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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Débat d'orientation budgétaire

Saisine du Conseil constitutionnel (Contrats de partenariat)

Débat d'orientation budgétaire (Suite)

Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture - Suite)

Rappels au règlement

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels après l'article 9

Article 11

Article 12

Article 13

Article additionnel

Article 14

Articles additionnels

Article 15

Article 16

Article 17

Article 18

Conférence des Présidents

Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 18 (Suite)

Article 19

Article 20

Article additionnel

Article 21

Article 22

Article 23

Article 23 bis

Article 24

Article 24 bis

Article 24 ter

Article 25

Article 25 ter

Article additionnel après l'article 26

Article 28

Article 30 quinquies

Article 30 sexies

Article 30 septies

Article 31 bis

Articles additionnels

Article 32

Article 33

Article additionnel

Article 33 bis

Article 34

Article 35

Explications de vote




SÉANCE

du mercredi 16 juillet 2008

10e séance de la session extraordinaire 2007-2008

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente.  - M. le Président du Sénat a reçu de M. Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France, président de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement, le rapport pour 2007 de cet organisme, établi en application de l'article L. 141-4 du code monétaire et financier.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

Débat d'orientation budgétaire

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat d'orientation budgétaire.

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.  - Le débat d'orientation des finances publiques permet de discuter des problèmes de fond mais aujourd'hui, en plus, je vous transmets pour la première fois les plafonds de dépense par mission pour les trois prochaines années.

Depuis un an, beaucoup a été accompli, notamment la révision générale des politiques publiques. Nous sommes aujourd'hui à un moment crucial où nous ne pouvons plus user des solutions de facilité, notamment de l'endettement à bas coût, et nous devons faire face à l'arrivée à la retraite des baby-boomers.

Les travaux du Gouvernement ont été menés sur les fondements du premier budget triennal et de la loi de programmation pluriannuelle. La contrainte financière est forte mais nous nous sommes donné les moyens de la concilier avec le maintien d'un service public de qualité et d'un système social protecteur.

Où en sommes-nous de l'année 2008 ? L'objectif reste de contenir le déficit public à 2,5 % du PIB mais il faut rester vigilant sur le niveau des dépenses.

Les recettes fiscales sont inférieures à celles prévues par la loi de finances initiale : en avril, en révisant à la baisse notre prévision de croissance pour l'estimer de 1,7 à 2 % du PIB, nous supposions par là-même une moins-value de recettes de 3 à 5 milliards par rapport à la loi de finances initiale.

Pour les dépenses, ce qui pèse essentiellement sur l'exécution est la révision à la hausse de la charge de la dette -de 5 à 7 %-, dérapage qui provient de l'inflation. La mise en réserve de crédits réalisée au début de 2008 est normalement destinée à des besoins imprévisibles. La moitié de ces crédits, soit environ 3 milliards, pourrait faire l'objet d'une annulation. L'objectif de respecter l'enveloppe votée en loi initiale demeure donc.

Pour la sécurité sociale, nous respectons le cadrage financier de la LFSS. Le déficit du régime général serait de 8,9 milliards, exactement en phase avec la loi de financement pour 2008. Ces résultats s'expliquent principalement par les mesures de régulation votées dans cette loi et par la bonne tenue des recettes due au dynamisme de l'emploi.

Sur l'assurance maladie, le comité d'alerte a prévu un dépassement de l'Ondam allant de 500 à 900 millions. Avec Roselyne Bachelot, je reste vigilant, car nous ne nous satisfaisons pas de ce dépassement, même s'il est inférieur au seuil d'alerte de 1,1 milliard et même s'il est bien inférieur au dérapage de 3 milliards de l'année dernière à la même époque.

Sans verser dans l'angélisme, je confirme dans ces conditions qu'un déficit de 2,5 points de PIB est toujours mon objectif.

Depuis un an, nous appliquons avec constance la même stratégie pour le rétablissement de nos finances publiques. Elle conjugue le développement de la croissance potentielle grâce aux réformes de structure et la maîtrise de la dépense dont il faut diviser par deux le taux de croissance pour l'amener à 1 % en euros constants par an. C'est ainsi que nous retrouverons l'équilibre de nos finances publiques en 2012, et de la sécurité sociale dès 2011.

Je sais que nous divergeons quelque peu, monsieur le rapporteur général, sur l'évaluation des efforts nécessaires à cette stratégie. Il nous faut réaliser un effort d'une dizaine de milliards par an. Ce n'est pas une mince affaire, surtout quand on ne se situe pas par rapport à une évolution tendancielle.

Comment s'articule la préparation du premier budget triennal avec la stratégie de moyen terme ? Le premier pas du retour à l'équilibre de nos finances publiques en 2012, c'est un objectif 2009 ambitieux : réduire le déficit public de 0,5 point pour le ramener à 2 points de PIB. D'autres pays l'ont déjà fait et cet effort est attendu par nos partenaires européens. Mais, au-delà, cet assainissement renforcera l'ensemble des réformes en cours pour soutenir la croissance. Car il ne peut y avoir de croissance durable sans finances publiques soutenables.

Pour y parvenir, il faut agir dans trois directions : stabiliser chaque année la dépense de l'État en euros constants sur le périmètre élargi établi lors du PLF 2008 ; réaliser 4 milliards de redressement sur l'assurance maladie dès 2009 pour assurer le retour à l'équilibre du régime général au plus tard en 2011 ; poursuivre les réformes pour trouver nos propres ressorts de croissance dans un environnement mondial difficile.

L'une des principales difficultés de cet environnement, c'est la poussée inflationniste. Or l'inflation n'est pas favorable aux finances publiques. Elle augmente d'abord les dépenses immédiatement via la charge des obligations indexées, et l'année suivante via les prestations familiales et de retraite. Et elle n'est pas forcément bénéfique aux recettes, contrairement à une idée préconçue. L'inflation que nous connaissons aujourd'hui, qui provient principalement des matières premières, pèse sur l'activité et sur les volumes produits. Certes, les prix augmentent mais les volumes diminuent. Au total, l'effet de l'inflation sur les recettes fiscales est donc très ambigu.

Pour la première fois, nous mettons à votre disposition les plafonds de dépense par mission pour les trois prochaines années. C'est une avancée majeure pour la clarté et l'efficacité de la dépense de l'État. Mais la construction de ce budget triennal se fait dans un environnement contraint comme jamais auparavant pour les raisons suivantes.

Stabiliser les dépenses en euros constants sur le périmètre de la norme élargie, c'est un effort supérieur à tout ce qui a été fait par le passé. En moyenne, de 1999 à 2007, la croissance de la dépense de l'État sur ce périmètre élargi aurait été de 1,1 %. Je tiens par ailleurs à faire disparaître les sous-dotations qui ont pu exister, notamment dans les crédits dus à la sécurité sociale. Quant aux dépenses héritées du passé, elles sont bien plus dynamiques qu'auparavant. L'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom accroît le montant des pensions : ces dépenses progresseront de près de 2,5 milliards en moyenne par an de 2009 à 2011. La charge de la dette s'accroît également brutalement : alors que de 2003 à 2007, elle était quasiment stable, il faut s'attendre à une augmentation moyenne d'un peu plus de 2 milliards chaque année.

A titre de comparaison, 2 milliards d'euros sont équivalents à la moitié du budget des affaires étrangères ou au budget de la culture.

De 2003 à 2007, la hausse de la charge cumulée de la dette et des pensions de retraite absorbait moins de 30 % de l'augmentation des dépenses de l'État. A l'avenir, l'évolution de ces deux postes de dépenses représentera 70 % de la capacité supplémentaire du budget. Si l'on ajoute le dynamisme des prélèvements opérés au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales, la totalité de la progression des recettes est placée sous contrainte.

Ainsi, la norme zéro volume en global se traduit par la stabilité totale des dépenses ministérielles. S'agissant des charges de personnel, cet objectif sera atteint grâce au non remplacement de 30 627 fonctionnaires de l'État partant à la retraite. Mais les opérateurs aussi seront associés à cet effort...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - Pour la première fois !

M. Eric Woerth, ministre.  - ... l'effort demandé à chacun découlant toujours des réformes réalisées. Lors de la révision générale des politiques publiques, tous ont intensément recherché un meilleur rendement. Comme le Président de la République l'avait promis, la moitié des gains de productivité seront reversés aux fonctionnaires.

Mais l'absence de toute hausse des dépenses s'applique aussi aux autres charges de fonctionnement. A cet égard, on ne mesure pas combien les réunions conduites dans le cadre de la révision générale des politiques publiques auront des effets au cours des prochaines années. Elles ont permis d'inscrire le budget pour 2009 dans une perspective triennale.

Enfin, certaines priorités seront affirmées. Ainsi, l'enseignement supérieur et la recherche bénéficieront d'1,8 milliard supplémentaire. De même, le Grenelle de l'environnement se déploiera selon un large éventail couvrant le logement, les transports et la recherche, grâce à des outils réglementaires, fiscaux et budgétaires. La justice aussi bénéficiera de moyens accrus, notamment pour l'administration pénitentiaire. Enfin, l'équipement des forces armées devient une quasi priorité.

Bien sûr, le financement de ces orientations par un budget global constant signifie que certaines dotations doivent diminuer. Il n'y a pas de tabou en ce domaine.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Eric Woerth, ministre.  - Même les dépenses prioritaires ont été rationalisées grâce à la révision générale des politiques publiques.

Au demeurant, certaines politiques mises en avant sont financées par des budgets en réduction, car la baisse des crédits ne signifie pas qu'une orientation soit secondaire. Tout est une question de productivité de l'euro dépensé. Ainsi, la mission Écologie verra ses crédits diminuer en 2011, parce que de nouvelles ressources permettront de réduire la subvention de l'État. Toute la force du budget triennal tient à l'intégration des perspectives à moyen terme. De même, la mission Vie et logement sera marquée par la réorientation du « 1 % logement » ; la mission Sécurité traduit la future loi d'orientation pour la sécurité intérieure ; la mission Travail et emploi limitera la durée des contrats aidés, recentrés sur les personnes les plus éloignés de l'emploi. A ce stade, le revenu de solidarité active (RSA) n'apparaît pas dans le plafond de dépense, car ses modalités de mise en oeuvre ne sont pas encore déterminées. (M. Philippe Marini invite à un redéploiement) Je n'ai donc pas voulu préempter la discussion sur ce sujet.

Cette nouvelle norme budgétaire ne fait pas apparaître de gagnants ou de perdants, car il faut juger un budget non sur son montant mais sur la hiérarchie de ses priorités.

J'en viens à la sécurité sociale. Pour équilibrer les comptes du régime général en 2011, il faut tout d'abord obtenir ce résultat pour l'assurance maladie. Nous allons étudier en détail les propositions faites, car les importantes marges d'efficience qui existent permettent d'envisager cet équilibre. Tel est le sens de la politique menée avec Roselyne Bachelot : au cours d'un cycle de réunions, nous discutons avec les partenaires sociaux pour cerner leur état d'esprit avant d'annoncer des mesures. L'excellent rapport d'information de M. Vasselle sur la répartition du financement entre l'assurance maladie obligatoire, les assurances complémentaires et les ménages constitue pour nous une source d'inspiration. Nous prendrons ensuite nos responsabilités, des annonces étant envisageables avant la fin du mois de juillet. Nous pourrons peut-être accélérer les mesures envisagées pour 2009, afin de contenir le dépassement prévu en 2008.

Par ailleurs, la réduction du chômage permettra de diminuer la cotisation correspondante, donc d'accroître les versements aux caisses de retraite à taux de prélèvement social globalement inchangé.

Pour inciter à l'emploi des seniors en 2009, le Gouvernement majorera la surcote et diminuera encore les préretraites financées sur fonds publics. Toutefois, le succès de cette nouvelle culture du travail dépendra en premier lieu des entreprises.

Je souhaite clarifier les relations entre l'État et la sécurité sociale. L'an dernier, nous avons apuré la dette,...

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Très bien ! Continuez !

M. Eric Woerth, ministre. - ... mais elle s'est partiellement reconstituée. La racine du mal tient à la sous-budgétisation des crédits, si bien que les dépenses de l'État sont partiellement reportées sur la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Faute avouée, faute à moitié pardonnée !

M. Eric Woerth, ministre.  - Je n'avoue pas. Je dis simplement ce qui est : il n'est jamais de bonne politique de dissimuler. La vérité finit toujours par exploser à la figure.

La dette sociale, actuellement à l'Acoss, sera transférée à la Cades. (Mme Nicole Bricq approuve) Nous utiliserons une fraction des recettes CSG attribuées au FSV (Fonds de solidarité vieillesse), aujourd'hui en excédent, dans le respect de l'équilibre de son financement.

Nous traiterons également la lancinante question du Ffipsa (Fonds de financement des prestations sociales agricoles), dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, tant du point de vue du déficit que de la dette.

J'en viens aux collectivités locales. La Conférence nationale des exécutifs locaux, réunie jeudi dernier sous la présidence du Premier ministre, a été l'occasion de rappeler que l'ensemble des concours de l'État doit évoluer au même rythme que l'ensemble des dépenses de l'État, c'est-à-dire sur l'inflation. J'ai bien noté, monsieur le président de la commission des finances, que vous partagez cette analyse. Avec une prévision d'inflation à 2 % en 2009, l'ensemble des concours de l'État, soit 55 milliards hors dégrèvements, augmentera donc de 1,1 milliard en 2009 par rapport à 2008, soit 200 millions de plus qu'en 2008. C'est le maximum de l'effort que l'État peut s'imposer sur ses propres dépenses au bénéfice des collectivités. Pour 2010 et 2011, l'ensemble des concours de l'État continuera à évoluer comme l'inflation, ce qui conduira à une augmentation de 1 milliard supplémentaire par an.

Quelle traduction donner à cette augmentation de 1,1 milliard en 2009 ? Le Premier ministre s'est engagé, lors de la Conférence nationale des finances publiques, à ne pas réformer le FCTVA en 2009, afin de ne pas mettre en péril les plans de financement des collectivités qui ont déjà investi et qui comptent dessus. Cela n'exclut pas, en revanche, de réfléchir à l'avenir du mécanisme de cette dotation.

Une fois financée l'augmentation du FCTVA, 450 millions de crédits resteront disponibles, soit 1 % du périmètre de la contribution de l'État. Il nous faut réfléchir conjointement à l'orientation que nous leur donnons et à l'évolution de la DGF : dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, il n'est pas possible que la DGF continue à progresser sur son rythme actuel d'indexation. Il faudra fonder la confiance entre l'État et les collectivités sur une nouvelle manière de voir les choses : nous y travaillons, avec Mmes Lagarde et Alliot-Marie.

La révision de la Constitution a été l'occasion d'ouvrir un large débat sur l'opportunité d'inscrire dans la loi fondamentale une règle de finances publiques. Le résultat auquel nous sommes pour l'instant parvenus me paraît très satisfaisant : une loi de programmation des finances publiques, qui s'inscrit dans un objectif d'équilibre. Car le plus difficile est bien de déterminer les moyens de parvenir à l'équilibre. Nous comptons, bien évidemment, sur l'aide puissante du Sénat.

Cette programmation pluriannuelle nous permettra de nous mettre en accord avec les exigences des programmes de stabilité adressés chaque année à la Commission européenne.

Un autre sujet nous tient à coeur : celui des niches fiscales et sociales. Il faut aller plus loin.

Nous n'avons fait que commencer. Le nombre de niches et leur montant sont devenus un véritable enjeu de finances publiques. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé qu'elles seraient limitées dans le temps, et soumises à une évaluation systématique. C'est aussi pourquoi j'ai discuté, lors de mes rencontres avec les ministres, non seulement des dépenses budgétaires, mais aussi des dépenses fiscales ou des exonérations de charges sociales. Nous entendons améliorer la qualité de l'information du Parlement, instaurer un objectif de dépenses fiscales dans le projet de loi de finances, probablement de manière indicative, à ce stade. Une fois affiné, cet outil, pourra se révéler très puissant.

J'avais de la sympathie pour l'amendement de MM. Arthuis, Marini, About et Vasselle, adopté par le Sénat, qui visait à valider dans la loi de finances initiale et la loi de financement de la sécurité sociale les niches votées dans des lois ordinaires. Je comprends que la commission des lois de l'Assemblée nationale y voie une atteinte à des principes que je ne saurais contester. Reste qu'il nous faut ensemble lutter contre la prolifération, excessive à mon goût comme au vôtre, de ces dispositions.

Nous sommes face à une situation inédite pour nos dépenses publiques : la charge de l'intérêt et celle des pensions accentuent les contraintes qui pèsent sur les autres dépenses, masse salariale ou des dépenses d'intervention. Il est donc plus que jamais indispensable de réaffirmer la maîtrise de la dépense publique et d'améliorer son efficience. Nous nous en donnons pleinement les moyens, avec la révision générale des politiques publiques, le budget triennal, la maîtrise des niches et la loi de programmation des finances publiques. C'est cette alliance de réformes qui nous permettra de réussir : nous entendons atteindre, avec votre aide, cet objectif véritablement politique dès 2012. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Ce débat d'orientation budgétaire prend, cette année plus encore peut-être que les précédentes, un relief particulier. Outre sa vertu pédagogique il nous permet, en nous appuyant sur les résultats du premier exercice budgétaire de la nouvelle législature, d'aborder les prochaines échéances budgétaires, qui seront cruciales. Outre le fait qu'il devrait s'inscrire dans le cadre rénové d'une programmation pluriannuelle de nos finances publiques, le budget pour 2009 sera, à l'évidence, un « moment de vérité ».

La situation de nos finances publiques se caractérise, en effet, par une certaine viscosité. Le déficit public, toutes administrations publiques confondues, s'élève à 50 milliards. C'est dire l'ampleur de la tâche pour parvenir, ainsi que cela est l'engagement du Gouvernement, récemment rappelé par le Premier ministre, à l'équilibre en 2012. Quatre ans seulement nous séparent de cette échéance.

Le retour à l'équilibre suppose d'autant plus de détermination et de volonté politiques que les derniers chiffres relatifs à la croissance ne portent guère à l'optimisme. Vous l'avez-vous-même, monsieur le ministre, rappelé la semaine dernière en évaluant les moins-values fiscales entre 3 et 5 milliards. Le ralentissement économique, qui résulte à la fois des effets larvés et délétères de la crise des subprimes, de l'appréciation probablement excessive du prix des matières premières -et en tout premier lieu du pétrole- mais aussi du climat de défiance qui « empâte » nos économies développées, nous invite à redoubler d'attention. Sans correction significative, notre déficit public pourrait s'accroître de nouveau et même franchir, en 2008, le seuil des 3 % du PIB. Une telle perspective n'est pas envisageable, au moment où notre pays vient de prendre la présidence de l'Union européenne.

Pour conjurer ce danger, il est indispensable de comprimer le déficit en réduisant les dépenses tout en ne diminuant pas inutilement nos ressources. Je ne peux, de ce point de vue, cacher une légère inquiétude, notamment lorsque j'examine le mode de financement de la prochaine généralisation du RSA (Revenu de solidarité active) qui, quelle que soit la noblesse des motivations qui anime ses promoteurs -et je considère que c'est un bon dispositif- pourrait valoir un surcroît de dépense de l'ordre de 1 à 1,5 milliard. Nous avions en effet pu penser que la non-indexation des éléments ouvrant droit à la prime pour l'emploi et le pincement de la limite supérieure y ouvrant droit viendraient en déduction de ce montant.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'était notre préconisation...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Las, il semble que ceci soit déjà pris en compte dans le montant qui nous est annoncé.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit qu'aucun arbitrage n'avait été décidé. Je vous crois, mais vous mets en garde : ce financement doit se faire par redéploiement.

De même, je ne souhaite pas que les ressources fiscales soient trop rapidement réduites. A défaut de pouvoir mettre fin à toutes ces niches fiscales, ces exemptions qui sont autant de coups de canif portés à notre pacte fiscal, je plaide pour une limitation de leurs effets. Il faut plafonner l'avantage procuré pour chaque foyer fiscal. Nous avions un barème de l'impôt sur le revenu excessif, voire confiscatoire, et ces niches permettaient en quelque sorte de faire pardonner cette spécialité française, mais aujourd'hui les niveaux de l'impôt sur le revenu sont revenus à un niveau compatible avec les autres pays occidentaux.

C'est donc avec grand intérêt que j'ai entendu le secrétaire d'État à l'outre-mer évoquer l'extinction de l'indemnité temporaire versée à certains fonctionnaires retraités dans nos territoires ultramarins.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nous l'avons plaidé longtemps !

M. Gérard Longuet.  - Le génie est une longue patience.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Ce dispositif, qui ne respecte pas l'équité républicaine, ne contribue pas au développement économique de ces collectivités. (M. Gaston Flosse le conteste)

Par ailleurs, une éventuelle baisse du taux de la TVA dans le secteur de la restauration ne peut, dans l'état actuel de nos finances publiques, me satisfaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Elle n'est pas souhaitable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Pour un impact macro-économique incertain et limité, cette mesure réduirait les recettes et augmenterait le déficit de 2 à 3 milliards d'euros. Elle paraît difficilement compatible avec les engagements de retour à l'équilibre de nos comptes d'ici la fin de cette législature.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est une mauvaise promesse.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - La gravité de la situation de nos finances publiques nous oblige à des remises en ordre salutaires, mais aussi à une saine pédagogie de la réforme. Nous ne pouvons en faire l'économie car, à terme, ce seront les réformes qui feront les économies, comme l'a indiqué le Président de la République. De ce point de vue, je salue à nouveau l'ambition réformatrice de la révision générale des politiques publiques (RGPP) dont on espère qu'elle rejoindra celle qui, sous l'autorité du général de Gaulle, fut portée par le rapport Rueff-Armand. Cette démarche est portée au plus haut niveau de l'État et le ministre des comptes publics en est le moteur. Notre soutien vous est acquis.

C'est dire avec quelle impatience nous attendons les premiers résultats de la revue générale des prélèvements obligatoires (RGPO), cette petite soeur de la RGPP qui peut nous aider à rendre notre pays plus compétitif dans une économie mondialisée. J'en attends de l'audace : nous ne saurions nous satisfaire de modifications à la marge, d'un système qui date du précédent millénaire et n'est plus adapté au nomadisme économique, à la disparition des frontières fiscales ou à l'irruption des nouvelles technologies.

Est-il encore fondé d'affirmer qu'il y a des impôts payés par les ménages et d'autres supportés par les entreprises ? Cette convention politiquement correcte nous égare car les impôts et les prélèvements sociaux, inclus dans le prix des biens et services offerts aux consommateurs, sont toujours, en définitive, payés par les ménages. Les conséquences étaient sans gravité lorsque l'économie nationale échappait encore à la mondialisation, mais les discours anesthésiants ne suffisent plus aujourd'hui à masquer l'ampleur des délocalisations. Ce matin encore, nous avons appris la disparition de centaines d'emplois dans le domaine automobile. La France a produit 3,3 millions de véhicules en 2001 et 2,2 millions en 2007, soit un tiers de moins. Et qui peut encore sous-estimer l'ampleur des déficits croissants de notre balance commerciale ? Nous consommons plus que nous ne produisons.

Nous avons rendez-vous avec la réalité économique. Les impôts de production, notamment les cotisations assises sur le travail, sont des activateurs de délocalisations, tout comme la taxe professionnelle. Il faut rompre avec les tabous et mettre en chantier des réformes qui ne peuvent plus attendre. Nous avons déjà débattu de cette question il y a un an. La problématique fiscale ne fait que s'aviver avec la dématérialisation des transactions. Le commerce par Internet, le e-business, rend la perception des impôts et taxes aléatoire, et les États se livrent à une concurrence fiscale sans merci.

Dans un contexte économique international de crise, je rappelle la nécessité absolue de tenir fermement la dépense publique, de poursuivre l'action réformatrice engagée par le Gouvernement. Il ne faut pas confondre lutte contre la vie chère par l'intensification de la concurrence et amélioration du pouvoir d'achat par l'amélioration de la compétitivité. Tous les acteurs publics -État, sécurité sociale, collectivités territoriales- doivent participer à la maîtrise des dépenses publiques et à l'équilibre de la dépense fiscale.

Notre façon de gouverner et de légiférer est en cause : nombre de lois créent de nouvelles normes génératrices de dépenses publiques -souvent pour les collectivités territoriales. Ainsi, nous avons récemment doublé le nombre d'heures de formation des assistantes maternelles. Qui en supportera le coût ? (Mme Catherine Procaccia approuve)

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Le contribuable local.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Notre démarche est souvent contradictoire, pathologique, voire schizophrénique. (Marques d'approbation sur les bancs UMP) Aurons-nous la sagesse de ne légiférer que d'une main tremblante ? De même, nous tenons la dépense budgétaire mais nous multiplions la dépense fiscale et nous plombons les ressources des budgets à venir. Je redoute notamment les conséquences fiscales du Grenelle de l'environnement.

Nous devons tous, membres du Gouvernement comme parlementaires, être convaincus de la nécessité vitale d'équilibrer les dépenses publiques. Monsieur le ministre, vous devez convaincre vos collègues d'éviter, par exemple, pour faire un coût d'éclat, de diminuer la TVA dans le secteur du logement. Les finances publiques n'y résisteraient pas. Ou alors la proclamation du retour à l'équilibre des finances publiques en 2012 ne serait que pure illusion. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Ce débat, qui vise à déterminer les meilleures orientations possibles pour nos finances publiques pour l'année à venir et les trois suivantes, me paraît crucial. La conjoncture économique maussade, le poids des déficits et de la dette, le niveau élevé des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires exigent que nous prenions des décisions à la hauteur de l'enjeu. Seules des réformes d'ampleur permettront à notre pays de faire face au défi que constitue le vieillissement de la population. En matière de retraite, de santé et de dépendance, celui-ci pourrait se traduire par au moins trois points de PIB de dépenses supplémentaires d'ici à 2050. Seul un véritable assainissement de nos finances pourra garantir la pérennité de notre modèle social en cessant de reporter les dépenses d'aujourd'hui sur les générations de demain. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, approuve)

Nous avons déjà, plusieurs fois, pris cet engagement formel qu'il nous faut désormais impérativement tenir en nous attaquant aux causes structurelles des déficits sociaux. Après les déficits record du régime général -plus de 11 milliards d'euros en 2004 et 2005- et la légère décrue de 2006, 2007 a connu un nouveau dérapage des comptes avec un déficit de 9,5 milliards d'euros -dont un dépassement de plus de 3 milliards de l'Ondam et une progression supérieure à 6 % des prestations de la branche vieillesse.

Nous revenons cette année à la situation de 2006, avec un déficit attendu de 8,9 milliards : il se maintient à son niveau depuis trois ans plutôt que de se résorber, c'est inquiétant.

Les recettes continuent de progresser à un rythme élevé, plus de 4 %, grâce à l'augmentation de la masse salariale du secteur privé. Cette bonne tenue pourrait ne pas se prolonger longtemps. Les dépenses évoluent très différemment selon les branches. Le déficit de la branche retraite se creuse très nettement, pour atteindre 5,6 milliards sous l'effet conjoint du départ en retraite des générations du baby-boom et des départs anticipés pour carrière longue. Il y aurait 120 000 départs anticipés cette année, pour un coût estimé à 2,5 milliards. Les dépenses de la branche maladie progressent moins vite que l'an passé, grâce au plan d'économie de l'été dernier et aux franchises. Cependant, on prévoit un nouveau dépassement de l'Ondam, entre 500 et 900 millions, un peu en-deçà du seuil de déclenchement de la procédure d'alerte. Au total, le déficit de la branche pourrait dépasser l'objectif initial de 4 milliards. Pour la branche famille, l'excédent, retrouvé en 2007 après trois années de déficit, est confirmé cette année. La branche AT-MP enregistre elle aussi un excédent pour la deuxième année consécutive.

Au total, les déficits cumulés des deux branches déficitaires sur les deux derniers exercices, approchent les 20 milliards : c'est dire le chemin à parcourir pour revenir à l'équilibre de nos finances sociales et pour respecter l'objectif très ambitieux du Gouvernement, d'un retour à l'équilibre du régime général dès 2011 !

Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir transmis un document préparatoire au débat que nous avons ce matin, plus complet que l'année dernière et surtout plus respectueux de la spécificité des finances sociales. Vous ne nous donnez pas de trajectoire pluriannuelle détaillée pour l'évolution de l'Ondam, comme le prévoit pourtant la loi organique, mais vous définissez clairement vos grandes orientations ; nous attendons avec impatience d'en connaître le détail, qui devra figurer dans les prochaines loi de financement et loi de finances, ainsi que dans la première loi de programmation des finances publiques que nous examinerons à l'automne.

Pour conforter l'avancée incontestable que représentent les lois de financement de la sécurité sociale et la loi organique du 2 août 2005, nous souhaitons que l'information du Parlement en matière de finances sociales soit aussi transparente et précise qu'en en matière de loi de finances. Il est important que le cadrage pluriannuel figurant à l'annexe B du projet de loi de financement, propose des scénarios d'évolution solidement établis à partir d'hypothèses crédibles et différenciées. Nous souhaitons aussi que les mesures nouvelles soient chiffrées, en particulier dans l'annexe 9. Pour exercer pleinement son pouvoir de contrôle, le Parlement doit disposer d'un chiffrage plus précis et plus exhaustif des réformes proposées, en recettes comme en dépenses, à l'exemple de ce qui se passe en loi de finances.

La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, a confié à la Cour des comptes un pouvoir de certification des comptes de la sécurité sociale. Cet exercice nous offre un nouvel éclairage sur la comptabilité et la gestion des organismes de sécurité sociale et de nouveaux moyens d'exercer notre contrôle. Cette année, pas plus que l'an passé, la Cour n'a été en mesure de certifier les comptes de la branche famille, en raison de l'ampleur des incertitudes les entourant. Nous devons faire en sorte que cela change pour que l'année prochaine, la Cnaf présente des comptes améliorés à la Cour. Ensuite, pour que le refus de certifier les comptes de la branche recouvrement et de l'Acoss ne se renouvelle pas, il va falloir résoudre les points de « désaccord » entre la Cour, les services de l'Acoss et vos services, monsieur le ministre : nous sommes prêts à travailler avec vous en ce sens.

L'année 2009 sera stratégique, des décisions majeures, peut-être douloureuses, devront être prises pour inverser les tendances actuelles et pour revenir à l'équilibre de nos comptes sociaux. Nous ne pouvons plus repousser encore les échéances ! Aussi, je souhaite que le Gouvernement s'attèle en profondeur à sa mission : vous pouvez compter sur notre soutien ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - J'espère que ce débat d'orientation budgétaire est le dernier « de l'ancien temps », celui d'avant la révision constitutionnelle ! Car, si comme je l'espère le Congrès aboutit lundi, l'an prochain nous conclurons un tel débat par le vote d'une résolution : nos échanges en seront transformés et la Haute assemblée, devra prendre toutes ses responsabilités ! (Marques d'approbation à droite et au centre)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Tout à fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - J'espère aussi que, l'an prochain, nous disposerons en séance d'écrans et de projecteurs, comme il y a quelques années pour la loi de finances, pour examiner ensemble les chiffres dont nous parlons ! J'espère encore que nous serons sortis du temps des menaces, de ce contexte des plus difficiles que nous connaissons aujourd'hui, affecté par deux chocs au moins : le choc de l'énergie, qui appelle un changement de nos comportements, donc des règles nouvelles, comme celles qu'a suggérées le Grenelle de l'environnement ; le choc financier qui, bien au-delà de la crise des subprimes, est une crise de confiance dans l'appréciation des risques financiers, qui touche toute la planète et qui rendra plus difficile l'accès au crédit, pour les entreprises et pour les particuliers, sans oublier les conséquences sur le coût même de la dette publique.

Notre environnement économique se caractérise donc par des risques de discontinuité. L'inflation renaît, le prix de l'énergie augmente, la parité monétaire nous désavantage, notre croissance marque le pas : l'équation que vous devez résoudre, monsieur le ministre, est des plus difficiles ! La commission des finances voit dans cette difficulté une motivation supplémentaire pour soutenir vos efforts ! L'année 2009 est le tournant de la législature : c'est dans cette année vérité que nous saurons si nous sommes sur la bonne trajectoire ! Que nous saurons également, dans quelle mesure unifier les perspectives triennales que nous communiquons aux instances européennes, et les nouvelles perspectives triennales que nous élaborons en interne.

Sur la méthode, cependant, beaucoup reste à faire. Vous allez dans le bon sens, en intégrant les opérateurs aux normes des finances publiques et en répondant par là aux critiques que nous faisions régulièrement, contre les facilités que l'État s'accordait en « s'agencisant » de plus en plus, c'est-à-dire en se fractionnant toujours davantage, au risque de ne plus pouvoir maîtriser les dépenses publiques. S'agissant de la masse globale des dépenses du secteur public, il faut raisonner par grands secteurs : l'État, la sécurité sociale, les collectivités locales. Nous serons bien sûr très attentifs à la façon dont l'enveloppe normée des collectivités locales sera calculée pour 2009.

Nous sommes très attachés au maintien des droits d'accès au FCTVA.

M. Roland du Luart.  - Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il faudra faire preuve de pédagogie pour expliquer que le contrat est bien respecté.

Mme Nicole Bricq.  - Ce sera dur...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Si le principe d'autonomie fiscale des collectivités territoriales est inscrit dans la Constitution, nous nous inquiétons de ce que nous lisons ça et là sur la taxe professionnelle dont vous savez l'importance pour les intercommunalités. Il faut veiller au respect du principe d'autonomie afin de ne pas déstabiliser des collectivités dont les dotations évolueront à des rythmes très raisonnables.

Vous avez bien voulu nous associer dans votre propos à la révision générale des politiques publiques. Les décisions prises sur les missions déjà évaluées dégageront des économies nettes de 6 milliards l'an, soit 4 à 5 % des crédits concernés. Nous souhaitons qu'elle se poursuive, rubrique par rubrique, avec persévérance et exhaustivité.

Nous sommes convaincus de l'importance d'un retour à l'équilibre en 2012 mais il est encore très incertain, parce qu'il faut annuler 50 milliards de déficit public et compenser les mesures qui ont abouti à des dépenses fiscales supplémentaires. Celles-ci constituent notre principal défi. Le Sénat avait exprimé sa conception en adoptant, à l'occasion de la première lecture de la révision constitutionnelle, l'amendement que j'avais défendu avec MM. About, Arthuis et Vasselle. De notre point de vue, il doit y avoir une hiérarchie des normes : Constitution, loi organique, loi financière, loi ordinaire. La commission des lois de l'Assemblée nationale n'a pas partagé cette vision des choses, mais nous persistons et signons car il faut un cadre général dans lequel puisse prévaloir le sens des responsabilités. Or, quand tous les autres textes sont portés par des ministres dépensiers, ceux que vous nous présentez sont les seuls qui tendent vers l'objectif. Les lois de finances de la République doivent être le lieu où sont validés les éléments qui ont une influence sur le solde des finances publiques.

Nous serons très attentifs à ce qui sera réalisé en deux domaines. Nous aurions d'abord souhaité que la revue générale des prélèvements obligatoires figurât au premier rang des préoccupations et qu'elle fût le pendant de la révision générale des politiques publiques. Nous manquons en effet d'une stratégie fiscale. Or, si l'on peut contester sur certains points l'analyse du président Arthuis, il n'est pas contestable que les prélèvements obligatoires expriment à la fois une vision sociale et la politique que l'on souhaite conduire. Et, quand on ne vote que par détails, par retouches, on perd de vue la politique elle-même. M. Dassault, notre rapporteur spécial, interviendra sans doute sur les exonérations de charges qui représentent la moitié du déficit. Nous sommes prêts à vous dire que si nous réduisions chaque année d'un dixième le plafond des exonérations pour revenir de 1,6 Smic à 1,5 en 2009 puis à 1,4 en 2010..., nous accomplirions déjà un chemin appréciable vers un changement des comportements et de logique. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

La charge de la dette, qui s'était tenue sur un palier de 45 milliards entre 2000 et 2006, a augmenté de 12 % en 2007 du fait de l'évolution des marchés financiers pour s'établir à 52 milliards. Les tensions des taux d'intérêt, l'inflation, les perspectives incertaines de nos finances publiques conduisent à son alourdissement. J'aurais aimé pouvoir vous projeter ce graphique. (L'orateur présente des courbes) Il montre les conditions d'emprunt des États européens. L'Allemagne obtient les meilleures conditions, la Grèce les moins bonnes. La France, qui bénéficie d'abord des mêmes conditions que l'Allemagne, décroche depuis un an.

Mme Nicole Bricq.  - Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Sans être en mauvaise position, on nous demande 30 points de base de plus -cela nécessite une trajectoire de rétrécissement...

Le débat d'orientation budgétaire est un rendez-vous nécessaire, mais nous l'avons préparé dans des conditions difficiles car, jusqu'à ces derniers jours, nous ne disposions que de peu d'éléments sur 2009 et j'ai dû inventer certains éléments pour présenter la semaine dernière mon rapport à la commission...

M. Gérard Longuet.  - On ne s'en est pas aperçu.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - ...les arbitrages n'étant pas encore définitivement actés. La commission des finances soutient et soutiendra, monsieur le ministre, vos efforts d'assainissement, de rigueur et de bonne gestion de l'État comme de la sécurité sociale. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres financiers généraux de la sécurité sociale.  - Au risque de vous apparaître plus laborieux que les orateurs qui m'ont précédé, je me dois de dissiper certains malentendus. Nous avons les uns et les autres à travailler ensemble à un meilleur équilibre des comptes -ceux de la sécurité sociale comme ceux de l'État- et le président About a déjà tracé quelques pistes.

Pour atteindre l'objectif ambitieux que s'est fixé le régime général d'un retour à l'équilibre en 2011, il faut un engagement fort du Gouvernement. La dette accumulée du régime général passera de 25 milliards aujourd'hui à 30 milliards fin 2008. Ces montants ne sont plus soutenables dans la situation actuelle des marchés financiers et la Caisse des dépôts a fait savoir qu'elle ne pourrait plus garantir le financement par l'Acoss.

A la Conférence sur les finances publiques de mai dernier, le Gouvernement s'est engagé à régler la question d'ici 2012. La solution envisagée serait un transfert de la dette à la Cades. A quelle hauteur ? Concernant quelles branches ? Incluant le FVS et Ffipsa ? Et la totalité de la dette jusqu'à fin 2008 ou seulement 2007 ? Nous avons voté une loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale prévoyant que tout transfert doit s'accompagner d'une recette nouvelle.

Mme Nicole Bricq.  - Oui.

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - M. Gouteyron, qui fut président de la Cades, sait que tout transfert suscite des difficultés... (L'intéressé opine du chef) Le Gouvernement se refuse à transférer sur les générations futures la dette que nous avons produite. Une date limite, 2021, a été fixée pour la Cades. Le ministre semble écarter une hausse de la CRDS : il faut donc trouver une autre ressource, aussi fiable et dynamique. Redéploiement d'une partie des recettes du FSV, suggère M. Woerth. Mais ces sommes sont aléatoires. Et suffiront-elles ? A-t-on la garantie que le déficit ne sera pas simplement transféré au FSV ? Attention à l'effet de ciseaux : quand la conjoncture est favorable, le fonds dégage des excédents mais en cas de ralentissement économique le déficit se creuse, il est de 5 milliards.

Des avancées ont marqué, en 2007, les relations entre l'État et la sécurité sociale. Un ministère des comptes publics a été créé, mais si la dette antérieure, de 5 milliards d'euros, a été apurée, une nouvelle s'est formée. Il conviendrait de chiffrer correctement le coût de certaines dépenses fiscales et de l'AME, gravement sous-évaluée ! Le déficit cumulé du Ffipsa atteint désormais 6 milliards d'euros. Or, aucun début de solution n'apparaît -plusieurs pistes ont été abandonnées... Où en est-on, monsieur le ministre ? Vous dites vouloir régler ce problème en 2009, mais vous ne dites pas comment. J'avais voulu supprimer du texte de loi les mots « le cas échéant », afin que le Gouvernement soit contraint d'assurer l'équilibre des comptes. Il n'en a rien été et le Gouvernement peut ainsi éviter d'honorer l'engagement pris, pourtant, devant la représentation nationale.

Des mesures de fond sont nécessaires pour que la branche maladie revienne à l'équilibre en 2011. Le directeur de la Cnam a proposé un plan comportant recettes nouvelles et économies à réaliser grâce aux réserves d'efficience. Mme Bachelot a demandé un effort supplémentaire de 1 milliard d'euros, pour atteindre les 4 milliards. Pour nous, il faut aussi envisager des mesures structurelles. Les affections de longue durée représentent les deux tiers des dépenses des soins de ville et l'essentiel de leur hausse -on ne pourra éviter des mesures plus contraignantes, le niveau devient insupportable.

Il faut aussi associer l'hôpital à la politique de réduction du déficit.

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Et se pencher sur la répartition de la charge des dépenses entre régime de base et régimes complémentaires.

MM. Marini et Arthuis ont évoqué la question des normes, qui aggravent le poids des dépenses notamment pour les collectivités locales. Il y a aussi la multiplication des agences, structures ad hoc et autorités administratives. Pas de texte de loi sans une création : voyez le projet de loi sur la démocratie sociale que nous examinerons demain, il crée une Haute autorité. Elle coûtera !

La branche vieillesse vient de faire l'objet d'un document d'orientation du Gouvernement. Les orientations sont bonnes mais reste la déclinaison. Pour réduire le déficit de la branche, il faut promouvoir l'emploi des seniors car la France est lanterne rouge de l'Europe ; n'hésitons pas à pénaliser les entreprises qui renâclent. La prise en compte des carrières longues après la réforme des retraites a donné lieu à des abus et des effets d'aubaine, il convient d'éviter d'autres dérapages. Quant aux dispositions relatives à la pénibilité, il faut en mesurer le coût, ce qui n'a pas été fait en 2003. Aller piocher dans les excédents de la branche famille...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - C'est dangereux.

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Cela peut être envisagé, mais les excédents ne pourront pas tout financer, réforme des retraites, financement des dépenses liées à la perte d'autonomie...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Elles répondent à un besoin des familles !

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - ...et branche maladie. Il faut chiffrer globalement les besoins à venir liés au vieillissement de la population. Quel dommage de ne pas profiter de la réforme constitutionnelle pour imposer une étude d'impact pour chaque projet de loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale ! Un amendement commun avait été déposé par la commission des finances et la commission des affaires sociales, concernant les exonérations, car toute nouvelle loi en comporte, sans qu'on soit assuré de leur compensation.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Il faudra aussi revenir sur le nombre d'années d'activité nécessaire pour accéder à la retraite. Il y faudra du courage et de la pédagogie.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Bien sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Quant au financement de la protection sociale, plus de 30 milliards d'euros ont été compensés par l'État -à l'euro près, je vous en félicite, monsieur le ministre. Mais il y a dans les exonérations compensées une source de fragilité du financement. En effet, 2,4 milliards d'euros demeurent non compensés. Il s'agit des mesures d'intéressement et de participation et des mesures antérieures à 1974.

C'est ce qui a amené la Cour des comptes à se poser la question de la certification des comptes de l'Acoss.

Les niches sociales représentent une perte d'assiette de plus de 40 milliards ; avec les 30 milliards de compensations, on dépasse les 70 milliards. Faut-il aller vers un plafonnement des niches fiscales ? Ce ne doit pas être l'occasion pour le budget de se servir de la loi de financement de la sécurité sociale pour chercher des compensations ! La loi de financement de la sécurité sociale sert trop souvent de variable d'ajustement.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Mieux vaudrait supprimer les niches que les plafonner.

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Notre collègue député Yves Bur vient de publier un rapport extrêmement complet sur cette question. Il propose toute une série de dispositions, comme limiter dans la durée ces exonérations ou les soumettre à des études d'impact régulières. De notre côté, nous avons proposé un système de validation des mesures d'exonération en loi de financement de la sécurité sociale. Cela a même fait l'objet, à notre initiative, d'une proposition de loi organique votée par le Sénat en janvier dernier. Le Gouvernement nous avait alors dit que cette mesure était d'ordre constitutionnel. Nous avons donc tenté de l'inscrire dans le cadre de la révision en cours. Le Sénat a adopté un amendement en ce sens mais la commission des lois estime que cette disposition ne relève pas de la Constitution mais bien de la loi organique.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission des lois de l'Assemblée nationale !

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Dans ce cas, il faudra que l'Assemblée nationale soit saisie de notre proposition de loi organique et l'adopte !

Yves Bur reprend aussi l'une de nos propositions de l'année dernière, à savoir l'instauration d'une contribution forfaitaire de faible montant sur l'ensemble des niches sociales, la flat tax. Notre système de protection sociale, même parfaitement réformé, ne pourra subsister sans l'apport de ressources nouvelles.

Plusieurs possibilités existent. Nous ne devons en écarter aucune. Nous avons proposé la création de taxes sur les boissons sucrées et les produits de grignotage, dans un souci autant sanitaire que financier. Nous attendons un rapport du Gouvernement sur ce sujet : vous nous l'aviez promis pour la fin du mois de juin, où en est-on ? Dans le même ordre d'idée, des marges existent encore pour la taxation de certains produits alcoolisés.

J'aurais encore eu un mot à dire sur le financement de la dépendance mais j'ai déjà été trop long...

Les sujets à régler sont donc nombreux et, nous en sommes conscients. Notre commission souhaite que les prochaines lois financières permettent de les traiter en profondeur, dans la transparence et dans le souci des générations futures. C'est ce qu'attendent nos concitoyens. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Excellent !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles.  - Le problème du financement de notre patrimoine historique et architectural est revenu au premier rang des préoccupations de la commission des affaires culturelles et de son groupe d'études sur le patrimoine. Les orientations qui seront retenues dans le projet de loi de finances pour 2009 sont attendues avec appréhension. Notre commission a pu en prendre la mesure en entendant, ces dernières semaines, les propriétaires de monuments privés et les élus des villes à secteur sauvegardé. Ces inquiétudes concernent à la fois le niveau des crédits budgétaires qui seront consacrés à ce secteur et l'avenir des politiques fiscales qui contribuent à son financement.

Les récentes annonces concernant une « remise à plat » des « niches fiscales » ont visé, en particulier, deux des principaux leviers de notre politique patrimoniale : le régime fiscal des monuments historiques et celui adossé à la loi Malraux. Tout en saluant le courage avec lequel le Gouvernement s'attache à évaluer l'efficacité de nos dépenses fiscales, afin de lutter contre les effets d'aubaine que certaines mesures peuvent susciter, j'insiste sur les différences essentielles qui séparent ces deux dispositifs des produits d'optimisation fiscale.

Comme l'ont d'ailleurs reconnu l'Assemblée nationale et l'Inspection générale des finances, ces dépenses fiscales se substituent directement à la dépense budgétaire. Il s'agit, non d'inciter, mais d'accompagner les investissements nécessaires, par une juste compensation des contraintes architecturales et environnementales que le législateur impose à ces propriétaires. Cette dépense publique est, en outre, largement compensée par ses retombées économiques et fiscales, directes ou indirectes, en termes d'emploi, de recettes de TVA ou de tourisme. Ces leviers essentiels de notre politique patrimoniale ne doivent pas perdre leur efficacité.

Instituer un plafonnement pourrait poser problème, sauf à définir, en concertation avec les acteurs concernés, un niveau réaliste et raisonnable.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Voilà une ouverture !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles.  - D'autres points de convergence semblent pouvoir aisément apparaître, en vue de mieux encadrer ces dispositifs et d'améliorer la lisibilité de l'effort public consenti.

Ne cédons pas, toutefois, à la tentation de la complexité, comme cela avait été pointé du doigt par notre commission avant d'être finalement sanctionné par le Conseil constitutionnel, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006.

Quelles sont, dans ces conditions, les évolutions envisagées concernant ces deux régimes fiscaux et, surtout, quelle sera la méthode de concertation retenue ? Un maintien à niveau de l'effort budgétaire en faveur de la sauvegarde de notre patrimoine historique sera-t-il assuré pour 2009 ? Un nouveau fléchissement serait un signal très négatif et aurait des conséquences préoccupantes sur l'activité des entreprises d'entretien et de restauration concernées par le patrimoine.

J'en viens au financement du déploiement de la télévision numérique terrestre. La loi du 5 mars 2007 avait prévu la création d'un GIP chargé de mettre en oeuvre les mesures propres à l'extinction de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique. Le GIP France télé numérique gère aussi le fonds chargé d'aider les foyers exonérés de redevance audiovisuelle à financer le passage à la télévision numérique terrestre. Ce GIP doit être financé à parité par l'État et les chaînes de télévision ; c'est pourquoi je me permets d'insister pour qu'il soit doté dès 2009 des moyens indispensables à son intervention.

Selon la première étude de perception du grand public menée par France télé numérique, un Français sur dix s'interroge sur le passage au tout numérique. Au regard de l'importance de ce chantier, qui place la France en position éminente, il faut aider nos concitoyens les plus démunis à effectuer les adaptations nécessaires pour continuer à regarder une télévision dotée de la technologie la plus avancée.

Notre commission sera, bien sûr, très attentive à la suite de ce débat budgétaire. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Thierry Foucaud.  - Vous persistez dans la « même stratégie » malgré la croissance en berne, les comptes publics dans le rouge, des perspectives sombres pour 2009, une précarisation accélérée de l'emploi, des comptes sociaux en difficulté. Tel est le résultat patent de plus d'un an de votre politique ! Même le CAC 40 est en chute libre et a perdu plus de 30 % de sa valeur ! Seules les distributions de dividendes et l'augmentation du nombre des contribuables de l'ISF montrent que tout ne va pas si mal pour certains.

Nous devons donc mettre en question les choix opérés depuis le printemps 2007, et pour certains bien avant, avant de donner sens à ce qui pourrait constituer une alternative à une politique de plus en plus inefficace et de plus en plus décriée par l'opinion publique.

La situation des finances publiques et sociales est préoccupante, et personne, n'en conteste la gravité. La dette publique d'État atteint désormais un encours de 966 milliards, niveau jamais égalé auparavant. Fait plus préoccupant, la part de la dette constituée de titres de court terme est en progression sensible depuis le début de l'année, à 102 milliards. S'agissant de l'exécution budgétaire 2008 en cours, malgré les habituelles mesures de gel mises en oeuvre depuis le début de l'année, la situation fin mai présente un découvert de plus de 50 milliards, malgré les bonnes rentrées de l'impôt sur les sociétés et une TVA portée par la hausse des prix de l'énergie. Ce n'est qu'au prix de manoeuvres dilatoires sur les dépenses d'intervention que le solde budgétaire global n'est pas plus dégradé.

Votre discours sur la situation des comptes publics est un peu celui d'un pyromane qui viendrait à s'inquiéter de l'incendie qu'il a lui-même allumé

Les prévisions de croissance de l'Insee demeurent relativement modestes puisqu'on parle d'un taux de 1,6 % cette année et inférieur à 2 points l'an prochain. Pourquoi, avec 5 % de croissance mondiale, les pays de la zone euro et la France en particulier présentent-ils une telle faiblesse de leur croissance ? Ce n'est pas la faute aux garanties collectives des salariés ou à l'absence de flexibilité du marché du travail, mais bien plutôt à la politique économique et monétaire européenne qui impose austérité sur les dépenses budgétaires, liberté de circulation des capitaux, taux d'intérêt élevés et raréfaction de la création monétaire.

Les responsables, ce ne sont pas non plus les collectivités territoriales accusées d'être trop dépensières et qui devraient s'obliger à la même rigueur que l'État. Encore heureux qu'elles n'aient pas trop réduit leurs dépenses d'investissement, sinon nous aurions déjà connu la récession !

Ce qui met en cause la croissance, ce sont les politiques guidées par les critères de convergence, par le pacte de stabilité, par l'autisme de la Banque centrale européenne. A quoi sert d'économiser quelques centaines de millions d'euros en supprimant des emplois publics quand le seul relèvement des taux directeurs de la BCE -dont l'indépendance est consacrée par le Traité de Lisbonne que vous avez voté- nous coûte 2 ou 3 milliards de plus sur le service de la dette chaque année ? Les politiques d'austérité conduisent à peu près partout aux mêmes résultats : mauvais état des comptes publics, dette sans cesse plus lourde, faible croissance et aggravation continue des inégalités sociales. De ce point de vue, le Gouvernement s'est distingué avec une loi Tepa qui n'a eu de conséquence que sur la fiscalité du patrimoine. Le budget, déjà mal en point, va enregistrer une moins-value fiscale d'au moins 400 millions pour permettre à 3 000 assujettis à l'ISF de se libérer de tout ou partie de leur impôt, au prétexte qu'ils financent les PME : 400 millions pour 530 millions de capitaux mobilisés, quel gaspillage de fonds publics pour un résultat macro-économique ridicule ! Alors que 450 millions suffisent à défiscaliser les intérêts du livret A et du livret de développement durable qui représentent un encours de 200 milliards d'euros !

Il faut mettre un terme, à ce que le rapport Migaud-Carrez appelle « l'évolution déraisonnable de la dépense fiscale ». Le premier budget de l'État, aujourd'hui, n'est pas celui de l'éducation, mais bel et bien la masse considérable des dépenses fiscales. Cette année, et plus encore l'an prochain, 73 milliards de recettes fiscales vont ainsi disparaître ! Et cela, compte non tenu des 30 milliards de recettes fiscales que l'État a cantonnés pour financer les allégements de cotisations sociales, ni des 12 milliards destinés à compenser la réforme de la taxe professionnelle, ni des 5 milliards de recettes utilisés à mal compenser le RMI aux départements, sans parler de l'APA, et j'en passe ! Entre dépenses fiscales et recettes dédiées, ce sont des milliards et des milliards qui manquent aujourd'hui pour équilibrer les comptes publics !

Et quels sont les résultats de cette dépense fiscale ? Les 23 milliards d'augmentation de la dépense fiscale depuis 2003 n'ont pas atteint leur objectif en matière de croissance et d'emploi, mais l'impôt sur les sociétés a baissé, l'imposition des revenus du capital s'est allégée, et celle des patrimoines s'est fortement réduite.

Nous ne souhaitons pas que la loi de finances 2009 se contente de quelques modifications cosmétiques, associées à une nouvelle purge de la dépense publique. L'annonce de 30 à 35 000 suppressions d'emplois publics laisse pourtant craindre que ce soit le choix du Gouvernement. De même, il est de plus en plus question que les collectivités territoriales soient mises à contribution. Le pacte de stabilité s'annonce sévère : blocage de la DGF, mise en cause du FCTVA, nouvel allégement de la taxe professionnelle sans compensation ; c'est une déclaration de guerre aux élus locaux ! On dirait que les mots « dépense » et « publique » sont pour vous incompatibles... II est vrai que la dépense privée est tellement plus vertueuse, comme le montrent les milliards que Total engloutit chaque année à racheter ses propres actions -le super à 1,60 euro le litre sert donc à quelque chose...-, ou encore les dizaines de milliards que nos banques ont « claqué » dans les subprimes américains et qui se traduisent aujourd'hui par des suppressions d'emploi massives... !

En transformant les milliards de dépense fiscale inefficace en dépense publique utile, nous répondrons aux besoins populaires, en matière d'emploi, de logement, de protection sociale, de vie sociale et associative, de sécurité, de services publics. Pour retrouver le chemin de la croissance, la France doit retrouver le chemin de la dépense publique, chemin qui est aussi celui de la justice fiscale et sociale ! (Applaudissements à gauche)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Un an après l'élection du Président de la République, les Français sont impatients de constater les effets des réformes votées par la majorité. Notre pays a besoin de profondes réformes pour sortir de la léthargie dans laquelle il est plongé depuis plus de vingt-cinq ans. Comme l'écrivait Voltaire, « les Français arrivent tard à tout, mais ils arrivent ». Cessons de nous enfoncer dans une spirale sans fin de déficits et de perte de compétitivité, alors que nos partenaires bénéficient d'une croissance vertueuse. Jusqu'à présent, nous n'avions que peu réagi. Le monde ne nous attendra pas. Donnons tort à Voltaire et montrons-nous enfin des précurseurs de la réforme.

Sans réforme donc sans croissance, la France ne pourra atteindre aucun des objectifs auxquels elle aspire : ni la création de richesses, ni la compétitivité, ni la paix sociale ; et nous reculerons encore dans la hiérarchie mondiale. Bien sûr, le contexte international accroît la difficulté de la tâche mais nos compatriotes attendent des résultats. Cela exige du Gouvernement une politique volontariste et lisible.

Crise des crédits hypothécaires américains, renchérissement du prix des hydrocarbures, hausse continue du prix des matières premières et des produits alimentaires, surévaluation de l'euro : tout contribue à ralentir la croissance de la zone euro et de l'économie française. L'annonce par le PDG de Gazprom qu'avant la fin de l'année le baril de pétrole atteindra 250 dollars et les 1 000 m3 de gaz les 1 000 dollars n'est pas absurde. L'entrée en récession, sur les deux premiers trimestres de l'année, du Danemark, pays vertueux et souvent cité en exemple, constitue un signal d'alarme sur les risques encourus par notre pays à moyen terme.

L'état de nos finances publiques reste préoccupant. « Il faut arrêter la fuite en avant » déclarait encore récemment le Premier ministre. Néanmoins, on constate un nouveau creusement de 41 milliards au premier trimestre, la dette publique dépasse désormais les 1 250 milliards, soit 65,3 % du PIB. Cela sans tenir compte des engagements hors bilan qui dépassent les 300 milliards.

La récente hausse du taux de refinancement de la BCE à 4,25 % vient encore surenchérir le coût des intérêts de notre dette, second budget de l'État. Il serait dangereux, car irresponsable, que quiconque mise sur un surcroît d'inflation pour rogner une partie de ces engagements, sauf à vouloir rembourser ces dettes au détriment des ménages, déjà suffisamment mis à contribution. En revanche, monsieur le ministre, votre hypothèse d'une inflation à 2 % et d'un baril de pétrole à 125 dollars ne me semble pas du tout réaliste.

Je regrette que le débat sur les lois de finances, engagé à l'occasion du projet de loi constitutionnelle, n'ait pas abouti : chaque année le Gouvernement aurait du présenter un budget en équilibre et améliorer la sincérité des comptes.

Notre déficit affaiblit l'autorité qui devrait être la nôtre au moment où la France préside l'Union européenne. Avoir les moyens de nos ambitions politiques suppose d'être exemplaires, et d'abord sur le plan budgétaire, Comment prétendre insuffler une nouvelle dynamique à une Union européenne résignée à jouer les seconds rôles ? Sur quelle autorité morale pouvons-nous nous appuyer lorsque nos comptes publics sortent des limites, déjà extensibles, du Pacte de stabilité ? Les références à une histoire glorieuse mais déjà lointaine sont dépassées, voire contreproductives.

La méfiance de nos concitoyens envers l'Europe ne risque pas de s'amenuiser et leur hostilité grandit à l'égard de la BCE qui peine à trouver des arguments pour justifier sa politique. Certes, elle confirme son inflexible indépendance face aux politiques, mais une banque centrale ne doit-elle pas poursuivre à côté de l'objectif de stabilité des prix celui de soutien à l'activité ?

L'engagement de votre gouvernement à tenir les critères de stabilité avant 2012, modérément ambitieux, demande néanmoins de réels efforts. La série de mesures structurelles énergiques, comme le projet de loi de modernisation de l'économie, a été saluée par le FMI pour son effet dynamisant.

Enfin, la révision générale des politiques publiques donnera une vision globale de leur efficacité ou de leur inefficacité. Les audits menés par votre prédécesseur permettent déjà de rationaliser certains postes de dépenses. Mais beaucoup reste à faire : je pense entre autres à la politique erratique de la gestion immobilière de l'État. Il est ubuesque que l'État ne connaisse pas l'étendue de son parc immobilier ! Nos collègues Bernard Angels, Marie-France Beaufils, Paul Girod et Adrien Gouteyron avaient parfaitement analysé dans leur rapport d'information ces dysfonctionnements. L'État doit élaborer une politique immobilière d'ensemble, qui ne saurait ni se résumer à des opérations de cession, qui ne sont pas sa finalité, ni se cantonner à une logique essentiellement ministérielle, donc cloisonnée. Sur ce point, je salue l'heureuse initiative de mettre en place un opérateur unique de rationalisation et de valorisation de 45 milliards d'actifs.

Vous souhaitez réinstaurer la confiance, alors que nombre de nos compatriotes souffrent du retour de l'inflation. La hausse des prix des hydrocarbures serait plus supportable si elle ne s'accompagnait de la peur du déclassement social. Les instituts statistiques peuvent bien proclamer depuis des années une inflation comprise entre 2 et 3 points, les Français constatent quotidiennement que les prix des produits de consommation courante augmentent beaucoup plus. Les plus modestes, alors qu'ils peinent, chaque mois, à subvenir à leurs besoins élémentaires ou même à se loger, se moquent de savoir que le prix des produits de haute technologie n'a jamais été aussi bas.

Aujourd'hui, les dépenses contraintes -c'est-à-dire le logement, les assurances, les transports et le téléphone- absorbent en moyenne 30 % des revenus, contre 12 % en 1960.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Oui !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Ceux qui gagnent 20 000 à 55 000 euros par an, c'est-à-dire la moitié des Français, constituent le véritable moteur de la consommation. Trop riches pour percevoir des aides sociales, ils sont trop pauvres pour jouer des multiples allégements fiscaux et souhaitent pouvoir vivre décemment de leur travail. Leur incompréhension est manifeste envers la multiplication inconsidérée des niches fiscales, cette « mauvaise herbe fiscale » selon l'expression de M. Marini.

Quelque 227 nouvelles niches ont été créées entre 1997 et 2006, portant leur nombre estimé à 650. En 2008, l'État aura ainsi abandonné 27 % de ses recettes fiscales, représentant 3,8 % du PIB. Certaines satisfont un objectif légitime d'allégement fiscal ou d'allocation des ressources, mais leur prolifération souligne que l'aspect parfois confiscatoire de notre fiscalité en vient à générer d'injustes absurdités.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Absolument !

M. Aymeri de Montesquiou.  - M. Charles de Courson a souligné que les mille principaux bénéficiaires des niches fiscales réussissaient, par le truchement des investissements outre-mer, à réduire de moitié leur impôt sur le revenu, en obtenant une diminution moyenne de 300 000 euros. Mieux -ou pire !- les 100 000 contribuables obtenant le meilleur profit des dérogations fiscales ont réduit leurs impôts de 15 240 euros en moyenne, soit un manque à gagner de 1,5 milliard pour l'État. Ce n'est ni juste, ni équitable. De surcroît, les niches ont parfois une efficacité douteuse. Ainsi, le dispositif de Robien amplifie le retournement spectaculaire du marché immobilier dans certaines villes moyennes. De même, n'en déplaise à mes collègues ultramarins, la défiscalisation des investissements outre-mer a renchéri le logement et accru les difficultés des opérateurs de logements sociaux.

Revoir l'ensemble du système serait ardu, en raison d'une incidence macro-économique non négligeable, mais surtout parce que, selon l'expression de Gilles Carrez, « dans chaque niche, il y a un chien qui mord ». (Sourires) La sophistication de l'exception fiscale est telle que le législateur se heurte à l'objectif constitutionnel d'intelligibilité et de clarté de la loi, comme en 2005, lorsque le Conseil constitutionnel avait censuré le plafonnement de certains avantages dans le secteur sauvegardé.

Pourtant, des solutions existent. Je propose un principe simple : dès lors qu'un avantage n'est plus qu'un instrument d'optimisation fiscale au service des mieux informés, il n'a plus sa raison d'être. La mission d'information de l'Assemblée nationale propose notamment d'instaurer un maximum global de réduction en euros et d'y associer un véritable toilettage, l'ensemble devant faire économiser plusieurs milliards d'euros à l'État.

Les attentes des Français sont considérables. Nous n'avons que trop tardé. Non seulement nos partenaires européens ne nous attendront pas dans le grand jeu économique mondial, mais la Chine, l'Inde et le Brésil sont devenus nos concurrents directs. Si vous ne parvenez pas d'ici 2012 à tenir vos engagements budgétaires -qui ne sont pas excessivement ambitieux- rien ne pourrait plus entraver notre déclin !

Votre volonté est évidente, vos efforts sont certains. Je souhaite que vous puissiez dire dans quatre ans que mes propos d'aujourd'hui n'étaient que ceux d'un Cassandre mal avisé. (Applaudissements au centre et sur le banc des commissions)

M. Christian Gaudin.  - Ce débat d'orientation budgétaire intervient à un moment charnière de la préparation du projet de loi de finances pour 2009, malheureusement un des plus difficiles à boucler depuis de nombreuses années.

Je remercie M. le ministre et M. le président de la commission des finances pour cette discussion en pleine session extraordinaire. On évoque beaucoup le renforcement des pouvoirs du Parlement, qui passe par un accroissement des contrôles, mais aussi par une plus grande écoute des parlementaires. Je n'en doute pas pour le présent débat.

La semaine dernière, nous avons adopté le projet de loi de règlement pour 2007 : les résultats insatisfaisants doivent nous alerter sur la situation de notre économie, de nos finances publiques et sur leur avenir. Je suis plutôt pessimiste quant aux marges de manoeuvre permettant le redressement, mais je ne suis pas résigné, car à cette inquiétude il faut opposer un devoir de responsabilité de notre part, de la part du Gouvernement et de tous les Français.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes analyse les causes et les conséquences de leur dégradation. Certaines critiques sont sans appel !

Le déficit public est remonté à 2,7 % du PIB, avec une situation qui s'est aggravée, à contre-courant du retour général à l'équilibre observé dans le reste de la zone euro, notamment en Allemagne. Cette aggravation est due à l'insuffisante maîtrise des dépenses, qui n'a pu compenser les réductions d'impôts et de cotisations sociales. Par rapport à l'année 2006, le résultat ne s'améliore que de 0,6 milliard d'euros, après prise en compte du nouveau calendrier de versement des pensions aux agents de l'État.

Le déficit de l'État augmente en 2007 quel que soit le référentiel comptable ; le besoin de financement des collectivités territoriales s'alourdit aussi ; le déficit des régimes de base de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse reste proche de 11 milliards d'euros, la dette sociale augmentant de 9 milliards.

Après avoir baissé en 2006, la dette publique a de nouveau augmenté en 2007 -là encore, contrairement à la tendance observée dans les autres pays européens- pour atteindre 63,9 % du PIB, soit 47 000 euros par actif, en négligeant une partie des dettes de réseau ferré de France (RFF) bien que seul l'État puisse les rembourser. L'augmentation du ratio de la dette résulte mécaniquement du déficit.

Enfin, l'objectif d'équilibrer les comptes publics en 2012 suppose de ramener la croissance annuelle des dépenses en volume de 2,2 % en moyenne au cours des dix dernières années à 1,1 % par an, alors qu'elle s'est établie à 2,5 % en 2007. Cet objectif exige d'économiser 46 milliards d'euros à l'horizon 2012. Nous devons planifier cet effort. Comme l'a dit Alain Lambert en commission la semaine dernière, nous connaissons l'objectif pour 2012, il faut donc répartir précisément les efforts annuels à réaliser, et surtout s'y tenir afin de ne pas reconstruire l'an prochain un nouveau plan de redressement pluriannuel qui repoussera encore le retour à l'équilibre.

Monsieur le ministre, je salue votre réalisme. Des contraintes croissantes pèseront sur le budget de la France, avec le ralentissement attendu de la croissance mondiale, le renchérissement des matières premières, notamment du pétrole, et le déséquilibre flagrant dans l'évaluation du dollar et de l'euro. Dans le contexte de crise financière internationale, ces constats auront des conséquences dramatiques, marquées par une croissance atone, l'inflexion du marché immobilier, la faiblesse de la consommation et des investissements, l'augmentation des prix énergétiques ou alimentaires et le déséquilibre de la balance commerciale.

Comme parlementaires, nous devons mettre des mots sur une réalité toujours plus difficile. Je vous appelle donc à plus de prudence dans les prévisions. Mieux vaut sous-estimer la croissance, comme l'a longtemps fait le Canada, quitte à enregistrer des plus-values permettant de réduire la dette publique. Ne pas surévaluer nos capacités correspondrait à la gestion de bon père de famille dont la France a bien besoin car nous ne pouvons plus prendre de risques financiers.

Nous subissons des contraintes structurelles extrêmement importantes : le dynamisme des pensions de retraite et de la charge de la dette absorbera 70 % des modestes augmentations budgétaires. Les marges de manoeuvre seront bientôt nulles !

Ce qui m'inquiète le plus, c'est l'avenir de nos enfants et l'image que notre pays donne à ses partenaires européens ou mondiaux.

Nous sommes liés aux générations futures par un pacte tacite. Ne transformons pas ce lien en un fardeau financier, imposé par un héritage qu'elles ne pourraient refuser ! Par ailleurs, nous dépendons de nos partenaires européens, principalement de la zone euro, tout comme ils dépendent de nous. Le pacte de stabilité doit donc sous-tendre nos réflexions en matière de finances publiques. Or nous n'envoyons pas aujourd'hui de signaux très convaincants à nos amis européens, qui nous soupçonnent d'utiliser la zone euro pour amortir la dégradation de nos finances publiques.

Les dépenses publiques ne peuvent plus augmenter. Cela concerne toutes les administrations, de l'État au système social en passant par les collectivités territoriales. Nous ne pourrons que difficilement créer de nouvelles recettes. Il faut donc limiter leur affaissement. Il en va de la soutenabilité de nos finances publiques.

Mon inquiétude n'est pas résignation. Réformons en profondeur les méthodes de travail, en particulier budgétaires, développons une culture de la responsabilité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Christian Gaudin.  - Élus par les Français, nous devons les respecter. Être responsables, c'est leur dire la vérité sur les difficultés à venir, c'est être persévérants dans les réformes, même impopulaires, c'est être fidèles à nos engagements, en particulier à ceux prix envers nos voisins européens.

Dans les évolutions envisageables à moyen ou long terme, on parle beaucoup des dépenses fiscales. Evaluées à 73 milliards d'euros en 2008, elles ne sauraient être écartées a priori de tout mécanisme de régulation. Leur croissance est souvent sous-estimée car certains dispositifs sortent, « en raison de leur histoire » et sans plus de justification économique, de la liste des dépenses fiscales annexée au projet de loi de finances. Malgré ce biais, on observe un fort développement de ces dépenses, surtout depuis l'instauration d'une norme de dépense budgétaire en 2001 : de 398 en 2000, elles sont passées à 486 en 2008. Dans le projet de loi de finances pour 2008, seules 80 % sont chiffrées et il ne s'agit, pour la moitié d'entre elles, que d'un ordre de grandeur. Pour apprécier la croissance de leur montant total, il faut tenir compte des variations annuelles de ce taux de chiffrage, qui augmente depuis 2005. Il apparaît alors que le coût total des dépenses fiscales a crû en moyenne de 5 % par an de 2004 à 2007 et augmentera encore de 5 % en 2008, rythme bien supérieur à celui des dépenses couvertes par la norme. Il pourrait être envisagé, parallèlement à une amélioration de leur recensement et de leur chiffrage, d'encadrer leur évolution par une norme spécifique.

On pourrait imaginer, comme l'évoque le rapport que vous avez remis au Parlement, des limitations dans le temps ou en volume de ces dépenses fiscales. Nous ne manquons pas d'imagination à ce sujet et vous savez que le Sénat et sa commission des finances se sont déjà largement penchés sur la question de la suppression des niches fiscales.

Il serait également souhaitable de réserver à la loi de finances la possibilité de créer des dépenses fiscales, mais je ne n'irai pas ici plus avant dans ce débat en cours sur l'article 34 de la Constitution. Un système de caducité automatique des dépenses fiscales, non reprises dans la plus prochaine loi de finances, pourrait être instauré.

Un mot sur la TVA sociale ou TVA de compétitivité, je laisse à chacun, suivant sa sensibilité, le choix de l'appellation. Vous savez combien les centristes sont attachés à ce sujet délicat. Où en sont, monsieur le ministre, vos réflexions sur cette réforme qui pourrait assurer le rééquilibrage de notre compétitivité internationale ? (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, approuve)

Alors que nous venons d'étudier longuement le projet de loi de modernisation de l'économie, je souhaiterais revenir encore à la charge sur l'importance, dans le paysage économique qui est le nôtre, de la valeur ajoutée des petites et des moyennes entreprises comptant entre 100 et 300 salariés. L'exemple allemand est régulièrement évoqué. Pour rendre à nos PME leur compétitivité sur le plan international, nous devons leur créer un environnement favorable à l'investissement pour l'innovation. Je crois beaucoup en elles pour emmener notre pays sur le chemin du redressement.

Je rappelle, une fois encore, les quelques mesures d'ordre fiscal que Philippe Marini et moi-même avions formulées dans notre rapport d'information La bataille des centres de décisions : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation.

La fiscalité française et son environnement sont complexes, instables et insuffisamment attractifs. Le taux facial de l'impôt sur les sociétés pourrait être diminué, et son assiette harmonisée en même temps que consolidée. La France ne peut se permettre de demeurer durablement hors jeu de la compétition fiscale. Nous avions ainsi suggéré l'objectif d'un taux légèrement inférieur à 30 %.

L'initiative communautaire de l'assiette commune, premier pas vers la possibilité de légiférer, à l'unanimité, en matière de fiscalité des entreprises à l'échelon européen, à la différence du débat sur les taux, actuellement bloqué, devrait pouvoir aboutir.

Notre régime fiscal a besoin de stabilité : prévisibilité et lisibilité doivent être les mots d'ordre des décideurs politiques que nous sommes. Il en va de notre crédibilité aux yeux de nos voisins étrangers.

J'en viens, enfin, au rôle des collectivités territoriales dans le redressement de nos finances publiques.

L'insertion, dans le projet de loi de finances pour 2008, des prélèvements en faveur des collectivités au sein de l'enveloppe normée des dépenses est une nouvelle contrainte budgétaire pour l'État et pour les collectivités. Pour 2009, où elle ne devrait atteindre que 2 %, et pour les années suivantes, il faut en être conscient, la hausse des dotations des collectivités sera extrêmement limitée.

Notre devoir d'élus nous appelle à faire comprendre que tout le monde doit participer à l'assainissement de nos finances publiques. Régions, départements et communes devront aussi contribuer à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Inversement, l'État doit s'imposer à lui-même la fameuse « règle d'or » imposée aux collectivités locales. J'ajoute que l'instauration d'un dialogue suivi en vue de la réforme tant attendue de la fiscalité locale est une condition sine qua non de l'apaisement des relations.

Je n'ai pas besoin de vous conjurer, monsieur le ministre, car je sais que vous partagez cette éthique de responsabilité, de ne pas enjoliver la situation économique et financière de la France dans la construction du budget pour 2009. Nous devons être clairs et transparents pour les Français, pour nos partenaires européens, pour l'avenir. (Applaudissements au centre et au banc des commissions)

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

Mme Nicole Bricq.  - « Je réduirai la dette et le déficit qui ont été creusés par l'échec des politiques antérieures, alors que nos politiques réussiront. Les générations futures ne peuvent pas accepter que les générations actuelles vivent à leur crédit » : telle était la profession de foi du candidat UMP Nicolas Sarkozy, à l'élection présidentielle.

M. Alain Vasselle, rapporteur.  - Nous le suivons !

Mme Nicole Bricq.  - Mais à peine élu, le président s'affranchit du retour à l'équilibre des comptes publics, repousse cette échéance à 2012 et engage son gouvernement dans une politique de baisse d'impôts et de dépenses fiscales improductives, dilapidant ainsi ses quelques marges de manoeuvre, alors que la crise démarre aux États-Unis. Le Gouvernement justifiera après coup son plan de l'été 2007 par une nécessaire relance, censée soutenir l'économie réelle quand celle-ci serait affectée. Mauvaise pioche : à l'été 2008 tous les indicateurs sont au rouge. La Cour des comptes estime nécessaire une économie de 46 milliards, tandis que notre rapporteur général compte 65 milliards pour satisfaire, d'ici à 2012, la trajectoire transmise aux instances de l'Union européenne.

Avec vos choix politiques, l'équation est impossible à résoudre : croissance en baisse, inflation et taux d'intérêt à la hausse, alourdissent mécaniquement la dette tandis que la charge de la dette, devenue « dynamique », selon la curieuse expression du rapporteur général, s'élève à 52 milliards.

En même temps les recettes se contractent, tandis que le poids des dépenses fiscales engagées dans les trois dernières années pèsera sur les budgets 2009 et 2010. Le scénario du Gouvernement communiqué à Bruxelles est intenable, nul ici ne se fait d'illusion. On connaît le sort qui attendait dans le temps anciens les messagers porteurs de mauvaises nouvelles...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Arrêtez, nous tenons à vous. (Sourires)

Mme Nicole Bricq.  - ...mais la situation est suffisamment grave sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter. Le Gouvernement n'a plus de marges de manoeuvre. Alors qu'il a lancé de multiples chantiers inspirés par le Président et retardé l'ajustement budgétaire, il a négligé le principal : toute réforme a un coût initial. Si économies il y a, elles ne se produisent qu'à moyen ou long terme.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Exact.

Mme Nicole Bricq.  - Condamné a une discipline financière qu'il n'a pas anticipée, le Gouvernement n'a plus de cartouche. On voit là plus clairement que jamais l'injustice du paquet fiscal, qui a miné la confiance : en privilégiant les situations de rente, en proposant un agenda partisan et des mesures socialement biaisées, vous avez ruiné toute possibilité de mobilisation des salariés, qui ont bien compris qu'ils seraient les dindons de la farce. Quel paradoxe ! Alors que les salaires ne sont pour rien dans l'inflation, liée à la hausse du coût des matières première, ce sont eux qui vont payer la facture !

Alors qu'il faudrait s'engager dans une politique contracyclique, vous n'en avez plus les moyens. Le pays a besoin, dans bien des domaines, de la dépense : en matière de recherche et d'enseignement supérieur, en matière d'innovation, pour se doter de PME fortes et bien armées à l'export, pour assurer la solidarité qu'exige le décentrement de notre monde. Le débat sur le financement du revenu de solidarité active grâce au redéploiement de la prime pour l'emploi est à cet égard emblématique : la redistribution se fera des pauvres vers les plus pauvres. Et que dire du risque de voir le RSA devenir une subvention au temps partiel et aux bas salaires, ou de l'effet du glissement de la prime pour l'emploi vers le RSA, qui pénalisera les couples bi-actifs, puisque les deux dispositifs n'ont pas la même base de calcul ?

Vous vous apprêtez à mettre en oeuvre un plan de rigueur de grande ampleur qui amputera la croissance et fera croître le chômage.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - A quand vos propositions ?

Mme Nicole Bricq.  - Quelle est la stratégie du Gouvernement ?...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Quelle est la vôtre ?

Mme Nicole Bricq.  - ...La révision générale des politiques publiques n'a pas pour but d'améliorer l'efficience de l'État, mais de justifier a priori la réduction de la dépense publique et du nombre des fonctionnaires. L'économie ne dépassera pas 6 milliards...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est déjà quelque chose.

Mme Nicole Bricq.  - ...dont vous vous apprêtez, si j'ai bien compris les propos du Président de la République, à dépenser déjà trois pour financer la baisse de TVA en faveur des restaurateurs. Sans compter le coût des niches fiscales déjà engagées et de celles que leur ajoutera la loi pour la modernisation de l'économie.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Environ 400 millions.

Mme Nicole Bricq.  - La norme de dépense pour 2009 est fixée à 2 %. Tous les budgets seront touchés : rien ne peut être sanctuarisé. Les dépenses d'intervention en souffriront.

Sur la question des dépenses fiscales le débat, nous dites-vous, est ouvert ? Plafonner, réévaluer, limiter dans le temps, supprimer, comme le recommande le rapporteur général, les niches verticales... Il faudra attendre le budget pour 2009 pour savoir quelle voie vous aurez choisie, et si j'en crois les propos du président Valade, qui défendait tout à l'heure les niches sur le patrimoine et les monuments historiques, il y aura fort à faire.

Quant à la réforme constitutionnelle, le groupe socialiste s'est rallié à l'amendement présenté par MM. Marini, Arthuis, About et Vasselle.

Contrairement à la majorité, nous ne désertons pas ce terrain, comme vous le verrez cet après-midi lorsque nous reprendrons le débat sur la réforme des institutions.

Il semble que 3 milliards d'euros de crédits seront annulés et qu'on imposera un nouveau tour de vis aux collectivités locales. La semaine dernière, lors de la réunion de la Conférence nationale des exécutifs, le Premier ministre n'a pas caché son intention d'encadrer plus sévèrement les dotations de l'État -notamment la dotation générale de fonctionnement (DGF). C'est une cible tentante, d'autant que l'hypothèse du retour à l'équilibre d'ici 2012 fait des collectivités locales une variable essentielle. Or, leur endettement ne pèse que pour 11 % dans la dette publique : difficile d'en faire un bouc émissaire. Comment pourraient-elles, dans ces conditions, réduire drastiquement leurs dépenses, auxquelles le Gouvernement assigne un taux de croissance de 1,4 %, alors que leurs recettes sont amputées du fait de la réforme de la taxe professionnelle et de la baisse des recettes des droits de mutation ? Tout le monde sait ici que le schéma du Gouvernement n'est pas réaliste. Et l'état délicat des marchés financiers rend peu propice la cession d'actifs non stratégiques.

Il est paradoxal de débattre de la fiscalité sans disposer des résultats de la revue en cours. Certaines intentions pointent, dont l'orientation vers un impôt à large assiette et faible taux. Cela nous inquiète d'autant plus que vous avez déjà raboté le seul impôt progressif dont nous disposons. Ça suffit.

Vous utiliserez certainement des artifices comptables pour rester en dessous de la toise des 3 %, mais vous ne tromperez ni les parlementaires ni la Cour des comptes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Elle constitutionnalise la sincérité.

Mme Nicole Bricq.  - Le déficit est structurel et non conjoncturel.

Quant au transfert des dettes de la sécurité sociale à la Cades, il relève à la fois du contournement de l'obligation d'y associer une recette et du détournement, puisque les excédents du Fonds de solidarité vieillesse devraient aller au Fonds de réserve des retraites. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, approuve)

Je suis dans l'opposition, vous n'êtes donc pas tenus de suivre mes conseils, mais vous pouvez les écouter. Donnez un peu d'air aux finances publiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Oxygénons-les ! (Sourires)

Mme Nicole Bricq.  - Revenez sur les largesses accordées aux situations rentières, qui n'améliorent en rien la compétitivité ni le positionnement de la France face à la mondialisation. Revenez sur le paquet fiscal, coûteux et impropre à rétablir confiance et croissance. Il n'y a pas de honte à reconnaître une erreur, mais il est diabolique de persévérer. Cessez d'encourager les exonérations sociales et les niches fiscales. Il serait plus raisonnable de viser la stabilisation des prélèvements obligatoires puisque la baisse de 4 points promise par le Président de la République n'a aucune chance d'être atteinte. Cessez de développer un climat anxiogène autour de la dette en l'individualisant pour chaque Français. Placez plutôt en face la somme des actifs...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - 500 milliards.

Mme Nicole Bricq.  - ...et l'encore bonne signature de la France. Financez de grandes politiques d'économies d'énergie, prenez en compte l'impact du vieillissement de la population, investissez dans l'innovation et la connaissance : repensez notre modèle de développement pour réussir le passage de la France dans le XXIe siècle. Vous ne le préparez pas, mais l'histoire des peuples montre qu'ils n'oublient jamais longtemps les fautes de leurs gouvernants. (Applaudissements à gauche)

M. Roland du Luart.  - Le rapporteur général, Philippe Marini, a raison de souligner que l'année 2009 marque un tournant en matière de finances publiques : ces dernières ont atteint une sorte de point de rupture sous la double pression de l'endettement et du vieillissement de la population. Certes, le ralentissement de la croissance économique, l'augmentation des taux d'intérêt et le regain d'inflation rendent plus difficile à atteindre l'objectif de 2,5 points de PIB de déficit public fixé pour 2008.

Monsieur le ministre, vous avez prévu d'annuler environ la moitié des crédits mis en réserve et vous suivez de près l'évolution des dépenses de la sécurité sociale, mais nos difficultés sont surtout structurelles, liées au poids croissant de la dette dont la charge a longtemps été contenue, voire occultée, par les baisses de taux. A cet égard, le groupe UMP se félicite de la mise en place d'une stratégie de moyen terme reposant sur des réformes de structure et sur une maîtrise durable de la dépense publique. Nous saluons la confirmation de l'objectif d'un retour à l'équilibre des finances publiques en 2012, et dès 2011, espérons-le, pour la sécurité sociale. La présentation d'un budget pluriannuel redonnera à nos concitoyens de la perspective, et peut-être même de la confiance.

Le cap des réformes fixé par le Président de la République doit donc être tenu, par gros temps comme par petit temps. La hausse des prix et des taux d'intérêt contraint l'État à stabiliser ses dépenses afin de respecter le « 0 volume ». Nous mesurons l'effort que cela représente, d'autant plus que les crédits progresseront dans certains secteurs comme l'enseignement supérieur, la recherche et la justice C'est là que la RGPP prend tout son sens en permettant d'identifier les gisements de productivité et d'atteindre quasiment l'objectif de non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux en 2009, soit plus de 30 000 postes.

Comme notre commission des finances, nous vous encourageons à étendre à l'ensemble des dépenses d'intervention cet exercice de clarification et de rationalisation, et à passer en revue l'ensemble des niches fiscales et sociales. Beaucoup d'entre elles mériteraient d'être évaluées -l'ancien rapporteur des crédits de l'outre-mer que je suis en est convaincu. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, approuve)

Enfin, nous souhaitons que soit poursuivie la clarification des relations entre l'État et la sécurité sociale, et surtout entre l'État et les collectivités territoriales -le Sénat insiste naturellement sur ce dernier point. Lors de la Conférence nationale des exécutifs du 10 juillet dernier, le Gouvernement a annoncé sa volonté d'appliquer la règle du « 0 volume » aux concours qu'il verse aux collectivités locales. Si ces dernières doivent contribuer à l'effort de retour à l'équilibre des comptes publics, cela doit se faire dans la transparence et la cohérence. Ainsi, l'inclusion du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) dans le périmètre soumis au « 0 volume » peut être source de confusion et d'inquiétude parmi les élus locaux. Certes, ce fonds n'est pas réformé en 2009 afin de ne pas remettre en cause les plans de financement des investissements des collectivités locales, mais la forte progression prévue -660 millions d'euros- affectera une grande partie du milliard de progression de l'enveloppe globale des concours concernés. Les autres dotations, et en particulier la DGF, risquent d'en subir les conséquences. Surtout, l'inclusion du FCTVA dans l'enveloppe des concours de l'État risque de provoquer une confusion sur sa nature, que la majorité des élus considère comme un remboursement. S'ajoutant à la différence entre les 15 % remboursés et les 19,6 % de TVA versés, cette mesure risquerait d'être perçue comme une double peine budgétaire affectant les investissements. Monsieur le ministre, pouvez-nous préciser ce point, ainsi que vos intentions concernant l'évolution future du FCTVA ? Nous souhaitons qu'aucune décision ne soit prise sans concertation préalable.

Dans le même esprit, le groupe UMP s'est fermement opposé à ce qu'une nouvelle réforme de la taxe professionnelle soit engagée sans évaluation de la réforme précédente ni concertation approfondie avec les élus locaux. Le Gouvernement nous a entendus sur ce point : un rapport sera présenté au Parlement au début de l'automne et d'éventuels ajustements seront examinés sur cette base. Aucune réforme de la taxe professionnelle ne sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2009, conformément à notre souhait, et la réforme des valeurs locatives sera également conduite dans la concertation.

Mme Lagarde a exclu que la réforme de la taxe professionnelle entraîne une perte de recettes ou d'autonomie financière des collectivités locales. Nous sommes également très attachés à nos départements et apprécions que le Président de la République et le Gouvernement se soient clairement démarqués de la proposition de suppression avancée par la commission Attali. Pouvez-vous nous le confirmer ? A la disparition de tel ou tel échelon, nous préférons la clarification des compétences qui s'ajouterait à la concertation lancée sur l'intercommunalité dans la perspective du projet de loi de modernisation de la démocratie locale prévu pour le premier semestre 2009.

Sur tous ces sujets, le Sénat ne manque pas de propositions, comme en attestent les travaux de l'Observatoire de la décentralisation.

Nous nous félicitons de l'installation, à l'automne, de la commission consultative de l'évaluation des normes, prévue par le collectif budgétaire pour 2007 : les élus locaux y seront mieux associés à l'élaboration des textes réglementaires qui ont un impact sur les collectivités territoriales. Car nous sommes au point de rupture : les collectivités locales peuvent contribuer encore davantage au redressement des finances publiques, mais à condition que l'État cesse de multiplier ses transferts de charges déguisés ! Les comptes doivent être clairs, pour l'État, les collectivités et la sécurité sociale : oui à la réforme des finances locales, mais dans la concertation et sans précipitation, sans remettre en cause les investissements ni l'autonomie des collectivités locales, et sans augmenter les prélèvements obligatoires.

C'est sur ce socle d'un partenariat équilibré, que nous installerons la gouvernance efficace et responsable que nous appelons de nos voeux : État, collectivités locales, sécurité sociale, entreprises, contribuables, tous ensemble prêts à consentir un effort supplémentaire pour le retour de la croissance, l'équilibre de nos finances publiques et préserver notre modèle social ! (Applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 15 heures.

Saisine du Conseil constitutionnel (Contrats de partenariat)

M. le président.  - J'ai reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, le 15 juillet 2008, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative aux contrats de partenariat.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Débat d'orientation budgétaire (Suite)

Mme Christiane Demontès.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je déplore que le Gouvernement ait publié si tardivement le document préparatoire à ce débat, nous obligeant, une fois encore, à travailler dans la précipitation. Cela dénote votre peu de considération pour le Parlement... (Mme Gisèle Printz applaudit)

Il y a un an, monsieur le ministre, vous affirmiez que « la situation de nos finances publiques restait préoccupante », ajoutant qu'il fallait éviter les « querelles de clocher et les sempiternels procès en responsabilité ». Le budget 2006 n'était effectivement pas le vôtre... Désormais, c'est bien le bilan d'une année d'exercice du pouvoir qu'il nous faut tirer.

Il y a un an, ce gouvernement, reniant son propre héritage, s'engageait à revenir à l'équilibre des finances publiques à l'horizon 2012, ce qui supposait un taux de croissance annuel égal ou supérieur à 2,5 %. Étaient en cause « la crédibilité de la France et, surtout -pacte de stabilité ou pas, engagements européens ou pas-, le sort de nos enfants et des générations à venir ». Or en 2008, la croissance ne sera que de 2, voire de 1,5 %, loin des prévisions sur lesquelles a été bâti le budget. Nos critiques étaient donc justifiées.

Ce bilan n'est guère contrebalancé par des perspectives optimistes. L'OCDE estime que le taux de chômage devrait remonter sensiblement et la Cour des comptes considère que notre déficit public devrait atteindre 2,5 % du PIB, soit le taux le plus élevé de la zone euro. Le déficit structurel risque de dépasser les 3 % en 2008, tandis que la dette publique représente 63,9 % du PIB.

Notre rapporteur déplore « une conjoncture mondiale peu dynamique ». Certes, mais la majorité maintient son cap libéral, celui de la déréglementation et de la précarisation généralisée, application méthodique d'une idéologie obsolète et brutale qui n'a rien à envier à celle de Mme Thatcher !

Aucun secteur n'est épargné, à commencer par notre protection sociale. Les dépenses du régime général représentent près de 323 milliards. Si les branches accidents du travail-maladies professionnelles et famille sont excédentaires, le déficit de la branche maladie devrait dépasser les 4 milliards et celui de la branche vieillesse, 5,6 milliards !

Quid de l'emploi des seniors ? L'âge moyen de cessation d'activité ne dépasse pas 58 ans et 8 mois, et 60 % des salariés de plus de 55 ans sont évincés du marché du travail ! (Mme Nicole Bricq approuve) Si nous sommes d'accord avec le rapporteur pour pénaliser les entreprises qui n'intègrent pas les seniors, nous ne le suivons pas quand il remet en cause le dispositif des carrières longues.

Quid du ré-abondement régulier du fonds de réserve, qui fait partie du contrat social ? Les cessions d'actifs et du patrimoine immobilier de l'État, les revenus financiers et les niches sociales pourraient être mis à contribution. L'annulation d'une partie du paquet fiscal, notamment de l'exonération des grosses successions, ferait gagner près de 2 milliards...

Depuis six ans, vous avez conduit l'assurance maladie à un déficit chronique : 4,1 milliards fin 2008, soit un déficit cumulé de 8,9 milliards. Chaque année, l'Ondam s'avère irréaliste. Le dernier plan de sauvegarde de l'Uncam, en date du 2 juillet, doit permettre une réduction des dépenses de 2 milliards, ainsi qu'un milliard de recettes supplémentaires pour 2009. Le déficit du régime général devrait être progressivement ramené à 2,8 milliards en 2009, 1,4 en 2010, pour disparaître en 2011...

Le récent rapport d'information de l'Assemblée nationale sur l'application de la loi de financement pour 2008 en souligne les « résultats médiocres ». On y lit que quatre cinquièmes des textes nécessaires à sa mise en application ne sont pas parus ! Est-ce vraiment sérieux, alors que vous exigez 4 milliards d'économies de l'assurance maladie ? Qu'attendre des réformes structurelles que vous prônez, sinon une hausse du restant à charge des patients et une contraction de l'accès aux soins ?

Le chantier des allocations de ressources est symptomatique de votre conception de la société et, plus encore, de l'être humain. Le Président de la République souhaite en effet « accroitre la responsabilité individuelle ». Cela s'est traduit par les scandaleuses franchises médicales qui pénalisent les malades. Comment ne pas s'inquiéter quand il déclare « qu'il n'y a pas d'assurance sans franchise » ?

Ainsi, la ministre de la santé n'a pas hésité à s'interroger sur la prise en charge des frais optiques, avant de se rétracter.

M. Eric Woerth, ministre.  - Faux.

Mme Christiane Demontès.  - Les huit millions de malades atteints d'une affection de longue durée sont aujourd'hui pris pour cible, le Président de la République souhaitant « que nous concentrions nos efforts sur la prise en charge de ce qui est essentiel »..., ce qui revient à ne plus rembourser intégralement les soins annexes.

Ces annonces participent de votre entreprise de destruction de notre pacte social. Désormais, l'accès aux soins sera fonction de la richesse : « selon que vous soyez puissant ou misérable... » ! Un grand quotidien du soir citait un diabétique qui affirmait « avoir peur de cette dérive ». Même si le plan de maîtrise des dépenses voté par le conseil de la Cnam a été expurgé de cette mesure, la question reste posée. Notre rapporteur souhaite en effet une modification de la répartition des charges entre l'assurance maladie obligatoire et les complémentaires, dont la marge bénéficiaire est passée de 12 à 23 % alors que les cotisations ont augmenté de 13 à 14 % plus vite que les prestations. Ces hausses sont source d'exclusion : 7 à 8 % de nos concitoyens n'ont pas de couverture complémentaire.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Christiane Demontès.  - Le Gouvernement a pour axiome économique la baisse du coût du travail via les exonérations de cotisations sociales.

Chaque année, cette politique prive nos finances de plus 41 milliards. Or la Cour des comptes a rappelé l'année dernière que cette politique est d'une efficacité toute limitée. Depuis des années, les parlementaires socialistes vous demandent, comme notre rapporteur M. Vasselle, d'obliger l'État à compenser intégralement ces exonérations. Mais vous faites la sourde oreille.

M. le président.  - Il faut conclure !

Mme Christiane Demontès.  - Je vous signale, monsieur le président, que si nous siégeons cette après-midi, c'est parce que le débat de ce matin a pris beaucoup de retard.

M. le président.  - Cela n'a rien à voir avec la durée de votre discours ! (Sourires)

Mme Christiane Demontès.  - J'en viens à la situation difficile dans laquelle votre politique, notamment la T2A, a plongé nos hôpitaux publics. Les déficits hospitaliers ont atteint en 2007 plus de 690 millions, dont 370 millions pour les seuls CHU. Nous soutenons les revendications de la Fédération hospitalière de France, en particulier pour ce qui est de l'évolution de I'Ondam.

Mon collègue Domeizel déclarait l'année dernière que vous meniez, en matière de retraite, « une politique de gribouille ». C'est toujours vrai et celle que vous menez pour l'assurance maladie et la santé est injuste et dangereuse. Le groupe socialiste la dénonce donc avec la plus grande fermeté. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Serge Dassault.  - Je mesure les difficultés actuelles de la gestion des finances de l'État, dues aux graves problèmes de l'économie américaine, au prix du pétrole, à la parité entre le dollar et l'euro très défavorable pour nos exportations, à l'augmentation des taux d'intérêt et aux poussées inflationnistes. Tout cela ne facilite pas votre travail, monsieur le ministre.

Dans ce débat comme dans d'autres, j'essaye d'indiquer les conséquences des décisions politiques sur l'économie et je vais vous proposer des mesures pour réduire notre déficit budgétaire.

Les emprunts utilisés pour payer les charges de fonctionnement aggravent sans retour notre endettement. La charge de la dette réduit d'autant nos capacités de dépenses et impliquent de nouveaux emprunts. Cercle vicieux insupportable ! Il faudrait donc éviter ce genre d'opérations, d'autant que ce n'est pas à l'État de payer les charges de la sécurité sociale mais aux entreprises.

En dix ans, le passage aux 35 heures aura coûté 100 milliards à l'État, tout cela pour ne pas travailler. Combien de temps va-t-il falloir encore payer alors que les 35 heures disparaissent ? Comme l'a proposé M. Marini, il faut progressivement réduire ces aides.

Les 35 heures et la réduction des charges pour les salaires jusqu'à 1,6 Smic coûtent chaque année 20 milliards au budget de l'État, soit la moitié de notre déficit. Il est temps d'y mettre un terme. Certes, les entreprises réagiront, mais nous devons réduire la dette pour revenir à l'équilibre en 2012.

Nous devrions aussi réduire les charges sur salaires qui financent un tiers de la sécurité sociale, alors qu'il n'y a aucun rapport de cause à effet entre les deux. Celle-ci devra être financée autrement, mais sans le concours de l'État. D'ailleurs, il ne faudrait pas parler de déficit mais de financements insuffisants, car la sécurité sociale n'a pas la maîtrise de ses dépenses. Nos coûts de production sont d'ailleurs plus élevés que ceux de nos voisins qui ne font pas supporter aux salaires les charges liées à la sécurité sociale. Dès lors, comment la financer ? Par une taxe pesant sur le chiffre d'affaires moins la masse salariale. Pourquoi ne pas étudier cette proposition qui réduirait les charges pesant sur les salaires, donc les coûts de production, et améliorerait la compétitivité de notre économie. Rien que des avantages ! Ce système pourrait s'intituler : coefficient activité. Je suggère qu'un groupe de travail associant les membres des commissions des finances et des affaires sociales se penche sur cette proposition. Rien n'est parfait mais il serait suicidaire de rester les bras croisés.

Enfin, alors que la France préside l'Union, pourquoi ne pas envisager une harmonisation de notre fiscalité sur celle de nos voisins européens afin que les contribuables les plus importants ne quittent plus la France ? Les disparités actuelles constituent un appel à l'expatriation : tous les jours, trois Français quittent notre pays qui se vide de ses élites, d'où un préjudice considérable.

Voila les propositions que je voulais vous présenter, monsieur le ministre, pour faciliter notre retour à l'équilibre budgétaire. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Adrien Gouteyron.  - Ce débat d'orientation budgétaire est un exercice de travaux pratiques désormais incontournable, auquel se livrent le Gouvernement et le Parlement pour tracer une trajectoire crédible de redressement de nos finances publiques. A l'aune de mon expérience de rapporteur spécial des crédits de l'action extérieure de l'État, je voudrais vous faire part de deux considérations pour réussir ce que notre collègue Marini a appelé à juste titre le « tournant de la législature ». Pour y parvenir, il nous faut une ambition réaliste et partagée.

Tout d'abord, nous devons nous fixer un cap ambitieux et réaliste en matière de réduction des déficits et de reflux de la dette publique. Notre ambition commune est celle du retour à l'équilibre, réaffirmée par le Président de la République. Cette ambition est simple et claire, c'est celle d'une politique budgétaire soutenable, qui ne laisse pas à nos enfants le poids d'une dette devenue insupportable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Adrien Gouteyron.  - Le retournement de la courbe des taux d'intérêt et l'accélération de l'inflation engendrent une augmentation mécanique des charges de la dette de plus de 2 milliards par an. Mais il n'est pas d'ambition sans réalisme. A entendre ceux qui professent déjà que le retour à l'équilibre des finances publiques est illusoire en 2012, on peut voir, au quai d'Orsay comme dans d'autres ministères, les conservatismes redresser la tête. J'entends dire que, dans ces conditions, tout effort est vain. Ce serait un mauvais service à rendre aux réformateurs, encore trop peu nombreux, dans ce ministère comme ailleurs, que d'afficher une ambition impossible à tenir, qui désespérerait le « Billancourt des acteurs de la RGPP » (Sourires) et donnerait ainsi des gages à ceux qui croient qu'il est encore possible de laisser filer la dépense, sinon globalement, du moins pour eux-mêmes.

Proposer une ambition réaliste, c'est faire preuve de crédibilité dans la trajectoire de redressement que vous vous attachez à définir, monsieur le ministre, avec courage et constance.

En matière de réalisme, il faut prendre en compte deux paramètres. Tout d'abord, redresser les finances publiques, ce n'est pas augmenter les impôts. On entend ici et là l'expression de « ressource nouvelle » ou de « financement innovant », appellations pudiques issues d'un marketing fiscal peu convaincant. Mais ces nouvelles ressources, ce sont en réalité autant de vieilles recettes pour augmenter les impôts. Atteindre l'équilibre des finances publiques en augmentant les impôts, voilà bien une ambition irréaliste dont notre économie n'a vraiment pas besoin ! Et l'idée, qui reviendrait un peu au même, de supprimer toutes les niches ne saurait être un gisement budgétaire exploitable qu'à condition de peser les conséquences économiques de certaines décisions : ainsi en est-il du lien entre les allégements de charges et l'emploi.

La trajectoire de redressement des comptes publics ne peut faire abstraction du contexte économique dans laquelle elle intervient. Or l'économie mondiale vit deux chocs majeurs : l'un dans la sphère financière et immobilière et l'autre dû à l'inflation, à la hausse des prix des matières premières, à commencer par celui du pétrole.

Dans la manière d'envisager le retour à l'équilibre, ni la Commission européenne ni la France ne peuvent faire abstraction de ce double choc. Comme nos amis Anglais, nous devrions raisonner dans le cadre d'un cycle économique. Nous avons besoin à l'horizon 2012 d'une vraie ambition, mais tenable : passer d'un déficit de 2,7 % à 1 %, ce n'est pas rien !

Un effort partagé ensuite. Chaque administration doit y participer pour la part qu'elle représente dans les finances publiques : il ne saurait y avoir d'un côté des variables d'ajustement et des sanctuaires de l'autre. Les collectivités territoriales rechercheront la gestion la plus économe sans servir de variable d'ajustement à un État qui n'aurait pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation ; mais celui-ci ne saurait pas plus servir de variable d'ajustement à des dépenses sociales mal maîtrisées.

Les ministères régaliens ne peuvent supporter l'essentiel de l'effort alors qu'ils constituent le coeur de l'État et financent déjà des mesures nouvelles à l'impact incertain. Le budget du quai d'Orsay représente 2,4 milliards, soit moins que ce que coûteraient la réduction de la TVA pour la restauration ou la généralisation du revenu de solidarité active. J'imagine mal que les économies soient compensées par des dépenses mal calibrées. Je m'inquiète donc que le Livre blanc sur l'action extérieure de l'État souligne les efforts déjà accomplis par le ministère des affaires étrangères : voilà un ferment de contestation de la discipline budgétaire commune parce qu'elle n'a pas été si commune que cela. Elle devra l'être dans l'avenir -je pense notamment au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Nous réussirons la réforme de l'État quand l'affirmation de priorités ne dispensera pas les prioritaires des gains de productivité que tous doivent rechercher. (Applaudissements à droite et au centre ; M. Alain Gournac félicite l'orateur)

M. Eric Woerth, ministre.  - Le débat a été riche et dense et, s'il a mobilisé quelques minutes supplémentaires, il faut se réjouir que nous ayons eu tant à dire et à partager.

Plusieurs orateurs ont souligné la justesse de la stratégie que nous mettons en oeuvre. Nous soutenons la croissance potentielle avec les lois Tepa, modernisation de l'économie, modernisation du marché du travail car, dans un environnement international chahuté, tout nous appelle à plus de réformes justes et efficaces. Nous déployons en face une stratégie de la dépense budgétaire. J'ai bien entendu MM. Arthuis et Marini, et nous mettrons tout en oeuvre pour passer de 2 à 1 % en volume. Tout le monde peut le constater, notre maîtrise de la dépense budgétaire est très forte et notre réponse se situe à la hauteur de l'environnement. Nous poursuivrons la RGPP dans le temps et travaillerons sur la sphère sociale. Mais, sur des sujets sensibles, épidermiques même, il faut expliquer les réformes.

J'indique d'ailleurs à M. Gouteyron, qui a surtout parlé de la défense et des affaires étrangères, que tous les ministères sont concernés. Cela ne signifie pas moins de politique mais plus et mieux de politique pour que chaque euro dépensé le soit de la manière la plus performante. La défense, qui va réaliser beaucoup d'économies de fonctionnement, n'est ni le ministère de l'aménagement du territoire ni un second ministère de l'éducation : son rôle est de répondre à des menaces. Et ses crédits d'équipement qui avait progressé de 15 milliards augmenteront encore de 18 milliards, ses économies sur le fonctionnement étant recyclées dans l'équipement.

La maîtrise de la dépense est au coeur de la stratégie de redressement. M. Gaudin a indiqué que nos partenaires sont concernés. En effet, si chacun possède son système de décision et s'il faut respecter l'autonomie des collectivités locales, on a le droit de se parler, (M. Alain Gournac le confirme) d'entretenir un dialogue direct et franc sur les finances comme sur les compétences.

Nous devons également tenir compte des opérateurs dont les crédits passent par les budgets des ministères. De quelles capacités de recrutement disposent-ils ? Nous présenterons dans le budget un tableau des emplois des opérateurs car ils doivent partager tout effort de l'État. Cela vaut aussi pour le domaine immobilier. L'État, qui se veut exemplaire, connaît son patrimoine, monsieur de Montesquiou, mais il faut connaître également celui des opérateurs.

J'ai été choqué par ce qu'a dit M. Foucaud et que Mme Bricq a repris sous une forme atténuée. « Retrouver le chemin de la dépense publique » ? Je crois au contraire qu'il faut arrêter de le chercher. Cela ne veut pas dire moins de politiques publiques, moins d'interventions de l'État ou moins de services publics : tout cela fait partie du pacte républicain ; cela veut dire qu'il n'y pas de raison pour que la dépense publique explose et que nous disputions le premier rang mondial à la Suède qui, elle, est en équilibre. Des efforts sont nécessaires et nous les accomplissons : il convient d'être de plus en plus regardant à la qualité de la dépense publique et de l'expliquer aux citoyens et contribuables.

La réduction de la dépense et du déficit conditionne tous les autres domaines : c'est elle qui permet les réformes structurelles et rend des marges de manoeuvre. Ce n'est pas de la comptabilité mais de la politique que de hiérarchiser les dépenses et d'en rendre compte !

J'ai bien entendu votre message sur les recettes. Les préserver est en effet essentiel pour revenir à l'équilibre car tous les États qui y sont parvenus ne l'ont pu que parce que, tout en consentant des efforts importants sur les dépenses, ils ont préservé les recettes. Cela n'exclut pas un coup de pouce ici ou là, mais je n'ai pas de mal à dire qu'il faut être très sélectif sur la dépense fiscale, voire d'autant plus vigilant que nous avons atteint le plafond de ce qui peut être supporté. J'ai été très sensible au propos de M. Valade sur un patrimoine qui nous honore, sur les centres-villes, sur la loi Malraux, sur les monuments historiques. On peut agir sans se précipiter dans la dépense fiscale car la facilité n'est pas la voie de l'efficacité. Combinons plutôt souplesse et vigilance.

Mme Lagarde a engagé une modernisation de la fiscalité environnementale.

Voilà un sujet qui va nous occuper longtemps, comme, d'ailleurs, la révision des bases et la taxe professionnelle. Cet impôt très décrié est aussi une source de revenus considérables pour les collectivités territoriales ; sa réforme exigera donc une concertation approfondie.

La TVA sur la restauration... J'avais le choix d'en parler ou de ne pas en parler. (Sourires) C'est un engagement de l'ancien Président de la République, repris par M. Sarkozy.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Il faut avoir la politique de ses moyens, et nous n'avons pas les moyens.

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous pouvons obtenir gain de cause puisque ce service n'impacte pas les échanges entre États.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Mais la baisse de la TVA impacterait le budget de l'État !

M. Eric Woerth, ministre.  - En tout état de cause, ce ne serait pas avant 2011...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - C'est-à-dire avant 2012 !

M. Eric Woerth, ministre.  - ... et nous devrons avoir une clarification de son impact financier.

M. Dassault a parlé de compétitivité fiscale. Le fait est que notre pays a beaucoup progressé en la matière, ce qui se traduit en emplois.

Nous appliquons à l'État un effort considérable en matière de dépense et nous voudrions que nos relations avec les collectivités territoriales soient empreintes de confiance. Je dis donc les choses : nous n'augmenterons pas en volume notre contribution. Le reliquat est d'environ 4 ou 500 millions, qui pourront se répartir en DGF ou autrement. J'ai conscience que c'est un effort supplémentaire demandé aux collectivités territoriales. (M. Didier Boulaud proteste)

La certification de l'Acoss ? Il faudra y arriver. Les divergences portent sur des points de comptabilité mais il n'a a pas été dit qu'il y aurait eu pour autant insincérité.

La dette sociale doit être reprise. Elle représente 23 milliards auxquels il faut ajouter les 7,5 milliards du Ffipsa et les 3,8 de la branche vieillesse.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Avec quelles recettes ?

M. Eric Woerth, ministre.  - Je privilégie les excédents du Fonds de solidarité vieillesse, avec le versement d'une fraction de la CSG à la Cades pour permettre à celle-ci de reprendre une dette qui est bien sociale. Ce tuyau a l'avantage d'être stable et pérenne. Si la Cades n'avait pas les moyens de reprendre la dette du Ffipsa, il faudrait que l'État le fasse. Ce serait difficile mais nécessaire. La clarification des rapports entre l'État et la sécurité sociale doit être totale.

L'aide médicale d'État doit être rebasée. Nous avons déjà réglé 600 millions pour la dette du Bapsa ; son redressement doit être poursuivi jusqu'au bout, avec un apport de recettes de 2 milliards.

La taxe nutritionnelle ? J'ai demandé à l'Igas et à l'IGF, conjointement avec Mme Bachelot-Narquin, une étude approfondie. Nous l'aurons fin juillet.

Je remercie le Sénat pour la qualité du débat que nous avons eu, habituelle ici. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Acte est donné de cette déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée et distribuée.

Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

Rappels au règlement

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Nous sommes depuis plusieurs semaines sur ce sujet capital, et à cinq jours du Congrès. Or voici que paraît dans un journal de ce soir une importante interview du Président de la République.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - Très intéressante !

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Il est très bien que le Président de la République s'exprime, ne serait-ce que pour ressouder sa majorité. Mais est-ce de cela qu'il s'agit cette fois, ou plutôt de tenter de débaucher des parlementaires socialistes ? Si c'est le cas, vos espoirs seront déçus : s'il doit y avoir débauchage, les défections se compteront sur les doigts d'une main ; un ou deux parlementaires qui souhaitent devenir ministre, un qui a oublié qu'il ne l'était plus depuis longtemps, et ce sera à peu près tout...

M. Alain Gournac.  - Quelle ambiance au PS !

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Pour l'essentiel, cette réforme est un trompe-l'oeil. Jusqu'à présent, nous n'avons obtenu satisfaction sur aucune de nos demandes, et voici que le Président de la République formule des propositions intéressantes, y compris sur des affaires qui ne le concernent pas, comme le périmètre des groupes politiques qui relève du règlement des deux assemblées. Parmi ces propositions, figurent le décompte du temps de parole du Président de la République et le droit de réponse de l'opposition, des garanties sur le droit d'amendement, la possibilité pour l'opposition d'obtenir la création de commissions d'enquête -pourquoi diable ne pas l'avoir inscrit dans la Constitution ?- et, cerise sur le gâteau, la reprise de la proposition de loi de M. de Raincourt datant de 1999, réformant profondément le mode d'élection des sénateurs.

Devant ces éléments nouveaux, je demande une suspension de séance pour réunir la commission des lois, afin d'examiner les propositions du Président de la République, sur lesquelles subsistent beaucoup d'incertitudes, tant au fond que dans la forme. Nous aimerions auditionner le Premier ministre, qui marche peut-être mal mais dont l'esprit tourne bien, nous l'avons constaté hier. A la suite de cette audition, nous réunirions notre groupe politique pour réévaluer notre position sur ce projet de loi et, peut-être, passer à une abstention, voire un vote favorable.

M. le président.  - Je me suis demandé si vous n'alliez pas réclamer l'audition du Président de la République ! (Rires sur les bancs UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quelle n'a pas été notre surprise de voir le Président de la République entreprendre de légiférer lui-même par le biais de la presse, passant par-dessus le Gouvernement et le Parlement. Il régente le temps de parole à la télévision -ce que la majorité nous a ici catégoriquement refusé-, il règlemente les droits de l'opposition au Parlement -ce sur quoi nous n'avons pu débattre-, il se porte garant du droit d'amendement de l'opposition -comment ?-, il promet des commissions d'enquête pour cette opposition -selon son bon vouloir, je suppose ?-, il passe commande aux sénateurs d'une proposition de loi -elle existe déjà- faisant passer le collège électoral du Sénat de 138 000 à 152 000 personnes -quel bouleversement !- et entend même modifier lui-même le Règlement des assemblées.

M. Didier Boulaud.  - L'homme-orchestre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Depuis hier, le rapporteur nous impose un vote conforme. Les amendements du Président de la République sont-ils recevables ? Si oui, je demande qu'une Conférence des Présidents fixe un ordre du jour pour que nous puissions continuer le débat et le reprendre, éventuellement en septembre. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - La Conférence des Présidents se réunit à 19 heures...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je ne suis saisi d'aucun amendement. Dès lors pourquoi réunir la commission des lois ? Depuis quand discute-t-on des interviews parues dans la presse ?

M. Robert Bret.  - Une interview du Président de la République !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Peu importe ! (Exclamations ironiques à gauche) Le Président a montré qu'il a bien entendu ce qu'ont dit les assemblées. Aussi fait-il des propositions sur son temps de parole, sur les commissions d'enquête. Nous avons insisté pour que les groupes parlementaires soient reconnus dans la Constitution. S'agissant du corps électoral du Sénat, nous étions prêts à reprendre la proposition de loi de 1999 présentée par les présidents de Raincourt, de Rohan, Arthuis, par Gérard Larcher et par moi-même. Nous l'avions votée, vous n'en avez pas voulu.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Et le comité Balladur ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission.  - Il n'est pas constituant !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous n'avons pas à retenir toutes ses propositions, ce n'est qu'un comité de réflexion.

L'important est de voter cette révision constitutionnelle pour permettre de mettre en oeuvre des réformes législatives et règlementaires. Nous avons aussi défendu le droit d'amendement. Tout ce que dit le Président de la République conforte la nécessité de voter rapidement cette révision pour que vous puissiez avoir rapidement satisfaction. ((Applaudissements à droite ; exclamations à gauche).

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - Je suis d'accord pour l'essentiel avec le rapporteur. Des parlementaires nous demandent si, notamment à propos de l'article 51-1, la majorité sera d'accord pour avancer sur certains sujets. Vous avez des propositions, des orientations, des engagements ; ce ne sont pas des articles de la Constitution, mais vous avez demandé des garanties : vous les avez !

M. le président.  - Dans ces conditions, je considère que la suspension de séance ne s'impose pas, mais je vais la mettre aux voix. Et d'abord, qui est contre ?

La suspension de séance n'est pas acceptée.

M. le président.  - Nous reprenons donc la discussion des articles.

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels après l'article 9

M. le président.  - Amendement n°106, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat parlementaire de député est incompatible avec l'exercice de tout autre mandat ou fonction électif. »

II. - Le I est applicable à compter de la quatorzième législature.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Il est défendu.

L'amendement n°106, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°107, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A la fin de la seconde phrase de l'article 32 de la Constitution, le mot : « partiel » est supprimé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les assemblées doivent être renouvelées entièrement en une seule fois.

Cela dit, nous sommes choqués par la façon dont s'est déroulé le vote sur la suspension de séance. Monsieur le président, vous avez commencé par demander qui était contre. Est-ce là une nouvelle procédure ?

M. Didier Boulaud.  - C'est la rupture !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous demandions une suspension pour réunir notre groupe pour permettre à la commission des lois d'examiner les déclarations du Président de la République qui sont tout sauf anodines et qui ne viennent pas maintenant par hasard.

Monsieur le Président, je vous demande respectueusement de préciser votre position sur ce singulier renversement de nos principes constitutionnels : au moment où le Parlement est saisi d'un projet de loi censé renforcer ses pouvoirs et répondre aux accusations d'hyper-présidentialisme, voilà que M. le Président de la République joue les hyper-législateurs et présente dans un journal du soir une brouette d'amendements, alors même qu'ici tout doit être adopté conforme.

M. Alain Lambert.  - Défendez donc votre amendement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'use du droit de parole qui est le mien. Si vous refusez que nous puissions même nous concerter, alors nous nous expliquerons amplement à chaque amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable au n°107.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et l'avis du Président de la République ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'une des raisons de l'absence d'alternance au Sénat c'est le renouvellement partiel. Il serait logique de le renouveler, comme l'Assemblée nationale en une seule fois.

M. Didier Boulaud.  - C'est subversif, ça ?

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Le Sénat apparaît comme une chambre modératrice et uniquement modératrice. De ce fait, vis-à-vis de l'Assemblée nationale, il se situe d'emblée en position de faiblesse.

Il est vrai que le droit à la parole et le droit d'amendement y est permis de façon très libérale, plus libérale que partout ailleurs en Europe. Le problème, c'est qu'on ne nous écoute jamais. (Rires)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Parlez moins, on vous écoutera plus !

L'amendement n°107 n'est pas adopté.

Article 11

L'article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° et 3° Supprimés ........ ;

3° bis Dans le troisième alinéa, après les mots : « libertés publiques ; », sont insérés les mots : « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; »

3° ter Après les mots : « assemblées parlementaires », la fin du huitième alinéa est ainsi rédigée : « , des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; » 

4°, 4° bis et 4° ter Supprimés...... ;

5° L'avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.

« Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter le 3° bis de cet article par les mots :

aussi bien vis-à-vis du Gouvernement que des intérêts économiques de leurs actionnaires, en les protégeant des conflits d'intérêt et en interdisant les concentrations excessives

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous assistons à une instrumentalisation aggravée de la presse au service du Président de la République et de sa majorité, mais aussi du bipartisme. Simultanément, nous constatons la domination croissante de l'information par l'argent.

Cette situation choque un nombre croissant de nos concitoyens et de journalistes. Quand des groupes comme Bouygues, Vivendi, Lagardère et Dassault sont aux commandes, le pluralisme est en péril. L'ampleur de la concentration des médias dans notre pays confère aux groupes concernés la puissance économique et l'hégémonie idéologique, si bien que la bataille des idées est au service du pouvoir financier.

Une véritable loi anti-concentration permettrait d'interdire toute situation de quasi-monopole national ou régional dans la presse, l'audiovisuel et l'édition. Elle garantirait la diversité des filières de production et de diffusion dans les domaines de l'image, du son et de l'écrit.

Le pluralisme des médias étant indispensable à l'exercice d'une réelle citoyenneté, l'accès à une information contradictoire est un droit que la Constitution doit garantir.

M. le président.  - Sous-amendement n°147 à l'amendement n°50 de Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC, présenté par M. Dreyfus-Schmidt.

Dans l'amendement n°50, supprimer le mot :

excessives

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Toutes les concentrations sont excessives par nature.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - En première lecture, nous avons adopté un amendement présenté par le groupe socialiste, disposant que la loi assure la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias. C'est clair et suffisant.

La commission s'en tient à cette rédaction, acceptée par l'Assemblée nationale.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Je vous prie de bien vouloir excuser le départ temporaire de Mme Dati, qui doit participer à une réunion du Conseil supérieur de la magistrature.

L'amendement n'est pas opportun car le Conseil constitutionnel reconnaît déjà valeur constitutionnelle au pluralisme et à la liberté de l'information.

La loi du 30 septembre 1986 comporte des dispositions anti-concentration. Le Parlement ne pourrait revenir en arrière, car le Conseil constitutionnel ne l'accepterait pas.

M. le président.  - Je mets aux voix le sous-amendement n°147.

M. Jean-Pierre Sueur.  - On ne peut contester l'actualité du sujet, surtout après les déclarations récentes du Président de la République.

Vu l'émotion suscitée, je m'attendais à une inflexion dans la pensée du chef de l'État, mais la lecture d'un journal du soir, qui paraît d'ailleurs vers midi, a montré qu'il n'en était rien ! En effet, le Président de la République estime qu'il ne serait pas anormal pour lui de nommer le président d'une entreprise propriété de l'État à 100 %,...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il y a un « mais » !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... après avis des commissions parlementaires et du CSA.

Or, France Télévisions n'est pas une entreprise comme les autres car il s'agit de libertés fondamentales et de droits fondamentaux.

L'avis du CSA renvoie aux modalités de nomination de ses membres, donc à la règle des trois cinquièmes. Si le Président de la République avait dû obtenir une majorité favorable des trois cinquièmes, le verrou aurait été réel, mais il n'y a rien de tel.

Le même raisonnement s'applique au prétendu verrou des commissions parlementaires.

Dans peu de démocraties dignes de ce nom pourrait être envisagée une décision quasi monarchique prise par le chef de l'État pour nommer qui bon lui semble.

Je laisse à chacun le soin d'apprécier la portée de cette intention.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Notre amendement complète judicieusement le texte en vigueur, qu'il faut renforcer pour combattre les conflits d'intérêts.

Mais vous voulez peut-être savoir ce qu'en pense le Président de la République ?

Le sous-amendement n°147 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je mets aux voix l'amendement n°50.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Ne confondons pas vitesse et précipitation ! Avant le vote du sous-amendement, j'aurais aimé savoir si le groupe CRC acceptait mon sous-amendement. Je voulais entendre à ce propos Mme Mathon-Poinat.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les interpellations entre collègues sont proscrites.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - J'ai bien sûr accepté cette proposition pertinente.

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après le 3° ter de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - la limitation ou l'interdiction du cumul des mandats électoraux ; »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous voulons inscrire dans l'article 34 de la Constitution la limitation ou l'interdiction du cumul des mandats, laissant à la loi le soin d'en préciser les modalités.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est déjà le cas.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous avons déjà débattu hier de ce sujet, mais notre suggestion a été repoussée...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Bien sûr !

Mme Josiane Mathon-Poinat. - ...alors qu'elle favoriserait la parité, la proportionnelle et le vote des étrangers, donnant ainsi une autre image des élus et du Parlement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La définition du régime électoral des assemblées parlementaires ou locales fait déjà partie du domaine législatif. La disposition proposée est donc inutile.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Lambert.

Avant le 5° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le dix-neuvième alinéa de l'article 34 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État et présentent une consolidation des comptes publics dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

M. Alain Lambert.  - Je tiens beaucoup à cet amendement, dont le sort déterminera mon vote final.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Ici ou à Versailles ?

M. Alain Lambert.  - Je veux supprimer un verrou qui empêche de consolider les comptes de l'État et ceux de la sécurité sociale.

La situation actuelle est baroque. Nous nous plaignons chaque année de ne pas pouvoir apprécier l'ensemble des recettes de l'État et de la sécurité sociale. Nous n'y comprenons rien, nos compatriotes encore moins !

De façon stupéfiante, l'information complète sur les comptes publics français est réservée à la Commission européenne et à nos partenaires européens.

Les règles internationales nous obligent à leur envoyer un document consolidé, dont les parlementaires ne prennent connaissance que quinze jours après la session budgétaire. Cette situation n'est pas démocratique.

Je ne vous demande pas de fusionner les deux actes, mais simplement de supprimer une interdiction et d'autoriser qu'une loi organique régisse les relations entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Lambert.

Avant le 5° de cet article, insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

...° Les dix-neuvième et vingtième alinéas de l'article 34 de la Constitution sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, les lois de finances :

« - déterminent les ressources et les charges de l'État ;

« - déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent le plafond global de ses dépenses.

« Les lois de financement de la sécurité sociale, compte tenu des conditions générales de l'équilibre financier déterminé par les lois de finances, fixent ses objectifs de dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

M. Alain Lambert.  - Amendement de repli, rédigé dans les mêmes termes que celui présenté par Didier Migaud à l'Assemblée nationale. Trop précis, il entre dans le champ de la loi organique, d'où la rédaction que je vous ai proposée à l'amendement n°1.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission a été très attentive à ces amendements, présentés par un des pères de la Lolf. Dans l'exposé de ses motifs, Alain Lambert cite certains pays où les comptes de la sécurité sociale, qui doivent être équilibrés, sont présentés en dehors des comptes de l'État. C'était d'ailleurs le cas chez nous avant la création du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il n'est pas indispensable d'inscrire la consolidation dans la Constitution. Elle a plutôt sa place dans la Lolf.

M. Alain Lambert.  - C'est faux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce n'est pas parce que certains pays ont une Constitution bavarde que nous devons faire de même -d'ailleurs la nôtre commence à l'être. (M. Gérard Longuet approuve)

Monsieur Lambert, je suis ennuyé de ne pouvoir vous suivre, mais nous avons longuement étudié vos amendements en commission.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'examen en commission était plutôt rapide !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je regrette de vous donner un avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Monsieur Lambert, le Gouvernement partage pleinement votre préoccupation : le principe d'unité budgétaire implique de disposer d'une vision consolidée des comptes publics. Vous serez satisfait par la possibilité bientôt ouverte de voter des lois de programmation des finances publiques, reposant sur une présentation consolidée des comptes, qui nous donneront une vue d'ensemble et permettront d'adopter une approche globale. La création d'un ministère des comptes publics et la discussion conjointe, depuis 2006, de l'orientation du budget et des finances sociales vont dans le même sens. Et l'application de la Lolf a permis de faire des progrès considérables, renforcés par la certification par la Cour des comptes.

Le ministère du budget nous a indiqué que la consolidation, bien que souhaitable à terme, présente cependant des difficultés techniques, notamment dans la définition du périmètre et du concept. Votre amendement n°1 est prématuré, mais nous envisageons d'atteindre cet objectif par étapes. Dans cette attente, je vous propose de le retirer, ainsi que l'amendement n°19, qui prévoit que les lois de finances déterminent les conditions générales de l'équilibre de la sécurité sociale et fixent un plafond de dépenses. Le Gouvernement partage votre souci de cohérence entre ces deux textes financiers, qui font déjà l'objet de débats d'orientation communs et sont bâtis sur des hypothèses macro-économiques identiques. La cohérence entre les dispositions relatives aux dépenses peut être vérifiée dans les annexes, dont la « jaune », qui traite des relations financières de l'État et de la sécurité sociale. Enfin, la loi de programmation des finances publiques, que nous présenterons cet automne, permettra au Parlement de débattre de la trajectoire des finances publiques en disposant d'indications précises sur l'État et la sécurité sociale.

Nous ne souhaitons pas aller au-delà dans l'immédiat. Les conseils d'administration des caisses de sécurité sociale sont obligatoirement saisis des lois de financement et les partenaires sociaux comprendraient mal que l'on encadre à l'avance leurs prérogatives.

M. Alain Lambert.  - Je maintiens ces amendements. Contrairement au président de la commission des lois, je pense que la rédaction actuelle de la Constitution interdit le rapprochement entre les deux lois de financement. Par ailleurs, si j'ai noté l'ouverture du Gouvernement, j'estime que la solennité de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale est supérieure à celle d'une loi de programmation. Si nous ne faisons pas sauter ce verrou institutionnel, nous resterons cadenassés par la Constitution.

Je vais devoir vous quitter pour respecter un engagement. N'en déduisez pas que je suis blessé par les résultats du scrutin... (Sourires) Par conséquent, je ne pourrai soutenir mes autres amendements.

L'amendement n°1 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°19.

L'amendement n°26 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°109, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rétablir le 4° ter de cet article dans la rédaction suivante :

4° ter. Après l'antépénultième alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures et celles relatives aux cotisations sociales continuent à s'appliquer au-delà du 31 décembre suivant leur entrée en vigueur à la condition qu'une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale le prévoie. »

Mme Nicole Bricq.  - Nous avons discuté de cet amendement à plusieurs reprises, sous des formes rédactionnelles différentes. Au Sénat, en première lecture, MM. Arthuis et Marini ont proposé de faire valider tout dispositif d'exonération fiscale en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale. Le groupe socialiste avait donc retiré un amendement similaire.

En seconde lecture, Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois, a convaincu l'Assemblée nationale de supprimer cette initiative sénatoriale au motif qu'elle méprisait le principe d'égalité des lois et contraignait le Gouvernement si celui-ci ne souhaitait pas attendre une loi de finances pour insérer un dispositif d'exonération.

Enfin, dans la loi de règlement, examinée la semaine dernière, un dispositif complémentaire prévoyait qu'était joint à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale un récapitulatif des dispositions relatives aux règles concernant les impositions adoptées depuis le dépôt du projet de loi. A cette occasion, nous avons assisté à une bataille juridique entre le ministre du budget et le rapporteur général, qui souhaitait la suppression de ce dispositif compte tenu de son caractère inconstitutionnel : seule une loi organique pourrait prévoir que des annexes sont jointes aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Le Sénat a finalement adopté l'amendement de suppression proposé par le rapporteur général : des deux dispositifs présentés comme complémentaires, il n'en reste donc aucun. La CMP sur la loi de règlement se réunit le 22 juillet, on ignore tout de la solution qu'elle retiendra.

Nous vous proposons donc de rendre l'intervention du Parlement obligatoire pour que les dispositions financières prises dans des lois ordinaires, durent au-delà de l'année où elles sont adoptées. Le Parlement est trop souvent mis devant le fait accompli : nous venons tout juste de le déplorer lors de notre débat d'orientation budgétaire ! Les niches fiscales se multiplient, elles représentent 70 milliards, nous devons adopter des règles de bonne gestion publique !

M. le président.  - Veuillez conclure !

Mme Nicole Bricq.  - Nous proposons un dispositif plus souple que celui adopté par le Sénat en première lecture : les dispositions fiscales seraient applicables immédiatement mais elles devraient, pour être prorogées, passer par la loi de finances ou la loi de financement. Nous pourrons d'autant mieux évaluer l'impact de ces mesures !

M. le président.  - Votre temps de parole est écoulé !

Mme Nicole Bricq.  - Je continue ! Si d'aventure nos collègues repoussaient cet amendement, nous attendons que le Gouvernement s'engage à modifier la Lolf dans ce sens !

M. le président.  - Vous avez parlé plus de six minutes : c'est excessif ! (On le confirme à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous évoquez des décisions étrangères à notre débat...

Mme Nicole Bricq.  - J'en ai dit les épisodes !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Si maintenant vous ne me laissez pas parler...

En première lecture, nous avions voté ce mécanisme avec des réserves car obliger la loi ordinaire à être, en quelque sorte, validée par la loi de finances ou de financement, c'est établir une hiérarchie des lois. La modification de la Lolf pour une meilleure consolidation des comptes dans la loi de règlement relève d'une tout autre question ! Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le mécanisme que vous proposez assurerait effectivement que toutes les mesures fiscales passent bien par la loi de finances ou par la loi de financement. Cependant, on peut craindre pour la sécurité juridique des contribuables et des redevables. Une entreprise embauchant un salarié pourrait voir subitement supprimée l'exonération à laquelle l'embauche donnait droit. Il faut parvenir à une vision globale de la fiscalité, mais le moyen que vous nous proposez là n'est pas le meilleur. Retrait, sinon rejet.

Mme Nicole Bricq.  - Il y a une heure à peine, tous nos collègues appelaient de leurs voeux un tel mécanisme ! (Exclamations à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Non !

Mme Nicole Bricq.  - A chacun de prendre ses responsabilités, mais ne venez pas dire après que vous vous souciez des finances publiques !

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Monsieur le ministre, quelle différence faites-vous entre contribuables et redevables ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Dans un cas, on paie l'impôt, dans l'autre, une redevance.

L'amendement n°109 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°108, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le dernier alinéa du 5° de cet article.

M. Bernard Frimat.  - Il est défendu.

L'amendement n°20 n'est pas soutenu.

L'amendement n°108, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n°21 n'est pas soutenu.

L'article 11 est adopté.

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

Article 12

Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :

« Art. 34-1. - Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique.

« Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l'ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard. »

M. le président.  - Amendement n°110, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article 34-1 de la Constitution :

« Art. 34-1. - Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions. Celles-ci sont transmises au Gouvernement et publiées au Journal officiel. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet article rend irrecevables les résolutions qui n'auraient pas l'heur de plaire au Gouvernement : (exclamations à droite) c'est le texte même ! (L'orateur lit le texte de l'article) Cet article est tout simplement contraire au principe de la séparation des pouvoirs !

M. Didier Boulaud.  - Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Par essence, le Parlement a le droit d'adopter les résolutions qu'il veut (M. Robert Bret : « Il en a le devoir ! »), sans avoir à en demander l'autorisation au Gouvernement ! Monsieur le ministre, vous qui admirez Montesquieu, comment pouvez-vous donner du crédit à cette sorte d'autorisation préalable du Gouvernement pour que le Parlement prenne une résolution ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Incroyable !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Parlement ne pourrait pas examiner une résolution dès lors que le Gouvernement estimerait qu'elle le gêne ? Je veux comprendre, mes chers collègues : comment pouvez-vous adopter une telle règle ? L'actuel Président de la République se substitue au constituant, au législateur et jusqu'aux parlementaires, en annonçant dans la presse non seulement le texte de la Constitution révisée mais aussi les modifications qui seront apportées aux règlements des assemblées. Mais, dans le même temps, nous devrions faire dépendre toute résolution parlementaire du bon vouloir gouvernemental ? Le Président de la République prétend renforcer les pouvoirs du Parlement...

M. Didier Boulaud.  - Pipeau !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...mais il règle tout par voie de presse et vous abonderiez dans ce sens ? Je suis abasourdi... Si l'un de vous peut m'expliquer pourquoi il vote une telle restriction, qu'il n'hésite pas !

MM. Christian Cointat et Alain Gournac.  - Ce n'est pas ce que dit cet article !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je vous écouterai avec le plus grand intérêt.

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 34-1 de la Constitution.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Parlement sera censé vérifier le consentement du Gouvernement à ses résolutions, avant même d'en débattre : comment un tel mécanisme est-il possible dans une démocratie dite parlementaire ? Le Parlement demandera l'autorisation ? Mais si la majorité parlementaire ne veut pas de la résolution, elle la repoussera !

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 34-1 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

Elles s'imposent au Gouvernement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les résolutions étant votées à la majorité, il est légitime qu'elles s'imposent au Gouvernement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - En première lecture, l'Assemblée nationale avait repoussé le droit de résolution parlementaire, proposé par le comité Balladur.

Le Sénat a estimé que l'on pouvait inscrire ce droit dans la Constitution. Après un long débat, l'Assemblée nationale ne l'a pas remis en cause mais a précisé que ces résolutions ne devaient pas mettre en cause la responsabilité du Gouvernement, ni constituer des injonctions.

En 1959, le Règlement de l'Assemblée nationale avait prévu la possibilité de voter des résolutions : le Conseil constitutionnel l'avait refusé au motif qu'il fallait un fondement constitutionnel.

Les modalités seront fixées par la loi organique.

M. Alain Gournac.  - Voilà la vérité !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Notamment...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas possible de le mettre dans la Constitution !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Monsieur Sueur, je vous écoute avec une grande patience. Ayez la gentillesse de ne pas m'interrompre !

Cette mesure permettra notamment d'éviter l'adoption de lois mémorielles, qui n'ont aucune valeur normative.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Très bien !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Montesquieu appelait à tenir compte de la culture politique d'un pays, et même de son climat. On ne peut pas ne pas se souvenir de la IVe République.

M. Alain Gournac.  - Ils adoraient !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Je rappelle qu'aujourd'hui, à l'exception des résolutions européennes, le Parlement ne vote pas de résolutions : il ne fait donc pas ce qu'il veut ! Le compromis trouvé à l'Assemblée nationale donne au Parlement un moyen d'expression important, qui existe dans la plupart des démocraties, tout en évitant les dérives de la IVe République, où les résolutions étaient un moyen détourné de mettre en jeu la responsabilité du Gouvernement. Dans le même esprit, il est précisé que les résolutions ne peuvent s'imposer au Gouvernement. Défavorable aux trois amendements.

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. le président-rapporteur dit que la loi organique fixe les conditions dans lesquelles les résolutions seront votées par les assemblées. Mais l'article 12 de la Constitution, dans la rédaction de l'Assemblée nationale, ne renvoie pas à la loi organique : on inscrit dans la Constitution même que les résolutions sont irrecevables si le Gouvernement « estime » que leur adoption ne lui conviendrait pas ! On subordonne l'existence de résolutions à l'appréciation du Gouvernement. C'est totalement contraire à la séparation des pouvoirs !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, ces résolutions ne s'imposent en aucun cas au Gouvernement. Mais interdire au Parlement de s'exprimer librement, c'est contraire à la séparation des pouvoirs...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce n'est pas ça !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... et ce d'autant plus que ces résolutions ne s'imposent pas au Gouvernement ! Cette restriction est inacceptable. Nous demanderons un scrutin public. A vous entendre prôner un système aussi paradoxal et contradictoire, monsieur le ministre, l'auteur de L'Esprit des Lois n'aurait pas manqué d'écrire une nouvelle lettre persane ! (M. Didier Boulaud applaudit)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Nous touchons à l'absurde.

M. Christian Cointat.  - Absolument ! (Sourires à droite)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Même s'il y a des idioties dans le texte qui nous est soumis, vous voulez un vote conforme. Le Sénat ne sert plus à rien ! (Protestations sur le banc de la commission).

M. Didier Boulaud.  - Il se couche !

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Ce n'est même pas le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel qui vérifiera la recevabilité des propositions de résolution, mais le Gouvernement lui-même ! Je suis sûr que chacun ici est convaincu de l'absurdité d'une telle disposition. Mais il faut un vote conforme ! Ce n'est pas du travail. Nous sommes résolument contre.

M. Didier Boulaud.  - Chacun assumera.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On permet au Parlement de voter des résolutions. Quelle audace ! Mais avant, on demande au Gouvernement si ça ne le dérange pas ! Je suis convaincue que cette révision constitutionnelle, si elle est votée, aboutira à une confusion extrême des pouvoirs. Ce qu'on propose là est absurde.

M. Didier Boulaud.  - Cocasse et grossier !

M. Robert Badinter.  - On affirme le droit de résolution, c'est très bien. Mais on le soumet pratiquement à la censure du Gouvernement. J'en demeure éberlué... Le Gouvernement déclarera irrecevable une proposition de résolution en fonction d'une estimation subjective ! Je rappelle la théorie des actes de gouvernement... On crée un droit nouveau, grand progrès, mais on l'encadre, à la discrétion du Gouvernement ! L'axiome « donner et retenir ne vaut » trouve ici tout son sens.

Ne serait-ce que pour la plus simple raison constitutionnelle, je demande que l'on n'accepte pas cette disposition. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit).

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°110 est mis aux voix

par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 291
Majorité absolue des suffrages exprimés 146
Pour l'adoption 121
Contre 170

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°52 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°51.

L'article 12 est adopté.

Article 13

L'article 35 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote.

« Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Il peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

« Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l'ouverture de la session suivante. »

M. Didier Boulaud.  - Cet article est important puisqu'il traite de la guerre, de la paix, de la défense et de la politique étrangère de la France. Nous souhaitons l'améliorer car, dans ce domaine, la Ve République connaît de sérieuses déficiences. Nous remettons donc l'ouvrage sur le métier.

Le Parlement doit porter une attention toute particulière aux questions militaires qui engagent souvent des centaines de nos soldats dans des conflits lointains. Si nos amendements étaient adoptés, la France pourrait se comparer avantageusement aux autres grandes démocraties. Si tel n'est pas le cas, nous resterons des nains politiques face à la toute puissance de l'exécutif. (M Jean-Jacques Hyest, rapporteur, le conteste)

Nous voulons accroître le rôle du Parlement en matière de défense et des affaires étrangères et contribuer à la mise à mort du néfaste « domaine réservé », véritable tabou institué par la pratique institutionnelle de la Ve République. Pour ce faire, il nous faut parvenir à un système équilibré, prudent, soucieux des prérogatives légitimes de l'exécutif mais aussi capable de garantir la protection et la sécurité des hommes et des femmes participant aux opérations militaires extérieures. Bref, nous proposons un dispositif responsable et efficace.

En obtenant un vote sur les interventions militaires, le Parlement exercerait en toute responsabilité un véritable contrôle. En soumettant toute prolongation d'une intervention militaire à une autorisation parlementaire tous les six mois, nous garantirions l'efficacité d'un contrôle qui ne peut se réduire à un chèque en blanc donné une fois pour toutes. Enfin, si le Gouvernement informait les assemblées du contenu des accords de défense et de coopération militaire, notre politique étrangère serait enfin rénovée.

Nous voulons donner au Parlement les moyens réels de contrôler l'action de l'exécutif.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 35 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 35 - Toute intervention des forces armées à l'extérieure du territoire de la République est autorisée par le Parlement, y compris hors session. »

M. Robert Bret.  - Le Parlement doit avoir un réel pouvoir sur les conditions d'intervention de nos forces armées à l'étranger. La Constitution de 1958 avait prévu que nos assemblées se prononceraient en cas de déclaration de guerre, mais cette disposition n'est plus adaptée au monde d'aujourd'hui. En sa qualité de chef des armées, le Président de la République prend seul la décision d'envoyer nos troupes. Cette pratique, qui tient d'ailleurs plus de la coutume que de nos institutions, veut que les affaires étrangères et la défense constituent le domaine réservé du Président de la République. Elle ne correspond plus aux réalités et aux exigences de notre époque. Le Parlement doit donc être amené à se prononcer par un débat suivi d'un vote sur l'opportunité d'une intervention à l'étranger et autoriser le Gouvernement à la mener.

Pourquoi se limiter à solliciter l'autorisation du Parlement quatre mois après le début d'une intervention ? C'est au nom de la France et fort de l'adhésion des représentants du peuple que la décision doit être prise. Certes, il faudra définir les critères permettant de distinguer quelles sont les interventions qui doivent donner lieu à autorisation du Parlement, notamment en fonction de l'importance de l'opération et des répercussions politiques intérieures et extérieures. Le Parlement ne devra pas se prononcer sur tous les types d'interventions, comme celles qui auraient un caractère d'extrême urgence ou qui nécessiteraient confidentialité et rapidité. Nous excluons aussi les interventions d'urgence décidées en application de l'article 51 de la Charte des Nations unies, relatif à l'invasion d'un pays.

En revanche, lorsqu'il s'agit de l'envoi de militaires à des fins opérationnelles, les élus du peuple doivent prendre leurs responsabilités. Vous prévoyez de demander l'autorisation du Parlement au bout de quatre mois, mais ne serait-il pas préférable de l'associer à la décision initiale plutôt que de le mettre devant le fait accompli ?

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat suivi d'un vote dans les conditions fixées par le règlement des assemblées, dans les deux semaines suivant le début de l'intervention.

M. Robert Bret.  - Nous sommes l'un des rares pays européens dans lequel le Parlement n'est ni informé, ni consulté lorsque nos armées sont appelées à intervenir sur un théâtre extérieur. Ce sont pourtant des décisions d'une grande importance puisqu'elles sont menées au nom de la France et qu'elles engagent la vie des hommes et des femmes qui servent dans nos armées. Or cette décision est prise par le seul Président de la République. Il n'est plus possible aujourd'hui que la représentation nationale soit tenue à l'écart de décisions aussi graves.

En outre, ces opérations se sont multipliées ces dernières années : elles ont coûté la vie à plusieurs dizaines de nos soldats et elles sont de plus en plus longues et coûteuses.

Si vous voulez vraiment renforcer les pouvoirs du Parlement, vous avez une excellente occasion de nous le prouver et les timides avancées que vous proposez ne sauraient nous suffire. Le Parlement, émanation de la Nation, doit donc autoriser l'exécutif à engager nos troupes. Peut-on mener de telles opérations contre l'opinion publique ou contre les forces politiques du pays ? Si l'opération est exposée en toute transparence, pourquoi douter de l'adhésion de l'opinion ? C'est pourquoi nous proposons que le Parlement se prononce sur l'opportunité d'une opération extérieure quinze jours après ses débuts.

M. le président.  - Amendement n°111, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat qui peut être suivi d'un vote.

M. Didier Boulaud.  - La procédure d'information et de contrôle du Parlement sur l'intervention de nos forces armées constitue une nouveauté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ah ! Quand même !

M. Didier Boulaud.  - Mais il serait préférable que nous ne soyons pas cantonnés au rôle de simples spectateurs.

Bien évidemment, nous ne voulons pas empiéter sur les prérogatives de l'exécutif et nous ne souhaitons pas nuire à l'efficacité des interventions de nos forces armées et à la sécurité de nos militaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Encore heureux !

M. Didier Boulaud.  - Voilà pourquoi notre proposition nous semble équilibrée, rationnelle et prudente. Sur certains points, la pratique comblera les lacunes de cet article. Des marges d'interprétation sont d'ailleurs acceptables.

Cependant, il y a des principes sur lesquels nous ne pouvons transiger : Il est indispensable que les parlementaires prennent leurs responsabilités et se prononcent par un vote : il s'agit là d'un soutien indispensable.

Ainsi, un contingent supplémentaire vient d'être envoyé en Afghanistan. Chacun sait que les dangers y sont de plus en plus réels. D'ailleurs, des soldats américains ont encore été tués hier. Espérons que nous n'aurons pas à déplorer pareilles tragédies. Si le Parlement avait pu se prononcer, le Gouvernement aurait pu se prévaloir du soutien du peuple au travers de ses représentants.

Il est trop tard pour parler de l'envoi de 550 militaires en Afghanistan. Et c'est d'autant plus regrettable qu'ils seront confrontés à des situations extrêmement périlleuses.

Les parlementaires sauront faire preuve de responsabilité dans le cadre de ce système équilibré, tandis que le Gouvernement a intérêt, dans des opérations complexes et difficiles, à s'appuyer sur la confiance et le soutien de la représentation nationale.

Nous sommes sur le point de produire une avancée démocratique majeure, mais nous n'avons pas inventé grand-chose, d'autres l'ont fait bien avant nous. Sans notre amendement, l'équilibre serait rompu.

M. le président.  - Amendement n°112, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa de cet article :

Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, la poursuite des opérations est soumise au vote des assemblées tous les six mois.

M. Didier Boulaud.  - Les opérations extérieures sont de plus en plus nombreuses, longues et complexes. Un contrôle du Parlement évitera l'enlisement de nos troupes et la dérive des finances publiques. Les opérations extérieures coûteront un milliard en 2009 contre 880 millions en 2008 pour 475 millions inscrits en loi de finances. Nous souhaitons témoigner de la même attention pour les opérations qui s'installent dans la durée -si 550 soldats partent en Afghanistan et non 700, c'est pour préparer la relève. Notre commission des affaires étrangères, dont je salue l'initiative, envoie deux parlementaires sur chaque théâtre d'opérations.

Le Parlement ne doit pas voter une fois pour toutes l'entrée dans la Guerre de Cent ans puis rester les bras ballants : il faut qu'il renouvelle son vote.

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'autorisation de cette prolongation est renouvelée de quatre mois en quatre mois.

M. Robert Bret.  - Dès qu'une opération dure trop longtemps comme en Bosnie, en Afghanistan ou en Côte-d'Ivoire, il faut s'interroger sur l'opportunité de maintenir nos troupes. Quelle est la meilleure façon de le faire sinon de saisir le Parlement et de lui permettre de se prononcer de nouveau ?

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC.

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Cette prolongation est autorisée en vertu d'une loi.

M. Robert Bret.  - Le Gouvernement devrait demander l'autorisation de prolonger une intervention au-delà de quatre mois. Cette avancée démocratique permettra de mieux associer le Parlement. Cependant, les modalités prévues ne sont pas assez précises, aussi nous sommes-nous inspirés de la formulation de l'article 53 afin que, même si la procédure et un peu lourde, la loi donne la solennité nécessaire à cette décision.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I - Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« A l'expiration d'un délai de six mois après la première autorisation de prolongation de l'intervention, le Gouvernement soumet toute nouvelle prolongation à l'autorisation du Parlement, dans les conditions fixées à l'alinéa précédent. Cette autorisation devra intervenir, pour toute prolongation ultérieure, tous les six mois dans les mêmes conditions.

II - Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

du délai de quatre mois

par les mots :

des délais mentionnés aux alinéas précédents

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Si nous décidons de mieux contrôler l'envoi de troupes à l'étranger, il faut le faire du début à la fin, et vérifier en amont la légalité de notre intervention -M. Charasse s'interrogeait en première lecture sur le défaut de ratification. L'article 13 ne saurait donc constituer un blanc-seing. Au contraire, notre rôle et de contrôler l'envoi, puis l'évolution et le maintien des troupes. Le Parlement ne peut fermer les yeux sur les risques d'enlisement d'opérations telles qu'en mènent les États-Unis en Irak ou la France en Afghanistan. Ce contrôle d'opportunité et d'efficacité permettra de vérifier l'utilité stratégique de telles interventions. En donnant corps à la volonté de renforcer les pouvoirs du Parlement, on répondra aux questions que se posent souvent les Français.

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

« Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il est réuni en session extraordinaire. »

M. Didier Boulaud.  - Si un événement grave survenait hors session, nous ne voudrions pas laisser la convocation du Parlement en session extraordinaire à la discrétion du Gouvernement.

M. le président.  - Amendement n°114, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement informe le Parlement du contenu des accords de défense et de coopération militaire en vigueur, dans les conditions fixées par le règlement des assemblées. »

M. Didier Boulaud.  - L'information du Parlement sur les accords de défense et de coopération militaire est l'un des marronniers parlementaires : on en parle chaque session sans rien voir venir. Il est d'autant plus nécessaire de rompre cette ritournelle qu'à l'exception des mandats internationaux, ces accords légitiment nos interventions et déterminent leurs formes. Le Parlement doit-il rester à la marge ? Le Président de la République s'était engagé le 28 février à les rendre publics ; c'était devant le Parlement sud-africain mais cela doit valoir pour le nôtre et rien ni personne ne saurait s'opposer à ce qu'on l'inscrive dans la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - J'ai l'impression de revivre le débat de première lecture : mêmes amendements, mêmes orateurs...

M. Didier Boulaud.  - Brillants !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ... et mêmes arguments. Une fois suffit ! Toutes les explications ont déjà été données. Jamais on n'avait inscrit cela dans la Constitution, on renforce les pouvoirs du Parlement, mais M. Boulaud en veut toujours plus ! Il ne s'agit même pas de souhaiter un vote conforme car dès la première lecture, nous étions d'accord avec l'Assemblée nationale, qui n'a revu l'article que pour des questions de forme. Avis défavorable aux neuf amendements.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Comme cela a été dit, cet article représente incontestablement une importante avancée démocratique. Le Parlement sera informé et contrôlera les opérations extérieures. Il fallait trouver un équilibre entre l'efficacité et la sécurité des soldats d'une part et, de l'autre, les nécessités du contrôle parlementaire. Ces deux impératifs ont été conciliés et le Gouvernement, qui a été à l'écoute du Parlement, a réduit les délais, de sorte que l'équilibre trouvé est plutôt satisfaisant. Avis défavorable aux amendements.

M. Didier Boulaud.  - On demande toujours plus et on a bien raison. Je suis, comme M. Hyest, membre de la délégation au renseignement...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Mais je n'en parle pas !

M. Didier Boulaud.  - ... sur laquelle on aurait été bien inspiré de nous écouter : au bout de six mois, elle vivote.

C'est la preuve qu'on aurait pu demander plus.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On n'est pas censé parler de ce qui est fait par cette délégation.

M. Alain Gournac.  - L'engagement en a été pris !

M. Didier Boulaud.  - J'ai juste dit qu'elle ne faisait rien. Elle dort.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Certes, nous retrouvons un texte de première lecture ; c'est que nos principes n'ont pas changé. Qu'est-ce qui peut relever d'un débat de principes, plus que la vie et la mort ? Ne nous parlez pas, là-dessus, d'avancées. Nous ne négocions pas sur des principes, on les reconnaît ou non.

Héritiers de Jaurès, nous considérons que, même professionnelle, l'armée est le peuple en armes, et c'est la souveraineté du peuple qui confère sa légitimité à l'usage de la force. Le Président de la République, direz-vous, est aussi l'expression de la volonté du peuple. Oui, mais le pouvoir de celui-ci réside dans le Parlement. Quel sens y a-t-il à venir devant le Parlement quatre mois après l'envoi de nos troupes ? En quatre mois, il peut se passer beaucoup de choses. Nos amis américains ont fait la bêtise d'aller en Irak malgré les objurgations que notre pays leur avait alors adressées ; or ceux qui étaient alors opposés à l'intervention constatent aujourd'hui qu'on ne se retire pas d'un conflit du jour au lendemain.

Ce serait, à vous entendre, un grand progrès parce que le Parlement sera informé. Mais il n'a pas à être « informé », il doit décider !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'était pire avant !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - La disposition adoptée est encore un faux-semblant, elle signifie tout simplement que le Parlement est dessaisi de la décision.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Incroyable !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Jusque là, il y avait un vide juridique qui pouvait profiter au Parlement.

N'opposez pas efficacité militaire et démocratie ! La conduite de la Grande Guerre a été intégralement soumise au contrôle du Parlement, qui se réunissait en comité secret, et elle a été gagnée. Lorsqu'il a été question de la première guerre du Golfe, le Parlement a délibéré la veille du déclenchement des hostilités. Ces deux exemples montrent à l'envi que l'argument de l'efficacité ne tient pas. En fait, il n'y a rien d'autre, là, qu'un choix politique, celui de votre monocratie. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°53 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s55, 111, 112, 57, 56, 11, 113 et 114.

L'article13 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°115, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une telle autorisation est exclue dès lors que les mesures envisagées sont relatives aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

Mme Gisèle Printz.  - En première lecture, le Sénat a adopté sans modification l'article 13 bis introduit dans le projet de loi constitutionnelle par l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, et qui tend à imposer la ratification expresse des ordonnances. Cette avancée, importante mais insuffisante, risque d'être contreproductive car le Gouvernement sera conduit à multiplier le recours à la pratique de la ratification par voie d'amendement. La ratification sera bien expresse mais elle interviendra dans n'importe quel véhicule législatif alors que la ratification d'ordonnances devrait donner lieu au dépôt de textes spécifiques. En clair, on ne change rien à la pratique actuelle des ordonnances.

Notre rapporteur du Sénat avait déclaré en première lecture qu'il n'aimait pas spécialement le recours aux ordonnances.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et je le confirme.

Mme Gisèle Printz.  - Il a rappelé que le Sénat l'avait refusé à propos des prescriptions en matière civile. Nous partageons cet état d'esprit et proposons de lui donner force constitutionnelle.

Dans ces conditions, comment ne pas limiter le champ d'intervention des ordonnances et exclure le recours à cette facilité lorsqu'est en cause la compétence normative du Parlement pour les droits et libertés des citoyens ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Même avis négatif qu'en première lecture.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°115 n'est pas adopté.

Article 14

L'article 39 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Dans la dernière phrase du dernier alinéa, les mots : « et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France » sont supprimés ;

2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.

« Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des Présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des Présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours.

« Dans les conditions prévues par la loi, le président d'une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose. »

M. le président.  - Amendement n°116, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les avis du conseil d'État sur les projets de loi sont rendus publics après leur adoption en conseil des ministres. »

M. Bernard Frimat.  - Oui, le problème a déjà été évoqué en première lecture mais c'est bien le propre de la deuxième lecture que d'y revenir.

Le secret entourant les avis du Conseil d'État est des plus relatifs. Vous proposez d'en faire le conseiller du Parlement comme il l'est du Gouvernement. Si les propositions de loi lui sont aussi soumises, qui connaîtra son avis ? Le seul auteur de cette proposition de loi ? Il serait plus simple de mettre le droit en accord avec la réalité en rendant public tous les avis.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - En première lecture, nous avons supprimé l'avis du Conseil d'État sur les propositions de loi, mais l'Assemblée nationale y tient beaucoup et l'a rétabli en précisant seulement que l'auteur de la proposition de loi peut s'y opposer. Cet équilibre est acceptable.

J'observe d'ailleurs que votre amendement ne porte pas là-dessus mais seulement sur les projets de loi. Faut-il vraiment que les avis soient obligatoirement publics ? Cela aiderait grandement la majorité, qui ne les connaît généralement qu'après l'opposition. Celle-ci a manifestement des réseaux.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Libération...

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Tout cela est d'une logique absolue !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage votre souhait d'une bonne qualité législative. Mais l'avis appartient à celui qui l'a demandé, qui peut lui donner publicité s'il le souhaite. La confidentialité est un des éléments de la liberté d'appréciation reconnue du Conseil, auquel il est ainsi plus facile de faire au Gouvernement des observations utiles. Retrait ?

M. Bernard Frimat.  - Je le maintiens ; vos amis se chargeront de le rejeter.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Vous refusez toute modification en deuxième lecture, même sur les points qui pourraient faire consensus. Nous connaîtrions les avis du Conseil d'État ? Pas moi.

Nous aurions pu être séduits par cette réforme si des dispositions aussi logiques que celle-ci avaient été admises. Mais vous ne voulez rien changer !

L'amendement n°116 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°117, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer les deuxième et troisième alinéas du 2° de cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Derrière la rédaction de ces deux alinéas se cache une idée -d'ailleurs défendue par un ancien vice-président du Conseil d'État- digne de rejoindre au plus vite le cimetière des fausses bonnes idées. Il s'agit d'organiser une étude d'impact avant toute discussion d'un projet de loi.

Prenons par exemple le présent projet de loi et imaginez l'étude d'impact qui pourrait en être faite. Elle obligerait les ministères concernés à produire des textes qui, nécessairement, feraient déjà partie du débat politique. Croire qu'il pourrait y avoir, préalablement au débat parlementaire, une étude d'impact objective, c'est pure illusion.

Autre exemple : le projet de loi sur les OGM. Quelle que soit la qualité de l'étude d'impact préalable, le débat parlementaire commencerait obligatoirement par la contestation de cette étude. Car le débat est politique depuis le début, depuis l'étude d'impact. Et il est illusoire de croire en la possibilité d'une appréciation objective de quelque loi que ce soit.

Mieux vaudrait que le Parlement se dote d'une capacité d'expertise propre et autonome par rapport à celle du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable. La loi organique déterminera ce qui devra précéder l'examen du projet de loi et ce ne sera pas seulement une étude d'impact ; ce pourra aussi être une évaluation ou tout élément pouvant éclairer le Parlement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Retrait ou rejet. Le Gouvernement partage le souci des députés d'améliorer la qualité de la législation. Des circulaires avaient prévu ces études d'impact ; elles ont été inopérantes. Seule la loi organique permettra de mieux préparer la loi.

L'amendement n°117 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°118, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le dernier alinéa du 2° de cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet alinéa permet au président de chacune des deux assemblées de soumettre au Conseil d'État des propositions de loi avant leur examen en commission, dans les conditions prévues par la loi, sauf si l'auteur de la proposition de loi s'y oppose. En première lecture, nous avions supprimé cette disposition contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement. Si le Sénat était cohérent avec lui-même et si la hantise du vote conforme ne sévissait pas, il voterait cet amendement... Ses objections de première lecture sont toujours pertinentes et elles justifient la demande de suppression de cette disposition dont la portée a été amoindrie au cours de la navette puisque la demande d'avis sera facultative, au gré de la volonté non seulement du président de l'assemblée mais aussi de l'auteur de la proposition.

Il y a là une grande confusion : le Conseil d'État, s'il a la fonction de conseiller le Gouvernement, n'a pas celle de conseiller le Parlement. Cet article va augmenter à la confusion, d'abord en faisant voter par le Sénat, à quelques jours de distance, des dispositions contradictoires, ensuite en méconnaissant la différence entre législatif et exécutif. Il est vrai que le Président de la République nous a donné ce jour une belle leçon de confusion et que l'exemple vient de haut...

Nous refusons donc que le Conseil d'État donne son avis sur les propositions de loi mais nous jugerions conforme aux impératifs de transparence que les avis dudit Conseil sur les projets de loi soient rendus publics, ne serait-ce que pour respecter le principe d'égalité puisque certains en ont connaissance et d'autres non.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable. Notre collègue n'a pas compris ce qu'était une navette : si on reprend en deuxième lecture tout ce qu'on a voté lors de la première, il n'y aura jamais d'accord ! Il nous est apparu que cet avis du Conseil d'État n'était pas une raison de blocage ; ce sont les députés de l'opposition qui ont proposé que, si l'auteur de la proposition de loi s'y oppose, il n'y aura pas d'avis du Conseil d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Il s'agit de permettre au Parlement de demander une expertise juridique complémentaire. En seconde lecture, les députés ont adopté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement socialiste visant à ce que la saisine du Conseil d'État n'ait lieu qu'avec l'accord de l'auteur de la proposition de loi.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - C'est vraiment incroyable !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est vous qui êtes incroyable !

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Vous nous donnez des leçons à propos de la navette, qui doit se poursuivre jusqu'à ce que les deux assemblées trouvent un accord.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce sera le cas.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Vous refusez tout amendement dans le seul but d'obtenir un vote conforme.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - C'est ce que vous faites.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous n'avez rien compris à ce qu'est un dialogue.

M. le président.  - Monsieur Dreyfus Schmidt, poursuivez.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Le président de la commission des lois a l'habitude d'interrompre les orateurs.

Il refuse que l'avis du Conseil d'État soit rendu public mais accepte que le président d'une assemblée puisse soumettre une proposition de loi à l'examen du Conseil d'État, bien sûr sauf opposition de son auteur. Il y aurait là une rupture d'égalité entre parlementaires puisque seuls ceux de l'opposition pourraient le refuser. C'est inacceptable !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je n'avais pas l'intention d'expliquer mon vote, mais les leçons sur la navette justifient quelques observations.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous êtes même opposé aux amendements des députés socialistes !

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'en parlerai, puisque vous avez bien voulu m'interrompre à ce propos.

En première lecture, nos éminents collègues MM. Gélard et Lecerf ont fort justement observé que le Conseil d'État, conseiller du Gouvernement, n'avait pas vocation à conseiller le Parlement, sauf à devenir une troisième chambre, enfin que le Parlement devait rester libre de choisir ses experts.

Quant à la navette, le groupe socialiste du Sénat peut diverger du groupe socialiste de l'Assemblée nationale. Notre parti est extrêmement pluraliste. (A droite, on renchérit avec entrain) Vous ne pourriez guère le contester. Quant à l'accord intervenu, on voit bien la difficulté : pour que cette lecture soit la dernière, afin qu'un vote conforme aujourd'hui sauve le Congrès de lundi, vous acceptez des rédactions très éloignées du niveau que l'on peut attendre en matière constitutionnelle.

A propos des résolutions subordonnées à l'accord du Gouvernement, plusieurs collègues de la majorité m'ont dit que nous avions raison mais qu'ils ne pouvaient rien faire puisqu'un vote conforme avait été décidé. Il en va de même pour l'examen des propositions de loi par le Conseil d'État.

Je regrette que l'on ne prenne pas le temps d'examiner davantage les questions. M. Hyest a mentionné les discussions...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le dialogue !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un dialogue entre qui ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Entre rapporteurs !

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est-à-dire entre les groupes UMP de l'Assemblée nationale et du Sénat.

L'opposition participe aux commissions mixtes paritaires, ce qui est normal, mais le texte adopté est fixé lors de réunions de groupes ici ou là-bas, à l'Élysée ou à Matignon. Ce n'est pas notre conception. (Marques d'incrédulité à droite)

L'élaboration de ce texte est contradictoire avec ce qui a été publié aujourd'hui dans Le Monde.

M. Jean-René Lecerf.  - Je pourrais me sentir mal à l'aise, puisqu'il y a moins d'un mois, j'ai fait adopter le même amendement de suppression -avec le soutien notamment de MM. Raffarin et Longuet- à la quasi-unanimité, si ce n'est à l'unanimité, du Sénat.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - J'ai voté contre !

M. Jean-René Lecerf.  - Je n'ai pas changé d'avis en un mois, ni sur ce sujet ni sur bien d'autres.

M. Josselin de Rohan.  - Maintenez votre avis, changez votre vote !

M. Jean-René Lecerf.  - J'estime ainsi que rendre public l'avis du Conseil d'État sur les projets de loi éviterait de perdre du temps dans une chasse au trésor au demeurant toujours gagnante. De même, les ministres ne devraient pas retrouver automatiquement leurs sièges de parlementaires, en éjectant leurs suppléants, dès la fin de leur fonction gouvernementale.

Simplement, je dresse un bilan d'ensemble. C'est pourquoi, sans avoir modifié mon point de vue, je voterai différemment. (Applaudissements à droite ; commentaires sarcastiques à gauche)

L'amendement n°118 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°58 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 40 de la Constitution est abrogé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Malgré l'importance du sujet, le texte est examiné en navette accélérée. (On désapprouve à droite)

On aboutit ainsi à des dispositions surréalistes, comme l'avis du Conseil d'État sur les propositions de loi ou l'autorisation préalable du Gouvernement aux résolutions parlementaires. De véritables ovnis constitutionnels !

En première lecture, nous avons eu tout un débat très intéressant sur l'article 40 de la Constitution, dont la suppression a été refusée à quelques voix près. Certains membres de la majorité y sont donc favorables, ce qui justifie un examen approfondi.

Cet article fait l'objet ici d'une application toujours plus restrictive. Comme le Sénat ne peut renverser le Gouvernement, la coutume voulait qu'il ne soit pas invoqué avant que l'amendement n'ait été exposé en séance publique. Or, depuis l'an dernier, sans que notre assemblée n'ait reçu de nouveau pouvoir face au Gouvernement, la commission des finances -sous l'impulsion de son président, M. Arthuis- s'est mise à opposer l'article 40 avant même la présentation des amendements.

Dernièrement, dans le cadre de la loi dite de modernisation économique, la commission des finances a opposé cet article à un amendement qui aurait obligé les opérateurs à créer des tarifs adaptés aux personnes de condition modeste, parce que cette commission supputait qu'un éventuel refus des opérateurs aurait pu conduire à solliciter le budget de l'État !

Sorte de Dr. Jekyll et Mr. Hyde du droit d'amendement, M. Arthuis avait pourtant proposé la suppression de l'article 40, en invoquant la « maturité parlementaire ». Comprenne qui pourra ! Dommage qu'il ne soit pas là...

L'article 40 symbolise la primauté de l'exécutif sur le législatif : il y a un an, le Gouvernement a utilisé la loi dite « travail et pouvoir d'achat » pour offrir des milliards d'euros aux contribuables les plus aisés, alors qu'un parlementaire ne peut suggérer une dépense utile même de 100 euros, fût-elle compensée par des ressources nouvelles ! Tous ceux qui souhaitent revaloriser le rôle du Parlement peuvent adopter notre amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous avons débattu de ce sujet durant presque une soirée entière en première lecture. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quel dommage !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - La suppression de l'article 40 a une portée symbolique, et la présidente du groupe CRC a longtemps défendu le retour à la maturité du Parlement.

Depuis l'intervention du Conseil constitutionnel, cet article est enfin appliqué de manière correcte. Et, alors que nous avons le plus grand mal à convaincre nos collègues de l'Eurogroupe et de l'Union européenne de nos progrès sur la voie de la sagesse financière, sa suppression nous ferait passer pour des laxistes chroniques. D'où mon opposition à cet amendement. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°58 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Lambert.

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 40 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les dispositions fiscales dérogatoires qui ont pour conséquence une diminution des ressources publiques ou l'aggravation d'une charge publique sont abrogées dans un délai de trois ans à compter de leur entrée en application, à défaut de la présentation par le Gouvernement au Parlement d'une évaluation de leur coût et de leur efficacité. »

M. Alain Lambert.  - Cet amendement a été discuté en première lecture, mais je n'ai pu assister à ce débat. Frustré par les explications du rapporteur figurant dans le compte rendu intégral, je souhaiterais bénéficier d'un cours de rattrapage. (Sourires)

La dépense fiscale est devenue presque aussi importante que la dépense budgétaire. Il faut donc éviter qu'elle ne soit votée ad vitam aeternam. Pour la maintenir, le Parlement devrait la revoter ; sinon, elle s'éteindrait. Cette procédure serait plus respectueuse du contribuable. Elle pourrait figurer aussi bien dans la loi organique que dans la Constitution, et je la retirerai si vous me donnez suffisamment d'espoirs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je ne m'engagerai pas sur la loi organique, mais cette disposition ne relève pas de la Constitution. Elle pourrait d'ailleurs aboutir à un paradoxe : pour reconduire une disposition, le Gouvernement présenterait une évaluation ; pour la supprimer, il lui suffirait de ne pas le faire.

Certes, on ne devrait pas prendre des mesures indéfinies, mais seulement pour deux ou trois ans. Plus généralement, une forme moderne de législation supposerait de s'appuyer sur des vérifications de l'application des lois. Nous avons déjà fait des progrès considérables en ce sens avec la Lolf. La suppression de certaines dispositions permettrait d'éviter de créer des niches ou de reconduire des dépenses mal utilisées...

J'espère que mon argumentation aura été plus convaincante qu'en première lecture et je vous propose de retirer votre amendement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Cet amendement propose qu'à défaut d'évaluation, certaines dispositions fiscales dérogatoires soient abrogées après trois ans. Comme l'a rappelé hier ici même le Premier ministre, le Gouvernement souhaite réduire le nombre de niches fiscales pour aider au rétablissement de l'équilibre des finances publiques, mais nous ne souhaitons pas introduire cette règle dans la Constitution. Cela donnerait au Gouvernement, par son inaction, la possibilité d'aller contre le Parlement, à qui il revient de voter les exonérations fiscales. En outre, les entreprises ne doivent pas demeurer dans l'incertitude quant à la durée de certains dispositifs, telles les mesures destinées à encourager la recherche.

Le Premier ministre a été saisi de votre demande et le Gouvernement fera très prochainement des propositions de nature à la satisfaire.

M. Alain Lambert.  - Je retire mon amendement. Il est peut-être mal rédigé, mais mon intention n'était pas de permettre au Gouvernement de légiférer à la place du Parlement.

L'amendement n°22 est retiré.

Article 15

Dans le premier alinéa de l'article 41 de la Constitution, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés les mots : « ou le président de l'assemblée saisie ».

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'article 15 modifie l'article 41 de la Constitution pour accorder au président de chaque assemblée la faculté de soulever l'irrecevabilité des amendements qui ressortiraient du domaine du règlement.

En première lecture, le Sénat a adopté deux amendements identiques de suppression, le premier du rapporteur de la commission des lois, le second du groupe socialiste. Pour le rapporteur, cette disposition est inutile car il appartient au seul Gouvernement de défendre ses prérogatives. L'article 41 n'a pas été souvent mis en oeuvre et il est parfois utile d'outrepasser les dispositions des articles 34 et 37.

L'Assemblée nationale a rétabli l'article 15 en deuxième lecture Le rapporteur de sa commission des lois a suivi le Gouvernement, selon lequel ce dispositif ne limiterait pas le droit d'amendement et s'appliquerait de manière facultative, contrairement à la recevabilité financière qui présente un caractère absolu. Cette argumentation apparaît bien faible par rapport à celle du rapporteur du Sénat, et nous aurions pu sans problème nous rallier à la position de M. Hyest. Mais il n'en sera pas ainsi et, en rejetant cet amendement... (on feint de s'étonner sur les bancs CRC), nous adopterons une disposition qui porte atteinte au droit d'amendement et donne aux présidents des assemblées un pouvoir inutile. Le Sénat serait mieux inspiré de se rassembler autour de la pensée de M. Hyest.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 41 de la Constitution est abrogé.

Mme Éliane Assassi.  - Le Sénat s'apprête, vote conforme oblige, à se contredire. L'article 41 de la Constitution permet au Gouvernement de limiter une prérogative essentielle des parlementaires. L'extension de cette possibilité aux présidents des assemblées est présentée comme une mesure d'égalité entre eux et le Gouvernement, mais il s'agit plutôt de contraindre encore davantage le droit d'amendement. N'invoquez pas une nouvelle fois la revalorisation du rôle du Parlement et des parlementaires ! Il eût mieux valu inscrire dans la Constitution un droit absolu d'amendement pour chaque élu national. Le renforcement des pouvoirs du Parlement n'est qu'un prétexte à une reprise en main.

Mme la Garde des sceaux a indiqué que l'article 41 était fondamental tout en rappelant qu'il avait été peu utilisé : l'objectif non avoué serait-il qu'il soit employé plus souvent ? Nous sommes non seulement opposés à l'article 15, mais aussi à l'article 41 de la Constitution, qui donne au Gouvernement un pouvoir arbitraire. Il consacre la prééminence de l'exécutif sur le législatif en privilégiant le domaine réglementaire et met en cause le droit d'amendement des parlementaires. La revalorisation du rôle du Parlement supposerait de l'abroger.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - M. Sueur a déjà prévu ce que je vais dire... (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai plutôt rendu hommage à ce que vous avez dit auparavant.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et je le maintiens, mais l'Assemblée nationale tient beaucoup à cette disposition.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous vous contredisez.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Non, mais il s'agit d'une simple faculté prévue dans le texte initial et cela fait partie du dialogue avec l'Assemblée nationale. (Protestations à gauche) Cette disposition ne sera certainement pas plus utilisée que par le passé : je suis parlementaire depuis vingt-trois ans et je n'ai quasiment jamais vu le Gouvernement invoquer l'article 41 -on peut le déplorer. On étend cette disposition aux présidents des assemblées : grand bien leur fasse !

Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement souhaite que le président de l'assemblée parlementaire puisse constater l'irrecevabilité d'une disposition relevant du domaine réglementaire : avis défavorable à l'amendement n°119. L'article 41 de la Constitution est utile, même s'il est d'un usage des plus rares : avis défavorable à l'amendement n°59. La distinction des domaines de la loi et du règlement contribue à l'intelligibilité de la loi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. le rapporteur nous invite à voter contre ce à quoi il croit, pour un dispositif qu'il avoue inutile et que l'on pourrait de ce fait confier sans hésiter aux présidents des assemblées parlementaires, puisqu'ils ne s'en serviraient jamais : ce n'est pas très convaincant !

L'amendement n°119 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°59.

L'article 15 est adopté.

Article 16

L'article 42 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 42. - La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie.

« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée.

« La discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de quatre semaines à compter de sa transmission.

« L'alinéa précédent ne s'applique pas si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45. Il ne s'applique pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise. »

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - L'examen du texte de la commission en séance publique, plutôt que celui de la rédaction initiale du projet, nous est présenté comme favorable au législateur : nous pourrions enfin nous recentrer sur « les débats de fond ». Comme si, par exemple sur cette révision constitutionnelle, nous ne débattions pas du fond !

La séance publique est l'occasion pour tous les parlementaires de faire valoir leur point de vue, de débattre de sujets transversaux qui ne recoupent pas la répartition des compétences entre commissions, mais aussi, pour chaque parlementaire, en particulier pour ceux qui gèrent une collectivité locale, de participer à des débats au-delà des questions intéressant la commission à laquelle chacun participe. La discussion du texte de la commission en séance publique désavantagera les petites formations, qui n'ont pas toujours les moyens de participer à tous les travaux des commissions.

Faute de proportionnelle, la représentativité de notre assemblée ne va guère s'améliorer, la transparence non plus, puisque l'égalité des temps de parole entre majorité et opposition n'est pas un objectif. En revanche, avec la discussion du texte de la commission, le fait majoritaire va s'accentuer encore. Nous n'avons aucune garantie sur les conditions du débat : que devient le droit d'amendement ? Quelle influence le Gouvernement aura-t-il sur le texte de la commission ? L'article 18 prévoit, en effet, l'examen simplifié en commission !

Si votre objectif est d'empêcher toute obstruction, cessez de déclarer l'urgence sur des textes importants et acceptez d'examiner les propositions venues de l'opposition !

M. le président.  - Amendement n°120, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution.

Mme Gisèle Printz.  - En première lecture, le rapporteur a justifié l'exception réservée par cet article aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement et aux projets de révision constitutionnelle : leur rédaction initiale continuera d'être examinée plutôt que le texte de la commission. Ces exceptions nous paraissent contraires à la valorisation du travail parlementaire : ces textes sont particulièrement importants, il est donc logique que la rédaction de la commission prime sur celle du Gouvernement ! Nous supprimons en conséquence les exceptions à cet article.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Lambert.

Dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, supprimer les mots :

aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et

M. Alain Lambert.  - Pourquoi réserver un sort particulier, dans la nouvelle procédure, aux lois de finances et aux lois de financement ? Vous avez refusé en première lecture d'introduire une hiérarchie entre ces lois et les lois ordinaires : n'est-ce pas le cas avec cet article ? J'espère des éclaircissements...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'examen du texte de la commission en séance publique est un nouveau droit pour le Parlement et le groupe CRC n'en veut pas !

M. Philippe Marini.  - Surprenant !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°60.

Le groupe socialiste et M. Lambert, eux, ne veulent pas que les lois de finances, les lois de financement et les lois constitutionnelles fassent exception. Le Gouvernement a pourtant le monopole de l'initiative dans ces matières, qui sont au coeur de l'action gouvernementale ; il est donc normal que la procédure en tienne compte. Avis défavorable à l'amendement n°120. Retrait, sinon rejet de l'amendement n°23.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Je ne comprends pas que le groupe CRC veuille supprimer cet article qui renforce les droits du Parlement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous ne faisons pas la même analyse que vous !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Je note des différences d'appréciation au sein même de l'opposition. Avis défavorable à l'amendement n°60.

Le comité Balladur s'est prononcé pour que les lois de finances et les lois de financement continuent d'être débattues à partir de leur rédaction initiale, car leur matière est au coeur de l'action gouvernementale et elles font l'objet de règles particulières dans la procédure, les délais et le droit d'amendement. Il est donc plus cohérent que la discussion commence par la rédaction initiale. Quant à l'exception pour les lois constitutionnelles, elle tient à ce que l'initiative en appartient exclusivement au Président de la République.

Vous avez raison, monsieur Lambert, de vouloir améliorer les conditions d'examen de la loi de finances, j'y bataille ferme. Mais vous savez mieux que moi -vous qui avez été à l'initiative de la loi organique sur les lois de finances- combien les procédures sont lourdes et difficiles à changer en la matière !

Avis défavorable à l'amendement n°120. Retrait, sinon rejet de l'amendement n°23.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Le Gouvernement demande à M. Lambert de retirer son amendement mais il est défavorable au nôtre alors qu'ils vont dans le même sens : nous aimerions un traitement un peu plus équitable ! (Exclamations à droite) Nous pourrions débattre et amender mais vous ne pensez qu'à voter conforme : nous dénoncerons sans relâche cette caricature de la démocratie !

M. Josselin de Rohan.  - Ce débat est intéressant car il s'agit d'une novation profonde dans le droit parlementaire de la Ve République. Il y aura désormais deux catégories de textes : ceux qui seront examinés dans la rédaction de la commission, le Gouvernement ayant le droit d'amendement en séance publique, et les textes financiers, fondement de l'action gouvernementale, qui seront examinés de plano dans la rédaction du Gouvernement. Dans le premier cas, on accepte de transformer le texte gouvernemental ; dans le second, on se prémunit au maximum contre ce risque.

C'est ici qu'intervient le 49-3 : si la commission dénature véritablement le texte initial, le Gouvernement pourra être conduit à poser la question de confiance. Mais il ne pourra le faire qu'une fois par session... C'est le pari de Pascal, car il faudra veiller à la parfaite symbiose entre le Gouvernement et sa majorité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas le cas aujourd'hui ?

M. Robert Bret.  - Il suffit de lire Le Monde !

M. Josselin de Rohan.  - J'espère que cette novation se montrera probante et que l'on ne devra pas, un jour, revenir en arrière ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Il s'agit en effet d'une novation importante et la proposition que j'avais faite avec M. Gélard était plus encadrée. En avez-vous bien mesuré les conséquences et le travail qu'il reste à faire ? Que devient le droit d'amendement des non-commissaires ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve) Un parlementaire d'une autre commission pourra-t-il amender le texte ?

M. Philippe Marini.  - Évidemment !

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Qui portera ces amendements ? Comment la publicité des débats sera-t-elle assurée ? Il faudrait que l'intégralité des travaux des commissions soit publiée au Journal officiel. Le Gouvernement sera-t-il entendu par la commission, et dans quelles conditions ?

Si cette révision est adoptée -ce que je ne souhaite pas-, c'est cette mesure qui sera la plus importante, à condition que tout le monde joue le jeu. Elle pourrait nous faire gagner beaucoup de temps et permettre au Parlement de mieux exercer sa mission de contrôle.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les questions soulevées par M. Peyronnet justifient notre hostilité à cet article. En séance publique, un parlementaire en vaut un autre, chacun peut s'exprimer. Réaliser en commission une grande partie du travail limitera l'utilisation de ce droit. Cela favorisera en outre les groupes majoritaires.

L'adéquation entre le Président de la République et la majorité sera indispensable. Il est impossible d'imaginer que le texte issu de la commission soit contraire au projet du Gouvernement, à moins d'être en présence d'une grave crise dont il faudrait tirer les conséquences. Cette mesure favorise la majorité présidentielle et dévalorise le débat public : nous y sommes résolument opposés.

M. Alain Lambert.  - Dans le débat précédent, la commission et le Gouvernement nous ont reproché de vouloir donner la suprématie aux lois de finances et de financement. Nous avons écouté, avec révérence, de grands discours sur la hiérarchie des normes. Or voici que l'on reconnaît que ces textes constituent effectivement des choix déterminants, et même, selon M. de Rohan, « le fondement de l'action gouvernementale » ! Quand on utilise un argument un jour, mieux vaut éviter d'utiliser son contraire le lendemain ! Néanmoins, je retire mon amendement.

L'amendement n°23 est retiré.

M. Philippe Marini.  - J'abonde dans le sens de M. Lambert. Certes, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, son double, occupent une place particulière dans notre ordre juridique. Je regrette que l'on n'en tire pas les conséquences en leur réservant l'exclusivité de toute disposition venant impacter le solde public. La position du Sénat en première lecture était plus cohérente avec l'équilibre des institutions de la Ve République : l'intérêt général s'exprime mieux dans un document global, équilibré et cohérent que dans des lois sectorielles.

Nous sommes en deuxième lecture, le débat a eu lieu. Il faut repousser ces amendements de suppression, d'autant que l'argumentation de Mme Borvo Cohen-Seat me semble reposer sur une confusion : il ne s'agit pas de légiférer en commission mais de légiférer sur le texte de la commission.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'avais très bien compris !

M. Philippe Marini.  - Le Gouvernement, comme tout parlementaire, fût-il membre d'une autre commission, pourra amender le texte. C'est une disposition d'ordre et de procédure qui valorise le travail en commission, pas plus. (Applaudissements à droite)

M. Christian Cointat.  - L'article 16 et l'exception d'inconstitutionnalité justifient à eux seuls que l'on adopte cette révision constitutionnelle. Je rejoins M. Peyronnet quand il dit que cette réforme va tout changer, si on le veut bien. Elle peut donner un véritable pouvoir, une responsabilité supplémentaire au Parlement. Contrairement à ce qu'affirme le groupe CRC, c'est ici que le travail parlementaire prendra toute sa force. Le Gouvernement ne se rend peut-être pas compte des efforts qu'il lui faudra fournir demain pour convaincre les parlementaires du bien-fondé de ses projets !

Il faut donc voter le texte en l'état et ne pas accepter les amendements de suppression. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°60 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°120.

L'article 16 est adopté.

Article 17

L'article 43 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 43. - Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l'une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée.

« A la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet. »

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme N. Goulet.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 43 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

« Les commission permanentes ou spéciales n'ont pas la personnalité juridique. A ce titre, elles n'ont pas vocation à contracter, fût-ce par la voie de leur président. »

Mme Nathalie Goulet.  - Dans le cadre de la discussion de la loi de modernisation de l'économie, le ministre de l'économie a fait savoir au Sénat que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale et l'auteur d'un rapport avaient conclu une convention avec des représentants du secteur bancaire, en réponse à l'amendement n°662 de Mme Payet et du groupe UC-UDF. Pareille pratique méconnaît le bicamérisme, puisque le Sénat n'avait pas été informé de cette démarche, et elle constitue un précédent dont la valeur juridique est discutable. La révision de la Constitution permet de procéder à ce rappel.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission.  - Une telle disposition n'a pas sa place dans la Constitution. En outre, il n'est pas usuel que les commissions passent des conventions. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Je ne connais pas les détails de cette affaire mais je rappelle que les commissions permanentes n'ont pas la personnalité juridique. Quand bien même ce serait le cas, un tel amendement n'aurait pas sa place dans la Constitution.

L'amendement n°27 est retiré.

L'article 17 est adopté.

Article 18

Le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

M. le président.  - Motion de renvoi en commission n°148, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale, l'article 18 du projet de loi constitutionnelle relatif à la modernisation des institutions de la Ve République (n°459, 2007-2008). 

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comme l'article 44 du Règlement nous y autorise, je propose au Sénat de renvoyer en commission cet article dont l'adoption aurait des conséquences extrêmement lourdes. Il autoriserait en effet un encadrement très strict du droit d'amendement, voire sa remise en cause pure et simple.

J'ai déjà dit cela en première lecture et notre avis n'a pas changé depuis. Durant les semaines qui ont précédé le débat parlementaire, les auteurs et les partisans du projet ont vanté sur toutes les ondes, dans tous les organes de presse, les bienfaits de cette réforme et son caractère historique, voire révolutionnaire, mais ils se sont bien gardé de dire qu'il s'agissait aussi d'une réduction d'un droit démocratique essentiel, le droit d'amendement. Nous l'avons dit et répété mais, comme il fallait que tous les parlementaires votent ce texte, la propagande n'a pas faibli.

Le Président de la République, dans son interview de ce jour dans Le Monde, reconnaît explicitement les limites de cet article, puisqu'il estime nécessaire de s'autoproclamer garant du droit d'amendement de l'opposition. Nous aurions préféré que ces garanties figurent dans la Constitution plutôt qu'elles ne dépendent du bon vouloir du Président.

Ce débat ne peut se poursuivre sérieusement sur un point aussi essentiel pour la démocratie parlementaire sans un éclaircissement sur les intentions présidentielles et surtout sans un échange en commission des lois pour qu'enfin soit adopté un texte conforme aux engagements du Président.

C'est au Parlement de défendre ses prérogatives et non au Président de la République. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de cet article en commission pour un examen plus approfondi.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission.  - La commission ne s'est pas penchée sur cette demande de renvoi en commission puisqu'elle vient d'être déposée mais, à titre personnel, j'y suis défavorable. Les conditions d'exercice du droit d'amendement seront déterminées par une loi organique relative au Sénat et les deux assemblées devront trouver un accord. Nous débattrons de toutes ces questions le moment venu.

La motion n°148, repoussée par le Gouvernement, n'est pas adoptée.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Vous dites vouloir renforcer le rôle du Parlement avec cette révision constitutionnelle. Il vous a donc fallu minimiser la portée de cet article qui tente de limiter le droit d'amendement. Or, ce sont les amendements qui permettent au parlementaire de faire valoir ses opinons et de les soumettre au vote. C'est le seul moyen aux mains de l'opposition pour proposer une alternative. Réduire le droit d'amendement, c'est tuer le débat démocratique. Nous l'avons dit en première lecture et nous le répétons : avec cet article, la réorganisation de la procédure législative sera profonde et elle se fera au détriment du débat pluraliste démocratique et transparent. En fait, le comité Balladur a proposé ni plus ni moins que la mise en place d'un 49-3 parlementaire aux mains de la majorité de chaque assemblée.

M. le président.  - Amendement identique n°121, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Christiane Demontès.  - Initialement, cet article précisait que le droit d'amendement s'exerce en séance et en commission selon les conditions et limite fixées par le règlement des assemblées et une loi organique.

En première lecture, le Sénat a supprimé la référence à la loi organique, notre rapporteur estimant qu'une telle loi organique limiterait la compétence de principe que la Constitution reconnaît au règlement des assemblées et contredirait l'autonomie des assemblées dans la fixation des modalités d'exercice du droit d'amendement.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a réintroduit la référence à une loi organique. Cette réforme va donc faciliter le recours aux procédures simplifiées pour l'adoption des projets et propositions de loi et conférer ainsi un véritable pouvoir législatif aux commissions, sans aucun vote en séance.

Le droit d'amendement est un droit intrinsèque à la fonction de parlementaire. Or il risque de devenir un droit accessoire encadré par les règles relatives à l'irrecevabilité financière et matérielle.

Les déclarations contradictoires de divers responsables de la majorité nous laissent dans le flou. Pourtant ce sujet transcende les clivages partisans : il concerne aussi bien les parlementaires de droite que de gauche. Nous devons tous être vigilants et ne toucher au droit d'amendement que si de nombreuses garanties nous sont données. Comme ce n'est pas le cas, nous demandons la suppression de cet article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

Dans le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, après le mot : « ont », sont insérés les mots : « à tout moment du débat ».

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

Après le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

Le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution est supprimé.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est également défendu.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :

« Ce droit s'exerce en séance et en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'Assemblée nationale souhaite qu'une loi organique fixe le cadre du droit d'amendement. Je rejoins sur ce point les conclusions du président Hyest lors de la première lecture : « Votre commission s'est interrogée sur le renvoi à la loi organique pour déterminer le cadre dans lequel s'inscrirait les règlements des assemblées. Dans deux autres articles de la Constitution, la compétence donnée aux assemblées pour définir les règles qui les concernent n'est pas encadré. La référence faite ici à la loi organique limite la compétence de principe que la Constitution reconnaît au règlement des assemblées et contredit l'autonomie des assemblées pour fixer les modalités d'exercice du droit d'amendement.

Aussi nous proposons de supprimer cette référence. Je vous propose à mon tour de prendre acte de ces paroles lumineuses.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Conférence des Présidents

M. le président.  - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.

JEUDI 17 JUILLET 2008

A 9 heures 30, à 15 heures et le soir

VENDREDI 18 JUILLET 2008

A 9 heures 30, à 15 heures et le soir

MARDI 22 JUILLET 2008

A 10 heures, à 16 heures et le soir :

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 448, 2007-2008)

(La Conférence des Présidents a fixé à deux heures et demie la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; les délais limite pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés)

MERCREDI 23 JUILLET 2008

A 15 heures :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l'économie ;

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire ;

A 21 heures 30 :

3°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi ;

4°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007.

JEUDI 24 JUILLET 2008

A 11 heures 30 :

Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

QUESTIONS D'ACTUALITÉ AU GOUVERNEMENT D'OCTOBRE À DÉCEMBRE 2008 :

Jeudi 16 octobre 2008, Jeudi 30 octobre 2008, Jeudi 13 novembre 2008, Jeudi 27 novembre 2008, Jeudi 11 décembre 2008 et Jeudi 18 décembre 2008.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 18 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Lambert.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le dernier alinéa du même article est complété par les mots : « et par la commission saisie au fond ».

M. Alain Lambert.  - Le sujet est d'une complexité qui me fait frémir. Le principe du vote bloqué -l'article 44-3 de la Constitution- ne saurait être remis en cause : la procédure est utile pour accélérer un débat, surmonter une obstruction, revenir sur des petites erreurs, et elle permet au Gouvernement de conserver la maîtrise du déroulement de la discussion. En revanche, le contenu des amendements soumis au vote pourrait être agréé par la commission saisie au fond. L'expression de la représentation nationale serait ainsi mieux prise en compte et, en cas de désaccord sur un amendement, celui-ci ne sera pas soumis au vote bloqué. Toutefois, afin de préserver les droits du Gouvernement, une deuxième délibération, individuelle, serait alors possible.

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un amendement a été adopté par une assemblée, le Gouvernement ne peut demander une nouvelle délibération de l'article amendé au cours de la même lecture devant ladite assemblée. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°122, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous encadrons le pouvoir d'amendement du Gouvernement en proscrivant, dans des limites précises, les cavaliers législatifs. En effet, le Gouvernement peut déjà présenter quand il le souhaite, y compris au dernier moment, sans que la commission ait le loisir de l'examiner, tout amendement. Et cela est suffisamment gênant !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La plupart de ces amendements ont déjà été rejetés en première lecture. Avis défavorable aux n°s62 et 121, comme au n°63 et au n°64. Défavorable également au n°65, car le recours à l'article 49-3 sera très encadré. Un cadre commun à l'exercice du droit d'amendement a déjà été instauré, restons-en à cette rédaction : défavorable au n°8. L'amendement n°24 revient à limiter la portée du vote bloqué, lequel fournit à l'action de l'exécutif une garantie d'efficacité : avis défavorable. Quant au n°66, la seconde délibération demandée par le Gouvernement donne une souplesse à la procédure législative : défavorable. Enfin, avis défavorable au n°122 comme au n°64.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Défavorable aux n°s62 et 121. Il n'y a pas ici d'atteinte au droit d'amendement ! Quant à la référence à la loi organique, elle a pour but d'assurer entre les deux assemblées une cohérence de traitement des amendements du Gouvernement. Le n°63 est en contradiction avec le deuxième alinéa de l'article 44. La clarté et la sincérité du débat exigent un examen des amendements organisé. Défavorable.

Les amendements n°s64 et 122 reprennent une proposition du comité Balladur que le Gouvernement n'a pas retenue. La jurisprudence nous prémunit parfaitement contre toute dérive du droit d'amendement du Gouvernement. Défavorable, donc. Même avis sur le n°65 car le vote bloqué doit être employé avec parcimonie mais il est utile. Le projet de loi renforce déjà considérablement les pouvoirs du Parlement.

Défavorable au n°8, le règlement des assemblées ne saurait contenir des limitations au droit d'amendement du Gouvernement. Régler les modalités d'examen des amendements, oui ; mais contraindre l'exercice de son droit par le Gouvernement, et de façon différente selon l'assemblée, n'est pas envisageable.

Je peux comprendre que M. Lambert souhaite un droit de regard de la commission sur les amendements de seconde délibération. Sa proposition est équilibrée, elle ne remet pas en cause la procédure de l'article 44-3. Mais le Gouvernement est attaché à un instrument qui lui permet de faire valoir son point de vue, notamment en cas de désaccord profond avec la commission. Retrait ou rejet. Enfin, avis bien évidemment défavorable au n°66.

M. Bernard Frimat.  - Si nous demandons un scrutin public sur notre amendement n°121, c'est que l'article 18 est l'un des plus importants.

Vos paroles ne nous ont pas rassurés. Vous utilisez la conjonction « et » alors que le texte dit « ou » ! On n'est pas parti pour constitutionnaliser ce qu'écrit un journal du soir : lundi, ce n'est pas sur le texte d'une interview « mondiale » que l'on votera mais sur celui d'un projet de loi.

Le Président de la République se porte garant des droits de l'opposition ; notre démarche est plus consensuelle : ce sont aussi les droits de la majorité que nous voulons voir respectés. Or, s'agissant des amendements, la dégradation juridique des instruments de référence est patente. C'est pourtant le coeur de la démarche démocratique, et ce n'est pas un article du Monde qui peut garantir le droit d'amendement.

Nous désespérons de vous convaincre. La nuit portant conseil, vous finirez peut-être par accepter de constitutionnaliser les propos du Président de la République, qui passeraient ainsi du statut de coup médiatique à celui de progrès démocratique. Dans l'immédiat, pour marquer l'importance que nous attribuons à cet article, nous demandons un scrutin public.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Toute votre communication depuis des mois consiste à répéter que ce projet de loi renforcerait les pouvoirs du Parlement. Nous avons eu le temps de constater qu'il n'en était rien : cette révision ne sert qu'à encadrer encore davantage les droits parlementaires, et d'abord celui d'amendement. Nous avons essayé de faire entendre que c'était là une présidentialisation du régime. Le Président de la République, qui a voulu cette réforme pour assurer son rôle de chef de l'exécutif, se dit garant du droit d'amendement mais vous refusez de modifier cet article 18 ou même de réfléchir à sa modification. Cela nous conforte dans l'idée que les droits du Parlement ne sont pas l'objet de cette réforme. Quant à ce qu'il en ira au-delà, nous ne pouvons le dire, faute de savoir lire dans le marc de café.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous vivons la juxtaposition des contraires, l'apothéose de l'oxymore ! (Murmures admiratifs) C'est très remarquable. Vous ne cessez de vous référer à la première page du Monde de ce midi ; vous devriez lire aussi la page 6, celle où figurent les propos du Président de la République. Vous y verriez qu'au moment même où il parle de renforcer les pouvoirs du Parlement il se comporte en hyper-président qui, à lui seul, statue sur la Constitution, la loi et même le règlement des assemblées parlementaires. On fait le contraire de ce qu'on dit et on dit le contraire de ce qu'on fait. On s'occupe du règlement des assemblées : on parle de mettre en oeuvre les propositions du président Accoyer, on fixe les effectifs des groupes politiques, on promet l'égalité du temps de parole.

Mme Isabelle Debré.  - Elle n'est pas réalisée ce soir !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Rien ne vous empêche de demander la parole, chère collègue.

Pis encore, écoutez cette phrase : « lors du vote de la loi organique qui précisera les conditions et limites du droit d'amendement, je veillerai à ce que les droits de l'opposition soient garantis ». Faut-il vraiment qu'une loi organique précise les « limites » du droit d'amendement, alors que la Constitution le garantit pleinement ?

Tout cela est très inquiétant. L'hyper-président s'occupe de ce qui n'est pas de son ressort, il n'a pas les pouvoirs constitutionnels qu'il s'arroge dans cette interview. Ce qu'il dit explicitement renforce notre inquiétude, qui est partagée par tous les parlementaires attachés au droit d'amendement.

M. Christian Cointat.  - J'aime beaucoup la dialectique mais il y a des limites à ne pas franchir !

M. Bernard Frimat.  - Comme pour le droit d'amendement ?

M. Christian Cointat.  - Depuis tout à l'heure, vous n'arrêtez pas de citer un certain journal ; c'est lui faire une publicité inadmissible. Et, comme par hasard, ce n'est pas un journal de droite ! (Rires à gauche)

Vous ne cessez de réclamer un geste du Président de la République et, quand il le fait, vous critiquez encore ! Quoi qu'on fasse, dise ou propose, vous n'en voulez pas, même si c'est dans l'intérêt général.

Il est bien clair que le Président de la République ne va pas décider pour le Parlement. Il est le garant de la Constitution, il est donc dans son rôle quand il dit comment il voit les choses. Je comprendrais que vous demandiez encore plus que ce qu'il vous donne mais pas que vous le ridiculisiez.

« Hyper »président, dites-vous. J'entends « super » et je comprends que vous l'adorez ! (Applaudissements sur quelques bancs UMP)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le problème, c'est que le Président de la République est devenu aussi le chef de l'opposition parlementaire. (Rires étonnés) Il avait bien un intermédiaire mais celui-ci a mal au dos (On s'offusque à droite) Il n'y a plus de séparation des pouvoirs : le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée nationale dont il conduisait les travaux par Premier ministre interposé et maintenant directement. Ce que vous ne voulez pas reconnaître, c'est le glissement de la majorité parlementaire à une majorité du président. Imaginez-vous le général de Gaulle devant l'UMP de l'époque ?

Il n'y a plus de séparation des pouvoirs, et là où il n'y a pas séparation des pouvoirs, il n'y a pas de Constitution.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission.  - N'importe quoi !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ce que vous mettez en place n'est pas un renforcement des droits du Parlement, mais un régime consulaire.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - On entend de beaux discours mais qui ne se traduisent par aucune proposition d'amendement permettant d'avancer. S'il y avait une véritable volonté politique du Gouvernement, il n'y aurait pas cette mascarade de vote conforme qui n'ose pas dire son nom.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Si ! On le dit !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Alors faites-le ce vote conforme, directement ! Que ce soit sur les résolutions ou sur le droit d'amendement, notre République dépend désormais du fait du prince.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°62, identique à l'amendement n°121, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 289
Majorité absolue des suffrages exprimés 145
Pour l'adoption 119
Contre 170

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°63 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s64, 65 et 8.

L'amendement n°24 est retiré.

L'amendement n°66 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°122.

L'article 18 est adopté.

Article 19

L'article 45 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « déclaré l'urgence » sont remplacés par les mots : « décidé d'engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées » ;

b) Après le mot : « ministre », le mot : « a » est remplacé par les mots : « ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont ».

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

Les trois derniers alinéas de l'article 45 de la Constitution sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. »

M. Robert Bret.  - L'article 19 n'est pas plus satisfaisant en seconde lecture qu'il ne l'était en première lecture. L'article 15 ayant été rétabli par les députés, ceux-ci ont également rétabli l'article 19, entérinant la règle qui permettra de limiter drastiquement la recevabilité des amendements. Quant aux dispositions relatives à la procédure d'urgence, qui pourra être engagée à moins que les Conférences des Présidents s'y soient conjointement opposées, et à la possibilité pour les présidents des deux assemblées de convoquer une CMP, l'Assemblée nationale n'y a apporté que des modifications rédactionnelles.

Or, l'article 19 fait partie de ceux qui restreignent les pouvoirs du Parlement par l'élargissement injustifié du régime des CMP aux propositions de loi. Ces commissions sont l'antithèse du débat démocratique, elles sont opaques puisque non publiques et ne représentent pas les sensibilités politiques de l'hémicycle. De plus, elles interviennent à l'issue d'un débat expédié sur un projet de loi pour lequel l'urgence a été déclarée. Nous proposons donc de mettre un terme à la procédure des CMP.

M. le président.  - Amendement n°67, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer le 1° de cet article.

M. Robert Bret.  - L'Assemblée nationale a rétabli le premier alinéa de ce texte que le Sénat avait supprimé. Cet alinéa indique que peut être déposé en première lecture tout amendement qui franchit les deux premiers obstacles des articles 40 et 41 de la Constitution et présente un lien, même indirect, avec le texte en discussion. Nous avons longuement débattu pour savoir si cela était plus favorable au droit des parlementaires que la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le rapporteur de la commission des lois ne semble pas lui-même totalement convaincu par le rétablissement de la rédaction initiale puisqu'il écrit : « Il n 'est pas certain que cette formule soit plus favorable que la jurisprudence du Conseil constitutionnel exigeant que les amendements ne soient pas dépourvus de tout lien avec l'objet du projet ou de la proposition de loi déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ». Comme à l'accoutumée, vous écrivez ce que tout le monde pense tout bas, en affirmant que « le texte de l'Assemblée nationale aura le mérite de fixer dans la Constitution les conditions de recevabilité des amendements en première lecture ». C'est bien cela le point important : le droit d'amendement est, pour la première fois, encadré dans la Constitution même. Cet alinéa est à l'image de la démarche de l'UMP et du Président de la République : on affiche un objectif et on fait le contraire... En faisant mine d'accepter largement les amendements en première lecture, vous offrez en fait un cadre constitutionnel à la future réduction de ce droit d'amendement. Nous vous proposons de mettre un terme à cette duplicité en supprimant à nouveau cette disposition.

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le second alinéa du 1° de cet article :

« Tout amendement est recevable dès lorsqu'il présente un lien avec le texte déposé ou transmis. »

M. Thierry Repentin.  - En première lecture, à l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a précisé que, sous réserve de l'application des articles 40 et 41, « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Le Sénat -trop timoré pour défendre les droits des parlementaires (protestations à droite)- a supprimé cette disposition et a préféré s'en tenir à la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, alors même que nous avions là une fenêtre de tir pour ne pas laisser les juges décider à notre place.

On ne saurait confondre la théorie prohibant les cavaliers législatifs et celle dite de « l'entonnoir » selon laquelle, à la suite de la première lecture du texte de loi, les amendements présentés ne peuvent plus porter que sur les dispositions restant en discussion, sans qu'il soit possible d'en instaurer de nouvelles. L'application stricte de la règle de l'entonnoir restreint à l'excès le droit d'amendement parlementaire.

En première lecture, le rapporteur a considéré que notre proposition était moins favorable que celle de l'Assemblée nationale -qu'il a pourtant préalablement dénoncée- et surtout moins avantageuse que celle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce qui est un contresens. Au prétexte d'une meilleure organisation de la discussion, la règle de l'entonnoir assèche le débat parlementaire. Le dépôt d'amendement doit s'exercer pleinement et ne saurait être limité par une règle supplémentaire d'irrecevabilité fixée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et contraire à la volonté du constituant. En revanche, afin de respecter les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, il faut préciser qu'un amendement ne doit pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du projet ou de la proposition de loi. Ce droit doit donc pouvoir s'exercer dès lors que l'amendement a un lien avec le texte au cours de toutes les lectures ayant lieu avant CMP, et y compris s'il traite d'un point qui n'a pas été abordé lors des lectures précédentes. S'il s'agit de revaloriser le rôle du Parlement, notre proposition est bien la mieux-disante.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter le a du 2° de cet article par les mots :

par un avis conforme des trois cinquièmes des membres

M. Robert Bret.  - Par cet amendement, nous nous opposons une nouvelle fois à l'aggravation du fait majoritaire. Ce 2° de l'article 19 prévoit les conditions de la déclaration d'urgence pour le Gouvernement, urgence hypocritement appelée dorénavant procédure accélérée. On a clamé haut et fort que l'urgence serait considérablement limitée et que l'accord du Parlement serait requis. En fait, si les Conférences des Présidents, c'est-à-dire la majorité de chaque assemblée, approuve l'urgence, le Gouvernement aura la voie libre. Qui peut imaginer, dans le contexte actuel, une majorité de l'Assemblée nationale ou du Sénat refuser la procédure accélérée au Gouvernement de M. Sarkozy ? La moindre des choses serait d'exiger l'accord des Conférences des Présidents à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ou que l'opposition soit réellement associée à l'avis du Parlement. A l'heure actuelle, il n'est même pas sûr que cette majorité qualifiée satisfasse cet objectif, tant la domination de l'UMP et de ses alliés est forte au sein des deux Conférences des Présidents. Notre amendement peut cependant limiter le fait majoritaire dans la décision d'utiliser la procédure d'urgence.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le texte élaboré par la commission mixte est soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n'est recevable. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous l'avions déjà défendu en première lecture. Il s'agit de la faculté, pour le Gouvernement, de déposer des amendements après une CMP.

En effet, un accord intervenu en CMP exprime la volonté parlementaire. Il est donc exorbitant que le Gouvernement puisse encore déposer des amendements. On nous présente cette possibilité comme une contrepartie au fait que le Gouvernement ne soit pas représenté à la CMP, mais, en pratique, l'adoption de ces amendements est quasiment automatique, puisque les parlementaires de la majorité doivent ou bien les accepter ou bien repousser tout le texte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Non !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bien que le Président de la République ne se soit pas encore prononcé sur la question, nous voulons, comme toujours, améliorer le texte, même si nous craignons que la volonté d'aboutir à un vote conforme n'empêche tout progrès.

M. le président.  - Amendement n°125, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut engager la procédure accélérée plus de cinq fois par session ordinaire. »

M. Bernard Frimat.  - Cet amendement aussi a été déposé en première lecture, pour limiter le recours à l'urgence rebaptisée « procédure accélérée ».

Vous me direz qu'il est mauvais d'inscrire des chiffres dans la Constitution, mais vous avez donné le mauvais exemple avec 577 et 348. Dans cette guerre, nous proposons le 5.

La rédaction de l'amendement est médiocre, mais la limitation apportée à la procédure accélérée n'est qu'un faux-semblant, puisqu'on ne voit guère comment une opposition conjointe pourrait apparaître lorsque la majorité des deux assemblées ne coïncide pas, et encore moins lorsque les deux majorités sont identiques. Par une sorte de tour de force, vous avez réussi à introduire un trompe-l'oeil supplémentaire dans ce texte.

Nous préférons une véritable limitation, bien que le maintien du trompe-l'oeil vous permette de respecter une certaine continuité.

Le feu d'artifice de fausses propositions auquel nous assistons forme un médiocre lendemain de 14 juillet.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission est défavorable à tous les amendements.

Le n°68 ne favorise pas l'élaboration d'un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

La jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel exclut tout amendement présenté en première lecture alors qu'il serait dépourvu de tout lien avec le texte. Nous préférons la rédaction de l'Assemblée nationale, qui déclare recevable tout amendement « dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte ». J'ai apprécié l'image de l'entonnoir qui assèche le débat parlementaire, (sourires) mais ce n'est pas une raison pour le transformer en arrosoir... L'amendement est moins favorable à l'initiative parlementaire que la rédaction de l'Assemblée nationale.

M. Bernard Frimat.  - Vous l'avez combattue !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Notre position a changé. Vous ne savez pas ce qu'est un dialogue ! (Rires sur les bancs socialistes)

A propos du droit d'amendement dont dispose le Gouvernement après le succès d'une CMP, j'observe que la première assemblée saisie n'est pas soumise à un vote bloqué. Au demeurant, les amendements de coordination et la correction d'erreurs matérielles sont indispensables.

M. Frimat a reconnu que son amendement n'était pas très satisfaisant.

M. Bernard Frimat.  - Mais préférable à votre rédaction !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il comprendra donc l'avis négatif de la commission.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Quelle défiance envers le bicamérisme ! La CMP doit concilier les positions des deux assemblées. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n°68.

A propos de l'amendement n°67, je ne partage pas les craintes suscitées par la rédaction de l'article, car il adresse au Conseil constitutionnel un message combattant toute jurisprudence trop restrictive quant à la recevabilité des amendements.

L'amendement n°123 tend à supprimer la jurisprudence dite de l'entonnoir, qui organise fort utilement le travail législatif. Avis défavorable.

L'amendement n°61 rectifié s'attaque à une avancée importante. Introduire un avis conforme à la majorité des trois cinquièmes reviendrait à compromettre l'effectivité de la procédure accélérée.

Le Gouvernement n'étant pas représenté à la CMP, il doit donc pouvoir faire prévaloir son point de vue. Avis défavorable à l'amendement n°124.

Il en va de même pour l'amendement n°125. Pourquoi cinq fois ? L'option pour une procédure accélérée dépendra des circonstances. L'intervention des Conférences des Présidents suffit.

L'amendement n°68 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°67.

M. Thierry Repentin.  - Je ne me laisserai pas abuser par l'argumentation de M. le ministre au sujet de l'entonnoir.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel limite le débat en deuxième lecture aux dispositions restant en discussion. Pourtant, en quatre ans, j'ai participé à des discussions constructives entre les parlementaires et le Gouvernement, aboutissant à l'introduction de nouveaux articles en deuxième lecture. A titre d'exemple, les dispositions foncières de la loi engagement national pour le logement ont été introduites en deuxième lecture.

Ceux qui conduisent cette réforme constitutionnelle paraissent bien éloignés des soucis quotidiens et des difficultés que nous éprouvons sur le terrain pour faire face aux questions qui nous sont soumises.

Le jeune parlementaire que je suis a pu mesurer ici le recul de nos droits législatifs.

L'amendement n°123 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s61,124 et 125.

L'article 19 est adopté.

Article 20

Le deuxième alinéa de l'article 46 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu'à l'expiration des délais fixés au troisième alinéa de l'article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt. »

M. le président.  - Amendement n°69, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'avant-dernier alinéa du même article est supprimé.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Comme lors de la première lecture, nous voulons saisir cette révision constitutionnelle pour supprimer le droit de veto attribué au Sénat sur les lois organiques le concernant, car cette disposition est de plus en plus incompréhensible vu le mode de désignation des sénateurs et le décalage flagrant qu'il induit entre la réalité politique des collectivités territoriales et la composition de notre assemblée.

Il est donc inacceptable que le Sénat ait un pouvoir comparable, voire supérieur, à celui de l'Assemblée nationale, d'autant plus qu'il s'applique également aux révisions constitutionnelles et au vote de certains textes législatifs. Et je passe sur l'interprétation des mots « lois organiques relatives au Sénat », qui étend cette notion aux lois qui s'appliquent aux deux chambres...

Le dernier mot doit revenir aux députés, élus par le peuple au suffrage universel direct.

M. le président.  - Amendement identique n°126, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'avant-dernier alinéa du même article est supprimé. 

M. Bernard Frimat.  - Il a été excellemment défendu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Même avis qu'en première lecture : défavorable aux deux amendements.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - L'obligation de voter dans les mêmes termes les lois organiques relatives au Sénat répond à la nécessité de respecter l'indépendance de chaque assemblée. Il est normal que l'Assemblée nationale n'ait pas le dernier mot pour voter des dispositions relatives au Sénat. Avis défavorable.

M. Bernard Frimat.  - Monsieur le ministre, je citerai un exemple de veto lié à la conception très large de la loi organique touchant au Sénat. L'Assemblée nationale avait limité à deux le cumul des mandats nationaux. Le Sénat avait ajouté la possibilité d'exercer un troisième mandat s'il s'agissait de celui de conseiller municipal d'une ville de moins de 3 000 habitants. L'Assemblée nationale a dû se plier à cette disposition parce qu'elle touchait au Sénat, alors qu'elle n'affectait pas la constitution de la Haute assemblée.

Les amendements identiques nos69 et 126 ne sont pas adoptés.

L'article 20 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Lambert.

Avant l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le cinquième alinéa de l'article 47 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au début de la discussion générale en première lecture devant chaque assemblée, le ministre chargé du budget et le chef de l'administration en charge de la préparation du projet de loi de finances prêtent serment du respect par le projet de loi de finances du principe de sincérité. »

M. Alain Lambert.  - Un des cancers responsables de la dégradation des comptes publics depuis trente-cinq ans est le mensonge budgétaire. A chaque loi de finances, toutes les majorités utilisent des artifices tels que la sous-budgétisation ou la débudgétisation. Ces procédés révèlent un manque de sincérité évident, contre lequel on pourrait lutter par une certaine solennité s'inspirant des prestations de serment auxquelles donnent lieu les commissions d'enquête. Il est lu à toute personne auditionnée quelques articles du code civil l'informant des conséquences d'un témoignage mensonger, soit cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende. Ce serment pourrait être demandé au ministre en charge du budget et au chef de son administration.

J'ai été un peu blessé à la lecture de nos débats en première lecture : l'ironie pointait sur tous les bancs et pour certains collègues les commissions d'enquête n'évoquaient que le passé. Pourtant, je combats le mensonge. Il ne sert à rien de nous accuser mutuellement entre majorité et opposition : nous sommes mutuellement solidaires de la situation des comptes publics vis-à-vis des générations à venir.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Une prestation de serment ? On ne trouverait plus beaucoup de candidats au poste ! Franchement, ce n'est pas dans nos traditions, et la pratique des commissions d'enquête est particulière. Le principe de sincérité budgétaire est contrôlé par le Conseil constitutionnel et par le Parlement. La prestation de serment ne paraît pas cohérente avec nos principes constitutionnels et en outre, comment s'assurer de son respect ?

M. Alain Lambert.  - Lors de la loi de règlement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Alors il faudrait prévoir des peines car je suis désolé de vous dire que celles que vous envisagez ne s'appliqueraient pas, à moins d'insérer des dispositions spécifiques dans le code pénal. Je comprends bien la préoccupation de l'ex-ministre chargé du budget...

M. Alain Lambert.  - Il me reste des souvenirs !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je ne peux imaginer que votre administration vous mentait.

M. Alain Lambert.  - Evitez ce registre des comptes sinon je vais vous répondre...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je ne suis pas expert en la matière budgétaire, c'est la Cour des comptes qui est chargée de les vérifier et de les certifier.

Mme Nicole Bricq.  - On va en parler !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet amendement n'est pas indispensable. J'en demande le retrait.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - L'État doit respecter sa parole afin qu'un rapport de confiance s'installe entre lui et le citoyen. Dans votre rapport de 2000 sur la Lolf, vous avez estimé, monsieur Lambert, que la sincérité budgétaire s'apprécie lors de la reddition des comptes plutôt que lors du dépôt du budget. Le Gouvernement a ensuite proposé au Sénat une disposition relative à la sincérité des comptes des administrations publiques, corollaire de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »

Le serment donnerait tout son poids au principe de sincérité budgétaire, mais le Gouvernement est réservé au fond sur cette proposition. La responsabilité budgétaire incombe au Gouvernement, qui détermine et conduit la politique de la Nation. Il serait contraire à la Constitution de la faire peser sur les seuls ministre ou directeur du budget. Retrait ou avis défavorable.

M. Alain Lambert.  - Quelle que soit l'amitié bien ancienne qui m'unit au président de la commission des lois, sa réponse m'incite à maintenir mon amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - J'aurais pu donner un avis défavorable...

M. Alain Lambert.  - Vous dites que l'on ne trouverait plus de ministre s'il devait assumer cette responsabilité ? Tout est dit : on part du postulat que tous les budgets sont insincères.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce sont les comptes qui peuvent être insincères. Les budgets ne sont que des prévisions.

M. Alain Lambert.  - Vous me dites ensuite que ce serait contraire aux grands principes républicains. Chacun doit prendre ses responsabilités et assumer les conséquences de la situation des comptes publics au regard des générations futures.

La réponse du ministre était bien plus équilibrée, même finement ciselée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je ne suis pas aussi doué !

M. Alain Lambert.  - Vous êtes irremplaçable pour la loi, vous pouvez encore progresser pour le budget -comme tout un chacun. A chacun sa place et évitons de nous froisser.

Monsieur le ministre, vous estimez qu'il serait inconstitutionnel de faire porter la responsabilité sur un seul homme. Si mon amendement est imparfait mais l'idée juste, vous pouvez le rectifier. Si ma démarche est inutile, alors la sincérité budgétaire demeure un simple principe que l'on n'a pas l'intention de respecter. A défaut d'une réponse, je ne peux retirer mon amendement.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

Article 21

I. - Non modifié .........

II. - Après l'article 47-1 de la Constitution, il est inséré un article 47-2 ainsi rédigé :

« Art. 47-2. - La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens.

« Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »

M. le président.  - Amendement n°127, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. Après la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 47-2 de la Constitution, insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l'État et de la sécurité sociale.

II. Supprimer le second alinéa du même texte.

Mme Nicole Bricq.  - L'Assemblée nationale a supprimé la disposition introduite par le Sénat aux termes de laquelle la Cour des comptes « exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l'État et de la sécurité sociale » et a adopté un amendement du Gouvernement lui substituant le texte suivant : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »

La nouvelle rédaction a été adoptée sans qu'aucune explication n'en soit donnée en séance publique. Nous rétablissons le texte que le Sénat avait adopté en première lecture, en donnant un fondement constitutionnel à la certification et à la sincérité des comptes. Ce sera une garantie pour l'information des citoyens et pour le bon fonctionnement de la Lolf. Les lois de règlement vont prendre plus d'importance et le Conseil constitutionnel a précisé que le principe de sincérité mentionné par la loi organique exigeait l'exactitude des comptes : mieux vaut que la sincérité et la certification, soient dans la Constitution !

Nous avons eu la sagesse de le faire en première lecture, jugeant inadmissible que le Parlement n'aie pas débattu de cet alinéa. Vous ne pensez aujourd'hui qu'au vote conforme, mais cette question mérite un débat. Si donc vous êtes sincères et honnêtes intellectuellement, mes chers collègues, vous reviendrez à votre choix de première lecture et vous aurez à coeur de ne pas vous déjuger !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le Garde des sceaux et le Premier ministre ont confirmé que le texte de l'Assemblée nationale ne mettait nullement en question la mission de certification des comptes confiée à la Cour des comptes. Cette rédaction s'inspire de l'article 27 de la Lolf, elle pose un principe de sincérité qui s'applique à toutes les administrations, au-delà de l'État, et qui est cohérent avec l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, selon lequel la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement souhaite l'inscription du principe de sincérité dans la Constitution. L'Assemblée nationale l'a fait à l'article 21, le principe de sincérité vaut pour toutes les administrations publiques, au-delà de la compétence de certification conférée à la Cour des comptes. Votre rédaction, du reste, n'est pas assez précise : la Cour des comptes constate ou établit des comptes, mais elle ne donne pas son opinion : avis défavorable.

Mme Nicole Bricq.  - J'en déduis que vous ne vous souciez guère de l'opinion de la Cour des comptes !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - C'est faux.

L'amendement n°127 n'est pas adopté.

L'article 21 est adopté.

Article 22

L'article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 48. - Sans préjudice de l'application des trois derniers alinéas de l'article 28, l'ordre du jour est fixé par chaque assemblée.

« Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour.

« En outre, l'examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d'autorisation visées à l'article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l'ordre du jour par priorité.

« Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques.

« Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l'initiative des groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'à celle des groupes minoritaires.

« Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l'article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les règlements des assemblées garantissent une juste représentation de l'ensemble des groupes parlementaires au sein de la Conférence des Présidents, dont les travaux sont publics.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En première lecture, l'Assemblée nationale avait prévu que l'ordre du jour serait fixé dans chaque assemblée « par la Conférence des Présidents », puis elle s'est rangée à la rédaction du Sénat qui confiait la fixation de l'ordre du jour à « chaque assemblée ». Vous prétendez que c'est un progrès, nous ne sommes pas dupes. Car même si la référence à la Conférence des Présidents a disparu de cet article, elle jouera un rôle dans la fixation de l'ordre du jour. Ce texte constitutionnalise la Conférence des Présidents, à l'article 45. Ce n'est pas un progrès, car la composition de la Conférence des Présidents accentue le fait majoritaire : au Sénat, la majorité compte 60 % des sièges, mais les trois quarts de la Conférence des Présidents ! Pourquoi ne pas prévoir une représentation proportionnelle ? Son rôle est élargi, il faut la démocratiser !

Son fonctionnement doit changer lui aussi : il faut en organiser les débats, en assurer la transparence ; ses décisions vont être plus importantes, les débats doivent en être publics !

M. le président.  - Amendement n°71, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer les deuxième et troisième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En contrepartie d'une distribution de l'ordre du jour entre le Premier ministre et le Parlement, essentiellement la majorité, le Gouvernement s'assure une maîtrise presque totale du déroulement des travaux législatifs. En effet, il fixera l'ordre du jour au moins deux semaines par mois, lors de l'examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins. Une fois cette règle dans la Constitution, les règlements des assemblées n'auront qu'à bien se tenir. Ces contraintes n'ont pas à figurer dans la Constitution, nous supprimons les alinéas y afférents.

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :

, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé,

et remplacer le mot :

il

par les mots :

le Gouvernement

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Actuellement, l'ordre du jour est exclusivement fixé par le Premier ministre : une seule séance est réservée à l'initiative parlementaire, nous avons pu en mesurer les limites depuis longtemps ! Notre groupe ne dispose que d'une fenêtre par an, et encore sur des sujets très limités...

En théorie, ce texte partage l'ordre du jour entre le Premier ministre et les présidents des groupes parlementaires. Le flou de la rédaction, cependant, entretient les incertitudes : combien de jours seront-ils consacrés au travail législatif en séance publique ? L'organisation de l'ordre du jour inclut aussi les « débats », dont on ne sait pas s'ils se rapportent à la séance publique, ou au travail en commission.

Vous limitez le travail législatif à trois semaines par mois, dont une facultative, à la disposition des assemblées. Ce texte va donner plus de pouvoirs au parti du Président de la République. Avec cette réforme, le Premier ministre disposera de quinze jours de séance, le groupe UMP de quatorze jours, pour un jour aux parlementaires de l'opposition !

Nous rendons la maîtrise de l'ordre du jour aux assemblées, sans ambiguïté !

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :

et aux débats

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet alinéa réserve au Gouvernement deux semaines de séances sur quatre, pour examiner les textes et conduire les débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour. Le temps de l'examen de la loi, et celui des débats plus généraux, sont donc confondus.

On risque de voir se multiplier les résolutions -sous réserve qu'elles ne dérangent pas le Gouvernement- et les débats non législatifs. Cette restriction du débat public relève de la provocation envers les parlementaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous avons longuement débattu de ces questions. Avis défavorable aux quatre amendements.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°70 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s71, 72 et 73

L'amendement n°17 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°128, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution :

« Une semaine de séance sur quatre est réservée à l'initiative des groupes parlementaires et répartie conformément à la règle de la proportionnalité.

M. Bernard Frimat.  - La construction ingénieuse élaborée en première lecture par le président Hyest n'a pas survécu à la navette.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Hélas !

M. Bernard Frimat.  - L'Assemblée nationale est revenue peu ou prou à sa position initiale. Là encore, le progrès est plus apparent que réel : il sera loisible au Gouvernement de déborder sur l'ordre du jour, déjà entamé par les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, qui reste entre les mains de la majorité. Les droits de l'opposition, censés magnifier cette révision constitutionnelle, sont passés par pertes et profits : les groupes minoritaires viennent s'imputer sur la malheureuse journée réservée à tous les groupes autres que le groupe majoritaire de la majorité. Bref, on nous accorde la portion congrue. C'est une fausse revalorisation des droits du Parlement.

Pour marquer notre différence et consacrer la diversité et le pluralisme chers au président Mercier, nous proposons une semaine, à la proportionnelle des groupes. Je suis persuadé que mon argumentation vous aura convaincus...

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, remplacer les mots :

Un jour de séance par mois est réservé

par les mots :

Trois jours de séance par mois sont réservés

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Après les dernières déclarations du Président de la République, qui propose l'égalité du temps de parole entre majorité et opposition, vous allez trouver mon amendement bien timoré car nous n'en demandions pas tant !

Le projet de loi initial prévoyait une séance par mois. L'Assemblée nationale l'a réservée, en première lecture, aux groupes parlementaires qui ne disposent pas de la majorité -or au Sénat, aucun groupe n'a la majorité ! Le Sénat a introduit la notion de groupe de l'opposition et de groupe minoritaire à l'intérieur de la majorité. Tout cela est bien confus. In fine, on en revient à environ un jour par mois pour l'opposition, soit la situation actuelle ! Il n'y a aucun droit nouveau pour l'opposition. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur le conteste)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Certains dans la majorité déplorent que seule l'opposition bénéficie d'une réelle garantie : une journée, sur lequel le Gouvernement ne peut pas empiéter !

M. Jean-Pierre Sueur.  - A partager avec les centristes !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Sans oublier les travaux des commissions ! C'est d'ailleurs paradoxal. Nous aurions souhaité réserver plus de temps à l'initiative parlementaire, mais celle-ci pourra prospérer, dans le dialogue, sur l'ordre du jour réservé du Gouvernement. En tout état de cause, c'est un progrès considérable pour l'opposition !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Une journée pour trois groupes ! Vous vous moquez ! C'est une misère !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - On ne peut pas dire ça ! A l'heure actuelle, j'arrive devant la Conférence des Présidents avec la maîtrise totale et absolue de l'ordre du jour ! Nous verrons à l'usage comment fonctionnera ce nouveau partage. Je comprends que vous vouliez davantage ; pourquoi pas tout l'ordre du jour, tant qu'à faire ! (Protestations à gauche) C'est une avancée considérable. Avis défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous êtes contredit par le Président de la République !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Pas du tout !

L'amendement n°128 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°74

L'article 22 est adopté.

Article 23

Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, le mot : « texte » est remplacé par les mots : « projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale » ;

2° Dans la deuxième phrase, le mot : « texte » est remplacé par le mot : « projet » ;

3° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »

M. le président.  - Amendement n°75, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution est supprimé.

M. Robert Bret.  - L'article 23 illustre la contradiction du Gouvernement : d'un côté, on prétend revaloriser le Parlement, de l'autre, on maintient l'article 49-3, symbole de la soumission totale du Parlement au Gouvernement, qui force ainsi la main aux députés. D'ailleurs, le Gouvernement n'hésite pas à dégainer cette arme absolue dès que l'opposition dépose un nombre important d'amendements !

Avec ce projet de loi constitutionnelle, le Gouvernement avait la possibilité de remettre en cause cette procédure, à l'origine exceptionnelle mais qui s'est progressivement banalisée.

Avec cet article 23, le Gouvernement donne l'impression de faire un pas en avant, mais propose en réalité le statu quo. Quels que soient les aménagements que vous y apportez, le 49-3 est une atteinte aux droits du Parlement. Nous souhaitons y mettre un terme définitif.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Supprimer le 3° de cet article.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Sous prétexte de limiter le recours au 49-3, cet article constitutionnalise une pratique éprouvée. C'est un argument spécieux pour vendre votre réforme !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Certainement pas spécieux !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Quelle hypocrisie ! Le Gouvernement se sentira obligé de recourir au 49-3 une fois par session. Soit le Gouvernement fait confiance à sa majorité, soit il ne lui fait pas confiance ! Cet article est un faux compromis. Nous proposons donc de limiter strictement le recours au 49-3 aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

M. le président.  - Amendement identique n°129, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Pierre-Yves Collombat.  - A l'origine, les majorités étaient fluctuantes, et le 49-3 était censé donner une cohésion à l'action du Gouvernement. Mais ce n'est pas comme ça que les choses se sont passées. Le 49-3 est devenu un outil de confort pour les gouvernements alors qu'ils n'en avaient plus vraiment besoin. Qu'on le conserve pour les lois de finances et de financement, pourquoi pas ? Mais pour les autres textes, cela n'a vraiment aucun sens. En plus, la rédaction qui nous est proposée ne rime à rien : pourquoi une fois, et pas deux, ou trois ? Ou bien l'on maintien le 49-3 en l'état, ou on le réserve aux lois les plus importantes. Si vous voulez donner plus de pouvoirs au Parlement, supprimez donc le 49-3 !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est quand même extraordinaire ! Aujourd'hui, le Gouvernement peut utiliser le 49-3 sur chaque texte. Il vous propose d'en limiter le recours, ce qui a d'ailleurs inquiété un certain nombre de nos collègues. Vous nous dites que ce n'est pas assez et qu'il faut supprimer une bonne fois pour toute le 49-3. Il serait sage d'en rester au texte du Gouvernement même si, en cas d'obstruction persistante, le Gouvernement peut avoir recours au vote bloqué : car il ne faut tout de même pas que l'opposition puisse entraver durablement l'exécutif lorsque celui-ci a été élu sur un programme et qu'il dispose d'une majorité.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mais s'il y a une majorité, il n'y a pas de problème ! Les textes finissent par être adoptés !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous ne révisons pas la Constitution pour les cinq ans à venir ! Nous avons connu deux périodes au cours de la Ve République où le 49-3 a dû être utilisé. Vous vous en souvenez, monsieur Mercier...

M. Michel Mercier.  - Et vous, donc !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le 49-3 peut être utile : c'est pourquoi il faut conserver le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Nous avons déjà eu ce long débat en première lecture. Nous sommes parvenus à une solution de compromis : certains ne voulaient pas toucher au 49-3 en rappelant le précédent du gouvernement Rocard qui y a eu recours une vingtaine de fois en deux ans et demi. Mais aujourd'hui, avec le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral, le fait majoritaire est plus assuré qu'il y a une quinzaine d'années. Le 49-3 peut néanmoins être d'une certaine utilité pour un gouvernement. Dans l'équilibre que nous cherchons à instituer entre l'exécutif et le législatif, cet article est un élément de progrès. Aller plus loin risquerait de déstabiliser l'exécutif. Avis défavorable.

L'amendement n°75 n'est pas adopté non plus que les amendements identiques n°s2 et 129.

L'article 23 est adopté.

Article 23 bis

Après l'article 50 de la Constitution, il est inséré un article 50-1 ainsi rédigé :

« Art. 50-1. - Devant l'une ou l'autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s'il le décide, faire l'objet d'un vote sans engager sa responsabilité. »

M. le président.  - Amendement n°130, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet article permet au Gouvernement de faire une déclaration thématique suivie d'un débat. Comme il dispose déjà de cette faculté, cet article superfétatoire doit être supprimé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La procédure de question orale avec débat est tombée en désuétude à l'Assemblée nationale. Cette disposition peut donc intéresser nos collègues députés. Avis défavorable.

L'amendement n°130, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 23 bis est adopté.

présidence de M. Christian Poncelet

Article 24

Après l'article 51 de la Constitution, il est inséré deux articles 51-1 et 51-2 ainsi rédigés :

« Art. 51-1. - Non modifié......

« Art. 51-2. - Pour l'exercice des missions de contrôle et d'évaluation définies au premier alinéa de l'article 24, des commissions d'enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d'information.

« La loi détermine leurs règles d'organisation et de fonctionnement. Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée. »

M. le président.  - Amendement n°131 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 51-1 de la Constitution :

« Art. 51-1. - Le règlement de chaque assemblée est adopté à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Il détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. »

M. Bernard Frimat.  - Nous en arrivons à l'article de tous les bonheurs, du moins pour certains d'entre nous. Cet article renvoie au règlement des deux assemblées pour déterminer les droits des groupes. Après tout, pourquoi pas ? Mais nous demandons des garanties, à savoir que le règlement soit adopté à la majorité des trois cinquièmes, ce qui obligerait les groupes de la majorité et de l'opposition à parvenir à un accord. Certes, il faudrait prendre de nouvelles habitudes, mais il est encore possible d'intégrer cette mesure dans la Constitution pour donner du corps à votre réforme et éviter qu'elle se caractérise par un texte intangible agrémenté de quelques ornements venus des médias et qui ne dureront que ce que durent les feuilles d'un grand quotidien du soir ! (Exclamations à droite)

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article 51-1 de la Constitution, après le mot :

détermine

insérer les mots :

à la majorité des trois cinquièmes

M. Ivan Renar.  - Cet article prévoit que le règlement de chacune des deux assemblées définira les droits des groupes politiques. Nous avons proposé une majorité des trois cinquièmes mais vous l'avez refusée, estimant que la réforme du règlement faisait l'objet d'un consensus. Soit. Mais on nous avait aussi annoncé un statut de l'opposition et nous en sommes bien loin !

Depuis le début de ce débat, on nous dit que les droits des groupes et la diversité politique seront respectés. Pourtant, cette révision ne renforce pas, loin s'en faut, les droits et les pouvoirs de l'opposition. Dans ces conditions, l'adoption du règlement à la majorité qualifiée serait une garantie car il serait illogique que la majorité décide seule des droits qu'elle entend conférer à l'opposition. En outre, si l'on veut que tous les groupes parlementaires bénéficient de droits identiques, il faut commencer par leur donner le droit de décider. Sur le contenu des droits des groupes parlementaires, un débat contradictoire serait nécessaire. Une simple décision de la majorité ne saurait balayer d'un revers de main toute proposition émanant de l'opposition.

Si l'on veut vraiment revaloriser les pouvoirs du Parlement, le travail de tous les groupes doit être valorisé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est pour cela que l'on a inscrit les groupes minoritaires.

M. Ivan Renar.  - Le règlement de chacune des deux assemblées doit donc respecter les droits de ces groupes et le vote à la majorité des trois cinquièmes y contribuera.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Prévoir une majorité qualifiée risquerait d'aboutir à des blocages alors qu'il faut privilégier le consensus, comme cela a toujours été le cas dans notre assemblée. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - La suppression de la référence aux groupes minoritaires ne permettrait pas d'atteindre le but recherché. En 2006, l'Assemblée nationale avait introduit dans son règlement des dispositions visant à réserver des fonctions de présidents et de rapporteurs de commissions d'enquête à l'opposition mais le Conseil constitutionnel les a annulées, considérant qu'il s'agissait d'un traitement injustifié entre les groupes. C'est pourquoi le comité Balladur a voulu que les droits de l'opposition soient mentionnés dans la Constitution.

Quant à la majorité des trois cinquièmes, elle n'est pas justifiée, les réformes du règlement se faisant dans le consensus. Avis défavorable.

M. Bernard Frimat.  - Je ne pense pas que nous ayons la même vision du consensus. Pour vous, il s'agit d'un processus interne à votre majorité.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pas du tout !

M. Henri de Raincourt.  - Mauvaise foi !

M. Bernard Frimat.  - J'essaye de me placer à votre hauteur...

Le comité Balladur constitutionnalisait ces droits à l'article premier. Vous les avez fait disparaître, les renvoyant aux règlements des assemblées.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pas du tout !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Mauvaise foi...

L'amendement n°131 rectifié n'est pas adopté, non plus que le n°76.

M. le président.  - Amendement n°132, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article 51-2 de la Constitution.

M. Bernard Frimat.  - Cet article 51-2 est apparu en deuxième lecture à l'Assemblée nationale et nous n'avons pas pu en débattre. Je suis étonné de la définition qui est donnée des commissions d'enquête. Vous les constitutionnalisez, très bien. Jusqu'à présent, elles étaient régies par l'ordonnance du 17 novembre 1958 -et elles n'en fonctionnaient pas moins dans toute leur plénitude ! Les travaux menés par les commissions d'enquête créées au Sénat montrent bien qu'elles ne se bornent pas à « recueillir des éléments d'information ». La rédaction est donc maladroite et restrictive et le Conseil constitutionnel pourrait demain se fonder sur la lettre de la Constitution pour limiter le champ d'investigation de ces commissions. Il est vrai que nous avons reçu un renfort solitaire, mais de poids, qui annonce que, dans un monde meilleur, l'opposition aurait le droit non seulement de demander mais d'obtenir la création de commissions d'enquête... Le consensus si cher à certains ici pourrait se faire autour de l'amendement n°133. Pour y parvenir, le n°132 est un préalable.

M. le président.  - Amendement n°133, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 51-2 de la Constitution :

« Art. 51-2 - A la demande de soixante députés ou soixante sénateurs, une commission d'enquête est constituée, dans la limite de deux par session. Elle est chargée de recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés, y compris lorsque ces faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il devrait effectivement faire consensus puisque le chef de la majorité parlementaire a souhaité que « chaque année, un certain nombre de commissions d'enquête puissent se créer à l'initiative de l'opposition ». Nous y voilà ! Il suffit de voter l'amendement. Si vous vous y refusez, je ne comprendrai plus. Ou je comprendrai trop... J'espère que les groupes qui appartiennent à la majorité mais ne votent pas avec elle nous rejoindront ! (M. Michel Mercier rit)

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 51-2 de la Constitution insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne peut être fait obstacle à la création d'une commission d'enquête lorsque celle-ci est demandée par soixante députés ou soixante sénateurs. Chaque député ou chaque sénateur ne peut être signataire d'une demande de commission d'enquête constituée en vertu du présent alinéa que deux fois par session ordinaire et une fois au cours d'une même session extraordinaire.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Dans un courrier adressé le 9 juillet aux députés, le président de l'Assemblée nationale s'est engagé à créer une charte de l'opposition. Il annonçait la formation d'un groupe de travail pluraliste pour réfléchir sur différents points, en particulier un droit de tirage attribué à l'opposition. Mais la rédaction de l'article traduit un consensus mou. Plus aucune mention de l'opposition...

En première lecture, lorsque nous avions évoqué les commissions d'enquête, le rapporteur nous avait rétorqué qu'elles ne relevaient pas de la Constitution ». Il en va différemment, semble-t-il, en deuxième lecture.

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 51-2 de la Constitution, après le mot :

création

insérer les mots :

à l'initiative d'au moins trente parlementaires ou d'un groupe parlementaire

M. Ivan Renar.  - Notre amendement vise à donner un sens réel à une disposition d'affichage qui est surtout destinée à rallier des suffrages lors du vote au Congrès. Le présent article a été introduit par l'amendement n°260 de M. Giacobbi et du parti radical de gauche. Les conditions d'organisation et de fonctionnement des commissions d'enquête sont renvoyées à la loi ; et les modalités de création, au règlement de chaque assemblée. La création des commissions d'enquête pourra, le cas échéant, être une des prérogatives accordées aux différents groupes parlementaires, affirment les auteurs de l'amendement... Mais soit les groupes parlementaires sont habilités à créer des commissions d'enquête, et il faut le préciser dans la Constitution ; soit vous ne voulez pas l'inscrire dans la Constitution parce qu'il n'y a là que promesses de couloirs en échange de tel bénéfice hypothétique.

Cet article 51-2 ne comprend aucune avancée : ni petite, ni grande. Le contenu du règlement comme de la loi organique dépendra du bon vouloir de la majorité simple dans chaque assemblée, autrement dit de l'UMP. Cet amendement n°260 ne vise qu'à jeter un voile pudique sur des ententes qui ne peuvent pas être exposées sur la place publique tant elles heurteraient l'idéal démocratique.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je souhaite que les groupes parlementaires aient un droit de tirage pour constituer des commissions d'enquête, dans des conditions à définir dans notre règlement. Si M. Giacobbi a jugé utile de constitutionnaliser les commissions d'enquête, c'est afin de les inscrire ensuite dans les règlements de nos assemblées et d'organiser un droit de tirage pour l'opposition.

Les amendements présentés sont contradictoires entre eux. Et je précise que le champ de compétences n'est en rien modifié par la rédaction de l'Assemblée nationale.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Cet article 51-2 est opportun, il comprend de nouveaux droits, notamment le droit de tirage pour les groupes minoritaires de l'opposition. Mais nous n'allons tout de même pas descendre à ce niveau de détail dans la Constitution ! Ces précisions relèvent de la loi, de l'ordonnance de 1958 et des règlements de chaque assemblée. La lettre de M. Accoyer évoquait les conséquences à tirer des nouvelles dispositions de l'article 24. Mais on ne peut pas tout mettre dans la Constitution. Défavorable.

M. Bernard Frimat.  - Voilà un court moment de vérité. Vous constitutionnalisez les commissions d'enquête mais pas question de garantir dans le texte fondamental les droits de l'opposition ! On ne peut pas tout mettre, dites-vous. Mais vous y avez mis tellement de choses que vous ne pouvez plus employer cet argument !

Vous vous gargarisez de vos avancées démocratiques. Nous vous les laissons car elles n'en sont pas de véritables. Quel décalage entre votre discours enjôleur et une pratique qui n'a rien de démocratique...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pourquoi constitutionnaliser cette disposition ? Pour la raison qu'a dite le ministre : parce que le Conseil constitutionnel a retoqué au nom de l'égalité la proposition qui tendait à donner des droits spécifiques à l'opposition. Il faut donc cette possibilité dans la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est écrit dans l'article 51 !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si on ne la met pas dans la Constitution, le Conseil constitutionnel pourra toujours opposer cet argument. Mais vous ne voulez y mettre que ce qui vous arrange !

L'amendement n°132 n'est pas adopté.

M. Michel Mercier.  - Je demande la parole pour la seule fois de la soirée.

M. Ivan Renar.  - Peut-être aussi pour expliquer votre vote !

M. Michel Mercier.  - Je préfère nettement l'amendement n°77 au n°133 qui nous offre vraiment le bipartisme absolu, au détriment des groupes minoritaires qui votent ou non avec la majorité. Je remercie M. Collombat pour sa condescendance...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Où est la condescendance dans mon propos ?

M. Michel Mercier.  - Ça a été vécu ainsi.

M. Pierre-Yves Collombat.  - J'ai simplement fait le constat que vous apparteniez à la majorité.

M. Michel Mercier.  - Ce n'est pas à vous de décider ce que nous devons faire ; occupez-vous de votre propre majorité !

M. Pierre-Yves Collombat.  - J'aimerais bien...

M. Michel Mercier.  - Moi aussi, j'ai lu le journal et je demande au Gouvernement de nous dire très clairement ce qu'il entend par « pluralisme ». J'ai déposé un amendement à l'article premier ; le Sénat a bien voulu le voter ; j'ai pensé qu'il voulait dire quelque chose. Il ne s'agit pas d'imposer un système électoral mais, dans l'expression des opinions, il y a le vote, qui doit être organisé de telle façon que le pluralisme de l'opinion soit bien pris en compte.

Or, dans le journal, le Président de la République dit explicitement que la représentation proportionnelle occupe déjà une place dans nos modes de scrutin. Il établit ainsi un lien entre pluralisme et proportionnelle ; c'est plus que ce que nous demandons, qui n'est certainement pas la proportionnelle intégrale. Je sais bien, d'autre part, que le mode de scrutin ne relève pas de la Constitution mais j'attends du Gouvernement qu'il nous dise si les propos du Président de la République doivent être compris sur le mode de l'ouverture ou sur celui de la fermeture.

M. Bernard Frimat.  - Je remercie vivement M. Mercier pour son intervention très pertinente. Pour rédiger cet amendement, nous nous sommes calés sur le texte de la Constitution concernant la saisine du Conseil constitutionnel. C'est pour cette seule raison que nous avons mentionné le chiffre de soixante députés ou sénateurs. Si l'amendement CRC devait recevoir un avis favorable, nous le voterions très volontiers : nous sommes favorables à la saisine du Conseil constitutionnel par un groupe.

En signe de bonne volonté, nous retirons notre amendement, avec l'espoir que la majorité se prononcera dans le sens de la fidélité à la pensée présidentielle !

L'amendement n°133 est retiré.

L'amendement n°6 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°77.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Je n'ai pas qualité pour me faire l'exégète des propos présidentiels mais, quand on parle de pluralisme de l'opinion, je ne me demande pas longtemps si c'est un signe d'ouverture ou de fermeture. Inscrire le pluralisme dans la Constitution est clairement un signe d'ouverture ! Il n'est évidemment pas question d'inscrire les modes de scrutin dans la Constitution mais la proposition du chef de l'État comme l'accord qui a été donné à votre amendement, monsieur Mercier, sont bien le signe que le Gouvernement et sa majorité ne ferment pas les portes.

L'article 24 est adopté.

Article 24 bis

Supprimé........

M. le président.  - Amendement n°78, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans l'article 54 de la Constitution, après les mots : « soixante sénateurs » sont insérés les mots : « ou par un groupe parlementaire ».

M. Robert Bret.  - C'est avec amertume que nous avons constaté le rejet par l'Assemblée nationale d'un article additionnel que le Sénat avait adopté à la quasi-unanimité, à la seule exception, si mes souvenirs sont bons, de M. Fourcade.

M. Hyest, au nom de la commission des lois, avait alors précisé qu'au moment où l'exception d'inconstitutionnalité allait permettre à tout citoyen de s'opposer à une loi, il serait étonnant de continuer à refuser la saisine par un groupe parlementaire. M. Mercier avait souligné l'intérêt de cette nouvelle prérogative pour les groupes parlementaires. M. Portelli avait approuvé cet amendement qu'il jugeait excellent. Et voici que le Gouvernement et la commission des lois de l'Assemblée nationale refusent cette proposition par opportunité politique. Leur argumentation ne peut résister à la contradiction. Il y aurait une inégalité entre parlementaires, étant donné les différences dans les effectifs des groupes selon les périodes. Cet argument néglige le fait que la saisine par soixante parlementaires de chaque assemblée assure le respect du droit individuel de saisine de chacun. Il n'apparaît donc pas très sérieux, ni même très intelligible.

Les mêmes déclarent que le droit de saisine serait strictement individuel. De qui se moque-t-on ? Les recours émanent systématiquement des groupes politiques car ce sont eux qui constituent le Parlement, qui ne peut être considéré comme une simple addition d'individualités. Le droit de saisine du Président de la République est-il un droit individuel ou un droit résultant de la fonction ? La seconde hypothèse est la réponse évidente.

Nous demandons donc solennellement au Sénat de rétablir son vote de première lecture.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le groupe CRC voulait tout à l'heure que l'Assemblée nationale ait le dernier mot en matière constitutionnelle aussi !

J'ai regretté le refus de l'Assemblée nationale ; c'est un des points de désaccord qui subsistent entre nous. Maintenant, il faut bien aller à l'essentiel et le distinguer de l'accessoire. Nous voici devant ce cas. Il ne nous a pas paru possible de remettre en cause l'ensemble de ce projet de loi pour cela ; c'est la raison de notre avis défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le droit de saisir le Conseil constitutionnel est reconnu par la Constitution à soixante sénateurs ou députés. Avis défavorable à cet amendement n°78, compte tenu de l'accord intervenu entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Quel accord ?

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il n'y a pas eu de CMP !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vos arguments ne sont pas convaincants. Le droit de saisine est individuel, dites-vous, mais s'il faut soixante parlementaires, ce droit n'est plus individuel, ou alors c'est un droit individuel de se mettre dans un groupe de soixante !

Les citoyens vont pouvoir saisir le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Par voie d'exception !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Donc chaque parlementaire doit pouvoir le faire. Nous voulons qu'on donne ce droit aux groupes, à tous les groupes, afin d'affirmer la réalité du pluralisme du Parlement. Monsieur Mercier, j'en suis désolée mais, en dépit de son inscription à l'article premier, ce pluralisme n'a aucune réalité compte tenu du refus des députés de reconnaître les groupes parlementaires. Après avoir introduit une lapalissade à l'article premier, les députés ont refusé de reconnaître des droits spécifiques aux groupes parlementaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Imaginez que, dans un groupe, certains membres ne veuillent pas saisir le Conseil constitutionnel. Il pourrait y avoir des problèmes car il n'y pas de mandat impératif. La question n'est pas anodine. Il est vrai que dans certains groupes, elle ne se poserait pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Où ça ?

M. Robert Badinter.  - Nous ouvrons la saisine du Conseil constitutionnel aux justiciables, qui ne sont pas nécessairement des citoyens, dans le cadre de l'exception d'inconstitutionnalité. Dès lors, pourquoi ne pas l'ouvrir à un groupe parlementaire ? L'absence d'unanimité poserait un problème : on pourrait donc songer à demander l'unanimité.

Mais franchement, monsieur Hyest, c'est une mauvaise méthode parlementaire que de nous dire qu'il y a eu un accord. Un accord entre qui et qui ? Entre vous et votre homologue de l'Assemblée nationale ! Cet accord ne nous est pas opposable !

S'il doit y avoir navette, qu'il y ait navette mais, alors même qu'on nous parle de renforcer les droits du Parlement, qu'on ne vienne pas évoquer devant nous un accord entre deux présidents de commission, qui plus est appartenant à la même majorité ! Il n'y a eu d'accord qu'entre deux personnes.

La reconnaissance de droits égaux à tous les groupes parlementaires est un impératif catégorique. Mais qu'on ne nous dise pas que la saisine est impossible parce que les présidents des deux commissions des lois en ont décidé ainsi ! Cet accord n'engage que vous.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Non ! Il engage la commission des lois !

M. Robert Bret.  - Nous proposons de modifier notre amendement en écrivant in fine « à l'unanimité de ses membres ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - D'abord, j'exprime le point de vue de la commission des lois qui en a délibéré et je suis las d'entendre dire que j'ai passé un accord personnel avec le président de la commission des lois de l'Assemblée. Les députés ont pris en compte nombre des points de vue du Sénat. Mais c'est un dialogue et, dans un dialogue, on n'accepte pas tout de son interlocuteur. Je suis donc toujours contre l'amendement et je serai contre tous les autres, sans d'ailleurs m'en expliquer davantage ! (Applaudissements à droite)

L'amendement n°78 rectifié n'est pas adopté.

L'article 24 bis demeure supprimé.

Article 24 ter

Supprimé

M. le président.  - Amendement n°134, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans la Constitution, les mots : « Conseil constitutionnel » sont remplacés par les mots : « Cour constitutionnelle ».

M. Robert Badinter.  - Messieurs Lecerf et Gélard, je vous livre là un cas d'étude sur les procédures parlementaires !

Mon amendement porte sur une simple question de dénomination. Entre le Conseil constitutionnel d'origine et celui d'aujourd'hui, il y a une différence : l'ouverture de sa saisine aux parlementaires et désormais aux justiciables. Après avoir consulté les deux précédents présidents de ce Conseil, j'avais déposé un amendement visant à lui donner son appellation exacte, celle de Cour, puisque cette institution ne conseille pas mais qu'elle rend des décisions juridictionnelles. C'est le simple bon sens. Cela a été voté ! Un tel succès est rare : j'ai calculé qu'un de mes amendements est adopté en moyenne une fois par an.

Puis les députés en sont revenus à la dénomination « Conseil constitutionnel ». En bon juriste, je me suis reporté au compte rendu des travaux de l'Assemblée : le rapporteur et le Gouvernement ont donné un avis défavorable sans un mot pour justifier leur opposition. La seule justification, je l'ai trouvée dans le rapport de M. Hyest lorsqu'il cite son collègue de l'Assemblée.

En effet, selon M. Warsmann, la mission juridictionnelle du Conseil constitutionnel n'est « ignorée par personne » et tout le monde connaît sa mission juridictionnelle. Je veux bien, mais c'est une vision bien optimiste de la réalité.

Il n'est pas bon qu'une grande institution juridictionnelle comme celle-ci s'appelle « conseil » et non « cour ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission est défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le changement de dénomination ne modifierait rien. Je l'ai déjà dit en première lecture. En outre, le Conseil constitutionnel n'est pas seulement une juridiction. Ce n'est pas plus une cour suprême. Il vaut donc mieux conserver la dénomination traditionnelle.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ces explications n'apportent rien par rapport à celles qui n'avaient pas convaincu le Sénat en première lecture.

L'amendement n°134 n'est pas adopté.

L'article 24 ter demeure supprimé.

Article 25

I. - Non modifié....

II. - Supprimé....

M. le président.  - Amendement n°135, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du I de cet article :

Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée ont lieu après avis public de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée, statuant à la majorité des trois cinquièmes.

M. Robert Badinter.  - Un consensus doit présider à la nomination des membres du Conseil constitutionnel. Le veto négatif à la majorité des trois cinquièmes profite exclusivement à la majorité, ce qui mettrait à mal l'ouverture que vous dites rechercher. Vous voulez en fait conserver la maîtrise des nominations.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Cet amendement transférerait le pouvoir de nomination du président aux commissions parlementaires, dont l'avis conforme serait requis.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il serait même transféré à l'opposition !

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Pendant longtemps, on ne s'est pas interrogé sur les qualités des membres du Conseil constitutionnel, qu'ils soient nommés par le Président de la République, par celui de l'Assemblée nationale au par celui du Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur.  - A quoi sert ce que nous faisons ?

M. Henri de Raincourt.  - A rien !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le rapporteur n'a pas argumenté son avis...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je dois seulement exprimer l'avis de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... et Mme le Garde des sceaux prétend que nous voulons un avis conforme, alors que nous demandons seulement un avis publiquement exprimé à la majorité des trois cinquièmes. (M. Jean-Pierre Fourcade exprime son désaccord.) Que l'on ne nous fasse pas dire ce que nous n'avons ni dit, ni écrit !

M. Jean-René Lecerf.  - Lorsque M. Badinter a présenté l'amendement précédent, il m'a convaincu.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Pas moi !

M. Jean-René Lecerf.  - Je me suis donc abstenu sur le vote. Mais ici, quel juriste, quel homme politique restera membre du Conseil constitutionnel après un avis négatif, même formulé à la majorité simple ? (Applaudissements à droite)

L'amendement n°135 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°136, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rétablir le II de cet article dans la rédaction suivante :

II - Le deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution est supprimé.

M. Robert Badinter.  - Il s'agit de l'appartenance à vie des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel. A l'origine, cette singularité française s'expliquait par la volonté du général de Gaulle d'assurer un traitement décent aux anciens Présidents de la République, MM. Auriol et Coty. Or, la République s'honore aujourd'hui en assurant aux anciens chefs de l'État un traitement et certains avantages. Dès lors, la présence de ces anciens chefs de l'État est devenue une singularité unique parmi toutes les juridictions constitutionnelles et sa portée va s'accroître avec le rajeunissement des Présidents de la République, lui-même amplifié par l'allongement de l'espérance de vie, si bien qui nous verrons croître le nombre d'anciens chefs de l'État membres à vie du Conseil constitutionnel.

Si un ancien Président de la République a la vocation d'être juge constitutionnel, rien ne s'oppose à sa nomination, car il sera soutenu par l'une au moins des trois personnalités habilitées à désigner les membres de cette institution. Aujourd'hui, le système, créé en pratique à l'intention du seul président Coty, aboutit à une situation où, sans offenser qui que soit, l'assiduité des anciens Présidents de la République n'est pas exemplaire. Et pour ce qui est de leur sagesse, vous pensez bien que les rapporteurs prennent le soin de consulter tous ceux qui peuvent éclairer le conseil, notamment les anciens chefs de l'État.

Il n'est pas bon, d'une façon générale, qu'existent dans la République des mandats à vie, car on perd le contact avec la réalité, outre l'éventuelle détérioration des aptitudes intellectuelles avec l'âge.

Il n'est pas bon qu'un nombre croissant de membres de cette institution apparaisse inévitablement comme des personnalités politiques.

C'est pourquoi la commission et le Sénat avait sagement supprimé cette disposition en première lecture. Je vous demande aujourd'hui de confirmer ce vote.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission est défavorable, mais nous devrons sans doute revenir sur ce sujet.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Avis défavorable.

M. Josselin de Rohan.  - Je ne suis pas d'accord avec M. Badinter.

Tout d'abord, sur le plan historique, il ne s'agissait nullement d'assurer une pension à M. Auriol ou à M. Coty, car tous deux étaient d'anciens parlementaires. Nul n'a considéré le Conseil constitutionnel comme une maison de retraite ! Le constituant voulait seulement bénéficier de leur sagesse et de leur expérience. D'ailleurs, les deux intéressés étaient des hommes de grand bon sens. M. Auriol n'a pas voulu siéger, pour les raisons que l'on sait. Quand M. Coty est venu, sa présence n'a pas semblé inutile.

Le successeur de M. Badinter, qui m'honore de son amitié, m'a dit combien il était heureux de compter aujourd'hui deux anciens Présidents de la République parmi les membres du Conseil constitutionnel. Il s'exprime en connaissance de cause, contrairement à M. Badinter, qui n'en avait aucun.

Selon lui, leur expérience, leur sagesse, leur connaissance du monde politique éclairent les débats, qui ne se limitent pas aux seuls aspects juridiques. Je ne peux vous laisser dire que leur présence constitue une anomalie ou n'apporte rien. Ce n'est que votre point de vue.

Certes, le poids des ans pousserait à faire autre chose -mais on pourrait dire la même chose du Sénat ! Et les progrès de la science feraient qu'un très grand nombre d'anciens présidents siégeraient au conseil. Mais croyez-vous qu'un président élu à 54 ans -il ne s'agit que d'un exemple- (sourires) puis réélu et âgé d'une soixantaine d'années à la fin de son mandat ne saurait s'occuper autrement ? Et s'il participe aux travaux du Conseil, il apportera son expérience comme les autres. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je soutiens la nouvelle défense de cet amendement car il résulte de notre réflexion. Notre point de vue ne dépend pas d'un jugement subjectif sur l'action de tel ou tel ancien président. Le monde a changé. On imaginait difficilement autrefois la présence au Conseil de deux Présidents de la République ; désormais, il pourrait y en avoir trois ou quatre.

M. Robert del Picchia.  - Pourquoi pas vingt-cinq ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Avec l'allongement de la durée de la vie, il y a un risque de disproportion entre le nombre de membres nommés et les anciens Présidents de la République membres à vie. Cette disposition date d'un autre temps et n'est plus adaptée au monde contemporain.

Il est regrettable que, pour des raisons qui nous dépassent, nous ne puissions effectuer cette modification.

M. Robert Badinter.  - Monsieur de Rohan, notre assemblée a voté la suppression de cette disposition.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - A quelques voix près.

M. Robert Badinter.  - Le Conseil constitutionnel a totalement changé en 1974. Auparavant, c'était la Belle au Bois dormant : il n'avait pris qu'une douzaine de décisions. On ne peut parler, à cet égard, du précédent du Président Coty.

Vous dites que Jean-Louis Debré souhaite que les Présidents de la République demeurent membres à vie, mais je l'ai entendu dire exactement le contraire ! Nous aurions dû le convoquer devant la commission des lois pour y voir plus clair.

Ce qui a été décidé dans le passé ne doit pas régler l'avenir. Et le mandat à vie dans une juridiction n'est souhaitable pour personne.

L'amendement n°136 n'est pas adopté.

L'article 25 est adopté.

Article 25 ter

Supprimé

M. le président.  - Amendement n°79, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution est complété par les mots : « ou par un groupe parlementaire ».

M. Robert Bret.  - Nous proposons de rétablir la disposition votée par le Sénat en première lecture visant à élargir le droit de saisine du Conseil constitutionnel au groupe parlementaire. Par cohérence avec le débat précédent, nous rectifions cet amendement en ajoutant « à l'unanimité de ses membres ».

L'amendement n°79 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 25 ter demeure supprimé.

Article additionnel après l'article 26

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par MM. Haenel, Grignon, Mme Keller, MM. Leroy, Richert, Mmes Sittler et Troendle.

Après l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 74-1 de la Constitution, il est inséré un article 74-2 ainsi rédigé :

« Art. 74-2. - La République reconnaît la légitimité de la législation particulière aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. »

Mme Catherine Troendle.  - L'article 26 crée un article 61-1 de la Constitution qui permet à tout justiciable, à l'occasion d'un procès, de soulever une exception d'inconstitutionnalité. Il appartiendra à la Cour de cassation ou au Conseil d'État de saisir le Conseil constitutionnel.

S'agissant du droit local alsacien-mosellan, qui concerne essentiellement la sécurité sociale, les associations, l'enseignement religieux et le statut des cultes, cette exception pourrait être invoquée pour une atteinte au principe d'égalité devant la loi, de laïcité ou d'unité de la République. Or la législation locale est conforme au principe de laïcité, qui n'interdit pas le financement public des activités religieuses, et l'État doit faire preuve de neutralité dans la nomination des ministres des cultes statutaires. Il n'est toutefois pas exclu qu'une disposition du droit local soit déclarée contraire à la Constitution car la jurisprudence constitutionnelle a développé une conception stricte de l'unité territoriale du régime des libertés publiques.

Les populations de ces départements sont très attachées au droit local, déclinaison spécifique des droits et libertés constitutionnels intégrée depuis quatre-vingt-dix ans dans le système juridique français. Trois possibilités permettent de prévenir toute difficulté. La première aurait consisté à ajouter la phrase suivante à la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article61-1 de la Constitution : « Sont exclues de cette procédure les dispositions législatives maintenues en vigueur par la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et la loi du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans lesdits départements ainsi que les dispositions ayant modifié ces lois. » La deuxième serait de rétablir le texte initial du projet limitant le domaine de l'exception d'inconstitutionnalité aux lois postérieures à 1958. La troisième a pour objet d'inscrire le droit local alsacien-mosellan dans la Constitution, à l'instar du droit des territoires d'outre-mer. C'est ce que propose cet amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nos collègues d'Alsace-Lorraine craignent que l'exception d'inconstitutionnalité ne mette en cause le droit local auquel ces départements sont très attachés et qui est fort bien régi par l'Institut du droit local. Nous devrions d'ailleurs nous inspirer de certaines dispositions de ce droit intelligent, notamment en matière de sécurité sociale...

Aucune loi locale ne porte atteinte aux droits et libertés constitutionnelles, et le constituant ne souhaite pas supprimer ces particularités, notamment pour préserver la sécurité juridique que connaissent ces régions. La loi organique concernant l'application de l'exception d'inconstitutionnalité précisera ce point et le Gouvernement vous donnera certainement des garanties en ce sens. Retrait.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le Gouvernement comprend l'attachement légitime des populations d'Alsace et de Moselle au droit local en vigueur sur leur territoire. Le respect des spécificités locales a fait l'objet d'un engagement politique et moral des plus hautes instances de l'État en 1918, lorsque ces territoires ont réintégré la souveraineté française. En 1946, le constituant a choisi de restaurer le droit local alsacien-mosellan, qui a été progressivement incorporé dans notre tradition républicaine.

Le Conseil d'État, qui contrôle la conformité du droit local d'Alsace-Moselle à la Constitution, n'y a rien trouvé à redire, voyez l'arrêt Association « Les Cigognes » du 22 janvier 1988. Le Conseil constitutionnel non plus, dans son contrôle de la constitutionnalité des lois locales antérieures à 1958, très récemment encore à l'occasion du contrôle de la loi du 21 janvier 2008 qui modifiait le code du travail local. Il n'y a aucune raison que la jurisprudence change sur le droit local.

L'exception d'inconstitutionnalité ne menace guère plus le droit local, qui est toujours sorti plus fort de sa confrontation avec le bloc de constitutionnalité.

Enfin, dans sa décision du 6 avril 1988, le Conseil d'État a rappelé que le principe de laïcité s'appliquait en Alsace-Moselle.

Vous souhaitez qu'un article de la Constitution mentionne le régime particulier d'Alsace-Moselle. Ce n'est pas nécessaire, parce qu'un tel article jetterait un doute sur la compatibilité du droit local avec la Constitution : retrait, sinon rejet.

M. Hubert Haenel.  - Trois millions de Français sont concernés par le droit local, j'en parlerai comme président de la commission d'harmonisation du droit local d'Alsace-Moselle. J'entends Mme le Garde des sceaux nous confirmer que le droit local est protégé constitutionnellement, puisque le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ne l'ont jamais remis en cause, alors qu'ils en ont la possibilité.

M. Gérard Longuet.  - C'est exact !

M. Hubert Haenel.  - Vous nous dites aussi que le droit local ne sera pas remis en cause en bloc par l'exception d'inconstitutionnalité. Cela ne veut pas dire, cependant, qu'on ne pourra pas, en harmonisant, soulever l'inconstitutionnalité de tel ou tel point du droit local, c'est important de le préciser.

Mme Catherine Troendle.  - Merci pour votre réponse, madame le Garde des sceaux. Il serait intéressant d'examiner les contributions que le droit local pourrait apporter au droit national : M. Hyest a évoqué le droit de la sécurité sociale, je pense également au droit associatif et au livre foncier.

L'amendement n°15 est retiré.

Article 28

L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège et une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par le Premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n'appartiennent ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l'assemblée intéressée.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d'État, l'avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de Premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège.

« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa, ainsi que le conseiller d'État, l'avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée par le Premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette cour.

« Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.

« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.

« La loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

M. le président.  - Amendement n°81, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège et une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par un magistrat du siège élu en son sein. Elle comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État, ainsi que trois personnalités qualifiées désignées respectivement, à la majorité qualifiée, par l'Assemblée nationale, par le Sénat et par le Président de la République selon la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est présidée par un magistrat du parquet élu en son sein. Elle comprend cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que les trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État et les trois personnalités qualifiées mentionnées à l'alinéa précédent.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de Premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. Elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège.

« Les procureurs généraux près la Cour de cassation et les cours d'appel sont nommés après avis de la formation du conseil compétente à l'égard des magistrats du parquet. Les autres magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la cour de cassation.

« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats, et peut rendre des avis d'initiative sur les atteintes à l'indépendance de la magistrature. La formation plénière comprend l'ensemble des formations compétentes à l'égard des magistrats du siège et du parquet. Elle est présidée par un magistrat élu en son sein.

« Le ministre de la justice peut consulter le Conseil supérieur de la magistrature sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est entendu par le Conseil chaque fois qu'il en fait la demande. Il peut solliciter une nouvelle délibération sur les propositions ou avis en matière de nomination.

« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.

« La loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - La grande réforme annoncée du CSM n'a pas eu lieu. La tutelle du ministère n'a pas disparu, l'autonomie de fonctionnement n'est pas garantie, la composition et les modalités de désignation des personnalités extérieures sont perfectibles. Vous persistez à confier la présidence de la formation du CSM compétente à l'égard des magistrats du siège au Premier président de la Cour de cassation, ce qui posera des problèmes de compatibilité, de conflit d'intérêt et d'unité du corps. Nous vous proposons que la formation siège élise son président en son sein, parmi ses membres magistrats.

La composition n'est pas paritaire, les magistrats y deviennent minoritaires. Nous sommes pour l'ouverture du CSM, mais il faut garantir au moins la parité entre magistrats et non magistrats. Nous proposons un mode de désignation démocratique qui garantisse le pluralisme. De même, nous exigeons la plus grande indépendance en matière de nominations des membres du parquet et de sanctions disciplinaires. L'indépendance des magistrats du parquet exige qu'ils soient nommés sur avis conforme de la formation ad hoc du CSM. Il faut également que les sanctions disciplinaires soient identiques dans les deux formations du CSM. Enfin, la présence du Garde des sceaux aux séances des formations du CSM est plus que contestable. Pour clarifier les relations du CSM et du ministre, nous proposons une saisine pour consultation, pour demander son audition et pour solliciter une nouvelle délibération.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les députés nous ont suivis sur cet article, à une nuance rédactionnelle près. Notre proposition de parité est dans la Constitution, nous n'avons pas à y revenir : je ne souhaite pas revenir sur ce qui a été voté par les deux assemblées. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le Président de la République ne présidera plus le CSM, il n'y aura donc plus de politisation possible. Vous reprochez au Garde des sceaux d'assister aux réunions du CSM, mais il y est tout à fait dans son rôle, puisqu'il alloue par exemple les moyens à la justice, et qu'il peut assister, autre exemple, aux propositions de nomination.

Seconde avancée, le CSM donnera son avis sur la nomination des procureurs généraux. Enfin, l'indépendance des magistrats est renforcée, parce que la présidence de chacune des deux formations du CSM, est confiée au plus haut magistrat du siège pour l'une, du parquet pour l'autre.

Vous vous inquiétez de l'indépendance du parquet, mais nous ne souhaitons pas que les procureurs soient indépendants.

M. Gérard Longuet.  - Ils ne sont pas propriétaires de leur fonction !

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Quand les Français élisent leur Président de la République, ils le font pour qu'une certaine politique soit appliquée. Si le Président de la République a annoncé un renforcement de la lutte contre la récidive, il est normal que les procureurs appliquent cette politique. L'indépendance de la magistrature concerne donc l'activité juridictionnelle des magistrats du siège, et nous y sommes très attachés.

Le CSM donnera son avis sur la nomination des procureurs généraux, il y a aujourd'hui très peu de « passer outre » aux avis sur la nomination des procureurs. Le Garde des sceaux passe outre quand il choisit de privilégier la compétence ou la spécialisation plutôt que l'ancienneté.

L'Assemblée nationale a suivi la rédaction du Sénat, à une précision formelle près. Avis défavorable.

L'amendement n°81 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°137, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :

« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège, une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet et une formation plénière.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un professeur de droit et un avocat ainsi que trois personnalités qualifiées n'appartenant pas au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif, désignés respectivement par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat. La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises à l'avis de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée. Cette formation est présidée par une personnalité élue en son sein pour deux ans.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est composée de cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège et des six personnalités prévues à l'alinéa précédent. Elle est présidée par une personnalité élue en son sein pour deux ans.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle est alors présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle fait des propositions de nomination pour tous les magistrats du siège.

« La formation compétente à l'égard des magistrats parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Les magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.

« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est composé des membres des deux formations. Il est présidé par l'un de ses membres élus en son sein pour deux ans.

« Le Garde des sceaux, à sa demande ou à la demande du Conseil supérieur de la magistrature peut être entendu par la formation plénière.

« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par tout justiciable.

« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

M. Robert Badinter.  - La commission et le Gouvernement ayant déjà opposé une fin de non recevoir, je me contenterai d'expliquer mon vote. Nous savons que sera voté ce qui a été convenu entre les groupes majoritaires des deux chambres...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Non, c'est ce que le Sénat a voté en première lecture !

M. Robert Badinter.  - Voilà bien longtemps que j'appartiens au paysage judiciaire, voilà bien longtemps que je fréquente bien d'autres juridictions à travers le monde. J'estime que l'on ne rend pas assez souvent hommage à la magistrature française, qui assume de très hautes et difficiles fonctions ; on ne prend pas assez en compte, y compris chez les responsables politiques, ses missions et ses efforts. Je connais bien les justices européennes ; la justice française tient fort bien sa place.

Mme la Garde des sceaux a oublié de citer une avancée importante : l'accès direct des justiciables au Conseil supérieur de la magistrature. Pour le reste, ce texte est une grande occasion ratée. Les magistrats étaient en droit d'attendre la parité en matière de nomination, comme dans toutes les instances identiques.

J'ai toujours été partisan de l'indivisibilité et de la hiérarchisation du parquet. Mais cette question n'a rien à voir avec les garanties que tout magistrat est en droit d'attendre. Compte tenu des réformes intervenues ces douze dernières années, aujourd'hui plus que jamais, les magistrats du parquet ont un pouvoir de décision, concernant notamment les libertés individuelles, qui ne cesse de croître en amont de toute procédure juridictionnelle. Ils étaient en droit d'obtenir eux aussi un avis conforme. On ne leur donne pas ; c'est une occasion perdue. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°137, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°80, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution, remplacer les mots :

donne son avis

par les mots :

rend un avis conforme

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est défendu.

L'amendement n°80, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 28 est adopté, ainsi que l'article 30 quater.

Article 30 quinquies

L'article 73 de la Constitution est ainsi modifié :

1° A la fin du deuxième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : «, selon le cas, par la loi ou par le règlement » ;

2° Dans le troisième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : «, selon le cas, par la loi ou par le règlement, » et, après les mots : « de la loi », sont ajoutés les mots : « ou du règlement ».

M. le président.  - Amendement n°138 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Frimat.  - Ma présentation vaudra également pour l'amendement n°139.

En fin de séance, le débat a tendance à s'accélérer. En première lecture, le dynamisme de M. Cointat avait fait adopter les articles 30 quinquies et 30 sexies, qui prévoient respectivement l'extension à l'outre-mer du pouvoir réglementaire et des ordonnances. Dans son rapport, M. Warsmann regrette que ces articles aient été introduits sans avoir fait l'objet d'une analyse approfondie et sans que la nécessité en ait été démontrée. Ces deux arguments nous paraissent pertinents. Vu l'estime dans laquelle vous tenez le rapporteur de l'Assemblée nationale, je ne doute pas que vous partagerez ces regrets.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ces deux articles ont été adoptés en toute conscience par le Sénat.

M. Christian Cointat.  - Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ils répondent à un besoin des collectivités d'outre-mer, qui sont une préoccupation habituelle du Sénat. Il était indispensable de profiter de cette révision constitutionnelle. Ces amendements avaient d'ailleurs reçu l'avis favorable du Gouvernement, et l'Assemblée nationale les a conservés. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°138 rectifié n'est pas adopté.

L'article 30 quinquies est adopté.

Article 30 sexies

Le premier alinéa de l'article 74-1 de la Constitution est ainsi rédigé : 

« Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvell-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l'organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. »

M. le président.  - Amendement n°139, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Frimat.  - Il est défendu.

L'amendement n°139, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 30 sexies est adopté.

Article 30 septies

Après l'article 75 de la Constitution, il est inséré un article 75-1 ainsi rédigé :

« Art. 75-1. - Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'extinction des langues régionales nous préoccupe, au même titre que celle de nombreuses traditions locales. La mention, par l'Assemblée nationale, des langues régionales à l'article premier de la Constitution n'était pas satisfaisante : nous avions proposé, en vain, de la déplacer après la référence au français.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a pris en compte cette demande. La Charte des langues régionales du Conseil de l'Europe étant vouée à ne jamais être adoptée, il était impérieux de constitutionnaliser l'existence des langues régionales, afin de permettre la mise en place d'un cadre juridique assurant leur survie et leur développement. Je me félicite donc que le Sénat, contraint à un vote conforme, ne remette pas en cause cette mention.

M. le président.  - Amendement n°91 rectifié, présenté par MM. Renar et Autain.

Supprimer cet article.

M. Ivan Renar.  - Malgré mon attachement aux langues régionales, j'estime qu'elles n'ont pas leur place dans la loi fondamentale. Le sujet est suffisamment important pour faire l'objet d'une loi spécifique. Les langues régionales valent mieux que cette instrumentalisation ! Comme le dit Félix Leyzour, ancien député des Côtes-d'Armor, amoureux du breton, le problème des langues et cultures régionales doit être abordé avec l'objectif de servir la cause des langues régionales, et non pour s'en servir à des fins politiques.

L'inscription de la langue française dans la Constitution en 1992 n'a pas permis d'endiguer la régression de son usage, y compris dans les instances où elle est pourtant l'une des langues officielles.

Cela devrait faire méditer ceux qui veulent inscrire les langues régionales dans la Constitution. Ce n'est d'ailleurs pas non plus un passage obligé pour la ratification de la Charte des langues européennes. En revanche, la protection des langues ne doit pas faire de nos concitoyens des individus classés en fonction de leurs groupes ethniques au sein d'une Europe supranationale.

Alors que j'ai toujours été un partisan résolu du plurilinguisme et un ardent défenseur de la diversité culturelle, je m'inquiète de l'insuffisance des moyens pourtant indispensables à une réelle promotion de toutes les langues. Grâce aux langues régionales, de nombreux français apprennent à parler rapidement deux langues et l'éducation nationale a tout à gagner de ce bilinguisme qui est un atout car il favorise l'apprentissage d'autres langues. Avec la mondialisation, le monde est devenu un village et notre pays a grand besoin de personnes qui parlent le chinois ou l'arabe. Nous avons aussi la chance de pouvoir compter sur des immigrés dont c'est la langue maternelle.

L'introduction des langues régionales au sein titre XII de la Constitution relatif aux collectivités territoriales, loin d'être à mes yeux un compromis acceptable m'inquiète : c'est la porte ouverte à de nouveaux désengagements de l'État avec, à la clé, des transferts de charges sur des collectivités déjà asphyxiées. Ce serait alors un sérieux recul pour les langues régionales ! Une véritable décentralisation n'a de sens qu'accompagnée de moyens financiers et humains. C'est tout le sens de la proposition de loi que nous avons déposée car pour que les langues régionales vivent, elles n'ont pas besoin d'être inscrites dans la Constitution mais d'être parlées dans la rue, à l'école et dans les médias.

M. le président.  - Il est temps de conclure !

M. Ivan Renar.  - La diversité linguistique est un véritable patrimoine commun de l'humanité, aussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité dans l'ordre du vivant. La France doit valoriser sa propre diversité, d'autant qu'elle a ratifié la convention de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Néanmoins, on peut être pratiquant et partisan des langues régionales sans pour autant vouloir les inscrire dans la loi fondamentale. D'autant que, sur le fond, nous aurons à nous prononcer sur un projet de révision de la Constitution qui, en amoindrissant les pouvoirs du Parlement, affaiblit la démocratie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous avez bien du mal à trouver une majorité. Quel gain pour les langues régionales si la révision n'est pas adoptée à Versailles comme nous l'espérons ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Comme nous l'avons déjà dit, les langues régionales n'ont certainement pas leur place à l'article premier, ni à l'article 2 qui traite de la souveraineté. Le dialogue entre nos deux assemblées a permis de leur trouver une place plus adéquate, après les articles relatifs à la décentralisation. Nous reconnaissons ainsi les langues régionales sans pour autant leur donner un rang qu'elles ne peuvent avoir. L'avis est donc défavorable et je pensais que M. Renar allait retirer son amendement étant donné son vibrant plaidoyer en faveur des langues régionales.

Afin de rassurer M. Legendre, la francophonie figure à l'article suivant.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Même avis défavorable.

M. Gaston Flosse.  - J'aimerais entendre M. le rapporteur me confirmer que les multiples langues de l'outre-mer sont concernées par cet article. Même si la langue officielle reste le français, j'espère que dorénavant, nous pourrons nous exprimer dans nos langues natales au sein de nos assemblées, ce qui nous est aujourd'hui interdit.

Enfin, je voudrais dire à M. Renar qu'il manque un peu de cohérence : après avoir dit que les langues régionales étaient une richesse pour la Nation, il refuse de leur accorder la moindre reconnaissance dans la loi fondamentale. Nous ne sommes absolument pas d'accord avec lui, car nos langues sont le support de nos cultures.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je suis d'accord avec cet article, mais ce qu'a dit M. Flosse m'inquiète. Est-ce que la reconnaissance des langues régionales implique la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires ? Vont-elles pouvoir être utilisées à titre officiel dans les assemblées de Polynésie ?

M. Gaston Flosse.  - Je n'ai pas dit officiel !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Excusez-moi, mais lorsqu'on veut employer une langue régionale dans une assemblée, cela signifie bien quelque chose !

M. Gaston Flosse.  - Le français resterait la langue officielle !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je m'adresse à M. le rapporteur et j'attends une réponse de sa part.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La reconnaissance des langues régionales comprend bien entendu celles de l'outre-mer. D'ailleurs, si un rapport de 1999 rendu au ministre de l'éducation nationale fait état de 79 langues régionales, c'est bien parce que celles de l'outre-mer sont prises en compte. En revanche, cet article n'offre aucun nouveau droit et la jurisprudence du Conseil constitutionnel rappelle que le français doit être obligatoirement utilisé dans la sphère publique, conformément à l'article 2 de la Constitution. Certes, l'enseignement peut être dispensé dans une langue régionale, mais à condition qu'il ne soit pas obligatoire.

M. Ivan Renar.  - Il n'est pire sourd qui ne veut entendre ! Je ne suis pas opposé aux langues régionales, monsieur Flosse, mais je m'interroge sur l'opportunité de les mentionner dans la Constitution et je pense même que cela risque d'être dangereux si cette inscription flatte les courants identitaires. En revanche, une loi spécifique serait nécessaire pour en assurer la défense et pour les développer. Mais je me sens un peu seul à défendre ce point de vue et j'ai un peu le sentiment d'exposer les rêveries d'un promeneur solitaire... (Sourires)

L'amendement n°91 rectifié n'est pas adopté.

L'article 30 septies est adopté.

Article 31 bis

I. - Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 87 ainsi rédigé :

« Art. 87. - La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage. »

II. - Non modifié.........

L'amendement n°30 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°31.

L'article 31 bis est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution est supprimé.

Amendement n°85, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution est abrogé.

M. Robert Bret.  - Étant donné le « non » de l'Irlande, la caducité du traité de Lisbonne doit être prise en compte dans la Constitution. Un nouveau traité sera indispensable. Dans le cas contraire, ce serait une violation flagrante du droit international, comme ce fut le cas avec ce traité de Lisbonne en dépit du « non » français au référendum du 29 mai 2005. Nous vous proposons donc d'actualiser la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le sort définitif du traité de Lisbonne n'est pas encore connu : la Belgique l'a ratifié le 8 juillet et l'Espagne très récemment. D'ores et déjà, 23 pays sur 27 ont déjà donné leur accord. Attendons l'issue des consultations qui restent en cours. L'avis est donc défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°84 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°85.

Article 32

L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne.

« Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.

« Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes. »

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 88-4 de la Constitution, remplacer les mots :

est instituée une commission chargée

par les mots :

est institué un comité chargé

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il faut en revenir à la rédaction que nous avions adoptée en première lecture concernant la dénomination de l'actuelle Délégation pour l'Union européenne afin de lui donner une véritable existence transversale, indépendante des commissions permanentes.

Comme le disait notre rapporteur en première lecture : la dénomination de « comité chargé des affaires européennes », qui avait été proposée par nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet, est préférable, quoi qu'en disent certains députés, à celle de « commission chargée des affaires européennes ».

Il faut en effet mieux identifier ces organismes qui occupent aujourd'hui une place essentielle dans chaque assemblée, en les distinguant des commissions permanentes et des commissions spéciales.

Notre rapporteur ajoutait que le président de la délégation pour l'Union européenne, M. Haenel, approuvait son amendement.

Tout le monde était d'accord. Mais le rapporteur change d'avis, pour satisfaire la volonté de l'Assemblée nationale... Suivons le sage raisonnement de M. Hyest en première lecture !

M. le président.  - Amendement identique n°140, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Bernard Frimat.  - Exposé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Effectivement, comité me semble meilleur. Mais au plan européen, il n'y a pas de différence : committee signifie à la fois commission et comité. Le président de la Délégation de l'Assemblée nationale est très attaché au terme de commission. Cela ne change rien aux fonctions respectives des commissions permanentes et des délégations. Fallait-il une troisième lecture pour régler ce point ? Dans le dialogue entre les deux assemblées, le Sénat a obtenu bien plus, sur des points essentiels, l'équilibre des juridictions par exemple.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Merci de nous éviter une troisième lecture pour cela... Il ne s'agit bien sûr pas de commissions au sens de l'article 43 de la Constitution. Défavorable.

Les amendements identiques n°s5 et 140 ne sont pas adoptés.

L'article 32 est adopté.

Article 33

L'article 88-5 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-5. - Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République.

« Toutefois, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 89. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - En première lecture, nous avons été très nombreux à nous opposer à l'amendement anti-Turquie. Nous l'avons supprimé, sans hélas convaincre l'Assemblée nationale de s'en tenir à l'article 89 de la Constitution. Dans le texte qui nous revient, le référendum est le principe, sauf si les trois cinquièmes des parlementaires s'y opposent. Quoi que nous fassions, l'article 88-5 de la Constitution sera marqué au sceau de la discrimination et de la méfiance -y compris celle du Président de la République- à l'égard de la Turquie. Ce texte n'est que le prolongement édulcoré de ce que nous avions supprimé et qui ressuscite sous une forme où toute mention à la population est absente, mais où l'ombre de la Turquie plane... Quelle hypocrisie ! L'article n'est que le résultat d'un tripatouillage visant en même temps à contenter les 85 députés farouchement opposés à l'adhésion de la Turquie et à rassurer ceux d'entre nous qui voyions dans la rédaction une insulte au peuple turc. On chercher à l'exclure sans en avoir l'air, par un bricolage juridique. Mais le mal est fait et si l'on ne revient pas à la procédure de l'article 89, l'insulte demeurera, quel que soit l'enrobage pour masquer le mépris.

M. Josselin de Rohan.  - Je me félicite que le vote du Sénat ait été pris en compte par l'Assemblée nationale. Nous avions à une très large majorité repoussé une rédaction offensante pour un pays ami et allié -ce qui illustre l'intérêt d'une seconde chambre pour corriger les excès de la première. Je ne souscris pas aux propos excessifs de Mme Boumediene-Thiery. Le référendum a toujours été un moyen d'approbation des traités. Et l'actuel Président de la République, comme son prédécesseur, a toujours dit qu'il y recourrait, pour la Turquie, en raison des problèmes posés. Ce qui serait offensant serait de ne le faire que pour la Turquie.

M. Bruno Retailleau.  - Absolument.

M. Josselin de Rohan.  - L'Assemblée nationale prévoit qu'une majorité qualifiée pourra nous dispenser d'organiser un référendum. On ne va tout de même pas faire un référendum d'adhésion pour le Montenegro, le Kosovo, la Macédoine, la Serbie... (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat soupire)

On connaît le coût d'un référendum, les taux d'abstention et la tendance à répondre à tout autre chose qu'à la question posée. Pour certains pays, qui ne présentent pas de pas problème, la ratification parlementaire est parfaitement légitime, elle a toujours existé dans notre Constitution. J'étais hostile à la rédaction votée par les députés en première lecture, mais le dispositif est à présent raisonnable et n'offense personne.

M. Bernard Frimat.  - Je crois que 297 d'entre nous avaient voté contre la rédaction en première lecture et 7 pour. Nous voulions sans équivoque supprimer des dispositions discriminatoires. Nous avions rendu au Président de la République sa capacité de choix entre le référendum et la ratification parlementaire. Cette position était la bonne et nous n'en changerons pas. Pourquoi, en effet, renverser la charge de la preuve ?

M. de Rohan dit que le référendum vaudra pour tout le monde -enfin, pas tout à fait, car dans certains cas cela ne se justifie pas... Il serait plus simple de laisser le Président de la République arbitrer. Mais un compromis a été trouvé, interne à l'UMP. C'est un système qui, plus discrètement, moins pesamment, reste orienté précisément sur la Turquie. Nous ne nous associerons pas à votre réunion de famille.

M. Christian Cointat.  - Je n'avais pas voté la réforme constitutionnelle qui a rendu obligatoire le référendum avant toute adhésion, car je ne pouvais accepter de retirer au Président de la République le choix de la méthode de ratification. J'ai, en première lecture, voté la rédaction du Sénat qui restaure le choix du chef de l'État. Je ne vois pas comment un président pourrait passer outre un référendum sur la Turquie ; mais ne pas rendre le référendum obligatoire est judicieux. Imaginez-vous un référendum sur l'adhésion de la Suisse ? Tenant compte de l'effort accompli, je voterai ce texte, encore qu'un peu contraint.

Mais j'ai lu dans la presse que pour M. de Villiers, cela ne suffit pas. Si le référendum n'est pas obligatoire, menace-t-il, son parti ne vote pas la révision.

Là, je dis non. Je vous lance un appel, monsieur Retailleau : faites un effort, vous aussi ! Pour éviter un référendum, il faudra que tout le monde y mette du sien. Nous faisons vraiment un gros effort.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ils en sont à recruter chez Villiers !

M. Bernard Frimat.  - C'est la pêche aux voix !

M. Robert Bret.  - Ce projet de loi visait à revenir sur la disposition antiturque qui avait été introduite dans la Constitution en 2005, à l'initiative de Jacques Chirac. Nous avions dénoncé, à l'époque, cette disposition d'opportunité visant à rassurer une partie de la majorité hostile à l'entrée de la Turquie dans l'Union. Ce traitement discriminatoire réservé à la Turquie étant trop visible, le projet de loi initial sur la réforme des institutions revenait sur cette disposition et prévoyait que toute loi autorisant la ratification d'un traité élargissant l'Union européenne puisse être adoptée après un vote en termes identiques des deux chambres, selon deux procédures alternatives : soit la voie référendaire, soit la voie du Parlement réuni en Congrès. L'Assemblée nationale a préféré conserver le principe du référendum obligatoire préalablement à l'entrée éventuelle de la Turquie dans l'Union européenne, tout en écartant cette obligation pour d'autres pays candidats. D'où une rédaction compliquée et confuse qui faisait appel à la démographie et rendait obligatoire le référendum pour les seuls États dont la population représente plus de 5 % de la population de l'Union.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a de nouveau modifié l'article 33 du projet de loi. Il est ainsi prévu que le référendum soit la voie ordinaire pour toutes les nouvelles adhésions mais qu'il soit possible de recourir à la voie du Congrès en cas de quasi-consensus parmi les parlementaires. Selon les mots de Mme la Garde des sceaux : « la consultation du peuple français pour les élargissements les plus importants sera donc assurée par cette voie. Inversement, il sera possible d'éviter d'organiser des référendums de façon trop rapprochée dans des hypothèses où il n'y a pas d'enjeu ». Que signifie l'expression « élargissement important » et quels sont les élargissements pour lesquels « il n'y a pas d'enjeu » ? Quels critères permettront de définir l'importance ou non d'un élargissement ? Cela semble bien flou. Et pour cause, il s'agit d'une disposition d'opportunité visant toujours la Turquie.

Il reviendra au Parlement de décider s'il y a ou non un problème ou pas pour l'adhésion de tel ou tel ? Non. C'est au peuple de le faire. Il s'agit du destin de nos peuples et seuls les peuples doivent avoir la possibilité de décider, et non pas ceux qui exercent le pouvoir en leur nom. La démocratie muselée qui nous est proposée ne débouche pas sur l'avenir mais sur une impasse.

C'est pourquoi le groupe CRC souhaite que cet article soit supprimé de ce projet de loi. Nous sommes pour que le peuple puisse se prononcer directement sur l'entrée dans l'Union de tout État.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Darniche et Seillier.

Supprimer cet article.

M. Bruno Retailleau.  - Nous voulons rétablir le verrou référendaire tel que le président Chirac l'avait proposé et tel qu'il avait été voté par cette majorité au Congrès de février 2005. Ni plus, ni moins.

M. Cointat nous dit en substance : il n'y aura pas de problème puisqu'il y aura un référendum de toute manière. En ce cas, autant revenir au texte de 2005. La rédaction qui nous est proposée aujourd'hui est très ambiguë puisqu'elle supprime l'automaticité du référendum. Le problème est de savoir si les Français pourront avoir le dernier mot en cas d'élargissement important.

On met en place un regrettable engrenage : en 1999, au sommet d'Helsinki, on reconnaît la Turquie comme candidate.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - 1963 !

M. Bruno Retailleau.  - En 2004, on ouvre les négociations ; ensuite, sous présidence allemande, on progresse encore ; aujourd'hui, on fait sauter le verrou référendaire. J'y vois une logique qui va rendre le référendum très improbable, d'abord parce qu'on aura demandé aux Turcs d'énormes efforts.

En outre, on accrédite ainsi l'idée d'une Europe non démocratique. Le Président de la République a dit à juste titre qu'il y avait eu des erreurs à propos de l'Europe. La principale a été de maintenir les peuples à l'écart de sa construction. Depuis combien de décennies n'a-t-on pas consulté le peuple à propos d'un élargissement européen ? Et quand on le consulte et qu'il ne donne pas la réponse attendue, on contourne sa volonté explicite.

Ne vous y trompez pas, ce que les Français retiendront de cette réforme constitutionnelle, ce ne sera pas le 49-3 ou le partage de l'ordre du jour mais bien cette suppression de l'ultime garantie qu'ils seraient consultés sur les prochains élargissements. Il revient tout de même au peuple de dire si, oui ou non, il souhaite partager son destin avec tel autre peuple.

M. Christian Cointat.  - Nous allons à votre rencontre et vous dites cela ! C'est incroyable. J'en viens à regretter le chemin que nous avons fait vers vous.

M. le président.  - Amendement identique n°86, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

M. Robert Bret.  - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°141, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 88-5 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-5. - Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne et aux Communautés européennes est adopté selon la procédure prévue aux deuxième et troisième alinéas de l'article 89. »

M. Bernard Frimat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après les mots :

relatif à

rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 88-5 de la Constitution :

l'Union européenne et aux Communautés européennes est adopté selon la procédure référendaire.

M. Robert Bret.  - Les auteurs de cet amendement s'interrogent sur la présence dans un texte prétendant moderniser la Ve République d'une disposition refusant au peuple le pouvoir de se prononcer de plein droit sur tout ce qui a trait à l'Union européenne. C'est pourquoi ils proposent que cette consultation soit généralisée à tout nouveau traité européen.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Sur cet article 33, nous avions pris en première lecture une position très claire qui n'est pas remise en cause par la rédaction qu'a finalement retenue l'Assemblée nationale.

M. Henri de Raincourt.  - C'est l'inverse.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Oui, dans la formulation, pour aboutir au même résultat. Le Sénat doit être cohérent avec lui-même et rejeter ces amendements.

Je rappelle à nos collègues CRC que, si la souveraineté appartient au peuple, celui-ci ne l'exerce par que par la voie du référendum mais par ses représentants. On pourrait évidemment supprimer le Parlement et faire des référendums sur tous les projets, ce serait intéressant...

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Défavorable à ces amendements. L'équilibre auquel a abouti l'Assemblée nationale est satisfaisant. Le référendum demeurera la règle mais l'élargissement pourra être adopté par le Congrès si les deux assemblées le demandent à la majorité des trois cinquièmes de chaque côté. Nous pourrons ainsi éviter des référendums à répétition.

M. Bernard Frimat.  - Quelle surprise !

M. Pierre-Yves Collombat.  - A titre personnel, je voterai les amendements de suppression afin de n'établir aucune discrimination entre les pays et de rendre la parole au peuple, trop ignoré dans la construction européenne.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous savons bien que la souveraineté est aussi exercée par les représentants du peuple, merci de la leçon. Mais il nous paraît que, sur des questions importantes, il était souhaitable que le peuple soit directement consulté. Nous sommes évidemment hostiles au plébiscite mais l'expérience montre qu'une campagne référendaire donne l'occasion d'un large débat public au cours duquel le peuple s'approprie une question et ne vote pas forcément comme les parlementaires.

Il arrive que le peuple ne vote pas comme le voudrait son gouvernement : on l'a vu en France en 2005, en Irlande cette année. Sur l'Europe, les peuples constatent un déni de démocratie et ils veulent désormais être consultés. Alors, autant le faire pour tout élargissement. De plus je trouve choquant que les représentants du peuple lui dénient le droit de s'exprimer par lui-même.

L'amendement n°18 rectifié, identique à l'amendement 86, n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s141 et 87.

L'article 33 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°142, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 89 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 89. - L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, et aux membres du Parlement. 

« Lorsque le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux assemblées en termes identiques, la révision est définitive après avoir été approuvée par un référendum organisé dans les six mois par le Président de la République.

« Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale. 

« Lorsque le projet ou la proposition de révision n'a pas été voté en termes identiques après deux lectures dans chaque assemblée, le Président de la République peut le soumettre au référendum.

« Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire.

« La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision. »

M. Bernard Frimat.  - Nous proposons, en cas de désaccord entre les deux assemblées, de trancher par référendum.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable, comme en première lecture.

L'amendement n°142, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 33 bis

Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 89 de la Constitution, après le mot : « être », sont insérés les mots : « examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et ». 

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le troisième alinéa du même article est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le projet ou la proposition de révision réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans chaque assemblée, la révision est définitive.

« Toutefois, lorsque le projet ou la proposition de loi n'a pas été voté en termes identiques après deux lectures par chaque assemblée, le Président de la République peut soumettre au référendum le texte adopté à la majorité absolue des suffrages exprimés par l'une ou l'autre des assemblées. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Même objet que le précédent. Le comité Balladur proposait une telle solution. Ce comité a fait d'intéressantes propositions, sur la proportionnelle par exemple : celles-là, on ne les a pas retenues...

L'amendement n°88 n'est pas adopté.

L'article33 bis est adopté.

Article 34

I. - Les articles 11, 13, le dernier alinéa de l'article 25, les articles 34-1, 39, 44, 56, 61-1, 65, 69, 71-1 et 73 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application.

II. - Les articles 41, 42, 43, 45, 46, 48, 49, 50-1, 51-1 et 51-2 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur le 1er mars 2009.

III. - Supprimé ......

IV. - Non modifié .......

M. le président.  - Amendement n°143, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. Dans le I de cet article, supprimer les mots :

le dernier alinéa de l'article 25,

II. Le même I est complété par une phrase ainsi rédigée :

Les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution entrent en vigueur le 1er janvier 2009.

M. Bernard Frimat.  - Cet amendement tire les conséquences de l'engagement de madame la ministre de la justice selon lequel la commission chargée de donner un avis sur le découpage des circonscriptions sera créée par une loi avant le 31 décembre 2008. Que l'amendement soit repoussé ne devrait pas l'empêcher de tenir cet engagement...

M. le président.  - Amendement n°144, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

présente loi constitutionnelle

rédiger comme suit la fin du IV de cet article :

s'appliquent aux députés et sénateurs amenés à accepter de telles fonctions postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi organique prévue à cet article.

M. Bernard Frimat.  - Cet amendement vise un petit confort que s'octroient les membres de l'actuel gouvernement qui prétendent retrouver leurs sièges de parlementaires s'ils quittent leurs fonctions ministérielles avant la fin du mandat de leurs remplaçants. Peut-être ceux-ci vont-ils se réveiller d'ici lundi, se rendant compte qu'ils s'apprêtent à voter leur propre disparition. Mais c'est leur affaire...

Une correction minimum exigerait de ne pas rendre cette loi rétroactive en l'appliquant aux ministres déjà en fonction au moment de l'entrée en vigueur de la loi organique. Mais on comprend que ces anciens parlementaires devenus ministres aient envie de grappiller pour eux cette facilité : c'est humain... mais ça n'est pas convenable. Nous proposons donc un changement de date, un petit effort dans cette révision globalement si médiocre.

M. le président.  - Amendement n°145, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions de l'article 56 relatives au statut de membre de droit à vie des anciens Présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle ne s'appliquent pas aux anciens Présidents de la République actuellement membres de droit du Conseil constitutionnel.

M. Bernard Frimat.  - Il n'a plus guère d'objet.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après les mots :

présente loi constitutionnelle,

rédiger comme suit la fin du IV de cet article :

s'appliquent à compter du prochain renouvellement de l'Assemblée nationale et des prochains renouvellements partiels du Sénat.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous avions, en première lecture, eu l'agréable surprise de voir cet amendement soutenu par le rapporteur et par la commission des lois. En séance publique, M. le rapporteur avait bien précisé que l'article 10 s'appliquerait aux ministres amenés à accepter leurs fonctions après l'entrée en vigueur de la loi organique. Sur la base de cette garantie, j'avais voté cet article 10.

Arrivés à l'examen des dispositions finales, nous nous sommes rendu compte que le banc de la commission s'était vidé, que notre collègue Lecerf, qui avait déposé un amendement similaire, n'était plus là pour le défendre et que, finalement, notre rapporteur se retrouvait seul de la majorité à soutenir notre proposition. Pour reprendre les mots de Mme Kosciusco-Morizet, nous avons assisté à un véritable « concours de lâcheté » (protestations à droite) de la part de parlementaires qui, pour la première fois sur ce texte, ne suivaient pas le rapporteur mais le Gouvernement, soudés par une surprenante solidarité de groupe qui contrastait avec leur position en commission des lois.

Le Gouvernement est vraisemblablement passé par là : ce n'est pas la première fois mais, en cette occasion, vous donnez l'image paroxystique d'une majorité corsetée, muselée, condamnée à exécuter la volonté du Gouvernement. (Vives protestations à droite)

M. Henri de Raincourt.  - Occupez-vous de vos affaires, pas des nôtres !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Car cette disposition, au seul bénéfice du Gouvernement, crée un parachute doré pour ceux qui ont quitté un siège de parlementaire et qui souhaitent le retrouver. Vous prétendez qu'il ne s'agit pas de rétroactivité mais d'application immédiate. Soyons honnêtes : pour les suppléants, cela aura un effet rétroactif. Rien n'est prévu pour eux. Vous les méprisez et les transformez en pantins démocratiques que vous maniez selon les désirs du prince. (Mêmes mouvements) L'objet de cet amendement est de mettre fin à cette mascarade.

M. Henri de Raincourt.  - Vulgaire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Tout ce qui est excessif est insignifiant. Il n'y a pas rétroactivité, il y a application immédiate. Avis défavorable aux amendements n°s4 et 144.

Retrait ou rejet du n°143 qui est inutile : si vous aviez lu mon rapport, monsieur Frimat, vous auriez été rassuré.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Avis défavorable à tous les amendements. (Applaudissements à droite)

M. Henri de Raincourt.  - Argument en béton ! C'est convaincant au moins.

L'amendement n°143 n'est pas adopté.

M. Jean-René Lecerf.  - Je ne porterai pas plainte contre Mme Boumediene-Thiéry bien qu'elle m'ait volé mon exposé des motifs. Je regrette sa diatribe sur la lâcheté. J'ai considéré que l'application immédiate était une maladresse. Mais le bilan de la réforme me paraît globalement positif et je la voterai. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - La confiance est en cause : les élections législatives et sénatoriales se sont déroulées avec certaines règles du jeu. Il serait choquant que les suppléants des ministres soient brutalement démis de leurs fonctions parlementaires.

Des arguments de fond, rappelés par M. Frimat, s'opposent à ce que le nouveau régime entre en vigueur pour les ministres nommés avant le vote - éventuel- du projet de loi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La question a été tranchée !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est pitoyable que notre débat ne serve à rien et que nos arguments ne soient pas écoutés...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Tout a été dit en première lecture !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... alors que l'on prétend conforter les droits du Parlement.

L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s144 et 145.

L'article 34 est adopté.

Article 35

I. - A compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa de l'article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne » sont remplacés par les mots : « les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne » ;

2° Dans l'article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés ;

3° Les deux derniers alinéas de l'article 88-6 sont ainsi rédigés :

« Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement.

« A cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. A la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit. »

II et III. - Non modifiés ...

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Robert Bret.  - Il n'y a pas lieu de coordonner la révision constitutionnelle avec le traité de Lisbonne, désormais caduc.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans la seconde phrase du dernier alinéa du I de cet article, après les mots :

soixante sénateurs

insérer les mots :

ou d'un groupe parlementaire

M. Robert Bret.  - Par cohérence, nous souhaitons qu'un groupe parlementaire puisse saisir la Cour de justice des Communautés européennes.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°90.

Il en va de même pour l'amendement n°89, bien qu'il soit intéressant puisque le groupe CRC souhaite conserver ainsi un moyen d'action ouvert par le traité de Lisbonne, dont il demande par ailleurs la suppression.

L'amendement n°90 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°89.

L'article 35 est adopté.

Explications de vote

M. le président.  - Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

M. Pierre Laffitte.  - Aucune loi n'est parfaite. Celle-ci non plus, mais elle comporte des avancées considérables, notamment des droits nouveaux au profit des groupes n'appartenant ni à la majorité ni à l'opposition, outre un pouvoir accru de tous les parlementaires en matière d'initiative législative.

Une majorité de mon groupe votera donc le texte.

M. Patrice Gélard.  - En premier lieu, je rends hommage à notre rapporteur, M. Hyest, (applaudissements à droite) pour son travail considérable et ses talents diplomatiques grâce auxquels de nombreux apports du Sénat ont abouti.

Cette révision constitutionnelle prolonge logiquement le quinquennat et l'inversion du calendrier. Elle est conforme aux promesses faites par le Président de la République et tient compte des travaux du comité Balladur. Elle dote d'un statut le chef de l'État et renforce considérablement le pouvoir du Parlement. S'ajoutent la francophonie, les langues minoritaires, le référendum d'initiative parlementaire, l'exception d'inconstitutionnalité, la révision du CSM et l'admission des nouveaux États dans l'Union européenne.

Nous allons donc adopter une révision d'une grande potentialité, mais il reste beaucoup de travail législatif à faire en peu de temps, notamment l'adoption de sept lois organiques.

Certains peuvent être déçus parce que leurs propositions n'ont pas été retenues, mais une révision constitutionnelle ne doit pas tout changer en une fois. Il vaut mieux adapter la Constitution un peu chaque année pour aller au fond des choses : ce n'est pas une tente fixée pour le sommeil.

A l'issue de nos travaux, nous avons une bonne base pour démocratiser nos institutions, si nous savons l'utiliser. Le groupe UMP votera cette révision. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Frimat.  - Nous avons tenu à ce que cette deuxième lecture donne lieu à un vrai débat, car le vote conforme décidé par certains ne signifiait pas à notre avis que la messe était dite, mais je rends hommage à ceux qui ont silencieusement assisté à cette discussion...

Après ce non débat et le silence conforme de la majorité, aucun amendement n'a été adopté. C'était pourtant votre dernière chance ! Nous avions évoqué cette possibilité.

A Versailles, nous exposerons derechef les raisons très précises qui nous font repousser ce texte médiocre, cette révision insuffisante et cette démarche clanique privilégiant la victoire d'un camp sur un autre, en excluant tout dialogue. Si, vous avez dialogué au sein de l'UMP. Je salue cette novation démocratique !

Vous avez tenté, avec frénésie mais en vain, de débaucher des parlementaires socialistes. Loin d'approfondir les droits du Parlement, cette révision conforte le conservatisme du Sénat.

Sur les chaînes de télévision -sans doute peu au fait de certaines réalités- on nous demandait si les annonces nouvelles allaient modifier notre vote. Nous avons donc dû expliquer que nous n'allions pas voter lundi la constitutionnalisation d'un article du Monde, mais un texte où pas un mot n'avait changé. Vous avez voulu que cette révision soit la vôtre, gardez-la ! Mais n'oubliez pas que les groupes communiste, socialiste et Verts n'ont pas la minorité de blocage des deux cinquièmes. Nous le savons depuis le départ. Nous verrons bien ce qui se passera lundi, mais votre tentative de faire porter à la gauche la responsabilité d'un éventuel échec se heurte à son impossibilité mathématique. Si la révision échoue, ce sera parce que d'autres parlementaires auront constaté ses insuffisances.

Que mes propos ne vous enthousiasment pas, monsieur Karoutchi, je n'en suis ni étonné ni navré, mais même au milieu de la nuit il faut avoir des réactions civiles ! Aujourd'hui comme lundi prochain, le groupe socialiste votera à l'unanimité contre cette révision qui aura été une gigantesque occasion gâchée. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cette révision, annoncée après l'élection de Nicolas Sarkozy, mais non avant, aura connu une gestation de neuf mois. Tout d'abord, le comité Balladur a fait connaître 77 propositions qui mettaient en place un régime présidentiel affiché avec un peu de proportionnelle, un Sénat plus démocratique et quelques limitations des pouvoirs du Président. Le projet du Gouvernement, présenté en décembre, organisait un présidentialisme caché sous une prétendue revalorisation des pouvoirs du Parlement. On ne parlait plus de proportionnelle, de modification du scrutin sénatorial ou de limitation des pouvoirs du Président de la République. Cette révision devait faire, selon M. Fillon, l'objet d'un large consensus -qui ne concernait, en fait, que l'UMP. Quant au peuple, il n'en a jamais été question, ni sous la forme d'une consultation populaire, ni d'une amélioration de la représentativité du Parlement.

Aujourd'hui, s'il y a consensus, c'est tout au plus au sein de la majorité présidentielle. Les tentatives de l'opposition pour améliorer le projet et renforcer les droits du Parlement ont été rejetées. La modification de la représentativité des collectivités territoriales a tourné à la caricature à mesure que la propagande annonçant un renforcement des droits du Parlement se dégonflait. Nous avons vu ce qu'il est advenu, notamment, du droit d'amendement.

Nous nous trouvons désormais face à un régime particulier, d'inspiration présidentielle à l'américaine d'une part, avec un Président aux pouvoirs considérables non responsable devant le Parlement, mais pouvant dissoudre ce dernier, et proche d'un parlementarisme rationalisé à l'anglaise d'autre part, mais sans les droits de l'opposition. Bref, un système hybride, assez monarchique, où règne la confusion des pouvoirs, où le fait majoritaire est exacerbé et variable selon que la majorité est de droite ou de gauche.

Le groupe CRC votera résolument contre cette révision qui repousse encore les limites de la Constitution de 1958 vers un présidentialisme exacerbé, contre la façon dont le Président de la République souhaite peser dans le débat -sa prestation d'aujourd'hui dans la presse augure de son comportement futur, lorsqu'il pourra s'exprimer devant le Parlement. Et la grossière pêche aux voix engagée pour convaincre les derniers parlementaires hésitants nous conforte dans notre décision de rejeter cette réforme constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous avons raté une occasion exceptionnelle de moderniser les institutions : les avancées obtenues ne sont satisfaisantes ni pour le Parlement ni pour les citoyens. J'ai plutôt observé une grande inertie et la transformation du Sénat en chambre d'enregistrement.

Nous n'avons pas réformé le Sénat, ni accordé le droit de vote aux étrangers, ce qui aurait permis de donner un nouvel élan à notre démocratie, ni limité le cumul des mandats. Nous n'avons pas introduit de proportionnelle, qui aurait rapproché les assemblées de la société en les féminisant, les rajeunissant, en introduisant de la diversité. La majorité a réduit la révision au minimum, à une réforme de convenance qui sert davantage les intérêts particuliers que l'intérêt général.

Comme nouveauté, nous avons une CMP « UMP », ce qui est regrettable car nous avons fait reculer la démocratie parlementaire. C'est très grave pour notre démocratie, pour notre société et pour l'avenir de notre pays.

M. Robert del Picchia.  - Je serai bref. Je souhaite remercier le Président de la République à qui, lorsqu'il préparait sa campagne, nous avons suggéré de créer des députés des Français de l'étranger. Je remercie le Sénat d'avoir adopté cette nouvelle disposition. Les Français de l'étranger s'en réjouissent : leur assemblée a voté à l'unanimité, moins quelques absentions, en faveur de cette mesure. (Applaudissements à droite)

M. Michel Mercier.  - Je remercie ceux et celles qui ont assuré la bonne tenue de ce débat, en première et plus encore en seconde lecture, où le rôle du Sénat est rendu plus difficile par l'exigence du vote conforme. Cela nécessitait une grande discipline, et le rapporteur a eu la patience de nous en faire comprendre l'enjeu.

L'ambition de cette réforme, comme du rapport Balladur, était de construire une république plus démocratique, aux pouvoirs plus équilibrés. La Ve République a connu, en plusieurs étapes, une présidentialisation accrue avec, en 1962, l'élection du Président de la République au suffrage universel, puis avec le quinquennat et l'inversion du calendrier. Il nous fallait desserrer certaines contraintes institutionnelles pour suivre l'évolution de la société française. Parmi les nombreux articles touchés par la révision, nous distinguons deux grandes catégories de mesures : celles qui augmentent les droits du Parlement et celles qui accordent de nouveaux droits aux citoyens.

La première chambre saisie se prononcera sur le texte de la commission. C'est une révolution ! Nous retrouvons ainsi notre tradition parlementaire, interrompue en 1958. Le Parlement pourra désormais jouer vraiment son rôle : l'ordre du jour sera partagé, et il disposera d'un pouvoir de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. Les pouvoirs du Président de la République seront limités, notamment pour la nomination aux postes sensibles. Cela peut modifier profondément la nature de notre régime.

Des droits nouveaux sont en outre accordés aux citoyens.

L'exception d'inconstitutionnalité manquait à notre droit. Partout ailleurs le justiciable peut demander au juge de ne pas appliquer une loi qui est jugée inconstitutionnelle ; demain cette garantie des droits va entrer dans notre vie juridique, c'est un très grand progrès. Certes, ce sera par la voie de l'exception, et nous aurions pu aller plus loin dans la voie de l'action, de telle sorte en particulier que les groupes parlementaires puissent saisir le juge constitutionnel, mais ce sera pour plus tard. Nous enregistrons déjà un immense progrès.

Nous avons aussi insisté sur le pluralisme, une notion souvent galvaudée, mais que nous plaçons au sommet, parce qu'elle est la condition même de la liberté. Elle consiste à ce que toutes les tendances politiques puissent être reconnues et trouver leur place au Parlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Seule la proportionnelle le garantit !

M. Michel Mercier.  - Le système électoral, effectivement, a toute son importance, mais il ne relève pas de la Constitution, nous en sommes convenus. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement de la plus haute importance. « La liberté ne peut être maintenue que par un agencement capable de traduire le pluralisme des forces sociales en compétition pour le pouvoir » : je fais mienne cette citation de Jean-Louis Seurin extraite des Mélanges Aubry.

Monsieur le ministre, merci d'avoir ouvert une porte, nous devrons cependant attendre lundi pour voir jusqu'où elle est ouverte. Nous sommes ouverts au dialogue, depuis le premier jour ; il en reste trois et nous souhaitons que la réforme porte tous ses fruits, plutôt qu'elle ne se joue, comme le titrait Le Monde du 21 mai, à qui perd gagne ! Madame le Garde des sceaux, monsieur le ministre, il ne dépend plus que de vous que la réforme devienne réalité : à lundi ! (Applaudissements au centre et sur quelques bancs de droite)

L'ensemble du projet de loi constitutionnelle est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 287
Majorité absolue des suffrages exprimés 144
Pour l'adoption 162
Contre 125

Le Sénat a adopté.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Merci à tous, pour votre contribution ! (Applaudissements à droite)

Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 17 juillet 2008 à 15 heures.

La séance est levée à 2 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 17 juillet 2008

Séance publique

A 15 HEURES ET LE SOIR

Discussion du projet de loi (n° 448, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail

Rapport (n° 470, 2007-2008) de M. Alain Gournac, fait au nom de la commission des affaires sociales

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DÉPÔT

La Présidence a reçu de MM. Jacques Valade, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Michel Thiollière, Alain Dufaut, Pierre Martin, Jean-François Humbert et Yves Dauge un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles à la suite d'une mission effectuée en Inde du 19 au 27 avril 2008.