notre commission d'enquête, que les entreprises, contrairement aux personnes physiques, n'avaient pas à déclarer leurs comptes à l'étranger.

Il paraît qu'une telle déclaration pourrait nuire à l'attractivité de la France. Je n'ai pas très bien compris pourquoi, quand on connaît la politique américaine menée en ce domaine. On nous a rapporté que la DGFiP ne serait pas très attachée à cette déclaration, mais nous, nous le sommes !

Le blanchiment est devenu un métier, un service. C'est pourquoi il faut s'attaquer à ses acteurs. Tel est l'objet de cette petite proposition de loi modeste, mais énergique. Il faut tenir compte non seulement du discours des experts de la conformité, mais aussi de celui des praticiens.

La délinquance financière ne constitue pas seulement une infraction économique : c'est un levier stratégique du crime organisé, un facteur de fragilisation des institutions démocratiques et un puissant moteur de distorsion du modèle républicain.

Le blanchiment des flux criminels irrigue aujourd'hui des pans entiers de l'économie légale, notamment par l'intermédiaire de structures entrepreneuriales, détournées de leur finalité, qui servent de vecteurs à des opérations frauduleuses. Voilà l'objet de la présente proposition de loi.

C'est avec confiance que j'aborde cette discussion générale. Je salue les rapporteurs, car, même s'ils ont raboté un peu le texte, ils en ont gardé l'esprit. Je remercie également le Gouvernement d'avoir bien voulu engager la procédure accélérée sur ce texte.

Le combat ne s'arrête pas aujourd'hui, puisque nous débattrons d'un énième projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales la semaine prochaine et examinerons bientôt le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances.

Il y a beaucoup d'argent dehors, monsieur le ministre. Avant de taper le contribuable, je vous encourage à solliciter d'abord les fraudeurs ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, RDSE et GEST)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient d'examiner cet après-midi la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment.

Je remercie nos collègues Nathalie Goulet et Raphaël Daubet, qui sont à son origine ; pour rappel, ils étaient, respectivement, rapporteur et président de la commission d'enquête relative à l'évaluation des outils de la lutte contre la délinquance financière. C'est bien dans le sillage de ces travaux sénatoriaux – je veux les saluer, car ils ont montré l'ampleur des enjeux de la lutte contre le blanchiment et la criminalité organisée – que s'inscrit le présent texte.

Dans sa version initiale, la proposition de loi comprenait neuf articles, dont quatre – les articles 2, 3, 8 et 9 – ont été délégués au fond à la commission des lois. Je remercie d'ailleurs le rapporteur pour avis, Hervé Reynaud, qui a mené avec moi des travaux constructifs sur ce texte ; il reviendra tout à l'heure sur les articles qui le concernent.

L'examen de cette proposition de loi se déroule dans le contexte d'une multiplication des textes relatifs à la lutte contre la fraude et le blanchiment, Nathalie Goulet vient de le rappeler. Après l'adoption de la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui commence à produire ses effets, le Sénat aura examiné trois textes en trois semaines : la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire, la semaine dernière, le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, la semaine prochaine, et, aujourd'hui, cette proposition de loi contre le blanchiment.

Une telle accumulation a pour conséquence que chaque texte ne traite qu'une partie du problème, ce qui crée parfois des redondances et, surtout, ne nous permet pas de nous occuper de façon satisfaisante d'un sujet particulièrement large.

Ces éléments de contexte étant posés, je présenterai succinctement les dispositions de la proposition de loi dont la commission des finances a conservé l'examen, à savoir l'article 1er et les articles 4 à 7.

Chacun de ces articles a fait l'objet d'une modification, parfois substantielle.

L'article 1er, supprimé par la commission, visait un double objectif : d'une part, il cherchait à définir au niveau législatif des critères de détection d'une entreprise éphémère ; d'autre part, il entendait imposer aux professions soumises à la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), notamment aux greffiers des tribunaux de commerce, l'obligation d'effectuer auprès de Tracfin un signalement lorsque des éléments laissent présumer l'existence d'une telle entreprise.

Les arguments que nous avons entendus lors de nos auditions ont poussé la commission à supprimer cet article.

Tout d'abord, des raisons de souplesse et d'efficacité opérationnelle entraient en compte : il aurait été contre-productif d'inscrire dans la loi cette définition, car cela aurait permis aux entreprises fraudeuses de mieux échapper au radar des services de contrôle, ralentissant la capacité de ces derniers à s'adapter aux évolutions des pratiques criminelles.

Ensuite, l'obligation de déclaration de soupçons à Tracfin, lors de la détection d'une potentielle entreprise éphémère, se trouve satisfaite par le droit existant. Compte tenu de ces éléments, je vous proposerai en cohérence, mes chers collègues, le retrait des amendements qui visent à rétablir, même en partie, les dispositions de l'article 1er.

J'en viens à la présentation de l'article 4.

La lecture des conclusions de la commission d'enquête sur la délinquance financière permet de constater que, en l'état du droit, les sociétés commerciales ne sont assujetties à aucune obligation de déclaration à l'administration fiscale des références des comptes ouverts, détenus ou clos à l'étranger.

Pourtant, cette obligation incombe aux personnes physiques, aux associations et aux sociétés n'ayant pas de forme commerciale domiciliées ou établies en France.

L'article 4 supprime cette exception et étend l'obligation aux sociétés commerciales, en leur imposant de déclarer à l'administration fiscale l'ensemble des comptes bancaires que celles-ci détiennent à l'étranger. Je tiens à souligner qu'une telle mesure impliquera un bouleversement important pour les entreprises et exigera que la DGFiP s'organise pour stocker, gérer et exploiter ces nouvelles données.

En conséquence, et en lien avec la DGFiP, la commission a adopté une disposition qui décale d'un an la mise en œuvre de cette obligation, afin de laisser aux services concernés le temps de s'organiser.

La commission a également supprimé les dispositions de l'article, dans sa version d'origine, relatives à certains cas de saisine de Tracfin pour effectuer des déclarations de soupçons, celles-ci étant satisfaites par le droit existant.

Si je propose l'adoption de cet article, tel qu'il a été modifié par la commission, je n'en appelle pas moins notre assemblée à la prudence. En effet, une telle évolution imposera des charges administratives importantes aux entreprises, en particulier aux sociétés multinationales qui opèrent en France et qui, par essence, détiennent de multiples comptes à l'étranger.

Ensuite, la commission a largement réécrit l'article 5, lequel impose aux organismes financiers permettant à leurs clients de procéder à des opérations par le biais d'interfaces automatisées de déterminer les opérations qui, en raison de leur nature ou de leur montant, ne peuvent être exécutées sans avoir été préalablement examinées par un agent humain.

Les échanges que j'ai menés montrent cependant que l'automatisation constitue parfois un atout dans la lutte contre les circuits frauduleux. Plutôt que d'aller à rebours de l'évolution technologique du secteur, il convient d'utiliser ces nouveautés pour permettre une détection plus rapide des schémas de fraude. On imagine mal, concrètement, que des employés de banque se retrouvent à devoir valider manuellement un paiement par carte bleue ou à autoriser un retrait d'argent…

Je propose donc, au nom de la commission, la suppression de cet article, dont l'adoption, de surcroît, provoquerait une distorsion de concurrence défavorable à la France, aucun pays européen n'ayant prévu une telle obligation.

En cohérence, je demanderai le retrait de l'amendement, déposé par ailleurs, qui vise à inclure les prestataires de services sur crypto-actifs dans le champ de l'article. Plus encore que dans les services bancaires, une telle évolution se trouverait en porte-à-faux vis-à-vis de la pratique et de l'efficacité opérationnelle des contrôles.

L'article 6 de la proposition de loi visait à créer un registre national des comptes rebonds géré par la DGFiP et accessible aux autorités judiciaires, aux services d'enquête et aux organismes financiers. Ses dispositions étant satisfaites par l'adoption de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire la semaine dernière, il a été supprimé en commission.

Enfin, l'article 7, tel qu'il a été modifié par la commission, donne à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la possibilité d'exiger qu'un établissement sous sa supervision effectue un audit réalisé par un prestataire externe qu'elle aura elle-même validé.

Je défendrai un amendement rédactionnel sur cet article au nom de la commission des finances, pour en préciser la portée tout en en conservant l'esprit.

Mes chers collègues, la recherche de l'efficacité opérationnelle et de la mise en œuvre d'un contrôle proportionné a guidé les travaux de la commission des finances.

Ce texte va dans le sens d'un travail toujours plus efficace contre le blanchiment, alors que notre arsenal législatif est déjà robuste. Je vous propose donc de l'adopter, tel qu'il a été modifié par les amendements que mon collègue Hervé Reynaud, rapporteur pour avis de la commission des lois, et moi-même vous proposerons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)

M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission a approuvé sans réserve la philosophie des dispositions reprenant les recommandations de la commission d'enquête sur la lutte contre le blanchiment de Nathalie Goulet et Raphaël Daubet.

Pour y avoir participé, je puis témoigner que les travaux de cette instance étaient d'une remarquable densité. La commission s'est ainsi associée aux conclusions de nos collègues, qui appelaient à faire de la lutte contre le blanchiment une priorité.

Interpol place le blanchiment parmi les cinq menaces les plus graves pesant sur nos sociétés. Il est absolument crucial de frapper les criminels au portefeuille pour emporter le combat contre la criminalité organisée.

Le constat édifiant de l'ampleur des flux criminels infiltrant l'économie légale souligne le besoin de renforcer les dispositifs actuels de contrôle. D'importants progrès ont pourtant été réalisés, souvent sur l'initiative du Sénat. J'ai ainsi à l'esprit la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, à laquelle Étienne Blanc fera sans doute référence, mais aussi la loi du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.

Pour autant, les flux financiers issus des trafics et réinjectés dans l'économie française sont estimés à entre 38 milliards d'euros et 58 milliards d'euros, tandis que l'État ne parvient à en recouvrer que 2 %. Ces chiffres mettent en évidence une vulnérabilité structurelle du tissu économique face à l'infiltration criminelle.

Cette proposition de loi est donc bienvenue. Elle s'attaque à la persistance d'angles morts, tels que les cessions amiables de société ou encore la nécessité de renforcer les prérogatives des greffiers des tribunaux de commerce.

La commission des lois, saisie au fond sur quatre articles – les articles 2, 3, 8 et 9 –, a donc apprécié favorablement la démarche qui lui a été proposée, en l'accompagnant de trois principes : tout d'abord, sécuriser juridiquement les rédactions qui devaient l'être, notamment à l'article 9 ; ensuite, supprimer les éléments redondants avec le droit existant, notamment à l'article 8 ; enfin, leur substituer des mécanismes d'action plus opérationnels, inspirés de l'expérience sur le terrain des services et des besoins qu'ils ont exprimés lors des auditions menées avec Stéphane Sautarel – je saisis cette occasion pour saluer ce dernier, qui a montré sa capacité à fédérer nos énergies –, notamment en ce qui concerne les articles 2 et 3. Je.

Dans le détail, l'article 2 autorisait le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce à créer un nouveau fichier recensant les identités fictives et les prête-noms impliqués dans des affaires de blanchiment.

À l'issue de nos travaux, il nous est apparu qu'un tel fichier serait aisément contournable par l'utilisation de faux Iban (International Bank Account Number) à usage unique. Il emportait également un risque de double peine pour les victimes d'usurpation d'identité, qui deviennent bien souvent des prête-noms malgré elles.

Tout en souscrivant à l'objectif des auteurs du texte, la commission a jugé préférable de s'appuyer sur un outil déjà existant : les appels à la vigilance de Tracfin. Le service de renseignement financier peut déjà signaler des personnes physiques particulièrement à risque aux acteurs de la lutte contre le blanchiment. Nous avons souhaité que ce signalement puisse aussi inclure explicitement les identités fictives des intéressés.

L'article 3 prévoyait ensuite une justification obligatoire de l'origine des fonds par l'acheteur dans le cadre de toute cession amiable d'une société commerciale. Nos collègues ont visé juste. Pour autant, la solution proposée aurait créé une charge administrative importante pour les acteurs économiques, qui nous demandent de simplifier. Surtout, elle aurait conduit à un envoi massif à Tracfin de déclarations de soupçons d'un intérêt limité.

Nous lui avons donc substitué une nouvelle mesure de vigilance complémentaire. Cette approche par les risques nous a semblé plus adaptée qu'une obligation déclarative systématique. Cette vision est partagée par les organisations professionnelles et le monde économique, que nous avons auditionnés et questionnés.

L'article 8 renforce les prérogatives des greffiers des tribunaux de commerce. Nous avons supprimé les éléments redondants avec le droit existant, sans remettre en cause le cœur du dispositif.

L'article 9, enfin, prévoit l'expérimentation d'un accès direct des greffiers aux données cadastrales. Nous ne l'avons pas remis en cause ; nous l'avons sécurisé juridiquement et ajusté dans le temps.

Mes chers collègues, nous le vivons au quotidien, cela n'a rien de conceptuel : dans nos communes, avec des commerces ou des artisans douteux, l'enjeu est bien de juguler ce qui s'apparente à un crime contre la démocratie et à une incitation à la corruption. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.  M. Marc Laménie et M. Raphaël Daubet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer particulièrement Mme Nathalie Goulet et M. Raphaël Daubet, auteurs de cette proposition de loi. Celle-ci fait suite aux travaux parlementaires qu'ils ont conduits et qui vise à la sécurisation juridique des structures économiques face au risque de blanchiment.

Je tenais, avant d'entrer dans le détail de vos travaux et dans l'examen des différents amendements, à vous remercier d'avoir permis au Sénat aujourd'hui, et très prochainement à l'Assemblée nationale, de se saisir de nouveau de ce sujet essentiel.

En effet, ainsi que Mme Goulet l'a rappelé, le blanchiment est le crime qui permet tous les autres, qui les autorise, les facilite et les prépare souvent. Il sert non seulement à réinjecter des sommes d'argent constituées de manière illicite dans l'économie réelle et légale, mais aussi souvent à organiser d'autres crimes et à alimenter d'autres réseaux. C'est la raison pour laquelle il est très important d'avancer sur cette question.

Pour autant, cela a été dit, il ne s'agit que d'une étape ; il faudra aller plus loin. Le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, que nous examinerons dans votre assemblée dès la semaine prochaine, permettra d'ajouter des dispositifs à notre arsenal en la matière.

De manière plus générale, en effet, il faut adopter une nouvelle méthode dans la lutte contre la fraude et contre le blanchiment. Celle-ci exige que nous adoptions une approche complète de ces problématiques. Ainsi, au sein de la fraude, nous devons considérer fraude fiscale et fraude sociale ; au sein de cette dernière, fraude aux prestations sociales et fraude aux cotisations sociales. C'est ainsi, seulement, que nous franchirons des pas décisifs.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales est l'un des plus complets sur cette question, même s'il devra encore être enrichi par les débats que nous aurons au Parlement.

Pour revenir au cœur de votre texte, qu'il s'agisse du renforcement des capacités d'alerte de Tracfin à l'encontre des prête-noms ou de l'obligation de vérifier l'origine des fonds lors d'opérations sensibles, ses dispositions viennent pallier des impensés de notre arsenal juridique.

La qualité de ce texte s'explique aussi par le travail mené pendant de longs mois par votre commission d'enquête, intitulée Ces Dizaines de milliards qui gangrènent la société, laquelle a permis à la fois de documenter davantage l'ampleur du phénomène – une première étape nécessaire avant de légiférer – et de préparer les propositions qui nous sont soumises.

Sur cette base, ce texte est structuré autour de deux grands axes. Le premier a pour objectif de faciliter et de renforcer les contrôles exercés par les greffiers des tribunaux de commerce lors de la création ou de la reprise d'entreprises, afin, notamment, d'éviter la constitution de sociétés ayant pour seul but de servir à des actes de blanchiment ; le second vise à prévenir la création de comptes bancaires dont la seule finalité serait de servir à faire transiter les fonds issus d'activités criminelles.

Ces axes sont très importants. Nous avons constaté ces dernières années une amélioration de la lutte contre le blanchiment, et je tiens à saluer le travail qui est réalisé par les services de Tracfin, des douanes, de la DGFiP. Ceux-ci se sentent souvent un peu seuls dans ce combat ; il est donc capital de démontrer la volonté politique du Gouvernement comme du Parlement de les accompagner et de les doter des outils qui leur permettront d'être encore plus efficaces demain.

Les instruments que vous nous proposez permettront de renforcer la vigilance des acteurs économiques et de soutenir ainsi les activités de contrôle.

En matière de lutte contre la fraude et, au premier chef, de lutte contre le blanchiment, il est aussi très important de ne pas céder à la culture des annonces, mais de s'appuyer sur une culture du terrain et du résultat : de manière générale, tout le monde est contre la fraude, et il est rare que des élus ou des responsables prétendent y être favorables…

Comme toujours, le diable se cache dans les détails. Ce qui doit guider nos travaux, c'est donc bien l'efficacité opérationnelle des mesures que nous proposons ; il nous faut à cette fin partir des besoins des acteurs de terrain, issus de l'administration, qui sont engagés dans la lutte contre le blanchiment et contre la fraude, mais aussi des acteurs économiques, afin de déceler les dispositifs les plus efficaces.

C'est bien à la lumière de ces considérations que vos travaux se sont tenus, en amont de la proposition de loi, mais aussi en commission. Vous avez prêté attention à la nécessité de conjuguer ces deux exigences essentielles : garantir l'efficacité opérationnelle des dispositifs proposés et veiller à ce que les obligations qui pèsent sur les acteurs économiques restent claires, proportionnées et adaptées à leur réalité.

Grâce à cette démarche, le texte qui nous est présenté continue à gagner en cohérence, en efficacité et en équilibre. Il convient de poursuivre dans cette voie.

Je tiens, à ce titre, à saluer également les améliorations qui ont été apportées en commission et que les rapporteurs viennent de détailler. Certaines dispositions gagneront encore à être affinées au cours de la discussion, ce qui est normal, et le Gouvernement accompagnera ces travaux.

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'engager la procédure accélérée : nous avons besoin de cette proposition de loi, et il nous faut travailler pour continuer à l'améliorer. Ainsi, nous aboutirons à un texte utile.

Les mesures qui, à mon sens, pourraient encore bénéficier de précisions techniques pour garantir leur pleine efficacité sont les suivantes.

En ce qui concerne l'article 4, il existe aujourd'hui une différence, entre particuliers et entreprises, quant à la déclaration des comptes détenus à l'étranger. Des dispositifs spécifiques et des obligations déclaratives s'appliquent aux entreprises, en matière de coopération internationale, s'agissant particulièrement des intermédiaires bancaires et financiers.

Si le Gouvernement souscrit à l'intention des rédacteurs de cet article, il me semble qu'une réflexion technique doit maintenant être menée pour nous assurer de sa bonne application au vu du cadre existant, afin d'éviter un empilement de dispositifs susceptible d'entraver l'action des services de contrôle. L'efficacité opérationnelle, mais aussi économique, me semble donc commander de poursuivre le travail sur ce dispositif, afin d'en garantir la proportionnalité.

Nous avons un double objectif de simplification administrative et d'efficacité opérationnelle de la lutte contre le blanchiment et la fraude. À cet égard, l'article 4, tel qu'il est aujourd'hui rédigé, ne me semble pas encore atteindre cet équilibre. J'en comprends l'intention, mais j'estime qu'il devra être amélioré, au Sénat, puis durant la navette parlementaire. C'est pourquoi je m'en remettrai à la sagesse de votre assemblée à son sujet.

En ce qui concerne l'article 5, nous partageons pleinement l'ambition de renforcer la vigilance sur les opérations réalisées via des interfaces automatisées. Il nous apparaît toutefois que cet objectif pourrait être mieux atteint en mobilisant des outils déjà existants et en poursuivant les travaux engagés au niveau européen. Dans cet esprit, afin de préserver la fluidité des opérations, nous soutiendrons l'amendement proposé par M. le rapporteur Sautarel.

Pour ce qui concerne l'article 7, lequel ouvre la possibilité pour l'ACPR de solliciter un audit indépendant, un travail complémentaire sera sans doute nécessaire, afin de préciser les modalités d'exercice de cette faculté et d'assurer une mise en œuvre efficace, proportionnée et aisément applicable pour tous les acteurs concernés.

J'en resterai là sur les différentes mesures du texte, car nous y reviendrons durant la discussion des articles.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme se gagne non pas seulement par le droit, mais aussi par l'action collective et par la mobilisation des instruments juridiques pertinents. Elle suppose un engagement constant de l'ensemble des acteurs : autorités judiciaires, services de contrôle, professions réglementées, secteurs financiers, élus locaux, entreprises et associations.

C'est la raison pour laquelle un texte, quel qu'il soit, ne saurait constituer un aboutissement ; il est seulement une étape dans ce combat. Nous continuerons à renforcer les moyens et à moderniser les outils.

Le Parlement, par le biais de sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement, jouera un rôle important en mesurant l'efficacité des mesures que nous mettons en place. Pour ce qui concerne sa tache législative, nous poursuivrons le travail dès la semaine prochaine, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez compris, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, qui permettra de compléter notre arsenal législatif ; nous mènerons ensemble le travail technique encore nécessaire sur certaines de ses dispositions. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le blanchiment de capitaux constitue un risque majeur pour notre économie et pour la confiance publique. Selon la Cour des comptes européenne, il représenterait environ 1,3 % du PIB européen.

La commission d'enquête du Sénat sur la délinquance financière, dont j'ai fait partie, qui a été présidée par Raphaël Daubet et dont Nathalie Goulet était le rapporteur, a mis en lumière l'ampleur du phénomène et les dizaines de milliards d'euros qui échappent chaque année au contrôle des autorités françaises. De ce rapport est née la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, fruit d'un travail minutieux et rigoureux.

Les montants en cause alimentent les réseaux mafieux, enrichissent des individus et, dans certains cas, financent le terrorisme. Il est donc indispensable de disposer d'un cadre législatif clair et efficace.

Cette proposition de loi s'inscrit dans un travail parlementaire proactif en matière de lutte contre les trafics en tout genre ; elle viendra compléter les récentes lois adoptées par le Sénat sur le narcotrafic – je salue notre collègue Étienne Blanc –, et sur l'efficacité des saisies et confiscations, qui ont renforcé notre capacité à frapper les réseaux criminels.

Élue de Moselle, dans une zone frontalière où les flux économiques et financiers avec le Luxembourg et l'Allemagne sont importants, je suis d'autant plus attentive à ces enjeux. Des vulnérabilités concrètes existent, comme l'usage de sociétés-écrans logées au Luxembourg pour brouiller la traçabilité ou le transit de fonds en liquide à travers la frontière allemande, pour fragmenter les montants. Le défi consiste à contrôler ces points de friction, tout en préservant la dynamique économique d'un territoire ouvert.

Cette proposition de loi renforce les moyens d'action au service du contrôle et de l'enquête et élargit leur périmètre d'intervention.

Dans le travail législatif engagé, je tiens à souligner le rôle important de nos deux rapporteurs, Stéphane Sautarel et Hervé Reynaud. Leurs amendements ont donné au texte davantage de consistance et d'impact dans la lutte contre le blanchiment : la définition des sociétés éphémères est désormais précisée, la déclaration des comptes à l'étranger mieux encadrée et le contrôle des opérations financières à risque renforcé. Ces ajustements rendent cette proposition de loi plus opérationnelle, mais aussi plus efficace.

Ces mesures apportent des outils concrets aux autorités de contrôle et d'enquête dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Tracfin sera à même de mieux signaler les identités fictives, les prête-noms ; l'ACPR disposera de pouvoirs accrus pour imposer des audits aux entités financières défaillantes ; les services fiscaux auront accès, de manière sécurisée, à certaines données cadastrales pour détecter des montages suspects.

Ainsi, ce texte permettra un suivi plus fin des flux financiers, une détection rapide des comptes à rebond et une coordination renforcée entre les acteurs. L'efficacité de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme s'en trouvera significativement améliorée.

Enfin, cette proposition de loi signale combien le Sénat s'engage à lutter contre le blanchiment, à sécuriser notre économie et à maintenir la confiance dans le tissu économique. Elle invite également tous les acteurs, publics et privés, à collaborer pleinement. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que la France demeure à la pointe de la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer et à remercier chaleureusement la commission des finances et la commission des lois, ainsi que leurs rapporteurs respectifs, du travail considérable qu'ils ont mené. En un temps record, ils ont su proposer des modifications pertinentes et utiles qui ont permis d'améliorer ce texte. Cette efficacité témoigne d'une collaboration menée en bonne intelligence avec les administrations et les services de Bercy.

Je tiens également à adresser mes remerciements appuyés à notre collègue Nathalie Goulet, auteur de cette proposition de loi, dont l'engagement constant et déterminé contre la délinquance financière force l'admiration. Je n'oublie pas Raphaël Daubet, président de la commission d'enquête sur la délinquance financière dont les travaux ont nourri et inspiré ce texte. Cette proposition de loi n'est pas le fruit du hasard : elle est l'aboutissement d'un travail parlementaire de fond, documenté et rigoureux.

Je tiens enfin à saluer la politique en la matière du Gouvernement, qui prend à bras-le-corps depuis plusieurs mois les questions liées à la fraude et au blanchiment. Cette volonté politique est essentielle : sans elle, aucune réforme d'envergure ne saurait voir le jour.

Mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui illustre parfaitement ce que doit être notre action : une politique transpartisane, déterminée et implacable face aux fléaux qui minent notre économie et notre société.

Oui, le blanchiment de capitaux est un fléau, dont les proportions sont vertigineuses. Considérez ces chiffres : en France, le montant des flux annuels issus des trafics et recyclés dans les circuits légaux est estimé à entre 38 milliards d'euros et 58 milliards d'euros. De ce tsunami financier, nous ne récupérons que 2 %. C'est clairement insuffisant !

Pendant que des réseaux criminels prospèrent, que des narcotrafiquants blanchissent leurs profits en toute impunité, que des fortunes illicites se fondent dans notre économie légale, l'État peine à récupérer les fruits de ces activités criminelles. Cette situation doit cesser.

Mme Nathalie Goulet. Très juste !

Mme Salama Ramia. Le blanchiment d'argent n'est pas un crime sans victime : il finance le terrorisme ; il alimente les trafics de drogue qui détruisent nos quartiers ; il fausse la concurrence et pénalise nos entreprises honnêtes ; il fragilise la confiance dans notre système économique et financier.

Mes chers collègues, à ce constat accablant, cette proposition de loi apporte une première réponse essentielle : elle crée des outils concrets, des dispositifs efficaces pour mieux lutter contre le blanchiment. Elle renforce les mécanismes de vigilance. Elle améliore la traçabilité des flux suspects. Elle donne aux acteurs économiques les moyens de se protéger et de protéger notre économie contre l'infiltration de capitaux criminels.

Ces mesures permettront de mieux détecter, de mieux prévenir et de mieux sanctionner les opérations de blanchiment. Elles offriront un cadre plus clair et plus protecteur pour les entreprises qui jouent le jeu de la transparence. Elles renforceront les obligations de vigilance sans pour autant paralyser l'activité économique légitime.

Ce texte envoie surtout un message fort : la France ne sera pas un territoire où l'argent sale circulera librement.

Mes chers collègues, ce combat contre le blanchiment et contre la fraude ne recouvre pas de clivages politiques, il s'agit non pas d'un sujet de gauche ou de droite, mais d'une question de confiance, de justice et d'État de droit. C'est pourquoi je me réjouis de constater que la volonté de mener cette lutte transcende les appartenances partisanes.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Salama Ramia. Tous les groupes de cette assemblée ont conscience de l'urgence. Tous comprennent que nous avons une responsabilité collective sur cette question.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a toujours placé la lutte contre la fraude et le blanchiment au cœur de ses priorités. C'est pourquoi, avec force et clarté, nous voterons résolument en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains. – MM Marc Laménie et Raphaël Daubet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Vincent Éblé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui un texte aussi technique que nécessaire, à savoir la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face au risque de blanchiment, déposée par nos collègues Nathalie Goulet et Raphaël Daubet.

Ce texte, travaillé avec sérieux et amendé avec justesse par la commission des finances, répond à une préoccupation majeure : comment renforcer la capacité de notre économie à se protéger des circuits de blanchiment, des sociétés-écrans et des structures frauduleuses qui sapent la confiance publique ?

Depuis dix ans, dans un contexte de défiance et de vigilance accru, l'Europe et la France sont confrontées à une série de scandales économiques et financiers : Panama Papers, CumEx Files, escroqueries à la TVA, scandales liés aux crypto-actifs, etc. Derrière ces noms, ce sont des milliards d'euros qui, chaque année, échappent au contrôle des États, au financement de nos politiques publiques et à la loyauté du marché.

Ces affaires ont révélé la fragilité de nos mécanismes de prévention : trop d'acteurs, trop peu de coordination et une ingénierie criminelle désormais mondialisée.

La France a certes réagi, par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, par le renforcement de Tracfin, par le déploiement du parquet national financier (PNF) et par la transposition des directives européennes successives, mais les réseaux criminels se sont, eux aussi, adaptés. Ils exploitent désormais les zones grises, les entreprises éphémères, les prête-noms, les comptes rebonds. Nos concitoyens exigent que la puissance publique s'empare des angles morts de la lutte contre la fraude.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi, qui s'inscrit pleinement dans le mouvement européen tendant à harmoniser les règles de vigilance et à rapprocher nos standards de ceux de la future Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d'argent (Amla). Nous devons adapter notre droit à des pratiques criminelles qui n'ont ni frontières ni délais.

Je tiens à souligner la cohérence du travail mené depuis plusieurs années par le Sénat, en particulier par sa commission des finances. Cette dernière a été pionnière dans l'analyse des dispositifs de lutte contre la fraude et le blanchiment.

Nous avions alerté sur la fraude à la TVA, dite fraude carrousel, qui coûte chaque année plusieurs milliards d'euros à la collectivité, ou encore sur les CumEx Files, qui ont mis en lumière des montages d'arbitrage de dividendes permettant à des investisseurs de prêter des actions juste avant le versement des dividendes pour éviter la retenue à la source. Selon les travaux du Sénat, ce mécanisme coûte au moins 1 milliard d'euros par an au budget français – certains analystes avancent même la somme de 3 milliards d'euros.

Les montages CumCum-ComEx ne sont pas des abstractions : véritable casse fiscal du siècle, ils fragilisent le consentement à l'impôt. D'autres scandales ont par ailleurs montré que des sociétés-écrans, des comptes bancaires temporaires ou des plateformes de néobanque servaient de passerelles au blanchiment.

Notre Haute Assemblée n'a pas attendu pour agir. En 2018, après les révélations des CumEx Files, la commission des finances, alors sous ma présidence, avait constitué un groupe de suivi et auditionné la DGFiP, l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'ACPR. Il est résulté de ces travaux l'adoption d'une position consensuelle transpartisane et le dépôt, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, de plusieurs amendements visant à empêcher ces montages.

Tous les groupes politiques avaient notamment déposé le même amendement tendant à instaurer une retenue à la source de 30 % sur les opérations suspectes, charge ensuite aux bénéficiaires non-résidents de prouver la légitimité des dividendes. En tant que président de la commission des finances, j'avais alors souligné que ce dispositif constituait la réponse légitime au casse fiscal du siècle et qu'il fallait agir rapidement.

Ce front commun, qui honore notre institution, illustre la capacité du Sénat à réagir face aux grandes fraudes internationales. Pendant que certains préfèrent accumuler les déclarations d'intention et les effets d'annonces, le Sénat, lui, continue de faire ce qu'il sait faire : travailler, écouter, amender et construire.

Au-delà de nos différences, les groupes politiques qui constituent notre assemblée savent encore dialoguer, car ils partagent le même sens de l'intérêt général. C'est cela, au fond, le travail du législateur : avancer sans bruit, mais avec méthode et responsabilité.

La proposition de loi qui nous occupe aujourd'hui s'inscrit dans le même esprit : sans courir après les scandales, elle vise à anticiper les risques. Elle complète nos initiatives précédentes en élargissant la détection des sociétés-écrans, en encadrant les comptes rebonds, en renforçant la vigilance des greffes et le contrôle des néobanques et en croisant des bases de données jusqu'ici cloisonnées.

Ce texte renforce les maillons faibles sans complexifier l'édifice. Il complète, sans les contredire, les instruments déjà créés par le législateur. C'est un texte non pas d'empilement, mais de consolidation. Il ne bouleverse pas notre code monétaire et financier : il agit là où les failles demeurent.

Il favorise la détection des entreprises éphémères, véritables chevaux de Troie de la fraude. Il améliore la traçabilité des identités fictives et des prête-noms. Il renforce la vigilance autour des comptes rebonds et encadre les néobanques à forte exposition numérique. Il consolide, enfin, le rôle des greffiers des tribunaux de commerce, acteurs souvent discrets, mais essentiels, de la sécurité publique.

Ces dispositions précises, équilibrées, ont un objectif clair : assainir l'environnement économique sans alourdir les formalités des acteurs honnêtes.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient l'esprit de ce texte. Si nous partageons son objectif – faire reculer l'économie souterraine et protéger la probité des affaires –, nous souhaitons préserver la souplesse du dispositif.

C'est pourquoi nous soutiendrons l'amendement n° 3 de notre collègue Grégory Blanc, qui vise à rétablir la notion d'entreprise éphémère tout en revoyant les critères de définition de celle-ci à un décret. Une telle rédaction permet d'agir sans rigidifier le droit.

Nous sommes en revanche réservés sur les amendements dont l'adoption risquerait d'affaiblir la portée des vérifications relatives à l'origine des fonds, tout en étant favorables aux amendements de nos collègues du groupe communiste relatifs aux crypto-actifs, car les technologies financières doivent en effet être encadrées, évaluées, mais sans hostilité de principe.

Nous soutiendrons également les propositions tendant à renforcer utilement les pouvoirs de vérification des greffes avant déclaration de soupçon.

Enfin, nous ne pourrons pas soutenir l'amendement n° 1 de notre collègue Nathalie Goulet visant à soumettre les associations exerçant une activité économique à une immatriculation au registre du commerce. Si l'intention de transparence est légitime et louable, la méthode nous paraît inadaptée. Une telle mesure risquerait en effet d'affaiblir le tissu associatif, qui constitue l'un des piliers de notre vie démocratique et sociale. Ce débat mérite un travail sans doute spécifique, distinct de ce texte et mené en concertation avec les acteurs concernés.

La commission des finances a fait œuvre utile. Elle a précisé, clarifié, simplifié. Nous souhaitons que la navette parlementaire poursuive ce travail dans le même esprit. L'enjeu est de produire une loi non pas symbolique, mais applicable et évaluable. Les dispositifs créés doivent être suivis, contrôlés et rendus comptables de leurs résultats. C'est là tout le sens du contrôle parlementaire, auquel notre groupe est profondément attaché.

L'efficacité d'un texte se mesure moins à sa sévérité qu'à sa capacité à être appliquée partout, par tous et de manière juste. Cette proposition de loi s'inscrit à ce titre dans le cadre plus large d'une refondation européenne de la lutte contre le blanchiment.

Le futur parquet européen, qui entrera en vigueur l'année prochaine, fera de la transparence des bénéficiaires effectifs et de la traçabilité des flux financiers deux priorités absolues. En adoptant cette proposition de loi, la France montrerait que, loin de se contenter de suivre, elle anticipe.

Ce n'est pas un hasard si le Sénat se saisit de cette question. Nous savons en effet combien la probité économique conditionne la crédibilité de l'action publique et la justice fiscale, mes chers collègues. Chaque société écran qui prospère, chaque circuit opaque qui se referme sur lui-même, c'est une part de confiance républicaine qui s'érode.

Lutter contre le blanchiment, c'est défendre la République économique, mais aussi la République morale.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain approuve cette proposition de loi, telle qu'elle a été amendée par la commission. Nous devrions donc la voter à l'issue de nos débats, parce qu'elle conjugue efficacité et proportionnalité, parce qu'elle renforce la coopération entre acteurs publics et parce qu'elle promeut une vision équilibrée de la régulation économique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE – Mme Nathalie Goulet et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, cette proposition de loi est directement issue du travail mené par la commission d'enquête sur la délinquance financière, dont notre collègue Nathalie Goulet était le rapporteur et Raphaël Daubet le président.

Je me permets d'ailleurs de rappeler que le présent texte porte sur les risques que le blanchiment fait peser sur nos structures économiques, monsieur le ministre. Je comprends que vous vous efforciez de défendre le Gouvernement jusqu'à l'outrance, mais la mention du projet de loi de lutte contre les fraudes sociales et fiscales est à ce titre l'équivalent d'un cavalier législatif... (Sourires.) Si vous le voulez bien, laissons donc les choses à leur place !

Les travaux de la commission d'enquête que j'évoquais ont eu le mérite d'éclairer un phénomène souvent sous-estimé. Entre 38 milliards d'euros et 58 milliards d'euros issus d'activités criminelles seraient en effet recyclés chaque année dans notre économie, et moins de 1 % des flux criminels mondiaux seraient saisis. En France, seulement 2 % à 3 % des signalements Tracfin débouchent sur des poursuites.

Les constats édifiants de ce travail ont montré la fragilité de notre arsenal répressif en la matière, mais aussi le manque de moyens criant de la justice financière, des douanes et de Tracfin. Cette délinquance financière n'a pas le visage du gangster : elle s'appuie sur des cabinets d'avocats, des banques ou encore des sociétés de domiciliation. Elle gangrène des secteurs entiers, capte des fonds publics et influence des décisions économiques.

Ce que l'on pourrait appeler le crime en col blanc n'est pas une anomalie : il constitue une composante à part entière d'un capitalisme mondialisé ; rouage fonctionnel de ce dernier, il permet une optimisation du profit et soumet l'économie réelle à son emprise envahissante.

La proposition de loi qui nous est soumise place la prévention au cœur de la régulation économique, quand prévalait jusqu'alors un modèle de sanction a posteriori, souvent trop tardif d'ailleurs.

Ce texte pose donc un cadre utile, fondé sur un principe simple, mais essentiel : l'entreprise privée ne doit plus être considérée comme un simple agent d'économie libre. Elle doit être envisagée comme un point potentiel d'introduction de flux illicites mettant en danger l'ordre public économique. L'alerte est sérieuse !

Nous avons un devoir de vigilance à l'entrée du tissu économique : immatriculations, reprises d'entreprises, comptes bancaires, contrôle des néobanques ou encore rôle accru des greffiers.

Lors du passage de ce texte en commission, certains équilibres en ont toutefois été modifiés. Si certaines modifications répondaient à un souci de cohérence juridique, nous estimons que d'autres ont contribué à affaiblir la portée de ce texte de manière substantielle.

La définition légale des entreprises éphémères, tout d'abord, qui visait à donner un fondement clair au signalement effectué par les greffiers, a été supprimée. Cela a pour conséquence de laisser perdurer ce que l'on peut qualifier d'angle mort.

La création d'un fichier national des identités fictives et des prête-noms a ensuite également été abandonnée, au profit d'un élargissement du champ des appels à la vigilance de Tracfin, dont l'effectivité – c'est là que le bât blesse – nécessiterait que des moyens supplémentaires soient alloués à cette instance pour assurer la diffusion en temps réel de signaux exploitables aux acteurs de terrain. À défaut des moyens nécessaires, en effet, cette coordination restera théorique.

La transformation, enfin, de l'obligation systématique de justification de l'origine des fonds en une simple vigilance laissée à la discrétion du professionnel chargé de l'acte – notaire, greffier ou avocat – marque un infléchissement significatif.

Sous couvert de proportionnalité et de simplification administrative, on déplace la responsabilité de la prévention du blanchiment vers l'appréciation subjective des acteurs privés. Pour notre part, nous redoutons qu'une telle rédaction ne conduise à des pratiques hétérogènes, quand une obligation automatique aurait eu le mérite d'unifier et de sécuriser la vigilance.

Cela dit, il faut aussi reconnaître les avancées maintenues ou introduites dans cette nouvelle version : l'extension de la déclaration des comptes bancaires à l'étranger, l'encadrement plus strict des services automatisés, l'expérimentation d'un accès aux données cadastrales par les greffes ou encore le renforcement des pouvoirs de l'ACPR.

Dans un monde où la valeur se substitue à la monnaie, la finance, telle est la dure réalité, va parfois plus vite que la loi. Les crypto-actifs, souvent présentés comme l'avenir de la liberté économique, deviennent une richesse sans contrôle, sans visage, sans frontière. Comme le disait notre ancien collègue Éric Bocquet – cette citation fera plaisir à Nathalie Goulet ! (Sourires.) –, « pendant que nous dormons, l'argent circule, s'échappe et se cache ».

En dépit des réserves que j'ai formulées, nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi, qui, loin de tenir la criminalité financière pour un phénomène secondaire, reconnaît qu'elle constitue un danger systémique qui affaiblit l'État, mine la démocratie et renforce les inégalités.

Dans le cadre de nos travaux législatifs, en particulier budgétaires, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky continuera de porter l'exigence d'une véritable souveraineté financière et démocratique, laquelle suppose des moyens techniques, mais aussi humains. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST, RDSE et INDEP. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Grégory Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le blanchiment – c'est évident, et cela a été dit avant moi – se trouve au cœur des trafics. Les trafiquants agissent pour gagner de l'argent : sans l'appât de gains rapides, pas de corruption, pas de narcotrafic, pas de fraude fiscale organisée ni de traite des êtres humains.

Le blanchiment permet que, par l'achat de commerces, d'immeubles ou d'entreprises, l'argent sale se fonde dans l'économie licite. Il désigne la contamination de notre économie réelle, notre vulnérabilité collective résidant dans le point de jonction entre les sphères économiques licite et illicite.

Je salue le travail très important accompli par la commission d'enquête consacrée à ce sujet, pilotée de manière énergique et lucide par Nathalie Goulet et Raphaël Daubet et dont j'ai eu l'honneur d'être membre. La présente proposition de loi est issue du rapport rendu par cette commission au mois de juin dernier.

En dépit de ses qualités indéniables, il faut reconnaître que ce texte paraît avoir subi un programme de lavage quelque peu élevé en température... (Sourires.) Si la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui est utile, elle n'est en effet plus que l'ombre de la proposition de loi initiale, qui comportait trente articles – après avoir subi un sévère rétrécissement au lavage, elle n'en compte plus que neuf.

Les ambitions ont été rabotées pour des raisons de calendrier et d'empilement législatif, mais aussi du fait de l'inscription à l'ordre du jour de notre assemblée, la semaine prochaine, du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Le présent texte a donc été recentré uniquement sur les sociétés commerciales, quand j'estime, avec mon groupe, qu'il aurait fallu embrasser la criminalité financière dans toutes ses dimensions.

Mme Nathalie Goulet. Absolument !

M. Grégory Blanc. Nous nous livrons, au contraire, à un véritable saucissonnage législatif, mes chers collègues, puisque, après avoir examiné la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire la semaine dernière, nous débattons aujourd'hui de ce texte pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment, avant d'examiner, la semaine prochaine, le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, sans oublier la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques – intitulé quelque peu présomptueux –,…

Mme Nathalie Goulet. C'est sûr !

M. Grégory Blanc. … dite proposition de loi Cazenave, qui nous a été soumise il y a quelques mois.

Autant de textes certes utiles, mais fragmentés et dépourvus de vision d'ensemble. Or la criminalité financière ne s'arrête pas aux frontières d'un code : étant par nature systémique, elle appelle une réponse de la même nature.

Vous avez insisté à juste titre sur la nécessité de ne pas accumuler les textes, monsieur le ministre. C'est tout à fait juste, mais il appartient au Gouvernement de nous présenter un texte d'ensemble, complet, remédiant aux trous dans la raquette, plutôt que le texte quelque peu cosmétique et principalement centré sur la fraude sociale, au détriment de la fraude fiscale, qui nous sera présenté la semaine prochaine.

Soucieux, avec mon groupe, de remédier à ce déséquilibre, je n'ai donc déposé qu'un amendement sur le présent texte, au bénéficie des enrichissements considérables que nous proposerons d'apporter au texte du Gouvernement la semaine prochaine.

La présente proposition de loi permet toutefois de réelles avancées : amélioration du traçage des cessions d'entreprise, responsabilisation accrue des greffiers, renforcement de l'encadrement des néobanques.

Plusieurs articles ayant été affaiblis en commission, la portée de ces outils demeure toutefois limitée. Nous prenons acte de cet affaiblissement et proposerons d'y revenir la semaine prochaine.

À l'article 1er, comme Raphaël Daubet, j'ai déposé un amendement, qui me paraît tout à fait fondamental, visant à rétablir une définition des sociétés éphémères. C'est une question de cohérence : sans cadre clair, les sociétés-écrans continueront de fleurir, au détriment de la transparence.

Nous soutiendrons de même, comme notre collègue Vincent Éblé et son groupe, les amendements tendant à enrichir les dispositions de ce texte relatives aux cryptomonnaies, ainsi que l'amendement présenté par notre collègue Nathalie Goulet.

Au-delà des procédures, il nous paraît important de rappeler avec force que la question de l'effectivité demeure entière. Comment garantir que la lutte contre le blanchiment se traduise sur le terrain ?

Les constats de la commission d'enquête sont clairs : si notre raquette législative comporte des trous, nos services manquent de moyens. Il nous faut donc un projet de loi d'ensemble, afin d'articuler les dispositions législatives qui s'imposent avec le nécessaire renforcement des moyens de l'ensemble des services et une coordination européenne plus effective.

Je conclurai en répondant à certains propos, dont je dois avouer qu'ils m'ont choqué.

J'ai en effet entendu que le renforcement de la lutte contre le blanchiment pourrait contribuer à affaiblir l'attractivité de la France… Je veux vous le dire avec force, mes chers collègues : si l'amélioration de nos dispositifs de contrôle des fonds affaiblit l'attractivité de notre pays, nous avons une véritable difficulté ! J'invite donc chacun à réfléchir au sens de ses propos. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne partage pas l'avis de Nathalie Goulet : le texte que nous vous soumettons aujourd'hui n'est pas un petit texte. (Sourires.) Il est le fruit, cela a été dit, du travail parlementaire rigoureux mené par la commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de présider.

Je tiens d'ailleurs à remercier le groupe Union Centriste, qui, sous la houlette de son président Hervé Marseille, a exercé son droit de tirage pour demander la constitution de cette commission d'enquête, ainsi, naturellement, que Nathalie Goulet, qui, pour tout dire, m'a entraîné dans son sillage sur les sujets de fraude et de blanchiment qu'elle porte depuis longtemps avec la passion impétueuse et virevoltante qu'on lui connaît. S'il n'a pas toujours été simple de présider cette structure temporaire, nos échanges ont toujours été amicaux et passionnants…

Je remercie également notre rapporteur, Stéphane Sautarel, ainsi que notre rapporteur pour avis, Hervé Reynaud, qui se sont approprié ce texte et l'ont enrichi en tant que de besoin.

Ce texte, je le disais, n'est pas un petit texte. S'il ne reflète naturellement qu'une petite partie de nos travaux, je le crois beaucoup plus ambitieux qu'il n'en a l'air, car il prépare le changement de culture qu'il faut nous approprier pour combattre le crime organisé. Tel est l'apport majeur de ce texte, qui, en instaurant une traçabilité ex ante en sus de la détection a posteriori dont nous nous contentons actuellement, acte un changement de logique.

L'idée est non pas d'ajouter une couche de bureaucratie supplémentaire, mais d'armer ceux qui sont au contact du réel – les greffes, les notaires, les experts-comptables, les banques –, pour déceler les signaux faibles avant que les circuits de blanchiment ne se referment.

Le travail mené par nos collègues sur le narcotrafic a été à ce titre déterminant, car il nous a convaincus de la nécessité de changer d'angle d'approche et d'appréhender la criminalité au prisme du blanchiment.

Si les réseaux criminels diversifient leurs activités, il leur faut en effet dans tous les cas blanchir les fonds, ce qui expose nos démocraties à des risques de corruption et de gangrène qui rendent le crime financier bien plus grave qu'il n'y paraît. L'argent sale se mêle à l'argent propre et l'économie illicite infiltre l'économie légale dans une forme d'empoisonnement invisible de nos démocraties.

Le constat est alarmant, puisque plusieurs dizaines de milliards d'euros sont blanchis chaque année. Les criminels jouissent de cet argent, même depuis leur prison lorsqu'ils sont arrêtés, ou après avoir purgé leur peine.

Notre ambition est simple : refermer les brèches par lesquelles l'argent sale s'infiltre dans le tissu économique français. Le texte cible quatre points de fuite bien identifiés : les entreprises éphémères, les cessions d'entreprises mal contrôlées, les comptes bancaires à l'étranger des sociétés commerciales et les comptes dits rebonds, hébergés dans certaines néobanques.

À l'urgence de colmater ces brèches s'ajoute la nécessité de donner aux greffiers des tribunaux de commerce des leviers d'action et de contrôle réellement opérationnels.

L'ensemble de ces dispositions – telle est la transformation culturelle majeure – déplace la lutte contre le blanchiment du champ judiciaire répressif vers le champ préventif administratif.

Je tiens par ailleurs à revenir sur deux points soulevés par nos commissions.

Tout d'abord, tout en comprenant les difficultés inhérentes à l'exercice de définition des sociétés éphémères, des comptes rebonds et des néobanques, j'estime que nous ne devons pas renoncer à établir des critères, car ceux-ci seront un levier essentiel de notre faculté à détecter le plus tôt possible les démarches frauduleuses.

Ensuite, si je consens au report d'un an de l'obligation de déclaration des comptes à l'étranger pour les sociétés commerciales, j'insiste sur l'importance de mettre en place cette déclaration. Il faudrait en effet ne pas avoir pris la mesure de la dimension internationale du blanchiment et du crime organisé pour passer à côté de cette obligation.

Certains s'inquiéteront sans doute d'un risque de suradministration, mais il faut être clair : on peut rechercher la simplification dans beaucoup de nos modèles administratifs, mais en la matière, compte tenu de l'ampleur du phénomène de blanchiment permis par ces comptes à l'étranger, nous n'avons pas intérêt à défendre la simplification au détriment des filtres et des contrôles.

Nous avons besoin d'un État qui ne se contente plus d'observer et de poursuivre, mais qui anticipe, qui détecte et qui empêche.

Voter ce texte, c'est donc affirmer que le droit ne reste pas statique quand les criminels innovent. C'est comprendre que, pour lutter contre la criminalité organisée, il faut l'asphyxier financièrement. C'est à ce prix que la France rétablira l'ordre public, la justice économique et une part essentielle de sa souveraineté. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, SER et GEST. – Mme Nathalie Goulet et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Il est passé par ici, il repassera par là ! (Sourires.) De nouveau, je prends la parole sur ce texte.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie le président Daubet, qui a sauté à pieds joints dans ce sujet. Nous avons effectivement réalisé un travail formidable, notamment avec Étienne Blanc.

Chacune des auditions préparatoires à l'examen de ce texte a été l'occasion de rappeler que nous nous inscrivions dans la voie ouverte par les travaux de notre commission d'enquête, hélas ! avec moins de moyens. Les contraintes du temps parlementaire ne nous ont en effet pas permis de présenter le texte plus ambitieux que nous avions préparé, cher Grégory Blanc, lequel abordait bien d'autres sujets tout à fait importants et urgents, tels que la corruption, le trafic de migrants et bien d'autres.

Dès lors que nous disposerons de temps législatif, ce que je nous souhaite collectivement, il faudra y revenir, monsieur le ministre.

Mes chers collègues, j'utiliserai les quelques minutes dont je dispose pour vous expliquer pourquoi, sous certaines conditions et à partir d'un certain seuil, nous travaillons, notamment avec les greffes des tribunaux de commerce, à l'élaboration d'un dispositif d'enregistrement des associations ayant une activité commerciale.

Avec un « chiffre d'affaires » de près de 120 milliards d'euros chaque année, le secteur associatif joue un rôle très important. Or certaines associations, bien qu'elles relèvent du régime juridique des organisations à but non lucratif, exercent des activités économiques, dont le contrôle est impossible en raison du statut issu de la loi de 1901.

Même si elles sont rattrapées par la patrouille de l'impôt sur les sociétés, il n'en demeure pas moins que les contrôles financiers et juridiques liés à cette activité économique, notamment ceux des bénéficiaires effectifs, de la lutte contre la fraude, du blanchiment, du financement du terrorisme ou de la sécurisation d'un certain nombre de transactions économiques, ne se font pas.

Plusieurs pays européens – l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Pologne et le Portugal – disposent de registres qui comportent à la fois les sociétés commerciales, mais aussi les associations, à l'exclusion – cela s'entend – des associations dont l'activité est au-dessus d'un certain seuil, des associations culturelles ou de petits producteurs, par exemple de camembert. (Sourires.)

Des dysfonctionnements au sein de certaines associations ont du reste été révélés : l'année dernière, dans son rapport annuel, le Groupe d'action financière (Gafi) indiquait que, si la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République avait contribué à l'amélioration des dispositifs de contrôle des associations, chère Sophie Primas, les difficultés qu'il avait pointées dans son rapport annuel de 2022 restaient pendantes. Le constat est clair : notre arsenal comporte en la matière un certain nombre de failles.

Certaines associations, notamment cultuelles, ont un « chiffre d'affaires » extrêmement important. D'autres se caractérisent par des dysfonctionnements qui ont été rappelés à de nombreuses reprises. Ainsi, l'ancien directeur de l'association Equalis a été condamné pour un détournement de fonds de plus de 600 000 euros. Vous vous rappelez tous le scandale de l'ARC, l'association pour la recherche sur le cancer. L'association SOS Éducation a été sanctionnée pour des émissions abusives de reçus fiscaux – le sujet reviendra lors de l'examen du projet de loi de finances, car chaque année, monsieur le ministre, comme mars en carême, je dépose le même amendement pour contrôler les rescrits ; cela reste manifestement sans effet, mais ce n'est pas grave, car je siégerai dans cet hémicycle jusqu'en 2029… Il y a aussi l'association BarakaCity que nous avons interdite ici et que nous avons retrouvée ailleurs, et bien d'autres encore.

C'est la raison pour laquelle nous engageons ce débat sur l'enregistrement des associations. Il n'aboutira sans doute pas aujourd'hui, mais il reviendra demain – vous pouvez me faire confiance. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Alexandre Basquin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue le travail de nos rapporteurs, Stéphane Sautarel pour la commission des finances et Hervé Reynaud pour la commission des lois, travail partagé avec les collègues de ces deux commissions, dont je salue également les présidents. Je remercie aussi les deux auteurs de cette proposition de loi pour le travail qu'ils ont mené dans le cadre de la commission d'enquête et qui a abouti à un grand nombre de recommandations que nous retrouvons dans ce texte.

Entre 12 milliards et 20 milliards d'euros : tel est le montant auquel est estimé le chiffre d'affaires des réseaux spécialisés dans le blanchiment d'argent, chaque année, en France. En comparaison, le montant alloué à la justice pour 2025 est de 12 milliards d'euros et celui consacré au logement est de 23 milliards d'euros. Il est inacceptable de laisser cette situation perdurer. Le chiffre d'affaires généré par le blanchiment d'argent ne peut pas être équivalent à des postes budgétaires de l'État essentiels pour les Français, comme la justice ou le logement, entre autres.

Au total, le montant des flux annuels issus des trafics et recyclés dans les circuits légaux serait compris entre 38 milliards et 58 milliards d'euros par an, pour un taux de récupération par l'État – cela a été rappelé par plusieurs de nos collègues – estimé à seulement 2 % – vous l'avez indiqué également, monsieur le ministre.

Il y a urgence à agir et à agir efficacement. Tel est l'enjeu de cette proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment.

C'est pourquoi nous tenons à saluer le travail mené par les sénateurs à l'origine de ce texte, Nathalie Goulet et Raphaël Daubet. Mes chers collègues, vous avez été en première ligne dans le cadre de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis, en tant que rapporteur et président.

Celle-ci a dressé plusieurs constats dont, notamment, le fait que les structures éphémères, les prête-noms fictifs ou encore l'usage des néobanques non agréées sont des leviers d'action pour les auteurs d'infractions financières d'ampleur.

À l'issue des travaux de la commission d'enquête, cinquante recommandations ont été émises – cela montre l'importance du travail réalisé – articulées autour de trois axes : la nécessité d'une meilleure compréhension du blanchiment, la définition d'une stratégie de lutte efficace contre le blanchiment et le développement de la coopération internationale, qui est un sujet très vaste.

La présente proposition de loi s'inspire de certaines de vos recommandations, mais se concentre sur un champ plus restreint, même si l'idée d'une réforme plus large avait été envisagée. Dans un calendrier législatif chargé, figurent plusieurs textes portant sur la fraude : la semaine dernière, nous avons examiné une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire ; la semaine prochaine, nous examinerons un projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales ; et comme cela a été rappelé, certains collègues ont également déposé antérieurement des textes sur le sujet. Cela montre la volonté d'aboutir à des textes plus ciblés afin d'apporter des réponses rapides.

Ainsi, le principal objectif de ce texte est de donner aux autorités les moyens juridiques de mieux lutter contre les dérives entrepreneuriales liées à la criminalité financière.

Durant son examen en commission, la présente proposition de loi a été enrichie par nos deux rapporteurs. Je salue leur travail, qui a eu pour principal objectif d'assurer une mise en œuvre du texte fluide et sécurisée juridiquement, dans la lignée des recommandations de plusieurs services administratifs concernés par le déploiement de cette proposition de loi. Monsieur le ministre, vous avez cité Tracfin, la direction générale des finances publiques, l'administration des douanes – je peux témoigner de son implication puisque les Ardennes sont un département frontalier –, auxquels s'ajoutent de nombreux autres services administratifs.

Dans sa version initiale, l'article 4 prévoyait d'étendre l'obligation déclarative aux sociétés commerciales en leur imposant de déclarer à l'administration fiscale l'ensemble des comptes bancaires qu'elles détiennent à l'étranger. Un amendement du rapporteur, adopté en commission, vise à prévoir une entrée en vigueur différée pour permettre aux services concernés de se préparer à la gestion de la masse de données qui seraient ainsi collectées.

En outre, le présent texte permet d'importantes avancées. Il renforce les moyens d'action des greffiers des tribunaux de commerce, afin de mieux prévenir les fraudes à l'identité et les manquements aux obligations de transparence des entreprises.

Il met également en place une expérimentation dans les juridictions commerciales de Paris, Lyon et Marseille pour permettre aux greffiers d'accéder aux données cadastrales relatives aux immeubles détenus par des personnes morales immatriculées dans leur ressort.

Il prévoit aussi de nouvelles mesures de vigilance sur l'origine des fonds avant la reprise d'une entreprise, notamment en cas de cession amiable.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra ce texte qui comprend une série de dispositions qui permettront, demain, de mieux lutter contre les formes modernes de blanchiment d'argent.

Toutefois, il est important de rappeler que le blanchiment d'argent, la criminalité financière et l'ensemble des infractions qui en découlent ne s'arrêtent pas à nos frontières, d'où l'intérêt du travail de cette commission d'enquête et de ses recommandations.

Il nous paraît essentiel et prioritaire d'agir afin que l'État dispose de moyens suffisants à tous les niveaux pour prévenir et empêcher de telles manœuvres : cela participe de notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « nous assistons aujourd'hui à l'émergence de nouvelles formes de criminalité marquées par l'internationalisation des phénomènes couplée au développement des nouvelles technologies. Les réseaux peuvent ainsi être très structurés à l'échelon international, avec des ramifications locales. Le lien très fort entre la délinquance locale et les trafics internationaux nécessite une bonne circulation de l'information entre les services, afin de mettre en place une stratégie globale de lutte contre la délinquance et la criminalité organisée. »

Cette observation est extraite du rapport d'information intitulé La police judiciaire dans la police nationale : se donner le temps de la réussite, que j'avais remis avec Jérôme Durain en 2023. Nous mettions en garde contre l'accélération de la modernisation des réseaux criminels, qui profitent pleinement des faiblesses structurelles de nos administrations, trop cloisonnées, fonctionnant en silo et manquant de moyens.

Les ramifications au sein de l'économie française s'intensifient et les chiffres sont accablants. Entre 38 milliards et 58 milliards d'euros de flux criminels blanchis infiltrent chaque année notre économie légale et, comme cela a été dit, seulement 2 % de ces flux sont saisis par l'État. Cette situation n'est plus acceptable ; elle met en danger notre République en déstabilisant nos institutions.

Cela a été dit et redit, la criminalité organisée, dans laquelle baigne notamment, mais pas seulement, le narcotrafic, est un fléau. Des avancées ont été permises, en particulier dans le cadre de la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, dont je veux saluer le corapporteur et coauteur, Étienne Blanc.

Lutter contre le blanchiment est l'une des seules manières efficaces de priver la criminalité organisée de sa raison d'être et de l'empêcher de contaminer l'ensemble de l'économie et de la société. Cette lutte ne se gagne pas seulement sur le terrain – qui exige beaucoup de moyens, nous le savons –, mais aussi dans les livres de comptes. Le Sénat en a fait une priorité, comme cela a été dit, à travers l'adoption récente de plusieurs propositions de loi.

Mais, comme l'a démontré la commission d'enquête sur la délinquance financière, des marges de progrès subsistent face à l'insuffisance des dispositifs actuels de contrôle. J'ai participé à cette commission en tant que vice-présidente et je tiens à saluer Nathalie Goulet et Raphaël Daubet pour les travaux qu'ils ont menés et leur engagement sans faille, ainsi que les rapporteurs des commissions des lois et des finances.

Quelques recommandations issues de la commission d'enquête sont reprises dans ce texte : lutter contre les entreprises éphémères, s'attaquer concrètement à l'opacité bancaire, renforcer les moyens techniques de contrôle des greffiers et des tribunaux de commerce pour prévenir les fraudes et radier les sociétés non conformes. Ce texte responsabilise donc chaque acteur et fluidifie l'action des administrations en donnant des moyens proportionnés et opérationnels, car il y a urgence à protéger notre économie.

À l'heure où le budget pour 2026 demande beaucoup aux Français et aux collectivités territoriales – pour ne pas dire beaucoup trop –, la lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent est un levier d'action concret pour le rééquilibrage de nos comptes publics.

Frappons la criminalité organisée au portefeuille, car, le blanchiment, c'est le crime qui permet tous les autres ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste a fait de la lutte contre les fraudes de toute nature un cheval de bataille, notamment sous la houlette de notre collègue Nathalie Goulet. C'est pour cela qu'il a été à l'initiative de la création de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis, présidée par Raphaël Daubet et dont la rapporteure était Nathalie Goulet.

Cette commission d'enquête, monsieur le ministre, a formulé cinquante propositions. La mise en œuvre d'une partie d'entre elles découlera d'évolutions législatives qui doivent intervenir, tandis que, pour un grand nombre d'autres, elle découlera d'une organisation et de dispositions à mettre en œuvre au sein de l'administration d'État, en lien avec l'ensemble des opérateurs. Nous espérons que ces recommandations, ou ces propositions d'action, pourront être suivies d'effets et que le Gouvernement s'en saisira pour mieux lutter contre les fraudes diverses.

En effet, à un moment où les comptes publics sont particulièrement dégradés, où le recours à la fiscalité est déjà considéré comme excessif par beaucoup, et où nous avons du mal à maîtriser nos dépenses – il le faudra et ce sera l'objet des discussions que nous aurons dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances –, il importe que la lutte contre les fraudes soit un leitmotiv d'action. La commission d'enquête a examiné et évalué à près de 58 milliards d'euros le montant des opérations de fraudes diverses qui peuvent être identifiées et sur lesquelles il y a lieu de mener des actions vigoureuses. Nous espérons que tout cela pourra être effectué assez vite.

Dans ce texte, plusieurs propositions de bon sens ont été formulées par Nathalie Goulet et Raphaël Daubet : je n'y reviendrai pas, car les rapporteurs ont déjà apporté un certain nombre de précisions.

Toutefois, il faut que nous approfondissions le travail engagé, notamment au sujet des pouvoirs des greffiers, de façon à pouvoir agir plus efficacement.

En outre, il reste beaucoup à faire sur la question de la capacité à payer, c'est-à-dire la capacité à saisir les actifs lorsque des actions de fraude sont identifiées. En effet, le Trésor public dispose déjà d'un certain nombre d'outils permettant de saisir les actifs en attendant que la fraude soit reconnue et que des pénalités soient prononcées, mais d'autres institutions, en particulier les institutions sociales, ne bénéficient pas des mêmes avantages. Or les élus du groupe Union Centriste considèrent qu'il est important que ces institutions puissent être dotées de pouvoirs accrus en la matière.

Cela vaut par exemple pour l'Urssaf, car le travail dissimulé représente, à l'échelle nationale, 1 milliard d'euros de cotisations qui ne sont pas recouvrées. Lorsque les opérateurs qui fraudent sont identifiés, le temps que les jugements interviennent, le montant des sommes à recouvrer devient inférieur à 10 % du montant de la fraude constatée. C'est un problème auquel il faut remédier.

Tel est le sens des excellentes propositions qui ont été formulées dans ce texte. Les élus du groupe Union Centriste invitent le Gouvernement à s'en saisir et à donner aux services les outils pour agir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15 juin 2025, la France s'est dotée d'un texte puissant pour lutter contre le narcotrafic. Il faisait suite à une commission d'enquête que nous avons menée avec un grand nombre de collègues présents dans cet hémicycle.

Cette commission d'enquête, pour employer un terme trivial, nous a un peu donné le tournis. Elle nous a appris que, en France, le trafic de drogue représentait 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour un résultat net de 50 %. Il faut comparer cela au budget de la justice, qui est de l'ordre d'une dizaine de milliards d'euros : cela représente donc 70 % du budget de la justice, qui finance les magistrats, l'administration pénitentiaire, etc.

Surtout, ce que nous avons appris, ou ce qui nous a été révélé, c'est la rentabilité du trafic de drogue : 5 000 euros investis à Bogota représentent, un an après, 1 million d'euros en France.

En quoi consiste donc le financement de ce trafic de drogue ? Il est constitué de petites coupures parce que, à la base, il y a un consommateur qui paie en espèces, jamais avec une carte bleue ou un chèque. Ce sont donc des masses colossales de billets de 5, 10, 20 ou 50 euros, rarement 100 euros et encore plus rarement 200 euros.

Sur ces 7 milliards d'euros provenant des stupéfiants et du trafic de drogue, nous saisissons environ 130 millions ou 140 millions d'euros, alors que le total des saisies d'avoirs criminels atteint 1,4 milliard d'euros. C'est dire si ce montant est absolument dérisoire.

Cet argent s'évapore. Comment cela ? Il y a les achats de biens de luxe, de voitures, de biens immobiliers, entre autres. Au fil du temps, cet argent entre aussi dans l'économie réelle. Désormais, les narcotrafiquants sont présents sur les marchés boursiers, ils possèdent des entreprises, notamment dans la construction, des hôtels et des commerces divers. Avec cela, ils disposent d'une capacité extraordinaire de fluidité des flux financiers.

C'est à cela qu'il faut s'attaquer.

Je voudrais donc saluer cet excellent texte, qui constitue une brique de plus dans la lutte contre le crime.

Il faudra savoir remonter dans le temps, parce que le narcotrafic ne date pas d'hier. Des avoirs criminels se sont constitués depuis des dizaines d'années. D'ailleurs, dans le texte que nous avons adopté en commission, nous avons fait voter un amendement visant à rappeler, pour clarifier le droit, que le blanchiment est une infraction occulte et continue.

Il est donc possible de remonter dans le temps. Cela signifie, monsieur le ministre, qu'il faudra des moyens puissants – les vôtres, mais aussi ceux du ministère de la justice et de Bercy – et des investigations extrêmement poussées pour remonter ces filières. Il faudra mieux surveiller les flux, associer les greffiers, associer les notaires et mobiliser pleinement Tracfin. J'avais été frappé, dans le cadre de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, par la qualité du travail de cet organisme, sa finesse, et la capacité des agents à repérer ce qui est anormal dans les flux financiers ou dans une situation particulière.

Toutefois, monsieur le ministre, le travail qui a été engagé reste encore largement inabouti au regard de deux éléments.

Ce qui nous a frappés en premier lieu, Jérôme Durain et moi-même, c'est la rapidité des narcotrafiquants et des criminels dans le domaine du blanchiment, qui ont trois ou quatre coups d'avance sur la puissance publique. Nous courons derrière eux, mais nous peinons à anticiper.

Quant au second sujet, c'est l'épineuse question des cryptomonnaies. J'aimerais que vous nous disiez quelles seront les stratégies du Gouvernement dans ce domaine et, alors que je vous pose cette question, je voudrais revenir sur le fait que, hier, aux États-Unis, le président Trump a gracié Changpeng Zhao qui a blanchi de l'argent pendant des années grâce à la plateforme d'échanges de cryptomonnaies Binance. Nous ne pouvons pas admettre cela en Europe, car l'Europe a été victime du système Binance qui a permis de blanchir des quantités énormes de capitaux.

Dans le cadre de ce travail inabouti, monsieur le ministre, je souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur la lutte contre le blanchiment dans le domaine des cryptomonnaies. Nous savons qu'il faut des algorithmes puissants et des dispositifs d'intelligence artificielle extrêmement performants. J'aimerais que, à l'issue de ce débat, vous puissiez nous dire quelles sont vos intentions dans ce domaine. Je parlais de la rapidité et de l'inventivité des narcotrafiquants : ils utilisent déjà les cryptomonnaies et s'en servent pour inonder le monde entier. Essayez de faire en sorte, monsieur le ministre, qu'ils n'aient pas trop d'avance sur vous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et GEST.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment

TITRE Ier

LUTTER CONTRE LES ENTREPRISES ÉPHÉMÈRES

Article 1er

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 561-15-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 561-15-... ainsi rédigé :

« Art. L. 561-15-.... – Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2, notamment les greffiers des tribunaux de commerce, procèdent à une déclaration de soupçon dans les conditions définies à l'article L. 561-15 lorsqu'elles constatent, à l'occasion de l'immatriculation ou de la modification d'une personne morale, des éléments laissant présumer que nonobstant son objet social déclaré et la régularité formelle des documents présentés à l'occasion de la formalité, les éléments nécessaires à la réalisation de l'activité économique manquent ou ne sont pas de nature à permettre la réalisation certaine du contrat de société. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, je souhaite retirer mon amendement au profit de celui de M. Grégory Blanc.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié est retiré.

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. G. Blanc, Daubet et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 561-15-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 561-15-... ainsi rédigé :

« Art. L. 561-15-.... – Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2, notamment les greffiers des tribunaux de commerce, procèdent à une déclaration de soupçon dans les conditions définies à l'article L. 561-15 lorsqu'elles constatent, à l'occasion de l'immatriculation ou de la modification d'une personne morale, des éléments laissant présumer l'existence d'une entreprise éphémère.

« Les critères permettant de qualifier une société d'“éphémère”, ainsi que les modalités de leur appréciation, sont fixés par décret en Conseil d'État, pris après avis de la mission interministérielle de coordination anti-fraude. »

La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. La commission a proposé et fait voter la suppression de la définition des sociétés éphémères, au motif que définir ces dernières dans la loi constituait sans doute un cadre trop rigide. Or il nous semble absolument nécessaire de poser une définition des sociétés éphémères.

En effet, les travaux que nous avons menés dans le cadre de la commission d'enquête ont montré qu'un certain nombre d'acteurs ont besoin d'avoir des repères pour mieux agir. Mon collègue Raphaël Daubet l'a rappelé dans la discussion générale.

Notre proposition est simple. Il s'agit d'inscrire dans la loi le fait qu'il existe des sociétés éphémères et, en même temps, de laisser à l'administration toute la latitude et toute la souplesse nécessaires pour modifier les critères de leur définition au gré des formes qu'elles prendront en fonction de l'évolution de la criminalité.

Nous donnerons ainsi des repères – c'est le rôle de la loi – aux services de l'État, qui pourront agir avec précision, tout en garantissant de la souplesse puisque les critères de la définition seront établis par voie réglementaire. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les conditions de déclaration de soupçon à Tracfin en cas de suspicion de détection d'une société éphémère et à apporter une définition d'une telle société par décret.

J'ai rappelé dans le cadre de la discussion générale l'argumentaire qui a été développé en commission concernant ce sujet et il faut préserver l'efficacité du dispositif.

Si je souscris aux arguments et à la finalité que visent les auteurs de cet amendement, il ne me semble pas opportun que les textes législatifs ou réglementaires rendent accessibles au grand public les critères de ciblage des services de contrôle. Les représentants de Tracfin eux-mêmes, au cours de leur audition, ont indiqué le caractère contre-productif de l'affichage dans la loi des critères de détection des pratiques criminelles, et cela s'applique aussi au décret, qui limite la capacité de réaction des services. Je rappelle que la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf) a déjà conçu un guide des sociétés éphémères qui les définit.

De plus, je suis très réservé quant à la précision des situations qui doivent donner lieu à une déclaration de soupçon. En effet, l'article L. 561-15 du code monétaire et financier est déjà très complet et couvre le champ de détection des sociétés éphémères. De ce point de vue, j'estime que l'amendement est satisfait.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Il est défavorable pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J'ai bien noté vos propos, monsieur le rapporteur. Toutefois, pendant les auditions de la commission d'enquête, certains responsables que j'ai cités lors de la discussion générale nous ont dit exactement le contraire.

L'enjeu est surtout l'acculturation. Les critères sont toujours les mêmes et je ne crois pas que le fait de maintenir une certaine souplesse en renvoyant leur définition à un décret poserait problème.

J'ai beaucoup travaillé avec les sociétés de domiciliation. Lorsqu'on leur explique qu'elles peuvent être un maillon dans une chaîne de criminalité, en fournissant par exemple des locaux qui serviraient à la criminalité organisée, notamment à des sociétés éphémères, elles le comprennent.

Je vous rappelle tout de même que cela fait un certain nombre d'années que nous luttons contre la fraude à la TVA et que nous avons adopté la loi du 23 octobre 2018 – le président Éblé était président de la commission des finances, ce n'est pas nouveau ! Pourtant, le montant de cette fraude, qui fonctionne toujours selon le même système, stagne entre 20 milliards et 25 milliards d'euros.

Certains d'entre nous ont évoqué la nécessité de changer de paradigme. Ce que nous proposons ne nuira pas aux services – en tout cas, ce n'est pas là notre intention. Nous pourrons retravailler le dispositif, mais je soutiens fermement l'amendement de Grégory Blanc.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. David Amiel, ministre délégué. Je souscris aux propos du rapporteur, car les travaux que j'ai pu conduire ces derniers jours, sur la base de cette proposition de loi, avec les services de Tracfin – les mêmes que ceux que vous avez entendus en audition, messieurs les rapporteurs – confirment que le fait de figer la définition d'une entreprise éphémère risque, par défaut, de fragiliser les déclarations de soupçon dès lors que certains critères ne figureraient pas dans la loi.

Certes, votre amendement vise à renvoyer la définition des critères à un décret pris par le Gouvernement, mais cela ne répond pas, à mon sens, à cette objection. En effet, en figeant ces critères et en les rendant publics, on donne, en creux, le sentiment aux acteurs économiques que ce qui ne serait pas strictement dans le décret ne devrait pas donner lieu à déclaration de soupçon. Ces objections fortes, qui ont été relayées par de très nombreux experts, demeurent même dans le cas d'un décret en Conseil d'État.

Par ailleurs, votre amendement n'aurait pas pour effet d'introduire davantage de souplesse, dans la mesure où un décret en Conseil d'État ne peut pas être modifié tous les jours.

S'il faut considérer le caractère très évolutif de la situation, la meilleure manière de procéder serait que l'administration mène des actions de sensibilisation des professionnels, plutôt que mettre en œuvre ce type de dispositif qui risque de fragiliser le reste de l'édifice, pour les raisons que j'ai indiquées.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. J'entends les arguments que vous m'opposez et dont la portée est réelle. Il n'empêche que, dans le cadre de la commission d'enquête, nous avons entendu un certain nombre d'acteurs, y compris de l'administration, lors d'auditions à huis clos, qui faisaient remarquer que l'objectif premier était d'obtenir chaque jour davantage de déclarations de soupçon. Pour cela, il faut que ceux qui sont amenés à les déposer puissent disposer d'une argumentation ou, en tout cas, d'une visibilité beaucoup plus solide.

Vous nous dites de faire attention à ne pas fragiliser l'action des services par une définition trop fermée, mais les moyens dont les services disposent sont figés – je vous renvoie au débat que nous avons eu dans la discussion générale. Aujourd'hui, pour agir contre le blanchiment, l'État manque de moyens pour intervenir plus en profondeur.

La première des actions pour renforcer la lutte contre le blanchiment, c'est la sensibilisation sur le terrain. Or pour sensibiliser sur le terrain, il faut que nous soyons capables de définir ce qui relève de la fraude et ce qui relève de l'action légale, commune, habituelle et normale.

Le blanchiment opère dans un champ où se confondent le licite et l'illicite, de sorte que nous devons clarifier les choses. Nathalie Goulet proposait de le faire dans la loi, mais on nous a opposé que c'était rigide. Cet amendement, que j'ai cosigné avec mon collègue Raphaël Daubet, tend donc, d'une part, à préciser que les sociétés éphémères existent et qu'elles posent problème et, d'autre part, à permettre au Gouvernement, avec l'agilité dont il sait naturellement faire preuve, de corriger les textes au fur et à mesure de l'évolution des formes de la criminalité.

Je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. J'apporterai une précision pour bien éclairer nos débats et le vote sur cet amendement. Au-delà de ce qu'a indiqué M. le ministre sur l'avis des différents services et des administrations, les greffiers des tribunaux de commerce se montraient initialement très allants sur cette définition ; pourtant, comme en témoignent leurs réponses écrites au questionnaire de la commission, ils ont fini par se montrer bien plus réservés, se mettant en retrait.

Leur position va dans le sens des arguments développés : d'une part, la souplesse est nécessaire, d'autre part, il convient d'être vigilant sur le risque d'une lecture en creux de la définition de société éphémère. En effet, une telle lecture rendrait caduc le texte, qu'il soit législatif ou réglementaire, ou tout du moins permettrait, comme l'a souligné Étienne Blanc, de s'y adapter en profitant en quelque sorte de notre manque d'anticipation.

J'y insiste : la commission comprend la finalité de l'amendement, mais, tout simplement, il lui semble que, du point de vue de l'opérationnalité et de l'efficacité, il serait inopérant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Les Républicains et, l'autre, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 21 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 175
Contre 167

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 1er est rétabli dans cette rédaction. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Article 2

I. – (Supprimé)

II (nouveau). – Le 2° de l'article L. 561-26 du code monétaire et financier est complété par les mots : « y compris, le cas échéant, les identités fictives et les prête-noms qu'elles utilisent ou sont susceptibles d'utiliser ».

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l'article.

M. Guy Benarroche. Il convient de renforcer le rôle des tribunaux de commerce. N'ayant pas totalement appréhendé cette partie du texte, je n'ai pas déposé d'amendement sur le sujet. Néanmoins, je tenais à prendre la parole sur l'article 2 afin que le Gouvernement prenne note de mes propos, dans la perspective des débats à venir sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Je tiens à remercier Nathalie Goulet de sa proposition de loi et de son travail. Ce texte permet de donner une suite intelligente aux conclusions de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic, à laquelle j'ai participé et dont Étienne Blanc a excellemment parlé.

Comme vous vous en doutez, je discute régulièrement avec les acteurs du monde judiciaire de mon département. Tous, sans exception, demandent à être mieux coordonnés pour faciliter la traque contre le blanchiment. Plusieurs articles de cette proposition de loi permettent une meilleure information sur cette problématique, par exemple celui qui avait pour objet les entreprises éphémères. Il me semble toutefois que, dans la rédaction actuelle du texte, le rôle des tribunaux de commerce et des tribunaux des activités économiques est insuffisamment pris en compte.

Par exemple, l'article 2, qui vise à créer un fichier national automatisé recensant « les identités fictives et les prête-noms » impliqués dans des affaires de blanchiment, implique que les magistrats et les agents de l'ordre judiciaire seraient destinataires, sur demande et sans frais, des données récoltées. Nous pourrions préciser que les tribunaux de commerce, qui sont des juridictions judiciaires spécialisées, sont bien inclus dans la liste.

De la même façon, à l'article 3, il faudrait ne pas priver la présidence du tribunal de commerce des informations sur l'origine des fonds et des déclarations de soupçon que feront les greffiers. En outre, avec l'article 8, le président du tribunal de commerce ne serait pas plus informé que le ministère public et l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) de la radiation d'une société pour manquement à la déclaration sur les bénéficiaires effectifs.

Procéder à l'ensemble de ces corrections pourrait, me semble-t-il, favoriser la coordination des travaux, car le tribunal de commerce a un rôle important à jouer sur ce point. Je sais que le Gouvernement, comme nous tous dans cet hémicycle, est conscient de la nécessité d'adapter notre arsenal aux techniques de blanchiment.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. Je lui soumets donc cette réflexion et lui demande d'en tenir compte dans la rédaction du projet de loi qu'il présentera.

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

TITRE II

RENDRE SYSTÉMATIQUE LA VÉRIFICATION DE L'ORIGINE DES FONDS AVANT LA REPRISE D'UNE ENTREPRISE

Article 3

I. – (Supprimé)

II (nouveau). – Après l'article L. 561-10- 2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 561-10-3 A ainsi rédigé :

« Art. L. 561-10-3 A. – Lorsque le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme présenté par une cession amiable de fonds de commerce ou la cession de parts sociales ou d'actions entraînant le changement de contrôle d'une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce lui parait élevé, la personne mentionnée à l'article L. 561-2 du présent code chargée de la rédaction de l'acte de cession se renseigne auprès du cessionnaire sur l'origine des fonds utilisés pour l'acquisition. »

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Reynaud, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Au début

Insérer les mots :

Sans préjudice des dispositions de l'article L. 561-10- 2,

2° Remplacer les mots :

ou la cession

par le signe :

,

La parole est à M. Hervé Reynaud.

M. Hervé Reynaud. Cet amendement tend à clarifier la mesure de vigilance complémentaire : celle-ci sera autonome et son seuil de déclenchement plus faible.

Par cet amendement, je rappelle explicitement que cette nouvelle obligation de vérification de l'origine des fonds ne dispense en aucun cas les professionnels concernés, assermentés – ils n'agissent pas selon leur bon vouloir, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure –, des diligences prévues dans le code monétaire et financier.

De plus, pour éviter toute ambiguïté, il est précisé que seules les cessions amiables de parts sociales ou d'actions sont visées par ce dispositif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

TITRE III

OBLIGATION POUR LES SOCIÉTÉS COMMERCIALES DE DÉCLARER AUPRÈS DE L'ADMINISTRATION FISCALE L'ENSEMBLE DES COMPTES BANCAIRES QU'ELLES DÉTIENNENT À L'ÉTRANGER

Article 4

I. – L'article 1649 A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « n'ayant pas la forme commerciale » sont supprimés ;

2° (Supprimé)

II (nouveau). – À l'article L. 152-2 du code monétaire et financier, les mots : « n'ayant pas la forme commerciale » sont supprimés.

III (nouveau). – Les I et II entrent en vigueur un an après la publication de la présente loi – (Adopté.)

TITRE IV

DISPOSITIF DE VIGILANCE RENFORCÉE SUR LES COMPTES REBONDS ET SUR LE CONTRÔLE DES NÉOBANQUES

Article 5

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° L'article L. 561-6 est ainsi modifié :

a) (nouveau) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Les mots : « ces personnes » sont remplacés par les mots : « les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 » ;

c) (nouveau) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Les personnes qui permettent à leurs clients de procéder à des opérations par le biais d'interfaces automatisées déterminent, pour chacun des services mentionnés aux 1° à 6° du II de l'article L. 314-1, les opérations qui, eu égard à leur nature ou à leur montant, ne peuvent être exécutées sans avoir été préalablement examinées par un préposé. » ;

3° (nouveau) La huitième ligne du tableau du second alinéa du I de l'article L. 775-36 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 561-5

l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016

L. 561-6

la loi n° … du … pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment

» ;

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement a été déposé pour tenir compte des travaux complémentaires menés par la commission à la suite de l'examen initial de ce texte. Il vise à supprimer l'article, en raison des conditions d'application concrètes de ce dernier et pour assurer l'efficacité du système d'automatisation de la lutte contre la fraude.

Cet amendement vous est proposé en accord avec l'auteure du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé.

Article 6

(Supprimé)

Article 7

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° (nouveau) Après le deuxième alinéa du III de l'article L. 561-36- 1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle peut également, conformément à l'article L. 612-33- 4, exiger de toute personne mentionnée au I qu'elle fasse diligenter un audit par un prestataire indépendant dont l'Autorité valide le choix. » ;

3° (nouveau) Après l'article L. 612-33- 3, il est inséré un article L. 612-33- 4 ainsi rédigé :

« Art. 612-33- 4. – Dans le cadre des mesures de police administrative prévues aux articles de la présente section, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut exiger de toute personne relevant de sa compétence et soumise à son contrôle, conformément à l'article L. 612-2, qu'elle fasse diligenter un audit par un prestataire indépendant dont l'Autorité valide le choix. L'objet de l'audit et les délais dans lesquels il doit être réalisé sont indiqués par écrit à la personne concernée. Le coût de l'audit est supporté par la personne concernée. »

4° (nouveau) La quarante-quatrième ligne du tableau du second alinéa du I de l'article L. 775-36 est ainsi rédigée :

« 

L. 561-36-1

la loi n° … du … pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment

 » ;

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

1° Supprimer les mots :

qu'elle fasse diligenter

2° Après le mot :

audit

insérer le mot :

réalisé

II. – Alinéa 6

1° Première phrase

a) Supprimer les mots :

qu'elle fasse diligenter

b) Après le mot :

audit

insérer le mot :

réalisé

2° Deuxième phrase

Remplacer les mots :

L'objet de l'audit et

par les mots :

L'objectif et le périmètre de l'audit ainsi que

et le mot :

indiqués

par le mot :

communiqués

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les risques liés à l'utilisation des actifs numériques et des services techniques destinés à dissimuler l'origine ou la destination des fonds, notamment les cryptomonnaies à anonymat renforcé et les portefeuilles numériques anonymisants. Ce rapport analyse la possibilité d'encadrer, de restreindre ou, le cas échéant, d'interdire leur utilisation.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement a pour objet que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les technologies numériques conçues pour dissimuler l'origine ou la destination de fonds, en particulier les cryptomonnaies à anonymat renforcé et les portefeuilles numériques anonymisants.

Cette demande s'appuie, d'une part, sur le rapport de la commission d'enquête sénatoriale aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, d'autre part, sur les principes d'application sectoriels publiés par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en 2024.

En premier lieu, il était rappelé dans le rapport du Sénat, en 2024, que les flux illicites en crypto-actifs étaient estimés entre 40 milliards et 60 milliards de dollars, soit jusqu'à 0,4 % des transactions mondiales. Il y était mis en évidence la diffusion rapide d'outils comme les mixeurs, aussi appelés tumblers, dont l'usage est désormais considéré en France comme un blanchiment présumé et dont la fonction même est de brouiller la traçabilité des flux financiers en crypto-actifs.

En second lieu, l'ACPR écrit clairement que « l'utilisation de ces actifs numériques, qui ont été spécifiquement conçus pour favoriser l'anonymat de leur détenteur, conduit à s'interroger sur l'objet de l'opération ».

Ces pratiques entravent la mise en œuvre effective des obligations de vigilance et de traçabilité prévues dans le code monétaire et financier. Nous faisons face à une zone d'ombre de la finance numérique. Ces instruments participent à une logique d'autorégulation privée où certains acteurs cherchent à soustraire la circulation du capital à tout cadre collectif de responsabilité et de contrôle. Il s'agit d'une question non pas seulement de technologie, mais de souveraineté : qui contrôle les flux et dans quel intérêt ?

C'est pourquoi mon groupe propose de documenter rigoureusement le sujet en évaluant les usages, les risques et la possibilité, le cas échéant, d'un encadrement ou d'une interdiction ciblée de ces dispositifs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement a pour objet une demande de rapport sur les risques liés à l'utilisation d'actifs numériques et aux techniques d'anonymisation de ces derniers. Je partage pleinement la préoccupation de mon collègue, qui rejoint celle qu'a formulée tout à l'heure Étienne Blanc sur les risques posés par les crypto-actifs quant aux questions de blanchiment et de fraude.

Pour autant, la limitation des moyens des services actuellement dédiés à cet enjeu a aussi été soulignée, raison pour laquelle je demande l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vos propos rejoignent effectivement la question que m'a posée le sénateur Étienne Blanc lors de la discussion générale. Les crypto-actifs sont un enjeu central de la lutte contre le blanchiment du trafic de drogue, qui charrie des masses financières considérables, mais ce trafic n'est pas le seul concerné. De fait, le développement de ces actifs permet de dissimuler les transactions puis de réintroduire l'argent dans l'économie dite légale. Des exemples ont été donnés ; madame la sénatrice Goulet, vous avez fait référence aux transactions réalisées à Dubaï dans votre propos introductif.

En France, de premiers travaux ont été menés sur cette question dans le cadre de l'examen de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Une négociation a ensuite été menée à l'échelle européenne avant l'adoption du règlement du 31 mai 2024 relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. Ce texte vise, en particulier, à interdire aux prestataires de services sur actifs numériques de détenir des comptes anonymes ou permettant l'anonymisation du titulaire d'un compte client. La loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic a d'ailleurs anticipé sur l'entrée en vigueur d'un certain nombre de ces dispositions.

Dès lors, je tiens à souligner l'importance du sujet, la nécessité de mettre en œuvre de manière pratique ces mesures et d'en assurer le suivi. Le ministre des finances aura l'occasion, le 7 novembre prochain, de revenir devant Tracfin pour préciser un certain nombre d'entre elles.

Au lieu d'un rapport qui sera remis dans six mois, travaillons ensemble dès maintenant sur cette question. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur Savoldelli, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?

M. Pascal Savoldelli. Mon amendement ne se réduit pas à une demande de rapport, d'autant que je connais les réticences que ces demandes peuvent susciter : ses signataires se placent aux côtés de l'État. Cette proposition s'inscrit dans le prolongement de la commission d'enquête et constitue la traduction des principes de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Il ne s'agit pas d'un amendement idéologique ! Il vise à nous mettre en situation d'exercer un contrôle sur les flux et sur les intérêts en jeu.

Aussi, afin que le Parlement joue son rôle, il serait bon que le Sénat comme l'Assemblée nationale disposent d'une évaluation du problème. Que l'État se dote de cet outil, car je ne pense pas que la question sera remise sur la table lors de l'examen du projet de loi de finances ou de textes sur d'autres sujets – il n'y aura pas matière à cela. Cette mesure est pertinente au nom de la vigilance et de la précaution.

Je maintiens cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Le Sénat déteste les demandes de rapport. C'est une tradition !

Dans le cadre des travaux sur cette proposition de loi et de ceux que j'ai menés ultérieurement, il a été démontré que 100 % des dossiers de criminalité impliquent la présence de crypto-actifs en tout ou partie. Pourtant, je mets au défi ne serait-ce que 5 % de mes collègues de nous expliquer le fonctionnement de la blockchain… Je vous ai même parlé lors de la discussion générale d'un ministère, et pas l'un des moindres, qui utilisait des logiciels incompatibles entre eux, preuve qu'une acculturation est absolument nécessaire.

Un chapitre du document de politique transversale Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes natures et de cotisations sociales porte sur le sujet ; y figurent trois ou quatre directives qui concourront à cet objectif. Cette question est donc d'actualité.

Je ne sais pas quel sera le vote du groupe Les Républicains, mais il faut mener une réflexion sur le sujet et acculturer au fonctionnement de la blockchain, car il est nécessaire de la comprendre du fait des enjeux fiscaux. De fait, il y aura sans doute un concours Lépine de la fiscalité des crypto-actifs durant l'examen du projet de loi de finances.

Les mixeurs sont déjà interdits en France. Malgré les textes, la pratique continue, mais ailleurs : l'opération s'effectue dans le cloud, n'importe où, et la notion de territoire n'a plus guère de sens dans ce domaine. Aussi, il faut témoigner de notre volonté d'agir. Dès lors, le Gouvernement serait bien avisé de formuler plutôt un avis de sagesse.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Je partage complètement l'objectif. Pour s'assurer de le prendre en compte et au regard de l'enjeu, la commission, mes chers collègues, émet un avis favorable sur cet amendement. Peut-être améliorerons-nous la rédaction de ce dernier au cours de la navette pour mieux parvenir à nos fins, mais le rapport mérite de figurer dans le texte, étant donné le sujet.

Je compte sur le Gouvernement pour émettre plutôt un avis de sagesse et permettre ainsi l'adoption de l'amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. David Amiel, ministre délégué. J'entends ce qui a été dit. Nous partageons tous l'objectif : il faut avancer sur cette question. Nous convenons également de son urgence. J'aurais préféré, avec votre accord, que le Gouvernement et l'administration commencent à travailler avec le Parlement le plus rapidement possible, sans attendre la remise d'un rapport. Toutefois, je comprends qu'il s'agit pour le Sénat de manifester en cet instant sa volonté politique d'avancer sur ce thème, raison pour laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme Nathalie Goulet. Excellent ! Bravo !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.

TITRE V

RENFORCER LE RÔLE DES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

Article 8

I. – Le dernier alinéa de l'article L. 123-2 du code de commerce est complété par les mots : « afin notamment de prévenir les risques de fraude ».

II. – (Supprimé – (Adopté.)

Article 9

À titre expérimental, les greffiers de trois tribunaux de commerce peuvent, aux seules fins de lutte contre la fraude, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, accéder aux données cadastrales relatives aux immeubles détenus par des personnes morales immatriculées dans leur ressort.

L'expérimentation est conduite pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2027.

Les greffiers des trois tribunaux de commerce mentionnés au premier alinéa concluent une convention avec l'administration fiscale définissant les conditions d'accès aux données cadastrales mentionnées au même premier alinéa.

L'accès aux données cadastrales est organisé de manière à garantir la traçabilité des consultations. Les données recueillies ne peuvent être cédées à des tiers ni utilisées à des fins commerciales.

Le Gouvernement transmet au Parlement, six mois avant le terme de l'expérimentation, un rapport d'évaluation portant notamment sur :

1° Le nombre de consultations effectuées ;

2° Les cas de fraude ou d'anomalie détectés ;

3° Les effets sur la qualité du contrôle des greffiers ;

4° Les recommandations sur une éventuelle généralisation.

Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article – (Adopté.)

Après l'article 9

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, M. J.B. Blanc et Mme Housseau, est ainsi libellé :

Après l'article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 123-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les associations exerçant une activité économique, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement équivaut à une session de rattrapage. Je vous ai déjà expliqué lors de la discussion générale tout le bien que je pensais de l'enregistrement aux greffes des tribunaux de commerce des associations dont l'objet est d'ordre économique et dont l'activité atteint un certain niveau. J'ai bien compris que cela n'emportait la conviction ni de la commission ni du Gouvernement. Néanmoins, je maintiens mollement – c'est exceptionnel ! – cet amendement, car je ne suis pas femme à renoncer. En effet, siégeant dans cette maison depuis bientôt dix-neuf ans, je sais que l'on peut toujours avoir des surprises…

Monsieur le ministre, il faudra regarder de près ce sujet. Travaillons avec les greffes, car on ne peut pas laisser des associations – j'ai en tête un exemple précis – qui réalisent 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires et qui emploient plus de 150 salariés sans aucun contrôle, ni des bénéficiaires effectifs ni des bilans. Ce genre de situation doit être jugulé. Telle est la raison du présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis. Je souhaite tout d'abord préciser, pour éviter une confusion, que nous partageons la volonté de l'auteure de l'amendement de renforcer au maximum le dispositif de lutte contre le blanchiment. Toutefois, Nathalie Goulet vient de dire : « Il faudra… »

Cet amendement a pour objet l'immatriculation des associations ayant une activité économique au registre du commerce et des sociétés. J'exprimerai les mêmes réserves que celles qui ont justifié le rejet de la mesure en commission des lois.

Premièrement, ce n'est pas la vocation initiale du registre du commerce et des sociétés. Celui-ci assure à des entités commerciales la délivrance d'un Kbis, dont les associations, par définition, n'ont pas besoin. En adoptant cet amendement, nous intégrerions au registre si ce n'est des millions, en tout cas des milliers d'entités supplémentaires, au statut complètement hétérogène.

Deuxièmement, en matière de lutte contre le blanchiment, des obligations sont déjà imposées aux associations exerçant une activité économique, avec des effets de seuil.

Troisièmement, l'amendement nous semble assez irréaliste. C'est sans doute pourquoi Nathalie Goulet le défend en employant le futur, après avoir indiqué au cours de la discussion générale que sa mesure devra faire l'objet d'une attention et d'un cadrage particuliers. On ne peut pas légiférer par un simple amendement sur un tel sujet, d'autant que la commission d'enquête avait non pas traité, mais simplement évoqué le contrôle des associations.

Faute d'un examen suffisamment approfondi de la question, la commission demande le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. J'irai dans le sens de M. le rapporteur pour avis. J'entends votre interpellation sur cette question, madame la sénatrice, car vous avez raison : nous devons nous pencher sur le rôle des associations. Vous en avez d'ailleurs mentionné un certain nombre à la tribune.

Toutefois, l'amendement, tel qu'il est proposé, embrasserait un champ beaucoup plus large que celui que vous voulez cibler. La définition même des « associations exerçant une activité économique » ouvre probablement la porte au contrôle de très nombreuses entités. Elle leur imposerait une double procédure, c'est-à-dire à la fois l'inscription au répertoire national des associations et l'inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS). Elle rendrait, par conséquent, payantes des démarches qui sont pour l'instant gratuites et, par cet empilement, elle complexifierait considérablement la tâche des organismes de contrôle et de collecte des données.

Une vraie question se pose, comme vous le soulignez. Cet amendement, dans sa rédaction actuelle, n'apporte pas la bonne réponse, mais il faut assurément continuer à travailler sur le sujet. C'est la raison pour laquelle j'en demande le retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Ayant plutôt eu la main heureuse aujourd'hui, je suis votre avis, monsieur le ministre, et retire mon amendement. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 6 novembre 2025 :

(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

Proposition de loi visant à libérer l'accès aux soins dentaires, présentée par M. Raphaël Daubet (texte de la commission n° 85, 2025-2026) ;

Proposition de loi visant à créer un fichier national des personnes inéligibles, présentée par Mme Sophie Briante Guillemont et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 90, 2025-2026).

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

À l'issue de l'espace réservé au groupe RDSE et au plus tard de seize heures à vingt heures :

Proposition de loi constitutionnelle visant à protéger la Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89, présentée par M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues (texte n° 551, 2024-2025) ;

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade (texte de la commission n° 88, 2025-2026).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)

nomination de membres de commissions

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la commission des finances et pour la commission des affaires économiques.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, ces candidatures sont ratifiées : M. Jean-Baptiste Blanc est proclamé membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Marc Séné ; Mme Sophie Primas est proclamée membre de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-Baptiste Blanc. ; M. Marc Séné est proclamé membre de la commission des affaires économiques.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

JEAN-CYRIL MASSERON