COM (2012) 48 final  du 10/02/2012

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)

Examen : 01/03/2012 (commission des affaires européennes)
Réponse de la Commission européenne

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : n° 458 (2011-2012) : voir le dossier legislatif


Questions sociales et santé

Information du public sur les médicaments de prescription

Communication de M. André Gattolin
et proposition de résolution portant avis motivé

(Réunion du 1er mars 2012)

M. Simon Sutour, président. - Avant de confier la parole à André Gattolin, je tiens à vous informer que j'ai adressé au nom de notre commission nos voeux de prompt rétablissement à notre collègue Jean-Louis Lorrain, qui est normalement le spécialiste de ces questions.

M. André Gattolin. - Au cours de sa réunion du 16 février, le groupe de travail « subsidiarité » a estimé que les propositions de directive et de règlement relatives à l'information du public sur les médicaments soumis à prescription médicale présentait des risques de non-conformité au principe de subsidiarité.

Ces textes ont été présentés par la Commission le 10 février 2012, mais il s'agit de propositions de directive et de règlement modifiées. Les premières propositions de la Commission sur ce sujet datent en réalité de 2008. Bloquées au Conseil en raison de l'opposition d'une majorité d'États membres, elles ont néanmoins fait l'objet, en novembre 2010, d'une lecture au Parlement européen, qui, à travers de nombreux amendements, est parvenu à améliorer le dispositif. Les propositions modifiées que nous examinons aujourd'hui s'appuient très largement sur le texte du Parlement.

Le projet de la Commission européenne est de permettre aux laboratoires pharmaceutiques de communiquer au public des informations sur les médicaments soumis à prescription médicale, ceci afin, selon elle, d'améliorer l'information des patients et d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur des médicaments à usage humain.

Cette initiative, même si la Commission s'en défend, fait craindre pour beaucoup une levée partielle ou dissimulée de l'interdiction de la publicité sur les médicaments de prescription.

Je rappelle que la publicité - au sens commercial du terme et non celui de « rendre public » - sur les médicaments de prescription est interdite partout dans le monde, sauf aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. On en connaît les dangers principaux : une surconsommation médicamenteuse qui multiplie les risques d'usage inapproprié, d'effets indésirables et qui se traduit également par une pression exercée sur le personnel de santé ; et un surcoût pour les systèmes de santé.

Les règles en vigueur dans l'Union européenne interdisent la publicité pour les médicaments uniquement délivrés sur prescription médicale. Seule est autorisée, selon des règles strictes, la publicité pour les médicaments qui relèvent de l'automédication. En France, la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament, qui a fait suite au scandale du Mediator, a confirmé ces principes et encadré plus sévèrement d'autres formes de publicité autorisées. Des progrès importants restent toutefois encore à accomplir en ce qui concerne la publicité destinée aux professionnels dans le cadre de la visite médicale.

Les propositions de la Commission ne reviennent pas sur le principe de l'interdiction de la publicité pour les médicaments de prescription. Toutefois, elles autorisent les firmes pharmaceutiques à diffuser auprès du grand public un certain nombre d'informations qualifiées d'objectives et de non promotionnelles : par exemple, le résumé des caractéristiques du produit (RCP), les mentions figurant sur l'étiquette et dans la notice, mais aussi des informations sur le prix, les précautions d'emploi, l'impact environnemental, etc.

En procédant ainsi, la Commission européenne crée de la confusion car elle ne définit pas, par ailleurs, clairement les notions de publicité et d'information. De plus, nous serons d'accord pour dire qu'il est étrange de vouloir confier la tâche d'informer le public sur les médicaments de prescription à ceux qui les vendent. Il faut dire que l'initiative de ces textes doit beaucoup à l'industrie pharmaceutique. Même si le Parlement européen a rétabli quelque peu l'équilibre, ces textes demeurent marqués par leur objectif initial. Ces questions vont donner lieu encore, je le crois, à de longs débats au sein du Conseil.

Je ne m'étendrai pas davantage sur le fond pour me concentrer à présent sur les problèmes liés au respect du principe de subsidiarité que soulèvent ces propositions contestables. Je vous propose de mettre en avant deux arguments.

Le premier a trait à la charge administrative et financière que fera peser sur les États membres la mise en oeuvre du contrôle des informations mises à disposition par les laboratoires.

Il est prévu de limiter les moyens de communication des informations aux sites Internet et à de la documentation imprimée. La Commission a repris le principe voté par les députés européens de la nécessité d'un contrôle des informations avant leur diffusion sur ces supports. La responsabilité de ce contrôle a priori reposera à la fois sur l'Agence européenne du médicament (EMA) et sur les agences de santé nationales, mais ces dernières, en pratique, auront la plus grande part, notamment pour valider les informations ne relevant pas de l'autorisation de mise sur le marché (AMM).

A ce contrôle a priori s'ajoutera, après mise à disposition des informations, une obligation de « surveillance ultérieure » qui, elle, incombera uniquement aux États membres.

De nombreux États, dont la France, ont fait valoir que ces dispositions entraîneraient une augmentation importante des charges administratives et financières. Je n'ai pas pu obtenir une estimation précise de la part du Gouvernement ou de l'Afssaps, mais j'ai reçu hier soir un courrier du directeur général de cette agence me confirmant que les moyens dont il dispose, tant en volume qu'en spécialisation du personnel, ne lui permettent pas d'assurer ce contrôle. Pour les tâches qui lui reviendront, l'agence européenne devrait, quant à elle, dépenser 3 millions d'euros la première année puis 2,5 millions les années suivantes.

Pour minimiser l'impact budgétaire, la Commission avance que ces dépenses devraient être couvertes en grande partie par des redevances que verseront les laboratoires. Mais cet argument ne fait que renforcer la suspicion à l'égard du projet car cela met grandement en doute l'indépendance du contrôle de l'agence européenne, dont la réputation a déjà été entâchée par des problèmes de conflits d'intérêt. L'exemple le plus récent concerne son ancien directeur exécutif qui avait choisi d'exercer des activités de conseil auprès d'entreprises pharmaceutiques, dès l'issue de son mandat en 2010, sans respecter un délai de viduité de deux ans. Je rappelle également que l'OLAF, l'office européen anti-fraude, enquête toujours sur les conflits d'intérêt éventuels au sein de l'agence en relation avec l'affaire du Mediator. L'amélioration de la transparence au sein de l'EMA doit être un des axes de la politique européenne du médicament. En France, la loi de décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament offre désormais des règles permettant de juguler les liens entre la prise de décision publique et les laboratoires pharmaceutiques.

La question de l'impact en termes de coûts sur les États membres des propositions de la Commission me semble de nature à porter atteinte au principe de subsidiarité, dans la mesure où le projet en tant que tel présente une plus-value très faible voire nulle pour les patients. En effet, le cadre réglementaire européen actuel permet déjà aux firmes pharmaceutiques de mettre à disposition les informations officielles relatives à leurs produits, par exemple en renvoyant vers les sites Internet des agences du médicament, où ces informations doivent être accessibles. De plus, il a été décidé en décembre 2010, dans le cadre de la directive « pharmacovigilance », de créer un portail web européen afin de diffuser des informations sur les médicaments et leurs effets secondaires avérés.

J'estime qu'il est contraire à la subsidiarité de créer à l'échelon européen des obligations coûteuses pour les États sans qu'il y ait en regard un avantage pour les citoyens. Pour qu'une intervention européenne soit justifiée, il faut qu'elle apporte une plus-value : c'est l'esprit même de la subsidiarité.

Le second problème concerne la possibilité accordée à la Commission européenne de garantir par la voie d'actes d'exécution la qualité de l'information relative aux médicaments de prescription.

La proposition de directive prévoit en effet une série de critères de qualité de l'information mais ceux-ci sont très généraux : les informations devront être objectives, impartiales, fiables, non trompeuses, parfaitement lisibles, fondées sur des preuves et être vérifiables, etc. Au-delà, toute latitude est laissée à la Commission pour apprécier dans le détail ce qui, en réalité, relève de l'information et de la publicité.

Il me semble délicat de confier à la Commission cette tâche alors que la distinction entre information et publicité est un sujet éminemment sensible pour les États, que les propositions de la Commission par ailleurs sont loin de clarifier. En l'état actuel des choses, dessaisir complètement les États en cette matière, c'est contrevenir au principe de subsidiarité. En l'absence de règles claires et précises, acceptées par l'ensemble des États permettant de distinguer information et publicité, le respect du principe de subsidiarité commande de conserver aux États leurs prérogatives pour juger de la qualité des informations mises à disposition par les firmes pharmaceutiques.

Voilà les motifs pour lesquels je vous propose d'adopter la proposition d'avis motivé qui vous a été transmise.

Pour prolonger mon propos, davantage sur le fond de ces propositions, je tiens à souligner qu'il est regrettable que certains amendements votés par le Parlement européen n'aient pas été repris par la Commission. Ils mettaient notamment en lumière l'absence d'un portail d'ensemble. Internet a beaucoup évolué depuis la présentation des premières propositions de la Commission en 2008. Si les industriels assurent leur promotion sur leurs sites nationaux, nous allons faire face à d'importantes difficultés.

Le Parlement européen demandait également que l'information soit présentée dans la langue officielle des Etats membres dans lesquels les médicaments sont autorisés. Avec le texte, rien n'exclut qu'un médicament commercialisé en Angleterre, mais pas en France, pourrait être promu sur Internet, en anglais et en français. Or, selon une enquête d'un laboratoire, révélée hier dans la presse, plus de sept millions de Français reconnaissent acheter des médicaments par des voies illégales, notamment sur Internet. Certains médicaments n'étant autorisés que par l'agence nationale d'un pays, et non par l'agence européenne, la diffusion de ces informations en ligne pose problème.

Autre difficulté, à mon sens, les informations mises en ligne seraient celles incluses dans la notice du médicament. Mais celle-ci n'est pas exhaustive. Elle ne comprend pas l'ensemble des effets indésirables ou des contre-indications et résulte d'une négociation entre les industriels et les autorités nationales.

M. Simon Sutour, président. - Je vous remercie pour ce travail approfondi. Vous ne pratiquez pas la langue de bois !

Mlle Sophie Joissains. - Je suis d'accord avec vous : il est très dangereux d'autoriser la diffusion d'informations sur les médicaments qui s'apparentent à de la publicité. La notice et les recherches sur le site du Vidal suffisent à l'obligation d'information.

*

La commission adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution portant avis motivé.

Proposition de résolution européenne portant avis motivé

La proposition de directive COM (2012) 48 et la proposition de règlement COM (2012) 49 s'attachent à définir un cadre juridique régissant la fourniture au public d'informations sur les médicaments soumis à prescription médicale par les entreprises pharmaceutiques, tout en maintenant le principe actuel de l'interdiction de publicité pour ces médicaments.

Ces textes prévoient que la diffusion des informations sera limitée à des sites Internet officiellement enregistrés auprès des autorités nationales compétentes et à de la documentation imprimée. Afin de garantir la qualité de l'information, ils instaurent des obligations de contrôle et de surveillance dont la charge reposera principalement sur les États membres. Les critères de qualité de l'information doivent être précisés par la voie d'actes d'exécution de la Commission.

Vu l'article 88-6 de la Constitution,

Le Sénat fait les observations suivantes :

1) En accordant la possibilité aux entreprises pharmaceutiques de diffuser directement auprès du grand public des informations sur les médicaments de prescription tout en maintenant l'interdiction de publicité, la Commission européenne crée la nécessité d'un contrôle préalable de ces informations et oblige à une surveillance continue de la part des autorités européenne et nationales compétentes. Or, une grande part de cette responsabilité reposera sur les autorités des États membres, occasionnant pour elles une charge administrative et financière importante.

Au regard de la plus-value très faible voire nulle pour le citoyen européen qu'apportent les propositions de la Commission, ces obligations coûteuses pour les États membres sont de nature à porter atteinte au principe de subsidiarité.

2) La Commission européenne, afin de garantir que les informations soumises par les entreprises pharmaceutiques seront objectives et non promotionnelles, propose d'adopter des critères de qualité généraux. Elle prévoit d'en apprécier elle-même la teneur exacte par la voie d'actes d'exécution.

Une telle disposition trouverait à s'appliquer dans un contexte où les États se seraient entendus sur une distinction claire entre ce qui relève de l'information et de la publicité. Or, c'est un sujet sur lequel les États ne parviennent pas à s'accorder. Dans ces conditions, il ne paraît pas conforme au principe de subsidiarité de déposséder les États de leur capacité d'appréciation de la qualité des informations.

Le Sénat estime, en conséquence, que les propositions de directive et de règlement ne sont pas conformes, dans leur rédaction actuelle, à l'article 5 du traité sur l'Union européenne et au protocole n° 2 annexé à ce traité.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 22/02/2012
Examen : 11/02/2013 (commission des affaires européennes)


Questions sociales et santé

Textes E 7107 et E 7108

Information des patients sur les médicaments
soumis à prescription médicale

COM (2012) 48 final et COM (2012) 49 final

(Procédure écrite du 11 février 2013)

Les textes E 7107 et E 7108 ont été présentés par la Commission le 10 février 2012. Il s'agit de propositions de directive et de règlement modifiées, remplaçant des propositions antérieures datant de 2008, visant à faire évoluer la législation européenne relative à l'information des patients sur les médicaments soumis à prescription médicale.

Bloquées au Conseil en raison de l'opposition d'une majorité d'États membres, les propositions de 2008 ont néanmoins fait l'objet, en novembre 2010, d'une lecture au Parlement européen, qui, à travers de nombreux amendements, a fait évoluer le dispositif. Les textes E 7107 et E 7108 sont très largement inspirés du texte du Parlement.

La commission des affaires européennes s'est déjà intéressée à ces nouvelles propositions dans le cadre du contrôle du respect du principe de subsidiarité. M. André Gattolin a exposé au cours de la réunion du 1er mars 2012 les nombreuses réticences que suscitent ces textes, notamment en ce qui concerne le risque de voir émerger une publicité déguisée pour les médicaments de prescription. Le Sénat a définitivement adopté le 10 avril 2012 la proposition de résolution portant avis motivé (n°117, 2011-2012) d'André Gattolin.

A la fin du premier semestre 2012, la présidence danoise a constaté qu'il ne serait pas possible, de nouveau, d'obtenir une majorité qualifiée au Conseil pour l'adoption de ces textes. Cette conclusion n'a été contestée par aucun État membre.

La Commission européenne a pris acte de cette situation. On peut considérer que les textes E 7107 et E 7108 ne font désormais plus partie de l'agenda de la Commission même s'ils n'ont pas été retirés officiellement. La Commission n'abandonne pas pour autant le sujet de l'information des patients puisqu'elle produira cette année un rapport sur la lisibilité des notices des médicaments et travaillera à la mise en place de la base de données européenne sur les médicaments qui permettra aux patients d'avoir accès à ces notices sur Internet.

Dans ces conditions, ces textes n'appellent plus d'observation de la part de la commission.