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Le débat sur le mode de ratification du traité de Lisbonne – voie parlementaire ou référendum – a mis au premier plan la question des différences entre ce traité et le traité constitutionnel dont il s’inspire.

Cependant, le jugement sur le traité de Lisbonne doit reposer avant tout sur les changements qu’il introduit par rapport aux textes en vigueur.

La commission des Affaires étrangères, lorsque le projet de loi autorisant la ratification sera présenté, sera amenée à livrer une analyse détaillée du nouveau traité. Il ne s’agit ici que de souligner les

A. Le sens du projet européen

Plusieurs éléments tendent à préciser le sens du projet européen.

● Le préambule du traité précise que celle-ci s’inspire « des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la démocratie, la liberté et l’État de droit ». Cette mention des héritages européens va dans le sens de l’affirmation d’une identité européenne.

● La Charte des droits fondamentaux, qui avait été « proclamée » lors du Conseil européen de Nice, reçoit désormais une valeur contraignante : la Cour de justice contrôlera son respect par les institutions de l’Union et, lors de la mise en œuvre du droit de l’Union, par les États membres. L’intégration de la Charte consacre l’élargissement de la vocation de l’Union qui, à l’origine communauté économique, a pris une dimension politique avec le traité de Maastricht et dispose, depuis le traité d’Amsterdam, de larges compétences en matière de justice et d’affaires intérieures.

Le traité prévoit, en outre, l’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme. Cette adhésion devra être décidée par le Conseil statuant à l’unanimité, approuvée par le Parlement européen, et ratifiée par le Parlement de chaque État membre.

● Les objectifs de l’Union sont définis en termes bien plus larges. Ils comprennent désormais :

– l’« économie sociale de marché » ;

– la lutte contre l’exclusion sociale et les discriminations, la justice sociale, la solidarité entre les générations, la protection des droits de l’enfant ;

– la cohésion territoriale ;

– la promotion du progrès scientifique et technique ;

– le respect de la diversité culturelle et linguistique, la sauvegarde et le développement du patrimoine culturel ;

– dans les relations extérieures, la « protection » des citoyens de l’Union, le développement durable de la planète, la solidarité entre les peuples, le commerce libre et équitable, l’élimination de la pauvreté et la protection des droits de l’Homme.

● Parallèlement, le principe de respect des identités nationales reçoit une formulation plus détaillée : « l’Union respecte (…) l’identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ».

● Enfin, une procédure de retrait volontaire de l’Union est introduite (nouvel article 35 du TUE), ce qui souligne que l’Union est fondée sur la libre volonté des États membres. Le retrait n’est en effet soumis à aucune autre condition que l’existence d’une période transitoire de deux ans, durant laquelle l’État souhaitant se retirer peut négocier un accord avec l’Union.

B. Les changements institutionnels

Le traité de Lisbonne apporte d’importants changements dans le domaine institutionnel.

● Les pouvoirs du Parlement européen sont largement renforcés:

– son rôle législatif est sensiblement accru par la généralisation (sous réserve d’exceptions en nombre limité) de la procédure de codécision où il a les mêmes pouvoirs que le Conseil des ministres. Le Parlement européen reçoit ainsi, sauf dispositions particulières, un pouvoir de codécision en matière de justice et d’affaires intérieures, de politique commerciale commune, de législation agricole ;

– ses pouvoirs budgétaires augmentent également en raison de la suppression de la notion de « dépenses obligatoires » (cette part du budget, comprenant essentiellement les dépenses agricoles, ne peut pratiquement pas aujourd’hui être amendée par le Parlement). Le Conseil et le Parlement sont désormais sur un pied d’égalité dans la procédure budgétaire ; toutefois, si un accord est intervenu au sein du comité de conciliation entre les représentants du Parlement et ceux du Conseil, mais que ce dernier rejette cet accord, le Parlement peut statuer définitivement en reprenant tout ou partie des amendements qu’il avait adoptés en première lecture. Le budget de l’Union doit respecter le « cadre financier pluriannuel », fixant des plafonds par grande catégorie de dépense, qui est arrêté par le Conseil à l’unanimité avec l’approbation du Parlement.

Le nombre maximum des députés européens est porté de 750 à 751, avec un minimum de 6 sièges et un maximum de 96 sièges par État membre.

● Le Conseil européen est reconnu comme une institution de l’Union. La règle de la présidence semestrielle est abandonnée. Le Conseil européen élit à la majorité qualifiée un président pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. Ce président ne peut exercer de mandat national.

● Les règles de vote au sein du Conseil sont transformées. Le domaine du vote à la majorité qualifiée est élargi à une vingtaine de bases juridiques supplémentaires ; c’est le cas notamment pour la plupart des actes en matière de justice et d’affaires intérieures, ainsi que pour les nouvelles compétences attribuées à l’Union. En même temps, la définition de la majorité qualifiée change. Lorsque le Conseil statue sur une proposition de la Commission européenne, elle est constituée par 55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population de l’Union. En tout état de cause, une proposition est adoptée si moins de quatre États membres s’y opposent. Lorsque le Conseil ne statue pas sur proposition de la Commission, la majorité qualifiée est fixée à au moins 72 % des États membres représentant au moins 65 % de la population. Ces nouvelles règles s’appliqueront à partir du 1er novembre 2014.

Une décision du Conseil – qui ne pourra être modifiée qu’avec l’accord du Conseil européen statuant par consensus – garantit l’application de la « clause de Ioannina » selon laquelle, lorsqu’un groupe d’États est proche de constituer une minorité de blocage, la discussion doit se poursuivre afin de parvenir, dans un délai raisonnable, à une solution satisfaisante pour les deux parties.

● La composition de la Commission européenne est modifiée. Les États membres restent, en tout état de cause, traités sur un strict pied d’égalité pour la présence d’un de leurs nationaux au sein de la Commission. Jusqu’en 2014, la Commission reste composée d’un national de chaque État membre. Ensuite, le nombre de ses membres est égal aux deux tiers du nombre d’États membres ; le Conseil européen, statuant à l’unanimité, peut toutefois modifier ce chiffre.

Les modalités du choix du président de la Commission font l’objet d’une nouvelle présentation, insistant davantage sur le rôle du Parlement européen. Aux termes du nouvel article 9 D, « en tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose dans un délai d’un mois, un nouveau candidat, qui est élu par le Parlement européen selon la même procédure ». Par ailleurs, les pouvoirs du président sont renforcés : il peut désormais mettre fin aux fonctions d’un des membres de la Commission sans avoir pour cela à obtenir l’autorisation du collège des commissaires.

Les pouvoirs de la Commission pour la mise en œuvre de la législation de l’Union sont renforcés. Une directive ou un règlement peut désormais lui déléguer – sous le contrôle du Parlement et du Conseil – le pouvoir de modifier ses éléments non essentiels. Surtout, la compétence générale de la Commission pour prendre des mesures d’exécution de la législation européenne est plus nettement affirmée : c’est seulement dans des « cas spécifiques et dûment justifiés » que le Conseil peut exercer des compétences d’exécution.

● Nommé par le Conseil européen avec l’accord du président de la Commission, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité remplace à la fois le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et le commissaire européen chargé des relations extérieures ; sa compétence s’étend également à la politique de sécurité et de défense commune. Il préside le Conseil « Affaires étrangères » tout en étant de droit vice‑président de la Commission où il coordonne les différents aspects de l’action extérieure. Il dispose d’un « service européen pour l’action extérieure » composé de fonctionnaires de la Commission, du Conseil et des États membres.

Le haut représentant de l’Union a un statut à deux faces :

– il dépend du Conseil européen qui peut le démettre : c’est dans ce cadre qu’il préside le Conseil « Affaires étrangères », propose au Conseil européen et au Conseil des décisions en matière de PESC et de politique de sécurité et de défense commune (PSDC), et met en œuvre la PESC ;

– il est membre de la Commission : à ce titre, il est soumis au vote d’investiture du Parlement européen et perd sa fonction de commissaire en cas de vote par celui-ci d’une motion de censure. Par ailleurs, le haut représentant est, en tant que commissaire, soumis au principe de collégialité de la Commission : il doit s’assurer du soutien de la majorité de ses collègues pour toute initiative dans les domaines de sa compétence.

● Le rôle de la Cour de justice est largement accru, dans la mesure où elle reçoit une compétence générale dans le domaine de la justice et des affaires intérieures (JAI). Il est prévu par ailleurs de faire passer le nombre des avocats généraux de huit à onze, de manière à permettre à la Pologne, comme aux cinq autres « grands » États, de désigner un avocat général ; les cinq autres avocats généraux sont désignés tour à tour par les autres États membres.

● Le Comité des régions reçoit la possibilité de saisir la Cour de justice dans deux cas :

– pour contester la conformité d’un acte au principe de subsidiarité (cette faculté ne peut jouer que pour les actes au sujet desquels il est obligatoirement consulté) ;

– pour assurer la sauvegarde de ses propres prérogatives.

C. La mise en œuvre des compétences

Le traité de Lisbonne élargit les compétences de l’Union et, surtout, modifie profondément les conditions de leur mise en œuvre.

1. La suppression des piliers

La structure en trois « piliers » introduite par le traité de Maastricht est abolie ; de ce fait, la Communauté européenne (actuel premier « pilier ») disparaît. Ne subsiste que l’Union européenne, avec une procédure de décision de droit commun et des procédures particulières pour certains domaines (principalement les questions de politique étrangère et de défense).

L’Union est dotée de la personnalité juridique (jusqu’à présent, seule la Communauté européenne en disposait). De ce fait, elle pourra conclure des traités dans l’ensemble du champ de ses compétences (les accords internationaux conclus par les États membres doivent être compatibles avec ceux conclus par l’Union).

2. Le classement des compétences

Le traité distingue trois grandes catégories de compétences de l’Union :

– les compétences exclusives : les États membres ont pour seul rôle de mettre en œuvre les actes de l’Union, à moins qu’ils ne reçoivent une habilitation de celle‑ci pour adopter eux‑mêmes certains actes ;

– les compétences partagées : les États membres sont compétents pour tout ce que l’Union n’a pas décidé de régler elle‑même ;

– les compétences d’appui : l’Union ne peut intervenir que pour soutenir, coordonner ou compléter l’action des États membres, sans pouvoir exercer un rôle législatif ni limiter leur compétence.

Deux cas particuliers sont en position intermédiaire entre les compétences partagées et les compétences d’appui. Ce sont :

– la coordination des politiques économiques et de l’emploi : l’Union dispose d’une compétence pour définir les modalités de cette coordination ;

– la politique étrangère et de sécurité commune, dont le régime est complètement spécifique.

3. Le rôle de l'Union dans certains domaines

a) L'espace de liberté, de sécurité et de justice

Le traité élargit le champ de la coopération judiciaire en matière civile comme en matière pénale, renforce les rôles d’Europol et d’Eurojust, et prévoit la mise en place progressive d’un « système intégré de gestion des frontières extérieures ». Le Conseil peut en outre, à l’unanimité, décider de mettre en place un Parquet européen.

Surtout, les conditions d’adoption des textes dans ces matières sont revues. Alors que l’espace de liberté, de sécurité et de justice était jusqu’à présent régi en partie par des procédures intergouvernementales, il est désormais régi, sauf exception, par la procédure de droit commun où le Conseil vote à la majorité qualifiée, le Parlement européen dispose d’un pouvoir de codécision, et les actes sont soumis au contrôle de la Cour de justice. Toutefois, pour tout texte relatif à l’harmonisation pénale, un État peut demander que le Conseil européen soit saisi s’il estime que ce texte porte atteinte à des aspects fondamentaux de son système juridique.

Le traité fait de la reconnaissance mutuelle des décisions le principe de base de la coopération judiciaire, tant en matière civile qu’en matière pénale. Dans cette optique, le Conseil peut mettre en place un mécanisme d’« évaluation mutuelle » de l’application par les États membres des politiques de l’Union en matière de justice et d’affaires intérieures.

Des mécanismes particuliers facilitent le lancement de coopérations renforcées dans les domaines où les décisions continuent à être prises à l’unanimité ainsi que dans ceux où existe une clause d’appel au Conseil européen (mécanismes de « frein/accélérateur »).

b) L'action extérieure et la défense

La politique commerciale commune devient une compétence exclusive de l’Union et le vote à la majorité qualifiée est généralisé, à l’exception de deux domaines : les services culturels et audiovisuels, et les services sociaux, d’éducation et de santé.

Pour les politiques de coopération au développement et d’aide humanitaire, les mesures sont désormais adoptées, selon la procédure de droit commun, en codécision avec le Parlement européen.

La politique étrangère et de sécurité commune est profondément réformée par la mise en place d’une présidence stable du Conseil européen, par la création du haut représentant de l’Union et par l’attribution de la personnalité juridique à l’Union.

Le traité prévoit un développement important de la politique de sécurité et de défense commune, avec :

– un élargissement des missions : aux missions actuelles (dites « de Petersberg ») s’ajoutent le désarmement, le conseil en matière militaire, la stabilisation à la fin des conflits, et la lutte contre le terrorisme y compris sur le territoire d’États tiers ;

– une clause de défense mutuelle et une clause de solidarité antiterroriste ;

– le lancement d’une « coopération structurée permanente » entre les États qui souscrivent certains engagements (participation à des programmes d’équipement, mise à disposition de forces) ;

– la création d’une agence d’armement, l’« Agence européenne de défense » (déjà mise en place par anticipation).

c) La gouvernance économique et sociale

Les évolutions dans ce domaine concernent notamment :

– l’attribution de nouvelles compétences à l’Union en matière de santé publique, d’espace, de recherche, d’énergie, de protection civile, de tourisme, de sport ;

– la mise en place d’une organisation spécifique de la zone euro : le Conseil « Ecofin » reste le seul lieu où se prennent les décisions relatives à l’union économique et monétaire, mais, pour les mesures de coordination des disciplines budgétaires et des politiques économiques propres aux États membres dont la monnaie est l’euro, seuls les représentants de ces États prennent part au vote ;

– les services d’intérêt général : une législation européenne pourra définir les principes et conditions, notamment économiques et financières, leur permettant d’accomplir leurs missions ;

– l’introduction d’une clause sociale générale pour les politiques de l’Union, et l’institutionnalisation du « sommet tripartite » avec les partenaires sociaux.

En outre, la Charte des droits fondamentaux, désormais contraignante, contient de nombreuses dispositions relatives aux droits sociaux (articles 27 à 38 de la Charte).

D. Les possibilités d'adaptation des traités

Une des particularités du traité de Lisbonne tient à la multiplication des éléments de souplesse qui y sont introduits. Un certain nombre de dispositions spécifiques permettent en effet une adaptation des traités sans qu’il soit nécessaire d’engager une procédure de révision.

1. La clause de flexibilité pour l'étendue des compétences de l'Union

Selon cette clause, lorsque, dans le cadre d’une des politiques prévues par les traités, une mesure paraît nécessaire pour atteindre l’un des objectifs visés par les traités et que ceux-ci ne prévoient pas le pouvoir d’action correspondant, le Conseil statuant à l’unanimité peut prendre cette mesure en accord avec le Parlement européen. Une clause de ce type a toujours figuré dans les traités européens, mais son objet était limité aux « mesures nécessaires pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l’un des objets de la Communauté ».

2. Les "clauses passerelles"

Lorsque, dans le cadre des politiques communes, il est prévu que le Conseil des ministres décide à l’unanimité, le Conseil européen statuant à l’unanimité peut autoriser le passage au vote à la majorité qualifiée (sauf dans le cas des décisions ayant des implications militaires ou relevant du domaine de la défense). De même, lorsqu’une procédure législative spéciale est prévue (cas où le Parlement européen n’a pas le pouvoir de codécision), le Conseil européen statuant à l’unanimité peut décider que la procédure législative ordinaire (codécision) s’appliquera. Le recours à une clause passerelle est notifié aux parlements nationaux. La décision ne peut entrer en vigueur que si aucun parlement national n’a fait connaître son opposition dans un délai de six mois.

En outre, dans certains domaines particuliers, le Conseil européen ou le Conseil des ministres peut, à l’unanimité, décider d’appliquer le vote à la majorité qualifiée ou la procédure législative ordinaire, sans que les parlements nationaux aient un droit d’objection. Ces domaines sont : le cadre financier pluriannuel de l’Union ; certaines mesures concernant la politique sociale, l’environnement, la coopération judiciaire en matière de droit de la famille ; certains décisions de politique étrangère.

3. Les coopérations renforcées

Les coopérations renforcées sont l’utilisation des institutions de l’Union par une partie des États membres qui prennent des décisions applicables à eux seuls. Dans l’ensemble, les règles prévues par le traité sont voisines de celles figurant dans le traité de Nice, mais des possibilités nouvelles apparaissent.

Comme dans le traité de Nice, les coopérations renforcées ne peuvent être lancées qu’en dernier ressort et doivent associer au moins neuf des États membres (et non plus huit). L’autorisation de lancer la coopération renforcée est accordée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée ; la Commission et le Parlement ont un droit de veto et participent au fonctionnement de la coopération renforcée avec tous leurs membres. Dans le cas de la politique extérieure et de sécurité commune, le Parlement et la Commission sont simplement consultés, tandis que l’autorisation est accordée par le Conseil statuant à l’unanimité.

Mais le traité de Lisbonne apporte des éléments novateurs. Tout d’abord, dans le cadre d’une coopération renforcée, les membres du Conseil représentant les États membres participant à cette coopération renforcée peuvent, à l’unanimité, décider de recourir aux « clauses passerelles ».

Ensuite, une formule particulière est prévue pour la défense, sous le nom de « coopération structurée ». Peuvent participer tous les États membres acceptant les engagements précisés dans un protocole annexé à la Constitution. Le lancement est autorisé par le Conseil statuant à la majorité qualifiée.

Enfin, et surtout, le mécanisme du « frein/accélérateur » facilite le recours aux coopérations renforcées en matière de justice et d’affaires intérieures.

4. Les souplesses institutionnelles

Certaines règles relatives aux institutions peuvent désormais être modifiées sans révision des traités. Il en est ainsi :

– du nombre des membres de la Commission ; le Conseil européen statuant à l’unanimité peut retenir un autre nombre que celui retenu par les traités (à savoir deux tiers du nombre des États membres) ;

– de la répartition des sièges au Parlement européen entre les États membres : elle est désormais fixée par accord entre le Parlement européen et le Conseil européen statuant à l’unanimité ;

– des règles de composition du Comité des régions et du Comité économique et social, désormais fixées par une décision du Conseil statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission.

E. Le rôle des parlements nationaux

Le traité de Lisbonne met en place trois formes nouvelles d’intervention des parlements nationaux dans le fonctionnement de l’Union :

1. Le contrôle de subsidiarité

Le mécanisme comprend trois étapes :

– dans un délai de huit semaines à compter de la transmission d’un projet d’acte législatif, toute chambre d’un parlement national peut adresser aux institutions de l’Union un « avis motivé » exposant les raisons pour lesquelles elle estime que ce texte ne respecte pas le principe de subsidiarité. Les institutions de l’Union « tiennent compte » des avis motivés qui leur sont adressés. Lorsqu’un tiers des parlements nationaux ont adressé un avis motivé, le projet doit être réexaminé (pour les textes relatifs à la coopération policière et à la coopération judiciaire en matière pénale, ce seuil est abaissé à un quart). Pour l’application de cette règle, chaque parlement national dispose de deux voix ; dans un système bicaméral, chaque chambre dispose d’une voix ;

– si un projet d’acte législatif est contesté à la majorité simple des voix attribuées aux parlements nationaux et si la Commission décide de le maintenir, le Conseil et le parlement doivent se prononcer sur la compatibilité de ce projet avec le principe de subsidiarité ; si le Conseil (à la majorité de 55 % de ses membres) ou le Parlement (à la majorité simple) donne une réponse négative, le projet est écarté ;

– après l’adoption d’un texte, la Cour de justice peut être saisie par un État membre d’un recours pour violation du principe de subsidiarité émanant d’un parlement national ou d’une chambre de celui‑ci. Le recours est toujours formellement présenté par le gouvernement d’un État membre, mais le protocole ouvre la possibilité qu’il soit simplement « transmis » par ce gouvernement, l’auteur véritable du recours étant le parlement national ou une chambre de celui‑ci.

2. Les procédures de révision simplifiées

● Les dispositions du traité concernant les « politiques internes » (toutes celles qui ne concernent pas l’action extérieure de l’Union) peuvent être modifiées sans avoir à convoquer formellement une Conférence intergouvernementale. La décision relève du Conseil européen statuant à l’unanimité, mais son entrée en vigueur suppose son « approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives », c’est-à-dire une approbation par chaque parlement national.

● Par ailleurs, chaque parlement national dispose d’un droit d’opposition en cas d’utilisation d’une « clause passerelle » (voir plus haut page 31).

3. L'espace de liberté, de sécurité et de justice

Plusieurs dispositions concernent l’association des parlements nationaux à la mise en place de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Il est prévu :

– que « les parlements nationaux sont informés de la teneur et des résultats » de l’évaluation de la mise en œuvre, par les autorités des États membres, des politiques de l’Union en matière d’espace de liberté, de sécurité et de justice ;

– que « les parlements nationaux sont tenus informés des travaux » du comité permanent chargé de favoriser la coordination entre les autorités des États membres en matière de sécurité intérieure ;

– que les parlements nationaux sont associés « à l’évaluation des activités d’Eurojust » et au « contrôle des activités d’Europol ».

En outre, les parlements nationaux ont un droit d’opposition (comme dans le cas des « clauses passerelles ») lorsque le Conseil détermine la liste des aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontalière (et donc sur lesquels l’Union peut légiférer).