Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission de l'aménagement du territoire ?

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. Il n'appartient pas à une entreprise de vérifier le chiffre d'affaires, les véhicules, etc. – je le redis, même si le Sénat n'a pas voté tout à l'heure en ce sens.

C'est à l'administration, aux services de police ou à l'Urssaf qu'il revient de procéder à ces vérifications.

Dès lors, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le Gouvernement souscrit bien évidemment à l'objectif de lutte contre la fraude sociale.

Je rappelle que, depuis l'adoption de la loi n° 2016-1920 du 20 décembre 2016, dite loi Grandguillaume, les centrales de réservation sont déjà soumises à des obligations de vérification.

L'article 8 du présent texte renforce encore ces obligations, notamment par la vérification de la non-mise à disposition de l'inscription au registre et la vérification de l'attestation de vigilance produite par l'Urssaf. Un décret en Conseil d'État précisera les modalités d'application de ces dispositions, notamment les vérifications à opérer par les plateformes en fonction des informations qui seront effectivement disponibles.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Nous voterons cet amendement de Mme Antoine, mais je tiens à formuler deux remarques.

La première est une remarque de forme : le dispositif de l'amendement fait référence au « salaire » reçu par les travailleurs. J'apprécie le lapsus !

Mme Jocelyne Antoine. Ce n'en était pas un !

M. Olivier Jacquin. Parfait : vous anticipez la requalification en salarié prévue par la directive Schmit. Autrement, s'agissant d'indépendants fictifs, il aurait fallu parler de revenus…

Sur le fond, je travaille régulièrement avec les syndicats de VTC, et un syndicaliste m'a montré des petites annonces de recrutement de chauffeurs publiées sur Leboncoin qui précisaient : « pas de charges » et « maintien des aides ». Voilà la dérive…

Votre proposition, chère collègue, est conforme aux dispositions de 2019, qui prévoient déjà que les plateformes doivent déclarer les revenus perçus par les travailleurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, nous avons évoqué la responsabilité, sur les chantiers, des maîtres d'ouvrage donneurs d'ordre à l'égard des entreprises sous-traitantes de premier, deuxième ou même de troisième rang : elles doivent s'assurer que la législation du travail est bien respectée pour les salariés à l'œuvre.

Le cas dont nous débattons est proche : la plateforme met en action des travailleurs, pour lesquels elle devrait assurer un minimum de soutien, de vérifications et de respect de la législation du travail.

Il ne faut pas oublier que les plateformes ont aussi, de manière déguisée, un pouvoir de sanction, très discret : un livreur qui ne fait pas son travail ou qui met trop de temps à le faire se voit proposer de moins en moins de missions, car on considère que ce n'est pas un bon livreur.

Il faut donc bien étudier la responsabilité des plateformes, au même titre que celle des maîtres d'ouvrage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous avons voté, ce matin, un certain nombre d'amendements de contrôle de la mise en relation et de responsabilisation des plateformes.

Nous sommes un certain nombre ici à vouloir essayer de sortir du Far West. Les amendements ne sont peut-être pas aussi précis qu'il le faudrait, mais ils tendent à lutter contre le manque de contrôle, l'énorme problème du blanchiment ainsi que les difficultés en matière de relations du travail et l'esclavagisation d'un certain nombre de personnes.

Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, nous constatons une multiplication de sociétés éphémères – dans le secteur, on les qualifie même de « jetables ». Il en résulte de la fraude à la TVA et à l'Urssaf et l'esclavagisation d'un certain nombre de personnes qui travaillent pour ces plateformes, dont nous observons, de surcroît, une immunité complète.

Nous ne sommes pas d'accord avec cette situation.

Nous voterons donc l'amendement de Mme Antoine.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 74, présenté par M. Fernique, Mme Poncet Monge, MM. Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 22

Remplacer les mots :

d'une sanction administrative

par les mots :

d'une ou plusieurs sanctions administratives

II. - Après l'alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

«  Une interdiction, pour une durée maximale de douze mois, de contracter avec un exploitant mentionné à l'article L. 3122-1 peut être prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3141-2-1.

III. - Alinéa 25

Remplacer les mots :

Cette amende administrative est prononcée

par les mots :

Ces sanctions administratives sont prononcées

IV. - Alinéa 26

Remplacer les mots :

le montant total de l'amende

par les mots :

les sanctions administratives

V. - Alinéa 27

Remplacer les mots :

par une amende administrative

par le mot :

aux dispositions de l'article L. 3141-2-1

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Nous avons compris que nous devrions faire avec cet article 8, même s'il est minime. Nous allons donc essayer de le muscler un peu.

L'adoption de cet amendement permettrait de le faire sérieusement, me semble-t-il. Je vous demande, mes chers collègues, de réaliser cette avancée, qui est à notre portée ce matin.

Cet amendement donnerait à l'administration, si elle le juge nécessaire, la faculté de prononcer, à l'encontre de la plateforme qui aurait clairement alimenté le travail dissimulé, et en complément de l'amende prévue par l'article 8, une interdiction temporaire de contracter avec un nouvel exploitant pouvant aller jusqu'à douze mois.

Il s'agirait d'un moyen adapté et proportionné, complétant si nécessaire l'amende, pour que la fraude ne puisse devenir un levier de développement fondé sur une concurrence déloyale à l'égard des professionnels respectueux de la réglementation.

En commission, il m'a été opposé que ce serait une restriction excessive à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, ce qui serait effectivement un problème. Je ne le pense pas, puisque les chauffeurs resteraient libres de contracter avec les autres plateformes qui ne seraient pas dans l'illégalité.

En revanche, la plateforme profitant manifestement de fraudes systémiques se verrait opposer une sanction suffisamment forte pour qu'elle cesse de franchir la ligne jaune.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission de l'aménagement du territoire ?

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. Je souscris totalement à l'objet de cet amendement, qui est de sanctionner plus sévèrement les plateformes ne respectant pas le devoir de vigilance en matière de travail dissimulé instauré par la loi.

Je rappelle, d'ailleurs, que la commission a considérablement relevé le plafond annuel de l'amende prévue par le texte, pour le porter de 150 000 à 3 millions d'euros.

Cet amendement vise à aller plus loin, en interdisant à la plateforme méconnaissant ses obligations de passer de nouveaux contrats pendant une durée pouvant aller jusqu'à un an.

Cette proposition comporte certaines fragilités : le délai envisagé est long et, sur le plan opérationnel, le dispositif reviendrait surtout à sanctionner les chauffeurs VTC, même lorsqu'ils sont de bonne foi, alors que la plateforme pourrait continuer à être en service.

Monsieur le ministre, il serait intéressant de pouvoir compléter l'article 8 en créant une possibilité de suspendre temporairement une plateforme dès lors qu'elle ne respecterait pas son obligation de vigilance. Les délais d'examen au Sénat ne nous ont pas permis de formuler une proposition précise en ce sens, mais seriez-vous d'accord pour y travailler dans la suite de la navette ?

Pour l'heure, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. (M. Jacques Fernique s'exclame.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je le redis, ce projet de loi est destiné à durcir la lutte contre la fraude. Qu'il n'y ait pas de malentendu sur ce point !

Nous pouvons débattre des modalités, mais l'intention est bien d'être plus efficace dans la prévention, la sanction et le recouvrement. Il peut être utile de rappeler ces objectifs pour que les choses soient parfaitement claires.

Le dispositif de l'article 8 prévoit une obligation de vigilance renforcée, assortie de sanctions administratives et financières que nous estimons graduées, proportionnées et calibrées pour favoriser le respect des obligations de vérification et dissuader les manquements réitérés.

D'ailleurs, comme M. le rapporteur l'a rappelé, vous avez souhaité durcir les sanctions : elles sont désormais de 3 millions d'euros, ce qui commence, me semble-t-il, à être dissuasif.

Je suis d'accord avec lui pour dire que la sanction complémentaire proposée présente quelques éléments de fragilité. Peut se poser une question de proportionnalité, donc de sécurité juridique, qu'il ne faut jamais sous-estimer. De fait, la notion de « nouveau partenariat » ne figure pas dans la rédaction de l'amendement, ce qui peut constituer une petite faiblesse dans la construction du dispositif.

Cette mesure pourrait également avoir quelques effets collatéraux sur l'économie du secteur, puisqu'elle conduirait à perturber et à bloquer de nouveaux exploitants réguliers dans des zones où il n'y a pas énormément de plateformes, donc pas de choix possible. Nous empêcherions donc ces exploitants réguliers de se lancer dans leur activité.

Enfin, comme cela a été évoqué par M. le rapporteur, il y aurait tout simplement une difficulté opérationnelle à exercer le contrôle effectif d'une interdiction de contracter, car ce n'est pas chose aisée à mettre en place.

Pour l'ensemble de ces raisons, et en espérant ne vous donner nullement l'impression que nous serions un tant soit peu laxistes, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Monsieur le rapporteur, on peut le déplorer ou non, mais les VTC sont désormais une réalité dans le monde des transports et ils représentent une force assez considérable. On compte quasiment autant de chauffeurs de VTC que de taxis.

Je ne dis pas qu'il faut favoriser les distorsions de concurrence. Nous devons être vigilants pour renforcer les distinctions fondamentales entre les taxis et les VTC. C'est un équilibre complexe.

Nous voterons en faveur de cet amendement, car il vise à renforcer le devoir de vigilance. Je remercie d'ailleurs Jacques Fernique de l'avoir proposé.

Le devoir de vigilance est une création française. Il a été inscrit dans la loi en 2017 sur l'initiative du député de mon département Dominique Potier. La France était alors totalement novatrice en la matière. Après un combat difficile pour imposer ce principe en France, la tâche n'est pas moins aisée pour l'affirmer à l'échelle de l'Union européenne. Aujourd'hui même, le Parlement européen risque de détricoter ce dispositif pourtant si original de lutte contre la fraude, qui va dans le sens d'un plus grand respect des multinationales envers les droits de l'homme et de l'enfant et la planète.

J'espère que la France choisira aujourd'hui le chemin de la responsabilité plutôt que celui de l'impunité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. J'entends les arguments liés au risque de difficultés opérationnelles invoqués par M. le ministre.

J'entends également l'avis formellement défavorable de notre rapporteur, mais je l'interprète plutôt comme une sollicitation du Gouvernement visant à aller dans le sens des préconisations de cet amendement, dont il partage entièrement l'objectif.

Certes, la messe n'est pas dite, et nous ne connaissons pas encore la fin de l'histoire. Cependant, dans le contexte politique actuel, il serait utile de voter cet amendement pour signifier clairement que nous souhaiterions muscler davantage l'article 8 !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous soutenons cet amendement, car il s'agit bien de réaffirmer le devoir de vigilance. On ne peut pas dire qu'il soit contraire à l'intention de l'article 8 !

Monsieur le ministre, nous en revenons finalement au débat précédent. Selon vous, les salariés n'ont qu'à aller devant le tribunal pour faire reconnaître leurs droits.

Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire pour vous expliquer pourquoi nous soutenons cet amendement : les sanctions financières ne sont pas les seules qui peuvent être prononcées.

Ainsi, en mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a condamné Deliveroo France à 375 000 euros d'amende pour travail dissimulé – c'est la sanction financière –, mais a également prononcé une interdiction de diriger une société, pour deux ans, à l'encontre des deux patrons de l'entreprise !

La double lame de la justice est donc passée, à juste titre ! Le tribunal judiciaire de Paris a eu raison d'appliquer à la fois une sanction financière et une interdiction d'exercer la responsabilité de dirigeant d'une entreprise à des personnes qui pratiquaient une concurrence déloyale.

Cet amendement va donc dans le droit fil d'une décision de justice. Il serait préférable de l'inscrire dans le droit, plutôt que d'inciter les victimes d'une injustice ou d'une inégalité à entamer une procédure judiciaire.

« La preuve du pudding, c'est qu'on le mange » : il faut donc voter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. M. le rapporteur m'a tendu une perche, comme l'a d'ailleurs rappelé M. le sénateur Jacquin : soyez donc assurés que je suis favorable à un travail complémentaire en vue de durcir l'article 8. Prenons le temps nécessaire pour ajuster le dispositif de manière efficace.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission du développement durable.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 27 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 116
Contre 227

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 63 rectifié ter, présenté par M. Pillefer, Mmes Antoine, N. Goulet, Sollogoub et Jacquemet, M. Courtial, Mmes Guidez et Billon, MM. Menonville, Cambier et Kern, Mmes Saint-Pé et Patru, MM. Levi et Canévet et Mme Romagny, est ainsi libellé :

Alinéa 31

Remplacer les mots :

dix-huitième

Par le mot :

troisième

La parole est à Mme Jocelyne Antoine.

Mme Jocelyne Antoine. Cet amendement du sénateur Bernard Pillefer vise à accélérer la mise en œuvre des dispositions prévues à l'article 8, en prévoyant un délai de trois mois au lieu de dix-huit mois.

Par la réduction de ce délai, l'amendement contribue à rendre la loi plus efficace et immédiatement applicable.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à fixer le délai d'application des mesures à trois mois, contre dix-huit mois dans la version actuelle du texte.

En raison des difficultés liées aux outils informatiques et du nombre important de chauffeurs avec lesquels il sera nécessaire d'entrer en relation, le délai maximal de dix-huit mois me paraît opportun.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Nous rêverions d'aller plus vite ! Votre intention est louable, mais si l'on se range à l'analyse technique, juridique et opérationnelle, il semble qu'un délai de dix-huit mois est nécessaire.

Par ailleurs, il s'agit d'un délai maximal : si certaines dispositions sont prêtes plus tôt, elles seront mises en œuvre dès que possible.

La sagesse et le pragmatisme nous imposent ce délai, qui, je le répète, est un maximum. Si nous pouvons aller plus vite, nous le ferons. Je suis d'ailleurs convaincu qu'un certain nombre de mesures seront applicables avant ce délai.

Je suis donc contraint d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. J'ai assisté, avec le rapporteur, à l'audition des représentants des plateformes. Ceux-ci ont évoqué un délai de six mois pour mettre en place les nouveaux statuts, sur la base d'une expérimentation réalisée par Uber sur le secteur de Marseille.

Dix-huit mois, c'est peut-être beaucoup ; mais trois mois, cela me semble assez faible.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 63 rectifié ter.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission du développement durable. (Mme Silvana Silvani lève les bras au ciel.)

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 28 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 309
Pour l'adoption 3
Contre 306

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 156 a été retiré.

L'amendement n° 42 rectifié ter, présenté par Mme Antoine, M. Pillefer, Mme Billon, MM. Brault, Canévet et Courtial, Mme L. Darcos, MM. Delahaye et Dhersin, Mme Guidez, MM. Haye, Hingray et Houpert, Mmes Jacquemet et Josende, MM. Kern et Khalifé, Mme Lermytte, MM. Menonville et Mizzon, Mmes Patru et Perrot, M. Rochette et Mmes Romagny, Saint-Pé et Sollogoub, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le II de l'article 1649 ter A du code général des impôts est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« ...° Lorsque les opérations consistent en la mise en relation par des professionnels mentionnée à l'article L. 3141-1 du code des transports :

« ...) Le nom, le prénom et le numéro de carte professionnelle de chaque conducteur ;

« ...) Le montant total de la contrepartie perçue au titre de chaque conducteur. »

La parole est à Mme Jocelyne Antoine.

Mme Jocelyne Antoine. Cet amendement vise à combler une faille dans le dispositif de lutte contre la fraude sociale et fiscale du secteur des VTC. À ce jour, les services du ministère de l'économie et des finances ne disposent, en effet, que du chiffre d'affaires global versé aux exploitants sans détail par chauffeur, ce qui limite la capacité de contrôle sur les revenus réellement perçus par chaque conducteur.

En imposant la transmission, par les plateformes, du chiffre d'affaires généré individuellement par chaque conducteur, l'adoption de cet amendement permettrait à l'administration de croiser les données et de détecter plus efficacement les situations de sous-déclaration ou de travail dissimulé.

Cette mesure renforce la transparence et la traçabilité des flux financiers, tout en facilitant le ciblage des contrôles et la sécurisation des recettes fiscales et sociales.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. La commission sollicite l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. L'avis du Gouvernement est motivé par deux arguments d'ordre technique, liés au droit européen.

Premièrement, l'article 1649 ter A du code général des impôts vise avant tout à transposer la directive (UE) 2021/514 du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (DAC7).

La France et d'autres États membres ont alerté la Commission européenne sur le traitement des intermédiaires. Ces entités valoriseraient des vendeurs ou des prestataires de services sur les plateformes, sans pour autant être les bénéficiaires réels de ces transactions.

Des discussions conduites actuellement permettraient, à terme, de disposer d'un cadre coordonné au niveau de l'Union européenne et d'éviter dès à présent que la France ne surtranspose la directive DAC7, altérant la compétitivité des opérateurs domiciliés en France face à leurs concurrents européens dans un secteur particulièrement volatil.

C'est mon premier argument : préservons la compétitivité des opérateurs et évitons toute surtransposition.

Deuxièmement, toujours dans le cadre de la directive DAC7, l'administration fiscale collecte les informations sur la base d'un schéma décidé au niveau européen. Le recueil d'informations supplémentaires, en particulier le numéro de carte professionnelle, nécessiterait une modulation dudit schéma. Or cela semble particulièrement ambitieux au regard de la proximité de la prochaine campagne de collecte, qui débute le 1er janvier 2026 : cela susciterait d'importantes difficultés de mise en œuvre.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Nous sommes favorables à l'amendement de Mme Antoine. Il va dans le bon sens, puisqu'il tend à renforcer la responsabilité des plateformes. Il contredit ainsi fondamentalement l'article 8, qui vise à les exonérer de leurs responsabilités, considérant qu'elles ne sont pas les donneurs d'ordre. L'étude d'impact le précise bien, ce qui me paraît fortement pénalisant.

L'effet de cet amendement serait donc positif. Aussi, nous le voterons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Antoine, pour explication de vote.

Mme Jocelyne Antoine. Monsieur le ministre, je maintiens mon amendement. J'entends bien vos arguments, mais il me semble que nous avons encore du travail à accomplir.

Par ailleurs, bien que les règles supra-européennes que vous évoquez soient légitimes, je suis quelque peu chagrinée que notre administration fiscale ne puisse procéder à un contrôle aussi fin que ce que je suggère dans mon amendement.

Cet amendement traduit en réalité un vœu : que voulons-nous pour notre pays ? Comment envisageons-nous de coincer les fraudeurs et de contrebalancer le poids de ces plateformes tentaculaires ?

Nous ne sommes pas à leur taille : les plateformes font fi du droit européen et s'engouffrent dans chacune de ses failles.

Même s'il est difficilement applicable, cet amendement est un vœu de progression pour l'avenir.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.) – (M. Jacques Fernique fait un signe de victoire.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il est très positif que nous ayons ce débat. Ayez cependant conscience que nous avons examiné très peu d'amendements ce matin.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote sur l'article. (Marques d'impatiences sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Peut-être faudrait-il limiter le nombre de scrutins publics, qui prennent du temps…

Le ministre du travail l'a rappelé : ce projet de loi a pour objet de lutter contre la fraude. Mais cet article temporise quant à la transposition de la directive européenne, qui est pourtant le meilleur moyen de parvenir à cette fin !

Monsieur le ministre, vous avez annoncé avoir ouvert la concertation. Nous comptons sur vous pour accélérer cette transposition.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que, in fine, cet article n'est pas à la hauteur pour réguler le secteur le plus « fraudogène ».

Si l'on en croit le journal Alternatives économiques, les micro-entreprises éludent entre 20 % et 24 % des cotisations. Pour cette même catégorie d'entreprises, dans le secteur de la livraison, ce pourcentage se situe entre 50 % et 70 % !

Cela représente des milliards d'euros. Et ce phénomène est très dynamique : il croît de plus en plus. La transposition est donc vraiment urgente, autrement ce projet de loi ne répondra pas à ses objectifs.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote sur l'article.

M. Olivier Jacquin. Cet hémicycle est fait pour débattre.

Nous sommes quelques-uns à avoir introduit ce sujet, en évoquant la directive sur le travail des plateformes de l'ancien commissaire européen Nicolas Schmit, que l'article 8 contredit. Chacun a pu exprimer sa position.

Je le répète : l'examen de ce texte se déroule au moment même où le Parlement européen débat sur le devoir de vigilance et risque de l'altérer fortement pour laisser les fraudeurs agir dans une plus grande impunité.

Enfin, monsieur le ministre, je regrette que vous n'ayez pas eu un mot pour les livreurs à vélo. Cette activité est encore plus concernée par la fraude que le secteur des VTC. Or, hier, le syndicat représentant les livreurs à vélo a quitté la table de l'Arpe.

Pour ma part, je me rendrai au tribunal en tant que partie civile dans le dossier Frichti. En effet, à la suite de la parution d'un article sur les pratiques de cette société dans Libération, j'avais déposé un avis après du Procureur de la République de Paris en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, afin d'organiser des poursuites envers cette entreprise qui a été liquidée pour travail irrégulier et dissimulé. Nous continuerons la lutte : elle est indispensable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Article 10

Après l'article 8

Mme la présidente. L'amendement n° 193 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Antoine, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 561-2 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les professionnels mentionnés à l'article L. 3141-1 du code des transports. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Depuis ce matin, nous tournons autour du pot pour régler le problème de la responsabilisation des plateformes par diverses contraintes et obligations. Je vous propose une solution absolument radicale – et parfaite (Sourires.) –, qui consiste à compléter l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, de façon à assujettir les professionnels mentionnés à l'article L. 3141-1 du code des transports aux obligations de Tracfin.

Ainsi, nous serons tranquilles : ces professionnels seront soumis à cette obligation, voilà tout. Nous aurons réglé d'un seul coup tous les problèmes de conformité et de lutte contre le blanchiment, sans que ces acteurs économiques aient à prouver qu'ils ne recourent pas à du personnel non déclaré et qu'ils effectuent bien leurs déclarations auprès de l'Urssaf.

Cessons de tourner autour du pot ! Il suffit d'assujettir ces professionnels aux obligations de Tracfin et ils régleront tout problème directement avec le parquet national financier.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. Notre collègue Nathalie Goulet conclut en beauté les débats sur le secteur des nouveaux transporteurs, en proposant que soient transmis à Tracfin l'ensemble des errements et des fraudes liés à cette activité.

La commission sollicite l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame Goulet, vous proposez une mesure forte !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Vous avez raison : soyons ambitieux.

L'intention du Gouvernement est sincère. Il faut lutter contre la fraude sociale. Ce sont 13 milliards d'euros qui nous échappent, selon les estimations – on ne peut guère être plus précis s'agissant de la fraude.

Il existe divers types de fraudes. Le travail dissimulé en fait partie et représente sans doute le poste le plus important.

J'ai des hésitations quant à votre amendement. Aussi, je m'en remets à la sagesse du Sénat (Applaudissements sur les travées du groupe UC.), le rapporteur m'ayant invité à prendre un temps de recul et de réflexion.