Je souhaite insister sur le succès de ces outils de rémunération complémentaire : actuellement, 8 millions de salariés en bénéficient. Ces instruments se sont tellement développés dans les entreprises qu’il ne serait pas facile de les comprimer aujourd’hui. Cela représente – libre à chacun de juger cela positif ou non – 25 milliards d’euros versés. C’est dire si la participation au complément de rémunération des salariés est significative. En moyenne – certes, je sais qu’il faut toujours se méfier des moyennes –, c’est 2 600 euros annuels par bénéficiaire.
Rappelons également – c’est un élément qu’il faut garder en tête – qu’il y a des prélèvements sur ces sommes. Celles-ci sont en effet soumises à la contribution sociale généralisée (CSG) à 9,2 %, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) à 0,5 %, ainsi qu’à un forfait social au taux de 20 % pour les entreprises de plus de 250 salariés en ce qui concerne l’intéressement et les entreprises de plus de 50 salariés en ce qui concerne la participation.
Je profite d’ailleurs de l’occasion pour rappeler que la participation est un vieux concept, lancé en son temps par des hommes de valeur. Il s’est agi d’une idée assez pertinente, et très moderne pour l’époque : associer les personnels aux résultats de l’entreprise. Aujourd’hui, cela nous paraît évident, mais ce l’était beaucoup moins quelques années en arrière.
Je rappelle en outre – cela n’a pas été évoqué – que les partenaires sociaux ont travaillé sur ces sujets. Il y a même eu un accord national interprofessionnel qui a été transposé dans une loi du 29 novembre 2023 ; c’est assez récent. Vous le voyez, le Gouvernement n’est pas le seul à saluer l’intérêt de tels outils.
Pour toutes les raisons que je viens d’indiquer, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 1164.
Les amendements identiques nos 1171 rectifié, 1316 rectifié et 1668 rectifié sont un peu dans le même esprit. Il s’agit, là encore, d’élargir l’assiette des cotisations sociales, mais, cette fois, en ciblant les actions distribuées à titre gratuit et les options d’achat d’actions.
Bien entendu, quand on parle d’actions, on parle d’entreprises privées, et même d’entreprises cotées, c’est-à-dire ayant la capacité de distribuer des actions pour récompenser les salariés. L’idée est d’associer plus durablement ces derniers : une action, c’est, en quelque sorte, un « bout » de la propriété d’une entreprise. Un salarié qui reçoit des actions devient un peu propriétaire de son entreprise. Ce n’est pas rien C’est une idée forte.
Mme Annie Le Houerou. Ce n’est pas ça, la question !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Peut-être, mais je trouve tout de même que rendre les salariés propriétaires d’une part de l’entreprise est une idée intéressante.
Mme Annie Le Houerou. Ça ne justifie pas les exonérations de cotisations sociales !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Au demeurant, réserver une part significative du capital de l’entreprise aux salariés est également une manière de la protéger contre des offres publiques d’achat.
L’actionnariat salarié est donc une pratique qui existe, et à laquelle des entreprises recourent de manière assez massive. Notons d’ailleurs que cela change la nature de la relation entre l’entreprise et le salarié, puisque ce dernier, précisément, n’est plus seulement salarié. Je trouve que c’est une idée intéressante et même assez moderne.
Je rappelle en outre que ces actions sont également assujetties à une contribution patronale spécifique de 30 % – ce n’est pas rien ! –, due lors de leur acquisition. Nous avons d’ailleurs alourdi cette contribution socialisée l’an dernier, par un relèvement de dix points.
Aussi, et dans l’attente d’éventuelles études futures sur les répercussions des mesures envisagées, je propose d’en rester à ce stade à l’équilibre auquel nous sommes parvenus l’an dernier.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Le dispositif envisagé à l’amendement n° 959 rectifié, bien que s’inscrivant dans la même philosophie, est un peu différent.
Il est proposé d’étendre l’assiette de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) aux primes d’intéressement et de participation, à la contribution patronale pour la protection sociale complémentaire, aux attributions gratuites d’actions, aux stock-options et aux indemnités de rupture.
Je rappelle que la CSA, comme son intitulé l’indique, contribue directement à l’une des cinq branches de la sécurité sociale. Sa logique est d’ailleurs assez différente des autres contributions à la charge de l’employeur. Son assiette est bien définie et cohérente avec sa finalité : les revenus patronaux et salariaux.
Pour neutraliser le coût pour les employeurs de ces nouvelles contributions, la loi a mis en place une journée de solidarité. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Gratuite !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. J’ai bien dit « une », mesdames, messieurs les sénateurs. J’étais moi-même à la tête de la SNCF lorsque cette journée de travail supplémentaire des salariés a été décidée. Le rendement dégagé par l’activité supplémentaire résultant de ce surcroît de travail est reversé par les employeurs via la CSA.
Pour nous, étendre l’assiette de cette contribution à d’autres catégories de revenus créerait une rupture d’égalité entre catégories d’assujettis et obscurcirait les modalités de financement de la branche autonomie. Par ailleurs, il apparaît contre-intuitif de faire contribuer la part patronale finançant les contrats de prévoyance complémentaires, alors même que ces derniers participent au financement d’actions d’accompagnement et de prévention de la perte d’autonomie.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 959 rectifié.
L’amendement n° 1677 a pour objet de supprimer des exonérations de cotisations de sécurité sociale sur l’intéressement et la participation pour les salariés qui gagnent plus de trois Smic.
Nous partageons en partie votre constat sur le développement de ces compléments salariaux à la rémunération classique, laquelle constitue la base de l’assiette sociale contributive.
Néanmoins, le dispositif envisagé par les auteurs de l’amendement créerait un effet de seuil important et aurait pour conséquence – il me paraît important de le souligner – de pénaliser le développement de l’actionnariat salarié, qui est pourtant, me semble-t-il, un élément positif pour les cadres, les ingénieurs et les entreprises.
Trois Smic, ce n’est évidemment pas rien ; pour une personne au Smic, cela représente le triple de son salaire. Mais, au final, c’est 4 500 euros mensuels, soit la rémunération, non pas des hauts dirigeants des entreprises, mais plutôt des cadres et des ingénieurs. Or, dans la compétition européenne et internationale, notre industrie et nos usines ont besoin de cadres et d’ingénieurs.
Vous avez raison de vous soucier des salariés. Mais, précisément, les cadres et les ingénieurs en sont ! Et ils exercent des fonctions de management, avec un effet très important sur la qualité de vie au travail de l’ensemble des salariés. Nous devons les encourager à être au top de ce point de vue, à être très attentifs à la direction d’équipes.
Je connais bien les cadres et les ingénieurs : j’ai moi-même exercé ces métiers à plusieurs reprises au sein de la SNCF, et j’en ai encadré beaucoup. J’ai beaucoup de respect pour eux. Ne l’oublions pas : une entreprise fonctionne aussi avec eux.
Les ingénieurs, c’est la technologie. Nous le voyons bien aujourd’hui, la compétition technologique est partout. Veillons donc à ne pas envoyer de messages négatifs. Nos ingénieurs sont mobiles ; ils peuvent partir pour la Suisse ou le Luxembourg. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) D’ailleurs, ils sont très courtisés. En France, nous avons de très bons ingénieurs, parce que nous avons de très bonnes écoles d’ingénieurs.
La mesure proposée par les auteurs de l’amendement me paraît trop radicale, trop brutale. Je la trouve contradictoire avec les besoins de partage de la valeur qu’expriment les professionnels concernés.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, bien que l’amendement n° 1678 soit, à mes yeux, le mieux calibré de ces amendements en discussion commune, j’y suis également défavorable, et je vais m’en expliquer.
Au fond, il est dans le même esprit que les autres : brider des dispositifs que – vous l’avez bien compris – je considère comme globalement vertueux, même s’il est toujours possible d’en discuter l’ampleur ou d’ajuster certains mécanismes.
Vous avez bien senti la conviction qui est la mienne. Je conçois que l’on puisse être d’un avis différent. Mais l’expérience – en l’occurrence, je parle d’expérience – montre l’utilité de ces outils d’association des cadres, des ingénieurs, des dirigeants, mais aussi des personnels « de base ». Car, pour réussir, les entreprises ont besoin…
Mme Sophie Primas. D’un chef !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. … de bons dirigeants. D’ailleurs, c’est vrai partout, y compris dans les partis politiques. Dans toute activité humaine, les regroupements d’hommes et de femmes nécessitent des dirigeants. C’est une réalité générale, intemporelle, transversale et je dirais même transpartisane.
Notre capacité à attirer et à retenir des grands dirigeants dans nos entreprises est décisive. La compétition européenne se joue aussi sur la qualité de nos dirigeants.
En l’occurrence, je trouve dommage d’avoir placé le curseur à trois Smic. Un seuil plus élevé eût peut-être ouvert des perspectives différentes. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.) Peut-être pourrait-il être réhaussé dans le cadre de la navette parlementaire.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pourquoi pas huit Smic ?…
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Trois Smic, cela touche les cadres et les ingénieurs qui font tourner les usines et les entreprises. Je ne peux pas être solidaire d’une telle mesure.
Je le répète, peut-être sera-t-il possible de trouver une solution dans le cadre de la navette, avec un regard un peu différent.
Mme Annie Le Houerou. Pour cela, il faut commencer par donner un avis favorable !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mais, en l’état, compte tenu de la rédaction de l’amendement, l’avis du Gouvernement ne peut qu’être défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. En effet, monsieur le président, je me contenterai d’expliquer mon vote, puisque moi, contrairement à d’autres, je n’ai pas la possibilité de m’exprimer pendant quatorze minutes ! (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Monsieur le ministre, il y a une légère imprécision dans votre propos : lorsque nous proposons de réintroduire certains dispositifs, vous indiquez que nous voudrions « taxer ». En réalité, nous essayons simplement de rétablir ce que vous avez supprimé ; ce n’est pas exactement pareil. Notre idée n’est pas d’augmenter les impôts ; elle est de revenir sur vos cadeaux fiscaux, que vous n’avez pas compensés financièrement et qui ont eu pour conséquence directe d’alourdir la dette !
Je sais bien que vous êtes ministre du travail. Mais, aujourd’hui, nous débattons du projet de budget de la sécurité sociale.
Or la sécurité sociale n’a pas pour objet de soutenir le pouvoir d’achat contre la déflation salariale ! Je note d’ailleurs que cette déflation salariale vous conduit à prévoir une prime d’activité : l’État finance déjà les travailleurs pauvres, et vous prônez encore de nouvelles exonérations !
Non, la politique salariale ne se joue pas à la sécurité sociale ! Et cette dernière n’a pas à financer la politique de l’emploi par vos 80 milliards d’exonérations !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
Mme Raymonde Poncet Monge. La sécurité sociale, en cohérence, doit simplement trouver des recettes pour financer ses dépenses.
Il ne faudrait pas, dites-vous, élargir l’assiette de la CSA. Mais la CSA ne concerne pas que les salariés. Elle pèse aussi sur les rentes d’invalidité et les revenus de remplacement. Là, visiblement, cela ne vous choque pas…
Vous évoquez les 8 millions de salariés qui perçoivent, en moyenne – car, bien entendu, vous mentionnez seulement la moyenne, pas les revenus des 10 % qui touchent le plus ! –, 2 600 euros en complément de rémunération. Mais 8 millions de salariés, cela ne fait pas 100 % des salariés.
En revanche, ce sont bien 100 % des salariés qui doivent effectuer la journée de solidarité pour financer vos cadeaux. Aucune distinction n’est faite entre ceux qui n’ont jamais bénéficié personnellement de vos largesses, par exemple les aides à domicile, et ceux qui appartiennent à une catégorie que vous semblez particulièrement chérir – je n’ai rien contre –, celle des cadres supérieurs. (Marques d’impatience sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Veuillez conclure, madame la sénatrice.
Mme Raymonde Poncet Monge. La répartition est inégale, mais la compensation, elle, est à la charge de tous.
M. Michel Canévet. Encore un dépassement de temps de parole !
M. le président. Mes chers collègues, j’invite chacune et chacun d’entre vous à respecter le temps de parole qui lui est imparti, d’autant qu’il y a déjà eu un rappel au règlement en ce sens avant la suspension de séance.
Mme Sophie Primas. Merci, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Le sujet est bien de chercher des recettes pour financer la sécurité sociale et d’éviter de faire cotiser les malades et les assurés sociaux. Or, alors que vous souhaitez geler les prestations sociales et les pensions de retraite, vous ne faites aucun effort pour faire cotiser les très hauts revenus.
Selon nous, le niveau de prestations doit être maintenu et il faut continuer à financer les services publics, qui sont en très grande difficulté, notamment l’hôpital. Nous tenons, dans ce contexte, à formuler des propositions d’équité sociale.
Les dispositifs que vous évoquez, tels que le rachat d’actions et la prime d’intéressement, sont sans doute vertueux et intéressants, mais cela ne justifie pas que ces compléments de salaire soient exonérés de cotisations. Ils doivent, au contraire, y être soumis.
Chacun doit contribuer en fonction de ses moyens et bénéficier selon ses besoins. Les cotisations dues pour les rémunérations trois fois supérieures au Smic sont importantes pour nos recettes, d’où ma proposition de fixer un plafond d’exemption à 6 000 euros par an et par bénéficiaire. On alignerait ainsi les primes d’intéressement et les rachats d’actions sur la prime de partage de la valeur.
Je considère que l’effort doit être partagé pour rétablir les comptes de la sécurité sociale. Aussi, je vous propose d’adopter l’amendement n° 1678, quitte à l’améliorer au cours de la navette, si cela s’impose.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre. Il se trouve que les mots que vous avez employés à la fin de votre propos m’ont interpellé. Vous avez dit ne pas pouvoir être « solidaire » de la démarche proposée. L’emploi de cette formule est très révélateur.
Avant la suspension de séance, vous avez soutenu le retour du gel des seuils de la CSG, ce qui ne gênait personne du côté droit de l’hémicycle. Ici, nous parlons de mettre à contribution ceux qui ont des revenus beaucoup plus élevés, même s’ils les méritent – je connais le monde de l’entreprise et ne conteste pas les efforts que celui-ci implique.
Les profils que vous citez, comme les ingénieurs, demandent, dans tous nos territoires, des hôpitaux qui fonctionnent et des services de santé qui assurent la prise en charge de leur famille.
Nous demandons donc que les hauts revenus, eux qui ont des capacités contributives bien plus élevées que la plupart de ceux qui sont concernés par le gel des seuils de la CSG, soient soumis à contribution de manière raisonnable.
Là encore, cela nous semble une mesure de justice, parce que la sécurité sociale, comme plusieurs de mes collègues l’ont rappelé, est le bien commun du pays.
Qu’un ministre au portefeuille ô combien important ne soit pas capable d’envoyer ce signal-là pose question. Comment voulez-vous que nos concitoyens acceptent de participer à l’effort quand ceux qui gagnent beaucoup plus qu’eux veulent en être exonérés, au terme de la démarche entreprise par le Gouvernement et soutenue par la droite sénatoriale ?
C’est un poison à diffusion lente qui, en réalité, mine notre modèle de protection sociale depuis maintenant des années. J’espère que vous aurez la sagesse de reconsidérer votre position ou du moins d’encourager vos soutiens à approuver la proposition que nous formulons.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je suis d’accord avec vous sur un certain nombre de points, monsieur le ministre. Toutefois, je souhaite revenir sur les deux derniers amendements et indiquer la décision qui me semble sage pour notre assemblée.
L’amendement n° 1677 utilise le même levier que les autres, mais il vise à supprimer toutes les exonérations de cotisations de sécurité sociale pour l’intéressement, les réserves de participation et l’abondement versé dans le cadre des plans d’épargne salariale, en cas de rémunération trois fois supérieure au Smic.
Concernant l’amendement n° 1678, je ne suis pas totalement convaincue par vos propos, monsieur le ministre. À titre personnel, je le soutiens, car il ne manque pas d’intérêt dans le cadre de la navette. Aussi, je vous invite à le voter, même si le plafond d’exemption de cotisations ou le seuil de déclenchement devront sans doute être négociés.
Nous lisons les rapports de la Cour des comptes, madame Poncet Monge. Ainsi, nous ne sommes pas sans savoir que certains compléments de salaire ont été dénoncés, de manière plus ou moins forte, comme coûteux pour la sécurité sociale. De ce fait, alors que nous cherchons des recettes, essayons de trouver un accord sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1171 rectifié, 1316 rectifié et 1668 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1677.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1678.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° 1682, présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 242-5 du code de sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « risques » , sont insérés les mots : « et pratiques pathogènes et accidentogènes » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot : « risques » , sont insérés les mots : « et pratiques pathogènes et accidentogènes ».
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Deux accidents du travail mortels surviennent chaque jour en France. Nous sommes l’un des pays européens où l’augmentation du nombre de ces accidents est la plus marquée.
En l’état actuel du droit, l’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale dispose que « le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques ». Le présent amendement vise à modifier cette disposition pour qu’il soit également tenu compte des pratiques pathogènes et accidentogènes au sein des entreprises.
En effet, comme on le constate depuis plusieurs années, la flexibilisation du droit du travail a accentué les horaires atypiques et les temps partiels fragmentés. Les conséquences sur la santé sont de plus en plus importantes et il convient de les appréhender et de les mesurer.
Dans ses rapports, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a tiré la sonnette d’alarme. Le travail découpé et irrégulier, rarement choisi par le salarié, augmente significativement les risques de maladies cardiovasculaires, le diabète ou l’obésité. Plus largement, il affecte la santé physique et mentale des travailleurs.
Le travail de nuit ou fragmenté est un enjeu majeur de santé publique. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a déjà classé le travail de nuit comme un facteur cancérigène très important. De son côté, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a mis en exergue le fait que les accidents de trajet augmentent en cas de travail de nuit ou fragmenté, puisque les temps de repos sont amoindris.
Dans ces conditions, notre objectif est d’aligner les cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) sur la réalité des risques, qui doivent s’entendre de manière plus large pour tenir compte des pratiques pathogènes au sein des entreprises.
Ces dernières seront ainsi sensibilisées à cette question et incitées à adopter des pratiques plus conformes aux objectifs de santé, en arrêtant l’excès d’adaptation et la désorganisation du travail, lorsque cela est possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous demandez de définir le taux de cotisations relevant de la branche AT-MP en fonction non seulement du risque, mais aussi des pratiques pathogènes et accidentogènes au sein des entreprises.
Ce sujet relève d’une réforme d’ampleur et devrait, avant toute chose, faire l’objet de consultations avec les partenaires sociaux. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les procédures en vigueur satisfont assez largement les préoccupations que vous exprimez sur l’inclusion des pratiques pathogènes et accidentogènes dans le calcul du taux de cotisation.
Par ailleurs, sachez que les caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) peuvent déjà imposer des cotisations supplémentaires.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Pour que la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles puisse débattre de ces sujets, il faut commencer par étendre l’article L .242-5 du code de la sécurité sociale aux pratiques pathogènes.
On peut toujours attendre que les uns et les autres avancent, mais nous tenions dès aujourd’hui à mettre ce sujet sur le devant de la scène.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1682.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 1169 rectifié est présenté par Mmes Silvani, Brulin, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 1317 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1667 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du V de l’article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est ainsi modifié :
1° Le mot : « exonérées, » est remplacé par le mot : « versées » ;
2° Après les mots : « année civile », la fin de la phrase est supprimée.
La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 1169 rectifié.
Mme Silvana Silvani. Selon l’Insee, environ 30 % du montant des primes a, en fait, remplacé des hausses de salaire et ce phénomène continue de progresser. Or cela porte atteinte au mode de financement de notre système de sécurité sociale par les cotisations.
Dans son rapport de mai 2024, la Cour des comptes notait que « le recours croissant aux compléments de salaire exemptés et exonérés de cotisations sociales minore la progression des recettes de la sécurité sociale et contribue à son déficit en se substituant en partie à des augmentations de salaire de base soumises à cotisations sociales ».
Elle ajoutait que « la sécurité sociale ne récupère qu’à peine plus du tiers du manque à gagner qu’elle subit du fait des exemptions sur les compléments de salaire ». Ces exemptions et exonérations s’élevaient à 87 milliards d’euros en 2022 et les dispositifs dits de partage de la valeur en représentaient 35 %.
En clair, chaque année, le Gouvernement prive la sécurité sociale de près de 30 milliards d’euros de recettes, soit plus que le déficit de la sécurité sociale pour 2026 ! Nous proposons donc d’intégrer les dispositifs de partage de la valeur dans l’assiette des revenus d’activité soumis à cotisations.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 1317 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. La proposition que nous formulons ici est commune à tous les groupes de gauche du Sénat, même si nous la défendons d’une manière parfois différente.
Il faut toujours revenir aux réalités : selon la Cour des comptes, le manque à gagner dû à l’exemption d’assiette pour la prime de partage de la valeur (PPV) s’élève à plus de 1 milliard d’euros.
Cette somme s’ajoute à l’ensemble des primes et des compléments de salaire exemptés de cotisations et insuffisamment compensés qui grèvent les comptes sociaux de près de 19 milliards d’euros.
Revenir au moins en partie sur ces exemptions permettrait de résorber une part significative du déficit. Le problème, comme nous l’avions anticipé, est que ces primes et compléments ont un fort effet substitutif ; c’est particulièrement le cas, comme l’indiquent l’Insee et le Conseil d’analyse économique (CAE), de la prime de partage de la valeur – en tout cas, pour ceux qui ont la chance de la percevoir !
Vous avez été tellement déroutés par la dynamique de cet effet substitutif que, l’année dernière, vous avez inséré une partie des PPV versées dans l’assiette d’imposition. Auparavant, c’était « tout bénef » pour l’employeur : il bénéficiait de l’abattement général jusqu’à 1,6 Smic et la prime n’était pas incluse dans l’assiette de cotisations sociales. Certes, ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais ce n’est pas cela qui va arrêter cette dynamique dramatique pour nos comptes sociaux.
Le seul moyen de briser cet effet substitutif est d’inclure les compléments de salaire dans la même base de cotisations que les autres éléments du salaire. Heureux sont ceux qui bénéficient de primes, mais je vous rappelle que c’est loin d’être le cas de tous les salariés de France.
Ces compléments peuvent très bien être soumis à cotisations : encore une fois, l’ensemble des salariés n’ont pas à compenser ces exonérations.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 1667 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. En complément des éléments qui viennent d’être apportés par mes collègues des autres groupes de gauche, je rappellerai que, selon le Gouvernement, l’exemption de la prime de partage de la valeur ne coûte rien. Or la Cour les comptes a évalué qu’elle représentait un manque à gagner de plus de 1 milliard d’euros en 2022, comme en 2023.
Avec cet amendement, nous visons toujours le même objectif d’équité.
La prime de partage de la valeur a été créée en 2022, elle a succédé à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), toutes deux étant couramment dénommées « primes Macron ». Les employeurs peuvent ainsi attribuer sans condition jusqu’à deux primes de partage de la valeur d’un montant global maximum de 3 000 euros par an et par bénéficiaire. Ce plafond est porté à 6 000 euros dans les entreprises mettant en œuvre un accord d’intéressement ou de participation volontaire.
Comment le Gouvernement peut-il estimer que cette prime n’a pas de coût pour la sécurité sociale, alors qu’elle est exonérée de cotisations ?
Selon l’Insee, la part de rémunération versée sous cette forme se substitue à une augmentation de salaire, qui serait comprise entre 15 % et 40 %. Or des hausses de salaire auraient été soumises à cotisations, ce qui aurait eu pour résultat l’acquisition de droits sociaux pour les travailleurs, notamment pour la retraite, le chômage ou le niveau des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie.
Le manque à gagner pour la sécurité sociale était évalué à 500 millions d’euros en 2019, 600 millions d’euros en 2020 et plus de 1 milliard d’euros en 2023.
Dans son rapport de mai 2024, la Cour des comptes préconise de mettre en œuvre le principe fixé par la loi de 2022, celui qui consiste à compenser la perte de recettes résultant de la prime de partage de la valeur en appliquant au minimum le forfait social au taux de 20 % aux entreprises de moins de 250 salariés. Cela nous paraît tout à fait justifié !
M. le président. L’amendement n° 1004, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :