Les développements de la science et de la technique ont depuis longtemps un impact sur la société qui dépasse le seul champ de leurs applications. La science n’est pas que pure spéculation, la technique n’est pas que maîtrise du réel ; les deux sont porteuses de valeurs, d’une vision du monde, et se rejoignent dans un principe d’action qui ne peut laisser indifférentes les institutions politiques. Cette dimension prend un relief particulier dans les sociétés démocratiques, où les choix collectifs doivent faire l’objet de processus publics et délibératifs.

Une prise de conscience généralisée dans le monde industrialisé des années 1970, ainsi que le contexte propre à la France du début des années 1980 ont amené le Parlement à vouloir disposer d’un organe d’évaluation qui lui soit propre. À la suite de débats politiques et sociétaux tels ceux concernant les orientations du programme spatial, le Plan câble et, surtout, le programme électronucléaire, le Parlement avait en effet constaté qu’il n'était pas en mesure d’apprécier en toute indépendance les décisions du Gouvernement sur les grandes orientations de la politique scientifique et technologique.

C’est pourquoi la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983, adoptée par un vote unanime de chaque assemblée, a créé l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et lui a confié la mission « d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d’éclairer ses décisions ». À cet effet, l’Office « recueille des informations, met en œuvre des programmes d’études et procède à des évaluations ».

Un organe parlementaire original

L’Office est une délégation parlementaire, c’est-à-dire un organe collégial qui n’intervient pas directement dans l’élaboration de la loi, à la différence des commissions permanentes.

Un organe bicaméral

Cette délégation est originale au sein du Parlement puisqu’elle est commune à l’Assemblée nationale et au Sénat et qu’elle fonctionne selon un principe d’équilibre entre ces deux assemblées. D’une part, l’OPECST est composé de 18 députés et 18 sénateurs, qui sont désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques. D’autre part, la présidence de l’OPECST est assurée alternativement par un membre de l’Assemblée nationale ou du Sénat, pour une durée de trois ans, et la loi prévoit l’existence d’un premier vice-président, qui doit appartenir à l’autre assemblée.

Un organe épaulé par un conseil scientifique

L’OPECST est assisté d’un conseil scientifique dont la composition reflète la diversité des champs scientifiques et technologiques. Le conseil scientifique est constitué de 24 personnalités de haut niveau désignées par la délégation en raison de leur compétence. Il peut être convoqué par le président de l’OPECST chaque fois qu’il l’estime nécessaire ; ces réunions plénières permettent d’échanger sur des sujets d’actualité ou prospectifs. Par ailleurs, les rapporteurs de l’Office font souvent appel à l’expertise des membres du conseil scientifique les plus directement concernés par leurs travaux.

Une activité soutenue qui prend des formes variées

De très nombreux thèmes d’étude

Depuis la création de l’OPECST, 240 rapports ont été publiés, abordant des sujets extrêmement variés, comme l’évolution du secteur de la micro/nanoélectronique, les risques pour la santé humaine de substances chimiques d’usage courant, les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap, l’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques, les nouvelles techniques de sélection végétale, les enjeux technologiques des blockchains, l’expertise des risques sanitaires et environnementaux par les agences nationales et européennes, l’hésitation vaccinale ou l’arrêt de la commercialisation des véhicules thermiques en 2040.

Certains sujets ont été étudiés à plusieurs reprises (contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires, évolution du secteur des semi-conducteurs, biotechnologies, etc.), ce qui a permis à l’OPECST de suivre la mise en œuvre de ses recommandations.

Les études sur saisine

L’OPECST peut être saisi par une commission spéciale ou permanente ou bien par le Bureau de l’une des deux assemblées, à l’initiative de celui-ci, à la demande d’un président de groupe politique, ou à la demande de soixante députés ou de quarante sénateurs.
Toute saisine donne lieu à la nomination de rapporteurs choisis exclusivement au sein de l’Office, le plus souvent un duo représentatif d’une triple mixité : un député, un sénateur ; une femme, un homme ; un membre de la majorité, un membre de l’opposition.

Les évaluations prévues par la loi

L’OPECST procède également à des évaluations prévues par diverses lois. Ces évaluations peuvent porter :

  • ponctuellement, sur des sujets déterminés, comme la valorisation de la recherche (loi de programme sur la recherche de 2006) ou l’état des recherches sur les cellules souches embryonnaires et les cellules souches adultes (loi « Bioéthique » de 2004) ;
  • sur des documents précis : l’OPECST sera ainsi amené à se prononcer sur toute demande d’autorisation de création d’un centre de stockage profond de déchets nucléaires ;
  • sur des documents programmatiques, comme le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (loi de 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs) ou la Stratégie nationale de recherche (loi de 2013 sur la recherche) ;
  • sur l’application de la loi, comme la bioéthique (lois de 1994, 2004, 2011 et 2021).

Les évaluations sont réalisées, comme les études et selon les mêmes modalités, par des rapporteurs nommés par l’OPECST en son sein.

Les auditions publiques d’actualité

Lorsqu’un fait d’actualité touchant à un sujet scientifique ou technologique fait débat ou suscite une demande d’éclairage de la part du Parlement, l’OPECST peut organiser une audition collective et contradictoire des parties prenantes : représentants concernés de la communauté scientifique et technologique, autorités, associations et collectifs de citoyens, etc. Les auditions publiques d’actualité sont ouvertes à la presse et diffusées en direct sur le portail vidéo de l’assemblée où elles se tiennent.

Une audition publique d’actualité peut aussi être organisée pour faire un bilan des évolutions intervenues depuis la publication d’un précédent rapport de l’Office.

À la suite d’une audition publique d’actualité, les membres de l’Office qui ont présidé les débats présentent devant la délégation les conclusions qu’ils en tirent. Le compte rendu de la délibération de l’OPECST est joint aux actes de l’audition publique, qui sont publiés sous forme de rapport parlementaire.

Les notes scientifiques

Afin d’éclairer plus rapidement la décision publique, l’OPECST a développé depuis 2018 un nouveau mode de travail. Aux études de plusieurs centaines de pages réalisées en six à dix-huit mois, s’ajoutent désormais des « notes scientifiques », réalisées en quelques semaines, dans un format de quatre pages facile à lire et complété par des annexes. Ces notes visent à présenter une synthèse pédagogique de l’état de l’art sur un sujet scientifique ou technologique d’actualité : son contexte, les enjeux, les mesures mises en œuvre, le bilan des résultats déjà obtenus et les pistes de recherche. Après son adoption par l’Office, le rapporteur la présente sous la forme d’une courte vidéo diffusée sur le portail internet de l’Office.

Trente-trois notes ont été publiées pendant la XVe législature, sur des sujets aussi divers que l’impression 3D, le stockage du carbone, les enjeux sanitaires et environnementaux de l’huile de palme, les lanceurs spatiaux réutilisables, la phagothérapie, le biomimétisme, les équilibres psychosociaux à l’épreuve de la Covid-19, le stockage de données sous forme d’ADN ou le microbiote intestinal.

Des rapports pris en charge par les parlementaires de l’OPECST, donc avec une vraie dimension politique

Des informations recueillies sur un très large spectre

Une fois désignés, les rapporteurs procèdent à des auditions conduites sous forme d’entretiens, par lesquelles ils sollicitent des informations, des analyses et des avis auprès de personnalités scientifiques ou de représentants d’organismes publics, d’entreprises, d’associations, d’administrations ou d’agences. Leur travail s’appuie également sur le recueil d’une documentation fouillée.

Les rapporteurs peuvent décider que certaines de ces auditions prennent la forme d’auditions publiques. Leur compte rendu est alors annexé au rapport.
Ils peuvent effectuer des déplacements en France ou à l’étranger en vue de recueillir sur des sites pertinents (laboratoires, entreprises, administrations, etc.) une information de première main.

Pendant toute la durée de l’étude, les rapporteurs sont assistés d'un fonctionnaire parlementaire ou d’un conseiller scientifique. Pour éclairer la conduite de leurs travaux, ils peuvent mettre en place un groupe de travail, ou « comité de pilotage », composé de personnalités compétentes. Ils peuvent également engager des experts ou des bureaux d'étude, français ou étrangers, pour procéder à des investigations et pour mener des études sur des points particuliers.

Des pouvoirs d’investigation potentiellement étendus

La loi donne aux rapporteurs de l’OPECST des pouvoirs identiques à ceux des rapporteurs spéciaux des commissions parlementaires chargées des finances. Ils peuvent donc procéder à des contrôles sur pièces et sur place dans tous les organismes dépendant de l’État et se faire communiquer tous les documents de service, à l’exception de ceux concernant la défense nationale ou la sécurité de l’État. Ainsi, deux rapporteurs ont effectué en 2011 deux visites inopinées de centrales nucléaires.

En cas de difficultés dans l’exercice de sa mission, l’Office peut demander, pour une durée n’excédant pas six mois, à bénéficier des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête parlementaires. Cette possibilité n’a jamais été mise en œuvre, l’autorité naturelle de l’OPECST étant désormais bien établie.

L’élaboration et la publication du rapport

Les rapports de l’Office ne sont pas une simple juxtaposition des points de vue exprimés par les experts. Les rapporteurs s’approprient les informations rassemblées et développent sur cette base leurs propres analyses en essayant de prendre en compte au mieux les différents aspects du sujet, pour apporter l’éclairage le plus complet possible.

À l’issue de leur étude, ils soumettent leurs conclusions et leurs recommandations – souvent présentées de façon à être directement utilisables pour le travail législatif ou pour la discussion budgétaire – à une délibération de l’Office. Celle-ci se termine par un vote sur l’autorisation de publier le rapport. Les décisions de l’OPECST sont prises le plus souvent à l’unanimité.
Les rapports dont l’Office autorise la publication sont déposés sur le bureau de chaque assemblée. Ils forment une collection spécifique dans l’ensemble des rapports parlementaires et sont consultables sur le site Internet de chaque assemblée.

L’OPECST, une passerelle entre le monde politique et le monde scientifique

Les relations avec les organismes scientifiques

L’OPECST a été conduit, dans le cadre des fonctions de contrôle et d’évaluation du Parlement, à développer des relations étroites avec les acteurs de la communauté scientifique et technologique, dont il est devenu un interlocuteur privilégié.

Certains de ces échanges réguliers sont prévus par la loi, comme la présentation des rapports annuels d’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire (loi du 13 juin 2006), de l’Agence de la biomédecine (loi du 7 juillet 2011), ou du Centre scientifique et technique du bâtiment (loi du 17 août 2015).
L’OPECST a développé depuis 2005 un partenariat avec l’Académie des sciences. Ce partenariat a été élargi en 2018 à l’Académie nationale de médecine et transformé de façon à organiser environ trois fois par an des rencontres thématiques sur des sujets scientifiques d’intérêt commun. Ont ainsi été abordés des thèmes comme la programmation de l’énergie, l’ingénierie du génome, la science participative, la robotique ou le « net zéro ».
L’Académie des technologies a souhaité formaliser un partenariat d’échanges d’informations régulier avec l’Office sur leurs travaux respectifs. Elle apporte également son concours aux travaux des rapporteurs. Chaque année, l’INSERM organise la remise d’un prix OPECST-INSERM à un chercheur qui s’est distingué dans le domaine de la valorisation de la recherche.

D’autres contacts prennent la forme de visites de laboratoires ou d’installations techniques, ou plus classiquement d’auditions. Le président de l’Office s’attache en outre à recevoir de nombreuses personnalités du monde de la science et de la technologie ; de plus en plus souvent, ces entretiens sont ouverts à l’ensemble des membres de l’Office.

Plusieurs lois impliquent l’OPECST dans la désignation de parlementaires ou de personnalités qualifiées au sein d’instances scientifiques, voire prévoient la présence directe du président ou d’un ou plusieurs membres de l’Office dans leurs organes de direction.

Les activités internationales

L’OPECST contribue à la démarche d’ouverture du Parlement aux savoirs et aux bonnes pratiques des pays étrangers. Les déplacements de rapporteurs dans des pays étrangers sont souvent l’occasion d’établir ou de renforcer des liens avec des organes parlementaires actifs dans le champ de la science et de la technique.

Par ailleurs, l’OPECST est un membre actif de l’European Parliamentary Technology Assessment (EPTA), club informel des organismes européens chargés de conduire les évaluations scientifiques et technologiques pour les parlements nationaux et le Parlement européen ; l’Assemblée nationale en a accueilli les travaux lors d’un colloque en septembre 2008 marquant la présidence française de l’Union européenne, puis en septembre 2015, à l’occasion de la présidence française de l’EPTA. Les partenaires européens de l’EPTA sont souvent sollicités pour recueillir l’éclairage national de leur pays sur les sujets traités dans le cadre des travaux de l’OPECST.

Enfin, l’Office reçoit des délégations étrangères venues échanger sur l’expérience française dans son champ de compétences.