Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Questions d'actualité au Gouvernement
ratification de l'accord avec le mercosur
politique de maintien de l'ordre public
lutte contre les réseaux islamistes
qualification juridique des actes de sabotage sur le réseau ferré
lutte contre les nouvelles formes de guerre
commémorations des attentats du 13 novembre
déclarations du président de la république sur le mercosur
Accord de libre-échange et sacrifice de l'agriculture française et européenne
plan d'action de france terre d'asile sur la politique migratoire
prix de l'électricité au terme du mécanisme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique
rapport de l'inspection générale de la justice sur le meurtre d'élias
renforcement de la souveraineté industrielle de la france
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
Candidatures à des commissions
Communication d'un avis sur un projet de nomination
Lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Article 3 bis (nouveau) (priorité)
Après l'article 3 bis (priorité)
Après l'article 19 (priorité) (suite)
Article 20 bis (nouveau) (priorité)
Article 20 ter (nouveau) (priorité)
Après l'article 20 ter (priorité)
Article 20 quater (nouveau) (priorité)
Articles 3 (précédemment examiné) et 3 bis (nouveau) (précédemment examiné)
Reprise du mandat sénatorial d'un ancien membre du gouvernement
Lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
nomination de membres de commissions
Présidence de M. Gérard Larcher
1
Grâce de Boualem Sansal
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, quiconque passait place du Panthéon depuis le 9 octobre pouvait contempler le face à face silencieux, mais ô combien riche de sens, de Robert Badinter, dont l'effigie est au fronton du Panthéon, et de Boualem Sansal, dont le visage figure sur la façade de la mairie du Ve arrondissement. L'homme épris de justice regardait l'homme de lettres privé de liberté.
Il y a à peine une heure, nous avons appris que Boualem Sansal était libre, qu'une injustice était réparée. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)
Notre soulagement et notre joie sont grands.
La liberté porte en ce jour le nom de Boualem Sansal. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres applaudissent de nouveau.)
2
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
ratification de l'accord avec le mercosur
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. Franck Menonville. Au nom du groupe Union Centriste, je tiens tout d'abord à saluer la future libération de Boualem Sansal.
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'Europe.
Inexorablement, et en dépit de nombreuses oppositions, l'accord avec le Mercosur avance. À la fin de l'année 2024, l'Union européenne et le Mercosur ont signé un accord de coopération après vingt-cinq ans de négociations. Cet accord a été validé le 3 septembre dernier par la Commission européenne. Pour entrer en vigueur, il doit encore être ratifié par le Conseil et le Parlement européens. Nous condamnons ce passage en force. Cet accord menace plus que jamais les filières agricoles françaises et européennes.
Le Président de la République a déclaré jeudi dernier être « plutôt positif » sur l'accord. Pourtant, lors du salon de l'agriculture, il avait annoncé qu'il le considérait comme mauvais. Heureusement, la ministre de l'agriculture a largement tempéré cet élan d'optimisme ce week-end en refusant tout accord qui condamnerait nos agriculteurs. Elle a posé trois conditions : l'instauration d'un dispositif de sauvegarde agricole spécifique, de clauses miroirs empêchant l'importation en Europe de produits qui ne respecteraient pas les normes sanitaires et environnementales imposées aux producteurs européens et, enfin, un renforcement drastique des contrôles sanitaires.
Les agriculteurs, comme nous d'ailleurs, ont besoin d'être rassurés. Nous avons surtout besoin, à cet instant, de clarté.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler en quoi les garanties actuellement prévues dans l'accord seraient insatisfaisantes, comme l'a dit Mme la ministre ? Comment comptez-vous rendre effectives les garanties supplémentaires que vous réclamez ? Si ces garanties sont insuffisantes, la France entend-elle réunir une minorité de blocage ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Menonville, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de ma collègue Annie Genevard, qui rencontre les représentants des syndicats agricoles à Toulouse.
Sur l'accord avec le Mercosur, la position de la France, du Président de la République et du Gouvernement a toujours été extrêmement claire. Notre seule boussole est la défense de nos intérêts agricoles. L'accord, tel qu'il a été négocié par la Commission européenne, n'est pas acceptable pour la France. Le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler au commissaire à l'agriculture et à l'alimentation la semaine dernière.
Nous avons soumis, comme vous l'avez dit, trois exigences à la Commission européenne, mais le compte n'y est pas aujourd'hui.
Premièrement, nous exigeons une clause de sauvegarde robuste, effective et activable pour protéger nos marchés agricoles contre les déstabilisations. Cela signifie l'instauration d'un mécanisme de surveillance pour observer les importations et d'un mécanisme de réaction rapide pour bloquer ces dernières si nous constations que nos filières étaient déstabilisées. La Commission européenne nous a entendus et a fait une proposition en ce sens – elle ne figurait pas dans l'accord initial –, qu'il nous convient à présent d'examiner.
Deuxièmement, nous voulons des mesures miroirs ambitieuses sur les pesticides et l'alimentation animale. Il s'agit là d'une mesure de bon sens. Nous ne pouvons pas demander à nos agriculteurs de respecter des normes et des standards en matière de production, puis importer des produits qui ne respectent pas ces mêmes normes et standards. Nous voulons une concurrence loyale et équitable.
Troisièmement, nous demandons des contrôles effectifs sur les plans sanitaire et phytosanitaire, à la fois sur les produits importés, mais aussi dans les pays exportateurs, pour s'assurer du respect effectif de nos normes européennes.
C'est à l'aune de ces trois exigences, de ces trois demandes, que la France se déterminera sur la question du Mercosur. Je vous le répète : qu'il s'agisse du Mercosur ou de la politique agricole commune, nous ferons preuve d'une fermeté absolue pour défendre les intérêts de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation au soudan
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Akli Mellouli. Tout d'abord, permettez-moi de saluer, au nom de mes collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, la libération de Boualem Sansal.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, je salue la position claire et constante de la France face à la tragédie soudanaise. Le 4 novembre dernier, notre diplomatie a dénoncé les atrocités à caractère ethnique commises à El-Facher par les Forces de soutien rapide (FSR), tout en appelant les belligérants à un cessez-le-feu immédiat et les acteurs étrangers à mettre fin à tout soutien militaire. Le Quai d'Orsay a également rappelé que la France poursuit ses efforts diplomatiques en vue de trouver une issue politique à ce conflit, qui a déjà fait plus de 13 millions de déplacés et plongé les deux tiers du pays dans l'insécurité alimentaire.
Toutefois, cette guerre n'est plus seulement civile : elle est devenue une guerre par procuration, une guerre de proxy, comme l'ont souligné plusieurs observateurs internationaux. La semaine dernière, le journal Le Monde accusait dans un article les Émirats arabes unis d'alimenter les Forces de soutien rapide en armes et en fonds, tandis que l'or soudanais, exploité illégalement, sert à financer la poursuite des combats. Cette implication d'acteurs extérieurs transforme le Soudan en champ de confrontation régionale et menace toute stabilité dans la Corne de l'Afrique.
Aussi, monsieur le ministre, j'ai deux questions à vous poser. Quelles mesures concrètes supplémentaires la France compte-t-elle proposer aux échelons européen et onusien pour assurer le respect de l'embargo sur les armes, assécher les circuits de financement illégaux et sanctionner les acteurs étrangers qui prolongent cette guerre ? Au-delà de l'urgence humanitaire, comment la France entend-elle soutenir une médiation politique indépendante, libérée des influences extérieures, pour restaurer la souveraineté et l'unité du Soudan ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Merci, monsieur le sénateur Mellouli, d'évoquer la crise au Soudan, qui ne doit pas être oubliée. Je tiens ici à vous assurer de l'engagement de la France auprès de la population civile, à laquelle nous apportons notre soutien.
Si nos intérêts de sécurité sont en jeu dans ce pays riverain de la mer Rouge, notre responsabilité est également engagée en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Notre pays doit en outre rester fidèle à l'engagement qu'il a pris en faveur de la transition démocratique du Soudan après la révolution de décembre 2018.
Ce conflit ne doit pas être une crise oubliée.
La France se mobilise pour l'aide humanitaire, comme nous l'avons vu lors des conférences de Paris, de Londres et de la conférence qui s'est tenue en marge de l'Assemblée générale des Nations unies en septembre. Au total, ce sont 200 millions d'euros qui ont été donnés par notre pays, dont 41 millions d'euros cette année.
La France se mobilise également sur le plan diplomatique. Nous l'avons dit, nous condamnons avec la plus grande fermeté les atrocités qui ont été commises par les Forces de soutien rapide à El-Facher. Nous nous mobilisons pour que les armes se taisent, que les ingérences des puissances extérieures cessent et que la trêve humanitaire demandée par les pays du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quad)soit respectée.
Notre mobilisation prendra aussi la forme d'un soutien aux sanctions renforcées de l'Union européenne contre tous les responsables des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Nous poursuivrons notre engagement diplomatique.
Par ailleurs, la France, je tiens à le dire, respecte scrupuleusement l'embargo sur les armes à destination du Soudan, à la fois sur les ventes directes et sur les licences d'exportation. Il est extrêmement important que tous les pays respectent cet embargo.
Je le répète, monsieur le sénateur, les armes doivent se taire ; l'aide humanitaire doit pouvoir entrer au Soudan ; la paix doit y revenir. La France n'oubliera pas cette crise, non plus que la population civile du Soudan. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour la réplique.
M. Akli Mellouli. Il est temps, en effet, que la France retrouve sa voix singulière. Notre pays, comme vous le dites, a su faire entendre sa voix. Il doit désormais agir avec la cohérence et la détermination que cette tragédie exige. Nous ne devons pas oublier le Soudan ; nous devons au contraire continuer à nous mobiliser pour lui.
Le temps de l'action est venu afin de retrouver de la stabilité partout en Afrique. Il s'agit là d'un enjeu mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
politique de maintien de l'ordre public
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, je tiens évidemment, au nom de Mathieu Darnaud et de l'ensemble des membres du groupe Les Républicains, à m'associer à l'émotion que suscite la libération de Boualem Sansal.
Monsieur le ministre, une seule question : quelle est votre conception de l'ordre public républicain ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous avez deux minutes ! (Sourires.)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Je ne vous ferai pas un cours de droit sur l'ordre public républicain, comme vous l'appelez, qui comprend à la fois le maintien de l'ordre et la lutte contre la délinquance.
Pour moi, l'ordre public, c'est l'autorité, la fermeté, qualités dont je ferai preuve en tant que ministre de l'intérieur. J'ai la faiblesse de penser que mes prédécesseurs ont fait preuve de la même autorité, de la même fermeté. Je serai à mon tour au rendez-vous. C'est l'histoire de ma vie, c'est l'histoire de ma carrière en tant que haut fonctionnaire, ce sera mon histoire en tant que ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Très bien...
Monsieur le ministre, l'ordre public républicain est le garant de l'unité nationale, du respect de la République et de l'autorité de l'État. Pour nous, l'ordre public républicain existera quand les antisémites et les antisionistes seront plus inquiets en France que les Français de confession juive. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il existera quand l'on pourra se rendre à la Philarmonie de Paris sans risquer d'être agressé ; ...
M. Roger Karoutchi. ... quand on n'entendra plus crier « mort aux flics » dans les rues de Paris, de Nantes ou d'ailleurs ; quand ceux qui soutiennent de tels agissements et propos seront plus souvent devant les tribunaux que sur les plateaux de télévision.
M. Roger Karoutchi. Pour nous, l'ordre public républicain existera lorsque l'on pourra se rendre à la synagogue, à la mosquée, à l'église, au temple – ou nulle part ! –, sans être inquiet. (Mme Sophie Primas et M. Rémy Pointereau applaudissent.)
L'ordre public républicain existera quand, dans toute la Nation, on se dira que tout le monde est égal, que personne n'a à craindre quoi que ce soit en raison de ce qu'il est – non pas en raison de ce qu'il fait, mais bien de ce qu'il est. Or, aujourd'hui – nous en sommes tous conscients –, une partie de la population française n'a pas un sentiment d'égalité.
Vous avez à cet égard une véritable mission, monsieur le ministre, qui incombe également au garde des sceaux – il le sait –, au Premier ministre et à l'ensemble du Gouvernement. Si l'on veut assurer l'unité de la Nation et la continuité de la République, de toute la République et rien que de la République, il faut, comme vous le dites, agir avec fermeté non seulement contre la délinquance du quotidien, mais aussi pour faire respecter les grands principes qui font que cette Nation fait république. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Mickaël Vallet s'exclame.)
lutte contre les réseaux islamistes
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Notre groupe se réjouit évidemment de la grâce qui vient d'être accordée à Boualem Sansal et s'associe à vos propos, monsieur le président.
Monsieur le ministre de l'intérieur, alors que le thème des retraites domine le débat et pourrait être le sujet phare de la prochaine présidentielle, c'est la jeunesse, dont une fraction ne va pas bien, qui devrait plutôt catalyser notre réflexion.
Un nombre croissant de jeunes s'enferment dans une radicalité mortifère. En effet, 70 % des interpellations pour terrorisme concernent désormais des jeunes âgés de moins de 21 ans. Deux tiers des auteurs d'attentats depuis 2020 n'étaient pas fichés. L'arrestation récente de trois jeunes femmes candidates au djihad et la remise de clés SB à Salah Abdeslam par son ex-compagne en témoignent : parmi les six personnes impliquées dans ces affaires, cinq avaient moins de 21 ans.
Gilles Kepel estime que la menace est à la fois endogène à l'Hexagone, rajeunie et nourrie d'un mixte de fréquentations affinitaires et de réseaux sociaux. Les donneurs d'ordre, auxquels répondaient autrefois des exécutants, ont quasiment disparu.
Les auteurs et journalistes Nora Bussigny et Omar Youssef Souleimane ont détaillé lors de leur audition à l'Assemblée nationale la manière dont certains collectifs islamistes cherchent à séduire la génération Z et les primo-votants en faisant de la cause palestinienne un levier d'influence à l'approche des élections municipales. Ils ont également indiqué que des élus de La France insoumise sont ciblés comme relais de ces stratégies et souligné la complaisance de responsables politiques à l'égard de réseaux issus des Frères musulmans ou d'associations dissoutes pour apologie du terrorisme, ainsi que la proximité qu'ils ont avec eux.
À la veille des commémorations des tragiques attentats du 13 novembre 2015 et dans ce contexte mêlant fragilité de la jeunesse, radicalisation médiatique et ambiguïté politique, quelles actions prévoyez-vous pour protéger les jeunes et éviter que la République ne soit fragilisée par des alliances ponctuelles entre partis, collectifs et réseaux islamistes à l'approche d'une échéance électorale majeure ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que la menace terroriste est de plus en plus endogène. Elle frappe et concerne des personnes de plus en plus jeunes, comme l'a démontré le dernier attentat qui a été déjoué. Nous luttons contre cette radicalisation violente et contre le terrorisme depuis 2015, puis 2017, dans le cadre du maintien de l'ordre républicain.
Nous avons par ailleurs traité la question du séparatisme en 2019. Pour qu'il soit possible de vivre côte à côte dans la République, nous avons imposé des règles relatives à la neutralité religieuse dans les services publics et mis en place des dispositifs de lutte contre le séparatisme dans la loi de 2021 confortant le respect des principes de la République.
Vous avez soulevé à l'instant la question de l'entrisme, monsieur le sénateur, c'est-à-dire d'une forme de séparatisme qui ne dit pas son nom, qui endosse les habits de la République, mais essaie de manière diffuse d'imposer une loi religieuse qui, finalement, s'imposera à tous. Le Gouvernement ne peut que vous rejoindre sur cette thématique. À cet égard, vous avez raison de citer les Frères musulmans, dont il est question dans le dernier rapport du ministère de l'intérieur réalisé à la demande de Gérald Darmanin.
Le Premier ministre vient de rappeler à l'Assemblée nationale que nous travaillons à la phase trois de la lutte contre l'islam politique – on distingue le bloc « radicalisation violente », le bloc « séparatisme » et le bloc « entrisme ». Nous étudions la question de savoir si notre dispositif juridique suffit ou non. Faut-il une nouvelle disposition législative ? Faut-il donner une nouvelle impulsion à la lutte contre l'islam politique ?
En attendant, tous les jours sur le territoire de la République, des préfets prennent leurs responsabilités et, en application de la loi confortant le respect des principes de la République, procèdent à des dissolutions et à des fermetures de structures. De même, nous procédons évidemment à des expulsions, à des reconduites d'étrangers en situation irrégulière adeptes de cette théologie nauséabonde pour l'avenir de la République.
Ce faisant, monsieur le sénateur Karoutchi, nous défendons l'ordre public républicain ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Dominique Vérien et M. Ahmed Laouedj applaudissent également.)
qualification juridique des actes de sabotage sur le réseau ferré
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires et leur président Claude Malhuret s'associent naturellement à vos propos et à votre joie à la suite de la grâce accordée à Boualem Sansal.
Monsieur le Premier ministre, les actes de sabotage sur notre réseau ferré se multiplient : vols de câbles, infrastructures vandalisées et systèmes de circulation des trains incendiés. Ces actes causent à la SNCF des dommages considérables, dont le coût financier est très élevé.
La paralysie du trafic engendre des préjudices importants pour l'usager et le trafic de fret. L'étendue du réseau ferré français représente un défi en matière de surveillance. Aussi la SNCF déploie-t-elle des mesures de protection reposant sur des technologies avancées. Près de 100 millions d'euros ont été affectés à la protection du réseau en 2024. Les vols sur le réseau représentent un préjudice de 20 millions d'euros, deux fois supérieur à celui de 2023.
Au-delà de ces conséquences, je rappelle que nos infrastructures ferroviaires sont également utilisées par la défense nationale pour le transport de nos forces armées, comme l'a récemment évoqué le chef d'état-major des armées devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.
La mobilité militaire consiste à déplacer avec réactivité de grandes quantités de troupes, de matériel et de ressources logistiques. Il s'agit donc d'une composante majeure de la crédibilité de nos forces.
Le retour de la conflictualité en Europe change aujourd'hui les conditions d'exercice de la mobilité militaire. Les opérations extérieures dépendaient jusque-là essentiellement des voies maritimes et aériennes en raison de l'éloignement des théâtres d'opérations. Aujourd'hui, le recours au transport de surface, en particulier le rail, devient incontournable et conditionne notre capacité à organiser notre défense sur le sol européen.
Dans ce contexte, nous devons être conscients que tout sabotage de nos voies ferrées est une atteinte à nos capacités militaires. Pour cette raison, il est urgent d'étudier la requalification pénale des actes de sabotage de nos infrastructures ferroviaires, lesquels portent atteinte à la sécurité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Je répondrai en quelques mots à votre question très précise, monsieur le sénateur.
Je vous indique tout d'abord que Philippe Tabarot et moi-même travaillons évidemment main dans la main pour protéger nos réseaux ferrés.
Il existe deux types de dégradations : les dégradations crapuleuses et les dégradations à caractère politique. Les dernières dégradations, notamment dans la Drôme, ont été clairement revendiquées sur un site de la mouvance anarcho-autonome, ce qui nous a évidemment conduits à mobiliser les services de gendarmerie pour des investigations judiciaires, mais aussi la sous-direction antiterroriste (SDAT). Nous sommes toujours très attentifs à ces sujets.
Nous sommes entrés dans une époque où la mouvance d'ultragauche et celle de l'écologie radicale sont passées de la désobéissance civile et de la manifestation à des actions plus violentes de sabotage. Évidemment, nous les dénonçons et nous menons des investigations sur ces agissements.
Je comprends parfaitement votre question : à quel moment bascule-t-on dans une action qui pourrait être qualifiée de terroriste ? Ces sabotages visent-ils à porter atteinte à l'intégrité physique, à créer un trouble à l'ordre public pour intimider ou terroriser ? Il me semble que nous n'en sommes pas là. C'est d'ailleurs pour cette raison que le parquet national antiterroriste (Pnat) ne s'est pas réellement saisi de ces sujets.
Néanmoins, ayez bien en tête, monsieur le sénateur, qu'à droit constant, les services de renseignement peuvent travailler sur ces mouvances. Il est possible, en cas de subversion violente ou d'action collective violente, de mettre en place des techniques de renseignement et de poursuivre leurs auteurs. C'est ce que nous faisons.
Soyez rassuré, les services de renseignement français suivent ces mouvances, celles qui sabotent et qui détruisent nos infrastructures. Nous entravons un certain nombre de leurs actions et nous allons évidemment poursuivre ces efforts. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
lutte contre les nouvelles formes de guerre
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, le groupe du RDSE salue à son tour la grâce de Boualem Sansal.
Hier encore, nous avons célébré l'armistice qui a mis fin à la guerre de 1914-1918, celle qui devait être la « der des ders ». Demain, nous commémorerons les attentats terroristes du 13 novembre 2015. Aujourd'hui, une guerre informationnelle et technologique, sur les réseaux sociaux et au moyen de l'intelligence artificielle, s'ajoute aux précédentes. Elle déstabilise notre démocratie et ébranle les fondements de notre République.
La Russie poursuit une guerre en Ukraine et franchit les frontières non seulement par des drones, mais aussi en menant une guerre d'ingérence et de propagande qui se prolonge jusqu'à nous.
Au Mali, d'où nous avons été chassés, les groupes terroristes islamistes prospèrent, instrumentalisés par des puissances étrangères. En France, une tentative d'attentat par l'ex-compagne de Salah Abdeslam a été déjouée.
Dans le même temps, des slogans ouvertement antisémites sont proférés lors d'un concert à la Philharmonie de Paris, comme dans certaines universités, avec la complicité coupable de certains dirigeants politiques inconséquents.
Le groupe du RDSE a toujours défendu une ligne claire : la liberté n'exclut jamais la fermeté républicaine. Nous étions ensemble hier, monsieur le Premier ministre, aux côtés de M. le président du Sénat et de Mme la ministre des armées et des anciens combattants, pour le rappeler et honorer la mémoire de Clemenceau, au pied de sa statue. « Pas de paix sans gardien ni liberté sans soldat », vient d'écrire Jean-Jacques Goldman.
Monsieur le ministre, quelles mesures sont prises pour éviter tout passage à l'acte terroriste de personnes identifiées comme radicalisées ? Quelles actions sont mises en place pour contrer les ingérences étrangères et la manipulation de masse par l'intelligence artificielle et les réseaux sociaux, qui sont aujourd'hui les nouvelles armes contre les valeurs de notre République ?
La France a vaincu lors de la guerre des tranchées, résisté au terrorisme ; elle doit désormais lutter contre cette nouvelle guerre d'information et d'influence. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, votre question comporte deux parties.
Nous avons déjà longuement parlé du terrorisme. Depuis 2015, sous la présidence de François Hollande, sous l'autorité de mes deux prédécesseurs, MM. Valls et Cazeneuve, puis, à partir de 2017, sous celle du président de la République, Emmanuel Macron, de l'ensemble des ministres de l'intérieur, nous avons significativement renforcé les moyens de la lutte antiterroriste.
Les services de renseignement disposent désormais de moyens juridiques et budgétaires accrus. Leurs budgets ont parfois été doublés, leurs effectifs ont été augmentés de 30 % ou de 40 %. Un dispositif juridique nous permet d'assurer une surveillance des plus étroites des individus radicalisés. Cela nous a permis de déjouer de nombreux attentats.
Je tiens d'ailleurs à saluer l'engagement des forces de sécurité intérieure dans la lutte contre le terrorisme. Je salue également celui du Président de la République depuis 2017 pour faire entrer les dispositifs de lutte contre le terrorisme dans le droit commun, ce qui – je le dis accessoirement et au passage – n'avait jamais été fait auparavant. Des mesures fortes avaient certes été engagées par le président Hollande en 2015, mais le niveau actuel n'avait jamais été atteint, alors que l'on observait pourtant des phénomènes de radicalisation.
J'en viens à la seconde partie de votre question, monsieur le sénateur, sur les ingérences étrangères, cette espèce de guerre hybride que nous livrent un certain nombre de grandes puissances et qui prend la forme d'actions visant à nous déstabiliser.
Ces actions vont des tags odieux apposés dans les rues de Paris, dont les auteurs ont été identifiés et interpellés – je tiens à souligner notre réactivité face à ce type d'action – à l'ingérence informationnelle, celle qui vise à diffuser des fake news, des fausses informations, tout ce qui vise à nous diviser. Pour lutter contre ces ingérences numériques qui se multiplient – vous avez raison de le souligner –, nous avons renforcé notre appareil de détection et d'entrave. Il s'agit d'une nouvelle forme de guerre. Pour y mettre un terme, nous avons adapté notre appareil répressif.
Voilà ce que je pouvais vous dire, monsieur le sénateur. Soyez rassuré, notre action est complète. Notre panel d'actions est large et à la hauteur de la menace qui pèse sur nous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
commémorations des attentats du 13 novembre
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)
Mme Colombe Brossel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'exprimer tout d'abord le soulagement des élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de savoir Boualem Sansal gracié.
Ma question s'adresse au Premier ministre. Demain, nous commémorerons le dixième anniversaire des attentats islamistes qui ont endeuillé les villes de Paris et de Saint-Denis le 13 novembre 2015.
À la veille de ces commémorations, mes premières pensées vont aux 130 personnes assassinées ce soir-là, aux 132 morts du 13 novembre, à l'ensemble des victimes, à leurs familles, à leurs proches, aux associations de victimes, à qui je veux redire toute notre solidarité.
Le 13 novembre 2015, les villes de Paris et de Saint-Denis ont été attaquées, mais c'est bien la Nation tout entière qui a été touchée, comme elle l'est à chaque attentat – à Nice, Toulouse, Magnanville, Saint-Étienne-du-Rouvray, Arras, Éragny… je pourrais poursuivre cette liste macabre.
Les commémorations de demain prendront place dans un contexte où l'actualité nous rappelle que la menace terroriste persiste et qu'elle est forte. Je veux rendre hommage à l'ensemble des services mobilisés du ministère de l'intérieur comme du ministère de la justice, pour leur investissement au service de notre sécurité.
Le Président de la République s'est engagé en 2018 à créer un musée-mémorial du terrorisme. Ce sera un lieu de mémoire et de reconnaissance pour toutes les victimes du terrorisme, mais également un lieu de connaissance. Car contribuer à la connaissance c'est aussi – comme l'entretien de la mémoire – combattre les fondements du terrorisme.
Après une annonce d'abandon, le musée-mémorial a enfin trouvé une implantation définitive, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Grâce à l'engagement des équipes de préfiguration, tout est prêt aujourd'hui : fonds muséographique, collections permanentes, scénographie.
Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, assurer à la représentation nationale que l'ensemble des ministères concernés seront bien mobilisés afin que ce musée-mémorial ouvre ses portes dans les meilleures conditions ? À ce jour, nous ne trouvons pas trace de cet engagement dans le projet de loi de finances pour 2026. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, merci d'avoir rappelé l'engagement des forces de sécurité intérieure. C'est très important de le faire, car cela participe de cet ordre public républicain que beaucoup appellent de leurs vœux.
Cette mobilisation a été sans précédent depuis 2015, puis 2017. Les services sont mieux armés, car nous avons resserré les mailles du filet, et ils sont mieux équipés, mieux outillés : les techniques de renseignement peuvent être plus intrusives, et c'est heureux, car cela nous a permis de déjouer de nombreux attentats.
Nous allons naturellement poursuivre cette action et vous pouvez compter sur moi, comme ministre de l'intérieur, pour la mener avec la plus grande détermination.
Sur les aspects mémoriels, vous avez raison de rappeler l'annonce de la création d'un musée. Je peux vous confirmer qu'il verra bien le jour. Il y a également un autre projet d'importance, à Paris : l'installation d'une Maison du dessin de presse, dont le principe a été arrêté. Elle permettra, elle aussi, d'honorer, comme nous le faisons, l'art de la caricature.
Je veux d'ailleurs souligner que l'honneur de notre pays réside dans sa fidélité à la liberté d'expression. Nous ne renonçons jamais à organiser des événements au nom de cette liberté, même lorsqu'ils peuvent déplaire à certaines catégories de personnes. C'est dans cet esprit que nous avons maintenu, sur notre territoire, le match de football France-Israël et que nous continuons d'autoriser les concerts contestés, quelle que soit l'origine des contestations. Être républicain, c'est cela : maintenir l'ordre, mais aussi faire en sorte que la vie continue, dans toutes ses dimensions, y compris culturelles et sportives.
Mme Annie Le Houerou. Quid du budget ?
M. Laurent Nunez, ministre. Quant au musée, je le redis, il verra bien le jour. Et, au même titre que pour la Maison du dessin de presse, l'ensemble des ministères contribueront à son financement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.
Mme Colombe Brossel. Merci, monsieur le ministre de l'intérieur, d'avoir tenté de répondre à une question qui débordait votre périmètre. Nous serons vigilants, les uns et les autres, à ce que ce musée-mémorial ouvre, car il est utile et important pour la Nation, comme l'est notre engagement à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
déclarations du président de la république sur le mercosur
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, sur le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, le Président de la République a déclaré à la fin de la réunion du Conseil européen du mois dernier : « Tout va dans le bon sens. » Il a même ajouté : « On attend la finalisation. »
Interrogeons-nous : que s'est-il donc passé qui permette de dire que « tout va dans le bon sens » ? Car le texte n'a pas évolué d'une virgule, vous le savez bien.
Le Président de la République prétend avoir obtenu une clause de sauvegarde pour les filières fragiles. Mais cette fameuse clause de sauvegarde, du reste bien difficile à activer, est inscrite dans le traité depuis les discussions de 2019.
En outre, la fragmentation du texte en deux volets, l'un commercial et l'autre de coopération, est un artifice juridique qui permet d'éviter d'avoir à le faire approuver par les parlements nationaux.
Avant la décision définitive du Conseil européen des 18 et 19 décembre prochains, il est possible de statuer pour obtenir une remise en cause de cette procédure.
Entendez-vous agir dans ce sens ? Plus prosaïquement, quelles dispositions entendez-vous prendre pour que le texte soit soumis au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Sébastien Fagnen et Mme Annie Le Houerou applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Lahellec, je vais vous répondre comme j'ai répondu au sénateur Menonville tout à l'heure.
La position de la France sur ce sujet a toujours été très claire et elle n'a pas varié. L'accord, tel qu'il a été négocié par la Commission européenne, n'est pas acceptable pour notre pays. Notre boussole demeure la défense de nos intérêts agricoles et de nos agriculteurs.
Nous avons formulé trois exigences principales. Vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, la première concerne la mise en place d'une clause de sauvegarde robuste, effective et activable. Je souhaite préciser, à cet égard, que la clause proposée récemment par la Commission européenne n'est pas celle qui figurait dans l'accord initial et qui ne nous convenait pas. Cette première version était trop difficile à activer, tant en ce qui concerne les prix que les seuils. C'est précisément pour cette raison que nous examinons aujourd'hui la nouvelle proposition de la Commission européenne. Notre objectif est d'obtenir à la fois un mécanisme de surveillance contre toute déstabilisation de nos marchés agricoles lors des importations, et un mécanisme de blocage des importations si une déstabilisation avérée des filières venait à se produire.
Deuxièmement, nous exigeons l'instauration de mesures miroirs très ambitieuses sur les pesticides et l'alimentation animale. Il s'agit d'une question de concurrence loyale et réciproque. Il n'est pas acceptable d'imposer à nos agriculteurs des normes et standards qui ne seraient pas respectés dans nos échanges commerciaux.
Troisièmement, nous demandons un renforcement des contrôles sanitaires et phytosanitaires, tant sur les produits importés que directement auprès des pays exportateurs, où ils n'ont pas lieu aujourd'hui.
À ce stade, comme l'a rappelé la ministre de l'agriculture, le compte n'y est pas. Nous attendons des réponses rapides sur ces trois points. La Commission européenne a déjà évolué, sous la pression de la France, sur la question de la clause de sauvegarde, qu'il nous reste à examiner en détail. Nous restons en attente de progrès sur les autres volets.
C'est à l'aune de ces évolutions que nous déterminerons notre position sur le Mercosur. J'y insiste, la France fera preuve d'une fermeté totale pour défendre son monde agricole et ses intérêts. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Cécile Cukierman. Ce serait bien que le Président de la République le dise aussi !
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour la réplique.
M. Gérard Lahellec. Merci, monsieur le ministre délégué, pour cette réponse. Vous l'admettez vous-même, le compte n'y est pas.
Mme Cécile Cukierman. Certes !
M. Gérard Lahellec. Reste une question en suspens : allez-vous revenir devant le Parlement ?
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Gérard Lahellec. Ce sont des dispositions qui peuvent être prises. Aussi, nous ne saurions que trop vous inviter à saisir cette opportunité.
Il faut obtenir de la présidente de la Commission européenne qu'elle annule son voyage en Amérique du Sud, prévu le 20 décembre, pour signer ce forfait qui serait un malheur pour tout le monde agricole. Ce sont ces traités de libre-échange et leurs conséquences qui écrasent les agriculteurs. Merci de votre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Annie Le Houerou et MM. Sébastien Fagnen et Yannick Jadot applaudissent également.)
Accord de libre-échange et sacrifice de l'agriculture française et européenne
M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Kristina Pluchet. Ma question s'adresse au ministre délégué chargé de l'Europe, en l'absence de Mme la ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, les agriculteurs sont dans la rue et nous sommes nombreux à les soutenir. Les derniers propos du chef de l'État au sujet de la ratification du Mercosur résonnent comme une véritable trahison. Dans le même temps, l'Union européenne continue de relever les quotas d'importation de produits agricoles ukrainiens et persiste à vouloir activer, dès janvier prochain, la taxe carbone sur les engrais extra-européens.
Sous ces trois coups de boutoir, nombre de nos filières agricoles voient leurs comptes de résultat passer dans le rouge.
On nous promet des clauses « pipeau » : sauvegarde, miroir, ou plutôt mirage… Celles-ci ne sont qu'un leurre, qui n'empêchera en rien le sacrifice de notre agriculture.
Monsieur le ministre, l'Europe a perdu la raison. Comment peut-elle autant normer, taxer, contraindre et asphyxier son agriculture et, dans le même temps, ouvrir grand ses marchés à des produits qui s'exonèrent de tous nos standards ? Le prix payé, c'est celui de notre souveraineté alimentaire et de notre santé.
Comment l'Europe, née du rêve d'un marché commun protecteur, peut-elle autant se détourner de ses fondements pour privilégier les sirènes d'une mondialisation dérégulée ?
Faut-il rappeler que la politique agricole commune (PAC) a été le socle de la prospérité européenne ? C'est cette prospérité qui est aujourd'hui sacrifiée au profit d'intérêts industriels «court-termistes et d'un libre-échange jusqu'au-boutiste qui est à lui-même sa propre fin.
Monsieur le ministre, ce n'est pas la première fois que j'alerte le Gouvernement. Peut-on laisser mourir l'agriculture française sans rien faire ? Quelles positions défendrez-vous à Bruxelles pour vous assurer que nos agriculteurs, déjà étranglés, ne soient pas les victimes consenties d'une Europe qui a renié ses promesses ? Très concrètement, comment garantirez-vous à notre agriculture et à nos filières d'excellence les marges nécessaires à leur survie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Pluchet, j'ai déjà eu l'occasion de répondre aux questions de vos collègues sur l'accord du Mercosur ; je me concentrerai donc sur d'autres points de votre interpellation.
Je souhaite tout d'abord revenir sur la PAC, que vous avez mentionnée à juste titre. Celle-ci constitue la première politique communautaire intégrée de l'Union européenne. Aujourd'hui, nos agriculteurs sont exportateurs au sein du marché intérieur européen. Le Premier ministre l'a rappelé la semaine dernière au Commissaire européen à l'agriculture et à l'alimentation, M. Hansen, et je l'ai moi-même indiqué au Commissaire chargé du budget, de la lutte antifraude et de l'administration publique, M. Piotr Serafin : la copie actuellement proposée par la Commission européenne pour la prochaine PAC, dans le cadre financier pluriannuel dont les négociations viennent de s'ouvrir, n'est pas acceptable pour la France.
Elle ne l'est pas, d'abord, parce qu'elle ne garantit pas les montants nécessaires pour assurer à nos agriculteurs la visibilité indispensable à l'investissement et au renouvellement des générations. Elle ne l'est pas non plus, parce qu'elle tend à diluer la PAC dans d'autres politiques, comme la cohésion ou les affaires intérieures.
Ce mélange reviendrait, de fait, à une forme de renationalisation de la PAC, génératrice de distorsions de concurrence. Nous nous battons déjà pour des règles de concurrence loyales et réciproques sur la scène internationale dans le cadre des accords commerciaux ; nous ne voulons pas, en plus, voir émerger des déséquilibres au sein même du marché intérieur européen. Nous défendrons donc avec détermination à la fois le maintien des montants nécessaires et la préservation de la spécificité de la PAC.
Vous avez également évoqué la question des engrais. C'est, en effet, un sujet de préoccupation majeure, et la ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire, Mme Annie Genevard, l'abordera la semaine prochaine au Conseil Agriculture et pêche. Nous avons obtenu, dans le cadre de l'accord sur l'objectif climatique pour 2040, la révision du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF). Cette révision permettra de poser la question de l'importation des engrais, essentielle pour préserver les marges de nos agriculteurs.
Une fois encore, la boussole de la France reste la même : la défense et de la souveraineté alimentaire de l'Europe et de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, depuis dix jours, le service des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen ne dispose plus d'internes en raison d'un manque de personnels pour les encadrer. Avec environ quinze équivalents temps plein (ETP) de médecins urgentistes, alors qu'il en faudrait une quarantaine, on comprend que les conditions de formation et de travail n'étaient tout simplement plus tenables.
La situation à Caen n'est malheureusement pas isolée et ce ne sont pas des mesures au coup par coup, temporaires, comme la mobilisation de la réserve sanitaire, qui règleront la crise que nos hôpitaux publics traversent partout en France. Le déficit de ces établissements atteint un niveau inédit : 61 % d'entre eux font face à de graves difficultés financières.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, que nous examinerons dans quelques jours, ne nous rassure guère, car jamais l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) n'a été aussi bas et aussi éloigné de la hausse des besoins dans nos hôpitaux, liée au vieillissement de la population, à la progression des maladies chroniques et à l'inflation. Ce PLFSS revient à demander aux établissements de soigner plus avec toujours moins de moyens. C'est une véritable cure d'austérité que vous proposez, madame la ministre, la plus importante depuis 2010.
Dans l'urgence, le Premier ministre a annoncé 1 milliard d'euros supplémentaires, non pas seulement pour les hôpitaux publics, mais à répartir entre le médico-social, France Santé et l'hôpital. Cela ne va pas suffire.
Je veux saluer ici l'engagement, le dévouement des personnels soignants, qui interviennent dans des conditions toujours plus difficiles auprès des patients. Madame la ministre, quand allez-vous prendre enfin la mesure de la crise que traverse l'hôpital public et du choc d'attractivité à engager ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Féret, vous évoquez le service des urgences de l'hôpital de Caen, qui n'a malheureusement pas pu accueillir d'internes à compter du 1er novembre, et ce pour une durée de six mois, en raison de difficultés d'encadrement.
J'ai immédiatement demandé deux choses : d'une part, la réalisation d'une enquête afin de comprendre les raisons pour lesquelles les internes refusaient de revenir dans ce service ; d'autre part, l'envoi de médecins issus de la réserve sanitaire pour accompagner et soutenir l'équipe en place. Cette mobilisation a permis de maintenir le fonctionnement des urgences, qui continuent d'accueillir des patients, sous réserve toutefois d'une régulation préalable par le 15.
Vous le savez, notre pays compte 612 services d'urgence, que le ministère suit de manière particulièrement attentive, notamment à l'approche de l'hiver, période où les épidémies saisonnières se multiplient. Je le redis ici, il est temps pour les personnes de plus de 65 ans et pour celles qui sont atteintes de maladies chroniques de se faire vacciner, afin de se protéger efficacement et d'éviter une surcharge de nos services d'urgence.
En ce qui concerne les questions budgétaires, vous n'ignorez pas qu'elles ont fait l'objet de débats récents à l'Assemblée nationale. L'Ondam, madame la sénatrice, est certes contraignant, mais il prévoit une augmentation de 5 milliards d'euros des dépenses de santé en 2026 par rapport à 2025. Il ne s'agit donc pas d'une politique d'austérité. Par ailleurs, comme vous l'avez rappelé, je défendrai cet après-midi un amendement, à la suite de la décision du Premier ministre, visant à prévoir une enveloppe supplémentaire de 1 milliard d'euros, dont 850 millions seront consacrés à nos établissements de santé. (M. Fabien Gay s'exclame.)
Enfin, toutes les mesures visant à améliorer l'efficience de nos hôpitaux – ce qui n'est pas un gros mot – sont actuellement mises en œuvre. Il s'agit de garantir que l'argent de la sécurité sociale soit utilisé au meilleur endroit. Le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) sera d'ailleurs rendu cette semaine et nous aidera à renforcer encore cette efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, j'ai bien entendu votre réponse. Nous avons alerté tous vos prédécesseurs, à chaque PLFSS, sur la situation de l'hôpital public. Aujourd'hui, c'est d'un véritable plan Marshall que l'hôpital a besoin, car la santé est un bien commun à préserver et doit demeurer une priorité politique et budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
plan d'action de france terre d'asile sur la politique migratoire
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Carole Ciuntu. Monsieur le ministre de l'intérieur, la présidente de l'association France Terre d'asile, Najat Vallaud-Belkacem (Ah ! sur les travaux du groupe Les Républicains.), a présenté dans L'Humanité une étude réalisée par son ONG, affirmant que la régularisation de 250 000 sans-papiers et l'arrêt de la lutte contre l'immigration clandestine rapporteraient plus de 3 milliards d'euros à l'État.
Il suffisait d'y penser : ne plus délivrer d'obligation de quitter le territoire français (OQTF), fermer les centres de rétention administrative (CRA), ne plus tenir compte de la situation, irrégulière ou non, des étrangers sur notre sol… Voilà des économies immédiates pour l'État ! Mais à quel prix ? Nous peinons déjà à réguler des flux migratoires en constante augmentation. Qu'à cela ne tienne, certains semblent avoir trouvé la solution : ne plus rien contrôler du tout, c'est plus simple.
Ce discours, beaucoup plus militant que financier, vous en conviendrez, n'est pas tenu par n'importe qui. Magistrate à la Cour des comptes, Mme Vallaud-Belkacem cumule cette nouvelle fonction avec la présidence d'une association, sans pour autant s'imposer le moindre devoir de réserve. Cela ne choque-t-il que moi dans notre République ?
Plus grave encore : jusqu'où l'État compte-t-il pousser cette schizophrénie ? Je rappelle que France Terre d'asile fait partie des cinq associations sélectionnées par l'État et financées par des fonds publics pour assurer les missions d'assistance juridique auprès des personnes placées en CRA. Ces structures contribuent à multiplier les recours dilatoires ou abusifs contre les décisions relatives au droit des étrangers, entraînant ainsi une perte considérable de temps et d'argent.
J'ai fait adopter au Sénat, avec le soutien de votre prédécesseur, Bruno Retailleau (Exclamations amusées sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.), la proposition de loi relative à l'information et l'assistance juridiques en rétention administrative et en zone d'attente, qui visait à confier ces missions directement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), avec le concours d'avocats, plutôt qu'à des militants politiques. Ce texte n'a toujours pas été examiné par l'Assemblée nationale et ne semble pas près de l'être.
M. Thomas Dossus. Heureusement !
Mme Marie-Carole Ciuntu. Monsieur le ministre, prendrez-vous à bras-le-corps le problème qui scandalise une grande majorité de nos concitoyens et qui nuit à l'autorité de l'État ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Bravo !
Une voix à gauche. Allez voir dans les cuisines de votre restaurant, au Sénat !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, vous reprochez au Gouvernement de peut-être faire sien le contenu d'un rapport de France Terre d'asile... Je tiens à vous rassurer : il n'y aura aucun changement dans la ligne de fermeté qui est la nôtre depuis plusieurs années.
M. Max Brisson. Tant mieux !
M. Laurent Nunez, ministre. Des évolutions ont effectivement eu lieu au cours de l'année écoulée. Je vous rappelle qu'une loi a été adoptée en janvier 2024 et que le nombre de reconduites à la frontière ne cesse d'augmenter depuis plusieurs années. Nous poursuivrons évidemment cette politique.
Pour ce qui concerne les régularisations, le cadre a été clairement posé. Le Gouvernement ne reviendra sur aucune des mesures prises ces derniers mois ou ces dernières années.
La loi de janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration prévoit des régularisations au cas par cas pour les travailleurs étrangers.
La circulaire sur l'admission exceptionnelle au séjour, signée par Bruno Retailleau, continuera d'être appliquée dans les mêmes conditions : renforcement des exigences en matière de maîtrise de la langue et de durée de présence sur le territoire national. Ces dispositions seront pleinement maintenues.
De la même manière, nous continuerons de retirer les titres de séjour des étrangers en situation régulière qui commettent des troubles à l'ordre public. Il n'y a aucune ambiguïté à cet égard, la fermeté reste de mise et nous serons au rendez-vous.
Dans le même temps, comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2026, nous poursuivrons nos efforts en faveur de l'intégration, notamment par l'apprentissage de la langue française et l'insertion par l'emploi. Une circulaire, signée récemment par Bruno Retailleau et le ministre chargé du travail, vise d'ailleurs à mieux orienter vers l'emploi les étrangers en situation régulière.
Toutes ces politiques continueront d'être menées. Le Gouvernement n'a pas repris à son compte le rapport de France Terre d'asile, que je sache ! Notre ligne reste inchangée : fermeté et humanité par l'intégration. Vous pouvez en être assurée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Max Brisson. Tout va bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour la réplique.
Mme Marie-Carole Ciuntu. J'ai bien noté que vous ne répondez pas sur le rôle des associations dans les CRA. Un seul chiffre : sur dix migrants qui en ressortent, sept ont obtenu une décision de justice avec l'aide de ces associations. Vous désarmez l'État et vous affaiblissez son autorité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
prix de l'électricité au terme du mécanisme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique
M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Patrick Chauvet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question s'adresse au ministre chargé de l'énergie. J'y associe mon collègue Alain Duffourg.
Alors que nous n'avons toujours pas de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), le 1er janvier prochain, la régulation des prix de l'électricité changera de cadre : après quinze ans d'application du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), c'est le système dit post-Arenh qui entrera en vigueur.
Or, à quelques semaines de sa mise en œuvre, les interrogations sur l'évolution du prix de l'électricité demeurent entières. Désormais, les consommateurs seront plus exposés aux variations du marché et la compensation n'interviendra qu'a posteriori.
C'est pourquoi l'UFC-Que Choisir a anticipé une hausse de 20 % de la facture moyenne d'électricité. Pour l'heure, EDF n'a pas communiqué sur ses futurs tarifs, mais le prix de gros étant bas, on peut espérer qu'ils n'augmenteront pas. D'après certaines analyses, le tarif bleu diminuerait même en 2026 de 2,43 % par rapport à 2025.
Cependant, un agriculteur du Gers nous a communiqué l'évolution de la grille des prix pour son contrat saisonnier. On y voit une hausse de 20 % du tarif des heures pleines et même de 300 % des heures creuses. Il s'agit sans doute d'un cas isolé ; pouvez-vous nous le confirmer, madame la ministre ?
Plus globalement, quelle évolution des prix de l'électricité anticipez-vous pour la rentrée 2026 ? À plus long terme, le prix de l'électricité pourrait-il flamber dans le cadre du dispositif post-Arenh ? Quel soutien financier particuliers et professionnels pourraient-ils en attendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Raphaël Daubet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Chauvet, je vous remercie pour votre question et vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Roland Lescure, qui est actuellement à Bruxelles.
Grâce à son parc nucléaire et aux énergies renouvelables, la France dispose d'une électricité abondante et décarbonée. Pour prendre la suite du mécanisme de l'Arenh, que vous venez d'évoquer et qui s'achèvera fin 2025, un accord a été conclu entre l'État et EDF en novembre 2023. Cet accord vise trois objectifs : premièrement, permettre à EDF de financer les investissements de réseau nécessaires pour l'avenir ; deuxièmement, stabiliser les prix pour les consommateurs ; troisièmement, préserver la compétitivité de notre industrie.
Concrètement, lorsque les prix de l'électricité dépasseront certains seuils, un versement nucléaire universel se mettra en place afin d'abaisser la facture pour l'ensemble des consommateurs. Nous travaillons actuellement à la fixation de ces seuils.
Quant au tarif réglementé de vente de l'électricité, je rappelle qu'il repose sur trois composantes : le prix de l'approvisionnement, qui dépend de l'offre et de la demande ; le coût des réseaux électriques ; et la fiscalité. Sur les deux derniers points, aucun changement n'est prévu. Concernant la composante liée au prix de l'approvisionnement, le nouveau mécanisme protégera tous les consommateurs en cas de forte hausse des prix de l'électricité sur les marchés de gros.
Dans les faits, les prix de marché étant actuellement plutôt bas, le tarif réglementé de vente de l'électricité ne devrait pas connaître d'évolution significative au 1er février 2026. (M. Fabien Gay s'exclame.)
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous demeurons pleinement mobilisés pour garantir aux Françaises et aux Français une énergie souveraine, décarbonée, abondante et compétitive. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour la réplique.
M. Patrick Chauvet. Merci pour ces précisions.
Depuis le discours de Belfort en 2022, nous en sommes à la saison 7 des gouvernements successifs. Nous n'avons toujours pas de loi de programmation ni de PPE, la nouvelle régulation des prix de l'électricité est incompréhensible et son impact risque d'être explosif.
Je continue de m'interroger sur les raisons ayant conduit la France à renoncer à l'option d'un contrat pour différence. Cette option, défendue par la commission d'enquête sénatoriale portant sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050, semblait pourtant susceptible de concilier stabilité des prix, sécurité d'approvisionnement et visibilité pour EDF. Vous pouvez vous appuyer sur les travaux du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
compensation pour les collectivités locales des pertes de recettes liées à l'accueil d'établissements industriels
M. le président. La parole est à M. David Margueritte, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Margueritte. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
Depuis cinq ans, les gouvernements successifs se sont engagés pour la réindustrialisation de notre pays, ou du moins ont affiché l'ambition de le faire. Pour atteindre cet objectif, un levier principal a été retenu, l'allègement fiscal pour les établissements industriels, notamment par la baisse de 50 % des valeurs locatives.
Cet objectif, monsieur le ministre, était adossé à un principe clair et à un engagement très ferme de l'État, la compensation intégrale et dynamique de la ressource pour les communes et intercommunalités concernées, afin de leur permettre de soutenir l'effort de croissance industrielle.
Or l'article 31 du projet de loi de finances vient percuter de manière brutale et inattendue cet engagement de l'État, en réduisant de 25 % la compensation initialement prévue et garantie.
Les conséquences sont multiples, monsieur le ministre. La première est évidente : une baisse significative des ressources, parfois de plusieurs millions d'euros, pour certains territoires concernés. Cela revient à leur faire payer deux fois la facture de la réindustrialisation, puisqu'ils ont engagé des investissements extrêmement lourds en matière de services publics, d'attractivité, de logements, de santé ou encore de mobilité.
La deuxième conséquence est le message envoyé aux territoires susceptibles d'accueillir de nouveaux projets industriels, et en particulier des projets qui sont parfois d'intérêt national – je pense à notre industrie nucléaire ou à l'industrie navale.
Enfin, la troisième conséquence porte sur la confiance. M. le Premier ministre a annoncé un nouvel acte de décentralisation. Celle-ci passe d'abord par la confiance, et la confiance passe par le respect de la parole donnée.
Ma question est donc simple : le Gouvernement entend-il, pendant la discussion budgétaire, revenir sur cette mesure et faire en sorte que la ressource soit maintenue pour les collectivités concernées, qui assurent la réindustrialisation de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État.
M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. M. le sénateur Margueritte, je vous prie à mon tour d'excuser l'absence de M. Roland Lescure, toujours retenu à Bruxelles. (Sourires sur les travées du groupe UC.)
Je réponds à votre question de manière directe. Comme vous l'avez rappelé, l'abattement de 50 % sur la valeur locative des établissements industriels, qui s'appliquait d'ailleurs à la fois à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et à la cotisation foncière des entreprises (CFE), a été institué en 2021.
Chiffrée à l'époque à 3,5 milliards d'euros, cette forme de compensation a connu depuis, en raison de la hausse des valeurs locatives, une augmentation spontanée estimée à 22 % entre 2021 et 2024 et à plus de 25 % pour 2026.
Le projet de loi de finances prévoit, dans sa rédaction initiale, de revenir au niveau de 2021. Si le principe de la compensation est entièrement maintenu, cette mesure se comprend dans un contexte général d'ajustement budgétaire.
Monsieur le sénateur, vous soulevez des éléments pertinents. Il faut surtout différencier l'effort selon les territoires et en fonction des critères que vous avez évoqués : les investissements réalisés ou les travaux engagés pour accueillir des usines ou développer des services publics, par exemple.
Nous pourrons discuter de la répartition et des modalités de cet ajustement dans le cadre plus général de notre discussion sur la contribution des collectivités locales à la réduction des déficits.
En tout état de cause, le Gouvernement est à l'écoute de vos propositions sur ce sujet. Je ne doute pas que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2026, nous aurons des échanges nourris, précis et documentés. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
mercosur
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Didier Marie. Monsieur le ministre délégué chargé de l'Europe, plusieurs de mes collègues se sont adressés à vous au sujet du Mercosur et vous nous avez assurés de votre détermination à défendre les intérêts de nos agriculteurs, notamment lors du prochain Conseil européen. Dont acte.
Nous avons tous entendu néanmoins les propos du Président de la République, qui ne semble pas partager votre pugnacité.
Revenons au fond. Qu'est-ce qui n'a pas changé ? Le texte de l'accord, les risques pour la biodiversité et l'environnement, les risques de déforestation et d'accaparement des terres : rien de cela n'a changé, pas plus que les sombres perspectives pour notre agriculture, confrontée au dumping et devenue monnaie d'échange pour faciliter l'ouverture du Mercosur aux services et à l'industrie, en particulier à l'industrie automobile allemande.
Voilà un an, ici même, le ministre des affaires étrangères nous faisait la promesse que la France obtiendrait une modification du traité ou organiserait, le cas échéant, une minorité de blocage.
Qu'est-ce qui a changé depuis ? Monsieur le ministre, vous évoquez le nouveau mécanisme de sauvegarde, mais ce dernier, à l'inverse de ce que vous dites, est en marge du traité. Il n'engage que les Européens et il est dépourvu de mesures coercitives.
Vous évoquez par ailleurs un mécanisme de rééquilibrage. C'est en réalité un cheval de Troie contre nos normes sociales et environnementales, qui vise à limiter le principe de précaution.
À cela s'ajoute l'isolement de la France. En effet, si la minorité de blocage était envisageable voilà quelques mois encore, la France se trouve bien seule aujourd'hui.
Avec quel autre État membre envisagez-vous donc de vous opposer à ce qui ne nous convient pas ? Vous engagez-vous par ailleurs à respecter le principe de mixité défini en 2018 et à garantir la légitimité démocratique d'un éventuel accord par un vote du Parlement ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Marie, je reconnais dans vos propos la teneur des échanges que nous avons eus à plusieurs reprises en commission.
Sans doute vais-je me répéter, mais au moins cela aura-t-il le mérite d'illustrer la constance et la cohérence de la position du Gouvernement.
Depuis le début, la France a affirmé que l'accord tel qu'il avait été négocié par la Commission européenne était inacceptable.
Nous avons donc demandé des évolutions, et nous ne sommes pas les seuls à l'avoir fait : nombre de nos partenaires – la Pologne, l'Italie, l'Autriche, la Hongrie, les Pays-Bas, la Belgique et d'autres encore – partagent nos préoccupations.
La clause de sauvegarde initialement prévue dans le texte de la Commission étant inopérante, nous avons demandé et obtenu un nouveau mécanisme visant à protéger les filières sensibles contre les déstabilisations en cas d'importations trop massives. En d'autres termes, nous voulons pouvoir bloquer les importations. Nous sommes en train d'examiner cette clause de sauvegarde avec nos partenaires.
Par ailleurs, la Commission ne nous a pas encore fait de propositions suffisamment précises sur une autre demande : nous souhaitons obtenir des mesures miroirs garantissant la réciprocité des normes et des standards par rapport à nos partenaires commerciaux en matière de pesticides et d'alimentation animale, ainsi que des forces de contrôle dans les domaines sanitaire et phytosanitaire.
Cette pratique est courante chez nos partenaires commerciaux ou chez d'autres : ils se rendent directement dans les pays exportateurs pour contrôler le respect effectif des normes qu'ils imposent.
Monsieur le sénateur, vous faisiez référence au mécanisme de rééquilibrage. Oui, les normes européennes doivent être respectées, d'où cette demande de clauses miroirs et de forces de contrôle.
C'est seulement à l'aune d'avancées très claires que la France pourra se prononcer en faveur de cet accord. Nous nous battrons jusqu'au bout, avec nos partenaires européens, pour défendre nos agriculteurs, qu'il s'agisse de la politique agricole commune ou du reste. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
rapport de l'inspection générale de la justice sur le meurtre d'élias
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Le rapport d'évaluation de l'inspection générale de la justice (IGJ) sur l'assassinat d'Élias, dans le XIVe arrondissement de Paris, est accablant : carences graves dans l'évaluation des risques présentés par les mineurs violents multirécidivistes, refus permanent de toute mesure coercitive, mesures éducatives indigentes et tardives, souvent non mises en œuvre, délais légaux de jugement systématiquement méconnus, absence de coordination, dossiers d'évaluation et de personnalité incomplets et, pire que tout, maltraitance des victimes, ignorées, voire accusées dans le débat public de discréditer la justice.
Au-delà de la terrible affaire de l'assassinat d'Élias, ce rapport montre un véritable dysfonctionnement systémique, que l'insuffisance réelle des moyens ne saurait justifier.
Pire, on perçoit de la résignation face à des parcours de mineurs qui s'enfoncent pourtant dans la violence, jusqu'à l'assassinat. Plus personne ne se sent responsable, même lorsque les défaillances s'enchaînent jusqu'à l'irréparable.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de diligenter une inspection de l'ensemble du fonctionnement du tribunal pour enfants de Paris, afin d'identifier les carences globales et d'y remédier, mais aussi de rechercher, le cas échéant, d'éventuelles responsabilités individuelles.
Par ailleurs, nous attendons votre grand projet de loi sur la justice. Quelle réforme de la justice des mineurs proposerez-vous ? Dans quelle mesure remettrez-vous en cause la césure, dont le rapport montre à quel point elle est inadaptée à certains parcours de mineurs violents réitérants ?
Que proposerez-vous pour mettre fin à cette situation intolérable, où la victime reste trop souvent un figurant ? De la même façon que les patients ont aujourd'hui des droits face à l'hôpital, les victimes doivent avoir des droits face à la justice. Elles doivent être entendues, informées, suivies. Quant à l'institution, elle doit assumer et expliquer ses décisions.
Monsieur le ministre, ferez-vous de la justice des mineurs et des droits des victimes deux piliers de votre grande réforme de la justice ?
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Carrère-Gée, à la suite du drame absolu qui a touché la famille d'Élias, que j'ai reçue à plusieurs reprises, j'ai ouvert une enquête et demandé à l'inspection générale de la justice d'examiner les dysfonctionnements ayant conduit à cette situation, avant même que ne se tienne le procès des deux personnes responsables de la mort de ce jeune adolescent.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est donc possible !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Non seulement j'ai commandé cette inspection, mais j'ai remis personnellement ses conclusions aux parents d'Élias, que j'ai reçus une nouvelle fois à cette occasion.
J'ai également rendu public le rapport qui est à l'origine de votre question tout à fait légitime sur les dysfonctionnements manifestes et importants de la justice des mineurs.
Si vous me le permettez, madame la sénatrice, je ne peux pas vous laisser dire que l'ensemble de la chaîne judiciaire a dysfonctionné.
Je rappelle que, à la suite des instructions extrêmement fermes que j'ai données dès mon arrivée, les procureurs de la République avaient requis notamment l'enfermement pour ces personnes. Ce n'était pas l'usage précédemment dans les tribunaux pour enfants, compte tenu de l'absence fréquente des procureurs de la République aux audiences. En l'espèce, ces derniers n'avaient pas été suivis par le siège. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée acquiesce.)
Peut-être faudrait-il faire la part des choses et constater que la politique pénale du Gouvernement est suivie.
Madame la sénatrice, vous connaissez les dysfonctionnements de la justice des mineurs. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.) Le Sénat a voté, tout comme l'a fait l'Assemblée nationale, le code de la justice pénale des mineurs et voilà que vous me demandez de le modifier deux ans seulement après son adoption.
Les désaccords survenus en particulier au sein de votre groupe – je me tourne vers M. le rapporteur Szpiner – lors de la discussion de la future loi du 23 juin 2025 visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents, dite loi Attal, avaient alors débouché, malheureusement, sur des dispositions qui avaient été invalidées par le Conseil constitutionnel.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Parce qu'elles n'étaient pas constitutionnelles !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Faut-il revenir sur ce sujet ? La réponse est oui.
Je me suis déjà exprimé, en allant d'ailleurs totalement dans votre sens, me semble-t-il, madame la sénatrice, en faveur de la suppression de l'excuse de minorité, voire de la majorité pénale. Il s'agit là de mesures qui posent des difficultés d'ordre constitutionnel.
C'est aussi, incontestablement, une question de moyens. Il n'est pas acceptable qu'un juge des enfants ait sur son bureau 500 dossiers à traiter. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé le recrutement de cinquante juges des enfants dans les deux prochaines années.
Enfin, je suis prêt à diligenter des inspections ou à mener des études, de concert avec le Parlement, si toutefois ce dernier devait se saisir de ces questions.
Je suis auditionné ce soir même par la commission des lois. J'aurai donc l'occasion d'y exposer plus en détail la question très importante des dysfonctionnements de la justice des mineurs. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)
renforcement de la souveraineté industrielle de la france
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
À quelques jours de la Semaine de l'industrie, je veux relayer l'alerte que me transmettent les chefs d'entreprise sur le terrain. Perte de compétitivité, charges excessives ou rachats de technologies suivis de délocalisations sont le symbole de notre désindustrialisation face à une concurrence internationale complètement déloyale.
Devant cette prédation de valeur, jusqu'à quand allons-nous subir sans réagir ? Les États-Unis protègent leurs entreprises avec des droits de douane ciblés et assument leur politique protectionniste pour sauver les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) américaines.
La Chine déploie une stratégie d'hégémonie technologique soutenue par des subventions massives ; elle agit comme un rouleau compresseur sur notre industrie.
Quant à l'Europe, elle se prive de ses propres moyens de défense : droits de douane insuffisants, procédures antidumping trop lentes, dépendance aux matières premières stratégiques, sans parler du Mercosur…
Notre industrie recule, ses marges fondent, l'investissement en recherche et développement s'effondre dans un silence assourdissant. Nous manquons d'ingénieurs de production et de techniciens, faute d'avoir entretenu des filières de formation attractives.
Pourtant, notre industrie a des atouts : elle résiste, elle innove, elle se décarbone, elle crée des emplois dans nos territoires. Mais pour qu'elle survive, il lui faut des armes : des formations solides, une fiscalité raisonnable et une Europe qui ose enfin défendre ses intérêts.
Monsieur le ministre, la Semaine de l'industrie et le sommet Choose France ne doivent pas se résumer à de la communication : nos industriels attendent des actes forts.
La France et l'Europe sortiront-elles enfin de leur torpeur pour durcir leurs droits de douane et accélérer les procédures antidumping afin de sauver leur industrie ?
Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre pour reconstruire les filières complètes de formation qui sont indispensables à notre souveraineté industrielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur Chevrollier, je vous remercie de votre question, à laquelle je réponds à la place de mon collègue Sébastien Martin, qui est justement en déplacement chez Air France Industries.
Vous avez raison de souligner que la souveraineté industrielle est un enjeu majeur pour notre pays et pour l'Europe.
Dans le cadre du plan France 2030, près de 54 milliards d'euros d'investissements ont été consacrés au soutien des filières stratégiques : batteries, hydrogène, électronique, santé, acier ou encore automobile. Nous avons également permis, depuis 2021, la création ou la relocalisation de 350 usines et de 190 000 emplois industriels.
De son côté, la Commission européenne – vous avez raison de souligner que c'est à l'échelle européenne que les choses se passent également – prend des mesures concrètes pour renforcer certaines filières. Je pense, par exemple, à l'industrie sidérurgique ou encore au secteur automobile, pour lequel un plan d'action visant à renforcer la chaîne de valeur européenne a été mis en place, notamment par l'édiction de règles d'origine beaucoup plus exigeantes.
Dans ce cadre, la France mobilise également ses instruments nationaux, comme le contrôle des investissements étrangers, afin de préserver nos savoir-faire et nos entreprises stratégiques.
Avec nos partenaires européens, nous agissons pour défendre nos filières face aux pratiques déloyales. Nous devons également – ce travail est engagé à l'échelle européenne –simplifier la réglementation s'appliquant aux entreprises, afin de les rendre compétitives, notamment par rapport aux industriels extraterritoriaux.
J'entends que l'on nous reproche de laisser partir nos champions technologiques après les avoir soutenus, mais soyons clairs : nous sommes loin d'être passifs.
Grâce à France 2030, nous finançons nos start-up industrielles et nous consolidons les marchés de capitaux européens. Notre souveraineté se construit pas à pas et fermement, non par la résignation, mais par la production.
Notre ambition est claire : produire plus, produire mieux, produire en France.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée. Nous assumons cette ambition au sein de l'Europe, pour affirmer sa puissance industrielle et économique.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, nos entrepreneurs ne sont absolument pas résignés, mais ils attendent du concret.
Je vous invite à venir à leur rencontre dans les territoires. Ce que vous décrivez ne reflète pas la réalité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze,
est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Candidatures à des commissions
M. le président. J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, d'une part, et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, d'autre part, ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
4
Communication d'un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à son application, la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport s'est prononcée, par quatorze voix pour et quatorze voix contre, sur le projet de maintien de M. Didier Samuel à la présidence de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
5
Lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales (projet de loi n° 24, texte de la commission n° 112, rapport n° 111, avis nos 104 et 106).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque j'ai présenté le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 à l'Assemblée nationale, la semaine dernière, j'ai évoqué quatre risques pesant sur la pérennité de notre système de protection sociale : la concurrence internationale des modèles sociaux ; les excès du repli individualiste ; l'incapacité de s'adapter aux transitions économiques et démographiques ; les abus.
La fraude sociale menace non seulement la sécurité sociale, mais aussi le principe même de solidarité. Dès lors que la société choisit de mutualiser ses ressources et de faire contribuer tout le monde pour protéger les plus vulnérables, la fraude ne relève plus seulement de l'abus : elle devient une trahison de la confiance sur laquelle repose la solidarité. Non seulement l'argent est volé, mais c'est l'idée même de justice qui est abîmée, dès lors que s'installe une inégalité presque morale entre ceux qui respectent la règle et ceux qui l'enfreignent.
La lutte contre la fraude sociale ne se réduit pas à un exercice comptable et à un ensemble de sanctions visant à recouvrer les 13 milliards d'euros détournés. Elle doit être au cœur de la consolidation de notre pacte social. À cet égard, je tiens à saluer l'engagement constant du Sénat, de ses rapporteurs sur ce projet de loi ainsi que de votre collègue Nathalie Goulet.
L'engagement du Gouvernement n'est pas nouveau. Sous l'impulsion de Gabriel Attal et de Thomas Cazenave, une feuille de route inédite pour lutter contre toutes les fraudes était lancée en mai 2023.
Un an plus tard, un premier bilan en était réalisé ; les chiffres parlent d'eux-mêmes.
En ce qui concerne les fraudes aux cotisations sociales, l'Urssaf a vu le montant de ses redressements augmenter : 1,6 milliard d'euros redressés en 2024, contre 500 millions en 2017 et 800 millions en 2022.
En ce qui concerne les prestations sociales, le nombre de fraudes détectées par les caisses d'allocations familiales (CAF) a crû de 20 % en 2024 par rapport à l'année précédente. Les CAF ont réalisé 32 millions de contrôles et près de 49 000 cas de fraude ont été identifiés.
Je ne développerai pas davantage ce bilan, mais je souhaite profiter de ce moment pour remercier l'ensemble des administrations de la sécurité sociale et de France Travail qui ont permis la mise en œuvre de cette politique de lutte contre la fraude et son accélération.
En dépit d'une volonté politique très forte et d'une mise en œuvre opérationnelle remarquable de la feuille de route que j'ai évoquée, les fraudeurs s'adaptent – vous le savez. Le Gouvernement a donc souhaité vous soumettre ce nouveau projet de loi, qui a été élaboré main dans la main avec les caisses de sécurité sociale et France Travail.
L'objet du texte est avant tout d'accélérer le passage de la suspicion à la détection, de la détection à la sanction, et de la sanction au recouvrement. Voilà qui doit nous permettre tout à la fois de restaurer la confiance et d'assurer la pérennité de notre modèle social.
Dans le champ de la fraude sociale, ce texte vise donc d'abord à améliorer la détection.
Une telle amélioration passe, en particulier, par un meilleur usage et un meilleur partage des informations entre les administrations, afin de faciliter le traitement des fraudes.
Songez, par exemple, à l'affaire de cette société d'audioprothèses qui surfacturait systématiquement les dispositifs pris en charge par l'assurance maladie. La fraude a été détectée et elle a donné lieu, conformément aux dispositions qui prévalent actuellement dans notre droit, au dépôt d'une plainte pénale par chacune des soixante caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) concernées. Par l'article 4 de ce projet de loi, nous proposons qu'il n'y ait plus qu'un seul dépôt de plainte et un seul interlocuteur par parquet. Voilà qui garantira l'accélération du traitement des affaires et permettra d'obtenir davantage de condamnations pour escroquerie.
Je pourrais aussi évoquer l'affaire, jugée cet été, de cette conductrice de taxi du Var qui avait détourné 2,3 millions d'euros de l'assurance maladie en surfacturant des trajets qui n'avaient jamais été réalisés. En prévoyant la généralisation de la facturation par géolocalisation des transports sanitaires, l'article 7 de ce projet de loi garantira une juste facturation pour tous les transporteurs.
La détection sera également améliorée dans la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). L'article 12 donne ainsi davantage de moyens aux caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat), qu'il s'agisse du renforcement des pénalités financières en matière, par exemple, de sous-déclaration des accidents du travail, ou de l'accroissement des pouvoirs de contrôle des agents.
Un autre volet du projet de loi permet de mieux sanctionner les fraudes relatives aux allocations chômage, les revenus illicites et le travail dissimulé.
Là encore, je citerai des exemples très concrets de fraudes auxquelles nous voulons répondre.
Ainsi, lors d'une perquisition, on a découvert des produits illicites d'une valeur de 100 000 euros chez un trafiquant de drogue. Celui-ci s'est vu infliger une pénalité fiscale forte, mais, côté sphère sociale, on ne lui a demandé que 9 200 euros. Si l'article 14 du présent texte est adopté, le trafiquant devra s'acquitter demain, pour le même délit, d'un montant de contribution sociale généralisée (CSG) cinq fois plus élevé.
En ce qui concerne l'assurance chômage, nous sommes régulièrement interpellés à propos de situations où un fraudeur bénéficie d'allocations sans résider en France de manière effective, faute de contrôles suffisants. Grâce à l'article 13, les indemnisations chômage ne pourront être versées que sur un compte bancaire domicilié en France ou dans l'espace unique de paiement en euros de l'Union européenne.
Enfin, dernier exemple, il arrive que le titulaire d'un compte personnel de formation (CPF), agissant en collusion avec des fraudeurs, s'inscrive à une formation sans s'y rendre. Pour éviter cette dérive, l'article 13 prévoit que le titulaire d'un compte CPF devra rembourser les frais de formation s'il ne se présente pas à l'examen de certification.
Concernant spécifiquement l'assurance maladie, le projet de loi prévoit de lever l'interdiction de cumul pour les mêmes faits d'une pénalité financière et d'une sanction conventionnelle, que les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) sont aujourd'hui tenues de respecter.
Ainsi, actuellement, une pharmacie qui facture massivement des médicaments onéreux non délivrés peut être déconventionnée. Cette mesure n'est toutefois pas toujours dissuasive, car la pharmacie peut continuer de fonctionner. Le projet de loi permettra de cumuler le déconventionnement avec des pénalités financières particulièrement dissuasives.
Enfin, ce projet de loi vise à améliorer l'efficacité du recouvrement. L'article 21, en particulier, permet notamment le recouvrement des cotisations éludées en cas de travail dissimulé. À cette fin, il crée une procédure de « flagrance sociale ». Très concrètement, on s'assurera que les entreprises ne disparaissent pas pendant la période du contrôle en gelant leurs actifs. Voilà qui garantira le paiement effectif des cotisations non versées par l'entreprise coupable de travail dissimulé.
Ce projet de loi permet également à France Travail de mieux recouvrer les allocations chômage indûment versées, grâce à deux dispositions concrètes : la personne qui fraude ne pourra plus invoquer le respect de la quotité non cessible et non saisissable des prestations qui lui sont versées ; en outre, elle pourra voir son compte bancaire directement débité des sommes indûment perçues.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des mesures que j'ai citées, je veux réaffirmer une conviction : la sécurité sociale n'est pas un simple ensemble d'administrations, de guichets et de prestations ; elle constitue notre héritage, un socle de valeurs fondamentales qu'il nous appartient de faire prospérer.
Pour cela, l'argent des cotisations sociales doit être utilisé de manière juste, équitable et transparente. La tricherie et l'abus sont intolérables. Les mesures que nous proposons sont une condition du rétablissement de la confiance dans la solidarité ; à défaut, on laissera se développer le chacun-pour-soi.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de revenir aujourd'hui devant la Haute Assemblée pour discuter d'un sujet qui, je le sais, vous est cher : celui de la lutte contre la fraude et contre l'argent sale.
La semaine dernière, j'étais déjà au banc du Gouvernement pour l'examen de l'importante proposition de loi de Nathalie Goulet et Raphaël Daubet, que vous avez adoptée, pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment.
Il nous revient aujourd'hui, comme nous en étions convenu, de compléter notre arsenal de lutte contre la fraude, ou plutôt, devrais-je dire, contre toutes les fraudes.
C'est en effet la particularité de ce projet de loi que d'aborder dans le même mouvement la lutte contre la fraude fiscale et la lutte contre la fraude sociale. Cette dernière regroupe, comme ma collègue Stéphanie Rist l'a indiqué, la lutte contre la fraude aux cotisations et la lutte contre la fraude aux prestations, dont une partie est d'ailleurs réalisée par des professionnels.
Tel est l'enjeu essentiel de ce texte : s'attaquer au « business » de la fraude, à ceux qui ont fait de la fraude une profession en exploitant nos retards technologiques et nos lacunes réglementaires, en s'appuyant sur des failles juridiques qu'il s'agit précisément de combler.
Nous ne partons pas de rien, puisque le nombre de fraudes détectées a considérablement augmenté ces dernières années. En quatre ans, le montant des fraudes que nous parvenons à détecter a doublé : il atteint 20 milliards d'euros en 2024, soit l'équivalent de la construction de mille collèges, ou encore le double du budget de la justice. C'est considérable !
Ce progrès ne vient pas de nulle part. Il est dû d'abord à l'effort de nos agents des douanes, de la direction générale des finances publiques (DGFiP), des caisses de la sécurité sociale, que je tiens à mon tour à saluer, etc.
Il est dû aussi à la mise en œuvre du plan lancé par le Gouvernement, sous l'impulsion de Gabriel Attal, puis de Thomas Cazenave, pour donner à nos services plus de moyens humains et technologiques et pour renforcer la coopération entre les administrations : plus de moyens humains, disais-je, puisque 800 nouveaux emplois ont été créés dans les services de contrôle fiscal ; plus de moyens technologiques également, puisque l'intelligence artificielle et l'exploitation des données via leur croisement automatisé, ce que l'on appelle, en mauvais français, le data mining, permettent de mieux orienter et de mieux cibler les contrôles, donc de mieux détecter les montages frauduleux.
Toutefois, les fraudeurs eux aussi innovent. Sans cesse ils exploitent nos faiblesses et cherchent à avoir un temps d'avance.
Le texte que nous vous soumettons aujourd'hui est donc une loi de riposte, qui repose sur trois convictions.
Première conviction : face à la fraude numérique, il nous faut une riposte numérique. La technologie doit changer de camp. Il convient que la puissance numérique soit du côté de la République, et non du côté des délinquants. Face à une délinquance 3.0, à une fraude 3.0, nous devons donner à nos agents des moyens 3.0.
Grâce au travail réalisé en commission – je tiens à cet égard à remercier particulièrement le rapporteur pour avis Bernard Delcros –, le texte proposé permet de dématérialiser les preuves dans le cadre des enquêtes pour fraude bancaire : fini le temps où des agents transportaient des valises pleines de documents papier lors des échanges entre les établissements bancaires et les services de contrôle fiscal, avec à la clé une perte de temps et d'énergie considérable.
Le contrôle des terminaux de paiement sera également amélioré. Un certain nombre d'entre eux sont trafiqués pour que l'argent soit envoyé directement sur un compte à l'étranger.
Nous souhaitons également multiplier les croisements et les échanges de données entre les administrations – ce point a été évoqué à l'instant par ma collègue Stéphanie Rist, je n'y reviens donc pas.
Deuxième conviction : moins il y a de formulaires, moins il y a de fraude. Si cette dernière se niche dans nos lacunes technologiques, elle prospère aussi dans les zones grises, les lenteurs, l'opacité administratives.
C'est la raison pour laquelle les services doivent collaborer davantage. Les dispositions qui vous sont présentées le permettent. Les échanges entre les douanes et le fisc ou entre les complémentaires santé et l'assurance maladie, par exemple, seront renforcés. Le contrôle sur les formations financées par le CPF sera également accru : il faut vérifier que l'argent versé sert bien à préparer un examen et non à alimenter des officines frauduleuses.
Troisième conviction, enfin : il faut continuer à frapper, encore plus vite, encore plus fort, contre tous les professionnels de la fraude. J'insiste sur le mot « tous ». Outre les fraudeurs stricto sensu, il y a aussi, en effet, tous ceux qui permettent, facilitent et encouragent la fraude.
En amont, nous devons viser tous ceux qui élaborent des schémas frauduleux depuis des officines douteuses ou qui mettent en ligne des kits permettant de frauder sur YouTube, TikTok et autres réseaux sociaux.
En aval, il convient évidemment de lutter contre le blanchiment. Nous en avons longuement parlé la semaine dernière, et nous continuerons de le faire en examinant ce projet de loi. Nous proposons notamment de renforcer un certain nombre d'obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Ceux qui montent des schémas frauduleux, ceux qui organisent la triche, devront être poursuivis avec les outils les plus puissants, y compris ceux, d'ailleurs, qui sont utilisés actuellement dans la lutte antimafia et contre le crime organisé. Les peines de prison comme les amendes encourues devront être encore renforcées.
Avant de conclure, je voudrais insister sur un point important : il ne saurait y avoir de législation sans un diagnostic préalable. Or, en matière de lutte contre la fraude, nous sommes encore loin de disposer d'un panorama complet de l'état des lieux, même si des progrès ont été réalisés.
Les chiffres que j'ai cités sont ceux de la fraude détectée : ce ne sont pas des estimations de la fraude réelle. (Mme Nathalie Goulet approuve.) Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) a réalisé, dans un rapport important, une estimation de la fraude sociale. En ce qui concerne la fraude fiscale, des travaux récents du Conseil d'analyse économique (CAE) fournissent des ordres de grandeur (Mme Nathalie Goulet mime la brasse coulée.), mais il est clair que nous avons besoin d'établir, de manière beaucoup plus ferme, des bases de données solides et fiables.
Le Conseil d'évaluation des fraudes (CEF), dont la création était une des mesures du plan de Gabriel Attal, sera de nouveau réuni dans les prochaines semaines : autour de la table prendront place les services concernés et les experts indépendants.
Mme Nathalie Goulet. Et moi !
M. David Amiel, ministre délégué. Je souhaite y associer également les représentants syndicaux. Il s'agit de fiabiliser nos estimations et d'affiner nos stratégies de contrôle.
Ce projet de loi est donc celui d'une République lucide et déterminée : lucide, parce qu'elle regarde en face la réalité d'une fraude organisée, internationale et numérique ; déterminée, parce qu'elle se dote des moyens de réagir, de se moderniser et de protéger ceux qui respectent les règles.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s'annonce déterminant. En liant son examen à celui des textes budgétaires, le Gouvernement a choisi d'en faire l'un des garants de l'acceptabilité des mesures d'effort demandées aux Français.
Il est vrai que les pertes causées aux finances publiques par ceux qui ne respectent pas les règles du jeu sont triplement inacceptables.
Commençons par rappeler que, dans le champ de la protection sociale, le manque à gagner est estimé à 13 milliards d'euros par an, au bas mot.
Ensuite, le montant total de la fraude que les organismes de sécurité sociale ont été en mesure de détecter, en 2024, n'a été que de 2,9 milliards d'euros.
Enfin, sur les près de 7 milliards d'euros de cotisations sociales éludées à cause du travail dissimulé, seuls 121 millions d'euros ont pu être recouvrés.
Dans ce triste contexte, la commission des affaires sociales a soutenu les articles initiaux du texte, tout en élargissant leur périmètre et en approfondissant les mesures proposées lorsque cela était nécessaire.
Toutefois, il nous a semblé que la portée des dispositions prévues n'était pas à la hauteur des enjeux annoncés. Se satisfaire de mesures techniques, parfois même marginales, signifierait poursuivre la lutte contre la fraude à armes inégales.
Ainsi, en ce qui concerne des dispositions qui relèvent de sa compétence, la commission a fortement enrichi le texte, notamment en adoptant douze articles additionnels.
Parmi les fraudeurs, nous n'avons épargné personne : ni les entreprises qui pratiquent le travail dissimulé, ni les bénéficiaires de prestations sociales indues, ni les professionnels de santé coupables d'agissements frauduleux, ni, encore moins, les sociétés éphémères et autres forbans des temps modernes.
Nous avons tenté de donner aux acteurs de la lutte contre la fraude sociale les outils dont ils ont besoin pour remplir leur mission de détection, de recouvrement et de sanction face à des fraudeurs qui exploitent les trois faiblesses ataviques de la puissance publique : une bienveillance parfois naïve ; l'asymétrie d'informations au détriment des contrôleurs ; la lenteur des procédures mises en œuvre.
Sur le volet de la formation professionnelle, la commission a adopté l'article 13, qui oblige le titulaire d'un CPF à se présenter aux épreuves de sa formation certifiante, afin d'éviter que des inscriptions ne soient monnayées contre rétribution.
De même, nous avons adopté l'article 25, qui confère un pouvoir de contrainte à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), lui permettant de recouvrer les sommes frauduleusement mobilisées par le titulaire d'un CPF.
Nous avons également prévu le caractère immédiatement exécutoire de la contrainte délivrée contre un organisme de formation fraudeur.
La commission a adopté par ailleurs l'article 16, qui prévoit la création d'un dispositif de sanction administrative mobilisable par les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle.
Elle a de surcroît introduit deux nouveaux articles : l'article 16 bis, qui permet de mieux sanctionner les organismes de formation professionnelle relevant de logiques d'emprise, d'entrisme ou de charlatanisme, et l'article 16 ter, qui enrichit le contrôle a priori des prestataires déclarant une activité de formation professionnelle.
L'article 13 ter réprime les professionnels qui se prévalent frauduleusement de la qualité d'opérateur de conseil en évolution professionnelle sans habilitation de France Compétences.
À l'article 13 bis, la commission a créé les canaux nécessaires d'échange des banques et des greffes des tribunaux de commerce vers la Caisse des dépôts et consignations, l'objectif étant de déclencher les contrôles le plus en amont possible et de bloquer précocement les versements de fonds aux sociétés suspectes.
En ce qui concerne le travail dissimulé, la commission a adopté l'article 21, qui facilite le recouvrement des cotisations éludées par le biais d'un dispositif de flagrance sociale. Elle a aussi soutenu l'article 22, qui renforce les obligations incombant aux maîtres d'ouvrage au regard du respect par les sous-traitants de l'interdiction du travail dissimulé. Nous avons renforcé le régime prévu, qui vise à lutter contre le travail illégal dans les chaînes de sous-traitance en cascade, qui sont de plus en plus complexes. Enfin, la commission a adopté un article 22 bis, qui simplifie et durcit le dispositif de la « liste noire », sur laquelle sont publiés les noms des entreprises condamnées pour travail dissimulé.
Nous avons également donné à France Travail les moyens de détecter et de recouvrer les prestations indûment versées, notamment en matière de fraude à la condition de résidence en France.
Mme Nathalie Goulet. Enfin !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission a adopté l'article 27, qui accroît l'efficacité du recouvrement des indus frauduleux par l'opérateur, en l'autorisant à saisir directement les indus chez des tiers débiteurs du fraudeur.
Par l'article 28, introduit par la commission, nous avons choisi de doter les services de France Travail d'un accès au fichier des compagnies aériennes, d'un droit de communication auprès des opérateurs de téléphonie ou encore d'une possibilité de traiter les données de connexion des assurés inscrits auprès de l'organisme.
Vous l'avez compris, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose de ne pas considérer la fraude comme inéluctable. Elle vous invite à adopter le projet de loi dans la version issue de ses travaux, complétée par de nouveaux amendements qui vous seront proposés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Corinne Bourcier et M. Michel Masset applaudissent également.)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, Frédérique Puissat, avec son dynamisme coutumier, vient de vous présenter notre état d'esprit, qui est de faire évoluer le droit pour répondre à la métamorphose qu'a connue la fraude sociale. Cette dernière est entrée dans une nouvelle ère : elle est plus complexe, plus systématique et quelquefois, malheureusement, plus lucrative.
Vous l'avez dit, madame la ministre, monsieur le ministre, il s'agit d'une fraude de réseaux, organisée, parfois la même, d'ailleurs, que celle qui est à l'œuvre pour MaPrimeRénov', les certificats d'économies d'énergie ou encore la taxe carbone.
Face à ce constat, la commission a entendu donner aux caisses de sécurité sociale, aux services de contrôle et aux départements les moyens de muscler leur jeu face aux fraudeurs. En clair, il s'agit de transférer aux administrations sociales les mêmes moyens que ceux dont dispose le fisc, c'est-à-dire la DGFiP. La lutte contre la fraude à la sécurité sociale passe par le partage d'informations entre les différents acteurs de cette politique publique.
Je vais détailler maintenant le contenu des articles.
L'article 2 donne aux agents habilités des organismes de sécurité sociale l'accès aux données patrimoniales de la DGFiP. La commission a choisi d'étendre cet accès à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), ainsi qu'aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
L'article 6 a aussi inscrit les MDPH et les services des départements chargés du versement des prestations sociales sur la liste des organismes susceptibles de bénéficier d'un partage d'informations en cas de suspicion de fraude. Dans la même logique, nous avons étendu aux organismes de la branche famille le bénéfice du dispositif prévu par l'article 10.
L'article 5 met en place une meilleure coordination des actions de lutte contre la fraude entre les organismes de l'assurance maladie obligatoire et ceux de l'assurance maladie complémentaire, en reprenant les apports des travaux réalisés à cet égard par la commission des affaires sociales lors du dernier PLFSS. Nous avons ainsi souhaité renforcer les synergies en adoptant un dispositif permettant aux organismes de prévoyance de mieux lutter contre les fraudes aux indemnités journalières.
Enfin, l'article 4 vise à faciliter les poursuites engagées contre les fraudeurs, en créant la possibilité de déposer une plainte unique au nom de tous les organismes de sécurité sociale concernés, lorsque plusieurs d'entre eux sont lésés.
Le texte de la commission comporte aussi – cela a été dit par Frédérique Puissat – un volet de mesures relatives aux comportements abusifs des employeurs, des assurés sociaux et des professionnels de santé.
À l'article 7, nous proposons de rendre obligatoire, à compter de 2027, la géolocalisation des véhicules de transport sanitaire et des entreprises de taxi ayant signé une convention avec une CPAM.
L'article 12 procède à une rénovation du régime des sanctions et des pénalités financières applicables en cas d'agissements frauduleux relatifs aux aides versées par la branche AT-MP, tout en prenant en compte la spécificité de chaque entreprise.
L'article 17 a pour objet de renforcer la lutte contre la fraude et les pratiques de surprescription des professionnels de santé ; ces deux sujets sont toutefois distincts et ne sauraient être amalgamés – nous aurons certainement l'occasion d'aborder ce point au cours du débat. Nous avons prévu la levée de l'interdiction du cumul entre la sanction conventionnelle et la pénalité financière.
L'article 17 ter, adopté par la commission, vise à permettre la suspension provisoire du droit au tiers payant pour les assurés ayant été condamnés pour fraude ou pour tentative de fraude.
Par ailleurs, l'article 24 bis, introduit en commission, étend les actions de lutte contre la fraude au revenu de solidarité active (RSA), notamment pour lutter contre les abus de droit de la part de certains bénéficiaires autoentrepreneurs.
Enfin, l'article 29, qui a été adopté par notre commission, vise à permettre aux organismes de sécurité sociale de suspendre les prestations à titre provisoire en cas de doute sérieux de fraude.
Au terme de cette énumération des mesures du projet de loi, ne nous berçons pas d'illusions : aucun dispositif, aucun traitement de données ne permettra à lui seul de venir à bout de la fraude sociale ou fiscale. Ce constat ne doit pas néanmoins entamer notre détermination à agir, car rien n'est plus insupportable que le détournement de la générosité collective au profit d'un enrichissement personnel indu.
Je voudrais à cet égard saluer le travail des agents des caisses de sécurité sociale, des organismes complémentaires ou encore des collectivités territoriales qui luttent contre la fraude au quotidien. Lors de nos auditions, nous avons pu constater leur dévouement, mais aussi leur motivation, et nous espérons que les moyens accordés par ce texte simplifieront leur tâche, qui est importante.
Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi. Je ne vous cache pas qu'avec Frédérique Puissat, comme cela a été dit, nous nous sentons en mission pour lutter contre toutes les fraudes, partout et tout le temps. Nous sommes conscients aussi que l'adoption de ce texte ne marquera pas la fin de l'histoire : lutter contre les fraudes est un long chemin – ce n'est pas Nathalie Goulet qui dira le contraire (Mme Nathalie Goulet apprécie.) –, parfois semé d'embûches.
En ce lendemain du 11 novembre, je voudrais conclure mon propos par une citation de Clemenceau, pertinente et symbolique de notre état d'esprit : le législateur « a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles et que les mauvais ne le soient pas ». Voilà un parfait résumé de notre orientation. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur des travées des groupes INDEP et RDSE – Mme Cécile Cukierman s'exclame.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est vu déléguer l'examen de l'article 8 du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, qui concerne le secteur des voitures de transport avec chauffeur, plus communément appelées « VTC ».
Ce mode de transport a subi de nombreux changements depuis son premier encadrement législatif, en 2009, par la loi de développement et de modernisation des services touristiques, dite loi Novelli. L'activité des VTC a été libéralisée et des plateformes d'intermédiation, comme Uber, qui est la plus connue, se sont développées.
Plusieurs lois ont modifié la législation initiale : je pense à la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, dite loi Thévenoud, à la loi du 29 décembre 2016 relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes, dite loi Grandguillaume, et à la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, autant de tentatives pour clarifier quelque peu l'exercice de ce nouveau métier.
Néanmoins, la réglementation en vigueur comporte toujours de nombreuses lacunes, qui ont permis – comme vous le savez – l'apparition de fraudes sociales et fiscales et l'essor du travail dissimulé.
La fraude se développe aujourd'hui surtout par le biais des gestionnaires de flotte, qui se sont développés depuis trois ans. Il s'agit d'intermédiaires entre les plateformes et les chauffeurs de VTC. Ces derniers, qui exercent ou qui devraient exercer d'une manière indépendante par le biais de ces plateformes, sont aussi parfois salariés.
En réalité, comme vous l'avez compris, les gestionnaires de flotte sont souvent des sociétés-écrans, qui sont à l'origine de nombreuses fraudes sociales et fiscales. En effet, ces sociétés ne déclarent pas toujours l'activité de leurs chauffeurs, ce qui engendre du travail dissimulé. En outre, elles ont recours à de faux professionnels et même à des personnes qui exercent l'activité de transporteur sans avoir obtenu le permis de conduire.
L'article 8 pourrait répondre à certains de ces problèmes et nous permettre de contrecarrer cette fraude sociale et fiscale, mais d'une manière assez minime.
Cet article vise ainsi à sanctionner la mise à disposition au bénéfice d'un tiers de l'inscription d'une personne au registre des VTC.
Il tend aussi à imposer aux plateformes d'intermédiation qu'elles s'assurent que l'inscription des chauffeurs auprès du registre des VTC est réelle.
Il prévoit enfin l'instauration d'une obligation de vigilance pour ces plateformes d'intermédiation afin qu'elles ne favorisent pas le travail clandestin.
Bien entendu, la commission a accueilli favorablement l'ensemble de ces mesures, mais elle a souhaité augmenter les sanctions encourues : d'une part, en faisant passer de 150 000 euros à 3 millions d'euros l'amende prévue pour les plateformes qui ne respecteraient pas leur devoir de vigilance en matière de non-recours au travail dissimulé ; d'autre part, en rehaussant le quantum des peines pour l'exercice illicite de l'activité de VTC et en renforçant les moyens de contrôle des forces de l'ordre.
En résumé, cet article 8 a une portée assez limitée, sachant qu'il eût été inopportun, à l'époque de la création du statut, d'aller trop loin dans la régulation de l'activité des chauffeurs de VTC. Il existe aujourd'hui une concurrence déloyale entre les taxis, qui achètent une licence et répondent à des règles précises, et les chauffeurs de VTC, d'autant que sont apparues, du fait du développement de plateformes d'intermédiation et de gestionnaires de flotte, de nombreuses fraudes sociales et fiscales.
C'est dans ce contexte général d'ubérisation de la société, que ce soit en matière de transports ou de livraison de repas à domicile, que nous avons essayé d'assainir la profession de VTC et d'améliorer les conditions de son exercice. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, la fraude fiscale, souvent à grande échelle et en lien avec des pays étrangers et des paradis fiscaux, parfois en bande organisée, prive l'État français de recettes considérables.
Ce sont ainsi des dizaines de milliards d'euros qui nous font cruellement défaut pour rétablir les comptes du pays et réduire notre déficit public.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Au moment où nous appelons les Français à contribuer à l'effort national, au moment où nous demandons aux collectivités locales de réduire leurs dépenses – et je dis cela au nom de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat –, il nous faut accélérer la lutte contre la fraude fiscale. C'est un enjeu de justice fiscale et de redressement de nos comptes publics. (Bravo ! sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Je me réjouis que le travail acharné que mènent depuis nombre d'années plusieurs de nos collègues, au premier rang desquels Nathalie Goulet, porte peu à peu ses fruits. (Ah ! sur plusieurs travées.)
Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité de plusieurs réformes déjà adoptées : la suppression du verrou de Bercy en 2018,…
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. … le plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière en 2023, qui a notamment conduit à la création, par décret, de l'Office national antifraude (Onaf), la loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques et, tout récemment, la proposition de loi de Nathalie Goulet pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment, qui a été adoptée la semaine dernière au Sénat et qui doit poursuivre son parcours parlementaire.
L'ensemble de ces réformes a déjà produit des résultats significatifs, mais le recouvrement n'est pas toujours au rendez-vous, puisque l'écart entre les montants notifiés et ceux qui ont été effectivement encaissés atteignait 5,2 milliards d'euros en 2024 – une situation que nous devons corriger.
Concernant le projet de loi que nous examinons, la commission des finances a reçu délégation au fond sur sept articles et s'est saisie pour avis de l'article 14.
Ces huit articles, aujourd'hui complétés par plusieurs articles additionnels, s'organisent autour de trois axes : faciliter les échanges d'informations pour mieux détecter la fraude, afin de mieux lutter contre des schémas de plus en plus complexes ; sanctionner plus durement les réseaux criminels qui organisent un véritable pillage de nos finances publiques, via par exemple la criminalisation de l'escroquerie aux finances publiques en bande organisée prévue à l'article 18 ; améliorer le taux de recouvrement qui reste, je l'ai dit, insuffisant.
De son côté, la commission a souhaité compléter le texte par quatre mesures.
Première mesure : permettre aux agents du contrôle fiscal d'accéder aux terminaux de paiement électronique pour mieux lutter contre le transfert vers des comptes bancaires à l'étranger de sommes, parfois importantes, qui échappent ainsi à l'impôt français.
Deuxième mesure – cet amendement me tenait à cœur : demander au Gouvernement une évaluation du mécanisme de collecte de la taxe sur les transactions financières (TTF). Cette taxe, recouvrée depuis 2012 par un opérateur privé, fait l'objet de critiques récurrentes, notamment de la part de la Cour des comptes, mais pas seulement. Le protocole encadrant la relation entre l'opérateur et l'administration fiscale n'a pas été actualisé depuis 2012. Il est donc temps d'en évaluer la pertinence.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Troisième mesure : permettre à la DGFiP et à la douane d'exiger, dans le cadre de leur droit de communication bancaire, que les établissements de crédit leur transmettent des informations sous format dématérialisé, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Enfin, la commission a adopté un amendement de Nathalie Goulet autorisant l'administration fiscale, lors de ses contrôles, à prendre copie de documents portant sur la régularité des reçus fiscaux délivrés par les organismes bénéficiaires, notamment dans le cadre du mécénat.
Mes chers collègues, ce texte nous permet de franchir une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude fiscale. Il constitue une base solide que nous allons, je n'en doute pas, consolider et enrichir au cours des débats grâce aux nombreux amendements qui ont été déposés – je m'en réjouis – et auxquels je serai très attentif. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP. – MM. Bernard Buis et Michel Masset applaudissent également.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Cukierman, Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d'une motion n° 278.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la motion.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2017, sous la présidence d'Emmanuel Macron, notre pays connaît un double mouvement inquiétant : les riches n'ont jamais été aussi riches et les pauvres jamais aussi pauvres.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon Oxfam, les 10 % les plus riches détiennent près de la moitié du patrimoine national, quand les 50 % les plus modestes doivent se partager à peine 8 %. Depuis la suppression de l'ISF et la mise en place de la flat tax, la richesse des 370 plus grandes fortunes françaises a doublé, atteignant plus de 1 000 milliards d'euros. Pendant ce temps, près de 10 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté et la moitié des salariés gagnent moins de 2 100 euros net par mois.
Dans un pays ainsi fracturé, où la prospérité s'accumule en haut pendant que l'austérité se propage en bas, le texte que vous nous proposez, madame la ministre, monsieur le ministre, masque une inégalité béante.
Depuis 2018, les lois prétendant lutter contre la fraude aux finances publiques se succèdent, mais aucune ne s'attaque sérieusement au fléau que représentent la fraude et l'évasion fiscales. Un fléau, dis-je, car ces pratiques coûtent chaque année plus de 100 milliards d'euros à la collectivité ; un fléau, car elles minent le consentement à l'impôt, creusent les inégalités et affaiblissent les services publics.
Depuis des années, les politiques publiques se concentrent presque exclusivement sur la fraude sociale, laissant intacte la fraude du capital. Ce texte, malgré son titre ambitieux, n'échappe pas à cette logique. Le rapporteur de la commission des finances le dit lui-même dans son rapport pour avis : le texte est modeste en matière de fraude fiscale, mais redoutablement efficace contre la fraude sociale.
Autrement dit, le Gouvernement concentre ses efforts là où la fraude est la plus faible et ferme les yeux là où elle est la plus coûteuse. Cette symétrie affichée entre fraude fiscale et fraude sociale n'est qu'un trompe-l'œil. Dans les faits, c'est toujours la même logique : faible avec les forts, fort avec les faibles !
M. Fabien Gay. Très bien !
Mme Cécile Cukierman. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est vous, madame la ministre, qui avez parlé en premier pour nous présenter ce que vous qualifiez de fraude sociale avant, dans un deuxième temps seulement, de nous rappeler qu'il existe également, dans notre pays, une fraude fiscale.
On s'acharne donc sur les allocataires modestes (Mme la ministre hoche la tête en signe de dénégation.), cependant qu'on ménage les multinationales. Dans cette République inversée, on préfère finalement traquer le fraudeur de 640 euros plutôt que celui de 300 millions. C'est un choix politique, ce n'est pas le nôtre !
On envoie des contrôleurs chez les personnes en situation de handicap, on rogne sur les APL, on conditionne les allocations, on traque ceux que l'on qualifie de fraudeurs du quotidien, cependant que les grands cabinets d'audit peaufinent des montages d'évasion pour le CAC40, que les dividendes explosent – en six ans, +85 % ! –, que les aides publiques aux entreprises atteignent 211 milliards d'euros. La DGFiP, elle, a perdu 30 000 agents depuis 2008 !
Voilà l'asymétrie organisée par le Gouvernement : une justice à deux vitesses, une morale à géométrie variable, des moyens attribués de manière inégalitaire.
En prétendant lutter contre toutes les fraudes avec la même fermeté, l'exécutif entretient une illusion morale pour mieux justifier une politique de classe.
C'est d'ailleurs tout le cœur du macronisme : faire passer la protection des riches pour un effort de justice et la punition des pauvres pour une exigence républicaine. Résultat : tout contrôle sérieux des grandes entreprises devient impossible. Ce projet de loi ne combat pas la fraude, il déplace la cible, il détourne l'attention de la fraude structurelle du capital pour criminaliser la précarité.
Ironie tragique, oserai-je dire, puisqu'avec ce projet de loi le Gouvernement s'attaque ici aux conséquences sociales de ses propres politiques économiques, celles-là mêmes que les gouvernements successifs mènent sans relâche depuis 2017.
Les causes profondes, nous les connaissons : la libéralisation des capitaux, la mondialisation financière, la toute-puissance des multinationales, le développement du numérique, autant de mécanismes qui ont ouvert la voie à une économie du contournement.
Les grandes fortunes soustraient leur patrimoine à l'impôt, les multinationales déplacent leurs bénéfices vers les paradis fiscaux. Plutôt que de s'attaquer à ce système, le Gouvernement choisit, de fait, de renforcer la suspicion envers les allocataires.
Lorsque Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, affirme qu'il n'y a plus grand-chose à « gratter » en matière de fraude fiscale, il traduit lui aussi un choix politique : celui de protéger les plus aisés, ceux qui profitent du système actuel.
Oui, la fraude fiscale est celle des puissants. Pointer la fraude sociale, c'est donc détourner le regard des véritables causes de l'injustice. Les 100 milliards d'euros de fraude fiscale permettraient pourtant de financer l'intégralité du budget de l'éducation nationale et de la justice ou de refinancer nos hôpitaux, nos écoles, notre transition écologique.
Sur ce point, ce texte reste bien silencieux : aucune mesure sur les prix de transfert abusifs, aucune extension du reporting pays par pays, aucune transparence sur les aides publiques versées aux grandes entreprises. (Mme Nathalie Goulet lève les bras au ciel.) Ce silence n'est pas un oubli : c'est une vision de la société – une société où la pauvreté devient suspecte, où la solidarité se transforme en surveillance et où la protection sociale devient un instrument de contrôle.
La République sociale, celle qui est issue du Conseil national de la Résistance, reposait sur un principe simple : la solidarité nationale est un droit et non une faveur.
Aujourd'hui, vous inversez ce principe. Vous transformez le bénéficiaire en suspect et vous confiez à des algorithmes le soin de décider qui mérite d'être aidé : d'un côté, un contrôle social renforcé – accès aux fichiers, exploitation des données, suspension sur simple soupçon ; de l'autre, aucune avancée sur la fraude fiscale des grands groupes.
Pendant que vous multipliez les contrôles, des millions de personnes renoncent à leurs droits : 40 % des personnes éligibles au RSA n'en font pas la demande et ce taux de non-recours est de 50 % pour le minimum vieillesse et de 30 % pour l'assurance chômage, soit un total de près de 10 milliards d'euros d'aides non versées chaque année à celles et ceux qui en ont besoin.
Je veux le dire avec gravité : ce texte ne renforcera pas la confiance. Il institutionnalise la suspicion et détourne les moyens publics de la lutte contre la fraude fiscale pour mieux mettre l'accent sur la surveillance des plus vulnérables.
En vérité, ce projet de loi n'est rien d'autre qu'une austérité sociale déguisée en bonne morale républicaine. Alors que les budgets sociaux sont compressés, le Gouvernement s'invente un bouc émissaire : la fraude des pauvres.
C'est une vieille stratégie, me direz-vous : faire croire que les difficultés viennent des allocataires et non des exonérations ; que les difficultés viennent des familles modestes, qui ne font pas assez d'efforts, et non des grandes fortunes ; que les difficultés viennent des travailleurs précaires, qui devraient travailler plus, et non du capital qui leur impose cette précarité.
Enfin, ce texte consacre une dérive inquiétante, celle d'un État social qui devient progressivement un État policier. Les services publics deviennent des outils de détection ; la solidarité devient conditionnelle et sous contrôle permanent.
Tant que l'on refusera de s'attaquer à la fraude des grandes entreprises, toute politique de lutte contre la fraude sera et demeurera, à nos yeux, une imposture.
C'est pourquoi, avec cohérence et conviction, nous demandons le rejet pur et simple de ce projet de loi. Sous couvert d'équité, il renforce les inégalités, il affaiblit la République sociale, il détourne la lutte contre la fraude au profit d'un nouvel ordre de suspicion.
Il serait illusoire de faire croire, en cette période de grands débats budgétaires, que les pauvres et les riches seraient à égalité dans ce rapport de force – c'est tout le contraire.
Pour toutes ces raisons, j'ai souhaité, avec mon groupe, déposer cette question préalable. Au même titre que votre projet de loi de financement de la sécurité sociale et que votre projet de loi de finances, même amendés par l'Assemblée nationale, ce texte ne répondra en rien aux exigences des Français.
Ce que veulent les Français, c'est plus de justice sociale, plus de justice fiscale. Mieux vivre n'est pas un rêve : c'est une exigence, celle de redonner l'envie de croire en des lendemains meilleurs et la possibilité de les vivre, afin de sortir de la logique mortifère aujourd'hui à l'œuvre, qui n'est malheureusement que le terreau de l'extrême droite (M. Stéphane Ravier ironise.) ; c'est une nécessité pour la majorité de nos concitoyens, qui doivent sortir de la crise dans laquelle vous les avez plongés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, contre la motion.
Mme Nathalie Goulet. Je m'inscris en faux contre cette motion.
Il n'y a pas une indignation de droite contre la fraude sociale et une indignation de gauche contre la fraude fiscale : c'est une caricature. La fraude, qu'elle soit sociale, fiscale ou douanière, est une entrave à notre contrat républicain.
Que ce texte ne soit pas le Grand Soir de la lutte contre la fraude fiscale est une évidence, mais je ne suis pas d'accord avec la présentation – la caricature – qui en a été faite.
Pourtant, on ne peut guère me suspecter de ne pas vouloir lutter contre la fraude fiscale. Au contraire, j'ai toujours travaillé sur cette question et vous savez très bien que je l'ai fait de façon transpartisane, cela depuis plus de dix ans. C'est le fil rouge de mon mandat.
La présentation qui vient d'être faite est, je le redis, caricaturale. Nous faisons face, nous allons le démontrer, à une fraude sociale qui n'est pas une fraude de pauvres ou d'immigrés ; c'est une fraude en réseaux organisés qui porte atteinte à nos systèmes sociaux et à notre pacte républicain. C'est la raison pour laquelle la présentation qui a été faite de ce texte – j'y insiste – est une caricature inacceptable.
Je suis donc, avec les membres du groupe Union Centriste, extrêmement opposée à la motion qui a été présentée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDPI.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est bien entendu défavorable, monsieur le président, et je tiens, dans la droite ligne des propos de Nathalie Goulet, à en expliquer les raisons.
D'abord, contrairement à ce qui a été allégué, le texte issu de la commission n'épargne aucun fraudeur et nous y avons été particulièrement attentifs. À ceux qui opposent fraude fiscale et fraude sociale, je rappelle par exemple que l'article 22 du texte a pour objet la lutte contre le travail illicite – une fraude sociale – en cas de sous-traitance en cascade ; or les grands groupes que vous avez cités, ma chère collègue, sont concernés par cette question au premier chef, en tant que donneurs d'ordre.
Ensuite, nous avons essayé de donner aux services de l'État ce qu'ils nous ont demandé, c'est-à-dire des outils de lutte contre la fraude sociale et la fraude fiscale. Nous les avons armés conformément à leurs demandes.
Enfin, nous avons été extrêmement attentifs à respecter les garanties procédurales fondamentales : respect du contradictoire, droit au recours, traçabilité et transparence des informations consultées.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Madame la sénatrice, j'ai écouté avec attention votre défense de cette motion. J'y ai noté, si vous me permettez de le dire, un oubli, une erreur et, à mon sens, une faute.
Un oubli : celui du renforcement considérable de la lutte contre la fraude fiscale ces dernières années, puisque, en quatre ans, nous avons multiplié par deux la fraude détectée. Nous l'avons fait en recrutant des agents spécialisés au sein de la DGFiP et en renforçant les contrôles par des moyens technologiques.
Une erreur : assimiler la fraude sociale à une fraude des pauvres. Tel n'est pas du tout le cas, la sénatrice Nathalie Goulet l'a dit : la fraude à la sécurité sociale est une fraude de professionnels de la fraude.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. David Amiel, ministre délégué. Elle est le fait d'officines spécialisées dans le détournement des remboursements de l'assurance maladie. Des entreprises fictives se constituent à la seule fin de toucher des remboursements d'actes qu'elles n'effectuent pas. Ce serait une grave erreur que de tolérer ces détournements qui ne sont en rien le fait de nos concitoyens les plus modestes.
Une faute : passer sous silence la nécessité de lutter contre la fraude. C'est précisément en prenant prétexte des fraudes qui existent que certains, sur d'autres bords politiques, s'en prennent à la sécurité sociale.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. David Amiel, ministre délégué. Si nous sommes attachés au principe de la sécurité sociale – c'est le cas de la plupart d'entre nous –, si nous considérons que l'immense majorité des bénéficiaires comme des contributeurs est parfaitement honnête – c'est aussi le cas de la plupart d'entre nous –, alors il faut que nous nous donnions les moyens d'être extrêmement fermes pour réprimer les abus et les fraudes.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion de rejet. (MM. Ludovic Haye et Loïc Hervé applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je tiens tout d'abord à rappeler que j'ai déposé cette motion en ma qualité de présidente de groupe.
Ce qui est assez rassurant, finalement, c'est qu'il n'y a pas de surprise ! Vous êtes, les uns et les autres, prévisibles… Je ne sais pas si nous sommes dans la caricature,…
M. Olivier Paccaud. Vous l'êtes !
Mme Cécile Cukierman. … mais le fait est que vous menez un combat idéologique. Nous ne vous laisserons pas faire !
Il n'y a ni erreur ni caricature. Vous voulez faire prévaloir un seul mot, celui de fraude, pour le décliner au fil des articles. Monsieur le ministre, je vais reprendre l'exemple que vous avez donné. Soit on fait un texte qui s'attaque à la fraude des entreprises et on le nomme ainsi – étrangement, tel n'est pas le titre qui a été retenu par le Gouvernement, ni celui que défendraient mes collègues de la majorité sénatoriale –, soit on essaie de masquer le manque de moyens.
Certes, il y a eu une telle hécatombe dans les effectifs de la DGFiP que l'on ne peut que remonter doucement la pente, mais n'en faites pas trop, monsieur le ministre : vous manquez cruellement de moyens humains. En effet, depuis la révision générale des politiques publiques (RGPP), il y a eu une baisse drastique du nombre de fonctionnaires de la DGFiP et des casses en règle de ce service public.
Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre avait annoncé qu'un projet de loi contre la fraude sociale et fiscale serait déposé en même temps que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale : chacun doit contribuer à l'effort.
Quant à moi, je dis les choses très simplement : les pauvres et les riches, c'est comme les pommes et les poires ; des fruits dans les deux cas, certes, mais la comparaison s'arrête là. Dans cette affaire, tout le monde n'est pas à armes égales !
Soit l'ambition du Gouvernement est de s'attaquer à la fraude des entreprises et du capital et nous serons à ses côtés ; soit il s'agit de jeter la suspicion sur les plus pauvres de notre pays et nous le combattrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Une fois n'est pas coutume, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues communistes.
Monsieur le ministre, j'ai moi aussi écouté avec attention l'intervention de Mme Cukierman. Vous avez utilisé le mot de « faute », mais je n'ai pas perçu, dans son propos, l'idée qu'il ne fallait pas sanctionner les fraudeurs, quels qu'ils soient. Notre collègue a simplement critiqué un mélange des genres, ce projet de loi laissant supposer que les pauvres seraient aujourd'hui une menace pour les grands équilibres financiers de notre pays, thèse résumée dans la formule désormais célèbre du « pognon de dingue »…
Il est vrai qu'il existe des fraudeurs professionnels et je souhaite qu'ils puissent être sanctionnés, mais ils auraient pu l'être via un texte spécifique. Ce qui nous gêne dans ce que vous nous proposez, c'est ce mélange, cette association potentielle entre fraude sociale et fraude fiscale. Ces sujets auraient mérité deux débats séparés ; le travail parlementaire n'aurait pas été plus long et nous aurions été tout aussi efficaces.
C'est pour cette raison que nous soutiendrons la proposition présentée par nos collègues communistes. Elle a manifestement peu de chances d'être adoptée et, au regard des enjeux, nous participerons de manière particulièrement vigilante au débat parlementaire.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Nous n'avons pas non plus l'habitude de voter les questions préalables. Nous le ferons néanmoins aujourd'hui, pour une raison simple : ce texte n'est pas mûr ; il doit être retravaillé au profit d'une approche globale et complète de la lutte contre la fraude et le blanchiment.
Nous avons déposé un certain nombre d'amendements qui ont été retoqués. Ils l'ont été non pas sur le fond, mais en application de l'article 45 de la Constitution. Des amendements sur la corruption, sur les moyens à donner aux administrations, sur la lutte contre le blanchiment tel qu'il se pratique par exemple via la cession de parts de société civile immobilière – un sujet pourtant largement pointé du doigt dans le cadre des travaux de la commission d'enquête dont Nathalie Goulet était rapporteure : tous retoqués au motif de l'article 45.
A contrario, si nous voulons vraiment lutter contre la fraude, et notamment contre la fraude fiscale, alors le Parlement doit pouvoir légiférer sur la base d'un texte complet qui nous permette d'y raccrocher tous les sujets importants.
Je vous renvoie aux propos du ministre Amiel, la semaine dernière, sur la proposition de loi de nos collègues Goulet et Daubet, mais aussi à ce que disait le Gouvernement, la semaine précédente, lorsque nous avons examiné la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire, ou encore aux débats sur la proposition de loi, dite Cazenave, contre toutes les fraudes aux aides publiques.
On est dans le « saucissonnage » !
Et, à force de saucissonner, on laisse des trous dans la raquette ; les mailles du filet laissent passer certains gros poissons dont le trafic gangrène nos territoires.
Oui, il faut reprendre ce travail. Le Gouvernement doit nous donner les moyens de nos ambitions en matière de lutte contre la fraude, contre toutes les fraudes, y compris la fraude fiscale.
C'est pourquoi nous voterons pour cette question préalable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 278, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 24 :
| Nombre de votants | 343 |
| Nombre de suffrages exprimés | 343 |
| Pour l'adoption | 98 |
| Contre | 245 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de priorité
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, au regard de l'agenda particulièrement contraint de la commission des finances en cette période, il apparaît opportun que le Sénat examine en priorité les articles et les amendements dont l'instruction a été déléguée au fond à cette commission.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales demande qu'après l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 1er le Sénat examine en priorité les articles 3, 3 bis, 9, 15, 18, 19, 20, 20 bis, 20 ter, 20 quater et 23, ainsi que les amendements portant article additionnel qui s'y rapportent.
M. le président. Je suis donc saisi, par la commission, d'une demande d'examen par priorité des articles 3, 3 bis, 9, 15, 18, 19, 20, 20 bis, 20 ter, 20 quater et 23.
Je rappelle que, aux termes de l'article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2024, les dépenses sociales ont représenté 32 % du PIB français, soit une augmentation de près de 7 % en un an.
Notre pays est malade et ses finances sont à la dérive. Il faut donc aller faire les poches des voleurs, plutôt que celles du contribuable.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui…
M. Stéphane Ravier. En effet, les Français paient toujours plus de taxes et d'impôts et bénéficient de toujours moins de services publics et de prestations, alors qu'un véritable système frauduleux prospère en siphonnant les caisses des prestations sociales.
Par ce texte, vous nous proposez un réarmement administratif pour aller récupérer l'argent volé, alors qu'il nous faudrait un texte pour éviter de se le faire voler !
Pour cela, j'ai proposé, par voie d'amendement, d'instaurer une carte Vitale biométrique : ce dispositif a été censuré par la commission des finances et par son président, socialiste évidemment, en amont de l'examen du texte.
Avec les cosignataires patriotes de cet amendement, nous estimons que le coût de la mise en place d'une carte biométrique est dérisoire comparé au gain attendu en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales et de rétablissement de la justice fiscale et sociale, donc du consentement à l'impôt. Selon la Cour des comptes, il y aurait plus de trois millions de cartes Vitale en surnombre. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
De son côté, l'inspection générale des finances (IGF) dénombre plus de 73 millions d'assurés sociaux en 2022 pour un peu plus de 67 millions d'habitants !
Résultat : un braquage de 5 milliards d'euros par an à la sécurité sociale.
Je trouve scandaleux que certains organismes de sécurité sociale s'évertuent à ne pas diffuser les chiffres exacts et actualisés, quand bien même ils leur sont demandés par des commissions d'enquête. Il y a là une dissimulation volontaire de l'ampleur de la fraude.
Les bonnes âmes dénonceront la chasse aux pauvres là où il n'y a qu'une chasse aux faux nécessiteux qui violent notre générosité. Alors que nous sommes à la veille des dix ans du Bataclan, songez que les islamistes sont partis faire le djihad avec nos allocations ; c'est totalement immoral !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Quel est le rapport ?
M. Alexandre Basquin. C'est honteux !
Mme Émilienne Poumirol. Scandaleux !
M. Stéphane Ravier. Il ne peut y avoir de vraie providence sociale sans un État national. Nous ne pouvons pas aider les plus pauvres des nôtres en restant un guichet social ouvert au monde entier. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
L'État a des drones pour contrôler la taille des piscines des Français, mais il n'est pas capable de croiser et de connecter les fichiers pour supprimer une carte Vitale en même temps qu'il prononce une obligation de quitter le territoire français (OQTF) !
L'État est capable de restreindre les libertés de déplacement et de travail de 67 millions de Français, de mettre l'économie à l'arrêt, d'instaurer un passe sanitaire, d'infliger de copieuses amendes à ceux qui boivent leur café assis plutôt que debout, mais il ne peut empêcher des fraudeurs décomplexés, qui se filment dans leur voiture de luxe ou à Dubaï, de percevoir de très généreuses allocations.
Ces provocations, qui sont autant d'humiliations, sont insupportables !
La fraude sociale, mes chers collègues, c'est 345 fois le casse du Louvre chaque année, soit quasiment un casse par jour !
Il est temps d'y mettre un terme de manière structurelle, ambition que, malheureusement, les auteurs de ce texte ne veulent pas se donner. Les fraudeurs pourront donc continuer à frauder, pendant que les contribuables seront forcés de contribuer ! (M. Alain Duffourg applaudit.)
M. Loïc Hervé. En fait, rien ne va jamais, à vos yeux !
M. le président. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un département comme le Lot-et-Garonne, où les services publics se battent pour rester présents, chaque euro compte.
Les fraudes, qu'elles soient fiscales ou sociales, privent nos territoires de moyens concrets pour l'école, la santé ou la ruralité. Or, à l'échelon national, plus de 30 000 emplois ont été supprimés à la DGFiP depuis sa création. Cette érosion fragilise les moyens de contrôle.
On ne lutte pas efficacement contre la fraude à distance et à coups d'algorithmes !
La fraude fiscale, ce sont près de 100 milliards d'euros par an ; la fraude sociale, ce sont environ 13 milliards d'euros.
Alors que nous ambitionnons de faire reculer le déficit public à 5,4 % du PIB, chaque euro perdu à cause de la fraude prive l'État de ressources indispensables.
Les montants que j'ai cités traduisent un déséquilibre structurel. Les moyens de contrôle se concentrent encore trop sur les prestations sociales, alors que les schémas d'évasion fiscale demeurent infiniment plus coûteux pour la collectivité.
Pour le RDSE, la lutte contre toutes les fraudes est une exigence morale autant que budgétaire.
Celle-ci doit reposer sur une approche équilibrée. Il ne faut en aucun cas opposer les fraudes entre elles. Il ne faut en aucun cas stigmatiser les petits bénéficiaires modestes. Et il faut, dans tous les cas, garantir la proportionnalité des sanctions.
Tel est l'esprit de l'amendement que nous avons déposé à l'article 27, qui vise à encadrer les retenues opérées par France Travail en cas de fraude afin qu'elles ne privent jamais un allocataire de tout moyen d'existence. Autrement dit, le recouvrement des sommes indues doit s'exercer dans le respect du minimum vital prévu par le code du travail.
Cet équilibre est essentiel : il distingue la fermeté nécessaire à l'égard de la fraude de la brutalité inutile envers ceux qui restent des citoyens et des justiciables. L'article 27, dans sa rédaction actuelle, rompt cet équilibre. Il faut donc revenir à la raison. La lutte contre la fraude ne doit jamais se transformer en politique de suspicion.
Concernant l'article 21, nous partageons l'objectif du Gouvernement. La flagrance sociale constitue un instrument utile pour agir vite et sécuriser le recouvrement. Cependant, il faut aller plus loin : la procédure devrait s'appliquer à l'ensemble des fraudes caractérisées, au-delà du seul travail dissimulé. Cette extension donnerait aux Urssaf les moyens d'intervenir plus rapidement dans les cas les plus manifestes.
J'ai participé aux travaux de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, et je salue le travail exemplaire de mes collègues Olivier Rietmann et Fabien Gay. Notre commission a montré que les dispositifs d'aide aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants souffrent d'un manque de transparence et d'un contrôle trop lâche.
Monsieur le ministre, alors que plus de 200 milliards d'euros d'aides sont attribués chaque année, il est légitime de conditionner leur versement au respect élémentaire de la loi.
Il s'agit non pas de supprimer ces aides, qui jouent un rôle essentiel pour l'investissement et l'emploi, mais de s'assurer qu'elles bénéficient uniquement aux entreprises respectueuses de leurs obligations fiscales et sociales.
Sur l'initiative de notre présidente Maryse Carrère, notre groupe vous proposera qu'une condamnation pour fraude fiscale ou sociale entraîne l'exclusion temporaire du bénéfice des aides publiques.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Masset. Cette mesure n'est pas une double peine : il s'agit d'établir une règle de cohérence dans l'attribution des fonds publics en suspendant simplement, pour une durée limitée, le bénéfice de certaines aides pour les auteurs de fraudes caractérisées.
Mes chers collègues, notre responsabilité est de consolider la justice fiscale et sociale sans jamais céder à la démagogie. Il y va d'un combat législatif, certes, mais aussi d'une volonté politique : le courage politique est indispensable si l'on veut restaurer la confiance des électeurs et des contribuables.
Pour être crédible, la lutte contre la fraude suppose des moyens humains supplémentaires sur le terrain, au plus près des réalités. Le RDSE prendra toute sa part dans l'élaboration d'une stratégie à la fois juste et ferme à l'égard des fraudeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, il est indispensable d'allier droits et devoirs, exemplarité et responsabilité. Aussi, ce texte consacré à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales répond à cette exigence d'équité : il s'agit de renforcer l'acceptabilité des efforts budgétaires en luttant contre ceux qui trichent au détriment de la collectivité tout entière.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
La fraude sociale est aujourd'hui estimée à près de 13 milliards d'euros par an. En 2024, seuls 2,9 milliards d'euros ont été détectés et une part très marginale de ce total a été réellement recouvrée. Cette année, le Gouvernement espère récupérer 1,5 milliard d'euros de recettes fiscales et 800 millions d'euros de recettes sociales. Le Sénat va tenter de lui donner les moyens de ses aspirations, car, disons-le franchement, le projet initial du Gouvernement manquait d'ambition.
Je tiens ici à saluer le travail remarquable des rapporteurs, Frédérique Puissat et Olivier Henno, qui ont largement enrichi le texte et lui ont donné la force exécutive et la cohérence qu'il méritait. Après son passage en commission, il est devenu plus clair, plus précis et, surtout, plus efficace.
Je veux également saluer notre collègue Nathalie Goulet, dont la conviction et la ténacité sur ces questions ne sont plus à démontrer. Depuis des années, elle nous rappelle combien la lutte contre la fraude est essentielle à la crédibilité de notre modèle.
M. Loïc Hervé. Eh oui !
Mme Anne-Sophie Romagny. Ce texte marque une avancée concrète : l'administration sociale pourra enfin accéder aux mêmes documents que l'administration fiscale. C'est une mesure de bon sens que nous attendions depuis longtemps.
Trop souvent, les administrations ont travaillé en silos, cloisonnées, frileuses, freinées par la complexité des échanges d'informations.
Avec ce texte, un partage automatisé des données et une coopération renforcée entre organismes deviennent possibles : c'est la condition d'un contrôle plus juste et plus rapide.
Malheureusement, on nous oppose souvent la protection légitime de la vie privée. Soyons sérieux, nos administrations seront équilibrées, et ne soyons pas dupes, nos concitoyens partagent déjà chaque jour quantité d'informations sur les réseaux sociaux, en utilisant leurs smartphones ou en acceptant les cookies qui tracent nos moindres faits et gestes.
Aussi, sans remettre en cause le cadre de la protection des données, donnons-nous des moyens performants pour mieux protéger notre système social et ceux qui y contribuent honnêtement.
Par ailleurs, je regrette que certaines recommandations récentes de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) fragilisent le travail des contrôleurs. Je pense notamment à l'interdiction du droit de communication aux compagnies aériennes depuis février 2025. Ces restrictions limitent la portée de nos efforts et renforcent le camp de la fraude. Le texte rédigé par la commission y remédie.
Monsieur le ministre, les organismes de protection sociale sont une ressource d'expertise. Faisons-leur confiance et donnons-leur les outils nécessaires pour agir vite, avec discernement et équité, car, rappelons-le, l'argent public n'est ni abstrait ni gratuit. Il vient du travail des Français, de leur contribution à l'impôt ; il est ce bien commun qui rend possibles notre solidarité nationale, nos services publics, notre protection sociale. Il doit donc être respecté, protégé et géré avec responsabilité.
Frauder, détourner, tricher, c'est porter atteinte au pacte républicain et à la confiance qui nous lie.
Notre devoir est clair : traquer la fraude sous toutes ses formes, sans faiblesse ni complaisance, avec rigueur et équité. Il s'agit non pas de stigmatiser, mais de rappeler que la justice sociale suppose d'abord la justice tout court, dans les contributions comme dans les prestations.
Parce que ce texte enrichi par le Sénat va dans le sens de l'efficacité, de la responsabilité et de la confiance retrouvée, le groupe Union Centriste le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Bien sûr, évidemment !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrat que l'État passe avec ses citoyens doit être honnête. Si la société m'accorde des droits, j'ai aussi des devoirs envers elle et réciproquement. Mais il arrive parfois que les signataires de ce contrat soient, disons-le, malhonnêtes. Certains le sont par ignorance et la reconnaissance récente du droit à l'erreur est, à cet égard, un vrai progrès. D'autres, en revanche, fraudent sciemment, et c'est bien à eux que s'adresse ce projet de loi.
Le président Georges Pompidou disait : « La fraude est à l'impôt ce que l'ombre est à l'homme. » Il est vrai qu'en matière de fraude il existe encore beaucoup de zones d'ombre ; ce texte a précisément pour ambition de les éclairer en chiffrant l'ampleur du phénomène et en dévoilant les moyens d'action des fraudeurs.
Chaque fraude, sociale ou fiscale, est un coup de canif dans le contrat social qui nous unit. Ce contrat pourrait être ainsi résumé : je reçois, donc je respecte les règles.
Notre système repose sur une idée simple : des cotisations et des impôts en échange de protection, de justice et d'un système de santé universel.
La fraude, c'est le fait de ceux qui veulent les gains du jeu sans en respecter les règles. Et les conséquences en sont lourdes : les sommes détournées sont autant d'argent qui ne va pas à la défense, aux services publics, à l'éducation.
La fraude sociale représenterait aujourd'hui 13 milliards d'euros par an, contre à peine 850 millions en 2014. Pour ce qui est de la fraude fiscale, les estimations varient entre 60 milliards et 100 milliards d'euros.
On dit parfois que la fraude est un sport national…
Selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, 56 % des détournements viennent des professionnels employeurs, travailleurs indépendants ou autoentrepreneurs, 34 % des assurés sociaux individuels et 10 % des professionnels de santé.
Comment empêcher les fraudes si les administrations ne disposent que d'une partie des informations ? Comment arrêter une fraude dont on ignore l'existence ?
Ce projet de loi vise justement à renforcer les échanges d'informations entre administrations, et notamment entre les complémentaires santé et les CPAM. L'extension aux agents des CPAM du droit de communication auprès des banques est une mesure de bon sens. Elle permettra de lutter plus efficacement contre la fraude aux indemnités journalières ou à la complémentaire santé solidaire. Cette possibilité a été étendue, en commission, aux agents des CAF, eux aussi en première ligne face à la fraude.
Nous soutenons pleinement ces mesures et saluons les garanties de protection des données introduites par la commission, à savoir la consultation de la Cnil et des instances professionnelles.
Ce texte instaure aussi des mesures de justice et de cohérence.
Désormais, France Travail pourra tenir compte des revenus issus d'activités illicites dans le calcul des allocations chômage. Il y a là encore une mesure de bon sens et de justice, étendue par la commission à toutes les aides sociales sous condition de ressources.
La lutte contre la fraude au compte personnel de formation, le CPF, a également été fortement renforcée.
Je veux saluer ici le travail remarquable des rapporteurs, qui ont rendu ce texte plus ambitieux et plus concret, mais, pour limiter la fraude, il faut aussi des sanctions dissuasives.
Ce texte crée ainsi une peine spécifique pour l'escroquerie aux finances publiques en bande organisée, portée à quinze ans de réclusion criminelle et un million d'euros d'amende ; …
Mme Nathalie Goulet. Nous l'avons déjà votée !
Mme Marie-Claude Lermytte. … de nouvelles amendes administratives contre les centres de formation défaillants ; la possibilité de cumuler le déconventionnement d'un professionnel de santé fraudeur avec une pénalité financière ; le déremboursement des prescriptions des médecins déconventionnés pour fraude ; la suspension du tiers payant pour les assurés fraudeurs.
Ces mesures ne pénalisent pas les honnêtes praticiens : elles visent uniquement les fraudeurs.
Sur les 13 milliards d'euros de fraude sociale estimée, seuls 3 milliards sont détectés et 600 millions effectivement recouvrés. C'est invraisemblable !
Renforcer la détection est essentiel, mais cela ne sert à rien si nous ne récupérons pas l'argent. Le texte prévoit donc plusieurs dispositifs nouveaux pour améliorer le recouvrement des sommes détournées, qu'il s'agisse de fraude aux allocations chômage, aux cotisations sociales ou aux prestations de sécurité sociale.
Mes chers collègues, la fraude n'a pas seulement des conséquences financières : elle a une dimension morale. Elle mine la confiance de ceux qui respectent les règles, de ceux qui paient leurs impôts et qui finissent par douter de la justice du système. Personne n'aime les tricheurs !
Toutefois, méfions-nous des excès de zèle. Dans la presse, ce matin, un article révélait les abus parfois commis par l'administration, notamment en matière de saisie administrative à tiers détenteur, la somme ponctionnée sur le compte d'un contribuable étant dans certains cas disproportionnée au regard de la somme exigée et mettant en difficulté la personne visée.
Enfin, alors que nous nous apprêtons à adopter ce texte, sachons que les fraudeurs, eux, maîtrisent déjà l'intelligence artificielle.
Le temps démocratique est lent. Le temps technologique, lui, est fulgurant. Veillons à ce que cette loi, une fois adoptée, ne soit pas déjà dépassée.
Mes chers collègues, ce projet de loi va dans le bon sens. Il renforce la prévention, la détection, la sanction et le recouvrement.
Le groupe Les Indépendants le soutiendra sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, vous en conviendrez, n'est pas un texte purement financier ou encore comptable : c'est aussi de justice qu'il s'agit.
Entre ceux qui cherchent à se désengager de la solidarité nationale et ceux qui la dépouillent, il ne faut pas choisir. Il y va, me semble-t-il, du consentement à l'impôt et, in fine, de la confiance en l'action publique.
J'en suis sûr, comme moi, vous l'entendez lors de vos déplacements : nombre de nos concitoyens fustigent ceux qui, pensent-ils, abusent d'un système jugé trop généreux et permissif, un système parfois fantasmé sous l'influence d'un parti politique qui aime flatter les bas instincts.
Il nous revient aujourd'hui de lutter contre cette défiance qui empoisonne et divise notre société.
Nos concitoyens le voient chaque jour : l'éducation, la santé, la justice manquent de moyens. Alors ils se tournent vers nous et nous demandent, légitimement, où peut bien passer l'argent. Bien sûr, ce projet de loi ne réglera pas tout, tant notre État est gangrené par les comités Théodule et les structures ad hoc qui, très souvent, passent sous les radars. Je profite de cette occasion pour saluer, à cet égard, l'excellent travail de notre collègue Christine Lavarde sur l'« agencification » de l'État.
Ainsi, et pour en revenir au texte qui nous intéresse aujourd'hui, je me réjouis du renforcement des échanges d'information entre administrations, mais aussi du renforcement de leurs pouvoirs d'investigation. À n'en pas douter, la possibilité d'opérer sous une fausse identité ou anonymement pour contrôler les formations professionnelles dématérialisées sera fort utile.
L'interdiction de versement des allocations chômage sur des comptes ouverts hors Union européenne me semble également plus que nécessaire.
Dans un tout autre domaine, l'obligation pour les titulaires d'un CPF de se présenter aux épreuves prévues me paraît de bon sens.
Je ne vais pas toutes les citer, mais il faut se féliciter du renforcement de nombreuses sanctions – je pense notamment aux cas de travail dissimulé.
En résumé, il convient de tenir compte de la métamorphose de la fraude en matière fiscale et sociale. Aidée par les outils numériques, celle-ci est entrée dans une nouvelle ère. Ceux qui en tirent profit se jouent des frontières et nous devons adapter notre arsenal juridique à cette nouvelle donne : nos administrations doivent cesser de travailler en silos et exploiter toutes les données dont elles disposent.
Mes chers collègues, ce projet de loi reste utile, bien que son contenu ne soit pas à la hauteur de l'ambition affichée. Je veux saluer tout particulièrement le travail remarquable de nos deux rapporteurs, qui ont su améliorer le texte qui nous a été transmis.
Il s'agit de permettre une détection des fraudes plus rapide, mais aussi un recouvrement plus efficace. Par exemple, trop de sociétés organisent encore leur liquidation avant le recouvrement de la fraude ou réalisent des transferts de fonds vers l'étranger.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Laurent Burgoa. Il était donc pertinent de s'atteler à cette tâche, pour que la détection des fraudes soit suivie d'effet.
À l'heure où nous devons rendre acceptables les efforts demandés aux Français, rappelons que, selon le Conseil d'analyse économique, la fraude fiscale représente entre 14 milliards et 52 milliards d'euros annuels, et que, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, le manque à gagner lié à la fraude sociale s'élève à 13 milliards d'euros par an au minimum. Il y a donc de quoi faire, mes chers collègues.
Permettez-moi simplement une observation avant de conclure : monsieur le ministre, voter une loi, c'est bien ; être en mesure de la faire respecter, c'est encore mieux. Aussi devrions-nous prendre un soin tout particulier à chiffrer convenablement le coût du contrôle de la mise en œuvre des dispositions que nous votons. Soyons attentifs à cet aspect, mes chers collègues.
Le groupe Les Républicains votera ce texte dans l'attente des textes financiers à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous échangeons aujourd'hui sur les fraudes fiscales et sociales, sujet traité avec ténacité depuis de nombreuses années par notre collègue Nathalie Goulet, que je salue tout particulièrement.
La fraude, qu'elle soit fiscale ou sociale, n'est pas seulement une infraction : c'est aussi une injustice. Elle frappe silencieusement, mais elle mine en profondeur la cohésion nationale. C'est une solidarité qui s'effrite, un contrat républicain qui se fissure.
Voilà pourquoi la lutte contre la fraude n'est pas un simple exercice comptable.
Certes, dans quelques jours, nous devrons compter au-delà de nos dix doigts pour trouver un compromis budgétaire équilibré et juste pour les Français, au moment de l'examen du PLFSS et du PLF. Cependant, ce texte relatif à la lutte contre les fraudes en est le complément naturel : il s'inscrit pleinement dans le cadre des grandes orientations budgétaires pour 2026.
Au-delà des chiffres, c'est bien la question de l'équité, de la confiance et du respect de notre contrat social qui se joue ici.
Ce projet de loi, annoncé par le précédent gouvernement au mois de juillet dernier, fait partie d'une stratégie globale, celle du plan interministériel de lutte contre les fraudes aux finances publiques de mai 2023, complété par la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic et la loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques.
En 2024, 20 milliards d'euros de fraudes fiscales, sociales, douanières et aux aides publiques ont été détectés, soit près de deux fois plus qu'en 2020. Au sein de ce total, on recense 16,7 milliards d'euros de fraude fiscale et 2,9 milliards d'euros de fraude sociale.
C'est colossal ! Et, surtout, c'est le miroir d'un pays qui peine à se doter des outils adaptés pour contrôler et agir afin de faire respecter les règles communes à tous.
Sans excès d'optimisme, la position du Gouvernement fixant l'objectif de 40 milliards d'euros de détection d'ici à 2029 me semble une trajectoire certes exigeante, mais nécessaire. Cet objectif est atteignable si et seulement si nous donnons à nos administrations et services compétents des moyens suffisants pour contrôler à la fois a posteriori et a priori.
Je partage le terme de « naïveté » employé en commission par notre collègue rapporteur Olivier Henno : oui, il est temps de sortir de la naïveté administrative qui nous rend collectivement coupables par inaction.
Je veux saluer le travail de nos rapporteurs, Frédérique Puissat et Olivier Henno, ainsi que celui de tous nos collègues qui, par leurs amendements en commission, ont renforcé les outils et la cohérence de ce texte. Nous défendrons tout à l'heure, dans cette même logique, un certain nombre d'amendements afin d'en étendre la portée.
Le triptyque d'une lutte cohérente contre les fraudes est bien celui-ci : des outils de détection adaptés et modernes ; des pouvoirs de recouvrement efficaces ; le renforcement des sanctions quand il y a fraude.
Nous ne pouvons plus nous contenter d'empiler les dispositifs en restant privés de « bras » pour les mettre en œuvre. Au fond, la lutte contre la fraude, c'est aussi la lutte contre l'impuissance publique, laquelle, devenue presque structurelle, désespère les Français. Elle laisse la place aux populistes, à ces mots faciles qui rassurent, mais qui, à l'épreuve des faits, ne produisent rien, sinon davantage de désillusion.
Je le dis souvent, car j'en suis convaincu, notre modèle social était un chef-d'œuvre de protection. Il s'est toutefois figé dans le temps sans tenir compte de l'évolution de la société.
Il ressemble désormais à un grand sac troué : on y verse toujours plus, mais il se vide à mesure qu'on le remplit. Ce texte, c'est la tentative de recoudre ce sac, de stopper cette hémorragie silencieuse qui ronge nos comptes publics et sape notre confiance collective en notre système. À force de laisser filer la fraude, on finit par fragiliser le consentement à l'impôt.
La fraude fiscale demeure plus importante que la fraude sociale, mais, dans les deux cas, le poison est le même : une fraude reste une fraude.
La fraude sociale abîme le lien de solidarité ; la fraude fiscale abîme le contrat de citoyenneté. L'une comme l'autre alimente le ressentiment, la défiance et la colère chez nos concitoyens. C'est pourquoi le texte issu des travaux de la commission, avec ses quarante-trois articles, est juste. Il vise à restaurer l'équité entre les contribuables, la confiance dans la République et le consentement à l'impôt.
Je veux insister sur l'article 5, qui représente une avancée cruciale, puisqu'il permet un meilleur partage des données entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires. J'avais formulé cette recommandation en septembre 2024 dans un rapport d'information sur les complémentaires santé et leur impact sur le pouvoir d'achat des Français, que j'avais commis avec notre collègue Marie-Claire Carrère-Gée. Il s'agit à la fois de transparence, de simplification et d'un retour au bon sens administratif.
Mes chers collègues, ce texte n'a pas seulement pour objet de récupérer des recettes. Il vise aussi à réduire les dépenses injustifiées, à assainir nos comptes et à restaurer la confiance entre l'État et les citoyens.
En matière de finances publiques, nous n'avons plus le luxe de choisir entre la rigueur et la justice. Nous devons garantir les deux, ensemble.
Lutter contre la fraude, c'est faire Nation d'un point de vue égalitaire, c'est rappeler que, dans un État de droit, les droits et les devoirs vont de pair et que la solidarité ne peut exister que si chacun assume sa part.
En votant ce texte, nous réaffirmerons que la République est non pas naïve, mais exigeante, et qu'elle ne confond pas justice sociale et complaisance.
Oui, nous devons recoudre ce sac percé. Oui, nous devons restaurer la confiance chez les Français, car le consentement à l'impôt est le socle indispensable de notre modèle social. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rappelons quelques chiffres : le montant estimé de la fraude fiscale se situe entre 60 milliards et 80 milliards d'euros par an, soit plus de cinq fois le montant de la fraude sociale, à savoir environ 13 milliards d'euros par an, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale.
La fraude sociale et fiscale est une anomalie. Pourquoi des fraudes aussi importantes depuis tant d'années sans mesures d'envergure mises en place pour les stopper ? (Mme Nathalie Goulet s'exclame.)
Les fraudes sociales et fiscales sont inacceptables : elles minent le consentement à l'impôt chez nos concitoyens. Comment expliquer que l'on refuse de faire les investissements nécessaires pour lutter contre ces fléaux, par exemple le recrutement d'inspecteurs des impôts, alors que ces investissements auraient une efficacité immédiate en permettant le recouvrement de sommes très importantes qui se chiffrent en milliards d'euros ?
Je suis favorable à certaines des évolutions qui sont proposées dans ce projet de loi, mais je regrette son manque d'ambition en matière de lutte contre la fraude fiscale. La défense des plus aisés semble malheureusement le tropisme de ce gouvernement, comme en témoigne le refus de taxer les très grandes fortunes alors que la situation budgétaire de notre pays est très difficile et nécessite, de la part des plus riches, un geste de solidarité.
La fraude sociale dans notre pays est entourée de nombreux préjugés, alors même que les ménages n'en sont pas les principaux responsables. Ainsi, les entreprises et travailleurs indépendants sont à l'origine de 56 % des fraudes sociales, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale. Le réseau des Urssaf est la première victime des fraudes sociales : près de 7 milliards d'euros de cotisations seraient éludés du fait du travail dissimulé, lequel constitue l'essentiel de la fraude sociale.
La part des assurés, et notamment des titulaires des minima sociaux, reste faible dans l'ensemble. La fraude au RSA, sur lequel l'attention de nos collègues de droite se concentre encore et toujours,…
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Luc Fichet. … ne représente que 1,5 milliard d'euros sur l'ensemble de la fraude évaluée, alors que le taux de non-réclamation du RSA atteint 34 %, ce qui fait économiser plus de 3 milliards d'euros à l'État, autant d'argent qui reste dans les caisses publiques.
De même, il faut certes lutter contre la fraude à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), mais celle-ci est minime. En outre, avec un taux de non-recours de 61 %, c'est l'une des aides les moins réclamées dans notre pays.
Nous partageons les objectifs globaux de ce projet de loi en tant qu'il vise à mieux prévenir, à mieux détecter, à mieux lutter, à mieux sanctionner, à mieux recouvrer. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est ainsi favorable à tout ce qui permet de mettre en commun et d'exploiter les informations nécessaires à la lutte contre la fraude.
Je veux mettre l'accent sur les dispositions de ce projet de loi qui me paraissent bienvenues : la mise en place par les organismes de sécurité sociale d'un programme de lutte contre la fraude ; l'autorisation du traitement des données de santé par les mutuelles ; l'élargissement du droit de communication des agents des CPAM aux fins de lutter contre la fraude ; la création d'un régime de sanction administrative visant les manquements des organismes de formation professionnelle à leurs obligations ; l'autorisation de cumul d'une sanction conventionnelle avec une pénalité financière en cas de fraude des professionnels de santé ; la création d'une procédure de flagrance sociale en cas de constat d'infraction à la législation sur le travail dissimulé ; la révision des dispositions relatives aux obligations et à la solidarité financière des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre.
Il convient aussi de lutter contre la fraude sur les retraites tout en gardant à l'esprit qu'elle est limitée.
De même, je suis favorable à l'amélioration du recouvrement des fraudes aux allocations chômage, mais il ne faut pas accroître, par des procédures de recouvrement, la fragilité des personnes concernées, surtout en cas d'erreur commise de bonne foi, par manque d'informations ou par omission.
Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain auraient vraiment souhaité voter ce texte, car la fraude sociale ou fiscale, en soi, est intolérable. Il est totalement légitime de récupérer l'argent de la fraude, grâce auquel il pourrait être possible, par exemple, de supprimer les franchises médicales sur les médicaments.
Malheureusement, le texte que nous examinons aujourd'hui a été dénaturé par les travaux de notre commission. La majorité sénatoriale de droite, fidèle à ses vieilles lunes, a fait pencher celui-ci dans le sens d'une stigmatisation des plus précaires. La droite sénatoriale a ainsi accentué encore le déséquilibre initial du projet de loi : modestie des dispositions de lutte contre la fraude fiscale ; empilement de mesures parfois très démagogiques contre la fraude sociale.
Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain présenteront tout au long des débats en séance des amendements tendant à corriger cette mauvaise pente du texte.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui, que l'on nous présente sous le titre ambitieux de « lutte renforcée contre les fraudes sociales et fiscales », s'inscrit dans un moment politique particulier : celui d'un gouvernement qui, après avoir fragilisé la puissance publique et multiplié les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, prétend désormais rétablir la justice par la suspicion.
Derrière un vernis d'équité, ce projet de loi obéit à la même logique que celle qu'ont suivie les derniers budgets : faire porter l'effort sur les plus modestes tout en épargnant les acteurs économiques les plus puissants.
Sur les trente articles du texte, plus des deux tiers concernent les allocataires de prestations sociales : renforcement des contrôles, interconnexion de fichiers, croisement des données personnelles, possibilité de suspension conservatoire des droits, sur simple soupçon.
Rien d'équivalent n'est prévu pour lutter contre la fraude fiscale à grande échelle : pas de moyens nouveaux pour la DGFiP ; pas d'extension du reporting pays par pays ; pas de transparence sur l'usage des aides publiques ; pas même une réflexion sur la taxation des profits transférés vers les États non coopératifs ; assignation à résidence pour les chômeurs, mais rien contre ceux qui délocalisent leur patrimoine et leurs actifs.
Or, chacun le sait ici, la fraude sociale représente entre 2 milliards et 3 milliards d'euros par an selon la Cour des comptes, quand la fraude et l'évasion fiscales dépassent les 100 milliards d'euros. Et pourtant, ce texte concentre 100 % de sa rigueur sur 3 % du problème.
C'est le cœur du déséquilibre : une loi qui prétend viser toutes les fraudes, mais qui s'attaque surtout aux plus faibles.
De plus, ce projet de loi procède à une extension sans précédent des capacités de surveillance numérique, alors même que la Défenseure des droits a mis en garde contre ces dérives. Elle souligne les risques de discrimination algorithmique, d'erreurs massives de ciblage et d'atteintes au droit à la vie privée. Nous le savons déjà, recourir aux algorithmes dans la gestion des allocations, comme le fait la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), conduit à des pratiques de contrôle discriminatoires, au détriment notamment des femmes seules et des familles étrangères.
En ce sens, ce projet de loi franchit une ligne rouge : il introduit une forme de présomption de culpabilité numérique contraire à nos principes républicains.
Il s'inscrit aussi dans une vision économique profondément erronée : alors que notre pays connaît une croissance structurellement faible, que la productivité stagne et que l'investissement industriel reste en berne, le Gouvernement choisit de concentrer son énergie sur la répression des plus modestes.
Or la faiblesse de la croissance s'explique avant tout par le sous-investissement productif, la concentration des profits et le partage inégal de la valeur ajoutée. Autrement dit, c'est par la politique de l'offre, la dérégulation et la baisse des impôts pour les plus riches que sont minées nos capacités collectives. Plutôt que de cibler ceux qui soi-disant fraudent pour survivre, mieux vaudrait s'attaquer à ceux qui contournent l'impôt pour spéculer, et, plutôt que d'automatiser la suspicion, mieux vaudrait planifier la justice fiscale et sociale.
Il faudrait renforcer les moyens humains et techniques de la DGFiP et des douanes face à la fraude fiscale internationale.
Il faudrait lourdement cibler la fraude là où elle coûte réellement cher à la Nation : dans les montages financiers internationaux, et non dans les erreurs administratives des allocataires.
Il faudrait aussi conditionner le versement des aides publiques au respect de critères de probité fiscale et sociale, ou encore créer un haut-commissariat à la lutte contre l'évasion fiscale chargé de coordonner les enquêtes à l'échelle européenne.
Cette liste est loin d'être exhaustive.
Ce texte n'est pas neutre. À l'image du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il traduit une vision de la société où la pauvreté devient suspecte, où la solidarité est perçue comme un coût, où l'on contrôle les citoyens au lieu de contrôler le capital.
Il y a là un projet politique qui renverse le sens de la République sociale. Il substitue à la fraternité le soupçon, à la justice fiscale l'injustice algorithmique, à la solidarité le tri social. Nous croyons au contraire qu'une véritable lutte contre la fraude doit s'attaquer à toutes les fraudes, surtout celles qui minent nos recettes publiques et détruisent la confiance dans l'impôt. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales a été examiné en conseil des ministres en même temps que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans l'objectif affiché de contribuer au redressement des comptes.
La lutte contre la fraude sociale, cette fraude qui, en premier lieu, prive la sécurité sociale de ses justes recettes de cotisations, est un objectif qui aurait dû s'imposer depuis bien longtemps, comme la lutte contre la fraude fiscale, et ce dans toutes ses composantes.
Ce troisième texte budgétaire est-il censé permettre un meilleur consentement aux mesures antisociales du PLF et du PLFSS, en plus d'y intégrer une recette prévisionnelle qui viendrait en déduction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ?
On le répète, la fraude sociale représente 13 milliards d'euros tandis que la fraude fiscale, selon les estimations, atteint 100 milliards d'euros. Or, par inversion de ces ordres de grandeur, dix-huit des vingt-sept articles du projet gouvernemental, soit les deux tiers, étaient consacrés à la fraude sociale. Manque d'inspiration ou défaut de volonté politique, la fraude fiscale, qui représente 86 % de la fraude totale en retenant la fourchette basse, n'était l'objet, initialement, que de 14 % des articles – 14 %, c'est aussi le poids de la fraude sociale, qui concentre l'essentiel des mesures du texte, dans le total de la fraude…
Je ne sous-estime aucunement la fraude sociale,…
Mme Nathalie Goulet. Ah !
Mme Raymonde Poncet Monge. … qui doit être combattue sans réserve. Mais force est de constater que, là encore, le projet gouvernemental traite bien inégalement ses trois composantes.
Le Haut Conseil du financement de la protection sociale le rappelle : « Quelle que soit la convention retenue […], l'essentiel de la fraude trouve son origine dans les pertes associées aux cotisations. » Cette fraude aux cotisations, qui représente 56 % du montant total de la fraude sociale, représente autant de pertes de recettes pour notre sécurité sociale. Le reste de la fraude se répartit entre la facturation de prestations indues par les professionnels de santé, à hauteur de 10 % du total, et la fraude aux prestations, essentiellement le RSA et la prime d'activité, à hauteur d'un tiers. Or je rappelle que, pour ce qui est des prestations indûment versées, la réforme de la solidarité à la source tarira sensiblement et tendanciellement les fraudes et les erreurs.
Notons aussi le manque d'ambition des mesures concernant la fraude aux cotisations des microentrepreneurs, laquelle fraude, qui connaît une progression nette, est évaluée désormais entre 1,3 milliard et 1,7 milliard d'euros, grevant d'autant les recettes sociales et entraînant les travailleurs dans la précarité. Mais il est vrai que ce modèle est fortement encouragé par le Gouvernement, d'autant qu'il améliore les statistiques du chômage…
L'examen du texte en commission a permis d'y insérer davantage d'articles traitant des recettes sous l'angle de la lutte contre la fraude aux cotisations. Cela nous satisfait. Nous nous félicitons de l'adoption de notre amendement visant à renforcer les sanctions contre la fraude au travail dissimulé pour les rendre réellement dissuasives.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Raymonde Poncet Monge. Pourtant, nous pensons que les amendes encourues en de pareils cas doivent être plus sévères. Le travail partiellement dissimulé ne doit plus être un pari globalement gagnant. Le montant des amendes doit être relevé et les moyens de contrôle dont disposent notamment les inspecteurs et contrôleurs du travail doivent être renforcés.
Selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, le niveau du recouvrement se situe très en deçà des évaluations comme du montant des fraudes détectées. Ainsi, concernant, là encore, les cotisations, 10 % seulement des sommes redressées au titre de la lutte contre le travail dissimulé sont recouvrées, alors même que leur montant est déjà faible eu égard aux sommes éludées.
Enfin, un certain nombre d'amendements que nous avions déposés afin de lutter contre la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) ont été déclarés irrecevables par la commission en application de l'article 45 de la Constitution. Pourtant, nous estimons que cette sous-déclaration constitue bien souvent une fraude qui prive de leurs droits les salariés victimes et a pour effet une sous-estimation de la sinistralité, donc du taux de cotisation d'une branche à la logique assurantielle.
Dans son avis sur le projet de loi, la Défenseure des droits nous alerte sur le risque qu'il soit porté atteinte à plusieurs droits et libertés. Rejoignant ses préoccupations, nous présenterons des amendements pour y parer, car la lutte contre la fraude ne saurait justifier des restrictions disproportionnées du droit à accéder à des moyens convenables d'existence, qui est un droit constitutionnel, ou du droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
L'objectif de la lutte contre la fraude devrait être d'établir le juste droit et le juste prélèvement en veillant à moduler l'effort public en fonction des ordres de grandeur de la fraude fiscale et de la fraude sociale, tout ciblage disproportionné alimentant le populisme sans améliorer l'efficacité de l'action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme le rapporteur applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis vraiment désolée que Mme la ministre de la santé ait dû quitter l'hémicycle : la présence de nouveaux ministres au banc était très rafraîchissante, car cela m'ôtait de l'esprit le sentiment que j'allais encore radoter, puisque c'est tout de même ce que je fais depuis dix ans !… (Sourires.)
Savez-vous, monsieur le ministre, que j'ai déjà été traitée de menteuse ici même ? Je vais néanmoins rappeler quelques évidences.
Il est impossible de mener une politique de lutte contre la fraude sociale si l'on n'apure pas la base des bénéficiaires. La Cour des comptes, dans le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour 2021, nous explique que « la comparaison entre le répertoire national interrégimes des bénéficiaires de l'assurance maladie (Rniam) et le recensement de la population française […] fait apparaître un écart d'environ 2,5 millions d'assurés […] ». Autrement dit, cet écart – minime !… – signifie que 2,5 millions de personnes bénéficient du régime sans y avoir droit.
À la page 43 du rapport de certification pour 2023, ce diagnostic est conforté, « [e]n dépit, est-il précisé, des actions réalisées depuis lors, qui ont abouti en 2023 à la fermeture de 270 000 droits ouverts à tort, soit 768 000 fermetures au total depuis 2021 ». On a donc quelques raisons de s'inquiéter…
Le rapport de certification pour 2024 indique que la situation persiste, dressant le constat d'« un écart résiduel d'environ 2,4 millions de personnes » entre le nombre des assurés enregistrés au Rniam et celui des résidents recensés par l'Insee.
Quant au rapport conjoint rendu au mois d'avril 2023 par l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF) – celui-là est assez formidable ! –, il y est expliqué que les difficultés de mise à jour demeurent et que, « avec d'importantes approximations structurelles dans les données existantes sur les populations résidentes et assurées » – vous voyez le problème –, « l'exploration de l'écart entre les deux dénombrements semble aporétique » – que ceux qui ne connaissent pas la signification de cet adjectif consultent Google : cela signifie que cette exploration se heurte à une contradiction insurmontable.
L'ensemble de ces rapports convergent pour souligner la fragilité persistante du contrôle des droits et de l'identification des assurés sociaux. Nous parlons donc là non pas d'une fraude qui serait le fait de personnes pauvres ou immigrées, mais du décalage qui existe entre le nombre des bénéficiaires de notre système et le nombre de ceux qui y ont réellement droit en tant que résidents.
Nous sommes en droit de demander un rapport sur cette question ; je l'ai fait à plusieurs reprises, sans jamais l'obtenir. En tout cas, il va bien falloir régler ce problème.
Ce projet de loi traite de bien d'autres sujets, comme la fraude transfrontalière, à propos de laquelle les explications continuent de manquer, ou, à l'article 8, la lutte contre certaines pratiques frauduleuses dans le secteur des VTC, dont il a été question tout à l'heure.
Ce secteur, c'est le far-west ! En l'espèce, monsieur le ministre, nous avons affaire à des sociétés non pas éphémères, mais jetables, qui n'ont probablement pas reçu le guide de la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf), chère à Stéphane Sautarel. C'est un problème.
Le temps de parole dont je dispose – quatre minutes – est trop court, monsieur le ministre, pour que je puisse vous interroger, à la suite de plusieurs de mes collègues, sur les moyens des services d'enquête ou sur le dernier rapport – très intéressant – de la commission des infractions fiscales ; pour que je puisse féliciter vos services pour le très beau document de politique transversale – l'orange budgétaire – sur la Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes natures et de cotisations sociales, que j'ai dévoré ; ou encore pour vous dire que je suis candidate pour intégrer la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA), dont j'ai appris l'existence à la page 135 dudit document. (Sourires.)
Il me reste une minute pour vous parler de la dette hospitalière.
Monsieur le ministre, la dette hospitalière, c'est « Zézette épouse X » ! (Sourires.) Je veux ici vous parler d'un sujet qui m'a été soufflé par le service de lutte contre les fraudes du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en ma qualité de rapporteur spéciale de la mission budgétaire « Action extérieure de l'État ».
Des étrangers se cassent la jambe au ski ; opérés et plâtrés, ils se présentent pour régler leurs frais médicaux et de séjour, mais se trouvent dans l'impossibilité de payer, car le système hospitalier le leur interdit ! Conséquence : alors même qu'ils n'ont nullement l'intention de frauder, ils se retrouvent fichés, ce qui les empêche par la suite de solliciter un nouveau visa. Les établissements hospitaliers français affichent à ce titre une créance impayée de 150 millions d'euros : il faut absolument trouver le moyen de régler ce problème.
Monsieur le ministre, il me reste quinze secondes pour vous dire que vos préoccupations sont aussi les nôtres. Comme je vous l'ai déjà dit, un fraudeur heureux est un fraudeur qui revient ; faisons en sorte qu'il ne revienne pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur des travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Khalifé Khalifé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les montants des fraudes sociales – entre 13 milliards et 20 milliards d'euros, selon les estimations – et des fraudes fiscales – entre 14 milliards et 52 milliards d'euros – soulèvent avant tout, indépendamment de toute conviction politique, un problème moral et éthique, mais également financier.
Il y a là un enjeu de justice pour les contribuables et de crédibilité pour notre système, qui repose sur la confiance et sur l'idée que chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses droits.
Je remercie nos rapporteurs ainsi que le président de la commission des affaires sociales, et tiens à vous dire, monsieur le ministre, que je me réjouis de voir le Gouvernement s'emparer de ce fléau en y consacrant un projet de loi dédié, avec le triple objectif annoncé d'adapter, de développer et de compléter les outils visant à lutter contre ce type de malversations en organisant le partage d'informations, en renforçant les contrôles et en rendant le recouvrement plus effectif.
Moderniser les moyens de détection et assurer un bon niveau de recouvrement, cela devient une urgence absolue, car, mes chers collègues, la situation est plus qu'alarmante.
Par manque de temps – loin de moi l'idée d'éluder les autres aspects de la question –, je limiterai mon propos à la fraude sociale.
Rien que pour la sécurité sociale, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, environ 2 milliards d'euros de fraudes sont détectés, soit seulement 20 % du montant total des estimations, tandis que 600 millions d'euros seulement sont recouvrés.
L'Urssaf concentre l'essentiel de la fraude, avec des pertes évaluées à presque 8 milliards d'euros, principalement liées au travail dissimulé. En dépit des 34 000 actions de contrôle menées en 2024, le montant des redressements ordonnés s'élève la même année à 1,5 milliard d'euros seulement, cependant que le taux de recouvrement n'atteint même pas 1 %.
Concernant la branche famille, la fraude au RSA, à la prime d'activité et aux aides au logement est estimée à presque 4 milliards d'euros ; seuls 449 millions d'euros d'indus ont été détectés en 2024.
Quant à la branche maladie, elle a identifié un peu moins de 1 milliard d'euros de fraude, en partie imputable à certains professionnels et centres de santé.
Enfin, la branche retraite a détecté un peu moins de 200 millions d'euros de fraude, correspondant notamment au versement de pensions maintenues après décès.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la structuration actuelle de la lutte contre la fraude sociale porte ses fruits. Il n'en reste pas moins que nous sommes encore loin d'être à la hauteur de l'ampleur réelle du phénomène et, surtout, des réseaux – professionnels, pour certains – qui l'alimentent.
Ce projet de loi apporte certes des réponses utiles, mais est-ce suffisant ? Aucun des différents articles qui le composent, dans le détail desquels je n'entrerai pas, ne prévoit de croiser les données en recourant en particulier aux techniques modernes de l'intelligence artificielle, du data mining ou du data streaming. Nous regrettons en particulier que nos trois amendements relatifs à l'utilisation de l'intelligence artificielle n'aient pas été retenus, bien que nous ayons spécifiquement prévu un contrôle humain.
Pour conclure, je veux dire que ce texte marque une étape importante. Il nous appartiendra de veiller à sa pleine application, d'en mesurer les effets, tout en renforçant la lutte contre la fraude, y compris par l'usage de l'intelligence artificielle moderne, en lien avec la Cnil pour ce qui est du traitement des données. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de l'aveu même du Conseil d'État, ce projet de loi ne constitue pas une réforme d'ampleur des outils de lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
Loin de la volonté affichée, ce texte manque manifestement d'ambition.
Décevant, il reste néanmoins utile pour mieux détecter, mieux sanctionner et mieux recouvrer, objectifs que nous ne pouvons que partager.
Toutefois, si nous pouvons souscrire au renforcement des échanges d'informations, à la criminalisation de l'escroquerie aux finances publiques en bande organisée ou encore à la responsabilisation des intermédiaires financiers, nous contestons la présentation même de ce texte, une présentation qui mêle tous les types de fraude au sein d'un même projet de loi, dans une sorte d'ensemble flou et indistinct, selon un relativisme qui cherche à biaiser le débat, voire à orienter idéologiquement cet objectif commun de lutte contre les fraudes.
Le projet qui nous est soumis est bien celui-ci : près de vingt articles pour lutter contre les 13 milliards d'euros de fraude sociale et seulement sept articles pour lutter contre la fraude fiscale, estimée au bas mot à 60 milliards d'euros.
Trois fois moins de mesures pour six fois plus de fraudes en volume ! Le déséquilibre dans les priorités gouvernementales est ici manifeste.
Pour ce qui est des articles relevant de la commission des finances, ils restent très techniques et, disons-le, timides. Dans les heures qui viennent, nous proposerons donc de muscler ce texte au moyen de plus d'une dizaine d'amendements structurants. Nous défendrons notamment le renforcement de la transparence et une prévention accrue des montages agressifs menant à l'évasion fiscale. Nous devrons envisager de demander à ces officines de l'évasion de transmettre au fisc leurs dispositifs, leurs montages et leurs schémas trente jours avant – je dis bien « avant », et non « après » – leur livraison, leur commercialisation ou leur diffusion au public en ligne.
Nous proposerons de permettre à toute association agréée d'exercer les droits reconnus à la partie civile.
Nous demanderons de mieux sanctionner les professionnels qui donnent aux fraudeurs les moyens intellectuels, techniques et matériels de commettre leurs délits.
Nous défendrons aussi un amendement visant à intégrer le blanchiment dans la liste des infractions pénales pour lesquelles les agents de la DGFiP pourraient concourir aux enquêtes menées par la justice.
Enfin, nous demanderons que soient évalués les moyens de l'État consacrés à la lutte contre la fraude fiscale, à l'évasion fiscale, à l'optimisation fiscale et au blanchiment de capitaux, car l'essentiel, dans ce domaine, est que la puissance publique dispose de moyens matériels et humains pour lutter véritablement et efficacement contre ce phénomène tentaculaire.
C'est la raison pour laquelle il m'apparaîtrait de bonne politique que nous saisissions l'occasion offerte par l'examen de ce texte pour créer un vrai choc de régulation et d'encadrement de l'industrie de l'évasion et de l'optimisation fiscales.
Face aux aléas politiques qui ne manquent pas d'affecter nos administrations et d'altérer leurs ressources, face à des vendeurs de montages fiscaux toujours plus créatifs, ingénieux et agressifs, nous devrons nous armer pour détecter et assécher en amont ces stratégies délétères d'optimisation.
En ce sens, certains proposent la création d'une autorité indépendante anti-optimisation,…
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Victorin Lurel. … nouvelle ou adossée à une organisation existante, comme l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Une telle instance aurait pour mission d'appliquer la doctrine de la substance économique. Elle serait saisie en amont du lancement de tout produit d'optimisation fiscale, de toute opération de cession de propriété intellectuelle et de toute création de trust.
Il ne s'agit pas d'interdire cette optimisation, apparemment légale, mais – c'est un minimum – de faire en sorte que l'administration soit informée en amont.
En fonction du sort réservé à nos amendements, qui dépendra en particulier de l'avis du Gouvernement, nous aviserons quant au vote du présent texte.
M. Olivier Jacquin. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pauline Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis la dernière à m'exprimer en discussion générale : je ne suis pas sûre que la treizième et dernière position me porte chance... Tout semble avoir été dit ! (Sourires.)
La solidarité ne pourra exister durablement que si et seulement si chacun respecte les règles. C'est une évidence pour tous les Nicolas de ce pays – voilà au moins une chose qui n'avait pas été dite (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.) ;…
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
Mme Pauline Martin. … pour ceux qui se lèvent tôt, qui cotisent et voient leur fiche de paie largement entamée pendant que d'autres profitent d'un système obsolète, voire laxiste, parce que nous excellons dans l'art de colmater les brèches au lieu de réformer en profondeur.
Même si ce projet de loi arrive bien tard, il arrive enfin ! Sous la houlette de nos remarquables rapporteurs, nous nous sommes pour notre part attachés à l'amender. En effet, nous ne saurions nous contenter de lutter contre les fraudeurs : il faut surtout prémunir nos concitoyens contre la tentation même de frauder.
Si nous partons à la recherche de l'argent perdu, nous devons avant tout lutter contre les abus ; il ne s'agit nullement de pointer du doigt les bénéficiaires honnêtes – je rappelle qu'aucun de nous n'est à l'abri d'un accident de la vie.
Bien sûr, il faut prendre les chiffres avec précaution ; mais ils nous prouvent qu'il ne s'agit pas là d'un détail de notre système. Il n'existe sans doute pas de recette miracle, mais aucune solution ne doit être délaissée face à cet enjeu de justice sociale.
Si l'intention demeure louable, si cette démarche est nécessaire, la plupart des Français nous demandent d'avoir le courage d'aller au fond des choses. Ils attendent des résultats concrets contre les fraudes du quotidien, celles-là mêmes qui ulcèrent, peinent et démotivent tous les Nicolas de France.
Je ne répéterai bien sûr pas tout ce qui a déjà été dit. Mon expertise portant avant tout sur le social, j'indique simplement qu'il me semble nécessaire de mettre en place des actions volontaristes avant ouverture de droits et en cours de droits, afin de prévenir d'éventuelles velléités de détournement.
Ainsi, pour ce qui concerne les bénéficiaires du RSA, avec le nouveau barème de sanctions en vigueur depuis le 1er juin 2025, on a basculé d'une logique de suppression vers une logique de suspension. Résultat : un demandeur radié peut se réinscrire immédiatement. Où est la fermeté ?
En outre, n'est-il pas temps d'accorder aux départements le statut de membre de droit des comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf) ?
Mme Nathalie Goulet. Oui !
Mme Pauline Martin. Enfin, l'heure est venue de travailler à un guichet social unique pour toutes les prestations non contributives, c'est-à-dire celles qui sont financées par la solidarité nationale. En se limitant à une seule porte d'entrée, on simplifierait les démarches et on renforcerait la coordination. Surtout, face à la fraude, on cesserait d'agir systématiquement a posteriori.
En somme, mes chers collègues, ce texte doit envoyer un signal clair : la solidarité n'est pas une opportunité, elle est une responsabilité. J'espère que les débats qui vont s'ouvrir à présent seront constructifs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Bravo !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales
TITRE Ier
AMÉLIORER LA DÉTECTION DE LA FRAUDE FISCALE ET SOCIALE
Chapitre Ier
Mettre en commun et exploiter les informations nécessaires à la lutte contre la fraude
Avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 229, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code des juridictions financières est complété par un article L. 111-... ainsi rédigé :
« Art. L. 111-.... – I. – La Cour des comptes établit et publie, avant le 30 juin de chaque année, un rapport sur le coût et les mécanismes de l'évasion fiscale, distinguant :
« 1° L'optimisation fiscale agressive, définie comme l'exploitation des subtilités ou incohérences d'un ou plusieurs systèmes fiscaux pour réduire l'impôt dû, sans violation formelle de la loi ;
« 2° La fraude fiscale, définie conformément à l'article 1741 du code général des impôts.
« II. – Ce rapport comprend :
« 1° Une estimation du coût annuel de l'évasion fiscale, ventilée par mécanisme et par secteur d'activité, établie selon les méthodologies validées par la Cour des comptes et conformes aux standards internationaux ;
« 2° Une analyse des mécanismes les plus utilisés, incluant les schémas transfrontaliers et les pratiques des multinationales et des grandes fortunes, ainsi que leur impact sur les finances publiques ;
« 3° Une évaluation de l'efficacité des dispositifs de lutte existants et les sanctions effectivement appliquées.
« III. – Pour établir ce rapport, la Cour des comptes :
« 1° Utilise les données disponibles auprès de la direction générale des finances publiques, de Tracfin, et des administrations fiscales européennes, dans le respect des règles de confidentialité prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ;
« 2° Peut s'appuyer sur les travaux indépendants menés par des associations ou syndicats, après vérification de leur méthodologie par un comité d'experts désignés par le premier président de la Cour des comptes.
« IV. – Le rapport est transmis au Parlement et rendu public. Il est accompagné d'une synthèse pédagogique destinée à informer les citoyens sur les enjeux de l'évasion fiscale et ses conséquences sur les finances publiques et les services publics.
« V. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil des prélèvements obligatoires, précise les modalités d'application du présent article, notamment les méthodologies utilisées pour les estimations et les critères de sélection des audits ciblés. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à combler une carence démocratique majeure : l'absence, en France, d'une évaluation officielle, régulière et transparente du coût de l'évasion fiscale. Monsieur le ministre, vous avez vous-même déploré cette lacune dans votre propos liminaire.
La Cour des comptes elle-même reconnaît que « la France ne dispose pas d'une estimation régulière des irrégularités ou de la fraude concernant les principaux impôts ». Autrement dit, nous légiférons dans le brouillard.
Comment prétendre lutter efficacement contre la fraude si nous ignorons son ampleur réelle, ses mécanismes précis et son coût pour la collectivité ?
Nous proposons donc de confier à la Cour des comptes, institution indépendante garante de la sincérité des comptes publics, la mission d'établir chaque année un rapport public et méthodologiquement rigoureux sur le coût de l'évasion et de la fraude fiscales.
Ce document distinguerait clairement l'optimisation agressive, légale, mais abusive, de la fraude avérée, et en analyserait les principaux mécanismes – prix de transfert, recours aux paradis fiscaux, prêts intragroupe ou encore montages hybrides.
Selon les différentes études disponibles, les pertes que l'évasion fiscale inflige à l'État atteignent 80 milliards à 100 milliards d'euros par an, soit l'équivalent du budget de l'éducation nationale. Mais ces chiffres émanent de travaux indépendants, et non d'une évaluation officielle.
Pour notre part, nous proposons de bâtir enfin un socle statistique solide, validé par la Cour des comptes, adossé aux données de la DGFiP, de Tracfin et des administrations européennes.
Un tel outil est indispensable à la transparence budgétaire, au contrôle parlementaire et à la confiance des citoyens dans l'impôt. Il ne peut y avoir de lutte crédible contre la fraude sans connaissance précise du phénomène.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Institué en vertu du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques de mai 2023, le Conseil d'évaluation des fraudes a précisément pour mission d'évaluer le montant des fraudes fiscales, sociales, douanières et aux aides publiques.
Aussi la commission demande-t-elle le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Pour compléter ce que vient de dire M. le rapporteur pour avis, je tiens à réitérer l'engagement que j'ai pris à la tribune : le Gouvernement réunira très rapidement, c'est-à-dire dans les prochaines semaines, le Conseil d'évaluation des fraudes afin qu'il poursuive ses travaux.
Le Haut Conseil du financement de la protection sociale a estimé à 13 milliards d'euros le coût de la fraude sociale – ce chiffre a été rappelé par de nombreux orateurs. Il convient d'actualiser cette évaluation, le coût de la fraude évoluant par définition chaque année.
En parallèle, nous devons détailler et préciser l'évaluation de la fraude fiscale. Son montant est sans aucun doute supérieur à celui de la fraude sociale, mais, à ce jour, les estimations qui circulent sont d'ampleur très variable.
Cette tâche doit réunir la DGFiP, qui accomplit un travail considérable en la matière, des experts indépendants, notamment des économistes, ainsi que les représentants des organisations syndicales – par le truchement de leurs adhérents, ces dernières peuvent avoir un certain nombre d'informations à faire remonter. Évidemment, les parlementaires travaillant plus particulièrement sur ces sujets ont vocation à être associés au CEF, dont le format me paraît donc, en la matière, le plus adapté.
De son côté, la Cour des comptes a plutôt pour rôle de contre-expertiser l'évaluation produite, conformément à sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement.
Madame la sénatrice, telle est à mes yeux la meilleure répartition des rôles, la plus efficace. En tout état de cause, comme vous le soulignez à juste titre, il importe de préciser le diagnostic.
Pour les raisons indiquées, le Gouvernement vous demande à son tour de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je me réjouis de vos annonces ; mais, pour l'heure, le projet de loi de finances arrive au Sénat et le Conseil d'évaluation des fraudes est toujours en stand-by…
Notre ancien collègue Éric Bocquet et moi-même avons à de multiples reprises sollicité une coprésidence ou une vice-présidence active de ce conseil. Vous venez de dire que les parlementaires y seraient associés. En attendant, nous sommes contraints de travailler au doigt mouillé.
Il est réellement important d'obtenir cette évaluation. Je vous l'accorde, la Cour des comptes n'est pas forcément la mieux à même de faire ce travail, et j'insiste sur le rôle de ce conseil créé sur l'initiative de Gabriel Attal. Il faut le réunir périodiquement, et non seulement « à chaud », pour traiter un certain nombre de problèmes majeurs. Je ne suis pas loin de soutenir cet amendement…
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Ces dispositions de bon sens sont régulièrement proposées dans notre hémicycle.
Il est un peu étonnant de constater que la France est l'un des rares pays de l'OCDE à ne pas disposer d'une évaluation régulière de la fraude fiscale. Les demandes de rapport sont peut-être contraires à la culture du Sénat, mais, pour notre part, nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je voterai moi aussi cet amendement.
J'observe pour ma part que la fraude sociale fait l'objet d'estimations assez maîtrisées : la fourchette dont il s'agit est assez étroite. En revanche, chose remarquable voire étonnante, les évaluations de la fraude fiscale varient entre quelques dizaines de milliards et une centaine de milliards d'euros. À l'évidence, dans notre pays, la lutte contre la fraude sociale est jugée plus importante que la lutte contre la fraude fiscale…
La France est bel et bien l'un des rares pays européens à ne pas savoir du tout où il en est à cet égard. Un rapport annuel, c'est peut-être beaucoup demander ; en tout état de cause, il me semble légitime de mobiliser les moyens de la Cour des comptes pour trancher enfin les débats de chiffres et « resserrer » les fourchettes actuellement disponibles, dont l'ampleur est absolument hallucinante pour ce qui concerne l'estimation de la fraude fiscale – je ne parle même pas de l'optimisation fiscale.
Il est grand temps de mener cette investigation et d'obtenir ce rapport.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 229.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 235, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin de chaque année, un rapport évaluant :
1° Le montant des fraudes fiscales, de l'évasion fiscale et des mécanismes d'évitement fiscal identifiés en France et au sein de l'Union européenne ;
2° Les méthodologies statistiques et comptables utilisées pour établir ces évaluations ;
3° Les principales pratiques frauduleuses constatées, y compris les schémas d'optimisation agressive et les montages transfrontaliers ;
4° Les mesures envisagées ou mises en œuvre pour y remédier ;
5° Les moyens humains, matériels et budgétaires alloués à la direction générale des finances publiques, à la direction générale des douanes et droits indirects et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, pour la détection, le contrôle et la sanction des fraudes.
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Dans la droite ligne de l'amendement précédent, nous proposons la publication annuelle d'un rapport exhaustif portant sur la fraude, l'évasion et l'optimisation fiscales, assorti d'une évaluation des moyens humains de la DGFiP, de la direction générale des douanes et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
La première condition d'une politique publique crédible, c'est évidemment la transparence. Aujourd'hui, nous ne disposons en la matière d'aucun chiffrage officiel consolidé, si l'on excepte – vous l'avez dit, monsieur le ministre – quelques estimations proposées par la Cour des comptes et par le Sénat.
Il convient de mettre fin à cette opacité en donnant au Parlement un outil d'évaluation objectif. Nous cesserions ainsi de légiférer à l'aveugle.
Le rapport que nous demandons permettrait également de calibrer les moyens de contrôle dont dispose l'administration – les effectifs dont nous parlons ont malheureusement fondu de près de 25 % depuis 2008.
L'enjeu est démocratique : il s'agit de savoir qui fraude, pour quels montants, et avec quels effets sur le budget de la Nation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Il s'agit encore une fois d'une demande de rapport, adressée, cette fois, au Gouvernement.
Pour les raisons que j'ai précédemment indiquées, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Les différents orateurs de la discussion générale l'ont souligné : nous avons besoin de mieux connaître la fraude, de mieux l'identifier, pour mieux agir. Voilà, en résumé, le consensus qui se dégage dès à présent, au-delà de nos divergences quant aux réponses à apporter à ce problème.
En vertu d'une « jurisprudence » du Sénat, toutes les demandes de rapport essuient le même refus ; mais le principe même d'une jurisprudence est de pouvoir être contestée. Par définition, celle-ci peut connaître des exceptions ou des revirements, d'autant qu'elle n'est jamais totalement écrite et qu'elle repose largement sur des traditions. On ne saurait l'invoquer systématiquement, en partant du principe qu'elle fait foi en toutes circonstances.
En l'occurrence, comment pourrons-nous agir plus efficacement demain si nous ne connaissons pas mieux, plus en profondeur, un certain nombre des difficultés que nous pointons ?
Une précision, pour conclure, à l'attention du grand public : le Premier ministre ne cesse de dire que nous sommes enfin, désormais, en République parlementaire ; mais l'ensemble des députés et sénateurs restent bridés, dans l'exercice de leur droit d'amendement, par l'article 40 de la Constitution, au nom du sacro-saint dogme de la réduction de la dépense publique, que certains persistent à défendre.
Monsieur le rapporteur pour avis, nous aurons d'autres demandes de rapport à soumettre à notre assemblée au cours de ce débat : il ne s'agit pas d'embêter le monde ou d'aller à l'encontre de telle jurisprudence sénatoriale. Si nous présentons de tels amendements, c'est pour une raison simple : si nous voulons qu'un débat ait lieu sur les sujets dont il est question, nous n'avons pas d'autre solution, dans cette belle République parlementaire qui est la nôtre !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je voudrais préciser ce que j'ai dit tout à l'heure.
Selon les sources, l'évaluation de la fraude fiscale varie entre 14 milliards et 100 milliards d'euros. Comment peut-on, dans un pays comme le nôtre, se satisfaire d'une fourchette si large ?
Mme Sophie Primas. Ce n'est pas du ressort d'un tel rapport !
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous sommes complètement dans le flou.
Le rendement attendu de ce projet de loi est de 1,5 milliard d'euros – M. le ministre nous le confirmera peut-être. J'aimerais savoir précisément quel est le rendement escompté de la lutte contre la fraude sociale, dont la fraude aux cotisations, et quel est celui que l'on attend de la lutte contre la fraude fiscale. Comparé aux chiffres que je viens de citer, le 1,5 milliard d'euros annoncé me paraît bien peu…
Je le répète, c'est une honte qu'en France on se contente d'une telle fourchette.
Monsieur le ministre, vous disposez sans doute de votre propre estimation de la fraude fiscale : où vous situez-vous dans cette fourchette ? Nous serions curieux de le savoir…
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Je ne voudrais pas que nos propositions soient réduites à de simples demandes de rapport, même si j'ai un immense respect, par exemple, pour les rapports produits au Sénat.
Monsieur le rapporteur pour avis, monsieur le ministre, nous sommes d'accord sur le constat : nous manquons de données suffisamment fiables pour resserrer les fourchettes disponibles et estimer précisément le montant réel de la fraude fiscale.
Ce que nous proposons, c'est donc d'avancer sur ces questions. Sur la forme, nous avons dû nous contenter d'une demande de rapport, mais je ne comprends définitivement pas vos avis défavorables.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Il y a, de fait, une certaine logique à commencer par identifier les fraudes.
Depuis quelques jours, nous parlons beaucoup du montant de la fraude sociale – 13 milliards, 15 milliards ou 20 milliards d'euros, selon les cas – et du montant de la fraude fiscale, qui serait d'environ 100 milliards d'euros ; mais tous ces chiffres restent approximatifs. Or, pour endiguer la fraude, il faut partir d'une base précise, ce qui suppose d'identifier ce qui se passe exactement et de mesurer l'évolution de ces phénomènes, année après année.
Ce que tout le monde attend, c'est l'efficacité des mesures mises en œuvre pour réduire massivement la fraude, qu'elle soit fiscale ou sociale. Je le répète, il faut commencer par répondre à des questions simples : où a lieu la fraude ? De quels montants parle-t-on ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 235.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
L'article 706-1-3 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Art. 706-1-3. – Par dérogation à l'article 11, sur autorisation du procureur de la République les ayant requis ou du juge d'instruction leur ayant délivré une commission rogatoire, après avis du procureur de la République, les agents des douanes et les agents des services fiscaux effectuant des enquêtes judiciaires et habilités à cet effet en application des articles 28-1 et 28-2 peuvent communiquer aux agents relevant des administrations des douanes et des finances publiques chargés d'une mission de contrôle toutes informations et tous documents, recueillis dans le cadre de ces enquêtes, susceptibles d'être utiles à l'exercice de cette mission de contrôle. »
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié nonies, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet et Bitz, Mme Sollogoub, MM. Laugier, Maurey, Fialaire et Dhersin, Mmes Tetuanui, Saint-Pé, Antoine, Loisier, Romagny et Guidez, MM. Lafon et Kern, Mme Vermeillet, MM. Fargeot, Menonville et Levi, Mme Perrot, M. Folliot, Mmes de La Provôté et Jacquemet et MM. Courtial, Masset, Cabanel, Haye et Parigi, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2 decies de l'article 283 du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 2 decies. La taxe sur la valeur ajoutée est acquittée par l'assujetti destinataire des biens ou preneur des services, pour les livraisons de biens ou les prestations de services qui sont réalisées dans des secteurs identifiés comme exposés à des risques élevés de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que le destinataire des biens ou le preneur de services est assujetti à ladite taxe en France.
« La liste des secteurs concernés est fixée par arrêté du ministre chargé du budget, sur la base d'une cartographie actualisée des risques établie par l'administration fiscale. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, vous pouvez constater que je n'ai pas attendu longtemps pour déposer cet amendement : il porte le numéro 1.
Il s'agit d'offrir à l'administration une souplesse en matière de liquidation de la TVA, sachant que la fraude à la TVA est assez bien évaluée : elle coûte, chaque année, entre 20 milliards et 25 milliards d'euros.
Dans sa rédaction actuelle, le 2 decies de l'article 283 du code général des impôts précise que, « lorsqu'il est constaté une urgence impérieuse tenant à un risque de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée présentant un caractère soudain, massif et susceptible d'entraîner pour le Trésor des pertes financières considérables et irréparables, un arrêté du ministre chargé du budget prévoit que la taxe est acquittée par l'assujetti destinataire des biens ou preneur de services ».
Nous allons débattre des petits colis ; de même, nous avons longuement discuté des entreprises éphémères, pour ne pas dire jetables. Mais, en réalité, nous ne disposons d'aucun élément précis, d'aucune mesure efficace pour lutter contre la fraude à la TVA.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Ma chère collègue, vous venez de rappeler dans quels cas tout à fait exceptionnels la TVA peut être acquittée par le destinataire et non par le vendeur d'un bien ou d'un service.
Je comprends pleinement la problématique que vous soulevez : le formalisme de l'arrêté en vigueur entraîne une perte de temps préjudiciable. L'essentiel est d'être réactif pour éviter la fraude à la TVA de la part d'entreprises éphémères, qui par définition disparaissent rapidement.
Toutefois, cet amendement me semble présenter d'importants effets de bord. D'une certaine manière, son adoption reviendrait à faire peser une présomption de fraude a priori sur toutes les entreprises d'un même secteur, le ministre chargé du budget devant définir « la liste des secteurs concernés ».
Prenons l'exemple de la restauration : cette règle d'exception devra-t-elle être appliquée à tous les restaurateurs du pays ? À l'évidence, non.
Il pourrait être judicieux, comme vous le suggérez, de simplifier le formalisme de l'arrêté prévu au 2 decies de l'article 283 du code général des impôts. En ce sens, un travail pourrait être mené, notamment par le Gouvernement ; mais les dispositions de cet amendement ne me semblent pas réalistes. À ce stade, j'en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. En complément des explications fournies par M. le rapporteur pour avis, je signale que le fait de cibler des secteurs de manière aussi générale serait probablement contraire à la directive européenne TVA. En vertu de cette directive, l'activation de la procédure d'urgence doit d'ailleurs faire l'objet d'une notification à la Commission européenne.
Néanmoins, madame la sénatrice, je crois moi aussi que cette procédure doit pouvoir être activée beaucoup plus facilement. M. le rapporteur pour avis semble partager cette position.
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Oui !
M. David Amiel, ministre délégué. Face au problème réel que vous évoquez, je vous propose que nous travaillions ensemble à la révision de cet arrêté. C'est la raison pour laquelle je vous demande à mon tour de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, nous aurons bientôt une séance de rattrapage : dans moins de deux semaines, le Sénat commencera l'examen du projet de loi de finances en séance publique !
Sauf erreur, Mme de Montchalin s'est rendue ce matin à Roissy – elle y était déjà allée la semaine dernière – pour une opération liée au problème des petits colis, qui donnent lieu à une évasion massive.
Vous vous engagez à travailler cette question d'ici à l'examen du PLF. Ici, nous ne sommes pas dans la République du chantage ; nous sommes dans la République de la construction…
Mme Cécile Cukierman. C'est beau !
Mme Nathalie Goulet. Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié nonies est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 139 rectifié est présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile et Patriat, Mme Aeschlimann, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 149 rectifié est présenté par Mmes N. Goulet et Guillotin et M. Gold.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 135 ZR du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 135... ainsi rédigé :
« Art. L. 135.... – L'administration fiscale communique, par voie électronique, aux entités mentionnées au 1° de l'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration les informations qu'elle détient en application de l'article 1649 A du code général des impôts et qui sont nécessaires à la vérification de la cohérence entre les coordonnées bancaires communiquées en vue du paiement d'une prestation ou d'un avantage prévus par des dispositions législatives ou des actes réglementaires et l'identité du bénéficiaire de ce dernier. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l'amendement n° 139 rectifié.
M. Xavier Iacovelli. La direction générale des finances publiques a créé une interface pour vérifier que les coordonnées bancaires indiquées dans une demande d'aide sont bien celles du bénéficiaire.
Cette interface permet une interrogation automatique du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) ; une réponse est ensuite envoyée, positive ou négative, au partenaire à l'origine de la requête.
Nous proposons d'étendre cet accès à l'ensemble des administrations, au sens du code des relations entre le public et l'administration. Une telle mesure est de nature à limiter considérablement le nombre de fraudes : cet accès permettra de sécuriser le traitement des dossiers de demande d'aide tout en réduisant les délais d'instruction.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 149 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. En tant que rapporteur du texte sur les faux IBAN – la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire –, adopté définitivement il y a deux semaines, je me devais moi aussi de déposer cet amendement, qui vient d'être extrêmement bien défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Favorable !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 139 rectifié et 149 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 6 rectifié decies, présenté par Mme N. Goulet, MM. Bitz, Canévet, Dhersin, Fialaire, Fargeot, Laugier et Maurey, Mmes Sollogoub, Tetuanui, Antoine et Guidez, M. Kern, Mmes Romagny et Vermeillet, MM. Lafon et Menonville, Mmes Loisier et Perrot, M. Daubet, Mme Guillotin, MM. Gold et Courtial, Mmes Jacquemet et N. Delattre et MM. Cabanel, Haye et Parigi, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent l'adoption de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur une réforme du conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je sais bien que le Sénat n'aime pas les demandes de rapport, mais nous avons tout de même un léger problème avec le blanchiment…
Alors que le coût du blanchiment est estimé à 50 milliards d'euros, le taux de recouvrement des avoirs criminels n'est que de 2 %. Il convient donc de se pencher sur cette question, en vue d'une éventuelle réforme du Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (Colb).
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. L'organisation actuelle du Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ne paraît pas poser problème. En tout cas, elle n'est pas remise en cause par les principaux acteurs de la lutte antiblanchiment, dont cette instance assure la coordination.
En outre, la légitimité du Colb n'est pas contestée : aucune demande ne nous a été adressée en ce sens lors de nos auditions.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Ces dispositions relèvent elles aussi du bon sens. Les mécanismes actuels ne fonctionnent pas : tôt ou tard, il faudra bien les réformer…
Nous voterons cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié decies.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Nous en venons aux articles 3, 3 bis, 9, 15, 18, 19, 20, 20 bis, 20 ter, 20 quater et 23, appelés en priorité, ainsi qu'aux amendements tendant à insérer des articles additionnels qui leur sont rattachés.
Article 3 (priorité)
I. – Au deuxième alinéa de l'article L. 123-50 du code de commerce, après les mots : « inscriptions d'informations », sont insérés les mots : « , y compris les immatriculations et radiations d'office, ».
II. – Après l'article L. 135 J du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 135 JA ainsi rédigé :
« Art. L. 135 JA. – L'administration fiscale transmet à l'organisme unique mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 123-33 du code de commerce, dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 123-50 du même code, les informations nécessaires à l'immatriculation au registre prévu à l'article L. 123-36 dudit code des personnes exerçant une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du présent code et à la radiation des personnes qui ne respectent pas l'obligation prévue au I de l'article 289 A du code général des impôts. »
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.
M. Marc Laménie. Avant tout, je tiens à saluer le travail accompli par l'ensemble de nos rapporteurs.
Nous avons déjà longuement parlé de plusieurs administrations importantes, notamment la direction générale des finances publiques et l'administration des douanes.
L'article 3 a pour objet la transmission par la DGFiP d'informations de nature fiscale à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi).
La commission des finances est favorable à cet article : il s'agit d'assurer un aménagement équilibré du secret fiscal, qui protège les informations dont il est question, en vue du partage d'informations nécessaire à la fiabilisation du registre national des entreprises (RNE), créé par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).
À cet égard, un certain nombre de nos collègues, à commencer par Nathalie Goulet et Raphaël Daubet, ont mené un travail remarquable dans le cadre de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales.
L'immatriculation au RNE est une information publique, qui renforce la traçabilité des entreprises par les administrations utilisatrices de ce fichier. C'est aussi un moyen de lutter contre la fraude, notamment la fraude à la TVA.
Aussi les élus du groupe Les Indépendants voteront-ils l'article 3.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Après l'article 3 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Lurel, Mme Canalès, MM. Fichet, Jacquin, Kanner et Cozic, Mme Le Houerou, M. Raynal, Mmes Briquet et Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre V de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Déclaration de certaines opérations de réorganisation d'entreprises dans des États à régime fiscal privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A
« Art. 1378 .... - I. – Est tenu d'adresser une déclaration à l'administration, à titre d'information, toute entité juridique ou établissement stable établi en France qui participe à une opération telle que définie au II avec une entreprise liée au sens du 12 de l'article 39, établie ou constituée hors de France soit dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A, soit dans un État ou territoire dans lequel elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A.
« II. – Est soumise à déclaration l'opération donnant lieu à des recettes ou dépenses réelles et ne présentant pas de caractère anormal ou exagéré, au sens de l'article 238 A, et qui suscite au moins une des conséquences suivantes :
« 1° Le transfert d'un actif corporel ou incorporel ;
« 2° La rupture ou la renégociation d'un accord préexistant.
« III. – Cette déclaration indique :
« 1° Lorsqu'il s'agit d'un transfert d'actif visé au 1° du II, l'élément transféré et sa valeur au moment du transfert, en mentionnant la méthode de valorisation utilisée, le nom de l'entreprise destinataire du transfert, ainsi que la nature et la valeur de la contrepartie financière reçue ;
« 2° Lorsqu'il s'agit de la rupture ou de la renégociation d'un accord préexistant mentionné au 2° du II, les éléments contractuels modifiés ou supprimés, l'impact sur les entreprises liées concernées, la nature et la valeur de la contrepartie financière reçue.
« IV. – Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
II. – Le présent article est applicable à partir du 1er janvier 2027.
III. – Le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de l'application du présent article et des perspectives du système de déclaration préalable en droit fiscal français au plus tard le 30 septembre 2027.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Selon nous, les opérations de réorganisation d'entreprise doivent être systématiquement déclarées à l'administration fiscale, dès lors que des éléments de valeurs sont transférés par une entreprise établie en France à une entreprise liée établie dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée ou dans un État non coopératif, ou que l'entreprise établie en France est affectée par une rupture ou une renégociation d'accords existants qui profite à l'entreprise liée.
L'objectif est que l'administration n'ait plus à investir d'importantes ressources pour mettre au jour les montages menant à l'évasion fiscale. Il s'agit de mieux identifier en amont les entreprises et les secteurs susceptibles de procéder à des opérations irrégulières.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. L'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales porte notamment sur la documentation relative aux prix de transfert.
La déclaration prévue à ce titre doit permettre à l'administration d'appréhender l'environnement économique, juridique, financier et fiscal du groupe d'entreprises associées.
Les intermédiaires financiers ayant participé à des réorganisations aux fins d'optimisation sont également tenus de déclarer à l'administration tout dispositif transfrontalier.
Aussi la commission demande-t-elle le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Nous voterons en faveur de cet amendement, qui a pour objet de s'attaquer à la véritable matrice de la fraude fiscale : les montages intragroupe opaques permettant à des multinationales de transférer leurs bénéfices dans des paradis fiscaux sans justification économique réelle.
C'est précisément par ces schémas de réorganisation, de transfert d'actifs, de renégociation de contrats intragroupe et de manipulation des prix de transfert que les grandes entreprises parviennent à déplacer artificiellement leurs profits et à échapper à l'impôt.
Aujourd'hui, l'administration fiscale découvre ces montages bien trop tard ou après des années d'enquête, avec à la clé des pertes colossales pour nos finances publiques.
Les auteurs de cet amendement se sont inspirés de la recommandation n° 12 du plan Érosion de la base d'imposition et transfert des bénéfices (BEPS) de l'OCDE. Ils proposent une réponse simple et efficace : obliger les entreprises à déclarer en amont toute opération de transfert d'actifs, de rupture ou de renégociation des contrats intragroupe impliquant un État à fiscalité privilégiée.
Un tel dispositif permettrait à la DGFiP de mieux cibler ses contrôles, de prévenir la fraude au lieu de la constater trop tard et de rééquilibrer la charge du contrôle entre grandes entreprises et contribuables ordinaires.
Actuellement, 70 % des redressements concernent des particuliers, alors que 63 % de la fraude en valeur est d'origine entrepreneuriale.
L'adoption de cet amendement donnerait corps à une exigence de justice fiscale que le projet de loi ignore. En l'occurrence, il s'agit non pas de traquer les allocataires du RSA, mais bien de responsabiliser les acteurs qui disposent de moyens techniques, bancaires et juridiques pour contourner l'impôt.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Le Premier ministre m'a emmenée non pas dans un paradis fiscal, mais au siège de la direction nationale des enquêtes fiscales, à Romainville, où l'on a remercié le législateur d'avoir diminué le seuil de contrôle des prix de transfert de 400 millions à 140 millions d'euros voilà deux ans.
Avec Éric Bocquet, nous avions évoqué le café, les bananes, etc. Une grande partie de la fraude passe par les prix de transfert intragroupe ; c'est un vrai sujet.
Je voterai cet amendement des deux mains.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Selon notre rapporteur pour avis, le dispositif que nous proposons serait déjà prévu dans les textes, et notre amendement serait donc satisfait. Mais la réalité est tout autre.
Comme les deux collègues qui m'ont précédé viennent de le rappeler, la fraude passe par les relations intragroupe, les prix de cession interne et par certains régimes comptables, comme l'intégration fiscale, le régime mère-fille, etc.
L'administration ne contrôle rien du tout ! Elle est tributaire des informations que veulent bien lui transmettre les groupes.
Cet amendement me paraît de bon sens s'agissant, à tout le moins, de savoir ce qui se passe au sein des groupes et de connaître les modalités des transferts de valeurs à l'étranger.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Avec l'examen de cet amendement, nous entamons un moment assez singulier dans la discussion de ce projet de loi : j'observe que les amendements visant une obligation de déclaration à l'administration fiscale, par les entreprises, d'un lien financier avec des faits susceptibles de se produire à l'étranger font l'objet, dans leur quasi-totalité, d'une demande de retrait ou d'un avis défavorable.
Si demander à une entreprise de déclarer un mouvement à l'administration fiscale pose problème, comment allons-nous pouvoir outiller notre pays pour faire face concrètement aux défis de la fraude et du blanchiment ? La question des déclarations de mouvements avec l'étranger est pourtant l'un des principaux éléments qui sont ressortis des travaux de la commission d'enquête sur la lutte contre la délinquance financière ! Nous évoquerons un peu plus tard le sujet de la déclaration des comptes à l'étranger ; l'enjeu est que l'administration puisse avoir une visibilité sur les mouvements et les transferts financiers entre la France et l'étranger.
Nous voterons donc cet amendement, et nous regrettons qu'il fasse l'objet d'un avis défavorable, comme, d'ailleurs, la quasi-totalité des amendements similaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué. Je ne veux aucun malentendu : nous sommes totalement d'accord sur le fond ; si j'ai formulé une demande de retrait, c'est parce que l'amendement est satisfait.
En effet, la directive de 2018 prévoit déjà que les opérations de réorganisation doivent être notifiées à l'administration fiscale quand elles se traduisent par un transfert d'activités et d'actifs vers des territoires à fiscalité dite « privilégiée » – ce sont précisément ces situations qui sont visées par l'amendement.
Si nous sollicitons le retrait de cet amendement, j'y insiste, ce n'est en aucun cas en raison d'une hostilité de principe ; c'est tout simplement parce que le dispositif proposé figure déjà dans le droit en vigueur.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par M. Lurel, Mme Canalès, MM. Fichet, Jacquin, Kanner et Cozic, Mme Le Houerou, M. Raynal, Mmes Briquet et Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre V de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un chapitre... ainsi rédigé :
« Chapitre...
« Déclaration de certaines opérations caractérisées, dans le but de lutter contre l'évasion fiscale et de prévenir les abus de droit
« Art. 1378 decies. – I. – Dans le but de lutter contre l'évasion fiscale et de prévenir les abus de droit tels qu'ils sont définis à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, les personnes morales établies en France dont l'activité professionnelle consiste en tout ou partie à fournir des prestations de conseil à des personnes morales établies en France et passibles de l'impôt sur les sociétés au sens du I de l'article 209 du présent code sont soumises à une obligation de déclaration auprès de l'administration, dans les conditions définies au présent article.
« Doivent être déclarées, dans les trente jours suivant leur fourniture, les prestations de conseil permettant la mise en œuvre d'une opération ou d'un ensemble d'opérations liées lorsqu'elles réunissent les conditions cumulatives suivantes :
« 1° L'opération ou l'ensemble d'opérations liées présente au moins une des caractéristiques suivantes :
« a) Implique une entité juridique : personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, établie ou constituée soit dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0-A, soit dans un État ou territoire dans lequel elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A ;
« b) Permet de réduire d'au moins un million d'euros le montant d'impôt sur les bénéfices dont la personne morale établie en France aurait été redevable en l'absence de mise en œuvre de l'opération ou de l'ensemble d'opérations liées.
« 2° L'opération ou l'ensemble d'opérations liées présente au moins une des caractéristiques mentionnées au 1° et a une des conséquences suivantes :
« a) Augmente le montant des déficits reportables sur l'exercice suivant au sens du troisième alinéa du I de l'article 209 ou augmente la créance non imposable résultant du déficit constaté au cours d'un exercice considéré comme une charge déductible de l'exercice précédent au sens de l'article 220 quinquies ;
« b) Augmente le montant d'une moins-value au sens de l'article 39 duodecies ou d'une charge au sens du 1 de l'article 39 en cas d'exercice bénéficiaire ;
« c) Procède à un transfert d'un actif corporel ou incorporel, ou à la rupture ou renégociation d'un accord existant, qui donneraient lieu à rémunération ou indemnisation entre parties indépendantes dans des conditions comparables ;
« d) Concerne les redevances de concessions de produits de la propriété industrielle définis à l'article 39 terdecies ;
« e) Fait bénéficier la personne morale établie en France ou un tiers d'un crédit d'impôt prévu par une convention fiscale ;
« f) Concerne les produits des participations au sens de l'article 145.
« II. – Le manquement à l'obligation de déclaration prévue au I entraîne l'application d'une amende égale à 25 000 euros.
« III. – La déclaration prévue au I n'ouvre pas droit à l'application des dispositions de l'article L. 64 B du livre des procédures fiscales.
« Art. 1378 undecies. – Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État. »
II. – Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2027.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à instaurer une obligation de déclaration de certaines opérations à la charge des conseils d'entreprise. Ce procédé a été proposé à maintes reprises dans divers rapports parlementaires. Par ailleurs, ce type de déclaration est déjà effectif dans huit pays dont je vous épargne l'énumération.
Concrètement, il s'agit de demander aux cabinets qui commercialisent des prestations de conseil en matière de fiscalité de transmettre à l'administration fiscale les schémas commercialisés dès lors que ces derniers permettent une économie d'impôt sur les bénéfices d'au moins 1 million d'euros ou concernent des transactions entre l'entreprise bénéficiaire et une entité située dans un État non coopératif ou à fiscalité privilégiée.
L'objectif est la lutte contre l'évasion. En étant un peu audacieux, nous pourrions même traiter en amont l'optimisation fiscale, laquelle, certes, reste légale, en prévoyant une obligation de signalement et de notification avant toute commercialisation, livraison ou publication en ligne des schémas dont il est question.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Lurel, Mme Canalès, MM. Fichet, Jacquin, Kanner et Cozic, Mme Le Houerou, M. Raynal, Mmes Briquet et Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre V de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Déclaration de certaines prestations de conseil afin de lutter contre l'évasion fiscale et de prévenir les abus de droit
« Art. 1378 .... – I. – Dans le but de lutter contre l'évasion fiscale et de prévenir les abus de droit tels qu'ils sont définis à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, les personnes domiciliées ou établies en France dont l'activité professionnelle consiste en tout ou partie à fournir des prestations de conseil à des personnes exploitant une entreprise en France au sens du I de l'article 209 du présent code sont soumises à une obligation de déclaration dans les conditions définies au présent article.
« Doivent être déclarées à l'administration les prestations de conseil dont la mise en œuvre :
« 1° Implique une entité : personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, établie ou constituée soit dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0-A, soit dans un État ou territoire dans lequel elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A ;
« 2° A pour effet de faire naître ou de modifier dans leur sens ou leur montant un ou plusieurs des flux suivants, entre la personne exploitant une entreprise en France et l'entité mentionnée au 1° :
« a) les redevances de concessions de produits de la propriété industrielle définis à l'article 39 terdecies ;
« b) les produits des participations au sens de l'article 145 ;
« c) les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition ;
« 3° Et laisse espérer à la personne exploitant une entreprise en France une réduction d'au moins 1 million d'euros du montant d'impôt sur les bénéfices dont elle aurait été redevable sans cette mise en œuvre.
« La déclaration intervient dans les trente jours suivant la fourniture des prestations de conseil.
« Les personnes soumises à l'obligation de déclaration sont tenues de garantir l'anonymat des personnes exploitant une entreprise en France mentionnées au premier alinéa.
« II. – Les dispositions du I s'appliquent à titre expérimental, pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2027.
« III. – Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il s'agit d'un amendement de repli, dans l'hypothèse où le précédent vous paraîtrait un peu trop sévère. Nous proposons, là encore, d'instaurer une obligation d'information préalable, mais, cette fois, en garantissant l'anonymat et sans prévoir de sanction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Dans la continuité des propos du ministre, je vous confirme, mon cher collègue, qu'il n'y a absolument aucun désaccord de fond entre nous. Les obligations de déclaration qui sont ici réclamées nous semblent tout à fait justifiées et indispensables. Simplement, comme elles sont déjà prévues par le droit en vigueur, il ne nous paraît pas nécessaire d'adopter des amendements pour les mettre en place…
Or, précisément, les amendements nos 18 et 19 sont eux aussi satisfaits. Je le rappelle, la directive du 25 mai 2018, dite « DAC 6 », transposée par l'ordonnance du 21 octobre 2019, oblige les personnes fournissant des services fiscaux à déclarer des dispositifs transfrontières potentiellement agressifs sur le plan fiscal. Pour déterminer le caractère « agressif » d'un dispositif, on utilise des marqueurs qui déclenchent l'obligation déclarative. Les transactions avec des entités situées dans les États et territoires non coopératifs (ETNC) sont justement l'un de ces indicateurs.
Ainsi, depuis 2019, tout schéma d'optimisation fiscale impliquant un dispositif transfrontières avec une entreprise située dans un État non coopératif doit faire l'objet d'une déclaration aux services fiscaux de la part de l'entreprise de conseil qui en est à l'origine.
La commission des finances demande donc le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le rapporteur, vous arguez que notre demande est satisfaite ; permettez-moi de contester cet avis.
Cela fait de longues années que la France est signataire du fameux programme BEPS de l'OCDE. Qu'en est-il aujourd'hui ? Sa recommandation n° 12 n'est toujours pas respectée…
C'est pourquoi nous avons déposé ces deux amendements, que nous maintenons.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements et d'un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 70 rectifié quater, présenté par MM. Canévet, Dhersin et Laugier, Mmes Antoine et Herzog, MM. Mizzon et Bonneau, Mme Housseau, M. Longeot, Mmes Havet et Romagny, MM. Kern, Duffourg et Courtial, Mmes Jacquemet, Patru et Perrot, M. Lafon, Mmes Guidez et Billon, M. Haye et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 121 du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'administration des impôts communique aux conseils de l'ordre des experts-comptables, à leur demande et par l'intermédiaire des fonctionnaires mentionnés au premier alinéa, les informations relatives à leurs usagers nécessaires à l'engagement de poursuites pour l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable. »
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cet amendement vise à lutter contre l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 144 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 263 rectifié bis est présenté par M. Canévet, Mmes Patru et Sollogoub, MM. Kern et Laugier, Mmes Gacquerre et Billon et MM. Courtial et Duffourg.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 121 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase, après le mot : « peuvent », est inséré le mot : « indifféremment », après le mots : « saisis » sont insérés les mots : « ou sur les dossiers dont ils se saisissent », et les mots : « , la discipline professionnelle ou l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable » sont remplacés par les mots : « et la discipline professionnelle » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ils peuvent également communiquer aux conseils de l'ordre des experts-comptables les informations nécessaires à l'engagement de poursuites pour l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l'amendement n° 144 rectifié bis
M. Xavier Iacovelli. Alors que de nombreux fraudeurs ont recours à des officines non inscrites à l'ordre des experts-comptables dans l'objectif de déposer des demandes de financement, d'aides ou de réductions d'impôt, l'ordre a la faculté de saisir les juridictions pénales de situations d'exercice illégal.
Cet amendement vise donc à améliorer le dispositif de levée du secret professionnel pour mieux lutter contre la fraude.
Ainsi, l'administration fiscale pourra, à la demande de l'ordre, mais aussi, désormais, de sa propre initiative, communiquer les informations fiscales utiles aux conseils de l'ordre et aux instances disciplinaires compétentes.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l'amendement n° 263 rectifié bis.
M. Michel Canévet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 310, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Amendement n° 144
I. – Alinéa 4
Après le mot :
indifféremment « ,
insérer les mots :
les mots : « chambres de discipline » sont remplacés par les mots : « instances disciplinaires »,
II. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
de l'ordre des experts-comptables
par les mots :
, aux commissions et aux instances disciplinaires mentionnés ci-dessus
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s'agit d'un modeste sous-amendement de précision à l'amendement de mon ami Xavier Iacovelli.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. La commission des finances demande le retrait de l'amendement n° 70 rectifié quater au profit des amendements identiques nos 144 rectifié bis et 263 rectifié bis, modifiés par le sous-amendement n° 310.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Le Gouvernement, convaincu de la nécessité de lutter contre l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, est favorable sur le principe à ces amendements, dont l'adoption permettrait de simplifier et de systématiser les échanges dont il est question.
Toutefois, pour des raisons de précision légistique, je demande aux auteurs de l'amendement n° 70 rectifié quater de bien vouloir le retirer au profit des amendements identiques nos 144 rectifié bis et 263 rectifié bis, modifiés par le sous-amendement n° 310 de Mme Goulet.
M. Michel Canévet. Je retire l'amendement n° 70 rectifié quater.
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié quater est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 310.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 144 rectifié bis, modifié, et 263 rectifié bis, considéré comme modifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
L'amendement n° 246 rectifié bis, présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 135 ZA du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 135 ... ainsi rédigé :
« Art. L. 135.... – Pour les besoins de l'accomplissement de leurs missions de contrôle du respect par les organismes sans but lucratif de leurs obligations de transparence financière, les agents des services centraux du ministère de l'intérieur chargés du suivi de ces organismes, individuellement désignés et habilités, disposent d'un droit d'accès direct aux informations contenues dans le fichier tenu en application de l'article 1649 ter du code général des impôts, aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu'aux informations mentionnées à l'article L. 107 B du présent livre.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités selon lesquelles les agents des services mentionnés au premier alinéa sont habilités, les conditions dans lesquelles ces services assurent la traçabilité des consultations effectuées ainsi que les modalités de conservation et de destruction des informations consultées. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Alors que la loi encadre strictement la détention patrimoniale et le financement des associations, dans les faits, les services de l'État disposent aujourd'hui de moyens très limités pour vérifier le respect des obligations afférentes.
Or il existe de nombreuses dérives. Certaines associations utilisent leur statut pour gérer un patrimoine immobilier sans rapport avec leur objet social, tout en bénéficiant indûment d'avantages fiscaux liés au mécénat. Ces montages frauduleux représentent une dépense fiscale injustifiée, qui porte atteinte à la confiance dans le monde associatif en en nourrissant une image caricaturale.
Cet amendement vise donc à doter le ministère de l'intérieur d'un accès encadré à certaines bases de données fiscales et immobilières, afin de lui permettre de mieux contrôler la transparence et la sincérité des comptes des organismes sans but lucratif.
Une telle disposition renforcerait la transparence et permettrait de lutter efficacement contre les fraudes sans porter atteinte à la vie privée, grâce à des garanties strictes de traçabilité et d'habilitation des agents concernés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Nous partageons l'objectif des auteurs de cet amendement. Simplement, nous souhaiterions connaître l'avis du Gouvernement pour qu'il nous éclaire sur l'intérêt opérationnel d'un tel dispositif.
M. Victorin Lurel. Cet amendement, c'est du bon sens !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. En effet, monsieur le sénateur, c'est du bon sens : voilà qui résume l'avis du Gouvernement.
Aujourd'hui, les agents chargés de contrôler le respect par les organismes visés de leurs obligations déclaratives ne bénéficient pas de l'accès aux bases leur permettant de le faire, en particulier en matière immobilière et patrimoniale.
Avis favorable.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 246 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 145 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 262 rectifié bis est présenté par M. Canévet, Mmes Patru et Sollogoub, MM. Kern et Laugier, Mmes Gacquerre et Billon et MM. Courtial et Duffourg.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° À l'intitulé du 7° du VII de la section II du chapitre III du titre II de la première partie, le mot : « autorisés » est supprimé ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 166 C, le mot : « doit » est remplacé par le mot : « peut ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l'amendement n° 145 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. Aujourd'hui, l'administration fiscale est contrainte de communiquer aux instances régionales de l'ordre des experts-comptables les résultats des contrôles fiscaux de leurs clients.
Notre amendement vise à remplacer cette obligation par une faculté. Une telle rédaction permettrait de conserver le principe d'information tout en renforçant le rôle de surveillance de l'ordre des experts-comptables.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l'amendement n° 262 rectifié bis.
M. Michel Canévet. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. En l'état du droit, l'administration fiscale est tenue de communiquer aux instances régionales de l'ordre des experts-comptables les résultats des contrôles fiscaux dont ont fait l'objet les clients des professionnels de l'expertise comptable qui avaient signé une convention de visa fiscal avec la DGFiP ; cela a été rappelé.
Or cette obligation de communication faite à l'administration devrait être aujourd'hui abrogée, la loi de finances pour 2025 ayant supprimé le dispositif de convention de visa fiscal. Cet amendement vise à la maintenir en vigueur.
Si une telle mesure nous semble aller dans le bon sens, je souhaite, là encore, recueillir l'avis du Gouvernement sur l'opportunité, d'un point de vue opérationnel, d'instituer une simple faculté d'information de l'ordre des experts-comptables, alors que le droit antérieur prévoyait une obligation de communication.
M. Victorin Lurel. Là encore, c'est du bon sens !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. En effet, monsieur le sénateur : il s'agit, là aussi, d'amendements de bon sens, pour les raisons que M. le rapporteur pour avis vient de rappeler.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Favorable !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 145 rectifié bis et 262 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
L'amendement n° 21, présenté par M. Lurel, Mme Canalès, MM. Fichet, Jacquin, Kanner et Cozic, Mme Le Houerou, M. Raynal, Mmes Briquet et Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du dernier alinéa du I de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales, les mots : « doivent tenir à disposition de » sont remplacés par les mots : « transmettent annuellement à ».
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Le droit en vigueur dispose que les grandes entreprises internationales établies en France « doivent tenir à disposition de l'administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre de transactions de toute nature ».
Dans un souci d'effectivité de la loi, nous proposons que cette obligation de transmission soit appliquée sur une base annuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Le livre des procédures fiscales prévoit déjà – cela a été rappelé – que les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros doivent tenir à la disposition de l'administration fiscale une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée par les entreprises associées.
Cet amendement tend à transformer cette obligation de mise à disposition en une obligation de transmission à l'administration fiscale. Le droit donne déjà accès à ces informations à la DGFiP en cas de contrôle, et cette documentation est opposable aux entreprises. Dès lors, si la documentation requise n'est pas mise à la disposition de l'administration ou si elle ne l'est que partiellement, l'entreprise fait l'objet d'une mise en demeure assortie de sanctions.
En conséquence, la disposition proposée ne semble apporter aucune plus-value pour ce qui est de l'effectivité du contrôle des prix de transfert : avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'analyse de la commission.
Au demeurant, les entreprises réalisant un chiffre d'affaires de plus de 150 millions d'euros encourent aujourd'hui, en cas de non-transmission de la documentation qui leur est demandée, des amendes très dissuasives, car proportionnelles au montant des prix de transfert considérés.
Or – et j'imagine bien que telle n'est pas votre intention, monsieur le sénateur – l'adoption de votre amendement aurait pour effet de supprimer ces amendes.
Si nous nous rejoignons sur l'objectif, je considère donc que le droit existant permet de l'atteindre de manière plus opérationnelle.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
M. Victorin Lurel. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
Article 3 bis (nouveau) (priorité)
I. – Après l'article L. 81 A du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 81 B ainsi rédigé :
« Art. L. 81 B. – Lorsque l'administration exerce son droit de communication à l'égard d'une personne, d'un établissement ou d'un organisme soumis à l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts, elle peut lui demander de répondre sous une forme dématérialisée, selon des modalités et formats fixés par arrêté du ministre chargé du budget. »
II. – Le paragraphe 2 de la section 3 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complété par un article 65 sexies ainsi rédigé :
« Art. 65 sexies. – Lorsque le droit de communication prévu par la présente section est exercé à l'égard d'une personne, d'un établissement ou d'un organisme soumis à l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts, les agents des douanes compétents peuvent lui demander de répondre sous une forme dématérialisée, selon les modalités et formats fixés par arrêté du ministre chargé des douanes. – (Adopté.)
Après l'article 3 bis (priorité)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 141 rectifié est présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile et Patriat, Mme Aeschlimann, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 148 rectifié bis est présenté par Mmes N. Goulet et Guillotin et M. Gold.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 5° du II de l'article 1649 AC ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, les mots : « au même article 1649 AC bis » sont remplacés par les mots : « aux a à d du 2° du I du présent article et remplit dans cet État ou ce territoire des obligations équivalentes à celles prévues à l'article 1649 AC bis ; ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l'amendement n° 141 rectifié.
M. Xavier Iacovelli. La directive européenne dite « DAC 8 » instaure une obligation déclarative à la charge des prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) portant sur les transactions sur actifs numériques, les comptes utilisés pour les détenir et les titulaires de ces comptes.
Cet amendement vise à clarifier les exemptions déclaratives en précisant que seules les entités remplissant à l'étranger des obligations équivalentes peuvent être dispensées de déclaration en France.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 148 rectifié bis.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a été excellemment défendu.
La semaine dernière, lors de l'examen de ma proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment, nous avons, en adoptant un amendement de notre collègue Pascal Savoldelli, adressé au Gouvernement une demande de rapport sur les crypto-actifs. Ce travail permettra d'évoquer à la fois la fiscalité et le contrôle.
Le Gouvernement s'est d'ailleurs engagé à ouvrir ce dossier dès le début de la navette.
C'est une très bonne idée !
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Ces amendements s'inscrivent dans la continuité de dispositions que nous avons votées en loi de finances pour 2025 : avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Avec les membres de mon groupe, nous avons besoin d'une clarification.
Si je comprends bien, c'est un allègement de la législation sur les crypto-actifs qui est ici proposé. Est-ce vraiment opportun ? Des obligations de réciprocité dans nos relations avec d'autres États, notamment européens, sont peut-être en jeu. Mais j'aimerais avoir quelques explications.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je l'ai indiqué, ces amendements s'inscrivent dans la continuité de la loi de finances pour 2025, qui a institué à l'article 1649 AC bis du code général des impôts une obligation déclarative en France à la charge des prestataires de services sur crypto-actifs.
Ces amendements, tels que nous les comprenons, visent à apporter une précision qui nous paraît bienvenue, en garantissant la conformité des dispositifs avec la directive « DAC 8 ». (M. Xavier Iacovelli le confirme.) C'est la raison pour laquelle l'avis de la commission est favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 141 rectifié et 148 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3 bis.
Article 9 (priorité)
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L'article L. 621-20-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « financier, le cas échéant après avis du juge d'instruction » sont supprimés ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si la procédure fait l'objet d'une information, cette communication ne peut intervenir qu'après avis favorable du juge d'instruction. » ;
2° Aux articles L. 783-10, L. 784-10 et L. 785-9, la douzième ligne du tableau du second alinéa du I est ainsi rédigée :
« |
L. 621-20-4 |
la loi n° … du … relative à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales |
» |
M. le président. L'amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Canévet, Dhersin et Laugier, Mmes Antoine et Herzog, M. Mizzon, Mme N. Goulet, MM. Haye et Bonneau, Mme Housseau, MM. Maurey et Longeot, Mmes Havet et Romagny, M. Kern, Mmes Billon, Vermeillet et Guidez, M. Lafon, Mmes Perrot, Saint-Pé, Patru et Jacquemet et MM. Courtial et Duffourg, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 521-6-1, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-1058 du 6 novembre 2025 visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire, est ainsi modifié :
a) Le III est abrogé ;
b) Le premier alinéa du V est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Cette interdiction ne s'applique ni aux administrations ayant à lutter contre les fraudes sociales et fiscales ni aux sociétés de financement mentionnées à l'article L. 511-1 au titre de leurs obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Un arrêté définit la liste des administrations habilitées à consulter les informations figurant dans le fichier. » ;
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Je tiens beaucoup à cet amendement de bon sens.
La loi du 6 novembre 2025 visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire a institué un fichier national des comptes susceptibles d'être frauduleux qui va être géré par la Banque de France. Il me semble important que le plus grand nombre possible d'acteurs intéressés puisse y avoir accès. À défaut, ce fichier n'aurait pas d'intérêt.
Je propose donc de nous inspirer de ce qui existe aujourd'hui pour le Ficoba, le fichier national des comptes bancaires et assimilés, en permettant à un certain nombre d'administrations fiscales et sociales – je pense par exemple aux Urssaf – d'accéder à ce nouveau fichier, en consultation seule, afin d'identifier des comptes potentiellement frauduleux.
Il serait également utile que les sociétés de financement, qui sont des filiales des organisations bancaires et sont supervisées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, puissent également avoir accès au nouveau fichier national des comptes signalés pour risque de fraude, là encore, en consultation.
Une telle mesure paraît logique : quelle serait l'utilité d'un fichier auquel les organismes qui ont pour mission de traiter ces sujets n'auraient pas accès ?
Je souhaite donc que la commission des finances puisse réexaminer sa position sur mon amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. J'entends bien la demande du sénateur Canévet ; nous partageons totalement ses objectifs.
Cela étant, je ferai deux observations.
Premièrement, il est proposé de renvoyer à un arrêté la définition des administrations habilitées à consulter ce nouveau fichier. Mais cette disposition a déjà été inscrite au VI de l'article L. 521-6-1 du code monétaire et financier créé par la loi du 6 novembre 2025 visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire. Votre demande nous paraît donc satisfaite à cet égard, mon cher collègue.
Deuxièmement – ce problème est un peu plus délicat –, il nous semble que l'adoption de cet amendement aurait pour effet, compte tenu de sa rédaction, de supprimer la possibilité pour l'Urssaf de signaler au gestionnaire du fichier les comptes qu'elle estime susceptibles d'être frauduleux. Certes, je sais bien que telle n'est pas votre intention. Mais, selon nous, la rédaction envisagée aurait cette conséquence.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Même avis.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J'étais le rapporteur au Sénat du texte sur les faux IBAN, que nous avons adopté définitivement voilà quelques semaines. Le problème que soulève notre collègue avait été évoqué, mais nous devions émettre un vote conforme – vous vous souvenez des conditions dans lesquelles nous avons examiné cette proposition de loi, selon la procédure de législation en commission (LEC).
Il me semblerait intéressant que nous adoptions cet amendement afin qu'il soit discuté pendant la navette.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Mon amendement est peut-être en partie satisfait, mais la prudence commanderait malgré tout de l'adopter, quitte à le modifier ensuite, afin que la discussion puisse se poursuivre pendant la navette.
Je veux bien que vous le trouviez mal rédigé, mais, comme vous vous en doutez, je l'ai travaillé avec la Banque de France, qui, elle, voyait manifestement un intérêt à son adoption…
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Après l'article 9 (priorité)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 214 rectifié bis est présenté par M. Naturel, Mmes Gruny et Imbert, MM. Sol, Milon et Anglars, Mmes Bellurot, Belrhiti et V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Burgoa et de Nicolaÿ, Mmes Dumont, Jacquemet et Josende, M. Khalifé, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre et H. Leroy, Mmes Malet, Muller-Bronn, M. Mercier et Petrus, M. Séné, Mmes P. Martin et Perrot et M. Cambon.
L'amendement n° 261 rectifié bis est présenté par M. Canévet, Mmes Patru et Sollogoub, MM. Kern et Laugier, Mmes Gacquerre et Billon, MM. Courtial et Duffourg et Mme Saint-Pé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L'article L. 621-20-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle communique à l'administration fiscale les documents et les informations nécessaires au respect des dispositions de l'article 1649 AC du code général des impôts et de l'article L. 102 AG du livre des procédures fiscales conformément à l'article L. 84 E du même livre. » ;
2° Aux secondes colonnes des avant-dernières lignes des tableaux des seconds alinéas des I des articles L. 783-10 et L. 784-10 et à la seconde colonne de la treizième ligne du tableau du I de l'article L. 785-9, la référence : « loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 » est remplacée par la référence : « loi n° du relative à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales ».
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 214 rectifié bis.
Mme Pascale Gruny. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté, le 14 août 2025, la loi du pays portant amélioration des dispositifs d'échanges automatiques d'informations et de lutte contre la fraude fiscale et modernisation du contrôle de l'impôt.
Ce texte, dont la plupart des dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre dernier, inscrit pleinement ce territoire dans la norme internationale d'échanges automatiques d'informations à des fins fiscales sur les comptes financiers. Il prévoit des dispositifs d'échange d'informations et de coopération entre les services fiscaux néo-calédoniens, d'une part, et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité des marchés financiers (AMF), d'autre part.
Ces autorités, qui ont pour mission le contrôle du respect par les institutions financières des obligations de diligence, ont vu leur champ de compétence territoriale étendu par le législateur national à la Nouvelle-Calédonie.
Actuellement, seule l'ACPR bénéficie de la levée du secret professionnel pour l'exercice de cette mission à l'égard de l'administration fiscale néo-calédonienne. Il n'existe aucune disposition similaire au profit de l'AMF.
Le présent amendement, qui tend à reproduire le dispositif existant pour l'ACPR, a pour objet d'étendre la levée du secret professionnel de l'AMF à l'égard de l'administration fiscale locale des collectivités ultramarines du Pacifique, tout en respectant leurs compétences fiscales.
Mes chers collègues, notez que l'article L. 84 E du livre des procédures fiscales ne s'applique qu'à l'égard de la DGFiP, et non des administrations fiscales des territoires de la République autonomes.
En pratique, l'adoption de cet amendement aura, en l'état de la législation locale, un effet limité à la Nouvelle-Calédonie ; elle permettra d'y rendre effectifs les contrôles de l'AMF en matière d'échanges automatiques d'informations à des fins fiscales.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l'amendement n° 261 rectifié bis.
M. Michel Canévet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Même avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 214 rectifié bis et 261 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
L'amendement n° 231, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du I de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent I sont applicables aux contribuables n'ayant pas déposé de déclaration rectificative dans les deux années suivant le fait générateur des faits relevant de la transmission obligatoire. »
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. En 2018, sous la pression du Parlement et, il faut le reconnaître, grâce au travail opiniâtre de la gauche et des acteurs du contrôle fiscal, une première brèche a été ouverte – je n'étais pas encore sénateur à l'époque, vous pourrez donc confirmer ou non mes propos, mes chers collègues.
La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a introduit une automaticité partielle. Désormais, l'administration doit transmettre les dossiers au parquet lorsque certaines conditions sont réunies : montant éludé supérieur à 100 000 euros, application de la majoration lourde et existence d'une fraude caractérisée, c'est-à-dire intentionnelle.
Toutefois, cette avancée n'a pas brisé le verrou : elle l'a simplement déplacé. En effet, certaines situations échappent encore à la transmission obligatoire, notamment lorsqu'un contribuable dépose une déclaration rectificative dite spontanée. Ce simple dépôt, même à la veille d'un contrôle ou dans un contexte de procédure contentieuse, suffit à suspendre la saisine du parquet.
Le résultat est absurde : une entreprise qui a organisé la dissimulation, lorsqu'elle comprend que la fraude sera découverte, peut neutraliser la procédure pénale en déposant une régularisation calculée, souvent suivie d'un contentieux permettant d'en discuter les termes.
Le rapport d'information de la commission des finances du Sénat intitulé Fraude et évasion fiscales : faire les comptes et intensifier la lutte indique clairement que « certaines entreprises, pour éviter que leur dossier ne soit automatiquement transmis au parquet, déposent une déclaration rectificative, immédiatement suivie d'une action en contentieux. Le dépôt spontané d'une déclaration rectificative suspend en effet la transmission. »
C'est donc un verrou de substitution, une astuce juridique qui ferme tout autant la chaîne pénale. De toute évidence, ce sont non pas la bonne foi et la régularisation sincère que nous visons ici, mais les manœuvres dilatoires, ces pseudo-spontanéités stratégiques qui dévitalisent l'esprit de la réforme de 2018.
Dans ce contexte, notre amendement vise à purger cette contradiction. Désormais, le dépôt d'une déclaration rectificative ne suspendrait plus la transmission obligatoire au parquet, dès lors que les critères de gravité sont réunis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à limiter la possibilité pour les contribuables et les entreprises de déposer une déclaration rectificative permettant de suspendre la transmission automatique au parquet des faits présumés de fraude fiscale.
Or la commission juge inutile de remettre en cause une disposition qui a pour but d'inciter les contribuables à régulariser leur situation avant de s'engager dans une procédure contentieuse. D'ailleurs, le dépôt d'une déclaration rectificative par le contribuable ne suspend pas les actions administratives ou judiciaires en cours.
Je comprends l'objet de votre amendement, mon cher collègue, mais il serait dommage de décourager les entreprises concernées de déposer une déclaration rectificative.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Je formulerai deux remarques.
Tout d'abord, tel qu'il est rédigé, l'amendement aurait pour objet de limiter le champ du dispositif aux seuls contribuables n'ayant pas déposé de déclaration rectificative au cours des deux années suivant les faits de fraude. Cela exclurait tous les autres contribuables, y compris ceux qui déposeraient une déclaration rectificative en cours de contrôle. Je sais que tel n'est pas l'objectif de cet amendement, mais je me permets d'alerter votre assemblée sur ce point.
Ensuite, sur le fond, l'amendement est déjà satisfait par le droit actuel. Je vous renvoie en particulier au huitième alinéa du I de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, qui permet de dénoncer au parquet les contribuables n'ayant pas procédé à une déclaration rectificative, puisqu'il exclut simplement les « contribuables ayant déposé spontanément une déclaration rectificative ».
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il est possible que le dispositif de cet amendement ne fonctionne pas, monsieur le ministre. J'appelle toutefois votre attention sur un point : le verrou de Bercy est véritablement un cas d'école de changement de doctrine de l'administration.
Aux côtés des membres du groupe communiste du Sénat – je pense en particulier à notre ancien collègue Éric Bocquet –, j'ai régulièrement voté pour la suppression de ce verrou, estimant que, au septième tour, comme les murailles de Jéricho, il finirait par tomber… (Sourires.)
Or, un beau jour, l'administration a décidé que le jour était venu de changer de doctrine, sans que l'on sache pourquoi. Ainsi, brusquement, le verrou s'est entre-ouvert. Les personnels des services que nous avions rencontrés lors de notre déplacement à Romainville s'étaient réjouis de ce basculement. Mais, aujourd'hui, un problème subsiste.
Les dispositions de cet amendement sont sans doute inopérantes, mais il est possible que, dans le cadre du projet de loi de finances, nous demandions que le verrou soit ouvert complètement.
J'ai bien lu le rapport de la Commission des infractions fiscales (CIF), qui règle les problèmes résiduels se posant en matière d'autonomie des poursuites par l'administration fiscale. Or le verrou de Bercy n'a jamais été complètement supprimé ; il est seulement entre-ouvert.
Je ne voterai pas cet amendement, puisque ses dispositions semblent inapplicables compte tenu des principes de la bonne foi et du droit à l'erreur. Mais nous devrons évoquer de nouveau ce sujet dans le cadre du PLF.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15 (priorité)
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le 11° de l'article L. 561-2 est ainsi rédigé :
« 11° Les personnes se livrant à titre d'activité professionnelle régulière ou principale, au commerce de biens relevant des secteurs de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie ou de l'orfèvrerie, lorsque la valeur du bien dépasse 10 000 euros, et les autres personnes se livrant au commerce de biens acceptant des paiements en espèces ou au moyen de monnaie électronique d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret ; »
2° La troisième ligne du tableau du second alinéa du I de l'article L. 775-36 est ainsi rédigée :
« |
L. 561-2 à l'exception de ses 1° quater, 6° bis, 9° bis uniquement pour les opérateurs de jeux ou de paris autorisés sur le fondement de l'article 21 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 et 17° |
la loi n° … du … relative à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales |
II. – Le 1° du I entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la publication de la présente loi – (Adopté.)
Article 18 (priorité)
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 313-2 est ainsi modifié :
a) Au dernier alinéa, les mots : « l'escroquerie est commise » sont remplacés par les mots : « les escroqueries mentionnées à l'article 313-1 et aux 1° à 4° bis du présent article sont commises » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 000 euros d'amende lorsque l'escroquerie mentionnée au 5° du présent article est commise en bande organisée.
« Les premier et deuxième alinéas de l'article 132-23 sont applicables à l'infraction mentionnée à l'avant-dernier alinéa du présent article. » ;
2° Après le mot : « loi », la fin de l'article 711-1 est ainsi rédigée : « n° … du … relative à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 3° bis du I de l'article 28-1 et au 3° du I de l'article 28-2, après la référence : « 5° », sont insérés les mots : « et à l'avant-dernier alinéa » ;
2° L'article 706-73-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « des », sont insérés les mots : « crimes et » ;
b) Au 1°, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « huitième » ;
c) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Crime d'escroquerie en bande organisée mentionné à l'avant-dernier alinéa de l'article 313-2 du même code ; »
3° Après le mot : « loi », la fin de l'article 804 est ainsi rédigée : « n° … du … relative à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adoptions prévues au présent titre et aux seules exceptions. »
M. le président. L'amendement n° 162 rectifié bis, présenté par MM. Lefèvre, Burgoa et Daubresse, Mme Muller-Bronn, MM. Brisson, Pointereau et Séné, Mmes Lavarde et Evren, M. Naturel, Mmes Garnier, Dumont et Josende, M. J.P. Vogel, Mmes Gruny et Lassarade, M. Frassa, Mmes Micouleau et Bellamy, M. Cadec, Mme Petrus, MM. de Nicolaÿ et H. Leroy, Mme P. Martin et MM. Houpert, Saury, Belin et Meignen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… L'article 313-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes physiques coupables du délit prévu au dernier alinéa de l'article 313-2 encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
La parole est à M. Laurent Burgoa.
M. Laurent Burgoa. L'alinéa 7 de l'article 131-21 du code pénal ne permet de prononcer la peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine que pour certains crimes ou délits, lorsque la loi le prévoit expressément.
Le présent amendement, proposé par le questeur Antoine Lefèvre, a pour objet de permettre à la juridiction saisie de prononcer une telle peine en cas de condamnation pour des faits d'escroquerie aux finances publiques commis en bande organisée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. L'amendement nous semble complètement satisfait, car, en l'état actuel du droit, l'infraction visée fait déjà l'objet d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an, et la peine complémentaire de confiscation s'applique de plein droit.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Je comprends parfaitement l'intention des auteurs de cet amendement. Il est toutefois important de nous assurer que la peine de confiscation générale du patrimoine, qui est une peine complémentaire, puisse s'appliquer aux auteurs d'escroqueries commises en bande organisée. Une analyse juridique est actuellement menée pour savoir si le droit existant le permet ou non.
Pour ces raisons, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Sans faire de mauvais esprit, puisque nous parlons d'infractions commises en bande organisée, nous pourrions prévoir l'exécution provisoire… (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Une disposition similaire à l'article 18 figurait dans la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, déposée par notre collègue député Thomas Cazenave. Or elle a été censurée par le Conseil constitutionnel.
C'est pourquoi cette disposition a été de nouveau introduite dans le présent texte. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à ce qu'elle soit complétée par l'amendement de M. Lefèvre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. S'il existe un doute sur le sujet, je voterai cet amendement à titre personnel.
Toutefois, la commission des finances maintient son avis défavorable, car elle considère que l'amendement est satisfait.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Après l'article 18 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Lurel, Mme Canalès, MM. Fichet, Jacquin, Kanner et Cozic, Mme Le Houerou, M. Raynal, Mmes Briquet et Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l'article 2-23 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Les infractions de fraude fiscale, réprimées à l'article 1741 du code général des impôts ; »
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement vise seulement à permettre aux associations agréées de se constituer partie civile. Ce n'est pas sans rappeler une actualité récente…
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. En l'état actuel du droit, les associations agréées dont les statuts incluent la lutte contre la corruption peuvent se constituer partie civile dans des conditions strictement définies, notamment dans des affaires de corruption et de blanchiment.
Le présent amendement vise à étendre cette possibilité aux faits de fraude fiscale. Sur ce point, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.
L'amendement n° 233, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 41-1-2 du code de procédure pénale est abrogé.
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Au travers de cet amendement, notre groupe demande l'abrogation pure et simple de la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP). Comme nous l'avons toujours dénoncé, cette dernière incarne une justice à deux vitesses : celle où les grandes entreprises coupables de fraude massive peuvent négocier leur peine autour d'une table, pendant que les petits, eux, subissent toute la rigueur du droit.
Depuis sa création, elle a permis à des multinationales reconnues coupables de fraude fiscale ou de corruption d'échapper à tout procès et toute condamnation, simplement en signant un chèque, sans faire de vagues.
À l'occasion de ce texte, on nous demande de renforcer la répression contre la fraude sociale et de traquer les allocataires fautifs pour quelques euros, pendant qu'on laisse les grands groupes acheter leur impunité.
Le message est désastreux : la justice est ferme avec les faibles, mais conciliante avec les puissants. (MM. Olivier Rietmann et Jean-Raymond Hugonet s'exclament.) Or la République ne peut pas se construire sur cette inégalité de traitement.
Supprimer la CJIP, c'est rétablir l'égalité devant la loi ; c'est affirmer que, en matière de fraude, il n'y a pas deux poids, deux mesures. Pour assurer que la justice reste cohérente et que la République ne se vende pas au plus offrant, nous vous appelons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Pour rappel, c'est la loi dite Sapin II qui a introduit dans le code de procédure pénale la convention judiciaire d'intérêt public. Cette mesure est applicable aux personnes morales mises en cause pour des faits de corruption, de trafic d'influence actif et passif, de fraude fiscale, de blanchiment et de toute infraction connexe.
Cette convention permet d'imposer à la personne morale concernée plusieurs obligations : verser une amende d'intérêt public, mettre en œuvre un programme de mise en conformité et réparer le préjudice. Supprimer cette procédure reviendrait à supprimer ces obligations.
Plus largement, il ne me paraît pas souhaitable d'en finir avec une procédure qui permet au procureur de la République d'accélérer le traitement de ces infractions et délits.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Lurel, Mme Canalès, MM. Fichet, Jacquin, Kanner et Cozic, Mme Le Houerou, M. Raynal, Mmes Briquet et Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 10 B du livre des procédures fiscales, après la référence : « 321-6, », sont insérées les références : « 324-1 à 324-6-1, ».
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement tend à intégrer le blanchiment simple et aggravé dans la liste des infractions pénales pour lesquelles les agents de la DGFiP peuvent concourir aux enquêtes menées sur l'instruction du procureur de la République.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Le dispositif actuel permet au procureur de bénéficier du concours des agents de l'administration fiscale pour la recherche d'infractions dans le cadre de la lutte contre l'économie souterraine. Son extension beaucoup plus large conduirait à mobiliser l'administration fiscale, en appui de la procédure pénale.
Je rappelle que l'autorité judiciaire peut d'ores et déjà saisir les services d'enquête judiciaire spécialisés en matière fiscale. Elle pourra aussi saisir à l'avenir les officiers fiscaux judiciaires affectés à Bercy, en complément des enquêtes judiciaires en matière fiscale, comme le prévoit l'article 1er du présent projet de loi.
Dans la mesure où le caractère opérationnel de cet amendement est discutable, la commission sollicite l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Avis défavorable.
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. La commission se range à l'avis du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Lurel, Mme Canalès, MM. Fichet, Jacquin, Kanner et Cozic, Mme Le Houerou, M. Raynal, Mmes Briquet et Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les moyens humains et matériels alloués à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à la direction générale des finances publiques et à la direction générale des douanes et droits indirects. Le rapport évalue l'adéquation entre d'un côté l'évolution du montant des crédits et des effectifs de personnels des directions et de l'autre, l'évolution de ses missions, ainsi que l'évolution des enjeux et des priorités auxquelles les directions doivent répondre, notamment du point de vue de la lutte contre la fraude fiscale, l'évasion fiscale et le blanchiment des capitaux.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les moyens mis à la disposition des services de lutte contre la fraude. Il s'agit de s'assurer que nous sommes bien à la hauteur des ambitions affichées par ce texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Le rapport demandé ici couvre un spectre très large d'administrations. Par ailleurs, les moyens et les effectifs de la douane, de la DGFiP et de la DGCCRF font l'objet d'évaluations régulières de la part d'organismes chargés d'évaluer les politiques publiques, comme la Cour des comptes, entre autres.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Nous connaissons l'avis traditionnel de notre assemblée sur les demandes de rapport. Il n'empêche que nous soutenons l'amendement de notre collègue Lurel, et cela pour une raison simple : comme nous l'évoquions au début du débat, ce projet de loi ne permet pas de renforcer les moyens humains pour lutter contre la fraude, alors que c'est absolument nécessaire.
La commission d'enquête menée par Raphaël Daubet et Nathalie Goulet avait conduit à formuler une proposition forte : utiliser les avoirs saisis pour créer un fonds de concours destiné à renforcer la lutte contre le blanchiment et la fraude. Or l'amendement qui a été déposé en ce sens s'est heurté à l'article 45 de la Constitution.
C'est précisément la raison pour laquelle il est nécessaire de voter l'amendement de M. Lurel. Si nous n'évaluons jamais les moyens consacrés à la lutte contre la fraude, nous continuerons d'avoir aussi peu de résultats. Encore une fois, seuls 2,9 milliards d'euros ont été détectés au titre de la fraude, alors que celle-ci se chiffre en dizaines de milliards d'euros.
À un moment, il faut que l'on prenne le problème à bras-le-corps, ce qui suppose de renforcer les moyens humains.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. L'amendement n° 22 de M. Lurel visait à inclure les faits de blanchiment aggravé dans la liste des infractions pénales autorisant les agents de la DGFiP à concourir aux enquêtes menées par la justice. Il se trouve qu'il a été rejeté par notre assemblée, après que le Gouvernement a émis un avis défavorable, sans vraiment le motiver.
Au travers de l'amendement n° 23, notre collègue propose que le Gouvernement nous remette un rapport, afin de vérifier que des moyens humains adéquats sont alloués à la DGFiP, soit la direction qui a perdu le plus d'équivalents temps plein (ETP) de toute la fonction publique d'État. Là encore, la commission des finances et le Gouvernement ont désapprouvé cette proposition, conformément au principe traditionnel du rejet des demandes de rapport.
Peut-on collectivement constater que les moyens humains de la DGFiP doivent être renforcés ? Pourquoi ces moyens sont-ils insuffisants ? Où le manque d'effectifs est-il le plus prégnant, et comment y remédier ?
J'y insiste, le rapporteur pour avis et le ministre en particulier ont assez peu motivé leur avis défavorable, alors que ce sujet mérite tout de même des explications plus poussées.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Jusqu'à présent, j'ai voté en faveur des amendements déposés par notre collègue Lurel, mais je ne voterai pas celui-ci.
Mes chers collègues, je vous invite à assister, demain matin en commission des finances, à la présentation du rapport spécial de Claude Nougein sur la mission « Gestion des finances publiques ». Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, je soutiens le rapporteur et le ministre sur ce sujet. Je recommande à mes collègues de se précipiter sur l'orange budgétaire, soit le document de politique transversale consacré à la lutte contre la fraude fiscale, celui-ci détaillant l'ensemble des dispositifs et des moyens humains qui y sont consacrés.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il ne suffit pas de dire quels sont les moyens alloués à la DGFiP. Il faut en plus vérifier que ces derniers sont bien en adéquation avec l'objectif affiché : combattre efficacement la fraude fiscale et assurer un rendement pour l'État.
Tout à l'heure, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que les effectifs de la DGFiP ont été multipliés par deux. Soit, mais à partir de combien ? Certains affirment que, en dix ans, les effectifs ont été réduits d'un quart : ce sont donc des dizaines de milliers de postes qui ont été supprimés, sur un effectif global de 100 000 ETP.
Les représentants de la DGFiP, avec lesquels nous nous sommes entretenus, s'étonnent eux-mêmes du peu de moyens qui leur sont alloués. Notez que cette direction rapporte plus qu'elle ne coûte : sa situation dépasse celle du simple autofinancement.
Les effectifs ont peut-être été doublés en quatre ans, monsieur le ministre, mais à partir d'un étiage complètement catastrophique. Cette réévaluation des moyens humains n'est donc pas suffisante et, en tout état de cause, elle interpelle quant à votre ambition de lutter réellement contre la fraude sociale.
Dans ces conditions, il est bon d'avoir un rapport qui détaille avec un peu plus de profondeur ce qu'étaient les effectifs de la DGFiP. Ces derniers auraient été, d'après Force ouvrière (FO), divisés par quatre : c'est un véritable scandale !
Nous doutons des objectifs affichés et de votre connaissance du problème. Je l'ai dit tout à l'heure, le montant de la fraude fiscale est compris entre 14 milliards d'euros et 100 milliards d'euros. Les moyens sont donc inadéquats par rapport à votre discours et à vos ambitions politiques.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué. Les chiffres sur lesquels je me fonde sont publics, madame Poncet Monge. Le montant de la fraude détectée est passé d'environ 9 milliards d'euros à 20 milliards d'euros en 2024 : voilà le doublement dont je parle.
Ce chiffre a un impact qui est loin d'être négligeable sur nos finances publiques. Il met d'ailleurs en perspective les objectifs que vous avez rappelés pour l'année prochaine. En quatre ans, 2,5 milliards d'euros supplémentaires ont été détectés au titre de la fraude chaque année.
Quant aux effectifs, je parlais des recrutements effectués pour mener les enquêtes les plus approfondies. À cet égard, je veux citer la création de l'Office national antifraude (Onaf), qui emploie 80 agents dont les compétences judiciaires permettent d'articuler les procédures pénales et administratives, donc d'obtenir des résultats.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 19 (priorité)
I. – Le I de l'article 1744 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 250 000 » sont remplacés par les mots : « cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 » ;
2° Le septième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 € d'amende » sont remplacés par les mots : « sept ans d'emprisonnement et à une amende de 3 000 000 € » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ou en bande organisée ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l'article 705, après le 9°, il est inséré un 10° ainsi rédigé :
« 10° Délits mentionnés à l'article 1744 du code général des impôts. » ;
2° Le 2° de l'article 706-1-1 est abrogé ;
3° L'article 706-73-1 est complété par des 16° et 17° ainsi rédigés :
« 16° Délits mentionnés aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu'ils sont commis en bande organisée ou lorsqu'il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent de l'un des comportements mentionnés aux 1° à 5° du II de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales ;
« 17° Délits mentionnés au I de l'article 1744 du code général des impôts, lorsqu'ils sont commis en bande organisée. – (Adopté.)
Après l'article 19 (priorité)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 244 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le III de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du code général des impôts, il est inséré un … ainsi rédigé :
« … : Déchéance des droits à perception de certains avantages fiscaux
« Article 200-0 … – I. – Les personnes morales qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions prévues aux articles 1729 A bis et 1741 du code général des impôts sont inéligibles à l'un des avantages fiscaux suivants :
« 1° Les allègements d'imposition prévus aux articles 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 terdecies, 44 quaterdecies, 44 quindecies et 208 sexies ;
« 2° Les crédits d'impôts prévus aux articles 244 quater B, 244 quater C ;
« 3° Les réductions d'impôts prévus à l'article 238 bis. »
« II. – L'inéligibilité à l'un des avantages fiscaux énumérés au précédent paragraphe est automatique et porte pour une durée de sept ans à compter de la condamnation définitive.
« III. – Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Cet amendement est d'une logique simple et implacable : une entreprise condamnée pour fraude fiscale grave ne peut continuer à bénéficier d'avantages fiscaux financés par la collectivité. (Mme Nathalie Goulet approuve.)
L'État ne peut pas d'un côté sanctionner la fraude et, de l'autre, subventionner le fraudeur. Il y va de la cohérence du système, mais c'est aussi une question élémentaire de respect de la loi commune.
Il nous a pourtant été opposé, à propos d'un amendement précédent visant les personnes physiques, l'argument de l'individualisation et de la proportionnalité de la peine.
Cet argument classique ne s'applique pas ici, puisque la mesure proposée n'est pas une peine au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En effet, elle n'a ni la nature ni la finalité d'une sanction répressive. Il s'agit d'une mesure de garantie et d'ordre public fiscal, qui tire les conséquences objectives d'une condamnation définitive pour fraude.
De même qu'une entreprise condamnée pour corruption ne peut plus candidater à un marché public ou qu'une banque sanctionnée par l'ACPR peut perdre son agrément, il est parfaitement logique qu'une société condamnée pour fraude fiscale soit, pour un temps, exclue des dispositifs d'aide fiscaux.
Il s'agit non pas de juger une seconde fois, mais d'éviter que l'argent public ne récompense la fraude.
M. le président. L'amendement n° 227 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le III de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du code général des impôts, il est inséré un … ainsi rédigé :
« … : Déchéance des droits à perception de certains avantages fiscaux
« Article 200-0 … – I. – Les personnes physiques qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions prévues aux articles 1729 A bis et 1741 sont inéligibles à l'un des avantages fiscaux suivants :
« 1° L'avantage en impôt procuré par les déductions au titre de l'amortissement prévues aux h et l du 1° du I de l'article 31 et à l'article 31 bis ;
« 2° Les réductions, y compris, le cas échéant, pour leur montant acquis au titre d'une année antérieure et reporté, et crédits d'impôt sur le revenu ;
« 3° La réduction d'impôt acquise au titre des investissements mentionnés à la première phrase des vingt-sixième et vingt-septièmes alinéas du I de l'article 199 undecies B. La réduction d'impôt acquise au titre des investissements mentionnés à la deuxième phrase du vingt-sixième alinéa du I de l'article 199 undecies B et à l'article 199 undecies C. »
« II. – L'inéligibilité à l'un des avantages fiscaux énumérés au I est automatique et porte pour une durée de cinq ans à compter de la condamnation définitive.
« III. – Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Comme pour l'amendement précédent, nous estimons que toute condamnation pénale d'une entreprise pour une infraction fiscale lourde doit entraîner la déchéance fiscale, ce qui aurait pour conséquence de priver la société concernée du droit à bénéficier de tout avantage fiscal pour une durée de cinq ans.
M. le président. L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 131-11 du code pénal, il est inséré un article 131-11- … ainsi rédigé :
« Art. 131-11- … – En cas de condamnation pour fraude aux prestations sociales ou pour fraude fiscale, la juridiction peut prononcer, à titre de peine complémentaire, l'interdiction pour le condamné de bénéficier d'aides publiques, de subventions ou de prestations sociales pour une durée maximale de cinq ans à compter de la décision devenue définitive. »
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Les fraudes aux prestations sociales et fiscales portent atteinte à la solidarité nationale et affaiblissent la confiance des contribuables dans l'équité du système.
Afin de doter les juridictions d'un instrument proportionné permettant de sanctionner les fraudes les plus graves, le présent amendement vise à créer une peine complémentaire consistant à interdire à la personne condamnée de bénéficier d'aides publiques, de subventions ou de prestations sociales pour une durée maximale de cinq ans.
Cette peine, que nous suggérons d'intégrer dans le code pénal, respecte les exigences d'individualisation et de proportionnalité des sanctions.
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié bis, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Laouedj, est ainsi libellé :
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 1741 du code général des impôts, il est inséré un article 1741 … ainsi rédigé :
« Art. 1741 … – I. – Toute personne physique ou morale condamnée en application des dispositions de l'article 1741 peut être privée, pour une durée de trois ans, du bénéfice des dispositifs d'aides publiques accordées par l'État ou ses établissements publics.
« II. – Toute personne physique ou morale condamnée pour des faits de fraude aux prestations ou aux cotisations sociales, dans les conditions prévues à l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale, peut être privée, pour une durée de trois ans, du bénéfice des dispositifs fraudés gérés par l'État ou les administrations sociales.
« III. – Les I et II ne s'appliquent pas aux aides visant à assurer la continuité de l'emploi, la couverture des risques sociaux des salariés, ni à celles accordées à des personnes tierces dépourvues de lien juridique avec la personne condamnée.
« IV. – Les dispositions du présent article s'appliquent aux dispositifs de soutien public attribués à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° du relative à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, selon les modalités fixées par décret. »
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Cet amendement du groupe RDSE vise à s'inspirer directement des constats dressés par la commission d'enquête du Sénat relative aux aides publiques aux entreprises. Vous connaissez le problème, mes chers collègues : plus de 111 milliards d'euros d'aides sont distribués chaque année, souvent sans véritable condition ni contrôle.
La commission d'enquête, dont le président, Olivier Rietmann, participe à nos débats aujourd'hui, a mis en évidence une faille majeure : rien n'empêche l'entreprise condamnée pour fraude fiscale ou sociale de continuer à percevoir des fonds publics.
C'est pourquoi il a été recommandé d'interdire l'octroi d'aides publiques et d'imposer le remboursement aux entreprises condamnées pour des infractions graves.
Notre amendement vise à s'inscrire pleinement dans cette logique de responsabilisation et de cohérence, puisqu'il a pour objet d'exclure les fraudeurs du bénéfice de certaines aides publiques. Il s'agit non pas d'une double peine, mais d'une mesure de bon sens : une entreprise qui a trompé l'État ne peut pas, dans le même temps, bénéficier de sa solidarité financière. Cette disposition est proportionnée et ciblée.
Par cet amendement, nous souhaitons garantir que l'argent public soutienne ceux qui respectent la loi, et non ceux qui la contournent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Ces amendements ont pour objet de déchoir les personnes physiques de leur droit à percevoir certains dispositifs fiscaux, selon des durées variables.
Bien entendu, je comprends l'intention ici exprimée : nos collègues souhaitent que nous soyons les plus fermes possible avec les fraudeurs. Toutefois, les dispositifs proposés soulèvent quelques difficultés.
D'une part, la privation de certains avantages fiscaux serait automatique. Or, en l'état actuel du droit, les peines complémentaires sont facultatives et leur prononcé ressort de la seule décision des magistrats. En conséquence, ces dispositions nous semblent pour le moins fragiles.
D'autre part, la privation d'avantages fiscaux est envisagée pour une durée de sept ans, cinq ans ou trois ans. Or non seulement le juge ne pourrait pas adapter la durée de la privation aux circonstances de l'espèce, mais cette durée ne tiendrait pas compte de la gravité des faits.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Rappelons tout d'abord le droit existant : la loi de finances pour 2024 a instauré une peine complémentaire de privation temporaire des droits à réduction et crédits d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune immobilière visant les personnes physiques coupables de fraude fiscale aggravée, de recel ou de blanchiment de ce délit. Il me paraît important de fixer ce cadre.
Dès lors, il nous semble que les amendements qui visent à étendre ces dispositifs à des aides publiques posent un problème de proportionnalité, ainsi que le rapporteur vient de le rappeler.
De même, les dispositifs visant les entreprises nous paraissent également problématiques, dans la mesure où seul le dirigeant est le plus souvent reconnu coupable de fraude. L'adoption de ces amendements conduirait à sanctionner l'ensemble de l'outil productif, sans considération des effets que cela pourrait emporter sur les salariés.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. J'ai bien entendu qu'il s'agirait d'une peine complémentaire. Non, il ne s'agit pas de cela !
Une peine, c'est lorsque l'on prend quelque chose à quelqu'un : s'il s'agit d'une amende, on prend de l'argent ; s'il s'agit d'une peine de prison, on prend la liberté de quelqu'un.
En l'espèce, on ne prend rien, on cesse seulement de donner. Ce n'est pas pareil ! Devrions-nous donc continuer de donner à un fraudeur et, ainsi, le récompenser ?
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Je voudrais rectifier certaines affirmations : non, on ne continue pas de verser des aides ou des primes fiscales à des fraudeurs.
Dès lors que la fraude est révélée, on inflige au coupable une amende et un redressement : l'intéressé paye l'impôt, subit un redressement et s'acquitte de pénalités. Veillons à ne pas faire croire que les fraudeurs ne seraient pas punis dans notre pays ; bien au contraire, ils le sont, et très fortement.
Quant à l'amendement défendu par notre collègue Michel Masset, j'ai coutume de dire que ceux qui parlent du rapport sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants ne l'ont pas lu, tant on entend de bêtises à son sujet. Or, en l'espèce, je suis surpris, car M. Masset était membre de la commission d'enquête et a été très présent et attentif au cours des débats.
Le rapport ne dit absolument pas cela ; il indique que le contrôle sur les aides publiques aux entreprises est fait, et bien fait, qu'il va jusqu'au bout et que des sanctions sont prévues en cas de fraude.
Il relève, en revanche, un véritable problème quant à l'évaluation des dispositifs ou à leur conditionnalité. Pour autant, le contrôle est bien assuré par l'administration fiscale. Nous préconisons, entre autres, que les aides ne soient pas versées à des entreprises qui ne respectent pas la loi en matière sociale ou environnementale. Cela me semble de bon aloi.
Gardons-nous, en revanche, d'aller plus loin en prétendant que les contrôles ne seraient pas opérés. Je ne puis laisser passer une telle contre-vérité !
Je suis désolé, mon cher Michel Masset, mais il s'agit d'une mauvaise interprétation du rapport. Les contrôles fiscaux sont bien faits et des sanctions tombent en cas de malversation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq,
est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
Après l'article 19 (priorité) (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 19, appelé en priorité.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 25 rectifié ter est présenté par M. Lurel, Mme Canalès, MM. Fichet, Jacquin, Kanner et Cozic, Mme Le Houerou, M. Raynal, Mmes Briquet et Blatrix Contat, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 33 rectifié undecies est présenté par Mmes N. Goulet et Antoine, MM. Bitz, Canévet, Dhersin, Fargeot, Fialaire, Laugier, Maurey et Cambier, Mmes Sollogoub, Tetuanui et Saint-Pé, M. Kern, Mmes Romagny et Vermeillet, MM. Menonville et Lafon, Mme Guidez, M. Levi, Mmes Perrot et Loisier, M. Pillefer, Mme Jouve, MM. Bilhac et Daubet, Mme Guillotin, MM. Gold et Courtial, Mme Jacquemet, M. Masset, Mme N. Delattre et MM. Cabanel et Haye.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l'article 1740 A bis du code général des impôts, les mots : « sur le fondement du c du 1 de l'article 1728, des b ou c » sont remplacés par les mots : « ou de 40 % sur le fondement des b et c du 1 de l'article 1728, ».
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l'amendement n° 25 rectifié ter.
M. Victorin Lurel. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 33 rectifié undecies.
Mme Nathalie Goulet. J'ignorais que M. Lurel et moi avions déposé le même amendement, mais je n'en suis pas étonnée, car l'Assemblée nationale avait voté une disposition similaire l'année dernière, sur l'initiative de notre collègue Christine Pirès Beaune.
Le rôle des conseils dans l'élaboration des schémas de fraude et d'évasion fiscale n'est évidemment pas à démontrer, et le dispositif de l'article 1740 A bis n'est pas satisfaisant : le taux de majoration de 80 % rend le dispositif inopérant.
Ce mécanisme pourrait trouver à s'appliquer plus largement dans les cas où l'administration constate, en motivant ce constat, des manquements délibérés encourant une majoration de 40 %, la réalité de la fraude devant toujours être établie.
Cette mise en cause des conseils et de leur rôle en matière de fraude et d'évasion fiscale a été relevée dès 2012 par notre ancien collègue, M. Éric Bocquet, dans les deux rapports de commissions d'enquête que celui-ci a préparés au nom de notre Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Ces deux amendements visent à étendre les sanctions à l'égard des intermédiaires en cas de montage abusif.
En l'état actuel du droit, ces sanctions existent, mais elles s'appliquent aux cas les plus graves, lorsque les contribuables sont eux-mêmes sanctionnés à hauteur de 80 % de l'impôt dû. Cet amendement vise à les étendre à des cas moins graves, dans lesquels les contribuables sont sanctionnés à hauteur de 40 % de l'impôt dû.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Je souhaite attirer l'attention du Sénat sur ces amendements, dont l'adoption risque d'emporter des dommages collatéraux très importants, qu'il convient d'avoir à l'esprit.
Aujourd'hui, le droit prévoit d'appliquer une amende aux professionnels qui, par leur conseil, ont permis à des contribuables d'échapper à l'impôt au moyen d'abus de droits, de manœuvres frauduleuses ou de dissimulations à l'étranger passibles d'une majoration de 80 %.
Le droit actuel s'applique précisément à cette majoration, parce que les situations concernées requièrent un tel niveau de complexité – des schémas mis en œuvre pour dissimuler son identité ou pour mettre en place ces mécanismes de fraude… – qu'il faut passer par un conseil. L'intention du législateur était bien de sanctionner fortement ledit conseil.
Or, dès lors que les cas concernés recouvrent les manquements encourant une majoration de 40 %, on change de monde : le non-dépôt d'une déclaration fiscale dans les trente jours suivant une mise en demeure, par exemple, est concerné. En pareil cas, le conseil, par exemple un cabinet d'avocats qui n'est pas toujours de grande taille, n'est pas nécessairement à l'initiative de la fraude.
Or la rédaction de cet amendement étend le champ de la sanction au point que les éventuels manquements délibérés de contribuables n'ayant pas déposé leur déclaration fiscale dans les trente jours qui suivent une mise en demeure, pour lesquels ils n'avaient pas besoin de recourir à un conseil, emporteraient tout de même, pour ce dernier, de très lourdes amendes.
Les conséquences économiques de ces dispositions risquent donc d'être totalement disproportionnées au regard de l'intention de leurs auteurs.
Je crains, en outre, que cette extension du champ d'application de l'amende ne soit elle-même censurée par le Conseil constitutionnel pour cette raison. Ce n'est pas le motif principal de mon avis, mais il s'agit tout de même d'une alerte.
J'ai été économe en la matière, vous l'avez constaté ; je sais combien le Sénat réalise un travail considérable en commission, qu'il poursuit en séance.
Pour autant, en ce qui concerne ces amendements, j'émets un avis tout à fait défavorable, tant leurs conséquences économiques risquent d'être lourdes.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, j'avoue n'avoir rien compris à votre explication ! Et je reste sceptique.
Cet amendement a déjà été adopté plusieurs fois. Il a été voté à l'Assemblée nationale, il a connu la navette, il est revenu devant nous. Je ne vois pas quel est le problème.
Nous travaillons ici très sérieusement, et la commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement. Nous avions initialement fermé le périmètre de la mesure, c'est vrai. Mais ensuite, nous l'avons légèrement ouvert, en nous accordant avec Nathalie Goulet et son groupe.
Enfin, vous aurez largement le temps de reprendre cette disposition à l'Assemblée nationale. Vous en vérifierez alors la pertinence.
Je demande donc à notre assemblée de bien vouloir voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je ne retirerai pas non plus mon amendement, car les dispositions de l'article 1740 A ne relèvent pas du tout du droit à l'erreur.
Il s'agit de permettre au contribuable de dissimuler son identité, de dissimuler sa situation ou de bénéficier à tort d'une destruction de revenus.
Par conséquent, de grâce, laissons faire la navette !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié ter et 33 rectifié undecies.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 19.
L'amendement n° 7 rectifié nonies, présenté par Mme N. Goulet, MM. Bitz, Canévet, Dhersin, Fargeot, Fialaire, Laugier et Maurey, Mmes Saint-Pé, Sollogoub, Tetuanui, Antoine et Guidez, MM. Kern et Menonville, Mmes Vermeillet, Romagny et Loisier, MM. Lafon et Levi, Mmes Perrot, de La Provôté et Guillotin, M. Gold, Mme Jacquemet et MM. Masset, Courtial, Pillefer, Cabanel, Haye et Parigi, est ainsi libellé :
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les mots : « ou d'agents des douanes » sont remplacés par les mots : « d'agents des douanes et d'agents des finances publiques ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à apporter une précision à l'article 39-6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Les auditions de notre commission aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis ont montré que nos agents sont de plus en plus exposés physiquement aux criminels qu'ils traquent.
Le présent amendement vise à leur apporter une garantie de sécurité supplémentaire, en protégeant leur identité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Il s'agit en effet de protéger les agents. Un léger problème de rédaction se posait dans cet amendement, mais il a été réglé.
L'avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié nonies.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 19.
L'amendement n° 10 rectifié septies, présenté par Mme N. Goulet, MM. Bitz, Canévet, Dhersin, Fargeot, Fialaire, Laugier et Maurey, Mmes Sollogoub, Tetuanui, Antoine et Guidez, MM. Kern, Lafon et Menonville, Mme Vermeillet, M. Folliot, Mme Perrot, M. Levi, Mme Loisier, MM. Courtial et Masset, Mme Jacquemet et MM. Pillefer et Cabanel, est ainsi libellé :
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la faisabilité de la création d'une plateforme automatisée d'obtention des données bancaires.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s'agit d'un amendement d'appel. Cette disposition émane directement des services en charge de la lutte contre la criminalité et contre la corruption.
Il s'agit de demander un rapport sur la faisabilité d'une plateforme automatisée d'obtention des données bancaires, comparable à la plateforme nationale des interceptions judiciaires (Pnij).
Le Parlement a voté un certain nombre de textes, jusqu'à récemment, pour collecter les données relatives aux faux Iban (International Bank Account. Number). Toutefois, les enquêtes sur la délinquance économique rencontrent des écueils significatifs. Face à la complexité des flux financiers, il faut donc faciliter l'identification et la collecte de données.
Dans son dernier rapport, Tracfin pointe une très grande hétérogénéité des formats reçus de la part des assujettis, dont certains comportent des lacunes manifestes, comme l'absence d'Iban, l'utilisation du format Excel, etc. Le directeur de l'Office national antifraude (Onaf) déclarait, le 13 mars dernier, qu'il fallait continuer à faire le forcing avec les banques, dont certaines transmettent encore des fichiers en PDF, notamment.
Il s'agit donc d'un amendement d'appel visant à vous proposer, monsieur le ministre, de travailler à la constitution de cette Pnij bancaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Nous avons voté en fin d'après-midi l'article 3 bis, lequel permet à l'administration fiscale d'obliger les banques à lui transmettre des informations sous un format exploitable et qui reprend d'ailleurs un dispositif porté dans la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques. Il me semble préférable de privilégier ce dispositif.
Quoi qu'il en soit, nous avons bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel, sur une question qui mérite sans doute d'être approfondie.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. J'ai bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel.
Toutefois, le dispositif adopté cet après-midi pour permettre la transmission électronique de documents, lesquels, aujourd'hui encore, peuvent malheureusement nécessiter des déplacements physiques des agents entre la DGFiP et les banques, ainsi que la transmission de feuillets imprimés, permet de satisfaire cette demande, sans qu'il soit besoin de construire un fichier centralisé.
C'est la raison pour laquelle je sollicite également le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 10 rectifié septies est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Je vais le retirer, mais deux amendements ne régleront pas le problème. Monsieur le ministre, vous savez bien que nous rencontrerons des difficultés. Aussi, je vous demande d'examiner cette possibilité.
Par le passé, il a fallu douze ans pour mettre en place la Pnij. Il me semble que ce sujet est pertinent, en raison de la créativité des uns ou des autres, dont on comprend bien, dès lors, les réticences.
En tout état de cause, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié septies est retiré.
Article 20 (priorité)
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le sixième alinéa du 2 du II de l'article 792-0 bis est ainsi modifié :
a) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le paiement est accompagné d'une déclaration détaillée, conforme à un modèle établi par l'administration, précisant l'identité des bénéficiaires ainsi que les éléments nécessaires à la détermination de l'assiette et à la liquidation des droits de mutation par décès. » ;
b) Au début de la seconde phrase, après les mots : « À défaut », sont insérés les mots : « de paiement » ;
2° Au c du I de l'article 1729-0 A, les mots : « mentionnés aux 1° et 2° du III de l'article 990 J » sont supprimés – (Adopté.)
Après l'article 20 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 232 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l'article 1735 ter du code général des impôts, le montant : « 50 000 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € ».
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Mes chers collègues, je me permets de vous raconter une histoire que nos services fiscaux ne connaissent que trop bien.
La scène se passe un matin, lors d'un contrôle dans une grande entreprise, l'une de ces multinationales dont les tours de verre dominent le périphérique – l'action se situe donc en région parisienne, et même à Paris. Les agents de la DGFiP de Paris, polis, précis, apportant leur liste de pièces, indiquent qu'ils souhaitent obtenir la documentation relative aux prix de transfert pratiqués par l'entreprise.
Alors, le ballet commence. Le directeur financier sourit et renvoie vers le siège européen à Amsterdam, qui lui-même renvoie vers la maison mère à Dublin, laquelle attend une validation du Delaware. Trois mois plus tard, les documents finissent par arriver, incomplets, caviardés et rédigés dans un jargon absurde.
Derrière ce retard organisé, que se passe-t-il ? Des milliards d'euros de bénéfices glissent hors de France, au nom de services intragroupes, de centrales de financement ou de droits de marque internes.
Telle est la réalité : alors que ces géants jouent la montre, nos impôts, nos hôpitaux, nos écoles, nos communes en paient le prix.
L'amendement de notre groupe vise donc à doubler la pénalité envers ceux qui refusent de produire à temps cette documentation, laquelle concerne, rappelons-le, les entreprises réalisant plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Nous formulons cette proposition par esprit non pas de vengeance, mais de justice : l'évasion fiscale doit cesser d'être rentable. Un grand groupe qui se dérobe n'est pas un contribuable distrait ; c'est un acteur qui défie la loi. Il convient dès lors de le sanctionner plus fermement.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Lorsqu'une entreprise ne fournit pas la documentation sur ses prix de transfert, ou lorsqu'elle ne présente qu'une documentation partielle, elle est sanctionnée. Le prix plancher de cette sanction était, l'année dernière, de 10 000 euros.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, nous avons multiplié ce plancher par cinq, pour le porter à 50 000 euros. Il nous est proposé ici de le rehausser encore.
Il y a un an, ce plancher a donc été multiplié par cinq. Il convient tout d'abord de laisser à cette disposition le temps de produire son effet, puis de l'évaluer et d'examiner si ce plancher de 50 000 euros est au bon niveau.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. J'ajoute que le caractère dissuasif de l'amende vient souvent moins du montant plancher, les transactions concernées étant, sauf pour quelques petites structures, bien plus élevées, que de sa proportionnalité au volume des transactions concernées. C'est la raison pour laquelle les entreprises présentent la plupart du temps la documentation sur les prix de transfert à l'ouverture du contrôle.
La difficulté arrive plutôt ensuite, au moment de vérifier que cette documentation correspond bien aux règles fiscales.
C'est la raison pour laquelle cette disposition ne me semble pas répondre à la préoccupation exprimée par ses auteurs.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Barros, l'amendement n° 232 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Barros. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 234 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette documentation est opposable à la personne morale qui l'a produite. L'administration s'assure du respect de la politique de prix de transfert au moyen d'un contrôle approfondi des données listées aux d et n du 1 et aux h, j et k du 2 du II. La non-conformité à la politique générale de fixation constatée par l'administration peut engendrer une amende ne pouvant dépasser 5 % du montant des prix de transferts en cause. »
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Cet amendement tend à s'inscrire dans la continuité du précédent, relatif à l'accord préalable en matière de prix de transfert. Il vise à rendre véritablement opposable la documentation produite par les entreprises, mais aussi à prévoir une sanction proportionnée en cas d'écart entre la politique déclarée et la pratique constatée.
Actuellement, les grandes entreprises multinationales ont l'obligation de documenter leur politique de prix de transfert dans un fichier principal et dans un fichier local. Toutefois, ces documentations, aussi volumineuses soient-elles, n'ont aucune valeur opposable.
Autrement dit, une entreprise peut déclarer une politique dans ses documents et en appliquer une autre dans ses pratiques internes, sans que cela emporte de conséquences.
La situation est donc paradoxale : les entreprises publient une politique de conformité pour rassurer l'administration, mais continuent d'ajuster librement leurs prix de transfert dans l'ombre des flux intragroupes.
L'amendement que nous présentons tend à mettre fin à cette fiction et à prévoir que la documentation produite soit désormais opposable à l'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. La commission considère que cet amendement est satisfait.
Le droit en vigueur impose aux plus grandes entreprises de tenir à la disposition de l'administration une documentation permettant de justifier les politiques de prix de transfert mises en œuvre au sein du groupe auquel elles appartiennent.
En cas de vérification de comptabilité, l'administration peut s'appuyer sur ces éléments pour effectuer des redressements.
Par ailleurs, des sanctions existent déjà en cas de manquement aux obligations documentaires et déclaratives en matière de prix de transfert.
Il apparaît donc que votre amendement est complètement satisfait. C'est pourquoi, mon cher collègue, je vous demande de le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission : je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi j'émettrais un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 228 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 223 quinquies B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa du I est ainsi rédigé :
« sollicitent un accord préalable prévu par le 7° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. » ;
2° Le I bis est abrogé ;
3° Au II, les mots : « La déclaration est souscrite » sont remplacés par les mots : « L'accord préalable est sollicité et obtenu ».
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Aujourd'hui, le dispositif d'accord préalable en matière de prix de transfert (APP) permet à une entreprise de convenir à l'avance avec l'administration fiscale de la méthode de détermination de ses prix intragroupes.
Il s'agit d'une procédure sérieuse, encadrée, qui repose sur les principes de pleine concurrence définis par l'OCDE, principes qui sont, par ailleurs, contestables pour certaines transactions, l'Assemblée nationale ayant adopté un amendement permettant de déterminer l'assiette d'imposition par partage des bénéfices. Toutefois, cette procédure repose – tenez-vous bien ! –sur le bon vouloir des entreprises.
Autrement dit, seules celles qui ont intérêt à la transparence s'engagent dans cette voie. Les autres, souvent les plus grandes, les plus sophistiquées et les plus créatives fiscalement, s'en tiennent soigneusement à l'écart.
Résultat, la puissance publique reste dans le brouillard sur les flux financiers colossaux entre filiales françaises et paradis fiscaux, sur lesquels s'évaporent nos recettes d'impôt sur les sociétés.
Les prix de transfert sont aujourd'hui le premier levier international d'optimisation et, parfois, de fraude fiscale. Tant que ces prix ne sont pas préalablement validés par l'administration, la porte est ouverte à tous les artifices comptables.
L'argument selon lequel la procédure serait complexe ou trop contraignante ne tient évidemment pas : elle existe déjà, et elle fonctionne.
Les entreprises que nous visons, dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions d'euros, disposent de directions fiscales internes, de conseils spécialisés, d'outils de reporting sophistiqués. Elles ont largement les moyens de formaliser leur méthode de définition des prix de transfert, il ne leur manque que la volonté de rendre des comptes.
En rendant l'accord préalable obligatoire, nous instaurons une symétrie : l'administration saura à l'avance comment sont calculés les prix intragroupes ; les entreprises bénéficieront d'une sécurité juridique ; la Nation disposera d'une base fiscale mieux protégée.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Les entreprises sont d'ores et déjà soumises à l'obligation de définir leurs prix de transfert en application du principe de pleine concurrence.
Quant à l'administration, elle dispose d'outils adaptés pour contrôler les prix de transfert et éviter que ceux-ci ne réduisent la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés. En France, le parcours est connu : tout bénéfice indûment transféré peut être réintégré dans la comptabilité de l'entreprise.
Il ne nous paraît donc pas justifié d'imposer un accord préalable, ce qui amènerait toutes les entreprises concernées à demander un rescrit à l'administration fiscale, que celle-ci devrait absorber.
J'ajoute que la conclusion d'un accord préalable n'exclut ni la fraude ni le contrôle.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. J'irai dans le même sens que le rapporteur, en ajoutant que la somme de travail requise des administrations pour valider individuellement et de manière préalable cette politique de prix de transfert pour l'ensemble des entreprises de taille intermédiaire (ETI) se ferait au détriment du ciblage de la fraude des entreprises identifiées par l'administration fiscale.
Opérationnellement, cela me paraît poser de très lourdes difficultés, qui s'ajouteraient à celles que le rapporteur a justement évoquées.
Le risque serait de provoquer l'effet contraire à celui que vous recherchez, si cette mesure devait être interprétée par les entreprises concernées comme une forme de rescrit.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, il y a deux ans, nous avons diminué le seuil de contrôle des prix de transfert de 400 millions d'euros à 140 millions d'euros. Il s'agissait déjà d'une avancée.
Il nous a été expliqué il y a quelques semaines à Romainville, en présence du Premier ministre, que le sujet était important et que même les sociétés qui réalisaient un chiffre d'affaires légèrement inférieur fraudaient.
Rappelons que les prix de transfert sont le dispositif qui permet à Jersey d'être le premier producteur de bananes au monde, ce qui est tout de même assez extravagant !
Cela signifie dans les faits une érosion de la base : une société dispose d'une base imposable, mais fait gérer sa marque par une filiale en Suisse, parce qu'il n'y a pas de fiscalité là-bas, l'emballage à un autre endroit, le marketing à un autre encore, etc. Ces échanges entre filiales du même groupe permettent de rogner la base imposable dans le pays d'imposition.
Les prix de transfert étant légaux, ce contrôle du schéma préalable est donc très important. Pour autant, il nous a également été expliqué que des retards devaient encore être absorbés, en raison de la diminution du seuil votée il y a deux ans.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué. Je tiens à préciser, à l'intention de ceux qui nous écoutent et qui ne sont pas familiers de ces matières, que les prix de transfert ne constituent pas une fraude en eux-mêmes.
N'importe quelle entreprise qui dispose de filières pratique des prix de transfert : c'est ainsi qu'elle calcule la valeur économique des transferts internes. Si deux entreprises dans deux pays échangent sur le marché, cela se fait selon des prix de marché ; dès lors qu'il s'agit de filiales au sein d'un même groupe, on parle de prix de transfert.
La question est de savoir, en effet, si ces prix sont manipulés pour faire baisser artificiellement le bénéfice d'une filiale au profit d'une autre. Il arrive que cela se produise, et il s'agit bien d'un outil de fraude fiscale. C'est la raison pour laquelle les contrôles sont ciblés sur ces matières.
Pour autant, gardons à l'esprit que la grande majorité des entreprises qui ont recours au prix de transfert ne fraude pas. C'est la raison pour laquelle il paraît plus efficace de cibler ces contrôles, plutôt que de demander un accord préalable sur l'ensemble des ETI. Vous avez rappelé, d'ailleurs, ce qui a déjà été fait en ce sens pour certaines entreprises.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre propos, et vous avez raison : ces entreprises ne fraudent pas. Mais il s'agit tout de même de suroptimisation fiscale ! Lorsque les choses sont organisées de cette façon, cela sert un intérêt qui n'est pas celui du pays ; nous devons en être conscients.
D'un côté, cela ouvre la voie à des possibilités de fraude plus importantes ; de l'autre, cela signifie que l'on met en œuvre une sorte de mécano qui n'est pas dans l'intérêt du pays.
Certes, c'est la mondialisation, et il existe des phénomènes contre lesquels il n'est pas possible de lutter. Il n'en demeure pas moins qu'une meilleure régulation n'apparaît pas systématiquement comme contraire à l'intérêt national.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 228 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 226 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au quatrième alinéa du I de l'article 223 quinquies C du code général des impôts, le montant : « 750 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 250 millions d'euros ».
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Si le reporting pays par pays est la clef de voûte de la transparence fiscale, seules les entreprises réalisant plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires y sont actuellement soumises.
Le présent amendement vise donc à étendre cette obligation à toutes les entreprises réalisant plus de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. L'objectif est clair : identifier plus systématiquement les transferts de bénéfices vers les juridictions à fiscalité faible. En ciblant les seules entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse les 750 millions d'euros, nous contrôlons aujourd'hui à peine 10 % des groupes concernés.
C'est une mesure simple, conforme au droit européen, qui renforcerait la capacité de la DGFiP à détecter les transferts artificiels de bénéfices. Quand on sait que 60 % des échanges intragroupes servent à déplacer les profits vers des paradis fiscaux, l'extension de l'ECBCR (Extended country-by-country reporting) est une évidence.
Ce n'est pas un frein à l'investissement : c'est un appel à la responsabilité. C'est la fin du secret pour les grands groupes qui prospèrent grâce à l'opacité. L'Union européenne elle-même recommande un abaissement de ce seuil de chiffre d'affaires.
En rendant public le reporting dès 250 millions d'euros de chiffre d'affaires, on responsabilise les groupes intermédiaires et on renforce le contrôle démocratique.
Si vous avez bien sûr le droit de vous opposer à cette disposition, mes chers collègues, vous contribueriez, ce faisant, à entretenir une inégalité fiscale structurelle entre les PME qui paient plein pot et les multinationales qui déplacent leurs profits hors de France.
Ce n'est pas une mesure idéologique : c'est une arme contre l'évasion organisée. Ce n'est pas une contrainte : c'est une mesure d'hygiène démocratique. Alors que l'opacité fiscale nourrit la fraude, la transparence est la meilleure arme contre l'évasion.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Premièrement, les règles relatives au reporting pays par pays étant fixées dans le cadre de l'OCDE, il paraît plus efficace que l'opportunité d'un changement des seuils déclaratifs soit discutée à cet échelon, et, dans le cas où ce changement serait jugé nécessaire, qu'une action concertée soit menée.
Deuxièmement, les obligations déclaratives des grandes entreprises ont récemment été renforcées de façon marquée. Je pense notamment à l'abaissement, intervenu l'an dernier seulement, du seuil de chiffre d'affaires à partir duquel la mise en place de la documentation des prix de transfert est rendue obligatoire, ce seuil étant passé de 400 millions d'euros à 150 millions d'euros, ou encore à la création d'un parcours déclaratif concernant l'impôt minimum mondial sur les sociétés pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.
Au regard de ces éléments, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, mon cher collègue. À défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Vous nous expliquez que les dispositions de lutte contre le blanchiment doivent être discutées à l'échelon de l'OCDE, monsieur le rapporteur pour avis. C'est un peu comme si vous nous disiez que, pour renforcer la taxation des colis expédiés depuis la Chine, il faudrait au préalable mener une discussion internationale avec nos partenaires de l'OCDE !
En matière de lutte contre le blanchiment et la corruption, la place de notre pays dans les classements mondiaux régresse. Nous dotons-nous des armes nécessaires pour lutter contre ce trafic international ? Si l'abaissement du seuil proposé par notre collègue en est une, si cela va dans le bon sens, alors soyons cohérents et votons le présent amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 136 rectifié bis est présenté par Mmes N. Goulet et Guillotin et M. Gold.
L'amendement n° 147 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L'article L. 45 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Les agents mentionnés au I peuvent également, sur autorisation des autorités nationales compétentes, assister ou participer aux procédures administratives mentionnées aux A, B et C du II, dans les conditions prévues au D du même II, avec des pays tiers ou territoires ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant d'échanger des informations fiscales.
« Tout refus opposé par le contribuable à la présence de fonctionnaires des administrations de ces pays tiers ou territoires dans le cadre des procédures administratives mentionnées aux A, B et C du II est considéré comme un refus opposé aux agents de l'administration et entraîne l'application, le cas échéant, des articles 1732 et 1734 du code général des impôts. » ;
2° L'article L. 51 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans les cas prévus à l'article L. 188 AA. » ;
3° Le dernier alinéa de l'article L. 81 est ainsi rédigé :
« Des fonctionnaires des administrations des États membres de l'Union européenne, de pays tiers ou de territoires peuvent assister à l'exercice du droit de communication dans les conditions prévues aux II et III de l'article L. 45. » ;
4° Après l'article L. 188 A, il est inséré un article L. 188 AA ainsi rédigé :
« Art. L. 188 AA. – Lorsque l'administration informe le contribuable, dans le délai initial de reprise, de la mise en œuvre de l'une des procédures administratives mentionnées aux II ou III de l'article L. 45, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition constatées dans le cadre de cette procédure, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 136 rectifié bis.
Mme Nathalie Goulet. Le présent amendement vise à compléter l'article L. 45 du livre des procédures fiscales, afin d'améliorer la coopération des agents en matière d'enquête et de contrôles multilatéraux, dès lors qu'il y a une suspicion de fraude, d'évasion fiscale internationale ou d'important transfert des bénéfices à l'étranger.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l'amendement n° 147 rectifié bis.
M. Bernard Buis. Il s'agit en effet, dans le cadre des conventions d'assistance administrative, de permettre aux agents français d'assister à des contrôles dans les pays partenaires, et réciproquement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Si la commission souscrit à l'objectif présidant à cette proposition, elle s'interroge sur la possibilité d'inscrire dans le livre des procédures fiscales des éléments qui pourraient relever de traités internationaux et de conventions bilatérales.
Je sollicite donc l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Ces amendements identiques sont utiles, car ils visent à renforcer la coopération avec les administrations étrangères dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, en particulier sur des dossiers à fort enjeu.
Je suis par conséquent favorable à ces amendements identiques.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136 rectifié bis et 147 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.
L'amendement n° 258 rectifié, présenté par M. G. Blanc et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les sociétés commerciales assujetties à l'impôt sur les sociétés sont tenues de déclarer à l'administration fiscale l'ensemble des comptes bancaires qu'elles détiennent à l'étranger. Cette obligation s'applique aux comptes dans des établissements financiers situés hors du territoire national, quel que soit le montant, et doit être réalisée chaque année lors de la déclaration fiscale. Le défaut de déclaration est passible d'une sanction administrative et, en cas de fraude, d'une majoration de redressement.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Cet amendement vise à instaurer, pour les sociétés commerciales soumises à l'impôt sur les sociétés, une obligation annuelle de déclaration à l'administration fiscale de tous les comptes bancaires détenus à l'étranger, sans condition de seuil.
Le défaut de déclaration entraînerait naturellement une sanction administrative, celle-ci étant majorée en cas de fraude avérée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Nous souscrivons à l'objectif, mon cher collègue. La semaine dernière, notre assemblée a toutefois adopté la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment, présentée par notre collègue Nathalie Goulet.
Or ce texte comporte une disposition comparable, dont l'entrée en vigueur différée laissera aux établissements concernés le temps de se préparer à ces nouvelles obligations, ce que ne prévoit pas la présente rédaction.
Je vous propose donc de retirer cet amendement au bénéfice de la disposition introduite dans la proposition de loi susmentionnée, qui poursuit son parcours parlementaire. À défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous avons en effet introduit la même disposition dans la proposition de loi que nous avons adoptée la semaine dernière et sur laquelle vous avez fort judicieusement décidé d'engager la procédure accélérée, monsieur le ministre.
Au bénéfice des engagements du Gouvernement, je retire donc cet amendement, monsieur le président. (M. Grégory Blanc acquiesce.)
M. le président. L'amendement n° 258 rectifié est retiré.
Article 20 bis (nouveau) (priorité)
À la première phrase de l'article L. 13 F du livre des procédures fiscales, les mots : « et L. 13 » sont remplacés par les mots : «, L. 13 et L. 14 A » – (Adopté.)
Article 20 ter (nouveau) (priorité)
I. – L'article L. 80 O du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« Art. L. 80 O. – I. Les agents de l'administration fiscale ayant au moins le grade de contrôleur peuvent intervenir de manière inopinée, entre huit heures et vingt heures ou, en dehors de ces heures, durant les heures d'activité professionnelle de l'assujetti, dans les locaux professionnels d'une personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, à l'exclusion des parties de ces locaux affectées au domicile privé, afin de :
« 1° Vérifier la détention par cette personne du certificat mentionné au 3° bis du I de l'article 286 du code général des impôts pour chacun des logiciels ou systèmes de caisse qu'elle détient ;
« 2° Se faire présenter les terminaux ou systèmes de paiement électronique utilisés par l'assujetti pour encaisser les paiements de ses clients, qu'ils soient adossés ou non à une caisse enregistreuse, en relever les références, ainsi que l'identifiant du ou des comptes bancaires sur lesquels sont versés les fonds encaissés.
« II. – Au début de leur intervention, les agents de l'administration fiscale mentionnés au I du présent article remettent à l'assujetti ou, lorsque l'assujetti est une personne morale, à son représentant, un avis d'intervention.
« Lorsque l'intervention se déroule en l'absence de l'assujetti ou de son représentant, l'avis d'intervention est remis à la personne recevant les agents de l'administration fiscale.
« III. – À l'issue de leur intervention, un procès-verbal est signé par les agents de l'administration fiscale ainsi que par l'assujetti ou, lorsque l'assujetti est une personne morale, par son représentant ou, en l'absence de ces derniers, par la personne ayant reçu les agents. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. Une copie de celui-ci est remise à l'assujetti ou à son représentant. En leur absence, une copie est remise à la personne ayant reçu les agents et une seconde copie est transmise à l'assujetti ou son représentant.
« Le procès-verbal consigne :
« 1° Les références du ou des logiciels ou systèmes de caisse détenus par l'assujetti ainsi que les éventuels manquements.
« Lorsque les agents de l'administration fiscale mentionnés au I constatent un manquement à cette obligation et appliquent l'amende prévue à l'article 1770 duodecies du code général des impôts, le procès-verbal mentionne les dispositions du deuxième alinéa du même article 1770 duodecies et informe l'assujetti qu'il dispose d'un délai de trente jours pour formuler ses observations et, le cas échéant, fournir le certificat mentionné au 3° bis du I de l'article 286 du même code. Les observations de l'assujetti sont annexées au procès-verbal. Si l'intéressé apporte les justificatifs demandés dans le délai imparti, l'amende n'est pas appliquée.
« Dans le cas où l'assujetti, son représentant ou la personne ayant reçu les agents refuse l'intervention des agents de l'administration fiscale, ceux-ci en dressent procès-verbal et appliquent l'amende prévue à l'article 1770 duodecies dudit code ;
« 2° Les références du ou des terminaux ou systèmes de paiement électronique détenus par l'assujetti ainsi que les identifiants du ou des comptes bancaires sur lesquels sont versés les fonds encaissés.
« Dans le cas où l'assujetti, son représentant ou la personne présente refuse l'intervention des agents de l'administration fiscale ou s'abstient de leur présenter tout ou partie des terminaux ou systèmes de paiement électronique dont il dispose, les agents en dressent procès-verbal et appliquent l'amende prévue à l'article 1770 quaterdecies du même code.
« IV. L'intervention des agents de l'administration fiscale sur le fondement du présent article ne relève pas des procédures de contrôle de l'impôt régies par les articles L. 10 à L. 54 A du présent livre. »
II. – Le 2 du A de la section II du chapitre II du livre II du code général des impôts est complété par un article 1770 quaterdecies ainsi rédigé :
« Art. 1770 quaterdecies. – Le fait pour une personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de terminaux ou systèmes de paiement électronique pour encaisser les paiements de ses clients de ne pas les présenter ou de n'en présenter qu'une partie aux agents intervenant en application de l'article L. 80 O du livre des procédures fiscales entraîne l'application d'une amende de 7500 € par appareil non présenté. »
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Delcros, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
à l'obligation de détention du certificat mentionné au 3° bis du I de l'article 286 du code général des impôts
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 146 rectifié, présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... – Le 3° bis du I de l'article 286 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les données d'archivage mentionnées au premier alinéa sont restituées dans un format répondant aux normes établies par l'administration. »
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. L'administration fiscale peut aujourd'hui s'assurer, sur place, qu'une entreprise assujettie à la TVA qui utilise des logiciels ou des systèmes de caisse dispose du certificat délivré par un organisme agréé attestant de la conformité de ces dispositifs. Cette procédure permet de vérifier que les prestations ou les ventes réglées en espèces par les clients sont correctement comptabilisées.
Les entreprises concernées doivent par ailleurs être en mesure d'exporter les données des logiciels ou des systèmes de caisse afin d'en permettre le contrôle par l'administration fiscale. Les agents sont toutefois confrontés à de nombreux formats de fichiers qui rendent leur exploitation complexe.
Afin de lever ces difficultés, cet amendement vise à rendre obligatoire l'utilisation d'un format informatique standard.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Si la commission ne s'oppose pas à une telle disposition, je m'interroge sur la possibilité de la mettre en œuvre sans imposer des contraintes trop fortes à tous nos commerçants.
Je sollicite donc l'avis du Gouvernement sur cet amendement, sur lequel, en tout état de cause, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. L'intention présidant au dépôt de cet amendement est louable, puisqu'il s'agit de simplifier la vie des agents, qui sont en effet confrontés à la coexistence de nombreux formats, dont certains sont très marginalement utilisés, ce qui rend le stockage et l'exploitation de ces archives d'autant plus complexes et coûteux.
Il conviendra naturellement de travailler avec les éditeurs de logiciels de caisse, afin de nous assurer que les formats choisis sont bien les plus couramment utilisés – nous y reviendrons sans doute dans la suite de nos débats.
À ce stade de la discussion, j'émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 20 ter, modifié.
(L'article 20 ter est adopté.)
Après l'article 20 ter (priorité)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 75 rectifié ter, présenté par Mmes N. Goulet et Antoine, MM. Bitz, Canévet, Dhersin, Fargeot, Fialaire, Laugier, Maurey et Cambier, Mmes Sollogoub, Tetuanui et Guillotin et M. Gold, est ainsi libellé :
Après l'article 20 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est infirmée, les copies des pièces et documents saisis sont détruites, sauf si l'ordonnance du premier président de la cour d'appel fait l'objet d'un pourvoi en cassation. En ce cas, ces copies sont conservées par l'administration qui ne peut ni les consulter, ni les exploiter, ni les opposer, jusqu'à l'intervention d'une décision insusceptible de recours mettant fin au litige. » ;
2° Le III bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le compte rendu peut être établi et signé selon les modalités mentionnées au deuxième alinéa du IV. » ;
3° Après le premier alinéa du IV, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le procès-verbal et l'inventaire peuvent être établis sous format numérique. Ils peuvent alors faire l'objet, quel qu'en soit le nombre de pages et pour chaque signataire, d'une signature électronique commune et unique. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent alinéa. » ;
4° Après le sixième alinéa du IV bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le procès-verbal et l'inventaire peuvent être établis et signés selon les modalités prévues au deuxième alinéa du IV. » ;
5° Le V est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la saisie de tout ou partie des pièces et documents est annulée, les copies des pièces et documents concernés sont détruites, à moins que l'ordonnance n'ait fait l'objet d'un pourvoi en cassation. En ce cas, ces copies sont conservées par l'administration qui ne peut toutefois ni les consulter, ni les exploiter, ni les opposer, jusqu'à l'intervention d'une décision insusceptible de recours mettant fin au litige. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Certains collègues estiment que ce texte ne comporte pas suffisamment de dispositions nouvelles de lutte contre la fraude fiscale – il est exact qu'il n'y en a jamais assez. En voilà une, mes chers collègues. Aussi, profitons-en !
Le présent amendement vise à compléter l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, afin, d'une part, de préserver l'effectivité de la portée des décisions rendues par la chambre commerciale financière et économique de la Cour de cassation dans le contentieux afférent aux visites domiciliaires, et, d'autre part, de moderniser, en permettant leur dématérialisation, le procès-verbal relatant les modalités de déroulement des opérations de visite et de saisie, ainsi que l'inventaire qui lui est annexé.
Vous comprenez l'intérêt de cette disposition : alors que, aujourd'hui, huissiers et magistrats doivent se déplacer avec des caisses de documents, la dématérialisation simplifiera l'exécution d'un certain nombre de décisions, notamment de saisie.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié septies, présenté par Mme N. Goulet, MM. Bitz, Canévet, Dhersin, Fialaire, Fargeot, Laugier et Maurey, Mmes Saint-Pé, Sollogoub, Tetuanui, Antoine et Guidez, MM. Kern, Menonville et Lafon, Mmes Vermeillet et Romagny, M. Levi, Mmes Perrot et Loisier, MM. Courtial et Masset, Mme Jacquemet et M. Cabanel, est ainsi libellé :
Après l'article 20 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du IV de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le procès-verbal relatant les modalités et le déroulement des opérations de visite et de saisie, et l'inventaire qui lui est annexé, sont établis sous forme dématérialisée. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement, suite logique du précédent – il eût d'ailleurs peut-être été préférable de n'en déposer qu'un seul… –, vise à faciliter la tenue des opérations matérielles prévues par la loi dans le cadre des visites domiciliaires, en prévoyant que les procès-verbaux relatant les modalités de déroulement des opérations de visite et de saisie sont établis sous forme dématérialisée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. L'avis de la commission est favorable sur l'amendement n° 75 rectifié ter.
Aussi, je demande le retrait de l'amendement n° 9 rectifié septies, qui du reste sera satisfait dès lors que l'amendement n° 75 rectifié ter aura été adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Je partage l'analyse de la commission et demande à mon tour le retrait de l'amendement n° 9 rectifié septies – l'avis du Gouvernement serait à défaut défavorable –, au profit de l'amendement n° 75 rectifié ter, auquel je suis favorable.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 9 rectifié septies est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, au profit de l'amendement n° 75 rectifié ter, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié septies est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 75 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 ter.
Article 20 quater (nouveau) (priorité)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2026, une évaluation du dispositif de recouvrement de la taxe sur les transactions financières prévue à l'article 235 ter ZD du code général des impôts. Cette évaluation dresse un bilan des activités de collecte et de contrôle réalisées par le dépositaire central Euroclear France, mesure l'opportunité de réviser le protocole d'accord entre ce dernier et l'administration fiscale et détermine les pistes d'amélioration du mode de collecte de la taxe sur les transactions financières – (Adopté.)
Avant l'article 23 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié octies, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet et Bitz, Mme Antoine, MM. Dhersin, Fargeot, Fialaire, Laugier, Maurey et Cambier, Mmes Sollogoub, Tetuanui et Vermeillet, M. Menonville, Mme Loisier, MM. Lafon et Kern, Mmes Saint-Pé, Romagny et Guidez, M. Levi, Mmes Housseau, Perrot et Jouve, MM. Bilhac, Daubet et Courtial, Mme Jacquemet, M. Masset, Mme N. Delattre et M. Cabanel, est ainsi libellé :
Avant l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 181-0 A du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'administration dispose du même délai de reprise de dix ans en cas de non-déclaration d'un compte de crypto-actifs. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Le présent amendement vise à préciser, à l'article L. 181-0 A du livre des procédures fiscales, que l'administration dispose d'un délai de reprise de dix ans en cas de non-déclaration d'un compte ou d'un portefeuille de crypto-actifs.
Une telle disposition contribuera à adapter notre législation aux crypto-actifs, dont nous savons que la proportion est appelée à devenir déterminante, ainsi qu'aux spécificités de la blockchain, dont l'identification prend du temps.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Cet amendement me paraît satisfait par la combinaison de différentes dispositions existantes.
L'article 1649 bis C du code général des impôts (CGI) prévoit que les personnes ou les entités juridiques domiciliées ou établies en France sont tenues de déclarer, en même temps que leurs revenus ou leurs résultats, les références des portefeuilles d'actifs numériques qu'elles détiennent.
Or l'article L. 169 du livre des procédures fiscales prévoit que le délai de reprise est étendu à dix ans en cas de non-respect des obligations déclaratives prévues à ce même article 1649 bis C du CGI.
En conséquence, en cas de non-déclaration de crypto-actifs, le délai de reprise est déjà de dix ans. J'ajoute que la majoration de 80 % de tous les rappels d'impôt a également été étendue aux actifs numériques en cas de non-respect de cette obligation déclarative.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Si je souscris à l'intention ayant présidé à la rédaction de cet amendement, il me paraît que la disposition proposée, non seulement est satisfaite, comme le rapporteur pour avis vient de l'indiquer, mais se heurte à la nécessité de distinguer les crypto-actifs qui sont détenus à l'étranger de ceux qui sont détenus en France, comme on le fait pour tout type d'actifs.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, afin qu'il puisse être retravaillé au cours de la navette. À défaut, j'y serais défavorable.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 32 rectifié octies est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. La définition de la propriété d'un portefeuille ratione loci me paraît quelque peu aventureuse, monsieur le ministre…
Néanmoins, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié octies est retiré.
Article 23 (priorité)
I. – À la première phrase des articles L. 188 A, L. 188 B et L. 188 C du livre des procédures fiscales, les mots : « l'année » sont remplacés par les mots : « la deuxième année ».
II. – Le I s'applique aux délais de reprise venant à expiration à compter de la publication de la présente loi – (Adopté.)
Après l'article 23 (priorité)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 137 rectifié est présenté par Mmes N. Goulet et Guillotin et M. Gold.
L'amendement n° 138 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le d du 3° de l'article 990 E est ainsi modifié :
a) Les mots : « communiquent chaque année ou prennent et respectent l'engagement de communiquer à l'administration fiscale, sur sa demande » sont remplacés par les mots : « déclarent chaque année au plus tard le 15 mai, au lieu fixé par l'arrêté prévu à l'article 990 F » ;
b) La deuxième phrase est supprimée ;
2° L'article 990 F est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est supprimé ;
b) A la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « redevables », sont insérés les mots : « , ainsi que les entités juridiques visées au d ou e du 3° de l'article 990 E, » ;
3° Après l'article 990 F, il est inséré un article 990 F... ainsi rédigé :
« Art. 990 F.... – Lorsque la personne morale, l'organisme, la fiducie ou l'institution comparable soumis à l'obligation déclarative visée aux articles 990 E et 990 F ne dispose pas en France d'un établissement stable, elle est tenue de désigner, dans la déclaration visée à ces articles, une personne physique ou une personne morale fiscalement domiciliée en France ou dont le siège social est établi en France autorisée à recevoir pour son compte l'ensemble des communications, pièces de procédure et notifications de l'administration relatives ou découlant du contrôle de la taxe prévue à l'article 990 D.
« À défaut d'une telle désignation, l'entité juridique la plus proche des immeubles ou droits immobiliers dans la chaîne de participations et connue de l'administration, qu'elle soit exonérée ou non, sera réputée autorisée à recevoir, pour le compte de la personne visée à l'alinéa précédent, l'ensemble des communications, pièces de procédure et notifications de l'administration relatives ou découlant du contrôle de la taxe prévue à l'article 990 D. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 137 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à renforcer la transparence des entités non-résidentes possédant des biens immobiliers en France en améliorant la programmation et l'efficacité des contrôles fiscaux relatifs à ces biens.
Pour ce faire, il est proposé de supprimer l'option d'engagement pour laquelle les entités bénéficiant de l'exonération de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France, dite taxe 3 %, peuvent opter, en lieu et place d'une déclaration.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l'amendement n° 138 rectifié bis.
M. Bernard Buis. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. L'avis est favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 137 rectifié et 138 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.
Je suis saisi d'un amendement et d'un sous-amendement.
L'amendement n° 142 rectifié, présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile et Patriat, Mme Aeschlimann, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l'article 1416 du code général des impôts, les mots : « qui peut être mis en recouvrement au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle de l'imposition » sont supprimés.
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article L. 173, les mots « , à l'exception de la cotisation foncière des entreprises, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de leurs taxes additionnelles, » sont supprimés ;
2° Au début de l'article L. 174, sont ajoutés les mots : « Par dérogation aux dispositions de l'article L. 173, les omissions ou erreurs concernant la taxe annuelle sur les logements vacants mentionnée à l'article 232 du code général des impôts, la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale mentionnée à l'article 1407 du même code, la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale vacants mentionnée à l'article 1407 bis dudit code, ».
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement vise à porter d'un an à trois ans le délai de reprise en matière de taxe sur les logements vacants (TLV), de taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) et de taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV), afin de sécuriser les recettes locales et les contrôles.
Si la prescription triennale s'applique généralement pour la plupart des impôts, le délai dans lequel l'administration peut corriger des omissions ou insuffisances d'imposition est dans ce cas d'un an seulement.
Ce délai se révèle trop court pour permettre à l'administration d'opérer les actions de contrôle et d'identification des redevables qui n'auraient pas été imposés à ces taxes dans le cadre du rôle général.
Il est donc proposé d'allonger de deux ans le délai de reprise, afin de sécuriser les ressources des collectivités locales et d'éviter que certains redevables n'échappent à ces impositions.
M. le président. Le sous-amendement n° 280, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Amendement n° 142, alinéa 6
Remplacer les mots :
et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale mentionnée à l'article 1407 du même code, la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale
par les mots :
mentionnée à l'article 1407 du même code, la taxe d'habitation sur les résidences secondaires afférente aux logements
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. L'article 110 de la loi du 14 février 2025 de finances pour 2025 a recentré le champ d'application de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, afin de cibler les seuls locaux à usage d'habitation.
L'intitulé de la taxe ayant été modifié, je propose modestement de rectifier en conséquence l'amendement du président Iacovelli.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Je suis favorable au sous-amendement n° 280, qui tend à corriger utilement la rédaction de l'amendement n° 142 rectifié, auquel je suis également favorable sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Comme nous arrivons au bout de l'examen des articles appelés en priorité, avant de céder la parole à ma collègue Charlotte Parmentier-Lecocq, permettez-moi de revenir sur un point que nous avons abordé cet après-midi, afin de préciser la position du Gouvernement sur l'amendement n° 24 de M. Lurel, tendant à insérer un article additionnel après l'article 18.
Le Gouvernement est défavorable à l'élargissement aux associations agréées déclarées depuis plus de cinq ans se proposant, par leurs statuts, de lutter contre la corruption, des droits réservés à la partie civile en matière de fraude fiscale, et cela pour deux raisons.
Premièrement, l'intérêt à agir de ces associations n'est pas assimilable à celui des syndicats et organisations professionnelles ou interprofessionnelles qui ont un intérêt légitime et évident à demander réparation, dès lors que les faits incriminés portent atteinte à l'intérêt collectif de leur profession.
Deuxièmement, en matière de fraude fiscale, l'administration fiscale joue le rôle d'une partie civile particulière, puisque, par les procédures administratives qu'elle met en œuvre, elle peut non seulement opérer réparation pour elle-même, mais aussi, dans le cadre d'une procédure pénale, appuyer le ministère public. Pour la suite de nos débats et de la navette, il m'a paru important d'apporter ces précisions.
En tout état de cause, pour les mêmes raisons que le rapporteur pour avis, je suis favorable au sous-amendement n° 280, ainsi que, sous réserve de l'adoption de celui-ci, à l'amendement n° 142 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 280.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.
L'amendement n° 31 rectifié sexies, présenté par Mmes N. Goulet et Antoine, MM. Bitz, Canévet, Dhersin, Fargeot, Fialaire, Laugier, Maurey et Cambier, Mmes Sollogoub, Tetuanui, Saint-Pé, Vermeillet, Romagny et Loisier, MM. Lafon, Kern et Menonville, Mme Guidez, M. Courtial, Mme Jacquemet et MM. Masset, Cabanel et Haye, est ainsi libellé :
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La saisie administrative à tiers détenteur peut aussi porter sur les comptes de crypto-actifs conservés par un prestataire de services sur actifs numériques. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à élargir le périmètre des saisies administratives prévu à l'article L. 262 du livre des procédures fiscales aux comptes de crypto-actifs conservés par un prestataire de services sur actifs numériques.
Vous me donnerez bien un dernier avis favorable avant de nous quitter, monsieur le ministre ? (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis. Votre proposition est excellente, ma chère collègue (Sourires.), mais les créances dont le recouvrement relève des comptables publics peuvent faire l'objet d'une saisie administrative à tiers détenteur notifiée aux dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables.
Les cryptomonnaies entrant dans le cadre des actifs susceptibles d'être ainsi saisis, l'amendement me paraît satisfait, mais je demande au Gouvernement de bien vouloir nous le confirmer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. Je ne puis hélas ! vous le confirmer, monsieur le rapporteur pour avis.
Si le Gouvernement rejoint naturellement votre souci de permettre la saisie à tiers détenteurs de crypto-actifs, madame Goulet, la difficulté est que, en l'état du droit, les crypto-actifs n'étant considérés ni comme des instruments d'échange ni comme des unités de compte ni comme une réserve de valeur – les trois éléments constitutifs de la définition de la monnaie –, ils ne sont assimilables ni à des monnaies ni à des sommes d'argent.
Une fois leur saisie effectuée, la vente de ces crypto-actifs est donc le préalable nécessaire au recouvrement des créances publiques. À défaut d'une disposition prévoyant cette vente, le dispositif proposé ne peut fonctionner.
Je demande donc le retrait de cet amendement, au profit du travail que nous pourrons mener au cours de la navette pour en préciser la rédaction. À défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 31 rectifié sexies est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Notre discussion montre que le rapport demandé par notre collègue Savoldelli sur les crypto-actifs lors de l'examen de la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment sera réellement utile.
Je retire toutefois l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 31 rectifié sexies est retiré.
Article 2
L'article L. 134 D du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« Art. L. 134 D. – Pour les besoins de l'accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement portant sur les infractions prévues à l'article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale, les agents des organismes mentionnés aux articles L. 211-1, L. 212-1, L. 215-1, L. 221-1, L. 222-1-1, L. 223-1 et L. 752-4 du même code, les agents des services mentionnés à l'article L. 232-16 du code de l'action sociale et des familles et ceux exerçant les missions mentionnées à l'article L. 245-5 du même code, ainsi que ceux mentionnés à l'article L. 5312-1 du code du travail et à l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, disposent d'un droit d'accès direct aux informations contenues dans les déclarations prévues à l'article 1649 ter du code général des impôts, aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu'aux informations mentionnées à l'article L. 107 B du présent livre.
« Afin de prévenir et de lutter contre la fraude liée au revenu de solidarité active, les agents, individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, relevant des services des départements mentionnés à l'article L. 262-15 du code de l'action sociale et des familles disposent d'un droit d'accès direct aux fichiers contenant les informations mentionnées aux articles 1649 A et 1649 ter du code général des impôts.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles les organismes mentionnés au premier alinéa et les départements assurent la traçabilité des consultations effectuées par les agents relevant de leurs services ainsi que les modalités de conservation et de destruction des informations consultées. »
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié duodecies, présenté par Mme N. Goulet, MM. Bitz, Canévet, Dhersin, Fargeot, Fialaire et Laugier, Mmes Saint-Pé, Sollogoub, Tetuanui, Romagny, Loisier et Antoine, MM. Kern et Lafon, Mmes Vermeillet et Guidez, MM. Menonville et Maurey, Mme Perrot, MM. Daubet et Courtial, Mme Jacquemet et MM. Cabanel et Haye, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après la première occurrence des mots :
même code,
insérer les mots :
les agents des services de l'État chargés des affaires consulaires mentionnés au 7° de l'article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale,
II. – Alinéa 4
Après le mot :
organismes
insérer les mots :
et les services de l'État
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Le présent projet de loi prévoit de renforcer l'efficacité financière des contrôles, en permettant une appréciation plus fine des ressources du patrimoine des assurés.
Cet amendement vise à élargir aux agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères l'accès direct aux bases de données de la DGFiP qui est alloué par le texte à un certain nombre d'autres agents.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Une telle disposition me paraît pertinente, notamment dans le cadre de l'instruction des demandes d'aide sociale ou de bourse scolaire.
L'avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. L'article L. 158 A du livre des procédures fiscales prévoit une dérogation au secret professionnel permettant aux services chargés d'instruire les dossiers de demande de prestation ou d'avantage prévus par la loi de se faire communiquer par l'administration fiscale les renseignements nécessaires au contrôle des déclarations patrimoniales.
Avant d'envisager d'aller plus loin en ouvrant les bases de données patrimoniales de la DGFiP, une démarche qui est loin d'être anodine compte tenu des informations très sensibles que contiennent ces bases de données, je souhaite que les équipes de Bercy et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères auditent les circuits d'informations actuels. Si ces derniers se révèlent insuffisants, nous pourrons revenir sur votre proposition dans la navette, madame la sénatrice.
Il reste que, à ce stade, l'adoption de cet amendement me paraît prématurée. Je sollicite donc son retrait ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne retirerai pas cet amendement, et cela pour plusieurs raisons.
La première est que le service de lutte contre la fraude du ministère de l'Europe et des affaires étrangères rencontre un certain nombre de difficultés, notamment parce que ses agents manquent d'outils – étant rapporteur de la mission « Action extérieure de l'État », j'y suis particulièrement sensible.
La seconde raison est que, lors de l'examen de ce qui est devenu la loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques, nous avons adopté, sur mon initiative, l'amendement n° 8 rectifié quater, par lequel je proposais de compléter l'article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale de la mention des agents consulaires.
Je tiens donc à ce que cet amendement soit voté dès à présent, d'autant que nous aurons tout à fait le temps d'ajuster le dispositif durant la navette.
Lorsqu'une personne souhaite obtenir un visa de longue durée dans notre pays, elle doit apporter la preuve de ses facultés contributives et de sa couverture sociale. Il faut bien permettre aux services chargés d'instruire les demandes d'aides d'obtenir des services consulaires la communication des pièces attestant les facultés contributives que les intéressés leur ont adressées avant leur arrivée en France.
Je maintiens donc fermement mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.
M. Michel Masset. Mme Sophie Briante Guillemont, qui représente les Français établis hors de France, m'a chargé de vous dire qu'elle s'oppose fermement à cet amendement, ainsi qu'à l'amendement n° 5 rectifié nonies qui sera présenté ultérieurement, mes chers collègues.
Les dispositions proposées sont en effet tout à fait stigmatisantes pour les Français de l'étranger. Pour information, les dossiers de demandes d'aide sociale ou de bourse scolaire sont déjà très intrusifs, puisque les services consulaires requièrent l'accès à l'intégralité des comptes bancaires et des déclarations de patrimoine, se réservant le droit d'effectuer des visites systématiques à domicile pour vérifier la cohérence des déclarations avec les conditions et le niveau de vie des demandeurs.
L'adoption de ces deux amendements entraînerait donc un renoncement aux droits et à l'inscription au registre des Français de l'étranger, les personnes concernées pouvant craindre l'accès des agents consulaires à ces éléments personnels.
Les intéressés pourraient également renoncer à inscrire leurs enfants dans les établissements français et leur préférer le système local, moins onéreux, au prix d'une perte du lien avec la France pour beaucoup d'enfants.
Ces outils seraient enfin inefficaces et sources d'inégalités, car les nombreux Français n'ayant jamais vécu en France ne pourraient pas être contrôlés.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié duodecies.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 281, présenté par M. Henno et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
ceux mentionnés
par les mots :
les agents de l'opérateur mentionné
2° Après la cinquième occurrence du mot :
et
insérer les mots :
ceux mentionnés
La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 178 rectifié bis, présenté par Mmes Sollogoub et N. Goulet, MM. Bonneau, Anglars et Chasseing, Mmes O. Richard et Jacquemet, MM. Ravier et Maurey, Mmes Antoine et Florennes, M. Favreau, Mmes Dumont, Guidez et L. Darcos, MM. Mizzon, Menonville, Kern et Cambier, Mmes Aeschlimann, Saint-Pé et Vermeillet, MM. Capus et Houpert, Mme Patru et M. Delia, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Afin de faciliter la récupération sur succession des prestations mentionnée à l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles, les agents, individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, des services des départements disposent d'un droit d'accès direct aux fichiers contenant les informations mentionnées à l'article 1649 ter du code général des impôts.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Le code de l'action sociale et des familles autorise déjà le département à récupérer, sur la succession du bénéficiaire de l'aide sociale, les sommes versées au titre de cette aide, y compris sur le capital-décès d'un contrat d'assurance vie lorsque les primes ont été versées après 70 ans.
Toutefois, dans la pratique, les départements ne disposent pas d'un accès direct aux informations relatives aux contrats d'assurance vie détenus par les bénéficiaires de l'aide sociale.
Les données nécessaires à ce recouvrement, telles que l'existence de contrats d'assurance vie, le nom des bénéficiaires, les montants versés, les dates de versement, ne peuvent être obtenues qu'auprès des héritiers, des bénéficiaires ou des assureurs, ce qui rend le contrôle aléatoire et dépendant de la bonne foi de ces derniers.
L'administration fiscale dispose pourtant déjà de ces informations via le fichier Ficovie, instauré par l'article 1649 ter du code général des impôts.
Le présent amendement vise donc à autoriser un partage ciblé d'informations entre l'administration fiscale et les services départementaux, à des fins exclusives de recouvrement des créances d'aide sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Ce dispositif donnera aux départements des moyens de recouvrer des créances, en particulier en prenant connaissance de l'existence de contrats d'assurance vie. Je pense notamment à la récupération sur succession.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Madame la sénatrice, vous l'indiquez, l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles autorise déjà le département à récupérer sur la succession du bénéficiaire de l'aide sociale les sommes versées au titre de cette aide, y compris sur le capital décès d'un contrat d'assurance vie lorsque les primes ont été versées après 70 ans.
Cela étant, cette voie de recours est pour l'heure inopérante, dès lors que la dérogation au secret fiscal actuel prévoit la possibilité pour l'administration fiscale de transmettre des informations au département dans les seuls cas de l'instruction de la demande d'admission à l'aide sociale ou pour la radiation éventuelle du bénéficiaire.
Ainsi, la mesure proposée comporte une double ouverture.
D'une part, elle prévoit une extension des finalités de la dérogation actuelle, qui couvrirait la transmission d'informations pour la récupération sur des fonds d'assurance vie des sommes versées à un bénéficiaire de l'aide sociale, et non plus seulement pour l'instruction de la demande d'aide ou la radiation du bénéficiaire. Cette mise en cohérence semble logique.
D'autre part, elle prévoit la création d'un accès direct à Ficovie. Cette proposition me semble en revanche plus problématique, et je n'y suis pas favorable.
Avant d'envisager d'aller plus loin et d'ouvrir la base de données Ficovie de la DGFiP à l'ensemble des départements de France – cette démarche est loin d'être anodine, compte tenu des informations sensibles qu'elle contient –, je souhaite que l'on puisse permettre aux équipes de Bercy de travailler avec les départements sur le sujet pour bien calibrer une éventuelle mesure.
Dans un premier temps, il conviendra d'examiner si le droit de communication actuel est insuffisant pour la mise en œuvre de ces contrôles, qui concernent les éventuels contrats d'assurance vie des bénéficiaires d'aides sociales.
Je précise enfin que, d'un point de vue technique, ouvrir aux départements un accès direct à cette base de données serait extrêmement lourd.
Un tel accès impliquerait pour les départements, à l'ouverture de l'accès, la signature d'une convention juridique avec la DGFiP, la réalisation de branchements via un portail en ligne, la gestion des habilitations et la production, chaque année, d'un bilan des opérations de contrôle interne et de maîtrise des risques engagés par le département concernant ses agents habilités.
Compte tenu de ces éléments et de la lourdeur de la démarche, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice, afin que nous puissions réaliser des travaux complémentaires.
M. le président. Madame Sollogoub, l'amendement n° 178 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nadia Sollogoub. Mes explications n'ont peut-être pas été assez claires.
Je n'ai pas parlé de permettre aux agents des départements d'avoir un accès direct à Ficovie. Je souhaite un décloisonnement entre l'administration fiscale et les départements, afin que les agents de ces derniers puissent obtenir les informations qui leur sont utiles.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 197 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret en Conseil d'État prévoit la formation des agents en matière de collecte des informations et de traçabilité des consultations.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L'article 2 du projet de loi étend le droit d'accès des organismes de sécurité sociale à la base nationale de données patrimoniales (BNDP), à la base relative aux transactions immobilières (Patuela) et au fichier Ficovie.
Il étend le périmètre de consultation de ces fichiers aux agents des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), des caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat), de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) et de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), afin de leur permettre d'effectuer leurs missions de contrôle et de recouvrement des fraudes sociales mentionnées à l'article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale.
Étant donné le caractère personnel des données figurant dans ces fichiers, nous proposons par cet amendement de préciser que ces agents bénéficieront d'une formation adéquate, afin de protéger les données auxquelles ils auront désormais accès.
Nous proposons ainsi qu'un décret en Conseil d'État prévoie la formation des agents en matière de collecte des informations et de traçabilité des consultations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Il nous semble pertinent de préciser que les agents qui seront habilités à accéder à des informations sensibles doivent être correctement accompagnés et sensibilisés aux règles de consultation et de conservation qui s'imposent.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Madame la sénatrice, vous proposez de compléter les dispositions visant à étendre l'accès aux bases patrimoniales détenues par les services fiscaux aux agents des CPAM, des Carsat, de la Caisse nationale de l'assurance maladie et de la Cnav. Votre amendement tend à prévoir un décret en Conseil d'État pour instituer la formation de ces agents en matière de collecte et de traçabilité.
Pour mémoire, l'accès aux bases concernées permet une meilleure connaissance des revenus et du patrimoine des personnes aux seules fins de lutte contre la fraude en matière de protection sociale, qui est un objectif de valeur constitutionnelle.
Le dispositif prévu a recueilli l'avis favorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Le Gouvernement s'est engagé auprès de cette dernière à ce que tout nouvel accès à ces données soit strictement limité aux besoins des missions des agents compétents en matière de lutte contre les infractions figurant à l'article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale.
Par souci de proportionnalité et d'effectivité, le nombre d'agents individuellement désignés par les organismes de sécurité sociale concernés et bénéficiant d'habilitations délivrées par la DGFiP, selon les modalités fixées par décret, est donc limité.
La Cnil sera consultée sur la mise à jour des actes réglementaires encadrant chacun des traitements concernés en vue de préciser les catégories d'agents concernés, les catégories de données auxquelles ils pourront avoir accès, ainsi que les modalités d'accès à chacune de ces bases.
Le Gouvernement partage votre souci de protection des données personnelles, madame la sénatrice. Il a bien prévu les garanties nécessaires. Par ailleurs, le principe de ces formations semble davantage relever du domaine de la bonne coopération interadministrative que de la loi ou du règlement.
Néanmoins, je m'en remettrai à la sagesse de cette assemblée sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 197 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 187 rectifié quater, présenté par Mmes Sollogoub et N. Goulet, M. Bonneau, Mme Lermytte, MM. Anglars et Chasseing, Mmes O. Richard et Jacquemet, MM. Ravier et Maurey, Mmes Antoine, Florennes, Dumont, Guidez et L. Darcos, MM. Mizzon, Menonville, Kern et Cambier, Mmes Aeschlimann, Saint-Pé, Richer et Vermeillet, MM. Capus et Houpert, Mmes Patru et Gacquerre et MM. Delia et Haye, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 78 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'acte de décès sera transmis dans un délai fixé par décret aux administrations définies à l'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont la liste est prévue par décret. »
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Lorsqu'un décès survient, le médecin établit un certificat de décès qui est adressé à la mairie du lieu de décès, charge à celle-ci de le faire suivre à la mairie du lieu de résidence.
Le décès sera ainsi transcrit sur les registres d'état civil. Cependant, les administrations n'ont pas connaissance de l'événement. Il appartient à la famille ou aux proches de faire plusieurs déclarations individuelles à chacune d'entre elles.
Ces déclarations reposent sur le volontariat. En l'absence de ces démarches, la personne est réputée toujours vivante auprès des organismes tels que la sécurité sociale, la caisse nationale d'allocations familiales, la direction générale des finances publiques, etc.
Ce fonctionnement cloisonné peut permettre des comportements frauduleux. Par ailleurs, la France prône la règle « Dites-le nous une fois » : un administré n'a plus à communiquer une information à une administration quand une autre l'a déjà.
Dans ce contexte, l'automatisation du transfert de l'information répondrait à un double objectif de lutte contre la fraude potentielle et d'allégement de la charge administrative, dans un moment douloureux pour les personnes concernées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à obliger l'état civil de la commune où est survenu un décès à transmettre sans délai – sans délai ! – l'acte de décès aux administrations, lesquelles, comme vous l'avez souligné, chère collègue, sont nombreuses.
Même si nous comprenons l'intention des auteurs de cet amendement, nous y sommes défavorables compte tenu de la charge de travail qui pourrait résulter pour les collectivités de cette obligation de transmission, qui plus est « sans délai ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Comme Mme la rapporteure, nous sommes défavorables à cet amendement, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, cette transmission d'informations n'est pas véritablement utile, dans la mesure où les mairies adressent déjà mensuellement à l'Insee des bulletins statistiques de l'état civil aux fins de mise à jour du répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP), dont le bulletin n° 7, qui recense tous les décès.
Ensuite, et je reprends ici l'argument de Mme la rapporteure, cette disposition imposerait un surplus de travail aux officiers d'état civil, qui devraient transmettre systématiquement et sans délai tous les actes de décès à de multiples administrations.
Il s'agirait d'une surcharge administrative, alors que, dans de nombreux cas, les administrés doivent déjà, à échéance régulière, manifester leur existence pour obtenir des prestations sociales. C'est le cas par exemple des retraités résidant à l'étranger, qui doivent transmettre chaque année un certificat de vie.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Je suis parfaitement consciente que l'adoption de cet amendement entraînerait une charge de travail supplémentaire pour les agents des municipalités ; il faudra donc imaginer un dispositif simple et automatique.
Je précise toutefois que, à la suite de l'avis émis en commission, l'amendement a été modifié : il tend désormais à prévoir la transmission de l'acte de décès « dans un délai fixé par décret » et non plus « sans délai », afin de permettre une mise en œuvre plus souple du dispositif.
Il me paraît évident que la transmission de l'acte de décès doive être automatique. Il est incroyable que, dans notre pays, il faille déclarer un décès à toutes les administrations, une par une, sans quoi elles n'en sont pas informées. C'est tellement énorme que nous ne le voyons plus !
Dans un texte visant à lutter contre la fraude, la mesure que nous proposons nous paraît tout à fait basique.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 187 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 216 rectifié sexies, présenté par Mmes Aeschlimann et Josende, MM. Khalifé et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Mizzon, Naturel et Laugier, Mme Gosselin, MM. Somon, Burgoa et Fargeot, Mme Bellamy, M. Belin, Mme de Cidrac, M. H. Leroy, Mmes Micouleau, Imbert et P. Martin, MM. Bruyen, Delia, Chatillon et Milon et Mmes Malet et Jacques, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 7° de l'article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les agents des services préfectoraux. »
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement a pour objet le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS). Cet outil d'information et de transparence dans le champ de la protection sociale centralise des données issues des organismes de protection sociale et informe sur les droits ouverts à chaque assuré.
Son accès est acquis, notamment, à des agents des administrations financières, fiscales, des services des douanes, de la police, de la gendarmerie, des services de sécurité intérieure et de la direction générale du travail.
Le présent amendement vise à autoriser des agents des services préfectoraux, individuellement désignés et dûment habilités, à accéder à ce répertoire. En effet, actuellement, des agents préfectoraux sont habilités à recevoir toute information relative à une éventuelle fraude d'un usager, notamment étranger. Toutefois, ils ne sont que rarement destinataires de tels signalements de la part de ces organismes publics.
Un accès au répertoire national commun de la protection sociale pourrait donc constituer une étape de contrôle supplémentaire lors de l'instruction des demandes de titres de séjour, pour compléter le contrôle par ailleurs déjà effectué en matière de consultation sécuritaire. Je pense notamment à la consultation du fichier des personnes recherchées, du traitement des antécédents judiciaires (TAJ), mais aussi du bulletin n° 2 du casier judiciaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement, s'il était adopté, pourrait effectivement permettre aux agents préfectoraux d'obtenir des informations utiles, notamment pour l'instruction des demandes de titres de séjour.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Madame la sénatrice, votre amendement tend à donner aux agents des services préfectoraux un accès au répertoire national commun de la protection sociale.
Ce registre permet d'obtenir en temps réel des informations sur la situation d'un assuré, tirées des systèmes d'information des organismes sociaux, donc de savoir si un assuré a des droits ouverts dans un organisme. Il recense toutes les prestations qui sont versées et contient, par conséquent, des données personnelles.
Le règlement général sur la protection des données, complété par la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés prévoit des garanties importantes en matière de traitement de données personnelles. Il consacre ainsi les principes de minimisation et de proportionnalité des traitements, afin de réduire tout risque d'atteinte à la vie privée des individus.
Or, tel qu'elles sont rédigées, les dispositions de votre amendement n'apportent pas de précision sur les finalités et les modalités de l'accès des agents des services préfectoraux à ce registre.
Aussi, en attendant que les services compétents engagent des travaux complémentaires pour définir un cadre juridique sécurisé et conforme au droit de la protection des données personnelles, je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. Madame Aeschlimann, l'amendement n° 216 rectifié sexies est-il maintenu ?
Mme Marie-Do Aeschlimann. Si vous convenez que cet amendement tend à apporter des éléments positifs, madame la ministre, je propose que nous l'adoptions et que nous améliorions sa rédaction au cours de la navette.
Au reste, je ne comprends pas pourquoi cette facilité est accordée à des agents des services des douanes ou de la direction générale du travail, mais non à ceux des services préfectoraux. Ils instruisent pourtant des demandes de délivrance et de renouvellement de titres de séjour, lesquels donnent accès à des aides sociales.
Cet amendement est donc tout à fait conforme à l'objectif du présent projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Mes chers collègues, je ne sais pas si vous savez combien de temps il faut aujourd'hui pour obtenir un titre de séjour, à savoir plusieurs mois.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Raymonde Poncet Monge. Je m'étonne que l'on dépose un tel amendement et qu'il faille absolument donner à des agents accès à une base de données pour collecter une donnée à caractère personnel après plusieurs mois d'instruction d'un dossier.
Nous sommes une honte en Europe, car nous mettons des mois à traiter ces dossiers ! Auparavant, les gens faisaient la queue devant les préfectures, mais cela faisait mauvais genre, d'autant plus que les files d'attente étaient proches des habitats bourgeois. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Oui, ces réalités foncières existent, mes chers collègues, il faut bien le dire !
Aujourd'hui, on ne voit plus rien, car tout a été numérisé. Le résultat est qu'il faut des mois et des mois pour renouveler un titre de séjour. Des gens qui travaillent – je l'ai vu – sont en situation irrégulière et risquent une obligation de quitter le territoire français (OQTF) faute d'obtenir le renouvellement de leur titre de séjour. Nous sommes en train de produire des travailleurs irréguliers.
Face à cette situation et à la lenteur du traitement des demandes de titres de séjour, votre amendement me semble vraiment malvenu !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 216 rectifié sexies.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
L'amendement n° 215 rectifié sexies, présenté par Mmes Aeschlimann et Josende, MM. Khalifé et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Mizzon, Naturel et Laugier, Mme Gosselin, MM. Somon, Burgoa, Fargeot et Pointereau, Mme Bellamy, M. Belin, Mme de Cidrac, M. H. Leroy, Mmes Micouleau, Imbert et P. Martin, MM. Bruyen, Delia, Chatillon et Milon et Mmes Malet et Jacques, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le douzième alinéa de l'article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le répertoire permet d'identifier les individus qui ont fait l'objet, à titre définitif, d'un avertissement, d'une pénalité ou d'une condamnation, faisant suite à une plainte déposée en application de l'article L. 114-9 du présent code, au motif qu'ils avaient intentionnellement commis une fraude. L'inscription de cette information dans le répertoire est notifiée aux intéressés.
« Cette information, accessible aux agents individuellement désignés et dûment habilités, est retirée à l'expiration d'un délai de dix ans. »
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à enrichir le répertoire national commun de la protection sociale.
Pour rappel, ce répertoire a été créé par le Parlement en 2008. Il s'agit d'un outil sécurisé de partage d'informations sur les bénéficiaires des prestations sociales entre différents acteurs publics, organismes et services de l'État. Il est utilisé quotidiennement par plus de 105 000 agents habilités pour simplifier les démarches, améliorer la coordination, limiter les erreurs et prévenir les fraudes.
Cet amendement tend à inscrire dans le RNCPS une mention pour les personnes ayant fait l'objet, à titre définitif, d'un avertissement, d'une pénalité ou d'une condamnation pour fraude caractérisée.
Cette mention, strictement encadrée et limitée dans le temps – dix ans –, serait accessible uniquement aux agents habilités et désignés. Elle permettrait de faciliter la détection des fraudeurs lors de l'instruction des demandes d'aide sociale.
Cette disposition présenterait également un intérêt pour les collectivités territoriales dans le cadre de l'instruction, par exemple, de demandes de logements sociaux.
En effet, d'importantes ressources publiques étant mobilisées pour répondre à une demande croissante de logement, les collectivités doivent pouvoir s'assurer de la sincérité des informations fournies par les candidats. La possibilité de vérifier de manière sécurisée et proportionnée l'existence d'éventuelles sanctions pour fraude contribuera à garantir une attribution plus juste et transparente de toute forme d'aide sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à faciliter le partage d'informations par l'intermédiaire du RNCPS, notamment les informations relatives à la fraude. Comme ce support lui semble intéressant, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Cet amendement vise à identifier dans le répertoire national commun de la protection sociale les individus ayant fait l'objet d'une sanction définitive ou d'une condamnation pour fraude.
Or ce répertoire est avant tout un outil destiné à garantir le versement de la juste prestation et à lutter contre les erreurs et les fraudes sociales. Il sert à faciliter l'exercice du droit de communication aux acteurs de la protection sociale. Il n'est pas conçu pour véhiculer des informations sensibles sur les sanctions prononcées pour fraude.
Le règlement général sur la protection des données, complété par la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que la directive police-justice en matière pénale, prévoient des garanties importantes en matière de traitement des données personnelles. Ils consacrent des principes de minimisation et de proportionnalité des traitements, ainsi que de confidentialité, afin de réduire tout risque d'atteinte à la vie privée des individus.
Aussi, partager l'information sur une sanction définitive ou une condamnation prononcée contre un individu pour fraude nécessiterait des travaux juridiques et, surtout, des développements informatiques très importants, qu'il convient d'apprécier.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement, madame la sénatrice ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Je rappelle que nous avons prévu précédemment d'infliger des amendes aux entreprises ayant commis une fraude et de leur faire payer les impôts dont elles sont redevables, mais aucune autre sanction.
En revanche, pour les individus, on prévoit de mentionner dans leur dossier la fraude qu'ils ont commise, afin que cela les suive. Il y a là deux poids, deux mesures, comme nous l'avions d'ailleurs pressenti avant même l'examen du texte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 215 rectifié sexies.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
L'amendement n° 183 rectifié bis, présenté par M. Fargeot, Mme Florennes, MM. Pillefer et Parigi, Mmes Gacquerre, Patru, Billon, Jacquemet, Romagny et Sollogoub, M. Menonville, Mme Antoine, MM. Delahaye, Courtial, Kern et Houpert et Mme Josende, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-12-1-... ainsi rédigé :
« Art. L. 114-12-1-.... – Afin de prévenir et de détecter les fraudes aux prestations et aux cotisations sociales, les organismes nationaux mentionnés à l'article L. 114-12-1 peuvent, en présence d'indices sérieux de fraude et aux seules fins d'en vérifier la réalité, accéder aux informations mentionnées à l'article 1649 A du code général des impôts relatives aux comptes bancaires détenus en France.
« Cet accès fait l'objet d'une traçabilité complète. Les données consultées ne peuvent être conservées que pour la durée strictement nécessaire au contrôle.
« Les modalités d'application du présent article, notamment les garanties applicables, la définition des indices sérieux de fraude et les conditions de traçabilité, sont fixées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. Le Ficoba est l'un des outils les plus efficaces dont nous disposions contre la fraude.
Aujourd'hui, paradoxalement, ceux qui sont en première ligne, à savoir les organismes sociaux, la Cnaf, la Cnam, l'Urssaf, France Travail, n'y ont pas accès. Pourtant, la fraude sociale se repère souvent par des mouvements bancaires incohérents, des multi-iban, des ouvertures de comptes successives. La Cour des comptes le dit depuis des années : ne pas donner aux organismes sociaux un accès encadré, c'est se priver d'un levier essentiel.
Notre amendement vise à autoriser un accès limité et tracé, uniquement en cas d'indice sérieux de fraude, sans dérive possible. Il s'agit uniquement de vérifier des situations douteuses pour protéger nos finances sociales et préserver la confiance dans le système.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Contrairement à ce que vous pensez, mon cher collègue, les caisses nationales de sécurité sociale peuvent déjà bénéficier des données du Ficoba grâce à l'interface de programmation d'application (API), qui est effective. Cet amendement est donc satisfait.
J'en profite pour indiquer à notre collègue Silvana Silvani que, contrairement à ce qu'elle vient d'affirmer, nous traitons la fraude d'une entreprise comme celle d'un particulier. Vous pourrez le constater lors de l'examen de prochaines mesures. Nous avons ainsi déposé un amendement visant à inscrire les entreprises ayant commis une fraude sur une liste noire.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Cet amendement vise à autoriser l'accès des organismes nationaux de sécurité sociale au fichier des comptes bancaires, le Ficoba, détenu par la DGFiP. Les organismes nationaux de sécurité sociale sont des administrations au sens de l'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration.
L'amendement n° 139 rectifié, déposé par M. Iacovelli, et l'amendement n° 149 rectifié, proposé par Mme Goulet, tendent à prévoir l'ouverture du fichier Ficoba à l'ensemble des administrations que je viens de mentionner. Ces amendements ont été adoptés et leurs dispositions couvrent un périmètre plus large que le vôtre.
Votre amendement est donc satisfait. Aussi, je vous propose de le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 rectifié octies est présenté par Mmes N. Goulet et Antoine, MM. Bitz, Dhersin, Fargeot, Fialaire, Laugier, Maurey et Cambier, Mmes Sollogoub, Tetuanui, Saint-Pé, Guidez, Vermeillet et Loisier, M. Lafon, Mme Romagny, MM. Menonville et Levi, Mme Perrot, MM. Kern et Courtial, Mme Jacquemet et MM. Masset et Cabanel.
L'amendement n° 204 rectifié ter est présenté par M. Canévet, Mmes Patru, Gacquerre et Billon et MM. Duffourg et Pillefer.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 613-6-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 613-6-... ainsi rédigé :
« Art. L. 613-6-.... – I. – Lorsqu'il existe des présomptions qu'un prestataire relevant de l'article L. 613-7, qui fournit, par l'intermédiaire d'une plateforme mentionnée à l'article L. 613-6, des services à la personne soumis aux dispositions du titre III du livre II de la septième partie du code du travail, se soustrait à ses obligations en matière de déclaration ou de paiement des cotisations et contributions sociales, des taxes ou du versement libératoire mentionnés au I de l'article L. 613-6-1 du présent code, l'administration ou l'organisme en charge du recouvrement peut signaler ce prestataire à l'opérateur de la plateforme, afin que celui-ci puisse prendre les mesures de nature à permettre à ce prestataire de régulariser sa situation.
« L'opérateur de la plateforme notifie à l'administration ou à l'organisme en charge du recouvrement les mesures prises au titre du présent I.
« II. – Si les présomptions persistent après un délai d'un mois à compter de la notification prévue au second alinéa du I ou, à défaut d'une telle notification, à compter du signalement prévu au premier alinéa du même I, l'administration ou l'organisme en charge du recouvrement peut mettre en demeure l'opérateur de la plateforme de prendre des mesures supplémentaires ou, à défaut, d'exclure le prestataire concerné de la plateforme.
« L'opérateur de la plateforme notifie à l'administration ou à l'organisme en charge du recouvrement les mesures prises au titre du présent II.
« III. – En l'absence de mise en œuvre des mesures ou de l'exclusion mentionnées au II après un délai d'un mois à compter de la notification prévue au second alinéa du II ou, à défaut d'une telle notification, à compter de la mise en demeure prévue au premier alinéa du même II, les cotisations et contributions sociales, les taxes ou le versement libératoire dont est redevable le prestataire mentionné au I sont solidairement dus par l'opérateur de la plateforme.
« IV. – Les modalités d'application du présent article sont définies par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 15 rectifié octies.
Mme Nathalie Goulet. Les plateformes électroniques de services à la personne recourent massivement au régime de la micro-entreprise, tout en se présentant comme de simples intermédiaires numériques.
Cette position leur permet d'échapper à toute responsabilité effective quant au respect des obligations sociales et fiscales. En pratique, ces plateformes ne s'assurent pas que les cotisations sociales dues par les micro-entrepreneurs sont effectivement déclarées et reversées à l'Urssaf. Il s'agit en réalité souvent de sociétés éphémères, voire jetables.
Cet amendement tend à proposer une amélioration du dispositif et un resserrement du contrôle de ces micro-entreprises.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l'amendement n° 204 rectifié ter.
M. Michel Canévet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il nous semble que l'instauration dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2023 d'un mécanisme de précompte, sur lequel j'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion d'intervenir dans cet hémicycle l'année dernière, résout une partie du problème que vous soulevez.
Mes chers collègues, vous parlez essentiellement de plateformes de services à la personne. Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2023 englobe toutes les plateformes.
Le périmètre de votre amendement étant plus restreint, nous émettons un avis défavorable.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. L'avis du Gouvernement sera identique à celui de Mme la rapporteure.
Cet amendement a pour objet d'instaurer un mécanisme de solidarité financière entre les plateformes numériques de services à la personne et leurs prestataires, pour les cas où ces derniers ne rempliraient pas leurs obligations en matière de prélèvements sociaux.
Le Gouvernement partage pleinement la volonté de lutter contre la sous-déclaration, qui peut effectivement être observée chez certains micro-entrepreneurs, en particulier lorsque ceux-ci exercent une partie de leur activité via des plateformes numériques, ainsi que, plus largement, en matière de fraude sociale.
C'est précisément pour cette raison que nous portons un dispositif de prélèvement direct des cotisations et contributions sociales dues par les micro-entrepreneurs, effectué par les plateformes numériques elles-mêmes. Ce dispositif sera généralisé à compter du 1er janvier 2027. Dès lors, le mécanisme de solidarité financière que vous proposez n'aurait plus d'utilité à l'entrée en vigueur de ce prélèvement direct.
Ce dispositif de précompte rendra la plateforme numérique responsable des obligations de déclaration et de paiement, en lieu et place du micro-entrepreneur.
En outre, afin d'éviter que la plateforme ou le micro-entrepreneur ne cherche à contourner le dispositif, la loi a prévu des sanctions en cas de défaut de transmission des éléments nécessaires à l'identification du micro-entrepreneur, d'absence de prélèvement direct ou de transfert à l'Urssaf des sommes prélevées par la plateforme.
Ces sanctions s'élèvent à 7 500 euros d'amende, tant pour les vendeurs et prestataires que pour les plateformes. Pour ces dernières, la sanction s'applique pour chaque prestataire ou vendeur concerné, ce qui constitue déjà une incitation très forte au respect du dispositif.
Aussi, au bénéfice de l'existence de ce mécanisme qui répond à votre préoccupation, madame la sénatrice, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 15 rectifié octies est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié octies est retiré.
Monsieur Canévet, l'amendement n° 204 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Michel Canévet. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 204 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 5 rectifié nonies, présenté par Mme N. Goulet, MM. Bitz, Canévet, Dhersin, Fargeot et Fialaire, Mme Loisier, MM. Laugier et Maurey, Mmes Saint-Pé, Sollogoub, Tetuanui, Guidez, Vermeillet et Romagny, M. Menonville, Mme Antoine, MM. Kern, Lafon et Levi, Mme Perrot, MM. Bilhac, Daubet et Courtial, Mme Jacquemet et M. Cabanel, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, après le mot : « assimilés », sont insérés les mots : « , aux agents des services de l'État chargés des affaires consulaires mentionnés au 7° de l'article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Le projet de loi prévoit de renforcer l'efficacité financière des contrôles en permettant une appréciation plus fine des ressources et du patrimoine des assurés, tant pour la détection des fraudes que pour le recouvrement des sommes afférentes.
En cohérence avec l'amendement tendant à donner aux agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères un accès aux bases de données patrimoniales, que nous avons adopté et qui figure également dans le texte de Thomas Cazenave, mon amendement vise à permettre à ces mêmes agents d'échanger des informations avec les services consulaires, en modifiant l'article L. 152 du livre des procédures fiscales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à étendre aux agents diplomatiques et consulaires chargés de la lutte contre la fraude la communication par l'administration fiscale des informations nominatives nécessaires pour apprécier le droit aux prestations.
Les auditions ayant dû être organisées dans un délai assez court, nous n'avons pas réussi à savoir si cette extension était vraiment nécessaire, notamment après le vote de la loi du 30 juin 2025 que vous avez citée, chère collègue.
En ce qui concerne cet amendement, la commission sollicite donc l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Cet amendement est satisfait, madame la sénatrice, par les dispositions de l'article L. 158 A du livre des procédures fiscales, ainsi que par l'arrêté du 10 novembre 2010.
Ces dispositions s'appliquent expressément à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), à la direction des Français de l'étranger et à l'administration consulaire du ministère des affaires étrangères et européennes, ainsi qu'aux ambassades disposant d'une circonscription consulaire et aux postes consulaires.
Sous réserve d'en faire la demande, les services en charge de l'instruction des aides sociales peuvent accéder à l'API « Impôt particulier », afin de vérifier le niveau des ressources déclarées et de détecter d'éventuelles incohérences avec les dossiers de demande d'aide.
Par ailleurs, il n'est pas souhaitable, pour des raisons de cohérence et de lisibilité du droit, de mentionner les services consulaires à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, dès lors que cet article ne concerne que les organismes sociaux chargés d'un régime obligatoire de sécurité sociale.
Dans ces conditions, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 5 rectifié nonies est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président. Je retravaillerai cette mesure en vue de l'examen du PLFSS.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié nonies est retiré.
L'amendement n° 185 rectifié ter, présenté par M. Fargeot, Mme Florennes, MM. Courtial, Kern, Laugier et Delahaye, Mmes Antoine, Sollogoub, Jacquemet, Billon, Patru et Gacquerre, MM. Parigi et Houpert et Mme Josende, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque organisme national de sécurité sociale publie annuellement un rapport présentant la fraude détectée, la fraude empêchée et la fraude estimée selon une méthodologie harmonisée fixée par décret.
Ce rapport est transmis au Parlement et fait l'objet d'un audit par la Cour des comptes portant sur la sincérité des données présentées et la cohérence de la méthodologie appliquée.
La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. En ce qui concerne la fraude, nous avons toujours le sentiment que l'on nous donne des chiffres à la louche. Chaque organisme applique sa propre méthode, voire n'en applique aucune. En conséquence, nous ne savons pas clairement ce qui est détecté, ce qui est empêché et ce qui est estimé. La Cour des comptes l'a d'ailleurs rappelé à plusieurs reprises : certaines branches refusent encore de produire des estimations fiables.
Cet amendement a simplement pour objet que, une fois par an, une publication homogène soit réalisée selon une méthodologie commune, permettant un audit par la Cour des comptes. Ce n'est pas une révolution, certes : c'est une exigence minimale pour piloter une politique publique.
Comment lutter efficacement contre la fraude si l'on n'est même pas capable d'en mesurer l'ampleur ? On ne peut pas améliorer ce que l'on ne mesure pas. Cet amendement est donc un amendement d'appel, qui met en lumière le véritable enjeu. Pour lutter efficacement contre la fraude, il faut disposer d'indicateurs sincères et homogènes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise la publication annuelle, par chaque organisme national de sécurité sociale, d'un rapport présentant les montants de la fraude.
Or il est largement satisfait par les publications régulières des caisses nationales. Nous avons régulièrement l'occasion d'auditionner les représentants de ces organismes devant la commission des affaires sociales. Il est fait état, dans chacune des auditions, du travail qui est réalisé sur la fraude. Il y a eu de nombreux progrès, et des cellules de fraude ont parfois été créées au sein de ces administrations.
À mon sens, cet amendement est satisfait. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Évidemment, le Gouvernement partage votre préoccupation de disposer d'éléments fiables pour mieux évaluer la réalité de la fraude sociale.
Dans le cadre du plan ministériel de lutte contre la fraude sociale de 2020, puis du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques de 2023, les caisses nationales de sécurité sociale ont engagé un effort important, afin de réaliser une évaluation complète du manque à gagner lié aux fraudes sociales.
Ces travaux ont permis une première estimation du montant de ces fraudes par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), figurant dans un rapport remis au Premier ministre en septembre 2024. Les sommes en jeu sont évaluées à environ 13 milliards d'euros par an.
Les travaux des caisses se poursuivent. Le Premier ministre a confié au HCFiPS une mission de suivi de la lutte contre la fraude sociale, dont les résultats seront publiés dans ce cadre.
Par ailleurs, les caisses nationales produisent chaque année, comme l'a rappelé Mme la rapporteure, un bilan de leur programme de contrôle et de lutte contre la fraude, conformément à l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale.
Les résultats de ces bilans sont présentés dans la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Dans ces conditions, l'établissement d'un rapport supplémentaire ne paraît pas nécessaire.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour explication de vote.
M. Daniel Fargeot. Madame la ministre, j'entends ce que vous nous dites. Effectivement, les organismes publient des chiffres, mais pas selon la même méthode, ce qui gêne l'analyse. En outre, le montant global de la fraude y est rarement estimé. La Cour des comptes le répète d'ailleurs régulièrement depuis dix ans.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, vous n'avez pas assisté à la discussion générale sur ce texte, et c'est bien dommage. En fait, il y a des comptes de la sécurité sociale, mais la Cour des comptes ne les valide pas, justement en raison d'un certain nombre de manquements, comme les approximations structurelles… Il y a toujours environ 2,5 millions de personnes en trop par rapport aux chiffres de l'Insee.
Instaurer une méthode homogène et robuste, c'est ce que l'on attend de l'ensemble des organismes sociaux. On ne peut pas continuer comme cela, au doigt mouillé, notamment avec ce problème dans la base des bénéficiaires.
Cet amendement étant de bon sens, je le voterai.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le refus de la Cour des comptes ne porte que sur les comptes de la branche famille, ce n'est pas la peine de tout mélanger. Il ne s'agit que de l'une des cinq branches de la sécurité sociale ; les autres ne posent pas de problème.
Un amendement similaire a été discuté tout à l'heure concernant la fraude fiscale. Il s'agissait d'un amendement d'appel, déposé par le groupe communiste, je crois. Je ne sais pas quel a été votre vote, mais, puisque cet amendement n'a pas été adopté, j'en déduis que, dans cette partie de l'hémicycle, on estime connaître suffisamment les méthodes et le montant de la fraude fiscale…
Je maintiens que nous disposons aujourd'hui d'une meilleure connaissance de la fraude sociale. La fourchette se situe entre 13 et 15 milliards d'euros. Il existe certes un problème au niveau de la branche famille, mais je considère que, sur la fraude sociale, nous maîtrisons la méthodologie et les montants et disposons d'une estimation raisonnable.
J'aimerais que nous disposions d'une fourchette aussi fiable pour la fraude fiscale. D'ailleurs, le groupe communiste avait également demandé que la Cour des comptes présente chaque année un rapport pour mieux évaluer la fraude fiscale et pour en parler davantage. Cette proposition n'a pas été retenue, et je crois que vous n'avez pas voté pour. Dès lors, nous avons, me semble-t-il, deux raisons de ne pas voter votre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles 3 (précédemment examiné) et 3 bis (nouveau) (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que les articles 3 et 3 bis ont été précédemment examinés.
Article 4
L'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 114-9. – I. – Les organismes nationaux des différents régimes de sécurité sociale conçoivent et mettent en place un programme de contrôle et de lutte contre la fraude adossé au plan de contrôle interne prévu à l'article L. 114-8-1.
« Ils suivent les opérations réalisées à ce titre par les organismes locaux mentionnés au II du présent article. Ils en établissent annuellement une synthèse qui est transmise au ministre chargé de la sécurité sociale. Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale en définit le contenu et le calendrier d'élaboration.
« II. – Les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ainsi que les directeurs des organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code sont tenus, lorsqu'ils ont connaissance d'informations ou de faits pouvant être de nature à constituer une fraude, de procéder aux contrôles et enquêtes nécessaires. Ils transmettent à l'autorité compétente de l'État le rapport établi à l'issue des investigations menées.
« III. – Lorsqu'une fraude est constatée pour un montant supérieur à un seuil fixé par décret, les organismes mentionnés au II portent plainte. Lorsqu'elle a causé un préjudice à plusieurs de ces organismes, ces derniers peuvent mandater l'un d'entre eux pour porter plainte en leur nom et pour leur compte.
« Les organismes nationaux sont informés par l'organisme de sécurité sociale des fraudes et des suites qui y sont données. Ils peuvent agir, au nom et pour le compte d'un organisme local, à l'expiration d'un délai d'un mois après une mise en demeure de ce dernier restée infructueuse lui rappelant l'obligation prévue au premier alinéa du présent III. Ils peuvent déposer plainte au nom et pour le compte d'un ou plusieurs organismes de sécurité sociale qui les mandatent à cette fin.
« IV. – Les organismes mentionnés au I et au II sont dispensés de l'obligation de dépôt de plainte si la fraude a été constatée par un procès-verbal directement transmis au procureur de la République.
« Ces organismes sont dispensés de la consignation prévue à l'article 88 du code de procédure pénale lorsqu'ils déposent plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction ainsi que de la consignation prévue à l'article 392-1 du même code en cas de citation directe de l'auteur présumé de la fraude devant un tribunal répressif.
« V. – Les organismes mentionnés au I et au II du présent article communiquent au procureur de la République, à l'appui de leur plainte ou en cas de transmission d'un procès-verbal, le nom et les coordonnées des organismes d'assurance maladie complémentaire concernés ainsi que toute information qu'ils détiennent sur le préjudice causé à ces organismes par la fraude constatée.
« VI. – En cas de fraude avérée d'un assuré en vue du versement d'indemnités journalières en application de l'article L. 321-1 ou du 2° de l'article L. 431-1, les organismes mentionnés au II du présent article transmettent à l'employeur les renseignements et les documents strictement utiles et nécessaires à la seule fin de caractériser cette fraude. Cette information est réalisée par tout moyen permettant de garantir sa bonne réception par l'employeur. »
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, sur l'article.
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il s'agit ici d'établir le lien entre l'article 2, que nous venons d'adopter, et l'article 4, qui traite des organismes sociaux.
Notre objectif, depuis le début de l'examen de ce texte, est clair : rendre l'action publique plus efficace dans la lutte contre la fraude sociale, laquelle mine la confiance de nos concitoyens.
Pourtant, nos administrations travaillent encore trop souvent en silos. Comme je l'ai souligné lors de la discussion générale, une telle organisation crée des failles que les fraudeurs connaissent et savent exploiter. Il s'agit non pas de créer de nouvelles structures, mais de mieux coopérer et de mieux partager les données.
Une collaboration plus étroite entre les ordres professionnels de santé et les caisses de sécurité sociale, par exemple, permettrait de croiser les informations, de détecter plus rapidement les abus et de protéger les professionnels honnêtes, sans que chacun se renvoie la balle en se retranchant derrière les limites de son champ de compétences.
J'ai interrogé plusieurs ordres professionnels, et tous me tiennent le même discours : travailler en silos conduit à l'inaction, car chacun considère que le problème relève d'un autre.
Madame la ministre, au-delà des mesures que le Parlement adopte, quelles actions concrètes le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour faciliter ces échanges ? En un mot, l'État doit mieux se parler à lui-même pour mieux servir les Français.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 283, présenté par Mme Puissat et M. Henno, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, première phrase
Remplacer le mot :
locaux
par les mots :
de sécurité sociale de leur réseau
II. – Alinéa 5, première phrase
Après le mot :
organismes
insérer les mots :
de sécurité sociale
III. – Alinéa 6
1° Première phrase
Remplacer les mots :
l'organisme de sécurité sociale
par les mots :
les organismes de sécurité sociale de leur réseau mentionnés au II,
2° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
d'un organisme local
par les mots :
de l'un de ces organismes
IV. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ils se constituent partie civile au cours de la procédure.
V. – Alinéa 8
Remplacer le mot :
répressif
par le mot :
correctionnel
VI. – Alinéa 10, première phrase
Remplacer les mots :
en vue du
par les mots :
afin d'obtenir le
La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'introduire l'obligation pour les caisses de sécurité sociale de se constituer partie civile en cours de procédure.
Vous connaissez la formule, mes chers collègues : détecter, récupérer, sanctionner. Ici, il s'agit de se mettre en capacité de mieux récupérer.
M. le président. L'amendement n° 155, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le procureur de la République décide de donner suite à la plainte, les organismes de sécurité sociale sont tenus de se constituer partie civile.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. L'amendement n° 283 vise à expliciter la répartition des obligations de contrôle et de dépôt de plainte entre les organismes nationaux, qui exercent un rôle de pilotage, et les organismes membres de leurs réseaux, c'est-à-dire les caisses régionales ou départementales. Sa rédaction a été travaillée avec nos services et répond à des besoins de précision bien réels.
Par ailleurs, il tend à réintroduire l'obligation pour les caisses de sécurité sociale de se constituer partie civile au cours de la procédure. Cette mention, qui avait pu sembler superfétatoire aux rapporteurs, est néanmoins souhaitée par le Gouvernement, afin de renforcer les obligations pesant sur les caisses et de garantir une indemnisation effective des préjudices résultant des fraudes.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 283. En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 155.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 155 ?
M. Olivier Henno, rapporteur. L'adoption de cet amendement créerait une ambiguïté juridique, puisque le dispositif prévu ici mentionne les suites données par le procureur de la République.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 283.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 155 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 206 rectifié, présenté par MM. Chasseing et Grand, Mmes Lermytte et L. Darcos, MM. V. Louault, A. Marc, Chevalier, Brault et Capus, Mme Bourcier, MM. Rochette, Malhuret, Wattebled et Khalifé, Mme Belrhiti, MM. Menonville, Pillefer, H. Leroy, Levi et Chatillon, Mme Josende, M. Houpert et Mme Jacquemet, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'employeur transmet l'ensemble des éléments ainsi réceptionnés à l'organisme assureur auquel le salarié est affilié en application à l'article L. 911-2.
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte
Mme Marie-Claude Lermytte. L'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 instaure pour l'organisme de sécurité sociale ayant constaté une fraude à l'arrêt de travail une obligation d'informer l'employeur de l'auteur de la fraude.
Cette disposition favorise une meilleure coordination entre l'employeur et la caisse primaire d'assurance maladie dans la lutte contre la fraude aux arrêts de travail. Toutefois, son efficacité pourrait être renforcée, en assurant également une transmission des informations aux organismes d'assurance complémentaire lorsque le salarié bénéficie d'indemnités journalières complémentaires.
Le présent amendement vise donc à garantir une coordination optimale entre les trois acteurs concernés – la caisse primaire d'assurance maladie, l'employeur et l'organisme assureur –, afin de permettre la suspension simultanée de l'ensemble des versements d'indemnités en cas de fraude avérée, notamment lorsque la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) a constaté une irrégularité avant le versement des indemnités journalières et engagé le recouvrement de ces dernières.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Le présent amendement a pour objet d'étendre l'obligation d'information qui incombe aux caisses d'assurance maladie aux assureurs privés offrant une protection sociale complémentaire aux salariés à la suite de conventions ou d'accords collectifs.
Or les garanties collectives visées ne couvrent pas le risque maladie ou accident du travail, de sorte qu'il n'y a pas lieu de transmettre aux assureurs cette information.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Cet amendement vise à instaurer pour l'employeur une obligation d'informer l'organisme de prévoyance dès qu'une décision de la CPAM suspend le versement des indemnités journalières, notamment en cas d'arrêt de travail jugé frauduleux et non médicalement justifié.
Actuellement, le code de la sécurité sociale prévoit que, en cas de suspension des indemnités journalières pour ces motifs, la CPAM informe l'employeur. Mais aucune information n'est transmise à l'organisme complémentaire gérant le régime de prévoyance de l'entreprise. Vous souhaitez que l'employeur notifie également la décision de suspension à l'organisme complémentaire concerné.
Cette proposition soulève des questions légitimes relatives à la coordination entre les différents acteurs de l'indemnisation des arrêts de travail, dans une logique de renforcement de la lutte contre les fraudes.
Cependant, une telle mesure est déjà prévue par le projet de loi. En effet, l'amendement COM-120 des rapporteurs a instauré l'obligation pour l'employeur d'informer l'organisme complémentaire chargé du contrat de prévoyance de l'entreprise lors de la suspension du versement des indemnités journalières.
Votre amendement étant satisfait, le Gouvernement demande son retrait. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J'ai une question. Du temps où je dirigeais une association, j'ai retenu que les complémentaires remboursent après l'assurance obligatoire. Elles seront donc informées indirectement de la situation, puisque les indemnités journalières de la sécurité sociale cesseront d'être versées par l'organisme d'assurance maladie.
Au-delà des arguments déjà exposés par M. le rapporteur, cet amendement est non pas seulement satisfait, mais surtout inutile. Les complémentaires, par définition, interviennent en complément et s'appuient sur les décisions prises par l'assurance maladie obligatoire. Multiplier les transmissions d'informations dans tous les sens n'aurait, à mon sens, aucune utilité opérationnelle.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. – Le titre III du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« Contrats conclus pour le remboursement et l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident
« Art. L. 135-1. – Les entreprises d'assurance sont autorisées à traiter, en application du h du paragraphe 2 de l'article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), et dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les données à caractère personnel relatives à la santé de leurs assurés et ayants droit couverts par un contrat d'assurance conclu pour le remboursement et l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, notamment les numéros de code des actes effectués et des prestations servies.
« Elles sont également autorisées à traiter les données d'identification et de facturation des professionnels et organismes ou établissements ayant prescrit ou dispensé ces actes ou prestations.
« Art. L. 135-2. – Peuvent faire l'objet du traitement prévu à l'article L. 135-1 les seules données strictement nécessaires :
« 1° Au remboursement et à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dans le cadre des contrats au même article L. 135-1, y compris dans le cadre du tiers payant ;
« 2° Au contrôle et aux vérifications du respect des contrats couvrant les assurés et des conventions souscrites avec les professionnels et organismes ou établissements de santé ;
« 3° À la constatation, à l'exercice ou à la défense de droits en justice.
« Art. L. 135-3. – Les entreprises d'assurance mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau élevé de sécurité ainsi que la protection des droits des personnes concernées. Elles s'assurent que les données à caractère personnel ne sont conservées que pendant une durée n'excédant pas celle strictement nécessaire au regard des finalités mentionnées à l'article L. 135-2 et que leurs personnels, qui font l'objet d'une habilitation spécifique, n'accèdent qu'aux données strictement nécessaires à leurs missions.
« Les données à caractère personnel des traitements mis en œuvre en application du présent chapitre sont stockées exclusivement au sein de l'Espace économique européen, dans des conditions garantissant notamment la protection des données contre tout accès par des autorités publiques d'États tiers non autorisé par le droit de l'Union européenne ou d'un État membre.
« Seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité chargés du contrôle médical du dossier ont accès, dans le cadre de leur fonction et pour la durée de leur accomplissement, aux données à caractère personnel relatives à un assuré ou un ayant droit couvert par un contrat mentionné à l'article L. 135-1, identifié lorsqu'elles sont associées au numéro de code d'une pathologie diagnostiquée.
« Tout personnel de l'entreprise d'assurance est tenu au secret professionnel pour toutes les données à caractère personnel relatives à la santé ou d'identification et de facturation mentionnées au même article L. 135-1.
« Art. L. 135-4. – Par dérogation à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique et pour les seuls besoins de la mise en œuvre du tiers payant, les professionnels de santé, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursés ou indemnisés dans le cadre des contrats mentionnés à l'article L. 135-1 du présent code à des assurés ou à leurs ayants droit couverts par ces contrats sont autorisés à communiquer aux entreprises d'assurance les données mentionnées à l'article L. 161-29 du code de la sécurité sociale et toutes autres données strictement nécessaires à cette fin.
« Seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité chargés du contrôle médical du dossier ont accès, dans le cadre de leur fonction et pour la durée de leur accomplissement, aux données à caractère personnel relatives à un assuré ou un ayant droit couvert par les contrats d'assurance mentionnés à l'article L. 135-1 du présent code lorsqu'elles sont associées au numéro de code d'une pathologie diagnostiquée.
« Le personnel des entreprises d'assurance est soumis au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, pour toutes les informations communiquées en application du présent article.
« Art. L. 135-5. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, de l'Union nationale des professionnels de santé et de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie, précise les modalités d'application du présent chapitre, notamment :
« 1° Les catégories de données traitées, en particulier celles mentionnées à l'article L. 135-2 et pouvant être communiquées aux entreprises d'assurance pour la mise en œuvre du tiers payant ;
« 2° Les durées de conservation des données prévues au 1° du présent article ;
« 3° Les modalités d'information des assurés et des professionnels de santé concernés, ainsi que d'exercice des droits qu'ils tiennent du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ;
« 4° (nouveau) Les modalités de distinction entre les traitements de données réalisés à des fins de contrôle contractuel et ceux réalisés à des fins de constatation, d'exercice ou de défense de droits en justice ;
« 5° (nouveau) Les modalités de supervision des échanges d'informations par les autorités compétentes, notamment la Commission nationale de l'informatique et des libertés, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;
« 6° (nouveau) La transmission annuelle à la Commission nationale de l'informatique et des libertés et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution d'un rapport consolidé sur les échanges réalisés au titre des articles L. 135-1 à L. 135-4 du présent code. »
II. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de la mutualité est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Contrats conclus pour le remboursement et l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident
« Art. L. 211-16. – Les mutuelles et unions sont autorisées à traiter, en application du h du paragraphe 2 de l'article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), et dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les données à caractère personnel relatives à la santé de leurs membres participants et ayants droit couverts par un contrat ou un règlement conclu pour le remboursement et l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, notamment les numéros de code des actes effectués et des prestations servies.
« Elles sont également autorisées à traiter les données d'identification et de facturation des professionnels et organismes ou établissements ayant prescrit ou dispensé ces actes ou prestations.
« Art. L. 211-17. – Peuvent faire l'objet du traitement prévu à l'article L. 211-16 les seules données strictement nécessaires :
« 1° Au remboursement et à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dans le cadre d'un contrat ou de l'adhésion à un règlement mentionné au même article L. 211-16, y compris dans le cadre du tiers payant ;
« 2° Au contrôle et aux vérifications du respect des contrats couvrant les assurés et des conventions souscrites avec les professionnels et organismes ou établissements de santé ;
« 3° À la constatation, à l'exercice ou à la défense de droits en justice.
« Art. L. 211-18. – Les mutuelles ou unions mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau élevé de sécurité ainsi que la protection des droits des personnes concernées. Elles s'assurent que les données à caractère personnel ne sont conservées que pendant une durée n'excédant pas celle strictement nécessaire au regard des finalités mentionnées à l'article L. 211-17 et que leurs personnels, qui font l'objet d'une habilitation spécifique, n'accèdent qu'aux données strictement nécessaires à leurs missions.
« Les données à caractère personnel des traitements mis en œuvre en application de la présente section sont stockées exclusivement au sein de l'Espace économique européen, dans des conditions garantissant notamment la protection des données contre tout accès par des autorités publiques d'États tiers non autorisé par le droit de l'Union européenne ou d'un État membre.
« Seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité chargés du contrôle médical du dossier ont accès, dans le cadre de leur fonction et pour la durée de leur accomplissement, aux données à caractère personnel relatives à un membre participant ou un ayant droit couvert par un règlement ou un contrat mentionné à l'article L. 211-16 lorsqu'elles sont associées au numéro de code d'une pathologie diagnostiquée.
« Tout personnel de la mutuelle ou de l'union est tenu au secret professionnel pour toutes les données à caractère personnel relatives à la santé ou d'identification et de facturation mentionnées au même article L. 211-16.
« Art. L. 211-19. – Par dérogation à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique et pour les seuls besoins de la mise en œuvre du tiers payant, les professionnels de santé, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursés dans le cadre des règlements et contrats mentionnés à l'article L. 211-16 du présent code à des assurés ou à leurs ayants droit couverts par ces contrats sont autorisés à communiquer aux mutuelles et unions les données mentionnées à l'article L. 161-29 du code de la sécurité sociale et toutes autres données strictement nécessaires à cette fin.
« Seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité chargés du contrôle médical du dossier ont accès, dans le cadre de leur fonction et pour la durée de leur accomplissement, aux données à caractère personnel relatives à un membre participant ou un ayant droit couvert par un règlement ou contrat mentionné à l'article L. 211-16 du présent code, lorsqu'elles sont associées au numéro de code d'une pathologie diagnostiquée.
« Le personnel des mutuelles et de leurs unions est soumis au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, pour toutes les informations communiquées en application du présent article.
« Art. L. 211-20. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, de l'Union nationale des professionnels de santé et de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie, précise les modalités d'application de la présente section, notamment :
« 1° Les catégories de données traitées, en particulier celles mentionnées à l'article L. 211-17 et pouvant être communiquées aux mutuelles et unions pour la mise en œuvre du tiers payant ;
« 2° Les durées de conservation des données prévues au 1° du présent article ;
« 3° Les modalités d'information des assurés et des professionnels de santé concernés, ainsi que d'exercice des droits qu'ils tiennent du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données). »
III. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 114-9, sont insérés des articles L. 114-9-1 à L. 114-9-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 114-9-1. – Lorsque les investigations menées en application de l'article L. 114-9 mettent en évidence des faits de nature à faire présumer l'un des cas de fraude en matière sociale mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 114-16-2 et que l'importance ou la nature de la fraude présumée le justifie, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 114-10 du présent code ou à l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime communiquent aux organismes d'assurance maladie complémentaire les informations strictement nécessaires à l'identification de l'auteur de ces faits et des actes et prestations sur lesquels ils portent.
« Dans le cadre de cette communication, les données à caractère personnel relatives à la santé sont strictement limitées à la nature des actes et prestations concernés. Les informations transmises ne peuvent être conservées par l'organisme d'assurance maladie complémentaire que pour la durée strictement nécessaire aux fins de contrôle et de vérification du respect des contrats conclus pour le remboursement et l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident et des conventions souscrites avec les professionnels de santé, professionnels et organismes ou établissements de santé et, le cas échéant, de préparation, d'exercice et de suivi d'une action en justice.
« Lorsqu'une décision de déconventionnement est prononcée, les agents mentionnés au premier alinéa du présent article en informent les organismes d'assurance maladie complémentaire.
« Art. L. 114-9-2. – Lorsque l'organisme d'assurance maladie complémentaire de l'assuré a connaissance de faits pouvant être de nature à constituer une fraude et que l'importance ou la nature de la fraude le justifie, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, il communique aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 114-10 du présent code ou à l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime de l'organisme compétent les informations strictement nécessaires à l'identification de l'auteur de ces faits et des actes et prestations sur lesquels ils portent.
« Les informations transmises ne peuvent être conservées par l'organisme d'assurance maladie obligatoire qu'aux fins de déclencher ou poursuivre la procédure de contrôle ou d'enquête mentionnée au premier alinéa de l'article L. 114-9 du présent code, de préparer et, le cas échéant, d'exercer et de suivre une action en justice, de mettre en œuvre une procédure de sanction administrative prévue à l'article L. 114-17-1 ou l'une des procédures de déconventionnement définies aux articles L. 162-15-1 et L. 162-32-3 pour les organismes d'assurance maladie obligatoire.
« Art. L. 114-9-3. – Toute personne au sein des organismes d'assurance maladie complémentaire dont les interventions sont nécessaires aux finalités mentionnées aux articles L. 114-9-1 et L. 114-9-2 est tenue au secret professionnel.
« Les informations communiquées en application des mêmes articles L. 114-9-1 et L. 114-9-2 ne peuvent être utilisées à d'autres fins que celles prévues à ces articles, sous peine des sanctions prévues à l'article 226-21 du code pénal.
« Les organismes concernés s'assurent de la mise à jour des informations transmises et procèdent sans délai à la suppression des données enregistrées dès lors que la suspicion de fraude est écartée et que la personne physique ou morale concernée est mise hors de cause.
« Art. L. 114-9-4. – Les organismes d'assurance maladie complémentaire peuvent recourir à un intermédiaire présentant des garanties techniques et organisationnelles appropriées assurant un haut niveau de sécurité des données ainsi que des garanties d'indépendance et d'expertise nécessaires à la mise en œuvre des échanges prévus au présent article.
« Art. L. 114-9-5. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, de l'Union nationale des professionnels de santé, de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire précise les conditions et modalités de mise en œuvre des échanges d'informations prévus aux articles L. 114-9-1 à L. 114-9-4, notamment les conditions d'habilitation des personnels de l'organisme d'assurance maladie complémentaire concerné ainsi que les modalités d'information des assurés et des professionnels concernés par ces échanges. Il définit le rôle, les attributions et les garanties de sécurité de l'intermédiaire mentionné à l'article L. 114-9-4. » ;
2° La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre IX est complétée par des articles L. 931-3-9 à L. 931-3-13 ainsi rédigés :
« Art. L. 931-3-9. – Les institutions de prévoyance et leurs unions sont autorisées à traiter, en application du h du paragraphe 2 de l'article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), et dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les données à caractère personnel relatives à la santé de leurs membres participants et ayants droit dans le cadre des adhésions aux règlements ou des contrats conclus pour le remboursement et l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, notamment les numéros de code des actes effectués et des prestations servies.
« Elles sont également autorisées à traiter les données d'identification et de facturation des professionnels et organismes ou établissements ayant prescrit ou dispensé ces actes ou prestations.
« Art. L. 931-3-10. – Peuvent faire l'objet du traitement prévu au premier alinéa du présent article les seules données strictement nécessaires :
« 1° Au remboursement et à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dans le cadre d'un contrat ou de l'adhésion à un règlement mentionné à l'article L. 931-3-9, y compris dans le cadre du tiers payant ;
« 2° Au contrôle et aux vérifications du respect des contrats couvrant les assurés et des conventions souscrites avec les professionnels et organismes ou établissements de santé ;
« 3° À la constatation, à l'exercice ou à la défense de droits en justice.
« Art. L. 931-3-11. – Les institutions de prévoyance et leurs unions mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau élevé de sécurité ainsi que la protection des droits des personnes concernées. Elles s'assurent que les données à caractère personnel ne sont conservées que pendant une durée n'excédant pas celle strictement nécessaire au regard des finalités mentionnées à l'article L. 931-3-10 et que leurs personnels, qui font l'objet d'une habilitation spécifique, n'accèdent qu'aux données strictement nécessaires à leurs missions.
« Les données à caractère personnel des traitements mis en œuvre en application de la présente section sont stockées exclusivement au sein de l'Espace économique européen, dans des conditions garantissant notamment la protection des données contre tout accès par des autorités publiques d'États tiers non autorisé par le droit de l'Union européenne ou d'un État membre.
« Seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité chargés du contrôle médical du dossier ont accès, dans le cadre de leur fonction et pour la durée de leur accomplissement, aux données à caractère personnel relatives à un membre participant ou un ayant droit couvert par un règlement ou un contrat mentionné à l'article L. 913-3-9 lorsqu'elles sont associées au numéro de code d'une pathologie diagnostiquée.
« Tout personnel de l'institution de prévoyance ou de leur union est tenu au secret professionnel pour toutes les données à caractère personnel relatives à la santé ou d'identification et de facturation mentionnées au même article L. 931-3-9.
« Art. L. 931-3-12. – Par dérogation à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique et pour les seuls besoins de la mise en œuvre du tiers payant, les professionnels de santé, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursés dans le cadre des règlements ou contrats mentionnés à l'article L. 931-3-9 du présent code à des assurés ou à leurs ayants droit couverts par ces contrats ou règlements sont autorisés à communiquer aux institutions de prévoyance et à leurs unions les données mentionnées à l'article L. 161-29 du code de la sécurité sociale et toutes autres données strictement nécessaires à cette fin.
« Seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité chargés du contrôle médical du dossier ont accès, dans le cadre de leur fonction et pour la durée de leur accomplissement, aux données à caractère personnel relatives à un membre participant ou un ayant droit couvert par un contrat ou un règlement mentionné à l'article L. 931-3-9 du présent code lorsqu'elles sont associées au numéro de code d'une pathologie diagnostiquée.
« Le personnel des institutions de prévoyance et de leurs unions est soumis au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, pour toutes les informations communiquées en application du présent article.
« Art. L. 931-3-13. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, de l'Union nationale des professionnels de santé et de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie, précise les modalités d'application des articles L. 931-3-9, L. 931-3-10, L. 931-3-11 et L. 931-3-12, notamment :
« 1° Les catégories de données traitées, en particulier celles mentionnées à l'article L. 931-3-10 et pouvant être communiquées aux institutions de prévoyance et à leurs unions pour la mise en œuvre du tiers payant ;
« 2° Les durées de conservation des données prévues au 1° du présent article ;
« 3° Les modalités d'information des assurés et des professionnels de santé concernés ainsi que d'exercice des droits qu'ils tiennent du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données). »
III bis (nouveau). – L'article L. 1226-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin du 1°, les mots : « code de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « même code » ;
2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur informé de la suspension, prévue à l'article L. 315-2 dudit code, du service de l'allocation mentionnée au premier alinéa du présent article en avise, le cas échéant, l'entreprise d'assurance, la mutuelle ou union ou l'institut de prévoyance ou union assurant le versement de prestations au salarié concerné dans le cadre des garanties collectives mentionnées à l'article L. 911-2 du même code. »
IV. – Au 3° de l'article 65 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les mots : « ainsi que la prise en charge des prestations » sont remplacés par les mots : « ainsi que les traitements mis en œuvre pour les finalités mentionnées à l'article L. 931-3-10 du code de la sécurité sociale, à l'article L. 135-2 du code des assurances et à l'article L. 211-17 du code de la mutualité ».
M. le président. L'amendement n° 220, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous proposons la suppression de l'article 5 du projet de loi, conformément aux recommandations de l'Ordre national des médecins, car cette disposition ouvrirait une brèche grave dans la protection des données de santé et le respect du secret médical.
En effet, sous couvert de lutte contre la fraude, l'article autorise les organismes de complémentaires santé à accéder à des données médicales aujourd'hui strictement protégées. Actuellement, cette possibilité est réservée aux seuls médecins-conseils ou au personnel placé sous leur autorité dans le cadre de l'assurance maladie.
Il s'agit d'une dérive dangereuse, également signalée par la Défenseure des droits, qui alerte sur un risque majeur de détournement de finalité et d'atteinte disproportionnée au droit à la vie privée.
Dans plusieurs délibérations, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a rappelé que la mutualisation de données sensibles à des fins de détection de fraude n'est acceptable que si elle repose sur une nécessité démontrée et proportionnée. Tel n'est pas le cas ici, car les chiffres montrent que la fraude aux prestations maladie des complémentaires santé représente moins de 0,1 % des remboursements.
Autrement dit, nous sacrifierions la confidentialité médicale pour un rendement dérisoire, alors que la fraude véritable, souvent réalisée par des montages financiers sophistiqués, échappe encore largement à tout contrôle.
Je rappelle enfin que le secret médical est une valeur à laquelle nous sommes tous attachés et que sa violation est sanctionnée, sauf bien sûr dans les cas strictement prévus par la loi, par une peine maximale d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. Il nous semble complètement disproportionné d'ouvrir une telle possibilité aux complémentaires santé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. La commission considère que l'article 5 permet de sortir, dans la lutte contre la fraude, de la logique en silos entre assurance maladie obligatoire et complémentaire.
C'est d'ailleurs l'occasion pour moi de saluer le travail de la rapporteure de la branche maladie Corinne Imbert, puisque cet article reprend très largement les travaux qu'elle avait portés l'année dernière lors de l'examen du PLFSS. Ses propositions avaient été adoptées par les deux assemblées, mais censurées comme cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je vais tenter de rassurer Mme la sénatrice sur la préservation du secret médical dans le cadre de l'article 5.
Cet article a pour objet de renforcer les échanges de données entre l'assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires, afin de lutter contre la fraude sociale. Il encadre également les traitements de données réalisés par les organismes complémentaires dans le cadre de la prise en charge des dépenses de santé, en prévoyant des dérogations très limitées et strictement encadrées au secret médical et au secret professionnel.
S'agissant du secret médical, les professionnels et établissements de santé pourront transmettre directement aux organismes complémentaires des données obtenues dans le cadre de la prise en charge de leurs patients, uniquement aux fins de mise en œuvre du tiers payant et pour les seuls contrats relatifs aux remboursements ou à l'indemnisation de frais entraînés par une maladie, une maternité ou un accident.
Les données concernées se limitent aux codes détaillés des actes et prestations, ainsi qu'aux informations strictement nécessaires à la mise en œuvre du tiers payant. Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Cnil, précisera les catégories de données pouvant être communiquées à ce titre.
En ce qui concerne les échanges entre les organismes d'assurance maladie obligatoires et les complémentaires, les données ne seront transmises que dans le cadre d'un contrôle mettant en évidence des faits susceptibles de constituer des cas de fraude graves. Les informations transmises se limiteront à l'identification de l'auteur des faits et aux actes et prestations concernés, et l'usage de ces données par les organismes complémentaires sera strictement encadré.
Dans tous les cas, le personnel habilité à accéder à ces données au sein des organismes complémentaires sera soumis au secret professionnel, dont la violation pourra entraîner des sanctions pénales.
En ce qui concerne les données transmises directement, par dérogation au secret médical, seuls les professionnels de santé et le personnel placé sous leur autorité, chargés du contrôle médical des dossiers, auront accès aux données identifiantes. Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Cnil, précisera les modalités et caractéristiques essentielles des traitements réalisés par les organismes complémentaires.
Ces dispositions ont été soumises pour avis à la Cnil, qui a estimé que les garanties prévues protégeaient les droits et libertés fondamentaux des personnes concernées. Elles ont également été examinées par le Conseil d'État, qui n'a formulé aucune observation autre que des suggestions rédactionnelles.
Ainsi, cet article vise un objectif légitime de lutte contre la fraude sociale, tout en sécurisant les traitements de données dans le cadre de la prise en charge des frais de santé. Ces traitements sont entourés de garanties suffisantes pour assurer la protection des données.
Pour toutes ces raisons, le gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, la Cnil a effectivement indiqué qu'il faudrait sans doute revoir le cadre juridique en la matière. Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Telle est la question que posent les dispositions de cet amendement.
L'étude d'impact évoque 177 signalements en cinq ans, soit 35 par an… L'idée est d'accroître significativement le nombre de fraudes repérées, pour un gain envisagé d'un million d'euros. C'est assez faible au regard de la prise de risque que constitue cette dérogation au secret médical.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Effectivement, il y a une inquiétude, et c'est normal. La longueur de votre intervention, madame la ministre, montre bien que ce n'est pas rien que de permettre aux assurances complémentaires, dans les cas que vous avez mentionnés – ils risquent d'être étendus par la suite –, d'accéder à certaines données de santé.
Je rappelle que l'assurance complémentaire ne se limite pas aux mutuelles, qui, exception faite du critère de l'âge, ne peuvent pas sélectionner leurs assurés.
Il existe également des assurances privées, qui, elles, pratiquent une sélection en fonction de l'état de santé, parfois via des questionnaires sur l'honneur concernant des maladies susceptibles d'entraîner des frais. Ainsi, que ces complémentaires à but lucratif puissent accéder à des informations médicales pour affiner la segmentation de leur marché n'est pas une décision anodine.
Vous avez fixé un cadre relativement rassurant, madame la ministre. Mais certains se disaient favorables d'emblée au dispositif, sans même avoir entendu vos précisions… Je reprends l'interrogation du groupe socialiste : le jeu en vaut-il la chandelle ? Ce n'est pas une mince affaire que de donner accès aux données de santé.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 220.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 208 rectifié, présenté par MM. Chasseing et Grand, Mmes Lermytte et L. Darcos, MM. V. Louault, A. Marc, Chevalier, Brault et Capus, Mme Bourcier, MM. Rochette, Malhuret, Wattebled et Khalifé, Mme Belrhiti, MM. Menonville, H. Leroy et Chatillon, Mmes Jacquemet et Josende et M. Houpert, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après le mot :
code
insérer le mot :
regroupés
II. – Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... – Les documents de santé tels que les prescriptions, ordonnances ou images médicales ne peuvent faire l'objet d'un traitement par les entreprises d'assurance pour les finalités mentionnées au 2° du présent article. »
III. – Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
, et au sein de ces dernières, celles pouvant être traitées pour les finalités mentionnées au 2° de l'article L. 135-2
IV. – Alinéa 27
Après le mot :
code
insérer le mot :
regroupés
V. – Après l'alinéa 32
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... – Les documents de santé tels que les prescriptions, ordonnances ou images médicales ne peuvent faire l'objet d'un traitement par les mutuelles ou unions pour les finalités mentionnées au 2° du I du présent article. »
VI. – Alinéa 41
Compléter cet alinéa par les mots :
, et au sein de ces dernières, celles pouvant être traitées pour les finalités mentionnées au 2° de l'article L. 211-17
VII. – Alinéa 57
Après le mot :
code
insérer le mot :
regroupés
VIII. – Après l'alinéa 62
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... – Les documents de santé tels que les prescriptions, ordonnances ou images médicales ne peuvent faire l'objet d'un traitement par les mutuelles ou unions pour les finalités mentionnées au 2° du présent article. »
IX. – Alinéa 71
Compléter cet alinéa par les mots :
, et au sein de ces dernières, celles pouvant être traitées pour les finalités mentionnées au 2° de l'article L. 931-3-10
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Cet amendement, déposé par Daniel Chasseing, vise à préciser que les parties prenantes doivent privilégier des données sous forme de codes regroupés et non détaillés.
Les codes regroupés ont été spécifiquement créés pour les assureurs, afin de leur permettre de liquider les dossiers des assurés tout en préservant la confidentialité des données de santé.
Compte tenu de leur sensibilité, le traitement de toute autre donnée de santé – documents de santé, prescriptions, ordonnances ou encore images médicales – par les assureurs doit être prohibé, sauf exception limitativement prévue par la loi.
Cet amendement tend ainsi à prévoir que le décret en Conseil d'État précise les catégories de données autorisées pour le traitement des données de santé aux fins de vérification des fraudes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Cette proposition soulève un enjeu légitime de protection des données de santé, notamment individuelles.
Cependant, interdire le traitement des prescriptions et des ordonnances par les organismes de sécurité sociale reviendrait à priver ceux-ci de leur principale source d'information sur des fraudes éventuelles.
Par ailleurs, je vous rassure, ma chère collègue : l'article 5 du présent projet de loi encadre strictement le traitement de telles données, qui est autorisé à titre dérogatoire dans les conditions de l'article 9 du règlement général sur la protection des données (RGPD).
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Cet amendement vise, pour le dire de façon synthétique, à limiter le traitement de certaines données de nature médicale par les organismes complémentaires dans le cadre de leur contrôle et de la vérification du respect des contrats qui les lient aux assurés.
Le Gouvernement partage la préoccupation légitime d'assurer le contrôle le plus strict sur les données de nature médicale auxquelles peuvent accéder ces organismes. Il convient en effet de limiter l'accès à de telles données au strict nécessaire, compte tenu de la finalité de prise en charge des frais de santé établie par le texte.
En premier lieu, je vous confirme que l'article 5 privilégie bien expressément le traitement des codes regroupés, et celui non des codes détaillés ou de données plus précises.
En second lieu, il n'est pas possible d'exclure le traitement des données plus précises, telles que les prescriptions et ordonnances, car ces données peuvent être, dans certaines circonstances, nécessaires au contrôle et à la vérification du respect des contrats conclus avec les assurés.
Par exemple, dans le secteur de l'optique, des justificatifs peuvent être exigés pour attester de l'évolution de la vue d'une personne et ouvrir droit à une prise en charge complémentaire. Une ordonnance peut également se révéler nécessaire pour vérifier la réalité d'une vue atypique.
Il est vrai que de telles données sont plus sensibles, et c'est pourquoi le décret en Conseil d'État, pris après avis de la Cnil, devra préciser les catégories de données concernées.
Enfin, je répète que la Cnil et le Conseil d'État ont examiné le projet de loi et que tous deux ont estimé que le texte apportait les garanties nécessaires. La Cnil a d'ailleurs elle-même indiqué dans son avis que la communication de certaines données de santé autres que les codes des actes et prestations, pouvait être nécessaire, notamment aux fins de mise en œuvre du tiers payant.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 299, présenté par M. Henno et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Après le mot :
assurés
insérer les mots :
et leurs ayants droit
II. – Alinéa 12
1° Après les mots :
relatives à
insérer les mots :
la santé d'
2° Supprimer le mot :
identifié
III. – Alinéas 15, 35, 38, 65 et 68
Après les mots :
relatives à
insérer les mots :
la santé d'
IV. – Alinéa 20
Après les mots :
des assurés
insérer les mots :
, de leurs ayants droit
V. – Alinéa 21
Remplacer le mot :
contractuel
par les mots :
de l'exécution du contrat
VI. – Alinéa 31
1° Après le mot :
contrats
insérer les mots :
ou règlements
2° Remplacer le mot :
assurés
par les mots :
membres participants et leurs ayants droit
VII. – Alinéa 37
1° Remplacer le mot :
assurés
par les mots :
membres participants
2° Après les mots :
par ces contrats
insérer les mots :
ou règlements
VIII. – Alinéas 43 et 73
Remplacer le mot :
assurés
par les mots :
membres participants, de leurs ayants droit
IX. – Alinéa 47
Après les mots :
le cas échéant,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
de constatation, d'exercice ou de défense de droits en justice.
X. – Alinéa 50
Remplacer les mots :
préparer et, le cas échéant, d'exercer et de suivre une action
par les mots :
constater et, le cas échéant, d'exercer ou de défendre des droits
XI. – Alinéa 54
1° Après le mot :
maladie
insérer les mots :
obligatoire et
2° Après le mot :
échanges
insérer les mots :
d'informations
3° Remplacer les mots :
au présent article
par les mots :
aux articles L. 114-9-1 à L. 114-9-3
XII. – Alinéa 57
Remplacer les mots :
dans le cadre des adhésions aux règlements ou des contrats conclus
par les mots :
couverts par un contrat ou un règlement conclu
XIII. – Alinéa 59
Remplacer les mots :
au premier alinéa du présent article
par les mots :
à l'article L. 931-3-9
XIV. – Alinéa 61
1° Après les mots :
contrats
insérer les mots :
ou règlements
2° Remplacer le mot :
assurés
par les mots :
membres participants ainsi que leurs ayants droit
XIV. – Alinéa 67
Remplacer le mot :
assurés
par les mots :
membres participants
XVI. – Après l'alinéa 77
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L'avant-dernier alinéa est complété par les mots : « du présent article » ;
XVII. – Alinéa 78
Rédiger ainsi ce paragraphe :
IV. – Le 3° de l'article 65 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :
1° Les mots : « ainsi que » sont remplacés par le signe : « , » ;
2° Après le mot : « complémentaire » , la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « ainsi que les traitements mis en œuvre pour les finalités mentionnées à l'article L. 931-3-10 du code de la sécurité sociale, à l'article L. 135-2 du code des assurances et à l'article L. 211-17 du code de la mutualité ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 299.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 97, présenté par Mme Le Houerou, M. Fichet, Mme Canalès, MM. Lurel, Jacquin et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 12, 15, 35, 38, 65 et 68
Remplacer les mots :
professionnels de santé
par les mots :
médecins-conseils
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Les catégories de personnel des entreprises d'assurance, mutuelles ou unions susceptibles d'accéder aux données de santé à caractère personnel d'un assuré nous semblent trop étendues.
En comparaison, du côté de l'assurance maladie, seuls les praticiens-conseils et les personnels placés sous leur autorité ont accès à de telles données.
Pour la préservation du secret médical, il convient que seuls les médecins des organismes complémentaires, ainsi que les personnels placés sous leur autorité et chargés du contrôle médical, puissent avoir accès aux données personnelles de l'assuré et de ses ayants droit couverts par le contrat.
Cet amendement vise donc à assurer que le partage d'informations prévu à l'article 5 respecte la protection des données des patients.
Dans sa rédaction actuelle, toutes les catégories de personnel des entreprises d'assurance, mutuelles ou unions pourraient avoir accès à ces données sensibles. Une telle définition est bien trop large. Aussi proposons-nous de restreindre l'accès aux données de santé à caractère personnel d'un assuré uniquement aux médecins-conseils de ces structures.
En effet, la fonction de médecin-conseil impose une prudence renforcée quant au partage et au traitement des informations sensibles. Le secret médical, sauf dérogation expressément prévue par la loi, couvre l'ensemble des informations venues à la connaissance du professionnel de santé, et pas seulement celles qui sont issues d'une consultation.
La transparence est nécessaire et louable pour lutter contre les fraudes. Pour autant, elle ne doit pas se faire au détriment des droits des assurés, qu'il est fondamental de respecter. Les données de santé doivent être sécurisées ; d'où cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 207 rectifié, présenté par MM. Chasseing et Grand, Mmes Lermytte et L. Darcos, MM. V. Louault, A. Marc, Chevalier, Brault et Capus, Mme Bourcier, MM. Rochette, Malhuret, Wattebled et Khalifé, Mme Belrhiti, MM. Menonville, H. Leroy et Chatillon, Mme Josende, M. Houpert et Mmes Romagny et Jacquemet, est ainsi libellé :
Alinéas 12, 35 et 65
Remplacer les mots :
professionnels de santé
par les mots :
médecins-conseils
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 180 rectifié est présenté par Mmes Micouleau et Richer, M. Sol, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Burgoa et Delia, Mmes Demas et Dumont, MM. Khalifé et Anglars, Mme Belrhiti et MM. H. Leroy et Milon.
L'amendement n° 221 est présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 15, 35 et 65
Remplacer les mots :
des professionnels de santé
par les mots :
les médecins-conseils
La parole est à M. Jean Sol, pour présenter l'amendement n° 180 rectifié.
M. Jean Sol. Il est également défendu.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 221.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il s'agit d'un amendement de repli, l'amendement de suppression de notre collègue Céline Brulin n'ayant pas été adopté.
Sous couvert de lutte contre la fraude, l'article 5 du projet de loi prévoit d'étendre l'accès aux données de santé à caractère personnel des assurés aux mutuelles, assureurs et unions, y compris, comme l'a fort bien dit notre collègue Raymonde Poncet Monge, à des acteurs privés à but lucratif.
Or il n'est pas anodin de communiquer des données de santé à des acteurs privés ; c'est même une dérive très dangereuse. Aussi, nous proposons de remplacer la notion trop large de « professionnels de santé » par celle, précise et protectrice, de « médecins-conseils ».
En d'autres termes, seuls les médecins des organismes complémentaires, ainsi que les personnels placés sous leur autorité, devraient pouvoir accéder à de telles données. En effet, la donnée de santé n'est pas une donnée comme les autres ; elle touche à l'intime, à la dignité et à la vie privée des personnes.
Madame la ministre, vous avez beaucoup insisté sur l'avis favorable de la Cnil. Je rappelle tout de même que cette autorité et le Défenseur des droits ont souligné que tout élargissement d'accès aux fichiers contenant les données concernées devait être strictement encadré et justifié par un intérêt public proportionné.
Or on ouvre ici la porte à des acteurs économiques dont la vocation première n'est nullement médicale, mais commerciale.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 15, 35 et 65
Remplacer les mots :
professionnels de santé
par les mots :
médecins, pharmaciens, dentistes-conseils
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Du côté de l'assurance maladie, seuls les praticiens-conseils et les personnels placés sous leur autorité ont accès aux données de santé à caractère personnel des assurés. Nous devons nous inspirer de cet exemple.
Malgré la longue liste d'éléments de cadrage que nous a présentée Mme la ministre, nous souhaitons donc préciser, dans un souci de préservation du secret médical, que seuls les médecins-conseils, pharmaciens-conseils et dentistes-conseils chargés du contrôle médical des organismes complémentaires, mais aussi les personnes placées sous leur autorité exclusive et sous leur responsabilité hiérarchique, peuvent avoir accès aux données personnelles de l'assuré et de ses ayants droit couverts par le contrat.
Cet amendement, légèrement différent du précédent, vise à faire suite à la remarque formulée en commission par Mme Micouleau, qui suggérait un élargissement la mesure aux pharmaciens-conseils et dentistes-conseils.
M. le président. L'amendement n° 276 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Buval et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Alinéas 15, 35 et 65
Remplacer les mots :
professionnels de santé
par les mots :
membres des professions médicales, des professions de la pharmacie et de la physique médicale
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Ces propositions découlent de questions légitimes.
Tous ces amendements, à l'exception de celui qui a été défendu par Mme Poncet Monge, visent à limiter au seul médecin-conseil la possibilité de traiter des données de santé à des fins de lutte contre la fraude. Or cela nous semble une mauvaise idée, pour deux raisons.
Premièrement, le dispositif actuel est bien encadré et suppose une habilitation du personnel concerné, ainsi qu'un strict respect du secret médical.
Deuxièmement, et surtout, il nous semble que, en limitant plus ou moins strictement cette possibilité au seul médecin-conseil, on prive les organismes de sécurité sociale de l'apport des pharmaciens-conseils – nous l'avons dit en commission –, des chirurgiens-dentistes-conseils ou même d'opticiens-conseils ou d'autres professionnels. Or ces compétences spécifiques sont particulièrement nécessaires dans des secteurs parfois très « fraudogènes ».
J'émets donc un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Ces amendements visent à prévoir que l'accès aux données de santé nécessaires aux activités de prise en charge des frais de santé des organismes complémentaires soit limité, au sein de ces organismes, aux seuls médecins-conseils.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous confirme que c'est exactement ce que prévoit l'alinéa 12 de l'article 5 : « Seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité chargés du contrôle médical du dossier ont accès, dans le cadre de leur fonction et pour la durée de leur accomplissement, aux données à caractère personnel relatives à un assuré ou un ayant droit couvert par un contrat mentionné à l'article L. 135-1, identifié lorsqu'elles sont associées au numéro de code d'une pathologie diagnostiquée. »
Cette mesure est prévue par parallélisme avec les dispositions applicables à la Cnam, dont le personnel est assujetti aux mêmes obligations en matière de secret professionnel.
Si la notion de praticien-conseil est employée pour ce qui concerne la Cnam, le même statut et les mêmes fonctions sont visés pour ce qui concerne les organismes complémentaires d'assurance maladie (Ocam), à savoir des professionnels de santé soumis de ce fait à des obligations déontologiques fortes, chargés du contrôle médical des dossiers des assurés et des adhérents.
Ces amendements étant satisfaits, j'invite leurs auteurs à les retirer ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 207 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 180 rectifié et 221.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 276 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 61 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing et Grand, Mmes Lermytte et L. Darcos, MM. V. Louault, A. Marc, Chevalier, Brault et Capus, Mme Bourcier, MM. Rochette, Malhuret, Wattebled et Khalifé, Mme Belrhiti, MM. Menonville, H. Leroy, Levi et Chatillon, Mme Josende, M. Houpert, Mme Jacquemet et M. Pillefer, est ainsi libellé :
Alinéa 77
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'employeur informé de la suspension du service de l'allocation mentionnée au premier alinéa en avise l'entreprise régie par le code des assurances, la mutuelle ou union régie par le code de la mutualité et l'institution de prévoyance ou union régie par le code de la sécurité sociale assurant le versement de prestations en cas d'incapacité de travail résultant d'une maladie ou d'un accident dans le cadre des garanties collectives mentionnées à l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. L'article L. 315-2 du code de la sécurité sociale prévoit que, en cas de suspension des indemnités journalières (IJ) pour arrêt de travail frauduleux ou non médicalement justifié, la CPAM en informe l'employeur. En revanche, aucune information n'est transmise à l'organisme complémentaire qui gère le régime de prévoyance de l'entreprise.
Le présent amendement vise à corriger cette asymétrie d'information, en prévoyant la notification par l'employeur de la décision de suspension à l'organisme complémentaire concerné.
Il s'agit de renforcer la lutte contre les abus et fraudes aux arrêts de travail, d'éviter des versements indus au titre des garanties de prévoyance et d'harmoniser les informations communiquées aux acteurs qui indemnisent le même risque.
M. le président. L'amendement n° 201 rectifié, présenté par M. Canévet, Mmes Patru et Sollogoub, MM. Kern et Laugier, Mmes Gacquerre et Billon, MM. Courtial et Duffourg, Mme Josende et M. Pillefer, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 77, au début
Remplacer les mots :
L'employeur informé de
par les mots :
La caisse qui met en œuvre
II. – Après l'alinéa 77
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret précise les conditions dans lesquelles cette obligation est mise en œuvre. »
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. La commission a introduit un amendement tendant à obliger l'employeur, lorsqu'il est avisé de la fin du versement des indemnités journalières, à en informer l'organisme de prévoyance de l'entreprise.
Franchement, nous sommes à un moment où les charges administratives qui pèsent sur les entreprises sont particulièrement lourdes. Il faut chercher à les alléger !
Si la caisse primaire d'assurance maladie est capable d'informer l'entreprise, elle doit l'être également d'en informer simultanément l'organisme de prévoyance de l'entreprise. Cela simplifierait la vie de tout le monde.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. L'amendement n° 61 rectifié bis est satisfait par l'amendement qui a été adopté en commission.
Quant à l'amendement n° 201 rectifié, quitte à vous décevoir, mon cher collègue, la CPAM ne connaît pas toujours les organismes de prévoyance. L'adoption de cet amendement aurait certes le mérite de la simplification, mais elle aboutirait à nous désarmer face à la fraude.
La commission demande donc le retrait de ces deux amendements, faute de quoi elle émettrait des avis défavorables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. J'émettrai le même avis que M. le rapporteur sur l'amendement n° 61 rectifié bis : l'amendement COM-120, adopté en commission, a pour objet de satisfaire cette demande.
L'amendement n° 201 rectifié de M. Canévet vise à prévoir que l'information relative à la suspension du versement des indemnités journalières de sécurité sociale aux organismes complémentaires en charge de la prévoyance soit transmise non plus par l'employeur, mais par la CPAM.
La solution proposée soulève des difficultés techniques et financières. Contrairement à ce qui se passe pour la complémentaire santé, il n'existe pas à ce jour d'échange de données formalisé, sur le modèle du flux Noémie (Norme ouverte d'échange entre la maladie et les intervenants extérieurs), entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires de prévoyance.
Les systèmes informatiques de l'assurance maladie ne permettent pas de savoir si un assuré dispose d'une couverture de prévoyance ni d'identifier auprès de quel organisme il est inscrit. Mettre en place un tel dispositif supposerait donc de créer de nouveaux flux d'échanges et d'adapter en profondeur les systèmes existants, ce qui impliquerait au préalable d'en déterminer le coût.
Or, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, il nous apparaît important d'anticiper et d'évaluer précisément le coût d'une telle évolution.
Le Gouvernement reste néanmoins pleinement attentif aux enjeux de lutte contre la fraude, de même qu'il est conscient de la nécessité d'améliorer la coordination entre l'assurance maladie, les employeurs et les acteurs de la protection sociale. Des travaux seront rapidement engagés pour identifier et examiner les évolutions possibles pour renforcer l'échange d'informations.
En attendant, monsieur le sénateur Canévet, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'y serais défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J'ignore si Michel Canévet maintiendra son amendement, mais j'y suis favorable.
Nous ne pouvons pas continuer ainsi ! Il semblerait que l'on se satisfasse d'un travail en tuyaux d'orgue. Notre collègue faisait remarquer que, lorsque l'on se rend dans une pharmacie, on donne l'ensemble des renseignements nous concernant.
En réalité, nous ne pouvons même pas proposer d'établir par voie d'amendement un lien entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires de prévoyance : une telle proposition créerait des charges supplémentaires et serait donc jugée irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.
Continuons donc à travailler en tuyaux d'orgue ! Continuons à charger la mule des entreprises pour qu'elles communiquent des éléments !
Les échanges de données sont pourtant courants, en théorie, au sein des organismes sociaux. Nous essayons en tout cas de les développer depuis le début de la journée, comme nous avons essayé de le faire dans les précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale. Je ne comprends vraiment pas la position du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour explication de vote.
M. Daniel Fargeot. Je considère également que l'on ne peut pas, au sein d'un même débat, prétendre lutter contre la fraude et refuser de mettre en place les outils les plus élémentaires pour mener ce combat.
Cessons de faire semblant et avançons collectivement dans le bon sens. Les instruments envisagés ne sont pas si coûteux si l'on songe qu'ils permettront de diminuer la fraude. Au bout du compte, nous serons gagnants.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. J'ai été tout à fait étonné par les propos de Mme la ministre. Franchement, si nous ne sommes pas capables de simplification administrative dans notre pays, où allons-nous ?
« Simplification » : nous n'avons que ce mot à la bouche depuis des mois et des mois, et ce n'est pas le président de la délégation aux entreprises, ici présent, qui dira le contraire. Il est donc temps que cela se concrétise.
Imposer des charges administratives supplémentaires aux entreprises ne va pas dans le bon sens. À partir du moment où l'échange de telles informations est possible pour les complémentaires santé, pourquoi ne le serait-il pas pour les organismes de prévoyance ?
Les organismes de prévoyance sont parfaitement identifiés. Il suffit de donner un renseignement au départ, au moment de la déclaration à l'organisme de prévoyance et à la CPAM, pour que cela fonctionne.
Je m'étonne donc fortement, je le répète, que le Gouvernement balaie d'un revers de main cette proposition. Cela ne va pas du tout dans le sens voulu par nos chefs d'entreprise, qui ont envie de travailler et qui souhaitent que le pays fonctionne bien.
Or, pour que le pays fonctionne bien, il faut que les échanges se passent mieux, ce qui suppose une véritable simplification.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Chers collègues, vous parlez ici à mon sens d'une fraude fictive, d'un fantasme ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je ne connais pas de cas où une complémentaire aurait réglé le complément d'indemnités journalières de sécurité sociale que l'assurance maladie obligatoire n'aurait pas versé.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Absolument !
Mme Raymonde Poncet Monge. Treize milliards d'euros ne vous suffisent peut-être pas, mais ce type de fraude n'existe pas !
Suffisamment de salariés nous sollicitent, lorsque leur employeur ne subroge pas, pour que le versement de leurs indemnités journalières de sécurité sociale soit accéléré, car ils attendent de percevoir la part complémentaire. Voilà la réalité.
Les mots ont un sens : nous parlons de « complémentaires »... Cessez donc d'inventer des fraudes pour déposer des amendements. Vous ne faites que brasser du vent ! (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 201 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 92 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Fichet, Mme Canalès, MM. Lurel, Jacquin et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 114-22-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-22-... ainsi rédigé :
« Art. L. 114-22-.... – La Caisse nationale de l'assurance maladie peut, conjointement avec la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ou l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, conclure avec une ou plusieurs fédérations ou organisations professionnelles regroupant des organismes d'assurance maladie complémentaire un accord fixant les conditions de mise en œuvre d'un système de signalement, par les assurés, de l'existence de faits de nature à faire présumer l'un des cas de fraude en matière sociale mentionnés à l'article L. 114-16-2 visant notamment à l'obtention d'un paiement ou d'une prestation indus d'un organisme d'assurance maladie obligatoire ou d'un organisme d'assurance maladie complémentaire.
« Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à créer un système de signalement commun entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires d'assurance maladie, accessible aux assurés, pour que ceux-ci puissent déclarer de manière simple toute fraude ou tentative de fraude les concernant. Je pense en particulier aux usurpations d'identité.
De véritables progrès ont été réalisés en matière d'alertes. Depuis l'été 2024, le compte Ameli permet ainsi aux assurés de signaler des actes suspects, ce qui facilite une réaction rapide de l'assurance maladie. Il est toutefois essentiel d'aller plus loin et de mettre en place des synergies entre tous les acteurs, pour que chaque alerte soit traitée efficacement et rapidement.
En 2024, grâce à une stratégie toujours ciblée, l'assurance maladie a détecté et stoppé des fraudes pour un montant de 628 millions d'euros, un niveau record en hausse de près de 35 %. De tels chiffres montrent qu'une mobilisation coordonnée porte ses fruits.
Face au risque de fraude, tous les acteurs doivent être impliqués : les professionnels de santé, qui peuvent pâtir du comportement de quelques-uns, et les assurés, qui peuvent eux-mêmes devenir des victimes.
Le croisement des informations entre l'assurance maladie et les organismes complémentaires d'assurance maladie permettra d'améliorer la rapidité et l'efficacité des informations, mais aussi de protéger notre système de santé et ses finances.
L'objectif est clair : limiter la fraude sociale grâce à la vigilance des assurés et renforcer la coopération entre les organismes complémentaires et l'assurance maladie.
M. le président. L'amendement n° 102, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 114-22-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-22-... ainsi rédigé :
« Art. L. 114-22-.... – La Caisse nationale de l'assurance maladie peut, conjointement avec la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ou l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, conclure avec une ou plusieurs fédérations ou organisations professionnelles regroupant des organismes d'assurance maladie complémentaire un accord fixant les conditions de mise en œuvre d'un système de signalement de l'existence de faits de nature à faire présumer l'un des cas de fraude en matière sociale mentionnés à l'article L. 114-16-2 visant notamment à l'obtention d'un paiement ou d'une prestation indus d'un organisme d'assurance maladie obligatoire ou d'un organisme d'assurance maladie complémentaire, par les assurés qui en sont victimes.
« Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement est très proche du précédent. J'ajoute simplement que la mesure envisagée correspond à une recommandation qui figure dans le rapport Charges et produits pour 2026 de l'assurance maladie et qui est intitulée « Favoriser les alertes de fraude par les assurés ».
Rien ne s'oppose donc à l'adoption de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Nous souscrivons à l'objectif de mieux faire circuler les informations en matière de lutte contre la fraude et de renforcer les échanges entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires. C'est d'ailleurs l'objet de l'article 5 que nous venons d'adopter.
Toutefois, l'adoption de cet amendement conduirait à la conclusion de conventions « à la carte » entre les caisses d'assurance maladie et les complémentaires volontaires. Au fond, elle risquerait d'aboutir à un résultat contraire à l'objectif : les canaux d'échange seraient multipliés, là où, au contraire, une lutte efficace contre la fraude suppose un cadre identique à l'ensemble des acteurs.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Ces deux amendements tendent à permettre aux caisses nationales d'assurance maladie obligatoire de signer des conventions avec une ou plusieurs fédérations d'organismes complémentaires santé, afin de créer un système commun permettant aux assurés de signaler simplement les fraudes sociales.
Associer les Français, par leur vigilance, aux politiques de lutte contre la fraude en matière de santé est un bon principe, que nous souhaitons encourager. En effet, si le développement des démarches en ligne et du tiers payant facilite l'accès aux soins, il peut aussi donner lieu à des détournements ou à la facturation de soins non effectués à l'insu même de l'assuré.
De fait, un circuit de signalement passant par le compte Ameli des assurés a été développé par la Cnam dans le cadre du plan interministériel « Agir contre les fraudes aux finances publiques » lancé en 2023.
Les assurés peuvent désormais visualiser les actes pris en charge pour leur compte par l'assurance maladie, donc identifier les règlements qui seraient indus et les signaler sur le site. Ce système, qui repose sur l'utilisation des données de facturation de l'assurance maladie obligatoire, est entièrement sécurisé.
Depuis la fin du mois de septembre dernier, une deuxième étape a été franchie avec l'envoi d'un courriel à tous les assurés pour qui l'assurance maladie a procédé à un remboursement au cours des deux dernières semaines. Chaque assuré est informé des prestations prises en charge pour son compte et invité à consulter son compte Ameli, d'où il peut signaler une fraude éventuelle.
Dans ce contexte, la mise en place d'un système parallèle de signalement avec les complémentaires serait redondante et probablement très coûteuse. Il est préférable que l'assurance maladie concentre ses efforts sur l'amélioration des projets déjà lancés. Cela n'empêche pas l'assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires de collaborer et d'échanger des informations, afin de mieux détecter et sanctionner les pratiques frauduleuses dans des domaines ciblés, mais importants. Tel est l'objet de l'article 5 que nous venons d'adopter.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait des amendements nos 92 rectifié et 102. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 162 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 162... ainsi rédigé :
« Art. L. 162.... – L'administration fiscale communique aux entreprises d'assurance régies par le code des assurances, aux mutuelles et unions régies par le code de la mutualité, aux institutions de prévoyance, unions d'institutions de prévoyance, institutions de gestion de retraite supplémentaire et institutions de retraite professionnelle supplémentaire régies par les titres III et IV du livre IX du code de la sécurité sociale et aux institutions régies par l'article L. 727-2 du code rural et de la pêche maritime les informations nominatives nécessaires à la détermination des contributions sociales, prévues aux articles L. 136-1 et L. 137-41 du code de la sécurité sociale et à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, applicables sur les revenus de remplacement qu'elles versent.
« Le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques peut être utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à l'application du présent article. »
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Par cet amendement, nous proposons d'autoriser la transmission sécurisée des informations fiscales aux organismes de prévoyance ou de retraite complémentaire, dans le but de simplifier les démarches pour les assurés et de garantir une application juste et immédiate du bon taux de CSG ou de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement vise à améliorer le calcul et, par conséquent, à limiter les indus, ce qui facilitera le recouvrement de l'impôt sur les prestations de prévoyance, telles que les indemnités journalières ou les rentes d'invalidité ou de retraite.
La transmission du taux de CSG applicable aux organismes de prévoyance permettra de réduire la charge administrative de ces derniers lorsqu'il faut reverser les trop-perçus aux bénéficiaires. Il s'agit donc de fiabiliser le recouvrement et de réduire les risques d'erreur, voire de fraude.
C'est pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Les revenus de remplacement versés par les organismes d'assurance complémentaire et de retraite supplémentaire sont en principe soumis à la CSG, à la CRDS et à la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), mais ils peuvent aussi ouvrir droit à des exonérations ou à des taux réduits en fonction du taux de CSG applicable.
Les organismes verseurs doivent demander à chaque bénéficiaire d'un revenu de remplacement son revenu fiscal de référence et le nombre de parts composant son foyer fiscal, afin de déterminer le taux applicable.
En l'absence de transmission de ces informations par le bénéficiaire, le taux de CSG le plus élevé lui est appliqué par défaut, ce qui entraîne des régularisations a posteriori relatives au montant des contributions sociales applicables, à l'assiette et au précompte de l'impôt sur le revenu à la source.
La transmission par l'administration fiscale de l'indicateur de taux à appliquer par l'organisme permettrait d'éviter des démarches aux bénéficiaires, des régularisations a posteriori à l'administration, tandis que l'assiette des contributions sociales serait sécurisée.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, il est minuit, je vous propose de prolonger notre séance jusqu'à minuit et demi, afin de poursuivre l'examen de ce texte.
Il n'y a pas d'observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Demande de réserve
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Le Gouvernement demande la réserve de l'article 8 ainsi que de l'amendement portant article additionnel après cet article, afin de permettre leur examen demain matin, à la reprise, en présence de M. Farandou, qui tient à pouvoir débattre avec vous de ces dispositions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve formulée par le Gouvernement ?
M. Alain Milon, au nom de la commission des affaires sociales. La commission y est favorable, madame la présidente.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?…
La réserve est ordonnée.
6
Reprise du mandat sénatorial d'un ancien membre du gouvernement
M. le président. En application des articles L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de M. Bruno Retailleau a repris le jeudi 13 novembre 2025 à zéro heure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En conséquence, le mandat sénatorial de Mme Brigitte Hybert a cessé le mercredi 12 novembre 2025, à minuit.
Je salue le retour de notre collègue.
7
Lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l'amendement n° 129 rectifié quater tendant à insérer un article additionnel après l'article 5.
Après l'article 5 (suite)
M. le président. L'amendement n° 129 rectifié quater, présenté par Mmes Imbert et Lavarde, MM. Sol, Piednoir et Burgoa, Mme Deseyne, MM. Belin et Khalifé, Mmes Demas et Josende, MM. Anglars, J.P. Vogel, Meignen, Milon, Pointereau et D. Laurent, Mmes Micouleau et Bellamy, MM. Bacci et Bruyen, Mmes Estrosi Sassone, Lassarade, Belrhiti, Berthet et Malet et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 88 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 est ainsi modifié :
1° Après le mot : « existence », la fin du cinquième alinéa du 4° est ainsi rédigée : « authentifié par une autorité locale habilitée désignée dans la liste établie annuellement par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ;” »
2° Après le même cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« “...° En fournissant un certificat d'existence visé par le service consulaire du pays de résidence du bénéficiaire.” »
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Le contrôle de l'existence des bénéficiaires d'une pension de vieillesse d'un régime de retraite obligatoire résidant en dehors du territoire national s'effectue chaque année dans des conditions fixées par les articles L. 161-24 et suivants et R. 161-19-14 et suivants du code de la sécurité sociale.
L'article 88 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 a acté le principe de l'utilisation de la biométrie comme moyen pour apporter la preuve de l'existence à partir du 1er janvier 2028.
Il restera cependant possible de recourir à des moyens dérogatoires, énumérés à l'article L. 161-24-1 du code de la sécurité sociale. Parmi eux figurent les échanges automatiques de données entre le régime de retraite et un service de l'état civil du pays de résidence, la fourniture d'un certificat d'existence visé par le service consulaire ou encore le recours à des organismes tiers chargés de mener des campagnes de contrôle renforcé pour le compte du groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite.
Le présent amendement vise à entériner l'existence d'un quatrième moyen et à l'ajouter à cette liste : il s'agit du recours à des autorités locales agréées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces autorités locales peuvent être des mairies, des commissariats ou des notaires inscrits sur une liste qui fait l'objet d'une actualisation annuelle.
Si la solution biométrique est en cours de généralisation, elle ne peut pas à ce stade s'imposer comme le seul moyen de contrôle. Le recours à ces autorités locales demeure donc essentiel et son absence poserait le risque d'un report de charge important sur les services consulaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement soulève une question intéressante, qui mérite débat.
Le Sénat a en effet adopté, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, un dispositif de preuve d'existence de vie pour les pensionnés vivant hors de France.
Nous comprenons donc l'intention de l'auteure de cet amendement, qui fait preuve de pragmatisme en préparant une solution alternative au cas où, à la date d'entrée en vigueur prévue du dispositif, en 2028, la solution biométrique ne serait pas prête.
Il nous semble toutefois préférable d'attendre de voir quelle sera l'avancée des développements du dispositif prévu, avant de revenir sur l'ambition initiale. Il ne nous paraît pas utile d'anticiper un éventuel échec, d'autant plus que le recours à des autorités locales agréées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères semble complexe à mettre en œuvre dans les faits.
C'est pourquoi, cette année – il sera toujours temps d'aviser le moment venu –, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Contrairement à la commission, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement relatif au contrôle de l'existence des bénéficiaires d'une pension de vieillesse d'un régime de retraite obligatoire résidant en dehors du territoire national.
Ce contrôle est effectué chaque année pour s'assurer de la délivrance à bon droit des pensions. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a instauré la biométrie comme moyen d'apporter la preuve de l'existence à partir du 1er janvier 2028.
Si la solution biométrique est en cours de généralisation, elle ne peut pas, à ce stade, s'imposer comme le seul moyen. Il est nécessaire de pouvoir recourir à d'autres mécanismes, tels que les échanges automatiques, le certificat d'existence ou le recours à des organismes tiers.
Cet amendement vise à ajouter un quatrième moyen à cette liste, à savoir le recours à des autorités locales agréées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces autorités locales peuvent être des mairies, des commissariats ou des notaires inscrits sur une liste qui fait l'objet d'une actualisation annuelle. Le recours à ces autorités locales est essentiel pour acter l'existence d'un pensionné et permet d'éviter un report de charges important sur les services consulaires.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. J'étais rapporteur sur ce sujet l'an dernier. J'avais déposé, en lien avec le Gouvernement, l'amendement relatif à la biométrie. Cela a été très compliqué, et voilà que vous revenez déjà sur cette mesure ? Franchement, je ne comprends pas…
Quand vous évoquez les mairies, les commissariats, les notaires, madame la ministre, vous les voyez avec un regard de Française. Mais ces institutions ne fonctionnent pas partout comme France.
Je vais vous raconter l'histoire des notaires roumains. Quand le président Nicolas Sarkozy avait proposé aux membres de la population rom de repartir en Roumanie, moyennant le versement d'une aide financière de plusieurs centaines d'euros – je ne me souviens plus de son montant exact –, certains partaient, allaient chez un notaire roumain, changeaient de nom et revenaient en France…
Nous envisageons l'administration à l'aune ce que nous connaissons en France, mais la réalité est parfois bien différente dans d'autres pays.
L'amendement que nous avons adopté l'an dernier permet justement à quelques organismes, quand il n'est pas possible de recourir à la biométrie, de pallier ce manque. Mais je pense qu'il n'est pas opportun d'en ajouter d'autres sur la liste.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. J'ai bien écouté les différents arguments. Ils sont légitimes.
Comme Mme Gruny, la commission est attachée à la carte biométrique. Par conséquent, nous maintenons notre avis défavorable, car il convient de ne pas renoncer dès à présent à sa mise en œuvre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 242 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à supprimer les dispositions qui permettent aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et aux services chargés de l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) de partager des données personnelles dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale.
Nous nous opposons fermement à ces mesures, car ces structures ont été créées non pas pour contrôler, mais pour accompagner et évaluer les besoins médicaux des personnes les plus vulnérables. Les MDPH ne sont pas des organes d'enquête ou de contrôle ; ce sont des lieux d'écoute et de droit.
Par ailleurs, la Défenseure des droits a rappelé sans ambiguïté que la fraude dans le champ du handicap et de la dépendance était marginale. Son ampleur ne justifie pas l'élargissement des dispositifs de surveillance.
Selon la Cour des comptes, la fraude à l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et à l'APA représente moins de 0,3 % des montants versés. C'est une part infime, alors que le nombre des retards d'instruction explose.
Pis encore, les MDPH souffrent d'un manque chronique de moyens humains et financiers. Des dizaines de milliers de personnes attendent plus de dix mois pour obtenir la reconnaissance de leur handicap ou l'ouverture de leurs droits. Les agents sont épuisés, les dossiers s'accumulent. Au lieu de les aider, ce texte leur impose de nouvelles tâches de contrôle.
Alourdir encore la charge de travail des MDPH, en leur demandant de réaliser des contrôles d'un faible rendement, revient à pénaliser, au nom d'une logique purement comptable, des personnes déjà fragilisées.
Certes, la Cour des comptes constate que le coût de l'AAH a augmenté d'environ 400 millions d'euros par an entre 2007 et 2017, soit une hausse de plus de 70 % en dix ans. On compte plus d'un million d'allocataires aujourd'hui.
Cette hausse n'est cependant pas le signe d'un abus. Elle est le reflet d'une meilleure reconnaissance du handicap, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. L'augmentation du nombre d'allocataires est non pas un problème, mais un progrès.
La mesure proposée est donc inutile, coûteuse et dangereuse pour les personnes en situation de handicap et pour les bénéficiaires de l'APA. Les risques de stigmatisation, de non-recours au droit et de violation du secret médical sont bien réels.
C'est pourquoi nous vous demandons de supprimer les alinéas 2 et 3 de l'article 6, afin de préserver la mission des MDPH, le sens de la solidarité et la dignité des personnes handicapées.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié quater, présenté par Mme Lermytte, MM. Malhuret et Chasseing, Mme Bourcier, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Pellevat, Grand, Rochette, Capus, Médevielle, V. Louault, Laménie et Brault, Mmes Antoine, Jacquemet et Aeschlimann, M. Daubresse, Mme Muller-Bronn, M. Lemoyne, Mme Sollogoub, M. Menonville, Mme Romagny, M. J.B. Blanc, Mmes de Cidrac et Bellamy et MM. Chatillon, Fialaire, Khalifé, Levi et Houpert, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
de l'allocation prévue à l'article L. 232-1
par les mots :
des allocations prévues aux articles L. 132-1, L. 132-3, L. 231-1, L. 232-1, L. 241-1 et L. 245-1
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. L'article 6 autorise les agents des MDPH et les services départementaux chargés de l'attribution de l'APA à échanger des informations avec leurs partenaires dans le cadre de la lutte contre la fraude.
Toutefois, en l'état, le dispositif ne concerne que les échanges relatifs à l'APA. Or les départements assurent la gestion et le versement d'un ensemble beaucoup plus large de prestations sociales, telles que la prestation de compensation du handicap (PCH), les aides sociales à l'hébergement, les aides ménagères, les aides financières au portage de repas ou encore les aides exceptionnelles à domicile.
Limiter la communication et la coopération interservices à la seule APA revient à restreindre l'efficacité du dispositif.
Cet amendement vise donc à étendre le champ de l'article 6 à l'ensemble des prestations versées par les départements, et non plus uniquement à l'allocation personnalisée d'autonomie. Son adoption permettrait d'impliquer tous les services départementaux concernés, dans un esprit de cohérence, d'efficacité et de bonne gestion des fonds publics, tout en garantissant un meilleur accompagnement des usagers.
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je compléterai simplement les propos de ma collègue Silvana Silvani.
Les éléments examinés par les MDPH pour l'attribution des prestations qu'elles gèrent ne se prêtent pas à la recherche de la fraude. En effet, les MDPH se fondent principalement sur des éléments médico-sociaux, sans considération du respect des conditions administratives d'éligibilité à la prestation, lesquelles sont appréciées par l'organisme qui paie ou finance la prestation.
Par conséquent, ce contrôle ne relève pas du champ de compétence des MDPH, et il n'y a pas lieu d'élargir ce dernier.
En outre, avant d'envisager une telle évolution – nous en revenons à ce que nous disions tout à l'heure –, il conviendrait de prévoir une formation ad hoc des agents chargés de cette mission de lutte contre la fraude, qui devraient être dûment habilités à participer aux échanges d'informations.
En l'état, les dispositions de ces alinéas sont donc hors sujet ! Les MDPH n'ont pas vocation à lutter contre la fraude. Il est inutile de chercher à les faire entrer dans la valse des acteurs qui échangent des informations dans ce cadre. Qu'elles accomplissent déjà leur travail médico-social !
M. le président. L'amendement n° 288, présenté par M. Henno et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois autres amendements en discussion commune ?
M. Olivier Henno, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 242 rectifié et 120. Nous ne voyons vraiment pas pourquoi les prestations de la branche autonomie, et singulièrement celles qui relèvent du handicap, devraient échapper aux efforts déployés pour lutter contre la fraude.
Au risque de vous contredire, mes chères collègues, l'extension proposée à l'article 6 est plébiscitée par les directeurs de MDPH que nous avons consultés.
J'ajoute que, dans un rapport récent, l'inspection générale des finances a insisté sur la nécessaire « acculturation » à la lutte contre la fraude de ces structures.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 34 rectifié quater, qui vise à étendre à l'ensemble des prestations versées par les départements la possibilité d'échanges d'informations. C'est d'ailleurs ce que l'association des directeurs de MDPH appelait également de ses vœux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement rédactionnel n° 288 de la commission.
En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 242 rectifié et 120.
Je souhaite rappeler que nous avons engagé un travail approfondi sur les méthodes et les moyens, afin de réduire la charge de travail des MDPH et de rendre leur fonctionnement plus fluide et plus efficace.
Le PLFSS prévoit en outre qu'elles bénéficieront de renforts d'effectifs, notamment pour permettre la mise en œuvre d'entretiens physiques individuels d'accueil pour les primo-demandeurs.
Nous nous inscrivons dans une démarche d'amélioration des conditions de travail et des conditions d'examen des dossiers. Je partage l'avis de M. le rapporteur : il est nécessaire d'embarquer les MDPH dans la lutte contre la fraude sociale.
L'amendement n° 34 rectifié quater vise à intégrer l'ensemble des services chargés du versement des prestations d'aide sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées dans le dispositif de partage d'informations.
Toutefois, le texte actuel vise déjà l'essentiel des prestations pour lesquelles un tel partage présente un réel intérêt. C'est le cas, en particulier, de celles qui relèvent des MDPH. Sont ainsi d'ores et déjà incluses les prestations liées au handicap, notamment la prestation de compensation du handicap, l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). Les services départementaux chargés de la gestion de l'APA à domicile sont également concernés par le dispositif. Ces prestations concentrent la majorité des échanges d'informations et des enjeux de contrôle entre les MDPH, les départements et les organismes de sécurité sociale.
De même, la transmission des données fiscales nécessaires à l'octroi de l'aide sociale à l'hébergement est déjà prévue. La problématique principale est celle de la simplification de la transmission des données fiscales indispensables pour procéder à la récupération sur succession, qui intervient après l'admission à la prestation.
Quant à l'aide sociale à domicile, elle recouvre différentes prestations d'un faible montant, parfois résiduel. Intégrer un dispositif aussi fragmenté dans des circuits d'échanges d'informations nationaux risquerait donc d'engendrer des difficultés techniques et juridiques importantes.
C'est pourquoi je suis plus réservée que M. le rapporteur sur l'amendement n° 34 rectifié quater. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Il faut rappeler le contexte. Chaque année, 10 milliards d'euros d'aides sociales ne sont pas réclamés par des personnes qui sont pourtant éligibles au versement de ces prestations.
Derrière l'article 6, on sent poindre, mais je me trompe peut-être, une volonté de réaliser des économies sur les prestations sociales, dans la mesure où, sous l'effet de la fraude aux cotisations sociales, entre 6 milliards et 7,8 milliards d'euros de cotisations n'entrent pas dans les caisses de l'État.
Monsieur le rapporteur, vous vous demandez pourquoi ces prestations devraient échapper à l'effort. En relisant l'étude d'impact qui accompagne ce projet de loi, je constate qu'il est indiqué qu'il n'existe pas « d'estimation du montant global de la fraude aux prestations sociales autonomie ». Cela signifie donc qu'en la matière, comme l'a dit Mme Poncet Monge, nous naviguons à vue !
Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) a néanmoins essayé d'évaluer ce montant : il serait potentiellement de 20 millions d'euros recouvrables – un montant qu'il faut comparer, je le rappelle, aux 6 à 7,8 milliards d'euros de cotisations sociales qui n'entrent pas dans les caisses de l'État…
Nous avons donc le sentiment que, par le biais de cet article 6, on vise les allocataires de prestations sociales. Cela ne devrait pourtant pas être le but de la manœuvre.
Finalement, nous avons l'impression que l'on chasse une mouche avec un bazooka, alors que la fraude à l'AAH est marginale. On recense 1 070 indus : il convient certes de travailler sur ce sujet, évidemment, mais cela ne constitue pas le cœur du réacteur, la raison d'être de ce texte. Ces alinéas nous semblent donc, à nous aussi, quelque peu hors champ !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Ce n'est pas l'expression « chasser une mouche avec un bazooka » qui me venait à l'esprit, mais plutôt celle de « regarder la puce – et uniquement la puce – sur le dos de l'éléphant ». (Sourires.)
En effet, en écoutant certaines interventions, on a l'impression que le problème des MDPH, c'est la fraude. Or, dans le département de la Seine-Maritime, comme, je le suppose, dans tous les autres, le problème des MDPH est qu'elles n'arrivent pas à répondre en temps et en heure aux demandes qui leur sont adressées.
La durée réglementaire de traitement des dossiers par les MDPH doit être de 4 mois. Or je crois qu'il n'existe aucun département en France où ce délai soit respecté. En Seine-Maritime, en 2024, le délai était de 8,3 mois en moyenne : de plus de 7 mois – en fait presque 8 mois – pour les enfants, et de presque 8,5 mois pour les adultes. (Mme Pascale Gruny le confirme.) Voilà le problème des MDPH !
Vous essayez de détourner le regard de nos concitoyens vers des sujets comme la fraude, qui seraient la source de tous leurs maux et de tous les problèmes de la France aujourd'hui ; mais cela ne correspond pas à la réalité !
Cette démarche sous-tend tout ce texte. Il s'agit de détourner l'attention des méga-fraudes fiscales. Entendons-nous bien, je ne suis pas du tout opposée à la lutte contre la fraude. On ne doit pas frauder ! Voilà un principe que personne ne peut contester. Je trouve cependant que ce texte vise à détourner l'attention de nombreux sujets.
Enfin, vous ne donnez aucun moyen aux organismes pour assumer les missions qui leur sont confiées. Comment peut-on imaginer de confier aux MDPH, qui n'arrivent déjà pas à assumer leurs propres missions, la charge supplémentaire de lutter contre la fraude ? C'est méconnaître l'état dans lequel elles se trouvent, malgré tout le dévouement de leur personnel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Mon propos s'inscrira dans l'esprit de ce qui vient d'être dit.
Les MDPH ont une mission très précise. Leur charge de travail – étude des dossiers, etc. – est importante. Dans tous les départements, elles sont d'ailleurs en surcharge. C'est par exemple le cas dans le Finistère. Le président du conseil départemental nous dit que des progrès majeurs ont été réalisés et qu'il a réussi à réduire le délai de traitement des dossiers de 10 à 8 mois…
M. Michel Canévet. Plutôt 3 mois !
M. Jean-Luc Fichet. Non, j'ai des chiffres très précis : c'est 8 mois. Cela représente déjà un gain de 2 mois, mais nous sommes loin d'atteindre l'objectif qu'il avait fixé et qu'a évoqué M. Canévet, d'une durée de traitement de 3 mois.
Je pense que les contrôles prévus à cet article ne relèvent pas de la mission des MDPH.
Avouez-le, par ce texte, vous essayez de faire les fonds de tiroir. Mais c'est se comporter comme des « gagne-petit », alors qu'il existe tant de fraudes par ailleurs. Lorsque l'on en vient à dire que des adultes handicapés fraudent pour percevoir des prestations auxquelles ils n'ont pas droit, c'est le signe que l'on est au bout du bout !
Pour ma part, je soutiendrai totalement cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié quater.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 288.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié ter, présenté par Mme Lermytte, MM. Malhuret et Chasseing, Mme Bourcier, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Pellevat, Chevalier, Grand, Rochette, Capus, Médevielle, V. Louault, Laménie et Brault, Mmes Antoine, Jacquemet et Aeschlimann, M. Daubresse, Mme Muller-Bronn, M. Lemoyne, Mme Sollogoub, M. Menonville, Mmes Saint-Pé, Romagny et Guidez, M. J.B. Blanc, Mmes de Cidrac et Bellamy et MM. Chatillon, Fialaire, Khalifé, Levi et Houpert, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 114-10-2-1 du code de la sécurité sociale, après la référence : « article L. 114-10-1-1 » , sont insérés les mots : « ainsi que les prestations et allocations servies au titre des articles L. 132-1, L. 132-3, L. 231-1, L. 232-1, L. 241-1 et L. 245-1 du code l'action sociale et des familles ».
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. La rédaction actuelle de l'article L. 114-10-2-1 du code de la sécurité sociale impose que les allocations et prestations sociales soumises à une condition de résidence en France et servies par les organismes de sécurité sociale soient versées sur des comptes bancaires ouverts en France ou dans l'espace unique de paiement en euros, aussi appelé zone Sepa.
Or les départements assurent le versement de nombreuses allocations et prestations sociales, sans que celles-ci soient couvertes par cette disposition. Cette situation crée une différence de traitement injustifiée entre bénéficiaires selon la nature de la prestation ou l'autorité qui la verse.
Le présent amendement vise à étendre l'application de cette règle aux prestations servies par les départements, afin d'assurer une cohérence juridique entre les différents régimes de versement des aides sociales, de sécuriser les paiements publics et de renforcer la lutte contre la fraude liée aux versements sur des comptes bancaires étrangers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement répond effectivement à une incohérence du droit en vigueur. Son adoption devrait permettre de sécuriser le paiement des prestations versées par les départements.
L'avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Par nature, les prestations en question supposent une résidence effective sur le territoire, puisqu'il s'agit de prestations liées à une aide humaine.
Néanmoins, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée afin de sécuriser le dispositif.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 131 rectifié bis, présenté par Mme Demas, M. Delia, Mmes Aeschlimann, Imbert, Ventalon et Joseph, M. Séné, Mme Micouleau, MM. Burgoa et Sido, Mme Primas, M. Lefèvre, Mme Evren, MM. Brisson et Panunzi, Mmes Dumont, Belrhiti, Gosselin, Josende et Petrus et MM. Bruyen et Belin, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 6° de l'article L. 8271-1-2 du code du travail, les mots : « de l'aviation civile » sont remplacés par les mots : « et administratifs de l'aviation civile chargés de la lutte contre le travail illégal ».
La parole est à M. Jean-Marc Delia.
M. Jean-Marc Delia. Cet amendement vise à permettre aux fonctionnaires des corps administratifs chargés, au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), de la lutte contre le travail illégal, commissionnés à cet effet et assermentés, d'échanger librement, avec les autres administrations concernées, tous documents ou informations utiles à la constatation des infractions constitutives de travail illégal dans le secteur aérien.
Son adoption contribuerait à mobiliser tous les moyens à même de renforcer la synergie entre les différents acteurs de la lutte contre la fraude.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. L'adoption de cet amendement permettrait effectivement de mieux lutter contre la fraude et le travail illégal dans le secteur aérien.
L'avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. La DGAC souhaite renforcer son action en matière de lutte contre le travail illégal, car la fraude s'est fortement développée ces dernières années, notamment en ce qui concerne le détachement de salariés, le recours à de faux pilotes indépendants et le défaut de déclaration d'activité de compagnies étrangères exerçant une activité stable et continue sur le territoire national.
Cet amendement est donc bienvenu et l'avis du Gouvernement est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Article 7
I. – Après l'article L. 322-5-2 du code de la sécurité sociale, il est rétabli un article L. 322-5-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 322-5-3. – Les entreprises de transport sanitaire et les entreprises de taxis ayant conclu une convention avec un organisme local d'assurance maladie équipent l'ensemble de leurs véhicules d'un dispositif de géolocalisation certifié par l'assurance maladie dont les conditions d'utilisation sont précisées par décret en Conseil d'État et d'un système électronique de facturation intégré. »
II. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2027.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.
M. Marc Laménie. L'article 7 de ce texte vise à rendre obligatoires la géolocalisation des transports sanitaires et des taxis conventionnés ainsi que le système électronique de facturation intégré (Sefi).
Différents modes de déplacement sont pris en charge par l'assurance maladie : les transports sanitaires conventionnés – ambulances et véhicules sanitaires légers (VSL) – et les taxis.
Au total, les dépenses de transport sanitaire se sont élevées à 6,74 milliards d'euros en 2024, en progression de plus de 43 % depuis 2016, dont 3,67 milliards d'euros pour les transports sanitaires – ambulances et VSL – et 3,07 milliards d'euros pour les taxis conventionnés. Je reprends ces chiffres du rapport de la commission des affaires sociales et je saisis cette occasion pour saluer le travail de l'ensemble des rapporteurs.
Le montant des préjudices liés à la fraude est estimé à environ 600 millions d'euros, mais il est évidemment délicat de quantifier cette fraude précisément et il faut des moyens humains pour lutter contre elle.
Le critère de distance est l'une des principales erreurs commises lors de la facturation des transports sanitaires.
Deux points sont mis en évidence par les rapporteurs.
Tout d'abord, il faut rechercher une modération des dépenses de transport sanitaire.
Ensuite, il faut donner une base légale à l'obligation de géolocalisation des véhicules et de recours au système électronique de facturation intégré. Ces deux mesures seront ainsi mises en place au plus tard au 1er janvier 2027. Plus de 5 000 entreprises sont concernées en tant que transporteurs sanitaires, mais certaines sont déjà équipées.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cet article.
M. le président. L'amendement n° 103, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article rendrait obligatoire, pour les entreprises de transport sanitaire et les taxis conventionnés avec l'assurance maladie, l'équipement de leurs véhicules d'un dispositif de géolocalisation et d'un système électronique de facturation intégrée.
Sur le principe, nous sommes pour, mais ces dispositions existent déjà dans les conventions nationales signées avec la Cnam.
La convention-cadre nationale des taxis conventionnés, approuvée par un arrêté du 16 mai 2025, prévoit expressément que les entreprises devront être équipées d'un dispositif de géolocalisation et utiliser le service électronique de facturation intégrée au plus tard le 1er janvier 2027.
De même, les entreprises de transport sanitaire utilisent depuis le début des années 2000 le système Sesam-Vitale, qui assure la facturation électronique de leurs prestations.
Inscrire dans la loi des dispositions déjà couvertes par la voie conventionnelle, c'est court-circuiter le dialogue conventionnel entre l'assurance maladie et les professions concernées, au détriment de la souplesse, de l'adaptabilité des accords et, surtout, de l'adhésion des acteurs.
Cela rigidifie inutilement un cadre qui relève du champ contractuel et qui fait déjà l'objet de négociations régulières entre les partenaires conventionnels.
En outre, il n'a été avancé en commission aucun argument probant justifiant qu'on alourdisse la loi de mesures déjà en vigueur par convention et sur la nécessité de légiférer, alors que les engagements conventionnels sont en place et suivis. La loi est ici bavarde.
La lutte contre la fraude ou les perspectives rapides d'économies ne sauraient compenser l'atteinte au principe, que nous soutenons tous, du dialogue conventionnel.
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cet article 7.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Nous disions tout à l'heure que, parfois, des doutes existaient sur les enjeux. Ici, l'enjeu est considérable puisque, en huit ans, le montant de la dépense a augmenté de près de 50 %, atteignant 6,7 milliards d'euros.
Cet amendement vise à supprimer l'obligation pour les transporteurs sanitaires et les taxis d'utiliser un dispositif de géolocalisation et un système électronique de facturation intégré.
Or ces mesures vont dans le sens d'une meilleure fiabilisation de la facturation des transports sanitaires, dont les dépenses restent extrêmement dynamiques. La commission et le Sénat ont d'ailleurs soutenu ce principe l'an passé, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, s'agissant des transports sanitaires.
En outre, cette obligation est déjà prévue pour les taxis dans le cadre de leur convention-cadre ; la loi ne viendrait que sécuriser le dispositif.
L'avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je rejoins les arguments avancés par M. le rapporteur.
Vous avez souligné, madame la sénatrice, que ces dispositions figurent déjà dans le champ conventionnel. Elles s'accompagnent d'ailleurs de leviers incitatifs.
Cependant, les conventions ne portent pas d'obligation transversale applicable à tous les transporteurs pour s'équiper d'un dispositif de géolocalisation et d'un système électronique de facturation intégré.
Par conséquent, inscrire cette mesure dans la loi n'est pas contradictoire avec le dialogue conventionnel. De plus, il semble légitime, comme l'a souligné M. le rapporteur, de bien consolider l'ensemble du dispositif.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur, je veux bien que vous ne votiez pas mon amendement, mais vous ne pouvez pas dire que je suis contre le dispositif. Il me semble avoir été assez explicite, bien que, à cette heure tardive, nous soyons tous fatigués.
On a déjà connu ce qui est proposé ici et je conteste cette méthode. Par exemple, alors que des revalorisations devaient s'appliquer au 1er juillet dernier pour les kinésithérapeutes en accord avec leur convention, la décision du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie de déclencher la procédure d'alerte a entraîné le report de ces décisions de six mois. En bref, il faut de l'argent tout de suite, alors tant pis pour la convention et on verra bien dans six mois… C'est la même chose ici.
Vous dites que le dispositif est facultatif, mais c'est ce qu'ont décidé les partenaires conventionnels. Vous pouvez dire que vous êtes aux abois, qu'il faut des économies immédiatement, mais il n'en demeure pas moins que vous passez outre aux négociations pour des raisons de très court terme. Finalement, vous dites à ceux qui étaient autour de la table : « Faites ce que vous voulez, mais quand nous aurons besoin d'argent, nous ferons ce que nous voudrons ! »
Tout à l'heure, madame la ministre, vous vous êtes opposés à un amendement, en disant que la mesure était prévue pour le 1er janvier 2027 et qu'il ne fallait pas se presser. Pour ma part, je trouvais que ce qui était proposé n'était quand même pas très difficile à réaliser. Avec cet article, vous avancez le contraire !
Arrêtez de mépriser les conventions médicales ! À force, tous les acteurs de la santé sont vent debout contre vos décisions.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 85 amendements au cours de la journée ; il en reste 128 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 13 novembre 2025 :
À dix heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales (procédure accélérée ; texte de la commission n° 112, 2025-2026).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 13 novembre 2025, à zéro heure quarante.)
nomination de membres de commissions
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Thani Mohamed Soilihi est proclamé membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.
Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Nathalie Delattre est proclamée membre de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
JEAN-CYRIL MASSERON