Mardi 2 novembre 2021

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 17 heures.

Proposition de résolution tendant à a création d'une commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privé sur les politiques publiques - Désignation d'un rapporteur et examen du rapport portant avis sur la recevabilité de la proposition de résolution

La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution n° 111 (2021-2022) tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a demandé la création d'une commission d'enquête au titre de son droit de tirage sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.

Notre commission doit se prononcer sur la recevabilité de cette proposition de résolution, qui sera présentée à la Conférence des présidents de ce soir.

Ce texte respecte l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. D'une part, il n'a pas pour effet de reconstituer une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois. D'autre part, il porte sur la gestion de services publics : la commission d'enquête examinerait le rôle des acteurs du secteur privé, dont les cabinets de conseil notamment, dans la détermination et la conduite des politiques publiques. Il peut par exemple arriver que leur expertise soit requise pour élaborer les études d'impact des projets de loi.

Je vous invite donc à constater la recevabilité de cette proposition de résolution, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux.

Mme Cécile Cukierman. - Nous constatons tous que nous sommes de plus en plus sollicités par des cabinets de conseil et qu'ils jouent une place de plus en plus importante. Il importe donc de s'interroger sur leur rôle dans le fonctionnement de la démocratie, pour déterminer qui décide et qui est responsable.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je me réjouis de cette initiative. Il y a quelques mois, un ministre a fait appel à un cabinet de conseil pour rédiger l'exposé des motifs d'un projet de loi... Si un ministre n'est pas capable de rédiger lui-même l'exposé des motifs d'un de ses textes, peut-être devrait-il changer de métier ! Les ministères font aussi appel à des cabinets de conseil pour rédiger les études d'impact. Ces derniers, payés par l'administration, ont intérêt à expliquer que le projet de loi est excellent ! Ces études d'impact devraient être rédigées par des organismes indépendants. Mais cela suppose l'exercice d'une haute vertu républicaine...

La commission constate la recevabilité de la proposition de résolution.

Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France et d'évaluer l'impact de cette concentration sur la démocratie - Désignation d'un rapporteur et examen du rapport portant avis sur la recevabilité de la proposition de résolution

La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution n° 117 rect. (2021-2022) tendant à la création d'une commission d'enquête afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France et d'évaluer l'impact de cette concentration sur la démocratie, présentée par M. David Assouline et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a demandé, au titre de son droit de tirage, la création d'une commission d'enquête sur la concentration dans le secteur des médias.

Notre commission doit se prononcer sur la recevabilité de cette proposition de résolution, qui sera présentée à la Conférence des présidents de ce soir.

Ce texte respecte l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. D'une part, il n'a pas pour effet de reconstituer une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois. D'autre part, il porte sur la gestion de services publics : la commission d'enquête porterait sur les phénomènes de concentration entre les acteurs économiques du secteur des médias, et les conditions dans lesquelles s'opèrent le contrôle et la régulation de ces opérations par les autorités publiques. Cette demande intervient dans le contexte de concentration de la presse écrite ou audiovisuelle à l'initiative de grands groupes. Je remercie nos collègues d'inviter le Sénat à se pencher sur cette question.

Je vous invite donc à constater la recevabilité de cette proposition de résolution, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux.

M. Patrick Kanner. - Cette proposition de résolution s'inscrit dans le cadre de l'alinéa 1er de l'article 34 de la Constitution, qui prévoit que « la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques », de même que celles concernant « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ». Elle s'inscrit aussi dans le champ de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Démocratie et liberté de la presse vont de pair. Nous ne disons pas que la démocratie est menacée, mais il convient d'étudier les conditions dans lesquelles de grands groupes de médias sont en train de se former autour de MM. Drahi, Niel, Bolloré, Arnault, Bouygues, etc. Il ne s'agit pas donc d'enquêter uniquement sur un cas particulier, la dernière fusion annoncée qui concerne le groupe Bolloré, car le sujet est bien plus large.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je me réjouis de cette initiative. Lorsque j'étais jeune député, dans les années 1980, nous avions voté plusieurs lois pour empêcher la mainmise des grands groupes sur les médias et prévenir une concentration excessive du secteur. Malheureusement, quarante ans plus tard, il faut remettre l'ouvrage sur le métier...

La commission constate la recevabilité de la proposition de résolution.

La réunion est close à 17 h 15.

Mercredi 3 novembre 2021

- Présidence de Mme Catherine di Folco, vice-présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace - Examen du rapport pour avis

Mme Catherine Di Folco, présidente. - Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de François-Noël Buffet, en ce début de réunion. Il nous rejoindra dans quelques instants.

Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA).

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - Les trois articles de ce projet de loi prévoient la ratification de trois ordonnances, qui semblent respecter le champ de l'habilitation consentie par le Parlement à l'article 13 de la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace. Leur principal apport est de permettre à celle-ci d'instaurer une « taxe poids lourds » sur la voirie routière dont elle est propriétaire.

Je voudrais en premier lieu saluer l'occasion qui nous est donnée de nous prononcer sur le dispositif d'ordonnances, dont la ratification expresse par le Parlement n'est que trop rare - elle n'a eu lieu que dans 21 % des cas, sous ce quinquennat. Mais nous ne pouvons que déplorer que de tels projets de loi de ratification ne soient inscrits à l'ordre du jour de nos travaux par le Gouvernement que lorsque celui-ci réalise la nécessité de prendre des dispositions supplémentaires hors du champ d'habilitation. Nous en reparlerons, mais le travail accompli sur le présent projet de loi, en collaboration avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable saisie au fond, Jean-Claude Anglars, me semble en être la preuve éclatante : il est absolument primordial que le Parlement se prononce, autant que faire se peut, sur les ratifications d'ordonnances.

Je me suis donc attaché à examiner dans le détail les dispositions de ces ordonnances et vous proposerai d'adopter vingt amendements tendant, pour l'essentiel, à consolider le dispositif de taxation proposé à la CEA afin d'établir un modèle respectueux de la libre administration de celle-ci et transposable, à l'avenir, aux autres collectivités intéressées.

La première ordonnance soumise à ratification, la plus dense, porte ainsi sur la « taxe poids lourds » que pourrait mettre en oeuvre la CEA. Nos collègues alsaciens, notamment André Reichardt, peuvent en témoigner : une telle taxe, envisagée depuis au moins quinze ans, est attendue de pied ferme sur le terrain, par les élus comme par les administrés. Cette mobilisation a porté ses fruits. Le législateur avait voté à plusieurs reprises des dispositifs juridiques, circonscrits à l'Alsace ou à l'échelon national, sur le sujet. Ceux-ci n'ont néanmoins jamais abouti, pour les raisons que vous connaissez. Je veux ici rassurer certains de nos collègues : il s'agit d'un dispositif strictement circonscrit au cas alsacien, où une telle taxe serait particulièrement utile au regard du report de trafic dû à la taxe en vigueur outre-Rhin, la LKW-Maut, et qui fait toujours l'objet d'un large consensus local.

Le dispositif soumis à notre examen atteint un point d'équilibre satisfaisant entre les marges d'appréciation significatives dévolues à la CEA dans la détermination de cette taxe locale et la transposition du cadre normatif européen, afin d'en garantir le respect. Néanmoins, cette satisfaction ne vaut pas satisfecit : nous nous sommes donc attachés à consolider un édifice dont les fondations ne nous paraissaient pas nécessiter de modification substantielle, suivant trois axes.

Premièrement, nous avons cherché à assurer à la CEA des marges d'adaptation aux réalités locales en garantissant, d'une part, la libre administration de celle-ci, et, d'autre part, un accompagnement adéquat des services de l'État dans la mise en oeuvre. Le principal apport est, à cet égard, l'ouverture à la CEA de la possibilité d'utiliser le « ticketing » - technologie spécifique de taxation déjà mise en oeuvre en Allemagne - pour les redevables occasionnels. Je sais nos collègues alsaciens, dont André Reichardt, sensibles à ce sujet : cet amendement, porté en des termes identiques par mon collègue rapporteur au fond, Jean-Claude Anglars, par Sabine Drexler et par moi-même, me semble affirmer avec force une position cohérente du Sénat à ce sujet, ce dont je me félicite.

Nous avons par ailleurs souhaité préciser les périodes sur lesquelles la CEA est susceptible d'apporter des modulations aux taux kilométriques qu'elle fixe, afin de garantir la bonne transposition du cadre européen de la directive dite « Eurovignette » en droit national.

Enfin, nous avons cherché à garantir le plein accompagnement de la CEA par les services de l'État. Il nous a ainsi semblé nécessaire de contraindre celui-ci à transmettre à la Commission européenne des informations dont dépend la prise par la CEA de certaines de ses délibérations, d'octroyer un droit d'information à celle-ci pour la conduite des évaluations et contrôles qu'elle est tenue de réaliser et de préciser le chaînage de ses délibérations.

Le deuxième axe de notre travail a été de bâtir une taxe « modèle », transposable, à l'avenir, aux collectivités territoriales intéressées - j'insiste sur ce dernier terme ! Je vous propose à cet égard plusieurs amendements. Un premier amendement tend à assurer, dans la mesure du possible, l'adaptabilité de la taxe à la révision prochaine de la directive dite « Eurovignette » pour éviter la caducité de tout ou partie de ses dispositions lors de sa mise en oeuvre par la CEA.

Ensuite, je vous proposerai une série de plusieurs amendements visant à sécuriser les décisions de la CEA, afin de bâtir un modèle de taxe locale robuste, le cas échéant en levant d'éventuelles incertitudes juridiques. En particulier, il nous a paru nécessaire de définir au niveau national les diverses méthodologies d'évaluation de l'efficacité de la taxe : il est primordial d'en prévoir l'harmonisation au niveau national dès à présent, afin d'éviter à l'avenir toute disparité sur le sujet entre collectivités territoriales concernées. Enfin, un dernier amendement prévoit la remise d'un rapport d'étape au Parlement, au plus tard deux ans après la mise en oeuvre de la taxe, afin de bénéficier d'une évaluation rapide de la mesure, dont pourraient éventuellement bénéficier les collectivités souhaitant déployer un dispositif similaire. Nous nous sommes inspirés des dispositions déjà adoptées par la commission dans le cadre du projet de loi organique relatif aux expérimentations locales, le cas alsacien constituant, dans une certaine mesure, une forme d'expérimentation grandeur nature.

Le troisième axe de notre travail fut de garantir l'effectivité des contrôles et sanctions relatifs à la taxe pour en assurer le rendement. En premier lieu, il nous a paru nécessaire de renforcer, tout en les encadrant, les moyens de contrôle des infractions à cette nouvelle taxe. Je vous proposerai donc d'ouvrir aux services de police et de gendarmerie nationales, ainsi qu'aux agents assermentés de la CEA la possibilité de mettre en oeuvre des dispositifs de contrôle automatisé, afin de faciliter la constatation des infractions. Contrepartie de ces moyens renforcés, il me paraît utile d'ajouter plusieurs garanties qui encadrent de manière plus précise les prérogatives de ces agents, en les soumettant à une procédure d'agrément par le procureur de la République et en restreignant l'accès au fichier du système d'immatriculation, ouvert par l'ordonnance aux agents des prestataires engagés par la CEA.

En second lieu, nous avons également souhaité simplifier les procédures et rétablir la proportionnalité des sanctions encourues. Nous proposons ainsi d'introduire, d'une part, une procédure de régularisation sans pénalité au bénéfice des seuls redevables occasionnels de la taxe, modelée sur celle prévue par la LKW-Maut allemande, et, d'autre part, un mécanisme de transaction pour recouvrer le montant des amendes prononcées en cas de non-paiement de la taxe. Nous voulons également renforcer les sanctions en cas d'infraction, d'une part, en rehaussant et rendant proportionnel le montant de la majoration de retard, et, d'autre part, en doublant le montant de l'amende due en cas de fraude intentionnelle, l'état de récidive étant également prévu.

Enfin, je souhaiterais vous faire part d'une dernière proposition qui me semble nécessaire. En l'état de sa rédaction, l'ordonnance ne prévoit aucun mécanisme de concertation avec les collectivités territoriales limitrophes ou susceptibles d'être affectées par la mise en oeuvre de la taxe. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter un amendement visant à créer un comité ad hoc chargé de faciliter la concertation des acteurs publics locaux en matière de taxation des poids lourds et dans lequel siégeraient les collectivités territoriales intéressées. Une telle démarche ne conduira en aucun cas à retarder la mise en oeuvre de l'écotaxe alsacienne, mais permettra d'associer pleinement les autres collectivités concernées. Je forme donc le voeu que cet amendement reçoive un accueil favorable, y compris de nos collègues alsaciens.

Sur les deuxième et troisième ordonnances, de moindre importance, je passerai, chers collègues, un peu plus rapidement. La deuxième ordonnance soumet à l'avis du préfet les projets de modification substantielle de la voirie relevant de la CEA. Déjà entrée en vigueur, cette ordonnance ne pose aucune difficulté de fond. Je vous propose néanmoins un amendement visant à préciser les délais applicables au préfet dans la remise de son avis pour répondre à la demande formulée par les collectivités concernées de bénéficier de cet avis dans des délais suffisamment brefs, afin de ne pas engager un projet devant par la suite être abandonné pour non-conformité aux nécessités de la circulation routière.

Enfin, le dernier article du projet de loi a un double objet : d'une part, ratifier l'ordonnance relative aux conditions dans lesquelles l'Eurométropole de Strasbourg (EMS) assure les engagements pris par l'État dans le cadre du contrat de concession de l'autoroute A355, et, d'autre part, ajouter un article 4 bis à l'ordonnance soumise à ratification, hors du champ de l'habilitation consentie par le Parlement au Gouvernement, pour prévoir la répartition à parts égales entre l'État et l'EMS de l'indemnité qui devrait être versée à la société concessionnaire en cas de survenance de la déchéance du contrat. Ce concours financier ne serait dû qu'à la condition que l'EMS ait décidé de ne pas prononcer l'interdiction de circulation des poids lourds dont dépend l'équilibre contractuel de la concession.

Si le principe d'une reprise par l'EMS des engagements financiers de l'État dans les conditions fixées par le contrat de concession ne semble pas poser de difficulté, je vous proposerai d'expliciter la nature de l'obligation pesant sur l'EMS pour préciser que pèse sur elle une simple obligation de moyens. Cependant, bien que soumise à une simple obligation de moyens, l'EMS n'en a pas moins intérêt au respect de l'interdiction de circulation qu'elle est tenue de prendre dans le cadre de ses engagements contractuels. Soucieux des difficultés que rencontrerait l'EMS à cet égard, je vous propose d'adopter un amendement visant à renforcer la sanction prévue pour toute infraction à sa mesure d'interdiction de circulation, par le rehaussement à 750 euros de l'amende encourue, ainsi que l'ouverture de la possibilité d'immobilisation du véhicule.

Par ailleurs, s'agissant du contrôle de l'interdiction de circulation précitée, je vous proposerai d'adopter un dernier amendement ouvrant la possibilité pour l'EMS de bénéficier des dispositifs de contrôle automatisé, sur le modèle de celui prévu pour le contrôle de la taxe alsacienne.

Mes chers collègues, je tiens pour finir à préciser que l'ensemble de ces amendements ont été présentés aux représentants de la CEA, qui n'ont fait part d'aucun point de blocage significatif.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, et sous réserve de l'adoption de nos amendements, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des articles du présent projet de loi.

M. André Reichardt. - Je tiens en premier lieu à remercier Stéphane Le Rudulier, ainsi que Jean-Claude Anglars, rapporteur au fond pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui ont fait un travail de qualité.

Cette « taxe poids lourds » est une grande première, et nous devons nous assurer que les ordonnances prises par le Gouvernement soient à la hauteur. Lors des débats sur la loi instituant la CEA en 2019, j'avais déposé un amendement visant à inscrire « en dur » dans le texte les modalités d'une telle taxe. En effet, chat échaudé craint l'eau froide : je redoutais que l'ordonnance ne voie jamais le jour, à l'instar d'autres dispositifs similaires votés depuis une vingtaine d'années.

Pourquoi les Alsaciens attendent-ils avec impatience cette ordonnance ? Depuis l'instauration de la LKW-Maut, une part importante du trafic de poids lourds venant d'Europe de l'Est s'est déplacée vers l'Alsace pour échapper à ce surcoût. C'est devenu insupportable pour notre région, le fossé rhénan étant asphyxié par la pollution qui en découle.

Je me félicite donc de ce que cette ordonnance ait été prise et que nous soyons amenés à la ratifier.

Monsieur le rapporteur, j'apporterai un bémol à l'affirmation selon laquelle les élus de la CEA sont d'accord avec vos amendements. Je n'ai pas les mêmes échos, en particulier sur l'amendement COM-38 instituant un comité de concertation réunissant la CEA, l'EMS, les départements limitrophes et la région Grand Est.

Les Alsaciens sont tellement impatients d'aboutir sur le sujet qu'ils redoutent que le débat ne soit parasité par des demandes identiques venant d'autres collectivités. J'ai vu qu'un certain nombre d'amendements en ce sens avaient été déposés devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. À mon avis, nous ne devons pas y faire droit dans l'immédiat, car cela risque de retarder la mise en oeuvre du dispositif pour l'Alsace.

Je n'ai strictement rien contre de telles demandes émanant d'autres collectivités, mais il faut d'abord mettre en oeuvre la taxe poids lourds en Alsace avant d'envisager, le cas échéant, de la transposer ailleurs. J'ajoute que je suis très réservé sur le discours consistant à dire que, si cette taxe ne se mettait en place qu'en Alsace, le trafic se déplacerait de l'autoroute A 35 vers la A 31 : je n'y crois pas du tout, parce que ce ne sont pas les mêmes flux.

Pour conclure, je dirai simplement qu'il faut absolument que ces ordonnances soient ratifiées et qu'il ne faut pas retarder la mise en place de la taxe poids lourds en Alsace.

M. Guy Benarroche. - Je tenais à préciser que le groupe GEST votera ce projet de loi et les amendements que vous proposez, monsieur le rapporteur.

Je souhaiterais toutefois poser une question, au nom de mon collègue alsacien Jacques Fernique, sur l'amendement COM-34 portant article additionnel après l'article 1er et relatif aux dispositifs de contrôle automatisé ouverts à la CEA : il est prévu que les modalités de contrôle ne conduisent pas à contrôler chaque jour plus de 15 % du nombre moyen journalier de véhicules circulant sur le réseau taxable et que les lieux de déploiement retenus n'ont pas pour effet de permettre un contrôle de l'ensemble des véhicules. J'ai du mal à comprendre l'articulation de ces deux dispositions.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - Il s'agit de respecter des contraintes constitutionnelles, monsieur Benarroche. Cet amendement vise à permettre à la CEA d'installer des dispositifs de contrôle automatisé, ce qui n'est pas prévu à ce stade dans les ordonnances. Néanmoins, nous ne sommes pas ici sur un sujet de sécurité routière, qui pourrait justifier un contrôle permanent, mais sur les modalités de contrôle d'une taxe. Or, lorsqu'il a dû examiner un dispositif similaire de contrôle pour les zones à faibles émissions, le Conseil constitutionnel a jugé que de tels contrôles automatisés devaient être réduits dans le temps afin de protéger les libertés fondamentales. Seuls les dispositifs chargés de renforcer la sécurité routière peuvent procéder à un contrôle automatisé sans cette restriction. Nous avons transposé la jurisprudence du Conseil constitutionnel à la situation particulière de la taxe alsacienne.

EXAMEN DES ARTICLES

Après l'article 1er

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-24 vise à renforcer les garanties encadrant l'utilisation du fichier des immatriculations par les personnels agréés du prestataire autorisé par la Collectivité européenne d'Alsace.

L'amendement COM-24 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-25 vise à garantir la sécurité juridique des modulations de taux pouvant être appliquées par la Collectivité européenne d'Alsace aux véhicules taxables, en assurant une transposition la plus fidèle possible aux termes de la directive dite « Eurovignette ».

L'amendement COM-25 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-26 tend à ouvrir à la Collectivité européenne d'Alsace la possibilité de tenir compte de certaines des adaptations prévues par la directive dite « Eurovignette » à l'horizon du premier semestre 2022.

L'amendement COM-26 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-27 tend à garantir le droit d'information de la Collectivité européenne d'Alsace, afin de s'assurer qu'elle dispose de l'ensemble des éléments nécessaires à la production des rapports et évaluations prévus par l'ordonnance.

L'amendement COM-27 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-28 vise, sur le modèle du système de taxation allemand des poids lourds, à permettre à la Collectivité européenne d'Alsace d'utiliser le ticketing - une technologie spécifique de taxation - pour les redevables occasionnels.

L'amendement COM-28 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-29, reprenant une recommandation de la direction de la législation fiscale, vise à réduire le champ des personnes susceptibles d'être solidairement responsables du paiement de la taxe alsacienne.

L'amendement COM-29 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-30 tend à ouvrir à la Collectivité européenne d'Alsace la faculté de mettre en oeuvre une procédure de régularisation sans pénalité au bénéfice des seuls redevables occasionnels de la taxe.

L'amendement COM-30 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-31 vise à modifier le montant de la majoration de retard prévue par l'ordonnance. Généralement fixée, dans les précédentes rédactions relatives à des taxes similaires, à 10 % du montant dont doit s'acquitter le redevable retardataire, cette majoration n'est fixée, dans le cadre de la présente ordonnance, qu'à 30 euros, un montant particulièrement faible pour les redevables devant s'acquitter de montants importants.

Afin de pallier cette difficulté, le présent amendement conserve le montant plancher de 30 euros pour les montants faibles, mais restaure le seuil de 10 % pour les montants dus supérieurs à 300 euros.

L'amendement COM-31 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-32 tend à soumettre à une procédure d'agrément par le procureur de la République les agents assermentés de la CEA recevant compétence pour constater par procès-verbal les délits et contraventions attachés au non-respect des dispositions législatives et réglementaires régissant la taxe.

L'amendement COM-32 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-33 vise à introduire une procédure de transaction à la contravention encourue en cas de non-respect des dispositions relatives à la taxe. Il apparaît nécessaire de faciliter le recouvrement des amendes prononcées, ainsi que de la somme due au titre de la taxe, afin d'en garantir le rendement.

L'amendement COM-33 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-34 vise à permettre à la Collectivité européenne d'Alsace d'installer des dispositifs de contrôle automatisé pouvant faire l'objet d'un traitement automatisé de données, afin de garantir l'effectivité du contrôle des dispositions relatives à la taxe.

L'amendement COM-34 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-35 vise à renforcer le caractère dissuasif des sanctions encourues en cas de manipulation de l'équipement électronique embarqué afin de ne pas payer la taxe ou de produire de faux documents de bord relatifs à la catégorie de véhicule circulant sur le réseau. Il durcit le régime des sanctions applicables à ces comportements et porte à 7 500 euros l'amende encourue en cas de commission de ces actes - soit un doublement.

L'amendement COM-35 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-36 vise à renforcer, en cas de récidive, le caractère dissuasif des sanctions encourues dans les situations prévues à l'amendement précédent. Les contrevenants encourraient une amende pouvant aller jusqu'à 15 000 euros et une peine de six mois d'emprisonnement.

L'amendement COM-36 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-37 tend à mieux encadrer le chaînage des délais dont dispose la Collectivité européenne d'Alsace pour la prise des délibérations relatives à la taxe.

L'amendement COM-37 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-38 vise à instituer un comité ad hoc chargé d'organiser la concertation des acteurs locaux en matière de taxation des poids lourds préalablement à la mise en oeuvre de la taxe alsacienne. Notre objectif est que la taxe mise en place en Alsace soit transposable ensuite, le cas échéant, dans les départements limitrophes.

Comme le disait André Reichardt, nos auditions ne nous ont pas permis de quantifier le report de trafic sur les axes des départements limitrophes qui résulterait de l'institution d'une taxe alsacienne. Pour autant, les départements limitrophes sont dès aujourd'hui très enclins à mettre en place une taxe poids lourds au regard du trafic qui existe déjà sur la A 31 et de la proximité avec le Luxembourg, et ce afin d'éviter la saturation de cette autoroute.

L'objet du comité ad hoc de concertation prévu par cet amendement est de permettre de partager les points de vue entre les différents acteurs concernés afin que les dispositifs soient les plus proches possible d'un point de vue technique.

Les ordonnances laissent une grande marge de manoeuvre à la CEA pour déterminer les conditions de mise en place de la taxe - nous pouvons nous en réjouir. Dans ces conditions, il est important de créer un lieu de dialogue permettant de réfléchir à un socle minimal d'harmonisation entre les différents territoires limitrophes qui mettront en place, le cas échéant, une telle taxe.

M. Alain Richard. - Il ne me semble pas que la création d'un lieu de simple dialogue entre collectivités relève de la loi... Cela serait le cas seulement si l'on créait une sanction, par exemple en cas de non-réunion.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - Nous avons pris comme modèle la Conférence territoriale de l'action publique (CTAP) déjà codifiée dans la partie législative du code général des collectivités territoriales. Les élus locaux sont tout à fait prêts au dialogue et nous souhaitons simplement le formaliser. À la suite de nos auditions, il me paraît essentiel de mettre en place ce comité de concertation, mais je rejoins André Reichardt sur le fait qu'il ne doit pas entraîner de retard dans l'entrée en vigueur du dispositif d'ensemble.

M. André Reichardt. - Je crois savoir que la CEA est très réservée sur cet amendement, dont les élus ne voient pas la portée pratique. Des concertations existent déjà et institutionnaliser ce processus, sans autre objet que de le rendre consultatif, pose question - je rejoins la remarque d'Alain Richard sur ce point. La concertation avec l'EMS présente certes un intérêt, mais elle relève, par l'ensemble des parties en présence, de l'évidence... De plus, les représentants de l'État apportent déjà leurs contributions au processus de mise en place de la taxe.

Le seul intérêt éventuel d'un tel comité est la présence des présidents de conseil départemental des départements limitrophes, mais les élus concernés se voient assez souvent pour échanger sur l'ensemble des sujets de préoccupation commune et les positions de chacun sont parfaitement connues.

C'est pourquoi je pense, comme la CEA, que l'inscription dans la loi d'un tel comité ne se justifie pas. L'amendement prévoit d'ailleurs que le comité se réunira « au moins » une fois par an ; chacun sait que cela se transformera en une fois par an...

Pour autant, à condition que cela ne retarde pas la mise en place de la taxe en Alsace, et comme l'on dit en bon alsacien : why not !

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - La CEA a simplement souhaité que ce comité ne soit pas désigné comme un « comité de pilotage », car il ne revient évidemment pas à des élus qui ne seraient pas de la CEA de piloter ce projet.

L'objectif de ce comité de concertation est notamment d'harmoniser les dispositifs techniques entre les différents territoires limitrophes qui pourraient être concernés à terme. Il existe, pour l'instant, deux dispositifs : soit une taxation au kilomètre parcouru, ce qui demande une technologie par GPS, soit une taxation forfaitaire par tronçon, ce qui demande la mise en place de portiques ou bornes. Il convient de veiller, autant que possible, à l'interopérabilité des dispositifs mis en oeuvre et à leur lisibilité par les usagers.

En tout cas, nous souhaitons apporter de la cohérence et en aucun cas retarder la mise en oeuvre de cette taxe.

M. André Reichardt. - Les Alsaciens attendent depuis quinze ans ! Et les textes d'application de la loi qui avait pourtant été votée à la suite de l'amendement déposé par notre ancien collègue député Yves Bur n'ont pas été pris en raison d'arguments techniques - justement ! Nous n'avons pas envie que la même chose se reproduise aujourd'hui. Nous ne devons pas retomber dans les errements du passé !

C'est pourquoi je m'abstiendrai sur cet amendement.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - Cet amendement n'introduit aucun point de blocage. Rien n'empêche la CEA de dérouler son calendrier de mise en oeuvre.

M. Ludovic Haye. - Je m'abstiens également !

L'amendement COM-38 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-39 prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement au plus tard deux ans après la mise en oeuvre de la taxe afin de bénéficier d'une évaluation de la mesure. Un tel rapport est déjà prévu dans l'ordonnance, mais au bout de cinq ans. Nous souhaitons bénéficier d'un rapport d'étape sur le modèle des dispositions organiques applicables aux expérimentations locales.

L'amendement COM-39 est adopté.

Après l'article 2

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-40 tend à préciser le délai auquel est soumis le représentant de l'État territorialement compétent pour rendre son avis sur un projet de modification substantielle des routes ou autoroutes transférées à la Collectivité européenne d'Alsace.

L'amendement COM-40 est adopté.

Article 3

L'amendement de coordination COM-41 est adopté.

Après l'article 3

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-42 tend à renforcer les possibilités de contrôle à la main de l'Eurométropole de Strasbourg. À cette fin, il prévoit le renforcement de la sanction prévue pour toute infraction à la mesure d'interdiction de circulation des poids lourds prise par l'EMS et il étend à celle-ci, s'agissant du contrôle de l'interdiction de circulation précitée, les dispositions de contrôle automatisé prévues en matière de zones à faibles émissions.

L'amendement COM-42 est adopté.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-43 tend à préciser les modalités de reprise des engagements contractuels de l'État par l'Eurométropole de Strasbourg relatifs à la concession de l'autoroute A 355.

L'amendement COM-43 est adopté.

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

Proposition de loi constitutionnelle garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l'État de droit en cas de législation par ordonnance - Examen des amendements au texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons maintenant les amendements de séance sur la proposition de loi constitutionnelle garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l'État de droit en cas de législation par ordonnance.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

M. Jean-Pierre Sueur. - L'amendement n°  1 est rédactionnel : il tend à lever tout doute sur le fait que la ratification des ordonnances par le Parlement ne peut se faire que de manière expresse.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Cela évitera toute difficulté d'interprétation. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.

La commission a donné l'avis suivant :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er

M. SUEUR

1

Favorable

Proposition de loi visant à mettre l'administration au service des usagers - Examen des amendements de séance

M. François-Noël Buffet, président. - Nous poursuivons avec l'examen des amendements de séance sur la proposition de loi visant à mettre l'administration au service des usagers.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 1er

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - L'amendement n° 7 vise à substituer à la suppression pure et simple des exceptions réglementaires actuelles une nouvelle rédaction qui encadre plus étroitement les conditions dans lesquelles le pouvoir réglementaire peut exclure l'application du principe « silence vaut acceptation ».

L'amendement n° 7 est adopté.

Article 2

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - L'amendement n° 8 tend à supprimer l'article 2.

L'amendement n° 8 est adopté.

Article 3

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - L'amendement n° 9 tend également à supprimer cet article, dont l'objet est satisfait par le code des relations entre le public et l'administration.

L'amendement n° 9 est adopté.

Article 5

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - L'amendement n° 10 tend à ce que les délais de traitement des demandes soient suspendus dans l'attente des pièces demandées par l'administration dans un certain nombre de cas.

L'amendement n° 10 est adopté.

Article 6

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - L'amendement n° 11 tend à supprimer le 3° de l'article 6 qui supprime l'obligation faite à l'usager de formuler une demande de motivation d'une décision implicite de rejet à l'intérieur du délai de recours contentieux.

L'amendement n° 11 est adopté.

Article 7

L'amendement de coordination outre-mer n° 12 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - L'amendement n° 1 deviendrait sans objet en cas d'adoption de l'amendement n° 7 que je viens de présenter. Je demande donc son retrait. À défaut, l'avis serait défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur. - Nous avons déposé nos amendements avant de connaître ceux de Mme le rapporteur. Notre idée était de venir au secours de M. Wattebled. Dans sa rédaction initiale, l'article 1er avait pour objet d'abroger complètement l'article L. 231-5 du code des relations entre le public et l'administration, donc de tout faire tomber, ce qui ne nous semblait pas pertinent.

Notre amendement, qui rejoint manifestement celui du rapporteur, vise à mieux encadrer les situations dans lesquelles le pouvoir réglementaire peut décider de ne pas appliquer ce principe.

Les autres amendements que nous avons déposés sont des conséquences de ce premier amendement.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 1 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 2

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement n° 2, qui est identique à celui que j'ai présenté.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.

Article 3

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - Pour la même raison, je suis favorable à l'amendement n° 3.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3.

Article 4

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - L'amendement n° 4 vise à plafonner à six mois les délais dérogatoires que le pouvoir réglementaire peut mettre en place pour certaines décisions implicites. Ce plafond me semble tout à fait correct. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 4.

Article 5

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement n° 5 au profit de l'amendement n° 10 que j'ai présenté tout à l'heure et que la commission a adopté.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 5 et, à défaut, y sera défavorable.

Après l'article 7

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - L'amendement n° 6 tend à repousser l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi de deux ans. Avis favorable.

M. Jean-Pierre Sueur. - Avec cet amendement, nous proposons en effet de repousser l'entrée en vigueur de l'ensemble du texte, alors que, dans la rédaction initiale, seul l'article 1er avait une entrée en vigueur différée. Cela laissera le temps aux administrations de se préparer.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6.

M. Dany Wattebled. - Je souhaite simplement remercier Brigitte Lherbier d'avoir retravaillé notre proposition et Jean-Pierre  Sueur d'avoir contribué à ce que nous construisions ce texte sur du béton plutôt que sur du sable...

M. Alain Richard. - Je voterai contre cette proposition de loi, parce qu'elle consiste finalement à donner par principe la priorité à l'intérêt privé sur l'intérêt public. Toute initiative d'un demandeur à laquelle l'administration ne s'opposerait pas serait acceptée.

C'est une source de désordre : la seule abstention ou une négligence de la part de l'administration aboutit en effet à une illégalité. Je prends l'exemple de l'urbanisme : il suffit que les autorités d'une commune « regardent ailleurs » et laissent passer le délai pour rendre licite une construction manifestement illégale, ce qui est une porte ouverte aux fraudes.

Je rappelle d'ailleurs que l'annonce de la mise en place de cette réforme, assez solennelle à l'époque, sous le précédent quinquennat, s'accompagnait d'une liste très longue d'exceptions... Personnellement, j'étais déjà opposé à cette réforme qui ne constitue pas un progrès.

M. Jean-Pierre Sueur. - J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vient de dire Alain Richard, mais il me semble que faciliter la vie de nos administrés peut être considéré comme étant d'intérêt public. Il existe deux listes et aucune n'est supérieure à l'autre : une liste des situations pour lesquelles le silence vaut acceptation et une liste des situations où toutes les prérogatives de l'État sont préservées.

M. Dany Wattebled. - Je comprends également la remarque d'Alain Richard, mais, parfois, l'administration ne joue pas le jeu, ce qui pose quand même un problème. Ainsi, il arrive qu'un usager qui demande un agrément doive déposer consécutivement de multiples dossiers, pour, in fine, qu'on lui demande, s'il a réalisé les travaux en l'absence de réponse, une remise en état au bout du compte de voire plusieurs années, après toute cette procédure.

L'administration est financée par nos impôts et est au service des usagers. Elle doit donc répondre dans les délais. Parfois, cela ne fonctionne pas. Voilà pourquoi j'ai déposé cette proposition de loi.

Mme Brigitte Lherbier, rapporteur. - J'ai justement souhaité trouver un équilibre, en proposant de réécrire cette proposition de loi. L'administration n'est pas notre ennemi, mais les usagers ont aussi des droits.

La réunion est close à 10 heures.

Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

Auteur

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme LHERBIER,
rapporteur

7

Adopté

Article 2

Mme LHERBIER,
rapporteur

8

Adopté

Article 3

Mme LHERBIER,
rapporteur

9

Adopté

Article 5

Mme LHERBIER,
rapporteur

10

Adopté

Article 6

Mme LHERBIER,
rapporteur

11

Adopté

Article 7

Mme LHERBIER,
rapporteur

12

Adopté

La commission a donné les avis suivants aux autres amendements de séance :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er

M. SUEUR

1

Demande de retrait

Article 2

M. SUEUR

2

Favorable

Article 3

M. SUEUR

3

Favorable

Article 4

M. SUEUR

4

Favorable

Article 5

M. SUEUR

5

Demande de retrait

Article additionnel après l'article 7

M. SUEUR

6

Favorable

Jeudi 4 novembre 2021

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 16 heures.

Projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire - Examen du rapport (nouvelle lecture) et du texte proposé par la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons cet après-midi, en nouvelle lecture, le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, sur lequel notre rapporteur a déposé une motion tendant à opposer la question préalable.

M. Philippe Bas, rapporteur. - C'est avec tristesse que j'ai déposé cette motion. J'ai le sentiment que nous avons défendu les droits de nos concitoyens, en voulant préserver le rôle de la représentation nationale, et que nous avons été bien seuls à le faire. Le rapporteur de l'Assemblée nationale nous a opposé, expressément au nom du Gouvernement, une fin de non-recevoir.

Cette tristesse est alimentée par le fait que cette fin de non-recevoir ne s'appuie sur aucune raison sanitaire ou liée à la lutte contre l'épidémie. Nous n'avons jamais dit que nous excluions par avance de donner de nouveau une autorisation au Gouvernement au-delà du mois de février, si cela devait être nécessaire. Nous avons seulement dit que nous ne pouvions pas concéder les pleins pouvoirs au Gouvernement jusqu'au 31 juillet 2022, sans assurer un réel contrôle parlementaire.

J'ajoute que, depuis le début de cette crise, nous avons parfaitement montré que nous avions le souci de la sécurité sanitaire de nos concitoyens, puisque nous avons accepté la plupart des demandes du Gouvernement, tout en les ajustant en cas de nécessité - je pense naturellement au couvre-feu, au confinement ou encore au passe sanitaire. On ne peut donc pas nous faire aujourd'hui le procès en irresponsabilité que certains voudraient nous faire. Pour autant, jamais nous n'avons accepté d'accorder au Gouvernement de tels pouvoirs exorbitants du droit commun pour une durée aussi longue.

À mon sens, la demande qui est nous faite dans ce texte est strictement politique. Ce ne sont pas les exigences de la lutte contre la crise sanitaire qui justifient que le Parlement ne soit pas saisi, si cela est nécessaire, au mois de février ; c'est uniquement la volonté explicite de ne pas perturber, par un débat parlementaire, la candidature d'Emmanuel Macron à la présidence de la République. J'ajoute que l'exécutif a tort de craindre un tel débat compte tenu de l'esprit de responsabilité dont nous avons toujours fait preuve.

Nous ne défendons pas une position d'opportunité ; il s'agit au contraire de la position constante du Sénat depuis le début de cette crise : nous défendons la séparation des pouvoirs et le rôle de contrôle du Gouvernement que doit exercer, selon notre Constitution, le Parlement, en particulier lorsque celui-ci décide de déléguer à l'exécutif une partie de ses compétences.

Déléguer notre compétence pour une durée aussi longue que celle qui est inscrite dans ce texte est absolument sans précédent et c'est le noeud de notre désaccord avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

Certains sujets auraient pu donner lieu à une discussion, comme les modalités de mise en extinction du passe sanitaire, mais ni l'Assemblée nationale ni le Gouvernement n'a fait le moindre mouvement dans notre direction.

De la même manière, s'agissant de l'information des chefs d'établissements scolaires sur le statut vaccinal ou virologique des enfants, il n'y a pas eu non plus la moindre discussion. Or cette question ne porte pas tant sur le secret médical que sur la possibilité de procéder à des discriminations entre élèves pour l'accès à l'enseignement en fonction de leur statut vaccinal, statut qui résulte d'une décision des parents.

Imaginez les réactions si un tel dispositif était transposé dans le monde du travail, c'est-à-dire entre employeurs et salariés. Ces réactions seraient légitimes : jamais un employeur ne pourrait décider d'admettre ou non dans l'entreprise un salarié en fonction de son statut vaccinal ou virologique. Il n'y a pas de raison de procéder différemment pour les élèves, d'autant que des procédures existent dans le cas où un élève est cas contact. Cette mesure, présentée comme banale, fait montre d'une grande légèreté, car elle me semble en fait extravagante.

Voilà les raisons pour lesquelles je propose à la commission d'adopter, en nouvelle lecture, une motion tendant à opposer la question préalable à ce texte.

M. Loïc Hervé. - De mon côté, j'éprouve du dépit.

M. Philippe Bas, rapporteur. - C'est assez proche de la tristesse...

M. Loïc Hervé. - Je pense que tout le monde y perd dans cette affaire.

Ceux qui, comme moi, sont opposés au passe sanitaire y perdent, parce qu'il va perdurer et que l'accoutumance s'installe... Nous ne sommes donc plus à mettre en place un dispositif « le temps d'un été »... Et on peut sincèrement s'interroger : dans quelles circonstances sanitaires ou épidémiologiques pourra-t-on supprimer le passe sanitaire, alors que, dès maintenant, une très grande partie de la population est vaccinée ? Malheureusement, cette question n'a pour l'instant aucune réponse.

Ceux qui sont favorables au passe sanitaire au Sénat y perdent aussi, puisque notre assemblée n'aura pas fait changer la position du Gouvernement d'un iota.

Finalement, le Sénat, dans son ensemble, y perd parce qu'il n'aura pas su apparaître, dans le débat public sur ce texte, comme le défenseur des libertés fondamentales, alors qu'il s'agit d'une position traditionnelle pour lui. J'ai sur ce point une divergence stratégique avec le rapporteur. Les efforts qu'il a fournis lors de l'examen en première lecture n'auraient eu de sens que s'il y avait eu un accord en commission mixte paritaire. Dans la mesure où il y a eu un désaccord, tout aura été vain.

Je rejoins toutefois le rapporteur sur un point, mais je pousserai sa logique un peu plus loin : l'exécutif aura la capacité incroyable de décider seul de supprimer le passe sanitaire, y compris durant la période électorale - le fait du prince, finalement ! Il pourra ainsi récompenser les « bons » citoyens au moment où il le jugera opportun... Et cette décision ne viendra pas du Parlement, mais de Jupiter ! Cette abdication décidée par l'Assemblée nationale aura nécessairement des conséquences sur la démocratie parlementaire ; c'est en ce sens une folie, et cela m'inquiète grandement.

J'espère ne pas avoir eu raison trop tôt ! En tout cas, je m'abstiendrai sur cette motion.

M. Jean-Yves Leconte. - Le groupe socialiste avait certaines convergences avec le texte adopté par le Sénat en première lecture. Nous partagions la volonté de territorialiser le passe sanitaire et l'opposition à la capacité des directeurs d'école de prendre connaissance du statut virologique des élèves.

Nous partagions surtout le profond regret que l'Assemblée nationale organise finalement sa propre démission, en permettant que de tels pouvoirs exceptionnels soient confiés au pouvoir exécutif.

Et c'est justement parce que nous considérons qu'il n'est pas convenable que le Parlement n'assume pas ses fonctions fondamentales - contrôler le Gouvernement et voter la loi - que nous nous opposons à la motion présentée par le rapporteur. Depuis un an et demi, le Parlement a participé à l'amélioration des outils mis en place pour lutter contre la crise et nous refusons qu'il démissionne aujourd'hui.

Il nous semble tout de même paradoxal que vous nous proposiez ici de ne pas adopter de texte. Il nous paraît pourtant nécessaire de réaffirmer en nouvelle lecture nos principes et notre opposition à un certain nombre de mesures.

M. Guy Benarroche. - Depuis le début, le groupe écologiste est opposé au passe sanitaire et nous n'avons soutenu ni le texte de la commission ni celui du Sénat. Nous pensions déjà que ces textes ne permettraient pas un accord en commission mixte paritaire.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous êtes pessimiste !

M. Guy Benarroche. - Loïc Hervé a expliqué pourquoi nous ne pourrions pas aboutir à un compromis. Il s'agissait d'une question de stratégie...

De fait, le Gouvernement n'a pas bougé d'un centimètre - il n'a d'ailleurs jamais eu l'intention de bouger et de coconstruire un texte avec nous. Comme toujours depuis le début de cette crise, toutes les décisions ont émané d'un seul endroit. Or rien ne justifie cette obstination, hormis des éléments politiciens - aucun argument de fond !

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il faut dire stop. Il n'est plus possible de discuter avec des gens qui n'ont pas l'intention de nous respecter.

Nous avons cependant déposé trois amendements, qui portent sur les points qui nous semblent les plus importants. Ils deviendront évidemment sans objet, si la motion tendant à opposer la question préalable était adoptée, mais nous avons estimé que, s'il n'est effectivement pas possible de discuter avec le Gouvernement, cela l'est encore au sein de notre commission...

Mme Éliane Assassi. - Le groupe CRCE n'a soutenu ni le texte du Sénat ni celui du Gouvernement. Plusieurs éléments nous ont poussés à prendre cette position, notamment la date en débat, la mesure relative aux directeurs d'école ou la question du passe sanitaire.

Mais finalement, la vérité est ailleurs ! Comme je le dis souvent, il y a le texte et le contexte... Or le contexte est particulier et, quoi que l'opposition puisse faire ou dire, rien ne passera du fait des élections à venir.

Par conséquent, même si nous ne partageons pas l'ensemble de l'objet de cette motion, nous la voterons. Il faut savoir dire stop !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion.

Nous sommes tous inquiets de ce qui se passe aujourd'hui. Nous voterons contre la motion, parce que, même si nous partageons l'analyse de base du rapporteur, nous voulons continuer le combat. Certes, nous ne pensons pas que la discussion serait plus fructueuse si nous débattions effectivement du texte, d'autant que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale hier en nouvelle lecture nie complètement le travail réalisé par le Sénat, mais nous pensons qu'il faut continuer.

Il me semble que nous avons tort de voter des motions si nous voulons dans le même temps défendre les droits du Parlement. Il y a là un paradoxe !

M. Philippe Bas, rapporteur. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Je vous propose d'indiquer que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux articles restant en discussion, c'est-à-dire ceux concernant les prérogatives accordées aux autorités de l'État pour lutter contre la crise sanitaire et à la durée de celles-ci ; les traitements de données mis en oeuvre pour lutter contre l'épidémie de covid-19 ; les modalités de contrôle du respect de l'obligation vaccinale contre la covid-19 ; le champ des personnes soumises à l'obligation vaccinale ; les sanctions en cas de non-respect de l'obligation vaccinale ; et les modifications à apporter à diverses dispositions de nature législative prises pour faire face à la crise sanitaire, en particulier en matière d'activité partielle et d'indemnisation des salariés ne pouvant travailler en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques et sociales, de droits d'auteur et de droits voisins, de modalités de vote, participation et réunion au sein des organes délibérants des collectivités territoriales pendant la crise sanitaire, de validité des titres de formation professionnelle maritime et de règles d'organisation des assemblées générales de copropriétaires.

La motion COM-1 est adoptée. En conséquence, la commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.

L'ensemble des amendements devient sans objet.

M. François-Noël Buffet, président. - Il résulte de la décision de déposer une motion que nous n'adopterons pas de texte en commission.

Le projet de loi n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Motion

M. BAS, rapporteur

1

Motion tendant à opposer la question préalable

Adopté

Article 1er

M. BENARROCHE

2

Suppression de l'article

Rejeté

Article 2

M. BENARROCHE

3

Suppression de la prolongation du régime de gestion de la crise sanitaire

Rejeté

Article 4 ter

M. BENARROCHE

4

Suppression de l'article

Rejeté

La réunion est close à 16 h 25.