
Les peines prononcées par les juridictions pénales, qu'il s'agisse notamment de peines d'emprisonnement ou d'amende, n'apparaissent pas, dans un nombre élevé de situations, exécutées dans des conditions qui permettent d'assurer l'exemplarité de la peine et la protection de la société. L’exécution des peines peut en effet intervenir tardivement ou prendre des formes qui ne sont pas suffisamment adaptées à la personnalité de l’auteur.
Cette dichotomie affaiblit la réponse pénale et suscite l'incompréhension des citoyens.
- L'Essentiel
- Le communiqué de presse (1er octobre 2025)
- Le rapport
Pourquoi ce contrôle ?
Alors que l’exécution des peines constitue un enjeu majeur de politique pénale, elle souffre de carences alarmantes dont attestent, par exemple, la surpopulation carcérale ou le niveau élevé de la récidive pour certaines infractions. En dépit de nombreux travaux parlementaires antérieurs, la situation demeure, dans l’ensemble, préoccupante.
Certes, le niveau d’exécution des peines apparaît satisfaisant en première analyse, dans la mesure où 92 % des peines d’emprisonnement ferme prononcées par un tribunal correctionnel à l’égard d’un majeur sont exécutées sous cinq ans. Cependant, cette appréciation générale cache de grandes disparités. Le taux d’exécution immédiate des peines ne s’élève ainsi qu’à 55 % et est très variable selon les procédures.
Il atteint par exemple 87 % pour les peines prononcées à l’issue d’une procédure de comparution immédiate, mais s’effondre à 21 % pour celles qui découlent d’une procédure initiée par une convocation par officier de police judiciaire.
Cette situation conduit certains à s'interroger sur la « perte de sens » de la peine, qui s’écarterait de sa vocation réparatrice et ne permettrait plus de réinsérer les auteurs dans la société.
Quels constats et recommandations ?
À l’issue de ses travaux, la mission constate que l’exécution des peines demeure un maillon sinistré de la chaîne pénale, en dépit de nombreuses initiatives législatives. L’empilement de réformes partielles et parfois contradictoires a ainsi rendu le droit illisible et son application difficile, pour les justiciables mais également pour les magistrats. Cette complexité accentue le décalage entre les peines encourues, celles effectivement prononcées et leur exécution réelle, alimentant un sentiment de « laxisme » au sein de la population, alors même que la France figure parmi les pays européens qui recourent le plus à l’incarcération.
Les peines alternatives, pourtant conçues pour limiter les effets désocialisants de l’emprisonnement, restent insuffisamment utilisées et peu crédibles, en raison de leur lenteur d’exécution, de la faiblesse des obligations qu’elles comportent et d’un contrôle trop limité. La réinsertion, dont il est attendu d’elle qu’elle soit au cœur de la peine, demeure fragilisée par le manque de moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation et par des difficultés persistantes d’accès aux soins, notamment en matière de santé mentale. La surpopulation carcérale, aggravée par des mécanismes automatiques de libération ou d’aménagement de peine, prive par ailleurs la détention de toute vocation constructive.
Enfin, les mineurs condamnés pâtissent d’un suivi lacunaire, faute d’outils fiables et de structures adaptées. Les dispositifs existants ne permettent pas d’assurer un accompagnement éducatif et judiciaire suffisamment individualisé, ni de garantir la continuité du suivi entre le milieu ouvert et le milieu fermé. Cette carence fragilise la prévention de la récidive et prive trop souvent ces jeunes d’une véritable chance de réinsertion.
Ces constats conduisent la mission à préconiser un véritable changement de paradigme, via cinq axes déclinant vingt propositions, parmi lesquelles :
réaffirmer le sens de la peine auprès des condamnés et de la société, par la suppression du caractère obligatoire des aménagements ab initio pour les courtes peines et la réintroduction de la possibilité, pour le juge du fond et sous certaines conditions (public jeune ou bien inséré ; établissements dédiés), de prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois ;
replacer la réinsertion au cœur du dispositif, grâce au renforcement des moyens des services d’insertion et de probation et à l’amélioration de l’accès aux soins en détention ;
juguler la surpopulation carcérale, par la création d’une peine autonome de probation mieux adaptée aux profils les plus désocialisés et l’abandon des dispositifs automatiques de libération sous contrainte au profit d’évaluations individualisées ;
garantir l’exécution rapide et effective des sanctions, en modernisant les voies de signification des jugements et en développant une véritable culture de l’exécution des peines au sein des forces de sécurité intérieure ;
assurer un traitement adapté des mineurs, par le renforcement de leur suivi éducatif et judiciaire, afin de garantir des réponses conformes à leur âge, à leur personnalité et à leur parcours.