B. DES MÉCANISMES DE RÉGULATION AFFAIBLIS

La mauvaise conjoncture internationale explique en partie les difficultés des filières agricoles, mais leurs causes résident aussi dans la disparition des mécanismes qui assuraient jusqu'à présent une certaine stabilité des revenus des agriculteurs. Ainsi, le Président de la République précisait-il dans son discours de Poligny que la crise révélait un « défaut de régulation européenne et mondiale » et « des défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles ».

1. Les heureuses incertitudes du volet agricole des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce

Bloquée depuis juillet 2008, la négociation entamée au sein de l'OMC fin 2001 dans le cadre du cycle de Doha pour le développement en vue d'abaisser les protections tarifaires, les soutiens aux exportations et les subventions à la production dont bénéficient les exploitants agricoles, a été relancée en juillet 2009, les chefs d'État du G8 réunis à l'Aquila en Italie appelant à la conclusion de ce cycle en 2010.

La Commission européenne dispose d'un mandat de négociation confié par le conseil des ministres au nom des 27 États membres de l'Union, qui, sur le volet agricole, fixe comme limite de préserver l'équilibre des marchés et les outils de l'actuelle PAC, issue de la réforme de 2003.

Si de nombreuses craintes peuvent être nourries en cas de conclusion d'un accord pour les filières les plus vulnérables (sucre, viande, fruits et légumes) pour lesquelles le différentiel de compétitivité est très important entre l'Europe et les grandes puissances agricoles du Sud, la probabilité qu'un accord puisse intervenir courant 2010 paraît faible aux yeux des observateurs, compte tenu du grand nombre de sujets restant à traiter et des hésitations de l'administration américaine.

Enfin, le maintien d'une exception agricole ne paraît pas totalement illégitime, afin de garantir une sécurité alimentaire de la zone Europe et de prendre en compte tant les exigences de sécurité sanitaire que celles tenant au respect de l'environnement dans les méthodes de production.

2. 2010 : première année d'application du bilan de santé de la PAC

a) Les objectifs du bilan de santé de la PAC

Le contexte du budget de l'agriculture 2010 est marqué par l'entrée en vigueur du bilan de santé de la PAC, qui conduit à une importante réorientation des aides. L'accord du 20 novembre 2008, conclu sous présidence française poursuit l'inflexion de la politique agricole commune dans le sens d'une adaptation aux logiques de marché, les instruments d'intervention étant considérés comme de simples filets de sécurité en cas de crise . Il prépare une révision en 2013 du cadre financier de la PAC, qui devrait se traduire par une réduction importante des soutiens communautaires à l'agriculture.

Dans un cadre financier global inchangé sur la période 2007-2013, le bilan de santé se traduit par sept orientations majeures :

- la poursuite du mouvement de diminution du soutien des prix à la production ;

- la suppression progressive des quotas laitiers : les quotas augmentent de 1 % par an jusqu'à leur suppression définitive en 2015. Pour l'Italie, l'augmentation de 5 % intervient dès la campagne 2009-2010. Des pénalités supplémentaires sont appliquées aux exploitants qui dépassent leur quota ;

- la suppression de la jachère obligatoire en grandes cultures, afin d'augmenter le potentiel de production des exploitations ;

- l 'augmentation de 5 à 10 % du taux de la modulation obligatoire visant à transférer des aides directes à la production agricole vers le développement rural ;

- l 'accentuation du découplage des aides à la production du premier pilier , dans la perspective d'un découplage total des aides directes en 2012 (à l'exception de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes et de la prime à la brebis et à la chèvre). Les aides à certaines productions spécifiques (fourrages séchés, lin, chanvre) restent cependant couplées durant l'intervalle ;

- l 'invitation à une plus grande uniformisation des montants d'aides directes découplées de la production rapportées à l'hectare ;

- le renforcement de la conditionnalité environnementale de l'aide aux agriculteurs.

b) La mise en oeuvre du bilan de santé de la PAC en France

De larges marges de manoeuvre sont laissées aux États membres pour mettre en oeuvre le bilan de santé de la PAC, à travers la « boîte à outils » permettant d'adapter les aides selon les objectifs de politique agricole nationale.

La France a ainsi décidé le 23 février 2009 de réorienter près de 1,4 milliard d'euros sur les 7,9 milliards perçus au titre du 1 er pilier , soit un prélèvement d'environ 18 % sur les aides directes qui se décomposent ainsi :

- c onsolidation des productions fragiles , pour 265 millions d'euros (dont 19 millions prélevés sur le budget national), dont 135 millions au profit du secteur des ovins et caprins, 45 millions pour le soutien au lait de montagne, 30 millions pour soutenir la production de légumes de plein champ et de pommes de terre. Cette consolidation passe également par une revalorisation de l'indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) ;

- instauration d'un nouveau soutien à l'élevage , pour 980 millions d'euros (dont 64 millions prélevés sur le budget national), dont 700 millions de prime au maintien de surfaces en herbe, 240 millions pour la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) et 30 millions d'aides aux fourrages ;

- soutien aux systèmes de production durables , pour 129 millions d'euros (dont 17 millions prélevés sur le budget national), dont 40 millions de soutien à la production de protéines végétales et 57 millions en faveur de l'agriculture biologique ;

- instauration d'outils de couverture des risques sanitaires et climatiques, pour 140 millions d'euros, visant à développer l'assurance récolte et à créer un fonds sanitaire.

La boîte à outils de la PAC

Dans le cadre du bilan de santé, les États membres disposent de plusieurs instruments qui permettent d'adapter le soutien communautaire apporté à leur agriculture :

- l'article 7 du règlement (CE) n° 73/2009 prévoit une modulation progressive de toutes les aides du premier pilier versées supérieures à 5 000 euros. Les montants ainsi dégagés permettent de financer des actions du deuxième pilier de la PAC. Les États membres peuvent décider une modulation supplémentaire, ce que la France n'a pas fait ;

- l'article 68 du même règlement permet de prélever jusqu'à 10 % des aides directes du premier pilier pour les réaffecter sur cinq objectifs : l'environnement, la qualité et la commercialisation des produits, la compensation d'handicaps géographiques ou sectoriels, la revalorisation des paiements découplés à l'hectare dans les zones présentant un risque de déprise agricole, la prise en charge d'une partie des primes d'assurance contre les risques dans le secteur des grandes cultures et la participation aux fonds mutualisés de lutte contre les maladies animales et végétales. La France a choisi d'effectuer un prélèvement à hauteur de 5 % sur le premier pilier, soit environ 420 millions d'euros pour effectuer de telles réorientations.

- l'article 63 du même règlement permet d'utiliser tout ou partie des ressources budgétaires résultant du découplage pour définir de nouveaux droits à paiement ou augmenter leur valeur sur la base des activités agricoles telles que celles basées sur l'herbe ou exigeant des animaux, et dans le cadre de critères objectifs et non discriminatoires telles que le potentiel agricole ou l'environnement. Ce découplage représente 14 % des aides qui étaient versées jusqu'à présent aux grandes cultures et 12,5 % des aides animales.

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