D. LE « NOUVEAU RÔLE » DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Avant le vote de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République, le Conseil constitutionnel n'intervenait guère dans le contrôle de l'adéquation des ressources transférées par l'Etat aux collectivités territoriales avec les charges correspondant aux compétences transférées par lui. Il a même reconnu, dans plusieurs décisions, que la loi pouvait mettre à la charge des collectivités territoriales des obligations de dépenses sans pour autant porter atteinte au principe de libre administration inscrit à l'article 72 de la Constitution, dès lors que ces charges n'étaient pas insupportables pour les budgets locaux 5 ( * ) .

L'article 72-2 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle précitée, a étendu de manière considérable le rôle que sera éventuellement conduit à jouer le Conseil constitutionnel à l'occasion de l'examen du financement des transferts de compétences. En effet, le quatrième alinéa de cet article disposant que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi », le Conseil constitutionnel, s'il est saisi des projets de loi de finances où figureront des compensations de transferts de compétences, pourra contrôler leur conformité à cette norme constitutionnelle. Cette évolution pourrait d'ailleurs traduire une juridictionnalisation des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Toutefois, en l'absence de décision du Conseil constitutionnel portant sur les compensations des transferts de compétences depuis la révision constitutionnelle du 28 mars dernier, il est impossible de connaître l'étendue de son contrôle et donc, la garantie qu'il offre aux collectivités territoriales sur ce point.

En tout état de cause, il convient de souligner que cette garantie constitutionnelle n'est pas une garantie absolue . Votre rapporteur pour avis avait considéré, dans le rapport d'information précité, que « la compensation par l'Etat des charges inhérentes aux transferts de compétences n'a plus qu'une importance relative alors que les collectivités locales subissent par ailleurs des charges sur lesquelles elles n'ont aucune prise et qui ne sont nullement compensées. De surcroît, à l'inverse du principe de compensation, l'Etat incite les collectivités locales à financer des dépenses qui relèvent de ses propres compétences ». Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution précité ne trouveront pas à s'appliquer pour les transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales qui ne correspondent pas à des transferts de compétences. Le cas de la limitation de la durée de l'allocation solidarité spécifique (ASS), prévue dans le projet de loi de finances pour 2004, est à cet égard emblématique : alors que cette mesure entraînera mécaniquement une augmentation du nombre d'allocataires du RMI, et donc, une augmentation de la charge des départements au titre de cette compétence, le gouvernement n'est soumis à aucune obligation légale ou constitutionnelle de prévoir une compensation de cette mesure pour les départements.

* 5 Dans sa décision n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001 portant sur la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, il avait estimé : « les dispositions critiquées n'ont pas pour effet de restreindre les ressources des départements au point d'entraver leur libre administration et de porter ainsi atteinte au principe constitutionnel figurant à l'article 72 de la Constitution ».

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