Mme Laurence Rossignol. Non, en 2017, avant le début du mandat d'Emmanuel Macron. Et c'était grâce à nous ! (M. François Patriat le conteste.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je pense qu'il est tout à fait possible d'y revenir pour 2029, grâce à un effort pluriannuel.

Je conclus, monsieur le président.

Sur un certain nombre de sujets, nous sommes confrontés à des enjeux de justice et d'équité dans l'effort. Je pense à la question des retraites, à celle de l'hôpital, à celle des minima sociaux. Je vous le dis avec gravité mais avec confiance, je pense que nous pouvons trouver un chemin commun vers le redressement des comptes. Nous en avons le devoir moral pour les générations futures.

Vous aurez le dernier mot et, au cours des jours qui viennent, notre seule responsabilité comme ministres sera de restaurer de la confiance, de sécuriser une trajectoire et de préserver un modèle social qui profite aux Français d'aujourd'hui, mais aussi à leurs enfants. Je veux, à cette fin, travailler avec chacun d'entre vous dans cet esprit ; nous y sommes prêts et j'ai hâte d'aborder nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le cadre général du texte qui nous réunit aujourd'hui a d'ores et déjà été dressé. Néanmoins, en ouvrant cette discussion générale, je souhaite rappeler avec force que, malgré le contexte budgétaire contraint, le PLFSS présenté par le Gouvernement apportait des réponses concrètes aux personnes en situation de handicap, aux personnes âgées et à leurs familles.

Cet engagement se traduit concrètement par un montant d'1,5 milliard d'euros supplémentaires consacré à la branche autonomie. Il s'agit d'un choix politique assumé, responsable et indispensable pour accompagner le vieillissement de la population et la transformation de notre offre médico-sociale.

Les départements sont, je le dis avec clarté, au cœur de cette politique : ils sont les premiers partenaires des familles, les premiers financeurs de l'accompagnement à domicile, les premiers garants de l'accès aux droits. Leur rôle est donc déterminant et ce PLFSS vise précisément à ne pas les laisser seuls, à les soutenir face aux défis immenses qui se présentent à eux.

Dans ce contexte, nous augmentons les crédits consacrés à la compensation des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH), afin d'accompagner les départements face à la dynamique des besoins. Cette absence de gel des dépenses représente, au sein de ce PLFSS, une dépense de 250 millions d'euros supplémentaires.

C'est dans le même esprit de coopération que nous poursuivons la mise en œuvre du plan « 50 000 solutions » destiné aux personnes en situation de handicap. Nous maintenons donc, au travers de ce PLFSS, la dynamique de création de nouvelles solutions. À cette fin, un montant de 250 millions d'euros supplémentaires prévu dans ce PLFSS permettra de créer quelque 6 000 nouvelles solutions, de manière à atteindre, d'ici à la fin de l'année prochaine, 50 % de l'objectif, fixé par le Président de la République lors de la dernière Conférence nationale du handicap, de 50 000 solutions supplémentaires.

Par ailleurs, nous avons la responsabilité collective de repenser le modèle de prise en charge de nos aînés. Notre conviction est claire : l'autodétermination et la dignité doivent être les fils conducteurs de l'accompagnement.

Cette ambition se traduit concrètement dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Tout d'abord, ce texte finance 4 500 professionnels supplémentaires en Ehpad, afin d'accroître le taux d'encadrement, de prévenir les maltraitances et d'améliorer les conditions de travail. En outre, de nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) seront créées et les centres de ressources territoriaux renforcés, afin de mieux articuler les parcours de soins. Enfin, 100 millions d'euros seront consacrés à l'habitat partagé et intermédiaire, avec la création de 10 000 nouvelles places, afin d'offrir une troisième solution, entre le domicile et l'établissement. Tout cela s'inscrit dans une ambition globale pour le grand âge que je défends, qui trouvera bientôt sa traduction concrète dans un plan qui vous sera bientôt présenté.

Je veux aussi rappeler qu'un montant de 300 millions d'euros vise à compenser l'inflation, afin de préserver la capacité d'action des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Je le répète : il n'y aura aucun gel des moyens pour ces établissements. La continuité et la qualité de l'accompagnement seront garanties.

Permettez-moi maintenant d'aborder un point essentiel du texte, qui a suscité de nombreuses interrogations, concernant la réforme « services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées », ou Sérafin-PH, et qui figure à l'article 36 du texte.

Cette réforme vise à soutenir la transformation de l'offre des ESSMS, puisqu'elle s'appuie avant tout sur l'autodétermination des personnes en situation de handicap. Elle repose sur deux piliers : un forfait stable, protecteur et lisible pour les établissements, et un volet variable permettant d'ajuster les moyens aux besoins réels des personnes accompagnées.

Ce modèle, fruit de dix années de concertation et de construction partagée, répond à une attente profonde du secteur. Je veux saluer à ce titre la commission des affaires sociales du Sénat, qui s'est pleinement emparée de la dimension systémique et structurante de cette réforme et dont les travaux enrichissent utilement le débat parlementaire. Pour accompagner cette transformation, ce PLFSS comporte 360 millions d'euros de mesures nouvelles entre 2027 et 2030, avec une période de convergence sur huit ans.

Enfin, je veux évoquer un sujet qui nous rassemble largement : le soutien aux aidants. Un Français sur cinq accompagne aujourd'hui un proche. Nous poursuivons le déploiement des plateformes de répit, car accompagner les aidants, c'est aussi renforcer l'autonomie de toute la société.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous sais particulièrement attentifs à la pérennité de notre modèle de protection sociale. Soyez-en persuadés, je sais, comme vous, que l'avenir de la sécurité sociale passe par la maîtrise de sa trajectoire financière.

C'est pourquoi le PLFSS initial du Gouvernement est un texte d'équilibre et d'ambition, construit dans un esprit de dialogue et de coconstruction. Tout en participant au nécessaire effort collectif, il soutient les départements, consolide les acquis et engage des transformations majeures. Je suis convaincue que, sur l'autonomie comme sur le handicap, nous pouvons continuer de dépasser les clivages et trouver les compromis nécessaires pour servir l'intérêt général.

C'est dans cet esprit que nous abordons ces débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Chantal Deseyne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner le PLFSS pour 2026.

La situation est tout aussi critique que l'année dernière. Le déficit des administrations publiques prévu pour 2025 s'élève à 5,4 % du PIB, il est donc très proche de celui de 2024 : 5,8 % du PIB. La principale évolution est que, depuis le mois de septembre dernier, la France est le pays de la zone euro qui emprunte aux taux le plus élevés ; en cas de nouvelle crise de la dette, nous serions en première ligne. En outre, nous allons peut-être tester cette année encore des dispositions constitutionnelles et organiques, ce qui n'est pas bon signe non plus.

Venons-en aux mesures de redressement proposées dans le texte initial.

Si nous faisons abstraction de la suspension de la réforme des retraites, ce texte était très proche des propositions faites le 8 juillet dernier par la majorité sénatoriale au Premier ministre.

Du côté de l'Ondam, la principale différence réside dans le fait que, là où la majorité sénatoriale proposait de transférer 1 milliard d'euros de charges aux complémentaires, le Gouvernement prévoit de transférer 2,3 milliards d'euros aux assurés, sous la forme du doublement des franchises et participations forfaitaires.

Du côté des prélèvements obligatoires, la majorité sénatoriale proposait de réduire les allégements généraux d'environ 1,5 milliard d'euros, sous la forme d'un gel du barème. Le Gouvernement souhaite, quant à lui, modifier, au travers d'un futur décret, la forme de la courbe des allégements généraux applicable en 2026, pour un rendement d'1,4 milliard d'euros. C'est une autre façon d'atteindre un résultat très proche.

Je souhaite vous présenter à grands traits les propositions de la commission.

Vous le savez, le texte transmis au Sénat porte le déficit de la sécurité sociale de 17,5 milliards à 24 milliards d'euros, soit à un montant supérieur aux 23 milliards d'euros prévus pour 2025.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C'est bien évidemment inacceptable. Les modifications proposées par la commission permettent de ramener ce déficit à 15,1 milliards d'euros.

Je tiens toutefois à attirer votre attention sur un point, mes chers collègues : contrairement à ce que l'on pourrait penser en entendant ces chiffres, le Sénat ne dispose pas de ce fait d'une sorte de marge d'environ 2,5 milliards d'euros, égale à la différence entre les propositions de la commission et le déficit du texte initial.

En effet, pour atteindre ce déficit de 15,1 milliards d'euros, la commission table sur le fait que l'État ne prenne pas à la sécurité sociale, sous la forme d'une moindre affectation de TVA, le gain de 3 milliards d'euros issu de la réforme des allégements généraux ; pour que la sécurité sociale conserve ces 3 milliards d'euros, il faudra modifier l'article 40 du projet de loi de finances, ce que nous ne pouvons bien sûr pas faire dans le cadre de l'examen du PLFSS.

Surtout, réduire le déficit de la sécurité sociale en augmentant celui de l'État serait sans effet sur le solde global des administrations publiques.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. En effet…

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, la prévision de déficit de 15,1 milliards d'euros résultant des propositions de la commission suppose que l'ensemble des mesures réglementaires prévues soient effectivement prises. Elle implique en particulier le doublement des participations forfaitaires et franchises.

Nous n'avons donc aucune marge !

Après ce préambule, j'en viens plus précisément aux propositions de la commission.

Mme le rapporteur pour la branche vieillesse, Pascale Gruny, vous présentera plus en détail la suppression de l'article 45 bis, relatif au décalage de la réforme des retraites. En dehors de cette mesure, les propositions de la commission visent essentiellement deux objectifs.

Le premier consiste à se rapprocher autant que possible des propositions faites par la majorité sénatoriale au Premier ministre le 8 juillet 2025. Ainsi, nous vous proposons de rétablir l'article 44, relatif au gel des prestations, ainsi que son corollaire, le gel du barème de la CSG ; seraient toutefois exclues du champ de la revalorisation les retraites de moins de 1 400 euros et l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Nous vous proposons également de rétablir la contribution des complémentaires santé, pour 1 milliard d'euros, donc sans la majoration de 0,1 milliard d'euros destinée à compenser le décalage de la réforme des retraites. Enfin, pour ne pas faire porter excessivement l'effort sur les recettes, nous proposons de supprimer le passage du taux de la CSG sur le capital de 9,2 % à 10,6 %.

Le second objectif de la commission est de ne pas aggraver inutilement les difficultés de financement de l'Acoss. En effet, nous devons tous garder à l'esprit un fait, dont les médias parlent peu mais qui est d'une importance fondamentale : en 2026, le plafond d'emprunt de l'Acoss s'élèverait à 83 milliards d'euros, montant dangereusement proche du pic de besoin de financement de 2020, lors de la crise sanitaire, qui avait atteint 90 milliards d'euros et que l'Acoss n'était pas totalement parvenue à emprunter sur les marchés, ce qui avait nécessité le recours à la Caisse des dépôts et à un pool de banques.

Pour éviter de compliquer inutilement le financement de l'Acoss, la commission proposera, à l'article 40 du PLF, de revenir sur la réduction discrétionnaire de 3 milliards d'euros de la TVA affectée à la sécurité sociale, présentée comme la contrepartie de la réforme des allégements généraux. Je rappelle à toutes fins utiles que, dans sa récente communication sur le PLFSS, la Cour des comptes s'oppose explicitement à ce transfert, rappelant que les allégements généraux sont actuellement sous-compensés de 5,5 milliards d'euros. La commission propose également de supprimer le transfert d'1,4 milliard d'euros de CSG de la branche autonomie vers les départements ; nous connaissons l'état dégradé des finances des départements, mais ce n'est pas en dépossédant une branche déjà en difficulté que l'on rassurera ces collectivités.

En revanche, elle propose de maintenir l'article 12 quinquies, qui prévoit la compensation, à hauteur de 2,5 milliards d'euros, de diverses niches sociales, dont la part salariale du dispositif en faveur des heures supplémentaires, conformément à une recommandation de la Cour des comptes.

Elle propose également de supprimer l'article 12 septies, selon lequel l'Acoss compense à l'Unédic la totalité du coût des allégements généraux de cotisations patronales, sans la réduction de 4,1 milliards d'euros prévue en 2026 par l'arrêté du 27 décembre 2023. La commission s'est à plusieurs reprises déclarée favorable au principe de cet article, mais, du fait de la situation des finances sociales, nous ne pouvons pas l'adopter : à défaut d'augmentation, par l'article 40 du PLF, de la part de TVA affectée à la sécurité sociale, cette disposition augmenterait le besoin de financement de l'Acoss de 4,1 milliards d'euros.

En tout état de cause, ce PLFSS n'est qu'une étape. Ce que nous devons faire, c'est ramener les finances sociales à l'équilibre.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cela implique d'abord de se doter d'une trajectoire de retour à l'équilibre. La trajectoire figurant dans le rapport annexé, qui prévoit un déficit de près de 18 milliards d'euros en 2029, n'est qu'une prévision fondée sur les mesures connues ou prévues. Or le rapport annexé connaît une évolution importante : il comprend cette année une partie III qui, pour la première fois, indique dans un texte législatif que l'objectif est de ramener la sécurité sociale à l'équilibre en 2029. Je vous proposerai un amendement précisant l'ensemble de mesures à prendre annuellement pour atteindre cet objectif.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Volontiers.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Toutefois, malgré ces progrès, nous ne disposons toujours pas d'une trajectoire de retour à l'équilibre.

Pourtant, c'est seulement à cette condition qu'il sera possible de réaliser de nouveaux transferts de dette à Cades. Un tel transfert devra nécessairement être réalisé à brève échéance, afin que la dette sociale ne s'accumule pas au sein de l'Acoss, ce qui, comme je l'ai souligné, serait dangereux. Toutefois, pour transférer une dette à la Cades, deux conditions doivent être réunies : il faut adopter la trajectoire de retour à l'équilibre et, aux termes de la loi, nous devons aussi fournir à cet organisme une recette en compensation.

Mes chers collègues, nous célébrons cette année les 80 ans de la sécurité sociale. Notre devoir, comme élus, comme parlementaires, est de faire en sorte que nous puissions célébrer son centenaire, en 2045, et que la « vieille dame » soit toujours en bonne santé. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Elle va souffrir !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cela implique que nous fassions preuve de responsabilité, de courage et d'adaptabilité. Comme l'écrit Alain Supiot, professeur émérite au Collège de France, dans le dernier numéro de la revue Mermoz, que je vous recommande car il est entièrement consacré à la sécurité sociale, « Notre modèle social n'est pas un monument historique à conserver, mais un chemin à suivre ». (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme Annick Billon. Très bien !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous nous contentons aujourd'hui de proposer des mesures comptables, et je le regrette ; ce n'est intéressant pour personne. Face au vieillissement de la population, aux pandémies, aux crises climatique et sociale, la protection sociale doit impérativement se réinventer. Je vous invite, mes chers collègues, à y réfléchir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche assurance maladie.

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche assurance maladie. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, les conditions d'examen du PLFSS sont, cette année, particulièrement défavorables au Sénat. Vous le savez, nous avons disposé d'un temps exceptionnellement court pour l'instruire, alors que, pour la seule branche maladie, le texte, qui comptait 22 articles au dépôt, en compte désormais 56…

Sur le fond, dire que ce PLFSS n'a pas convaincu notre commission serait un euphémisme. Le texte qui nous est présenté a été construit sans la moindre concertation, c'est donc logiquement qu'il comporte certaines mesures déconnectées du terrain ; l'instabilité politique n'excuse pas tout. Au contraire, en ces temps incertains, le dialogue est encore plus indispensable pour rechercher l'adhésion du plus grand nombre.

Les perspectives financières de la branche maladie sont particulièrement préoccupantes. Le manque de vision gouvernementale pour assurer un redressement crédible, tant à court qu'à long terme, menace sérieusement la pérennité de son financement. Si le Gouvernement projette un déficit de 12,5 milliards d'euros en 2026, celui-ci atteindrait 16,1 milliards d'euros en 2029. Aucune trajectoire de retour à l'équilibre ni même de réduction du déficit n'est donc présentée.

Pour ce qui concerne 2026, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie et la Cour des comptes ont tous relevé le caractère ambitieux et peu documenté des projections d'économies présentées. Un montant inédit de 7,1 milliards d'euros d'économies est annoncé ; c'est le double du niveau d'économies affiché au cours des deux dernières années…

En parallèle, l'Ondam projeté pour 2026 n'est pas à la hauteur des besoins de notre système de santé. Malgré l'abondement complémentaire consenti par le Gouvernement à hauteur d'1 milliard d'euros, sa hausse serait limitée à 2 %. L'enveloppe consacrée aux établissements de santé ne permettra même pas de couvrir la hausse de leurs charges courantes, alors que leur situation financière n'a cessé de se dégrader depuis 2020. Je rappelle que le déficit des hôpitaux a atteint 2,9 milliards d'euros en 2024 et que leur sous-financement chronique, dans lequel pèse le Ségur de la santé, est devenu structurel.

Dans ces conditions, l'Ondam paraît intenable et, disons-le, globalement insincère. La commission propose donc de le rejeter.

Ce PLFSS comporte essentiellement des mesures de rendement, sans réelle ambition pour l'accès aux soins. Leur version initiale attentait excessivement aux besoins de santé des assurés. L'article 18, qui s'ajoute au doublement des franchises prévu par voie réglementaire, en est un bon exemple : il importe de ne pas dévoyer l'objectif, louable, de responsabilisation assigné à ces outils pour en faire un objectif de rendement.

Dans le même esprit, sans s'opposer sur le fond à la suppression du régime des affections de longue durée (ALD) non exonérantes, qui n'améliore aucunement le suivi des assurés ni leur réinsertion professionnelle, la commission n'a pas rétabli l'article 29, le Gouvernement ne l'ayant pas assorti des nécessaires mesures d'accompagnement.

Sur l'accès aux soins dans les territoires, la commission entend supprimer la limitation de la durée des arrêts de travail, qui engendrerait plusieurs centaines de milliers d'heures de consultation évitables dans un contexte de pénurie médicale.

En ce qui concerne l'incitation à l'installation des médecins en zone sous-dense et l'amélioration de la couverture officinale dans tous les territoires, y compris les plus isolés, notre commission sera force de proposition. Sur les centres de soins non programmés, il nous semble opportun de repartir d'une version ayant fait l'objet d'un consensus entre l'Assemblée nationale et le Sénat, voilà à peine quelques mois.

Pour ce qui est du réseau France Santé, nous regrettons profondément la méthode employée par le Gouvernement, madame la ministre, même si vous n'y êtes pour rien, puisque vous n'étiez pas encore en poste lors de la préparation du projet de loi : aucune concertation des acteurs et un amendement présenté au détour de la discussion parlementaire, avec pour seul but de répondre à la commande du Premier ministre. In fine, nous avons une réforme qui se borne à labelliser l'existant, à marche forcée, sans améliorer l'accès aux soins dans nos territoires. Pis, elle aboutit à monter les professionnels de santé les uns contre les autres. Le sujet est trop sérieux pour le résumer à une opération de communication. La commission invite donc le Gouvernement à revoir sa copie à l'occasion d'un autre véhicule législatif.

Nous regrettons également le manque de confiance – je n'ose dire « de considération » – dont certaines mesures de ce PLFSS témoignent envers les professionnels de santé : restriction de leur liberté de prescription en matière d'arrêts de travail, sanctions en cas de non-utilisation du dossier médical partagé (DMP), surtaxation du secteur 2 quand le secteur 1 n'est plus soutenable pour certains spécialistes… La qualification de « rentiers », assurément malhabile, est symptomatique du besoin pour le Gouvernement de revoir son approche : c'est avec et non contre les professionnels que nous pourrons mener à bien la nécessaire réforme de notre système de santé, et je sais qu'ils sont aujourd'hui force de proposition. (Applaudissements et Bravo ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Vous l'aurez compris, notre commission ne se satisfait pas de ce PLFSS. La commission vous proposera donc de rejeter nombre de ses dispositions et soutiendra celles qu'elle a jugées utiles, notamment dans le champ de la prévention et de l'hôpital. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, en ma qualité de rapporteur pour la branche vieillesse, je ne peux que rappeler la réalité face à laquelle nous nous trouvons : celle d'une trajectoire d'augmentation inéluctable du déficit de la branche vieillesse ; inéluctable, car, d'une part, le nombre de retraités et le niveau de la pension moyenne augmentent et, d'autre part, la population active cotisante diminue. Je ne voudrais pas jouer les Cassandre, mais force est de constater que la survie de notre système de retraite par répartition est menacée et qu'il faudra sans doute songer à introduire de la capitalisation. (Murmures sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ah, nous y voilà !

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Commençons par les chiffres.

En 2025, le déficit de la branche vieillesse s'élèvera à 6,3 milliards d'euros, soit 700 millions d'euros de plus qu'en 2024. Les dépenses de pensions sont toutefois moins importantes qu'en 2024 ; je rappelle tout de même que le déficit de la branche vieillesse a crû de 2 milliards d'euros entre 2023 et 2024. Cela s'explique par une moindre revalorisation cette année des pensions de retraite par rapport à l'inflation : elles n'ont été revalorisées que de 2,2 % au 1er janvier 2025, contre 5,3 % au 1er janvier 2024, opération qui avait coûté, je le rappelle, 15 milliards d'euros.

Les projections qui figurent au présent PLFSS sont de prime abord plutôt rassurantes. Le déficit de la branche vieillesse se résorberait pour atteindre 3 milliards d'euros en 2026 et 1,6 milliard d'euros en 2029, ce qui s'explique notamment par le relèvement entre 2025 et 2028 du taux de cotisations des employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) de 4 points par an, soit de 12 points au total.

Toutefois, ne nous y trompons pas, la résorption du déficit dépendra également de notre capacité à contenir les dépenses. Je vous le dis, avec une particulière gravité compte tenu des conditions d'examen très dégradées de ce texte à l'Assemblée nationale, il y a à mon sens un grand péril à adopter des mesures sans cohérence d'ensemble et sans souci de leur financement. Eu égard à la fragilité de notre système par répartition, je vous le demande avec solennité : quels choix voulons-nous faire ?

Souhaitons-nous, en toute idéologie, suspendre une réforme des retraites qui devait rapporter 8 milliards d'euros en 2028 ? Pour quels effets ? Pour permettre aux générations nées entre 1964 et 1968 de gagner un seul trimestre sur la hausse de l'âge légal d'ouverture des droits, et aux générations nées en 1964 ou en 1965 de gagner un trimestre sur la hausse prévue de la durée d'assurance requise pour obtenir le taux plein. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

Comme j'ai eu l'occasion de le dire, cette suspension est de la poudre de perlimpinpin, une expression – je l'emprunte au Président de la République – qui désigne un « remède prétendument miraculeux, mais totalement inefficace ». De fait, les administrations et les caisses de retraite que la commission a entendues nous ont expliqué à quel point la liquidation d'une pension se préparait. D'après elles, il est impossible de quantifier avec certitude le nombre de nos concitoyens qui bouleverseront leurs plans pour ne gagner qu'un seul trimestre...

L'Assemblée nationale a étendu cette suspension aux personnes bénéficiant de retraite anticipée pour carrière longue et aux territoires de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. La mesure coûtera désormais 300 millions d'euros en 2026 et 1,9 milliard d'euros en 2027, lesquels ne sont plus compensés depuis la suppression par les députés de l'article 44.

Cette mesure, inique dans son dispositif, est d'autant plus néfaste qu'elle aggrave nos dépenses ; c'est pourquoi je vous proposerai de la supprimer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. Patrick Kanner. Nous nous y opposerons !

Mme Pascale Gruny. Je vous inviterai ensuite à réintroduire l'article 44. Dans la rédaction du projet de loi de financement de la sécurité sociale issue de la lettre rectificative, cet article tendait à geler en 2026 le montant des prestations et pensions de retraite : ces dernières ne seraient pas revalorisées à hauteur de l'inflation de l'année précédente.

De plus, cet article visait à sous-indexer les pensions de retraite entre 2027 et 2030, pour un rendement de 3 milliards d'euros.

Mes chers collègues, parce que je souhaite préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus fragiles, je vous propose que ce gel ne s'applique ni à l'allocation aux adultes handicapés ni aux pensions de retraite inférieures à 1 400 euros, sachant que le Smic net est à 1 426 euros. L'article 44 ainsi remanié aurait un rendement de 2 milliards d'euros.

Ce projet de loi contient enfin, à l'article 43, une réforme du cumul emploi-retraite pour limiter les effets d'aubaine. En outre, afin de réduire les inégalités entre les femmes et les hommes, l'article 45 ouvre droit à la prise en compte des trimestres majorés au titre de la maternité et de l'éducation des enfants dans le dispositif de carrière longue. Je vous invite à adopter ces deux articles.

Mes chers collègues, rouvrons le débat du sens du travail, de la qualité de vie dans le milieu professionnel, de l'emploi des seniors et de l'équité du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, afin de mieux cibler la pénibilité. Protégeons les petites retraites, mais – je vous y exhorte – ne sacrifions pas notre jeunesse et tenons notre promesse de maintenir le système de retraite par répartition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)