Rendre plus transparent le régime des Stock-options
Une préconisation formulée par le Sénat depuis 1995
Le monde politique et médiatique s’offusque devant l’importance des plus-values (encore latentes) réalisées par l’ex-PDG d’Elf, Philippe Jaffré au titre de ses stock-options. Tout le monde semble brutalement réaliser qu’une plus grande transparence est nécessaire.
C’est oublier, une fois de plus, que le Sénat a depuis longtemps tenté d’appeler l’attention des gouvernants sur la nécessité de rendre plus transparent le régime des stock-options.
Ainsi, dès le printemps 1995, la commission des finances publiait un rapport d'information du groupe de travail Arthuis-Marini-Loridant dont les conclusions étaient triples :
- les abus du système des stock-options sont réels, même si rien ne permet de prétendre qu'ils constituent la pratique majoritaire ;
- les avantages - sociaux et fiscaux - du régime des stock-options sont parfaitement justifiés, compte tenu à la fois de leur grand intérêt pour les entreprises et du contexte de forte pression fiscale et sociale propre à la France ;
- il est nécessaire d'introduire une plus grande transparence dans le système des stock-options, pour prévenir les abus qui risquent de le discréditer.
En juin 1995, suite à une question orale de M. Marini, le ministre de l'Economie et des finances, M. Madelin, s'engage à mettre en oeuvre rapidement une réforme inspirée des propositions du rapport d'information.
En septembre 1995, M. Marini dépose une proposition de loi tendant à améliorer l'information des actionnaires et à prévenir les délits d'initiés en matière d'options de souscription ou d'achat d'actions.
Au printemps 1996, dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier (DDOEF), le Parlement adopte, à l’initiative de la commission des finances du Sénat, une disposition tendant à obliger les groupes de société à consolider l'information des actionnaires et à interdire l’attribution d’options pendant certaines périodes sensibles au regard du délit d’initié (fenêtres d'attribution négatives).
A l’automne 1997, dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 1998 qui institue les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) pour les sociétés de moins de 7 ans, la commission des finances propose au Sénat de rétablir le taux d'imposition de droit commun de 16 % pour la plus-value d’acquisition réalisée lors de la levée d’option. Ce taux avait été deux ans plus tôt, porté à 30 % par la loi de finances pour 1996 ce qui avait réduit assez sensiblement l’intérêt des stock-options.
Cette proposition est réitérée à l’occasion du projet de loi de finances pour 1999 qui étend les BSPCE aux sociétés de moins de 15 ans.
Enfin, en février 1999, dans le cadre du projet de loi relatif à la recherche et à l’innovation, le Sénat, sur proposition de sa commission des finances, rétablit le volet relatif aux stock-options retiré du projet de loi à la demande du Conseil d’Etat. Il en profite pour renforcer la transparence du système sur les trois points suivants :
– obligation est faite à l’assemblée générale extraordinaire, qui autorise la mise en place des plans d’options, de préciser les conditions dans lesquelles les actionnaires sont informés chaque année des attributions nominatives d’options. Cette information nominative devra porter, au minimum, sur les options consenties aux mandataires sociaux ainsi qu’aux dix salariés qui en sont les premiers bénéficiaires ;
– suppression de la possibilité de consentir un rabais, qui peut actuellement aller jusqu'à 20 %, sur le prix des options par rapport au cours des actions ;
– définition de périodes sensibles durant lesquelles le conseil d’administration ne peut pas attribuer d’options, afin de prévenir les délits d’initiés (" fenêtres négatives ").
En contrepartie, le Sénat propose de revenir à un régime fiscal et social des plans d’options réellement incitatif en soumettant le triple mécanisme suivant :
– raccourcissement de cinq à trois ans du délai d’indisponibilité fiscale entre l’attribution des options et la cession des actions, qui doit être respecté afin de bénéficier des règles d’imposition les plus favorables ;
– rétablissement du taux d’imposition de droit commun de 16 % lorsqu’un délai de portage d’un an est respecté entre la levée de l’option et la cession des actions. A défaut, le taux majoré de 30 % instauré en 1996 reste applicable ;
– retour à la situation d’exonération de cotisations sociales antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, les diverses contributions sociales de droit commun restant dues à hauteur de 10 % (CSG, CRDS, prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine).
Ces propositions n’ont malheureusement pas été reprises par les députés qui aujourd’hui poussent des cris d’orfraie en apprenant le montant des plus-values réalisées par Philippe Jaffré...
Au total, si les recommandations de plus grande transparence formulées dès 1995 par la commission des finances avaient été écoutées, le régime fiscal et social des stock options ne se trouverait probablement pas une nouvelle fois au centre d’un débat politicien, assurément dommageable à la prise de risques et à l’esprit d’entreprise dans notre pays.