Travaux de la commission des affaires culturelles



MERCREDI 19 OCTOBRE 2005

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

SPORT - LUTTE CONTRE LE DOPAGE ET PROTECTION DE LA SANTÉ DES SPORTIFS - EXAMEN DES AMENDEMENTS

La commission a tout d'abord examiné les amendements sur le projet de loi n° 284 (20042005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs.

A l'article 2 (Agence française de lutte contre le dopage), la commission a donné un avis défavorable aux amendements :

- n° 30, déposé par MM. Jean-Marc Todeschini, Serge Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à maintenir le statut d'établissement public du Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD) ;

- n°s 21, 23 et 24, présentés par M. Jean-François Voguet, Mme Annie David, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant respectivement : à encadrer les actions de prévention d'éducation et de recherche mises en oeuvre par l'Agence française de lutte contre le dopage par une convention définie par décret avec le ministère chargé des sports ; à élargir le pouvoir de recommandation de l'Agence à toutes les matières qui relèvent de sa compétence, et à rétablir une disposition donnant compétence à l'ancien Centre de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD) pour proposer au ministère chargé des sports toute mesure tendant à prévenir ou combattre le dopage.

Elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 22, présenté par M. Jean-François Voguet, Mme Annie David, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, permettant aux fédérations sportives de consulter l'agence sur les questions relevant de ses compétences. Le rapporteur a considéré que cette disposition améliorait le dialogue entre l'agence et le mouvement sportif.

A l'article 4 (ressources de l'agence et recrutement de personnels), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 25 présenté par M. Jean-François Voguet, Mme Annie David, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à préciser que les subventions de l'agence sont inscrites au budget général, estimant cette précision restrictive.

M. Jean-François Voguet a indiqué que cet amendement visait à donner une visibilité à la subvention de l'agence, en garantissant son inscription au sein du budget général.

A l'article 6 (autorisations d'usage thérapeutique), la commission a donné un avis défavorable à trois amendements :

- n° 32, présenté par MM. Jean-Marc Todeschini, Serge Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à remplacer la procédure des autorisations d'usage thérapeutique par la possibilité de placer les sportifs en arrêt de travail ;

- n°s 26 et 31, respectivement présentés par M. Jean-François Voguet, Mme Annie David, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et MM. Jean-Marc Todeschini, Serge Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, identiques, visant à supprimer la procédure des autorisations d'usage thérapeutique dites « allégées ».

A l'article 11 (analyse des prélèvements), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 29, présenté par M. Jean-François Voguet, Mme Annie David, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant à coordonner les activités de recherche du laboratoire, intégré à la future agence, avec le ministère chargé des sports.

A l'article 20 (abrogation d'articles inappliqués), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 33, présenté par MM. Jean-Marc Todeschini, Serge Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à maintenir ces dispositions, considérant que ces dernières sont purement déclaratoires.

Elle a, de même, donné un avis défavorable à l'amendement de cohérence n° 28, présenté par M. Jean-François Voguet, Mme Annie David, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Enfin, la commission a examiné un amendement du Gouvernement tendant à insérer un article additionnel après l'article 19 relatif au dopage des animaux.

M. Alain Dufaut, rapporteur, a précisé que, sur la forme, cet amendement tendait à clarifier la politique de répression du dopage en regroupant au sein du seul code de la santé publique l'ensemble des mesures relatives à la lutte contre le dopage par la création d'un nouveau titre spécifique aux animaux. Il a observé que, sur le fond, l'amendement tendait essentiellement à transférer du ministère des sports à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) la définition et la mise en oeuvre des actions nécessaires pour lutter contre le dopage animal et à préciser les modalités de réalisation des contrôles.

A l'issue d'un débat, auquel ont participé M. Jacques Valade, président, M. Ivan Renar, M. Jacques Legendre et M. Louis de Broissia, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat.

EDUCATION - DÉLÉGUÉS DÉPARTEMENTAUX DE L'ÉDUCATION NATIONALE EXAMEN DU RAPPORT

Puis la commission a entendu les conclusions de M. Jean-Claude Carle sur les propositions de loi n° 483 (2004-2005) de Mme Annie David et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier l'article 40 de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école relatif au lieu d'exercice des délégués départementaux de l'éducation nationale, et n° 511 (2004-2005) de M. Jean-Claude Carle, Jacques Valade et plusieurs de leurs collègues, relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale.

Tout d'abord, M. Jean-Claude Carle, rapporteur, a indiqué que la disposition qu'il était proposé de modifier avait été introduite dans la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école par voie d'amendement, adopté lors des débats en séance publique au Sénat, à l'initiative de MM. Yves Détraigne, Yves Pozzo di Borgo et d'autres membres du groupe de l'Union centriste - Union pour la démocratie française, puis confirmé par la commission mixte paritaire.

Il a rappelé que l'article 40 de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 prévoit que les délégués départementaux de l'éducation nationale (DDEN), chargés de l'inspection des écoles, « ne peuvent exercer leur mission que dans des établissements autres que ceux de leur commune, ou, à Paris, Lyon et Marseille, de leur arrondissement de résidence ».

Tout en précisant que cette disposition répondait au souci de renforcer la neutralité de ces fonctions, condition de leur bon exercice, il a relevé, néanmoins, qu'elle posait des difficultés concrètes d'application pour ces personnels.

En effet, il a souligné l'attachement des DDEN à la dimension de proximité, sur laquelle repose en grande partie l'efficacité de leur mission.

Il a indiqué que la visite des délégués dans les écoles portait notamment sur l'état des locaux, la sécurité, le chauffage, le mobilier, l'hygiène, la fréquentation scolaire et que leur fonction s'étendait également aux aspects touchant à la vie scolaire (centres de loisirs, transports, cantine...).

Il a ajouté que le délégué, membre de droit du conseil d'école, exerçait ainsi une mission d'incitation et de coordination et veillait à faciliter les relations entre les différents membres de la communauté éducative.

Constatant qu'en raison de leur nature même, ces fonctions s'appuyaient sur une bonne connaissance de l'environnement scolaire, il a considéré que l'interdiction, pour tout délégué, d'inspecter les écoles situées dans sa commune de résidence, n'avait pas un caractère pertinent.

De surcroît, il a fait observer que les 25.000 DDEN en fonction, qui sont en grande majorité des retraités de l'enseignement, exerçaient ces missions à titre bénévole.

Or la disposition introduite dans la loi sur l'école pourrait conduire un grand nombre d'entre eux à renoncer à l'exercice de leurs fonctions, en leur imposant des contraintes et frais de transport.

Le rapporteur a observé que les deux propositions de loi sur lesquelles la commission était appelée à se prononcer apportaient une réponse à ces difficultés.

Il a expliqué qu'elles avaient pour même objet, dans des rédactions différentes, de restreindre l'application de l'interdiction fixée aux délégués exerçant un mandat municipal.

Il a souligné qu'il s'agissait ainsi de préciser la réelle portée de cette disposition afin de lui redonner tout son sens et toute son efficacité.

Reconnaissant que la nécessité d'apporter cette clarification ainsi que son bien-fondé faisaient consensus, il a rappelé, par ailleurs, que, lors de son audition devant la commission le 5 juillet dernier, le ministre de l'éducation nationale, M. Gilles de Robien, s'était engagé à soutenir toute initiative parlementaire en ce sens.

M.  Jean-Claude Carle, rapporteur, a donc conclu en faveur de l'adoption de la proposition de loi dans le texte suivant, reprenant celui de l'article unique de la proposition de loi n° 511 :

« Toutefois, lorsqu'ils exercent un mandat municipal, les délégués départementaux de l'éducation nationale ne peuvent intervenir dans les écoles situées sur le territoire de la commune dans laquelle ils sont élus, ni dans les écoles au fonctionnement desquelles cette commune participe ».

Il a fait remarquer, d'une part, que cette rédaction était plus précise, d'un point de vue formel, que celle de la proposition de loi n° 483 de Mme Annie David, et que, d'autre part, sa portée était plus large. En effet, il a précisé que cette rédaction permettait de prendre en compte les situations où deux ou plusieurs communes se sont réunies pour l'établissement et l'entretien d'une école, en application du deuxième alinéa de l'article L. 212-2 du code de l'éducation, ainsi que lorsque les communes membres d'une structure intercommunale, notamment d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ont décidé de lui transférer les compétences en matière scolaire et périscolaire.

Il a indiqué que, dans ces situations, un délégué ne pourrait visiter les écoles pour lesquelles la commune dont il est un élu contribue au fonctionnement, quand bien même ces écoles seraient situées sur le territoire d'autres communes.

En conclusion, estimant que la proposition de loi répondait au souci d'améliorer l'efficacité du dispositif qui avait été adopté par le Sénat, tout en le renforçant dans l'intention initiale qui avait prévalu au moment de son adoption, de garantir et renforcer la neutralité des DDEN dans l'exercice de leur mission, pour qu'ils ne soient pas « juge et partie », M. Jean-Claude Carle, rapporteur, a demandé de l'adopter dans le texte proposé.

Après l'exposé du rapporteur, M. Jacques Valade, président, a souligné qu'il était du devoir du Parlement de rectifier cette disposition introduite à l'occasion des débats sur le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

En réponse à M. Jean-François Voguet qui s'interrogeait sur la situation des villes de Paris, Lyon et Marseille, M. Jean-Claude Carle, rapporteur, a précisé que les délégués, dès lors qu'ils sont élus dans l'une de ces villes, ne pourront y exercer leur mission, afin de garantir l'exigence de neutralité.

La commission a ensuite approuvé, à l'unanimité, la proposition de loi dans la rédaction proposée par son rapporteur.

CULTURE - EMPLOI DE LA LANGUE FRANÇAISE

La commission a ensuite entendu la présentation du rapport de M. Jacques Legendre sur la proposition de loi n° 59 (2004-2005) complétant la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française de M. Philippe Marini.

M. Jacques Legendre, rapporteur, a rappelé les conditions difficiles dans lesquelles s'était engagée la discussion au Sénat, en première lecture, des dispositions de la future loi du 4 août 1994 sur l'emploi de la langue française, dite « loi Toubon », en raison de la présentation caricaturale qui avait été alors faite de ses objectifs. Il s'est réjoui que les années écoulées aient permis depuis de bien saisir la finalité de cette loi qui n'a jamais été d'interdire l'usage en français de mots étrangers, mais bien de répondre à des objectifs concrets : par exemple assurer la bonne information du consommateur, ou éviter que notre langue ne disparaisse de secteurs stratégiques, comme par exemple celui de la recherche.

Il a souligné que la loi était maintenant bien acceptée et que 93 % des personnes interrogées dans un récent sondage estimaient ses dispositions utiles. Il a cependant regretté que l'application des dispositions de la loi révèle de nombreuses faiblesses dans certains secteurs au risque de compromettre son efficacité.

Il a indiqué que la proposition de loi déposée par M. Philippe Marini se proposait de compléter la loi du 4 août 1994 pour améliorer les conditions de son application et actualiser ponctuellement ses dispositions.

Il a ensuite présenté les différentes dispositions de la proposition de loi, précisant que si les principes qu'il défendait étaient souvent formulés dans des termes différents de ceux de la proposition de loi initiale, ils participaient cependant d'une même vision des objectifs à atteindre.

Analysant l'article premier, il a estimé qu'il n'était pas utile de préciser que les dispositions de l'article 2 de la « loi Toubon » (emploi du français dans la présentation et le mode d'emploi d'un bien ou d'un service) s'appliquaient aussi aux messages informatiques, car les termes de la loi étaient suffisamment généraux pour couvrir également le monde du numérique, comme le montrait d'ailleurs la circulaire d'application de 1996, même si celle-ci aurait, en revanche, besoin d'être complétée et actualisée. Cependant, il a suggéré un aménagement ponctuel de façon à lever l'ambiguïté qui pourrait résulter de l'adoption de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique : celle-ci réserve dorénavant la notion de communication audiovisuelle aux seuls services de radio et de télévision et érige en notion distincte la communication au public par voie électronique. Il convient donc de préciser que les obligations que l'article 2 de cette loi assigne à la publicité écrite, parlée et audiovisuelle s'appliquent aussi à la publicité électronique si l'on ne veut pas voir ce segment d'avenir disparaître subrepticement du champ d'application de la « loi Toubon ».

M. Jacques Legendre, rapporteur, a ensuite présenté les deux objectifs de l'article 2 de la proposition de loi.

Il a indiqué que le premier alinéa avait pour objet de compléter l'article 3 de la « loi Toubon » qui, dans sa rédaction actuelle, impose le français dans la formulation des inscriptions sur la voie publique, mais en dispense, par omission en quelque sorte, les enseignes. Cette exception, dictée par le respect de la liberté du commerce, a pu contribuer à alimenter un certain laxisme dans l'application de la loi. Celui-ci s'est traduit par une éviction du français, et parfois de l'alphabet latin, de la façade de certaines de nos rues. Soucieux de préserver la liberté du commerçant de choisir librement la dénomination sous laquelle il exerce son activité, le rapporteur a proposé un dispositif souple imposant la traduction, ou à défaut, l'explicitation des termes étrangers utilisés dans la formulation d'une enseigne.

Il a souligné la nouveauté de cette notion d'explicitation, moins contraignante que l'exigence d'une traduction, insistant sur le fait que cette obligation n'avait pour objet que de garantir au consommateur potentiel le minimum d'information dont celui-ci a besoin quant à l'activité du magasin concerné. Il a estimé qu'il convenait cependant, sans aller jusqu'à imiter les dispositions très contraignantes adoptées par le Québec, de prendre en compte l'exaspération qu'éprouvent parfois nos concitoyens devant l'hermétisme de bien des devantures.

Abordant l'autre objectif de l'article 2, il a précisé que son second alinéa confirmait l'obligation d'employer le français pour l'information des voyageurs dans les transports internationaux, dès lors que ceux-ci ont pour provenance ou destination le territoire national. Il est convenu que cette obligation résultait déjà implicitement de la rédaction actuelle de l'article 3 de la « loi Toubon », qui vise tout « moyen de transport en commun », mais a jugé nécessaire de la réaffirmer de façon à la fois solennelle et plus explicite, pour couper court aux tentations récurrentes de certaines compagnies aériennes de s'affranchir de cette prescription.

Il a souhaité que la France ne soit pas en ce domaine moins exigeante que le Japon, qui ne transige pas sur cette obligation, ajoutant que, pour un voyageur, être informé dans sa langue ne répondait pas seulement à une exigence de confort, mais s'imposait aussi pour des considérations de sécurité.

Il a ensuite proposé, avec les articles 3 et 4, d'imposer aux dénominations sociales des sociétés inscrites au registre du commerce les mêmes obligations de traduction ou d'explicitation que celles envisagées pour les enseignes. Il a indiqué que ces dispositions ont pour objet, à l'heure où l'on parle de patriotisme d'entreprise, de ne pas laisser le français disparaître complètement du nom qu'elles se choisissent.

Ces dispositions, auxquelles est très attaché M. Philippe Marini, qui connaît bien le monde de la finance, sont modérées : elles n'interdiront pas, par exemple, aux établissements français créant des filiales de gestion d'actif de faire figurer la notion d'« Asset management » dans leur dénomination sociale, mais les inviteront à en expliciter la signification pour les non-initiés francophones.

Le rapporteur a ensuite présenté l'article 5 qui, sous réserve d'un amendement de précision, conserve le dispositif proposé par M. Philippe Marini. Sous réserve de leur agrément, il autorise les agents assermentés de certaines associations -les associations de consommateurs, et celles de défense de la langue française- à établir la preuve de toute infraction à certaines prescriptions de la « loi Toubon » : celle de l'article 2 relatif à la publicité et aux offres commerciales, de l'article 3 relatif aux inscriptions dans les transports et sur la voie publique, de l'article 4 relatif à l'obligation de double traduction, de l'article 6 relatif aux colloques et congrès, et de l'article 7 relatif aux publications et revues.

Il a rappelé que la constatation de ces infractions ne relevait actuellement que des officiers et agents de police judiciaire, dont elles ne sont pas la priorité, privant en quelque sorte la loi d'une partie de son efficacité. Il a estimé que les pouvoirs de constat reconnus aux agents des associations remédieraient à cette faiblesse, et rendraient la loi plus effective.

Evoquant ensuite les retouches que l'article 6 apporte à l'article L. 122-39-I du code du travail, il a rappelé que dans sa rédaction actuelle, cette disposition rendait obligatoire l'emploi du français dans la rédaction de « tout document comportant des obligations pour le salarié, ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail », mais qu'elle tempérait cette règle par deux exceptions portant respectivement sur les documents destinés à des étrangers, et sur les documents reçus de l'étranger.

Il a jugé que cette seconde exception était trop large car, qu'ils proviennent ou non de l'étranger, des documents rédigés en langue étrangère étaient également susceptibles d'être une source d'incompréhension et de gêne pour les salariés français ; en outre, la mondialisation, la multiplication des groupes internationaux et le développement des communications électroniques contribuaient à une augmentation sensible du nombre des documents reçus de l'étranger.

Pour éviter que l'exception prévue par la loi de 1994 n'ouvre une brèche trop importante dans un dispositif qui répond, entre autres, à des préoccupations de sécurité dans le travail, il a proposé de la restreindre aux documents destinés à des salariés qui soient véritablement à même de les comprendre : ceux dont l'emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue concernée.

Il a relevé que les associations de consommateurs et celles de défense de la langue française souhaitaient que ces compétences nouvelles leur soient reconnues pour leur permettre d'assumer plus pleinement leurs missions.

Il a estimé que les craintes exprimées par certains de les voir faire preuve d'un zèle excessif devaient être relativisées, dans la mesure où les agents de ces associations n'auraient le pouvoir de constater des infractions que dans le cas où l'administration leur aurait accordé un agrément qu'elle avait également la capacité de leur retirer. Il a affirmé, en outre, que la reconnaissance de ces nouvelles compétences contribuerait à développer un esprit de responsabilité positif, ajoutant qu'il reviendrait à la justice d'engager ensuite ou non des poursuites.

Puis il a présenté l'article 7 dont l'objet est d'inciter les entreprises à réfléchir à leur politique linguistique et d'ériger les pratiques linguistiques en élément du dialogue social, à l'occasion de la présentation devant le comité d'entreprise d'un rapport sur l'utilisation de la langue française, présentation obligatoire dans les entreprises et les groupes de plus de 500 salariés, facultative dans les autres.

Il a proposé, avec l'article 8, d'imposer le français dans la rédaction des convocations et des procès-verbaux des comités d'entreprise, de façon à garantir la bonne information des salariés, indiquant qu'il avait renoncé à imposer une obligation comparable aux réunions des organes dirigeants.

Evoquant enfin la proposition de M. Philippe Marini de créer une Délégation parlementaire à la langue française, il a craint que la création de celle-ci ne risque de dissocier la défense de la langue française en France de son prolongement international -la promotion de la francophonie et de la diversité culturelle- et qu'elle n'isole le politique de la langue de ses prolongements éducatifs et culturels. Estimant en outre que la création d'une délégation parlementaire n'était justifiée que sur les questions susceptibles de relever de plusieurs commissions, il a souhaité que la défense de la langue française reste une des compétences de référence de la commission chargée des affaires culturelles, au Sénat, comme à l'Assemblée nationale.

Défavorable à cette suggestion, il a proposé en contrepartie de compléter l'article 22 de la « loi Toubon » pour prévoir d'une part, que le rapport annuel au Parlement sur la langue française puisse donner lieu à un débat parlementaire, et d'autre part, pour inciter les différentes administrations concernées par ses dispositions à contribuer à son élaboration.

Il a conclu que par-delà ces quelques retouches ponctuelles, il convenait d'abord et avant tout, de veiller à l'application effective des dispositions de la loi dont les dix dernières années avaient confirmé la pertinence.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Bernard Fournier a jugé tout à fait pertinente la proposition de loi et a cité quelques exemples concrets de dérives qu'il avait constatées personnellement dans les pratiques linguistiques et contre lesquelles il convenait de lutter avec vigueur : la tendance des services de la Commission européenne à utiliser exclusivement l'anglais dans le montage de certains dossiers d'appels d'offres, même quand elle a pour partenaire un syndicat départemental d'électricité français ; l'absence totale d'annonces en français, deux heures durant, à l'aéroport Charles de Gaulle pour annoncer le retard d'un vol à destination de l'Italie ; l'absence de personnels francophones dans les services de réservation de quatre hôtels d'une station française de sports d'hiver. Il a jugé qu'il convenait de ne pas céder devant ces pratiques inacceptables.

M. Ivan Renar a également déploré le recul du français dans les organisations internationales. Il a estimé que la télévision constituait un autre secteur sujet à des dérives importantes susceptibles de saper les efforts positifs réalisés par l'école en matière d'apprentissage du français. Il a déploré à cette occasion les effets collatéraux du recul des enseignements artistiques sur la capacité d'expression des élèves.

M. Jacques Valade, président, a relevé les efforts réalisés en matière de lutte contre les anglicismes dans les émissions télévisées par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, M. Dominique Baudis.

M. Louis de Broissia a regretté que des considérations de rivalités linguistiques locales pénalisent l'affirmation du français comme langue internationale à Bruxelles. Il a suggéré que, sans tomber dans les excès d'une « police des langues », les chaînes de télévision réalisent un bêtisier des dérapages linguistiques les plus manifestes des présentateurs et des hommes politiques.

M. Jean-Paul Emin s'est alarmé du caractère « policier » de certaines dispositions de la proposition de loi, estimant que la défense de la langue française n'avait pas vocation à figurer parmi les priorités du comité d'entreprise ou des inspecteurs du travail.

M. Jacques Valade, président, s'est déclaré très réservé à l'égard de la reconnaissance aux agents des associations de consommateurs, et de défense de la langue française, d'une sorte de statut d'inspecteur de la langue française.

M. Louis Duvernois a rappelé les menaces qui pèsent sur l'emploi de la langue française, regrettant que la « loi Toubon » ne soit pas suffisamment opérante. Il a indiqué qu'il ne serait pas opposé à l'idée de confier de nouvelles responsabilités aux associations, tout en souhaitant qu'une grande attention soit portée à leurs modalités d'exercice.

M. Jacques Valade, président, a relevé un certain nombre de facteurs favorables à la pénétration de l'anglais : l'internationalisation de certains groupes qui sont dans l'obligation de recourir à une langue véhiculaire, les congrès scientifiques où un orateur réduit ses chances d'être écouté s'il s'exprime en français, même avec une traduction, les publications scientifiques anglo-saxonnes, mieux à même d'assurer la notoriété des travaux des chercheurs. Tout en étant favorable à un certain durcissement de la position de la France, il a estimé que la recherche d'une solution équilibrée et réaliste était cependant délicate.

M. Serge Lagauche a remarqué que l'anglais n'avait aucun besoin d'un encouragement législatif pour progresser, au contraire du français, qui nécessitait l'intervention du législateur pour être défendu. Cette défense était nécessaire pour rappeler un certain nombre de règles face aux tentations de céder à la facilité pour des considérations économiques.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Legendre, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- les exemples cités par M. Bernard Fournier sont précis et ne sont, hélas, pas isolés ;

- le problème principal n'est pas aujourd'hui d'extirper de notre langue certains emprunts à des langues étrangères, mais d'éviter que l'emploi de notre langue ne disparaisse de pans entiers d'activité comme la recherche ou les transports ; l'adoption en commission de l'UNESCO du projet de convention sur la diversité culturelle constitue une victoire dans le combat de la France pour la diversité culturelle ; il ne faudrait pas en affaiblir la crédibilité par un manque de conviction dans la défense de l'emploi de notre langue sur notre territoire ;

- le souci de mieux proportionner les contraintes imposées aux entreprises aux objectifs de la loi, l'a conduit à assouplir sensiblement les dispositions proposées initialement par M. Philippe Marini ; la politique ou les pratiques linguistiques des entreprises ne devraient être négligées, ni par les représentants des salariés, ni par l'inspection du travail, car elles sont susceptibles d'avoir des conséquences multiples sur la sécurité dans le travail, ou le déroulement des carrières des cadres ; instaurer un débat sur ces pratiques linguistiques dans l'entreprise n'est dans ces conditions pas choquant ; au demeurant, la présentation de ce rapport ne sera obligatoire que dans les grandes entreprises de plus de 500 salariés ;

- la possibilité pour les agents assermentés des associations de procéder au constat de certaines infractions ne relève pas d'une volonté d'instituer une quelconque « police linguistique », mais uniquement de mieux assurer l'application effective de la loi, l'administration conservant, à travers la procédure d'agrément, un contrôle sur la façon dont ces constats seront diligentés ;

- même si le monde scientifique est en effet largement acquis à la progression de l'anglais, il convient de continuer à insister sur l'intérêt de la traduction ;

La commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Elle a adopté l'article premier (confirmation de l'obligation d'employer le français dans la publicité électronique), l'article 2 (traduction des explicitations des enseignes ; annonces dans des transports internationaux), l'article 3 (dénominations sociales des entreprises), et 4 (coordination avec le 3) dans la rédaction proposée par le rapporteur.

Un débat s'est engagé sur l'article 5 (constat des infractions par les agents assermentés des associations de défense des consommateurs et de défense de la langue française).

M. Jacques Valade, président, s'est interrogé sur l'opportunité de compléter les pouvoirs déjà reconnus aux associations de défense de la langue française et de les étendre aux associations de défense des consommateurs.

M. Jacques Legendre, rapporteur, a estimé que la reconnaissance de la compétence des associations de consommateurs en matière de sanction des infractions à la « loi Toubon » était justifiée, dans la mesure où les prescriptions linguistiques de cette dernière tendaient notamment à garantir le droit des consommateurs à une information compréhensible, ce qui relevait manifestement de leur champ de préoccupations.

M. Serge Lagauche a rappelé les garanties qu'apporte déjà la législation relative à l'étiquetage en matière d'information du consommateur.

M. Jean-Claude Carle a indiqué que, s'il souscrivait à l'économie générale de la proposition de loi, cette disposition lui inspirait, en revanche, de fortes réticences. Il a souhaité que la législation actuelle soit maintenue.

M. Ivan Renar a exprimé son accord avec l'objectif de cette disposition, qui est d'améliorer le respect effectif de la loi, mais s'est demandé si celui-ci ne pourrait être également obtenu en stimulant, par l'envoi d'une circulaire, les moyens actuels de contrôles.

M. Jacques Legendre, rapporteur, a rappelé les insuffisances du contrôle actuel, et souligné tout l'intérêt que présentait le renfort que les associations sont prêtes à apporter.

M. Louis Duvernois a estimé que la mesure devrait faire l'objet d'une bonne explication pour n'être pas perçue comme une forme de « police de la langue ».

Tout en jugeant normal de reconnaître certains moyens d'intervention aux membres des associations, M. Jean-François Voguet n'a pas souhaité leur attribuer des pouvoirs de police.

M. Jean-Claude Carle a redouté que le dispositif proposé ne se retourne contre les objectifs poursuivis par la loi.

M.  Jacques Valade, président, a souhaité qu'une position moyenne soit trouvée, prenant notamment en compte l'intérêt que les associations de consommateurs portent aux dispositions de la « loi Toubon ». Il a proposé d'étendre à ces dernières les compétences actuellement reconnues par l'article 2-14 du code de procédure pénale aux associations de défense de la langue française, de façon à leur permettre d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application des articles 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

La commission a alors adopté l'article 5 dans cette nouvelle rédaction.

La commission a ensuite adopté l'article 6 (documents destinés aux salariés) puis l'article 7 (rapport sur l'emploi de la langue française dans l'entreprise), après un bref échange de vues auquel ont pris part M. Jean-Paul Emin, M. Jacques Valade, président, et le rapporteur. Elle a également donné un avis favorable à l'article 8 (procès-verbaux des comités d'entreprise) et à l'article 9 (rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française), souhaitant que la présentation de ce rapport soit l'occasion de tracer régulièrement le bilan des décisions judiciaires prononcées par les tribunaux pour sanctionner les infractions à la loi du 4 août 1994.

La commission a ensuite adopté les conclusions proposées par le rapporteur sur cette proposition de loi.

CULTURE - APPLICATION DE LA LOI N° 2002-6 DU 4 JANVIER 2002 RELATIVE À LA CRÉATION D'EPCC - EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION

La commission a enfin examiné le rapport d'information sur l'application de la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (EPCC).

M. Ivan Renar, rapporteur, a indiqué qu'il avait auditionné une soixantaine de personnes, dont il a apprécié l'esprit de dialogue et la compétence ; il a rappelé l'organisation, le 8 juin dernier, d'une table ronde afin à la fois de présenter un bilan d'étape et de poursuivre la concertation avec les professionnels et les artistes concernés.

Il a rappelé que l'établissement public de coopération culturelle (EPCC) est une nouvelle structure juridique permettant d'organiser, dans le cadre de la décentralisation et de la logique de cofinancement, le partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales, ou entre ces dernières seules, si elles le souhaitent, pour la gestion d'équipements culturels structurants.

Le rapporteur a ensuite affirmé que le bilan auquel il concluait était positif, même si le dispositif mérite d'être perfectionné. L'EPCC occupe, en effet, une place très utile en venant compléter la « boite à outils » des instruments juridiques à la disposition des acteurs de la culture et répond à une forte attente, ceci d'autant plus que les autres structures juridiques existantes présentent des insuffisances, qu'il s'agisse par exemple du syndicat mixte, du groupement d'intérêt public ou de l'association.

Il a précisé que l'EPCC semble répondre de façon satisfaisante aux trois préoccupations principales qui ont inspiré la loi de 2002 :

- offrir un cadre d'organisation adapté aux spécificités des services culturels et garantissant une certaine stabilité et une certaine pérennité ;

- fournir un cadre de gestion associant souplesse de fonctionnement et rigueur de gestion ;

- permettre un partenariat équilibré, sur la base du volontariat, entre les collectivités publiques membres.

Après avoir indiqué qu'une quinzaine d'EPCC ont d'ores et déjà été créés et qu'un nombre au moins égal d'établissements est en cours de création, M. Ivan Renar, rapporteur, a souligné le pragmatisme des acteurs de terrain, qui ont utilisé ce nouvel outil juridique en l'adaptant à leurs besoins et spécificités.

Il a ainsi cité plusieurs cas de collectivités territoriales ayant choisi de regrouper plusieurs structures au sein d'un établissement unique :

- ARTECA, le centre de ressources de la culture en Lorraine, qui constitue en quelque sorte un « outil au service des outils », en mutualisant des services intéressant l'ensemble des domaines de la culture ;

- l'EPCC du Pont-du-Gard, qui gère le monument, les 55 hectares qui l'entourent, cinq musées, des parkings et une activité de visite guidée ; il vient, en outre, de créer une filiale afin de reprendre l'activité de restauration du site ;

- l'EPCC « Chemins du patrimoine en Finistère », qui réunit cinq sites patrimoniaux répartis sur le département, et crée un nouveau dynamisme dans le domaine patrimonial ;

- l'EPCC « Onyx La Carrière » à Saint-Herblain, né de la fusion de deux salles de spectacles, qui repose sur une double activité : création et diffusion de spectacles vivants d'une part, prestation de services en direction de producteurs indépendants, d'associations privées et de services municipaux, d'autre part ;

- l'EPCC d'Issoudun, qui regroupe plusieurs structures de nature très différente : un musée, un monument historique, la cité de la musique, une salle de spectacles, un centre des congrès et bientôt une chaîne de télévision locale ;

- l'EPCC ARCADI, qui résulte de la fusion de deux associations, l'une en charge de l'opéra et du ballet, l'autre du théâtre, du cinéma et de la chanson ;

- enfin, l'EPCC d'Angers, constitué à la fois d'une scène dramatique et d'un centre chorégraphique, ces deux structures conservant cependant leur propre statut juridique.

Le rapporteur a souligné qu'un certain nombre des personnes auditionnées critiquaient ce type d'organisation, qui regroupe plusieurs structures au risque de privilégier des objectifs commerciaux ou de gestion, au détriment du projet artistique et culturel, et d'entraîner un démembrement du service public culturel ainsi qu'une atteinte à l'autonomie des directeurs des structures concernées.

Il a relevé que les promoteurs de ce type d'EPCC faisaient valoir, à l'inverse, qu'une telle organisation permet à la fois une mutualisation pertinente de services et moyens, le développement de synergies et une meilleure lisibilité de l'action culturelle.

Il a estimé probable que, selon les cas, chacun détienne une part de vérité.

Il a indiqué que la créativité sur le terrain se traduisait également concrètement dans l'organisation du conseil d'administration, la désignation du président ou des personnalités qualifiées ou la nomination du comptable public.

M. Ivan Renar, rapporteur, a toutefois identifié un certain nombre de difficultés, tant d'ordre juridique que politique et tenant principalement à des défaillances de l'Etat, à la tentation d'interventionnisme de certaines collectivités territoriales, au problème du statut des directeurs d'EPCC et à une certaine lourdeur de gestion.

S'agissant tout d'abord des défaillances de l'Etat, il a relevé ;

- que la circulaire d'application du 18 avril 2003 est en retrait par rapport à la loi sur certains points, en particulier pour ce qui concerne les centres dramatiques nationaux et les centres chorégraphiques nationaux, alors que la loi n'exclut pas leur transformation en EPCC ;

- que le décret devant déterminer les catégories d'EPCC dont le directeur doit relever d'un statut ou être titulaire d'un diplôme figurant sur une liste à établir n'étant toujours pas paru, la loi s'avérait de facto inapplicable -ou difficilement applicable- aux secteurs concernés (patrimoine, musées, fonds d'art contemporain, établissements d'enseignement artistique, gestion d'archives ou de bibliothèques...), cette situation étant liée tant à une difficulté d'ordre juridique qu'à un problème de concertation interministérielle ;

- que l'Etat semblait, par ailleurs, souvent hésitant et insuffisamment impliqué dans le dossier des EPCC, nombre de personnes auditionnées regrettant son attentisme et craignant que ce dernier ne traduise l'affaiblissement de son autorité. En effet, l'Etat est parfois peu enclin à s'engager dans un EPCC, dans la mesure où la loi ne lui attribue qu'une minorité de voix au sein du conseil d'administration, quel que soit le montant de sa participation financière, et à l'inverse, il ne semble pas souhaiter participer à un établissement dont il ne serait pas d'ores et déjà partie prenante.

M. Ivan Renar, rapporteur, a ensuite évoqué une difficulté liée à la tentation d'interventionnisme de certaines collectivités territoriales, susceptibles d'adopter la structure de l'EPCC pour des enjeux de pouvoir, en vue de « reprendre la main » sur une structure ou de profiter d'un changement de statut pour changer le directeur.

Il a relevé que certaines modalités de fonctionnement de l'EPCC pouvaient être de nature à faciliter des dérives, en particulier lorsqu'une seule collectivité territoriale se trouve largement majoritaire au sein du conseil d'administration ou en cas d'EPCC venant coiffer plusieurs structures culturelles.

Le rapporteur a toutefois estimé que si ce risque d'ingérence existait bel et bien, il convenait dans le même temps de le relativiser et de ne jeter l'anathème ni sur l'EPCC, ni sur les élus, dans la mesure, d'une part, où ce risque existe également, et parfois davantage, dans le cadre d'autres statuts juridiques et où, d'autre part, il faut faire confiance aux élus, à leur bon sens et à leur souci de l'intérêt général, et faire preuve de pédagogie, afin qu'élus et professionnels de la culture puissent développer des relations de confiance.

M. Ivan Renar, rapporteur, a ensuite exposé les difficultés tenant au statut des directeurs d'EPCC et à leur crainte de perdre de l'autonomie ou de subir une forme de précarisation.

Il a souhaité que soit clairement réaffirmée la nécessité de garantir l'autonomie des directeurs dans la programmation artistique, dans le cadre du projet et du mandat sur le fondement duquel ils sont recrutés.

En outre, il a indiqué que leur statut actuel était en fait méconnu, le statut de directeur d'établissement public industriel et commercial (EPIC) faisant même l'objet d'interprétations contradictoires entre le ministère de la fonction publique et le ministère de l'intérieur. Il a regretté, à cet égard, l'absence de concertation interministérielle.

Il a enfin évoqué certaines lourdeurs de gestion, liées notamment au passage d'un organisme de droit privé à un établissement de droit public (modalités de transfert, application de la comptabilité publique...).

M. Ivan Renar, rapporteur, a ensuite présenté ses propositions en vue d'améliorer la loi de 2002, lesquelles feront l'objet d'une proposition de loi, dans le double objectif de consolider la place des acteurs concernés et de renforcer la souplesse du dispositif. Il a jugé nécessaire, d'une part, d'assouplir la composition du conseil d'administration et, d'autre part, de clarifier et de conforter le statut des directeurs.

S'agissant du premier point, il a avancé cinq propositions, la première tendant à renforcer la place de l'Etat, dans le respect de l'esprit de partenariat. Le rapporteur a jugé nécessaire que l'Etat participe le plus souvent possible aux EPCC, car il est le garant de la pérennité, de la stabilité et de la cohérence globale de la politique culturelle dans notre pays, il possède l'expertise et il est le premier garant de la liberté de création et d'expression artistique. Pour autant, le rapporteur n'a pas estimé souhaitable d'introduire une proportionnalité entre la participation de l'Etat au conseil d'administration et sa part dans le financement de l'EPCC. Il a proposé la suppression de la disposition de la loi qui fixe une limite supérieure au nombre de représentants de l'Etat, le cantonnant nécessairement à la minorité, afin de laisser les partenaires libres de négocier au mieux, au cas par cas, leur représentation respective au sein du conseil d'administration. Il a insisté sur la nécessité d'un tel dialogue préalable à la création de l'EPCC dans tous les domaines.

M. Ivan Renar, rapporteur, a ensuite proposé de rendre facultative la présence du maire de la commune siège de l'établissement, les partenaires pouvant décider ensemble de l'utilité de sa participation.

Puis il a proposé que des établissements publics nationaux ou des fondations puissent participer à un EPCC.

Par ailleurs, il a suggéré que la décision de créer un EPCC, lorsqu'elle est demandée par les collectivités territoriales, relève du préfet de région -la région étant l'échelon territorial compétent- plutôt que du préfet de département.

Jugeant souhaitable que les représentants du personnel au sein du conseil d'administration soient désignés dans le cadre d'une élection ad hoc, afin qu'il n'y ait pas de confusion entre cette mission et celle de délégué du personnel, et que tant des représentants syndicaux que d'autres candidats puissent se présenter à l'élection, il a proposé une clarification de la loi sur ce point.

Il a enfin estimé que le nombre de personnalités qualifiées au sein du conseil d'administration devait être suffisant pour que ce dernier puisse s'enrichir de la participation de personnes représentatives du public, des usagers, des associations culturelles ou de mécènes éventuels.

M. Ivan Renar, rapporteur, a ensuite émis une seconde série de propositions, tendant à clarifier et à conforter le statut de directeur d'EPCC.

Afin, en premier lieu, de sortir de l'impasse liée à la non-parution du décret devant déterminer le statut ou le diplôme requis pour diriger certaines catégories d'EPCC, il a suggéré que ces listes soient établies par simple arrêté du ministre chargé de la culture cosigné, le cas échéant, par le ministre de l'intérieur et que des dispositifs de validation de diplômes ou d'expérience professionnelle soient prévus, afin de ne pas risquer d'exclure des personnes compétentes bien que pouvant avoir un profil atypique.

Il a jugé nécessaire, en outre, de clarifier et de préciser le statut du directeur, en distinguant clairement, d'une part, selon que celui-ci est nommé à l'occasion de la transformation d'une structure existante en EPCC ou que l'on procède à un changement de directeur au cours de l'existence de l'établissement, et, d'autre part, selon que l'on a à faire à un EPA (établissement public administratif) ou à un EPIC (établissement public industriel et commercial).

Il a signalé qu'une lacune de la loi de 2002 devrait être comblée, pour prévoir le cas du transfert d'une structure de droit privé vers un EPCC constitué sous forme d'EPIC.

Par ailleurs, afin qu'il soit possible de changer de directeur à l'issue de quelques mandats, sans que celui-ci ait démérité, mais parce qu'il apparaît souhaitable de faire évoluer le projet, M. Ivan Renar, rapporteur, a indiqué qu'il serait sans doute amené à proposer une mesure dérogatoire tendant à faire remonter la notion de « mandat » -qui figure aujourd'hui dans le décret- dans la loi et à prévoir qu'il peut être mis fin au contrat du directeur au terme de son mandat. Il s'agirait ainsi de créer un nouveau motif licite de licenciement, permettant au juge de conclure à la légitimité de ce dernier, le cas échéant. Le rapporteur a précisé que dans le cas d'un changement de directeur, un appel à candidatures devrait être organisé.

Un large débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jacques Valade, président, a tout d'abord félicité le rapporteur pour le développement du dialogue avec les acteurs concernés par ce dossier, très apprécié sur l'ensemble du territoire, et l'a remercié pour l'excellent travail ainsi réalisé, dans la continuité de l'initiative qui a conduit à l'adoption de la loi du 4 janvier 2002. Il a regretté que certains décrets d'application ne soient pas encore parus et il a rappelé que l'on avait évoqué la faculté de fixer dans les lois un délai pour la publication de leurs textes d'application.

Il a relevé que les propositions émises par le rapporteur découlaient de l'expérience liée à la création d'un certain nombre d'EPCC et il a déclaré partager son point de vue sur la nécessité d'une présence de l'Etat, même si ce dernier ne participerait pas au financement d'un EPCC.

M. Michel Thiollière a jugé très intéressant l'exposé du rapporteur, compte tenu notamment des difficultés d'obtenir des renseignements précis de l'administration. Il s'est interrogé sur la position actuelle de cette dernière sur ce dossier.

Après s'être déclaré très intéressé par ce rapport, M. Jacques Legendre a estimé utile la participation de droit du maire de la commune-siège de l'EPCC au sein du conseil d'administration, même s'il n'en était pas partie prenante.

Partageant ce point de vue, M. Jacques Valade, président, a estimé que le maire devait pouvoir, s'il le souhaitait, participer au conseil d'administration.

M. Ivan Renar, rapporteur, a apporté les éléments de réponse suivants :

- on constate un intérêt croissant pour l'EPCC et l'administration y semble moins réticente qu'auparavant, compte tenu en particulier de la fragilité du statut associatif. En outre, les directeurs des structures de « spectacle vivant » manifestent certes des inquiétudes, mais pas d'opposition à la formule, comme en 2002 ;

- ceci justifie d'autant plus la nécessité de toiletter la loi et de publier les textes d'application permettant de débloquer la situation pour les musées, les écoles d'art, etc. ;

- certains maires, eux-mêmes, ont jugé inutile leur participation à l'EPCC, dans le cas où leur commune n'y participerait pas financièrement ; il serait souhaitable de donner la liberté de choix plutôt que de leur imposer une participation de droit.

La commission a ensuite décidé d'autoriser la publication des conclusions du rapporteur sous la forme d'un rapport d'information.