M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, je suis évidemment d’accord avec vous : l’excellent rapport de la Mecss – nous l’avons rédigé ensemble ! – évalue effectivement à 1,5 milliard d’euros ce gel du barème des allégements généraux de cotisations patronales. Il s’agit, qui plus est, d’une proposition que la majorité sénatoriale a faite à François Bayrou en juillet dernier.
Cependant, il se trouve que le Gouvernement – sans doute allez-vous le confirmer, monsieur le ministre – a l’intention de rendre plus convexe encore la trajectoire de la réduction générale dégressive unique (RGDU), qui doit s’appliquer à compter du 1er janvier 2026.
Durant les débats à l’Assemblée nationale et nos auditions, les intentions du Gouvernement n’avaient pas filtré à ce sujet, ce qui a pu susciter un certain nombre d’inquiétudes.
Personnellement, monsieur le ministre, je craignais que vous ne finissiez par réduire les allégements généraux au niveau du Smic, alors même que, l’année dernière, nous avions longuement travaillé sur le sujet et que nous nous étions montrés intraitables avec ceux qui voulaient remettre en cause cette disposition. Mais j’ai finalement été rassurée par les derniers échanges que nous avons eus : la mesure du Gouvernement rapportera, d’après les éléments dont je dispose, 1,4 milliard d’euros.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je propose 1,5 milliard !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cependant, dès lors que l’on ne peut pas jouer sur les deux tableaux, ma chère collègue, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement et donnerai la priorité à la proposition du Gouvernement, même si, il faut le reconnaître, votre amendement est mieux-disant. (Mme Raymonde Poncet Monge s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie de me donner l’occasion d’apporter quelques précisions sur la manière dont nous souhaitons réévaluer la trajectoire sur laquelle reposeront les allégements généraux l’année prochaine.
Nous en attendons un meilleur rendement, ce qui signifie un effort supplémentaire pour les entreprises, c’est-à-dire une réduction des allégements de cotisations, qui sera de l’ordre de 1,4 milliard d’euros.
Nous constaterons donc de nouveau l’économie de 1,5 milliard d’euros qui avait été décidée l’année dernière et nous y ajoutons 1,4 milliard d’euros. Comme l’a indiqué Mme la rapporteure générale, le Gouvernement travaille sur la courbe des allégements Fillon, afin de la rendre un peu plus convexe.
Cela étant, nous nous inscrivons dans la même logique que les années précédentes : les allégements seront toujours à leur maximum au niveau du Smic, puisque l’un des objectifs majeurs de ce dispositif est d’encourager les entreprises à créer des emplois.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer M. le ministre, je voterai contre cet amendement.
Comme cela a été rappelé par Michel Canévet, les allégements de charges ne sont pas des aides aux entreprises. Il faut arrêter de nier tout ce qu’a démontré la littérature économique depuis la mise en œuvre de ces allégements généraux de cotisations : ils ont un effet indiscutable sur l’emploi peu qualifié jusqu’à 1,6 ou 1,8 Smic. Toutes les études l’ont prouvé.
Certes, je ne conteste pas qu’à un niveau de salaire plus élevé, par exemple pour des techniciens supérieurs ou des ingénieurs, il faille réévaluer la courbe. À ce niveau, le dispositif a des effets qui portent davantage sur la compétitivité que sur l’emploi, alors même qu’il coûte cher. Il faut probablement revoir le barème pour de tels niveaux de salaires.
Mais, franchement, il me semble que, dans la conjoncture économique actuelle, le gel de l’ensemble du barème, y compris au niveau des bas salaires, serait une grave erreur pour l’emploi peu qualifié en France.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne vois pas bien de quel consensus économique vous parlez, ma chère collègue ! Les méta-analyses montrent plutôt que les allégements généraux n’ont aucune efficacité au-delà de 1,6 Smic. À la rigueur, arrêtons-nous à ce niveau-là !
Si l’on regarde l’ensemble des études, que ce soit celles du Conseil d’analyse économique (CAE), celles du groupe d’experts sur le Smic ou encore le rapport des économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, il n’y a aucune raison d’appliquer ce dispositif au-delà de 2 Smic ! Hélas, nous n’appliquons pas les conclusions de ce consensus qui, pourtant, émane à la fois d’économistes libéraux, si je puis dire, et hétérodoxes, puisque le seuil de sortie est fixé à un niveau plus élevé.
Je souhaitais surtout mettre en avant le fait qu’utiliser un multiplicateur du Smic n’est pas pédagogique. L’effet est délétère par rapport à notre structure productive.
Nous ne demandons donc pas de geler les exonérations, mais de geler la valeur du Smic de référence pour que le multiplicateur s’applique à un montant fixe plutôt qu’à un indice évolutif. Sans cela, au fur et à mesure de l’augmentation du Smic – il est normal de l’augmenter, ne serait-ce qu’en raison de l’inflation –, nous perdons la maîtrise des exonérations.
Cette méthode n’est donc pas pédagogique. C’est ce que l’on appelle une trappe à bas salaires. J’ajouterai qu’elle est surtout très mauvaise pour la structure productive de notre pays. La productivité est aussi hors coût. Or ce mécanisme ne favorise qu’une productivité faible et de mauvaise qualité sur les bas salaires.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Raymonde Poncet Monge. Je m’arrête là, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1029.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 1168, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1235-14 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-14. – Lorsque le juge constate que le licenciement pour motif économique ou les suppressions d’emploi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, il ordonne le remboursement du montant de la réduction de cotisations sociales patronales mentionnée à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dont a bénéficié l’entreprise pour les salariés concernés par le licenciement ou les suppressions d’emploi envisagés.
« Dès lors que le juge prononce la nullité du licenciement pour motif économique ou de la suppression d’emploi, l’employeur perd le bénéfice des dispositifs prévus à l’article 244 quater B du code général des impôts si son entreprise en est déjà bénéficiaire, ou l’opportunité d’en bénéficier, pour une période ne pouvant excéder cinq ans. Le juge peut également condamner l’employeur à rembourser tout ou partie du montant dont son entreprise a bénéficié au titre de ces dispositifs. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Lorsqu’un juge conclut à l’absence de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement économique, les salariés obtiennent bien évidemment réparation. La puissance publique, en revanche, ne récupère rien, même lorsque l’entreprise a bénéficié d’avantages financés par la solidarité nationale.
En prévoyant le remboursement des exonérations lorsque le licenciement aura été jugé sans cause réelle et sérieuse, nous rétablissons une forme d’équilibre et signifions qu’il n’est pas possible de percevoir de l’argent public quand on ne respecte pas le droit du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Avis défavorable. Permettez-moi de faire deux rappels.
Les licenciements pour motif économique, puisqu’il s’agit d’eux, sont très encadrés dans notre pays.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les employeurs ont très peur !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les allégements généraux ne semblent pas être l’instrument adéquat pour renforcer ce cadre.
Sur le fond, car il s’agit de propositions récurrentes, nous ne pouvons pas en permanence être dans une logique de sanction envers les entreprises, en les menaçant de conditionner les aides. Cette approche pose problème. Ce n’est pas la bonne manière de procéder si l’on veut offrir aux entreprises un cadre stable permettant d’élaborer des plans de long terme. Une entreprise ne se pilote ni à trois mois ni à un an : elle a besoin de stabilité. On ne peut pas, en permanence, menacer de modifier les dispositifs.
Franchement, l’emploi et l’entreprise forment un tout, une logique cohérente. En tant que ministre du travail, je n’ai pas l’impression de négliger le travail et l’emploi lorsque je m’attache au développement des entreprises. Il ne serait pas très bon d’installer une dualité dialectique entre le monde du travail et celui de l’entreprise.
Ma vision repose, au contraire, sur un travail conjoint avec les entreprises pour les accompagner dans leur développement et les encourager à créer de l’emploi, en particulier de l’emploi qualifié. C’est ainsi que nous atteindrons notre objectif à tous : l’élévation du niveau des rémunérations dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, vous parlez des emplois et des entreprises. La mesure proposée ici n’est pas une sanction : il s’agit plutôt d’un rétablissement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Guillaume Gontard. Lorsqu’une entreprise bénéficie d’argent public, elle est redevable, ce qui devrait être évident.
Permettez-moi d’illustrer mon propos par un exemple. L’entreprise historique de fabrication de sirops Teisseire, créée en 1720 et implantée à Crolles, est bénéficiaire tous les ans, sauf l’an dernier où un petit tour de passe-passe a volontairement rendu le site de Crolles déficitaire pour des raisons tout simplement spéculatives. Teisseire, qui appartient au groupe Carlsberg, a bénéficié de 500 000 euros par an au titre du CICE, ce qui interroge au regarde de l’actualité, puisque 205 salariés vont se retrouver sur le carreau et être licenciés.
Monsieur le ministre, vous parliez d’emploi. Il serait utile que votre collègue ministre de l’industrie se rende auprès des salariés de cette entreprise pour leur expliquer votre méthode.
J’ignore si ce type d’amendement constitue la bonne solution, mais il met en lumière que nous manquons cruellement d’un mécanisme clair. C’est la place de l’État qui est en jeu : comment intervient-il face à des groupes qui se préoccupent très peu de leurs salariés, qui se réorganisent selon leur bon vouloir et qui perçoivent pourtant de l’argent public ? À un moment, il faudra établir un mécanisme permettant à l’État d’agir. À l’heure actuelle, les salariés, eux, ne comprennent pas !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1168.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 1157, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le taux des cotisations patronales versées au titre du financement de l’assurance vieillesse est augmenté d’un point.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le débat que nous avons eu, dans cet hémicycle, sur les retraites nous a passionnés. Cet amendement vise à abroger la retraite à 64 ans décidée par Emmanuel Macron, en prévoyant une hausse de 1 point de la cotisation d’assurance vieillesse des entreprises.
La réforme reportant l’âge de la retraite à 64 ans, entrée en vigueur le 1er septembre 2023, fut imposée contre le Parlement, contre le mouvement social du printemps 2023 et contre l’opinion publique. Il convient de rappeler que 70 % des Français et 93 % des actifs y étaient opposés.
Cette réforme injuste a volé deux ans de vie aux travailleurs. Elle accroîtra les accidents du travail et les maladies professionnelles, en particulier pour les travailleurs des classes populaires occupant les métiers les plus pénibles. Les ouvriers ont une espérance de vie inférieure de cinq ans à celle des cadres. Le précédent report de l’âge de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans avait augmenté de 14 points la probabilité d’invalidité.
La réforme renforce le chômage et précarise les seniors : à 62 ans, 40 % des personnes qui ne sont pas encore à la retraite ne se trouvent déjà plus en emploi, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).
Cette réforme n’a apporté que du malheur. Le mensonge d’une retraite minimale à 1 200 euros entache encore davantage le bilan des années Macron. D’après les chiffres publiés par la Drees en février 2024, seuls 185 000 retraités ont bénéficié d’une revalorisation de leur pension en 2024, pour un montant de 30 euros brut mensuels.
Les femmes, qui ont subi davantage d’interruptions de carrière, ont été discriminées dans leur rémunération. Elles devront travailler neuf mois de plus, contre cinq pour les hommes.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Pour éviter ce désastre social, nous demandons l’abrogation de la réforme des retraites.
Mme Catherine Di Folco. Ce n’est pas du tout l’objet de l’amendement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous proposez d’augmenter de 1 point les cotisations des employeurs pour l’assurance vieillesse.
Vous avez évalué le gain de cette mesure à 7,5 milliards d’euros, ce qui est analogue à l’estimation publiée par la Cour des comptes dans son rapport de février 2025 sur les retraites, qui était de 6,2 milliards d’euros pour le seul régime général.
Néanmoins, c’est manifestement excessif. En effet, certains modèles, comme Mésange – Raymonde Poncet Monge le connaît bien – qui est utilisé par le Trésor, suggèrent que les cotisations employeurs sont celles qui détruisent le plus d’emplois. Selon ce modèle, cet amendement détruirait environ 90 000 emplois, ce qui est considérable.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Même avis.
M. Victorin Lurel. Cela mérite quand même quelques explications !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous ne vous proposons pas un choc fiscal : nous demandons seulement une hausse de 1 point de cotisation. Aujourd’hui, la cotisation patronale retraite s’élève à 8,55 % ; notre amendement la porterait à 9,55 %.
Selon le haut-commissaire au plan, une hausse de 1 point des cotisations patronales rapporterait environ 7,5 milliards d’euros, soit un montant supérieur aux économies attendues de la contre-réforme de 2023. À nos yeux, c’est cela une mesure de justice sociale !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la rapporteure générale, vous avez raison : les résultats du modèle Mésange, comme de celui de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), évoquent systématiquement une augmentation de 1 point de PIB. Mais il n’a jamais été question – je ne sais si cet amendement le prévoit, mais je me souviens du débat sur les retraites – d’appliquer immédiatement une hausse de 1 point.
En effet, dans les modèles, une hausse des cotisations patronales ou salariales de 1 point de PIB produit mécaniquement un choc important. Il s’agissait plutôt de 0,15 point par an pendant cinq ans.
Je souhaite surtout rappeler que ces modèles, qu’il s’agisse de Mésange ou de celui de l’OFCE, concluent à un impact négatif sur l’emploi d’une baisse des pensions de retraite. Geler, puis sous-indexer pendant cinq ans – cela revient quasiment à geler les pensions – produit donc un effet sur l’emploi. C’est ce que l’on nomme un effet récessif macroéconomique. Mais là, personne n’en parle et on ne demande pas au Trésor de mesurer les conséquences d’un tel gel !
Madame la rapporteure générale, ces modèles comparent une hausse de 1 point des cotisations et une baisse de 1 point des pensions : je vous assure que la baisse des pensions, via son effet sur la consommation et d’autres paramètres, entraîne, elle aussi, des effets négatifs sur l’emploi.
Je l’ai indiqué lorsque je me suis exprimée sur la sincérité budgétaire : l’effet récessif n’est pas du tout analysé. En revanche, dès qu’il s’agit d’augmenter les cotisations, vous mettez immédiatement en avant l’effet récessif sur l’emploi et la compétitivité. Les hausses progressives de cotisations et les baisses de pensions ont pourtant des effets récessifs à peu près comparables sur l’emploi.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1157.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8 septies (nouveau)
I. – Au premier alinéa du I de l’article L. 241-18-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « et moins de deux cent cinquante » sont supprimés.
II. – Le I est applicable aux revenus d’activité versés au titre des périodes d’emploi courant à compter du 1er janvier 2026.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 954 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1101 rectifié bis est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin.
L’amendement n° 1767 est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 954.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article élargit une niche. Or la commission s’est fixé comme doctrine de refuser ce genre de mesure !
De surcroît, déplafonner l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires en l’élargissant aux entreprises de plus de 250 salariés touche à la niche la plus inutile qui soit.
Le présent article ajoute une perte de recettes et amplifie une exonération qui est par ailleurs non compensée. L’Assemblée nationale a vraiment fait fort : elle a décidé que cette exonération, qui donne des droits, ne serait pas compensée. Pour la sécurité sociale, c’est la double peine.
Une telle mesure est donc contradictoire. De plus, elle fait fi des multiples travaux d’évaluation sur la désocialisation et la défiscalisation des heures supplémentaires.
Les auteurs de l’amendement ayant introduit cet article dans le texte ont omis de mentionner le rapport d’évaluation de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (Tepa) adoptée sous Nicolas Sarkozy. Ce rapport démontrait que le dispositif, qui a été supprimé de ce fait, n’avait abouti à aucune création d’heures supplémentaires et avait surtout entraîné un effet d’aubaine massif, notamment dans les grandes entreprises, a fortiori celles où les cadres sont les plus présents.
Les plus grandes entreprises ont bénéficié d’un effet d’aubaine en déclarant davantage d’heures supplémentaires en substitution d’augmentations de salaire. On associe souvent ces dispositifs aux petits salaires. De fait, ils sont très inégalement répartis.
Si l’objectif du présent article est d’augmenter la quantité de travail, il manque totalement sa cible. La défiscalisation et la désocialisation n’ont aucun impact. Pire, elles ont même, selon certaines études, un effet négatif sur l’emploi.
En comptant les externalités négatives sur l’emploi amplifiant le manque à gagner pour les comptes publics, l’OFCE considère que le dispositif Tepa…
M. le président. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. … a coûté 7 milliards d’euros aux comptes publics en 2011, à la veille de son extinction. Et là, vous le reproduisez en pire, parce qu’il ouvre des droits !
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 1101 rectifié bis.
Mme Maryse Carrère. Notre collègue Philippe Grosvalet a déposé un amendement identique à celui qui vient d’être défendu.
Selon lui, le présent article représenterait un coût supplémentaire pour les finances publiques sans garantir d’effet significatif sur l’emploi ou sur le recours aux heures supplémentaires dans ces grandes entreprises, qui disposent déjà de marges financières plus importantes.
Maintenir le dispositif actuel permettrait de préserver l’équilibre budgétaire, tout en continuant de soutenir prioritairement les petites et moyennes entreprises pour lesquelles cette déduction reste un levier réellement utile.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 1767.
Mme Annie Le Houerou. Cet article vise à étendre le dispositif de déduction forfaitaire des cotisations patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 250 salariés.
Par principe, le groupe SER s’oppose à la création de nouvelles exonérations qui appauvrissent la sécurité sociale : d’abord, par une moindre recette, puis par le coût de droits acquis gratuitement.
Nous reconnaissons que des situations exceptionnelles peuvent nécessiter une exonération – nous en avons parlé tout à l’heure – pour l’incitation à l’emploi quand cela est efficace ou pour préserver le pouvoir d’achat en temps de crise. Ici, aucune de ces raisons n’existe.
À l’heure où vous criez à la catastrophe sur l’état des comptes sociaux, créer un manque à gagner supplémentaire au bénéfice des patrons des grandes entreprises est injuste. Cela démontre bien votre position idéologique tendant à refuser de financer la sécurité sociale pour l’appauvrir, l’amenuiser, sans aucun intérêt réel pour la croissance et les comptes publics.
Par ailleurs, les heures supplémentaires sont déjà défiscalisées et exonérées de cotisations salariales, ce qui constitue un avantage significatif pour les salariés et il n’est pas nécessaire de réduire encore le coût patronal dans les grands groupes, qui disposent de marges de manœuvre financières bien supérieures à celles des petites entreprises.
Un tel élargissement risquerait également d’encourager le recours massif aux heures supplémentaires au détriment des embauches, sans effet tangible sur la valorisation du travail ou le pouvoir d’achat.
Dans ce contexte, la priorité doit rester la préservation des ressources de la sécurité sociale et la cohérence des dispositifs de soutien déjà en place.
Le présent amendement a donc pour objet de supprimer cet article 8 septies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission souhaite le maintien de l’article 8 septies voté par voie d’amendement à l’Assemblée nationale. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je rappelle que les heures supplémentaires ont deux objectifs.
D’abord, elles constituent un élément d’organisation et de souplesse important pour les entreprises, petites comme grandes, confrontées à des variations d’activité. L’égalisation des conditions entre petites et grandes entreprises offre également à ces dernières la possibilité de lisser leurs charges. Qu’elles soient de petite ou de grande taille, beaucoup rencontrent des difficultés de charges.
Ensuite – et c’est l’autre objectif –, il s’agit d’une mesure de pouvoir d’achat. Nous l’avons déjà évoqué : les salariés français recherchent une amélioration de leur rémunération et les heures supplémentaires constituent l’un des moyens d’y parvenir.
La logique de cet article apparaît donc clairement : il tend à étendre aux entreprises de plus de 250 salariés ce qui s’applique déjà aux plus petites. J’en ai ainsi résumé la justification.
Le coût s’élève à environ 130 ou 140 millions d’euros. Nous le reconnaissons, mais les effets positifs de la mesure le justifient. Je m’en remets donc à votre sagesse sur cet article, mais vous aurez compris que j’y vois de nombreux avantages.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je comprends, monsieur le ministre, que vous vous montriez quasi favorable à ce dispositif, puisqu’il n’applique pas la loi Veil et ne donne lieu à aucune compensation : il ne coûte donc rien à l’État. C’est parfait. Il coûte, en revanche, à la sécurité sociale ; mais pour l’État, nous sommes face à une exemption totale de la loi Veil qui se trouve bel et bien enterrée !
Le dispositif de la loi Tepa, lui, était compensé. Ici, que nenni : aucune compensation pour la sécurité sociale.
De surcroît, le dispositif de cet article ouvre des droits. C’est la totale : open bar ! Les salariés acquièrent des droits, ce qui signifie que la sécurité sociale – toutes ses branches – devra les servir, alors qu’elle n’aura jamais perçu aucune cotisation. Vous devriez pourtant savoir qu’il existe un lien entre la cotisation et les droits. Briser ce lien pose un problème en termes de consentement à la cotisation – il n’y a pas que le consentement à l’impôt.
La question de la compensation devrait, me semble-t-il, intéresser Mme la rapporteure générale, d’autant que ce dispositif ne sert à rien. Je n’ai jamais vu un employeur dire : « c’est exonéré, alors, faites des heures supplémentaires, même s’il n’y a rien à faire ». Cela n’existe pas ! C’est seulement s’il y a de l’activité qu’on effectue des heures supplémentaires et personne n’entend les interdire, monsieur le ministre – soyez rassuré !
Nous disons simplement qu’il faut verser des cotisations. Les heures supplémentaires constituent un élément de rémunération. Rien de plus.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 954, 1101 rectifié bis et 1767.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour un rappel au règlement.
M. Michel Canévet. Je souhaite faire un rappel au règlement au titre de l’article 35 bis de notre règlement : certains, de façon quasi systématique, ne respectent pas leurs deux minutes de temps de parole. C’est particulièrement irrespectueux pour les collègues qui, eux, s’y attachent. (Exclamations sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)
Mme Céline Brulin. Et le débat, alors ?
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 8 septies (nouveau) (suite)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.